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Sénat de Belgique

Annales

JEUDI 14 JUIN 2001 - SÉANCE DE L'APRÈS-MIDI

(Suite)

Proposition de loi complétant le Code des impôts sur les revenus 1992 en ce qui concerne le soutien de la production d'oeuvres audiovisuelles (de M. Philippe Monfils, Doc. 2-703)

Discussion générale

M. Jacky Morael (ECOLO), rapporteur. - Pour les détails, je renverrai au rapport écrit qui est suffisamment explicite sur les différents points qui ont été abordés. Je m'en tiendrai à quelques points phares.

Nous sommes ici au carrefour de deux domaines, d'une part, celui du soutien culturel qui relève des compétences des communautés et à certains égards des régions et, d'autre part, celui de la politique fiscale qui relève de la compétence fédérale.

L'auteur de la proposition souhaitait augmenter l'éventail des aides accordées à la création cinématographique. Un premier écueil apparaissait, celui du croisement des compétences communautaires et fédérales. S'ajoutaient à cela les aides européennes existantes.

Certains auraient pu plaider pour des accords de coopération. La discussion générale a montré que la complexité institutionnelle du pays empêchait d'atteindre cet objectif. Dès lors, l'auteur s'est tourné vers une formule d'incitation fiscale pour les oeuvres reconnues par les communautés selon leur propre système d'agrément, chacun restant dans sa sphère de compétences.

Une comparaison a été faite avec les systèmes pratiqués par d'autres pays et nous avons constaté que la quasi-totalité des pays européens ont un système d'aide à la production cinématographique. La plupart ont d'ailleurs mis en place un organisme central destiné à gérer ces aides.

À nouveau, la complexité institutionnelle de la Belgique fait que l'idée de créer un organisme central tenant compte des règles très différentes en Région flamande et en Communauté française relevait de la gageure. Cette voie a donc été écartée.

Certains ont évoqué l'éventuelle incompatibilité avec les règles européennes en matière de concurrence. Il s'avère que le domaine culturel fait exception à ces règles et que l'Europe accepte explicitement les aides accordées par les États à ce type de production.

La proposition vise, par le biais de l'article 194, §1er du Code d'impôt sur les revenus, à octroyer des réductions fiscales aux sociétés qui investissent dans des projets cinématographiques reconnus par les communautés. L'auteur lui-même a fait remarquer que cela pouvait représenter un coût, pour l'État fédéral, de 200 à 300 millions ce qui, reconnaissons-le, est une somme modique pour une politique importante.

Des conditions doivent néanmoins être fixées. Il ne s'agit pas d'octroyer des aides aveuglément. L'auteur en propose deux. Tout d'abord l'agrément par les autorités compétentes, les communautés, et, ensuite, l'obligation de dépenser, en Belgique, les investissements faisant l'objet de déductibilités.

Divers points ont été abordés au cours de la discussion générale, notamment la question des courts métrages et du sponsoring. En réponse à toutes ces questions et aux remarques émises par le représentant du ministre des Finances, divers amendements sont venus, avec l'accord de l'auteur, compléter le texte de telle sorte que celui-ci a été adopté par neuf voix et une abstention. Le rapport a été adopté à l'unanimité.

M. Philippe Monfils (PRL-FDF-MCC). - Je commencerai par remercier chaleureusement notre rapporteur, M. Morael, de son excellent travail.

Les discussions que nous avons eues en commission furent approfondies mais rapides, ce qui est le signe distinctif de cette commission. Je m'en réjouis et je remercie tous les collègues qui ont participé aux travaux.

Les producteurs de films attendaient depuis des années un système, appelé en général tax shelter, qui n'existait pas chez nous.

Vous savez qu'il existe une série de possibilités d'intervention en Wallonie par le système Wallimage, dans les communautés bien entendu, au niveau de l'Europe par le système Eurimage, par le système Média plus et même par la Banque européenne d'investissements.

Ceci n'est pas anecdotique. Si vous reprenez les chiffres qui datent déjà de 1997, la part des recettes des entreprises américaines sur le marché de l'Union européenne est d'environ sept mille millions de dollars, soit 250 milliards de francs.

À l'inverse, à la même époque, la part des entreprises européennes sur le marché américain est de 25 milliards de francs. C'est vous dire tout le fossé qui sépare actuellement la puissance américaine de la faiblesse européenne.

Ceci est une pierre ajoutée à l'édifice de tous ceux qui veulent encore croire à un cinéma européen, non pas à un cinéma aseptisé mais à un cinéma fécondé par nos richesses nationales. Partant de la possibilité offerte par l'Union européenne de permettre aux États membres de développer des aides à la production, nous avons créé un système inspiré des pratiques en vigueur dans divers pays, en tenant compte de nos spécificités nationales rendant un système général, comme en Irlande ou au Luxembourg, impossible. Notre travail a abouti à l'élaboration d'un système très simple d'incitation fiscale à l'intention des entreprises désireuses d'investir dans le cinéma. Elles peuvent investir jusqu'à la moitié de leurs bénéfices dans la réalisation d'oeuvres audiovisuelles, à concurrence d'une somme forfaitaire. Cet investissement peut donner lieu à une déduction fiscale. Le système, intéressant, peut se développer. Il faudra évidemment que des personnes, des organisations, fassent le lien entre les divers types d'aide. Il s'agit d'un élément supplémentaire, relevant des compétences fédérales. C'est la raison pour laquelle nous souhaitions en quelque sorte ajouter ce maillon à la chaîne qui, reliant les Régions, les Communautés, la Banque européenne d'investissements et l'Union européenne, permet aux producteurs de bénéficier de ressources destinées à financer les créations.

En conclusion, je crois que cette proposition sera à mettre au crédit du Sénat. Je suis convaincu que les producteurs et tous ceux qui sont intéressés par le développement de la production audiovisuelle se souviendront que les sénateurs auront été les premiers à mettre sur pied un tel système.

M. Philippe Mahoux (PS). - Je me réjouis de l'adoption de cette proposition de loi qui favorise la création cinématographique. Il reste à espérer que les entreprises saisiront l'opportunité qui leur est offerte.