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Belgische Senaat

Handelingen

DONDERDAG 14 JUNI 2001 - NAMIDDAGVERGADERING

(Vervolg)

Vraag om uitleg van mevrouw Anne-Marie Lizin aan de vice-eerste minister en minister van Buitenlandse Zaken over «de verslechterende toestand in Macedonië» (nr. 2-497)

De voorzitter. - De heer Antoine Duquesne, minister van Binnenlandse Zaken, antwoordt namens de heer Louis Michel, vice-eerste minister en minister van Buitenlandse Zaken.

Mme Anne-Marie Lizin (PS). - Je ne vous le cacherai pas, j'aurais préféré que M. Michel soit présent ; néanmoins, l'urgence de la situation suppose que l'on puisse au moins interpeller un membre du gouvernement sur une matière qui est étonnamment négligée tant dans l'actualité journalistique belge que dans l'ensemble de la presse européenne.

Les images tristement classiques de réfugiés reviennent à nouveau à l'ordre du jour. Ces réfugiés fuient vers le Kosovo pendant que leurs villages sont bombardés par l'armée officielle macédonienne, visiblement avec l'accord européen. Ceux qui ne partent pas se terrent dans les maisons susceptibles d'être bombardées.

Comment pouvons-nous, en ce début de 21è siècle, en arriver là, dans l'indifférence complète de l'Europe ?

Comment pouvons-nous nous résigner à ce point, en acceptant de voir une armée se venger sur une population minoritaire ?

Par exemple, le ministre est-il informé de l'arrivée de mercenaires ukrainiens et bulgares pour composer les bataillons macédoniens, et de l'annonce, par le premier ministre macédonien, de l'accord d'une jonction militaire avec l'armée serbe ?

Le ministre estime-t-il les efforts européens suffisants pour amener la Macédoine à traiter ses citoyens sur un pied d'égalité et reconnaître aux Albanais de Macédoine la citoyenneté macédonienne, élément de base de l'existence de personnes dans un État ?

L'organisation de cours en albanais, en particulier dans l'enseignement secondaire et dans l'enseignement supérieur, constitue de longue date une revendication majeure. Des Albanais de Belgique tentent de créer une université à Tetovo. À cet égard, le budget promis à l'issue de la conciliation placée sous l'égide de M. Vanderstoel est toujours en souffrance. La Belgique envisage-t-elle de prendre une initiative en la matière ?

J'en viens au volet social. Les quartiers pauvres de la ville de Skopje sont peuplés d'Albanais. Or, les familles albanophones, qui ont souvent de nombreux enfants, se voient refuser l'octroi des allocations familiales au motif qu'elles ne possèdent pas de papiers délivrés par l'État macédonien. Telle est la réalité, en dépit du fait que l'exclusion du bénéfice de ce droit n'est inscrite nulle part...

Enfin, quels sont les contrôles exercés par les institutions européennes, dont nous aurons bientôt la présidence, sur les opérations militaires réelles menées par l'armée macédonienne ?

Je tiens à affirmer, afin de dissiper toute équivoque, que mes préoccupations ne sauraient être interprétées comme étant le reflet d'un soutien aux terroristes. La précision n'est pas anodine car la moindre question sur le comportement de l'armée macédonienne suscite un flot invraisemblable de messages de propagande russe dénonçant un soutien aux terroristes, ce que je démens formellement.

La situation abominable qui prévaut dans ce pays candidat à l'adhésion à l'Union européenne est stupéfiante. Le refus d'entamer le dialogue avec les principaux intéressés et, surtout, le rejet des questions posées par la minorité albanophone me font songer à un autre débat, belge celui-là. Le traitement non militaire du problème est essentiel, à condition d'inviter tous les protagonistes à s'asseoir autour de la table.

M. Antoine Duquesne, ministre de l'Intérieur. - Je comprends la déception de Mme Lizin mais le ministre des Affaires étrangères est actuellement à Göteborg. M. Michel, malgré ses nombreux talents, n'a pas encore le don d'ubiquité. Il m'a donc prié de donner lecture de la réponse suivante : « Depuis le début de la crise en ex-république yougoslave de Macédoine, la Communauté internationale et l'Union européenne en particulier n'ont pas ménagé leurs efforts afin de trouver une solution pacifique et durable. Ainsi, à chaque réunion du Conseil Affaires générales, dont celle du 11 juin dernier, la question de la situation en Macédoine a été examinée. En outre, le Haut représentant secrétaire général de l'Union européenne, Javier Solana, s'est rendu presque toutes les deux semaines à Skopje. Enfin, la Troïka des ministres des Affaires étrangères, dont moi-même ou Mme Neyts-Uyttebroeck faisions partie, s'est déplacée en Macédoine et au Kosovo.

