Questions et Réponses

Sénat de Belgique


Bulletin 2-32

SESSION DE 2000-2001

Questions posées par les Sénateurs et réponses données par les Ministres

(Fr.): Question posée en français - (N.): Question posée en néerlandais


Ministre de la Justice

Question nº 817 de M. Van Quickenborne du 17 août 2000 (rappel du 21 février 2001) (N.) :
Internet. ­ Limitation de l'utilisation transfrontalière. ­ Racisme. ­ Jeux de hasard.

Dans divers pays, des juristes examinent s'il serait possible ou non de limiter l'utilisation transfrontalière de l'internet.

En France, un juge a demandé à trois experts d'étudier la possibilité de bloquer l'accès des utilisateurs français de l'internet à certains sites américains. Cette mesure est une conséquence du procès que quelques associations antiracistes ont intenté en France contre le portail d'entrée Yahoo en raison de la gestion, par cette entreprise, d'un site où sont mis en vente des articles liés à l'idéologie nazie. La loi française interdisant la vente de tels objets, le juge a estimé que Yahoo devait prendre des mesures pour bloquer l'accès des internautes français au site précité. Yahoo soutient que c'est impossible.

Même aux États-Unis, on semble actuellement prendre conscience des aspects négatifs qui découlent de l'absence de régulation de l'internet. Liberté n'est apparement pas toujours synonyme de plaisir lorsqu'il s'agit du World Wide Web. La semaine passée, aux États-Unis un citoyen a été condamné à 21 mois de prison et à une amende de cinq mille dollars pour avoir organisé des jeux de hasard et des paris sur un site offshore depuis l'île antillaise d'Antigua. Sur cette île, les jeux de hasard ne sont pas interdits par la loi, mais ils le sont dans de nombreux États américains. Une loi récemment adoptée, la Wire Wagner Act, permet désormais de s'attaquer à ce genre de casinos qui opèrent par le biais de l'internet. Cette loi interdit en effet de prendre par téléphone des paris provenant d'un autre État ou de l'étranger.

En Arabie Saoudite, les autorités ont décidé de bloquer l'accès au club-site de Yahoo, parce que, disent-elles, la plupart des informations que l'on y trouve sont contraires à toutes les normes et valeurs de l'islam. Il est facile de procéder à pareil blocage dans ce riche état pétrolier, car le pays ne compte qu'un seul fournisseur d'internet et que ce dernier est, de surcroît, géré par les pouvoirs publics. Ce genre de décision y prêtera donc probablement moins à arguties juridiques qu'en France et aux États-Unis.

J'aimerais que l'honorable ministre réponde aux questions suivantes :

1. Comment le gouvernement entend-t-il s'attaquer juridiquement au problème transfrontalier que pose l'internet ?

2. Quel est le point de vue de l'honorable ministre en ce qui concerne l'accès des internautes belges aux sites étrangers dont le contenu est contraire à la législation relative à la lutte contre le racisme ? Estime-t-il indiqué d'en rendre l'accès impossible ?

3. Quel est le point de vue de l'honorable ministre à l'égard des jeux de hasard en ligne ? La législation actuelle est-elle suffisamment précise pour faire face à des problèmes comme ceux qui se sont posés aux États-Unis ? Une législation spécifique ne serait-elle pas indiquée ? En réponse à une question de notre collègue Leterme, l'honorable ministre a annoncé qu'une journée d'études serait organisée. Peut-il en préciser le lieu et la date ? A-t-il l'intention d'inviter des collègues américains ?

4. Des accords ont-ils été conclus avec l'Internet Service Providers Association, l'organisation belge des fournisseurs d'internet, concernant l'interdiction de l'accès à certains sites, une mesure qui n'a pas la même portée que la fermeture de sites ?

Réponse : 1. Il faut préciser qu'internet constitue une compétence partagée des ministres de la Justice, des Télécommunications et des Affaires économiques. Le gouvernement se rend compte du caractère international d'internet en tant que moyen de communication et vise dès lors à trouver des accords de coopération en ce qui concerne chacune des matières pertinentes.

2. Comme j'ai déjà eu l'occasion de le déclarer à maintes reprises par le passé, entre autres en réponse à la question orale du 4 avril 2000 de M. Leterme, représentant, concernant les jeux de hasard (voir Annales, Chambre des représentants, commission de la Justice, 1999-2000, C 167, p. 15), la législation en matière de racisme et de jeux de hasard est intégralement applicable aux sites internet ou à d'autres informations qui sont distribuées par internet à ses utilisateurs belges.

Un problème particulier se pose lorsqu'un site internet se trouve sur un serveur étranger : dans ce cas, les voies normales de l'entraide judiciaire doivent être suivies. Étant donné le caractère volatile d'internet, une intervention efficace requiert que certaines mesures soient prises immédiatement. Sur le plan international des solutions à ce problème spécifique sont recherchées.

3. Je renvoie l'honorable membre à la réponse que j'ai donnée à la question orale de M. Leterme du 4 avril 2000 et à laquelle je me réfère au point 2 de la présente question.

Le 5 décembre 2000, une journée d'étude consacrée à la problématique des jeux de hasard a eu lieu au ministère de la Justice. Lors de ce séminaire, l'aspect des jeux de hasard sur internet a été également abordé.

4. Le 28 mai 1999 un protocole de collaboration pour lutter contre les actes illicites sur internet a été signé par les « Internet Service Providers » (ISP) et les ministres de la Justice et des Télécommunications. Ce protocole vise aussi la lutte contre les sites illicites en matière de jeux de hasard.

Conformément au protocole précité, l'ISP s'engage à informer le point de contact judiciaire central des contenus présumés illicites des sites dont il a connaissance.

L'ISP s'engage à collaborer avec les services judiciaires, à attendre leurs instructions et à s'y conformer.