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De voorzitter. - De heer Didier Reynders, minister van Financiën, antwoordt namens de heer Louis Michel, vice-eerste minister en minister van Buitenlandse Zaken.
M. Josy Dubié (ECOLO). - Dix-sept morts et une centaine de détenus dans un état critique : la grève de la faim des prisonniers et de leurs proches se poursuit dans le silence assourdissant des autorités turques et de l'Union européenne. Avec les trois derniers morts, le nombre total des victimes s'est élevé à 49 depuis l'assaut sanglant des forces de l'ordre en décembre 2000.
La Turquie a déjà battu son propre record de victimes dans ce type de mouvement : en 1996, douze détenus étaient décédés d'une grève de la faim pour dénoncer leurs conditions de détention, dépassant à l'époque les dix Irlandais du nord morts dans un mouvement comparable en 1981.
Les organisations, turques et étrangères, de défense des droits de l'homme pressent le gouvernement turc d'ouvrir un dialogue et en appellent à l'Europe. Mais, près d'un mois après le premier décès, le 21 mars, le bras de fer mortel continue et, depuis que j'ai rédigé cette question orale, d'autres morts sont venus s'ajouter à cette liste. Beaucoup de détenus qui font la grève de la faim sont considérés comme des « terroristes » selon la loi turque qui est extrêmement vague et permet donc tous les abus.
Monsieur le ministre, vous avez à plusieurs reprises montré votre préoccupation en ce qui concerne les droits humains. La Belgique, à la veille de la présidence de l'Union européenne, à laquelle la Turquie espère adhérer, ne pourrait-elle pas prendre une initiative pour inviter le gouvernement turc à mettre fin à cette hécatombe de prisonniers en grève de la faim ?
M. Didier Reynders, ministre des Finances. - Comme j'ai déjà eu l'occasion de le préciser dans des réponses précédentes, la situation des grévistes de la faim dans les prisons turques est en effet très préoccupante. Selon certaines estimations, 150 à 200 grévistes seraient dans un état critique, 211 personnes menant une action « jusqu'à la mort » sur un total de 597 grévistes de la faim.
Le président de la république, Ahmet Sezer, a, pour la première fois, haussé le ton dans cette affaire, marquant sa grave préoccupation en appelant les grévistes et leurs familles à renoncer à leurs actions tout en enjoignant le gouvernement et le parlement d'adopter, dans les meilleurs délais, les mesures nécessaires pour amender le régime pénitentiaire en vue d'une fin volontaire de la grève de la faim. M. Sezer a précisé que « la sécurité des détenus est une responsabilité directe de l'État ». Le ministre de la Justice, Sami Türk, a reproché à son collègue de l'Intérieur d'avoir retardé un amendement à l'article 16 de la loi concernant la lutte contre le terrorisme permettant un isolement complet des accusés pour terrorisme.
Un projet de loi serait entre-temps soumis au parlement pour adoption dans les prochains jours. La proposition d'amendement prévoit un assouplissement de l'isolement - récréation commune, droit de visite - pour les détenus, pour autant qu'ils participent à des programmes dits de « correction et d'éducation ». D'autres projets de loi s'inspirant directement des « observations préliminaires » du Comité pour la prévention de la torture, notamment la mise en place d'une commission indépendante qui peut inspecter le traitement de détenus à tout moment, sont également soumis au parlement.
Comme vous le savez, une délégation du Comité pour la prévention de la torture s'est rendue sur place la semaine dernière et, tant le président du Conseil de l'Europe que le président de l'Assemblée du Conseil de l'Europe, ont lancé des appels pressants aux autorités turques pour un règlement de la grève de la faim. Une délégation du Parlement européen devrait se rendre en Turquie au mois de juin. Cette date sera peut-être avancée à la suite des discussions qui ont lieu aujourd'hui au Parlement européen. Amnesty International vient également de publier un rapport intégral à la suite d'une mission en Turquie. Il fait des recommandations similaires à celles du Comité pour la prévention de la torture.
Dans le cadre du dialogue politique de l'Union européenne avec la Turquie et dans ses démarches bilatérales avec ses interlocuteurs turcs, la Belgique a, à maintes reprises, appuyé avec vigueur les recommandations du Comité pour la prévention de la torture.
En outre, notre ambassade à Ankara participe à l'organisation d'une mission parlementaire belge qui se rendra, du 27 avril au 2 mai, en Turquie pour se pencher sur le problème des grévistes de la faim. Je puis dès lors vous confirmer que ces démarches belges, tant sur le plan européen que de manière bilatérale, se poursuivront, si nécessaire dans le cadre de la présidence européenne, en espérant toutefois qu'une solution puisse intervenir plus tôt.
M. Josy Dubié (ECOLO). - Je remercie le ministre de sa réponse. Je suis effectivement informé qu'une mission doit partir demain. Je crois que c'est une bonne chose, car il y a urgence. J'entends bien que des mesures sont prises, mais la situation est critique puisque plus de 150 personnes poursuivent une grève de la faim à mort. C'est atroce. Des gens sont décédés après être restés 170 jours sans s'alimenter et d'autres sont déjà dans le processus final. Je ne puis donc que me réjouir du soutien à toute démarche susceptible d'aboutir à une solution. Je crains néanmoins que les arguties juridiques et législatives en cours ne retardent les choses et que nous ne devions déplorer d'autres décès. Quoi qu'il en soit, je suis heureux d'apprendre que le gouvernement soutient toute proposition visant à trouver une solution rapide à ce problème.