2-811/1 | 2-811/1 |
29 JUIN 2001
Des études récentes réalisées, notamment en son temps, par le Centre coopératif de la consommation ont montré l'inquiétante réalité du phénomène de l'exclusion bancaire, phénomène qui va en s'amplifiant.
La majorité des services sociaux consultés dans le cadre de ces enquêtes ont en effet révélé que bon nombre de personnes à revenus modestes sont confrontées au problème de la fermeture de leur compte par la banque.
Une approche quantitative du problème est très difficile mais on peut avancer que des dizaines de milliers de personnes sont concernées et que le problème n'avait cessé de croître ces dernières années.
À notre époque, l'exclusion bancaire est ressentie comme une forme d'exclusion sociale; le compte bancaire est devenu un élément essentiel dans la gestion des affaires quotidiennes du consommateur, plus, il est devenu un élément de la citoyenneté.
En effet, ne pas disposer de compte bancaire entraîne des problèmes d'ordre administratif, locatif, financier, de gestion et psychologique du fait du sentiment d'exclusion.
Le Rapport général sur la pauvreté souligne à cet égard que « les personnes pauvres ont aussi droit aux services bancaires; il faut certes veiller à éviter les abus mais sait-on que certaines banques refusent déjà d'ouvrir un compte aux ayants droit au minimex ».
Dans son rapport de 1995, l'ombudsman estimait quant à lui que « dans notre société actuelle, il est désormais pratiquement impossible, pour qui a un jour possédé un compte, de s'en passer ».
Il y a quelques années déjà, le Centre coopératif de la consommation a approché la réalité du phénomène par une enquête auprès de plus de huit cents services sociaux du pays et par une enquête auprès des établissements de crédit.
Parmi les causes du problème, on trouve par ordre d'importance :
un compte trop longtemps en négatif;
le manque de revenus;
l'insuffisance de mouvements sur le compte.
D'autres causes sont également citées comme le surendettement, la dénonciation dans le fichier de la centrale des crédits, les comptes improductifs, etc.
L'enquête auprès des établissements de crédit visait, pour sa part, à déterminer l'influence de revenus modestes sur la décision d'ouvrir ou de fermer un compte.
Pourtant, il faut savoir que le traitement et l'évaluation des situations sont réalisés par le directeur d'agence, ce qui entraîne inévitablement des disparités dans les conditions d'ouverture ou de fermeture des comptes bancaires.
Il n'existe pas en droit belge de disposition légale prévoyant le droit ou l'obligation pour tout consommateur de disposer d'un compte bancaire. Depuis 1967, cette obligation existe cependant pour les commerçants (arrêté royal du 10 novembre 1967, modifié par la loi du 22 mars 1993).
Le refus d'ouverture d'un compte bancaire peut néanmoins être considéré comme abusif par la plupart des règles des contrats et celles relatives aux pratiques du commerce.
En outre, si la plupart des règlements généraux prévoient des modalités de clôture du compte, on peut regretter qu'elles soient bien souvent en contradiction avec la directive CE et avec la loi belge relative aux clauses abusives.
Même les personnes économiquement faibles doivent pouvoir disposer d'un compte auprès d'un organisme financier. L'exclusion bancaire constitue aujourd'hui une nouvelle forme d'exclusion sociale inacceptable, d'autant que certains établissements financiers de second plan profitent de la situation en abusant des personnes devenues indésirables dans les grandes banques.
Il s'agit d'éviter la situation inacceptable vécue pourtant aux États-Unis où l'on estime à 20 % les personnes ne pouvant avoir un compte bancaire.
Dans notre pays, diverses initiatives ont déjà vu le jour afin d'assurer ou d'améliorer l'accès à tous au compte bancaire. Parmi les initiatives du secteur bancaire, on retiendra le code de conduite régissant le comportement des caisses d'épargne européennes à l'égard de leurs clients.
Ce code précise une série de recommandations sur le comportement que doivent adopter les institutions d'épargne à l'égard de leurs clients. Il a été adopté en juin 1996 par les banques d'épargne de 21 pays européens.
En outre, suite au dépôt d'une première proposition de loi en la matière, les banques s'étaient engagées à publier une charte destinée à faire face à cette problématique.
Cette charte, publiée effectivement par l'Association belge des banques, relative à l'accès aux services bancaires de base ne semble toujours pas aujourd'hui apporter de garanties suffisantes en matière d'accès et d'exclusion.
Les fusions de banques se sont multipliées et se poursuivent encore, limitant considérablement le choix du consommateur.
La course effrénée à la rentabilité amène de plus en plus les banques à privilégier les clients « rentables » et à délaisser les petits clients, c'est-à-dire ceux dont les revenus se limitent au minimum garanti, voire ceux qui sont déjà fichés comme endettés.
La présente proposition de loi reproduit celle que j'avais initiée en 1996 et dont l'actualité reste donc plus que jamais évidente.
En conclusion, il s'agit de corriger dès à présent des situations inadmissibles et d'en prévenir d'autres qui ne manqueraient pas de survenir.
Article 2
Cet article permet à toute personne majeure de jouir d'un service bancaire de base quel que soit son revenu.
Article 3
Cet article définit le service de base.
Article 4
L'article 4 détermine les modalités à suivre lorsqu'un établissement de crédit décide de clôturer un compte.
Francis POTY. |
Article 1er
La présente loi règle une matière visée à l'article 78 de la Constitution.
Art. 2
Tout établissement de crédit qui offre des comptes courants aux consommateurs doit fournir un service de base à toute personne physique majeure qui y domicilie un revenu périodique.
Le refus de fournir un service bancaire de base et la décision d'y mettre fin ne peuvent pas être fondés sur des critères relatifs au montant de ce revenu.
Art. 3
Le service bancaire de base comprend l'ouverture d'un compte courant sans facilité de caisse, l'usage des services des virements, des domiciliations et des ordres permanents ainsi que l'accès, via une carte de débit, aux distributeurs de billets de banques.
Art. 4
En cas de fermeture d'un compte, l'établissement de crédit est tenu de motiver sa décision par écrit au client et de l'inviter à une entrevue au cours de laquelle ils débattront des motifs invoqués pour la rupture.
Avant de clôturer le compte, l'établissement de crédit est tenu de respecter un délai de 30 jours. Ce délai prend cours à la date de l'entrevue.
Francis POTY. |