Lors des différents contacts et visites, le message a été très clair : une solution au conflit ne peut être atteinte que par la négociation et le dialogue et non par la violence. Il faut que le pays sorte le plus vite possible de ce cercle vicieux de violence.

Je ne suis pas informé de l'arrivée de mercenaires ukrainiens ou bulgares ou d'un accord avec l'armée serbe. Je ne suis pas sûr par ailleurs que tous les combattants du NLA soient des ressortissants macédoniens. Si l'information concernant l'implication de ressortissants ukrainiens et bulgares était confirmée, la responsabilité des États concernés pourrait être engagée. Tout ce qui va dans le sens d'une internationalisation du conflit me semble dangereux et susceptible d'aggraver encore davantage la crise.

Nous avons apporté notre soutien au gouvernement d'unité nationale dont font aussi partie les deux principaux partis albanais. Nous avons également appelé le gouvernement macédonien à répondre aux actions des extrémistes armés d'une manière mesurée et proportionnée afin d'éviter des victimes civiles.

Simultanément, le gouvernement d'unité nationale doit agir sur le terrain politique. Des réformes concrètes et substantielles sont nécessaires ; il n'y a pas de temps à perdre.

À ce stade, je constate que l'ensemble des forces politiques au sein du gouvernement d'union nationale partagent les objectifs de démilitarisation et de pacification du Président Trajkovski.

Tout comme ses partenaires de l'Union, la Belgique a toujours condamné vivement les actions des extrémistes qui ont pris l'initiative des hostilités. En même temps, nous avons appelé les partis politiques albanais démocratiques à oeuvrer dans le gouvernement d'unité nationale avec les autres forces démocratiques afin de réaliser les réformes nécessaires.

Nous avons également lancé des appels urgents aux dirigeants des Albanais du Kosovo pour qu'ils condamnent sans ambiguïté l'usage de la violence en Macédoine et pour qu'ils se distancient des extrémistes armés. Un appel similaire a été lancé à Tirana. Nous avons plaidé auprès des autorités de la République d'Albanie pour la poursuite de leur politique actuelle.

En ce qui concerne l'Université de Tetovo, je vous rappelle mon engagement à la financer à hauteur de 20 millions de francs. Toutefois, la gestion globale du projet relève du Haut Commissaire de l'OSCE pour les Minorités nationales qui a déjà fait un travail remarquable en Macédoine et est à l'origine de cette proposition. Dès que les travaux auront suffisamment progressé, la contribution belge pourra trouver à se concrétiser. »

Mme Anne-Marie Lizin (PS). - Je remercie le ministre de faire un effort d'extension de son champ d'action !

Il me paraît difficile de poursuivre la discussion sur ce que pourrait être le rôle de la présidence belge.

Il est évident que parmi les combattants, certains ne sont pas de nationalité macédonienne : étant albanophones, ils n'ont pas accès à cette nationalité.

J'en viens à l'extension du conflit. Les pilotes des hélicoptères qui bombardent sont officiellement ukrainiens. D'aucuns ne veulent peut-être pas l'admettre mais le conflit est beaucoup plus large qu'il n'y paraît.

Enfin, en ce qui concerne Tetovo, il me paraît impensable que l'on ne trouve pas de solution sur une matière qui est en discussion depuis huit ans. Il est tout à fait compréhensible qu'une minorité qui n'obtient pas de réponse pendant autant d'années passe à une action différente, surtout dans la perspective d'un débat sur l'adhésion à l'Union européenne.

Je vous invite, monsieur le ministre, à suggérer au ministre des Affaires étrangères de se plonger dans cette matière délicate en vue d'une pacification ultérieure de l'ensemble. Je lui rappelle par ailleurs que plusieurs centaines de prisonniers albanophones ont été emmenés dans des prisons de Serbie et qu'à ce jour, ils n'ont pas encore été libérés malgré l'évolution du régime à Belgrade.

Je pense que durant la présidence belge de l'Union, des initiatives pourraient être prises concernant ce dossier, qui est toujours pendant dans cette zone.

-Het incident is gesloten.