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Sénat de Belgique

Annales

JEUDI 15 MARS 2001 - SÉANCE DE L'APRÈS-MIDI

(Suite)

Demande d'explications de Mme Magdeleine Willame-Boonen au ministre de la Justice et au ministre des Télécommunications et des Entreprises et Participations publiques sur «la lutte contre la pornographie enfantine sur l'internet» (n° 2-390)

M. le président. - Mme Annemie Neyts-Uyttebroeck, secrétaire d'État au Commerce extérieur, répondra au nom de M. Rik Daems, ministre des Télécommunications et des Entreprises et Participations publiques.

Mme Magdeleine Willame-Boonen (PSC). - Madame la ministre, j'aurais dû normalement m'adresser aux ministres Verwilghen et Daems mais je puis comprendre les raisons de leur absence. Cependant, je relève que, la semaine dernière, au moment où je lui posais une question orale, le ministre Daems se trouvait dans un couloir à la Chambre et son collègue Verwilghen a donc répondu à sa place.

Je veux bien croire vos explications, madame la ministre, parce que j'ai beaucoup d'amitié pour vous, mais « te veel is te veel » et je ne puis m'empêcher d'être un peu triste parce que deux ministres compétents en la matière ne peuvent pas répondre à ma question que j'estime essentielle dans notre société.

L'exploitation sexuelle des enfants, mais aussi la pornographie enfantine ou la diffusion de photos à caractère pédophile ne sont pas des phénomènes nouveaux. La Belgique, lieu géographique de l'affaire Dutroux, est bien placée pour le savoir.

Comme l'ont démontré certains reportages français récents, le développement d'Internet a donné une nouvelle dimension au problème. On sait que certains utilisateurs abusent de l'autoroute électronique pour diffuser des documents pornographiques enfantins.

Le 9 juillet 1998 déjà, le rapport fait au Sénat au nom du Comité d'avis pour l'égalité des chances entres femmes et hommes, rapport qui avait pour thème « Les femmes et les nouvelles technologies », avait consacré un chapitre de son analyse à cette problématique bien particulière. J'estime que ses recommandations sont extrêmement pertinentes et d'une grande actualité. On demandait, notamment, au gouvernement d'assurer l'archivage centralisé des images de pornographie infantile au niveau fédéral ainsi qu'au niveau européen et international par le biais d'Europol et d'Interpol et on recommandait l'organisation d'une coopération structurelle entre le point de contact « Pornographie infantile » de la PJ et le Centre pour enfants disparus et assassinés.

L'actualité est constamment parsemée de dossiers traitant de ce sujet. Il y a un mois encore, la presse annonçait que 107 personnes, soupçonnées d'avoir diffusé sur Internet 750.000 photos d'enfants sexuellement abusés, avaient été arrêtées à travers douze pays au cours de l'opération « Cathédrale » menée par l'Angleterre.

En décembre 2000, la conférence de l'ONU à Palerme, sur le crime organisé, qui s'est tenue à Palerme, s'est saisie de ce dossier. Les pays participants ont été invités à signer la Convention des Nations unies contre la criminalité transnationale, ainsi que deux Protocoles contre la traite des êtres humains et le trafic d'immigrés clandestins. La Belgique était, bien entendu, présente à ce Sommet.

Je vous rappelle également qu'à Paris, plus de 1.500 personnes ont défilé le samedi 3 mars pour exprimer leur indignation à l'égard de la pédo-criminalité. Cette petite « marche blanche » version française a réuni des personnes de différentes nationalités, parmi lesquelles beaucoup de Belges et de Suisses.

En Belgique, une cellule de la police judiciaire est spécialisée dans le crime informatique. Tout citoyen confronté sur Internet à un cas de pornographie est tenu d'en avertir la cellule « Pornographie enfantine sur Internet » qu'il est possible de contacter via Internet. Les internautes ont à leur disposition un formulaire qu'ils peuvent compléter on-line. On peut se réjouir de cette performance et du succès rencontré. Cette cellule reçoit, en effet, une moyenne de cinquante mails par jour dénonçant une série d'éléments de ce genre. Néanmoins, il est déplorable - et nous en avons fait le test - que le site de la police judiciaire renvoie à un numéro de téléphone qui n'est pas attribué.

Ce problème est très grave. Il ne faudrait pas que, dans ce dossier comme dans d'autres, un fossé se creuse entre la politique souhaitée par le gouvernement et les moyens. Vous savez que c'est un peu le slogan qu'ont adopté les ASBL qui s'occupent, notamment, des victimes de la traite des êtres humains. De manière plus générale, je voulais poser aux deux ministres compétents des questions relatives à la pornographie enfantine sur Internet. Quels moyens budgétaires a-t-on mis à la disposition de la cellule de la police judiciaire spécialisée pour la pornographie enfantine sur Internet ? Quelles actions les ministres comptent-ils mettre en oeuvre suite à la Conférence de Palerme où, je le suppose, des décisions ont été prises ? De quels moyens matériels, techniques ou technologiques les ministres disposent-ils pour lutter contre ce type de cybercrimes ?

Mme Annemie Neyts-Uyttebroeck, secrétaire d'État au Commerce extérieur. - Rien n'est pire que de devoir répondre à la place d'un autre parce qu'on se voit adresser des reproches qui ne vous sont pas vraiment destinés. Je vous comprends et je vais essayer de répondre de mon mieux aux questions que vous avez posées, d'autant plus qu'il s'agit d'un sujet éminemment grave et important.

À la suite du protocole de coopération conclu avec la fédération des fournisseurs d'accès à Internet au mois de mai 1999, un service a été créé pour recueillir les dénonciations de cas de pornographie enfantine. Toutefois, aucun poste particulier pour la lutte contre la pornographie enfantine n'a été prévu au budget de la Computer Crime Unit, unité chargée des recherches dans ce domaine, celles-ci faisant partie d'un ensemble de tâches.

L'entrée en vigueur de la loi sur la criminalité informatique, le 13 février dernier, a permis d'augmenter sensiblement l'éventail des instruments de recherche que la Computer Crime Unit peut utiliser pour lutter contre la pornographie enfantine. Une recherche sur le réseau permet, par exemple, d'effectuer un travail d'investigation plus efficace à l'aide du gestionnaire du réseau concerné.

En outre, afin de pouvoir aboutir à une politique cohérente et réfléchie, une concertation sur la pornographie enfantine sur Internet est en cours entre le ministère de la Justice, la Computer Crime Unit et Child Focus.

Mme Magdeleine Willame-Boonen (PSC). - Le début de votre réponse m'inquiète un peu. Je comprends que la loi n'est devenue opérationnelle que très récemment et que la coordination entre la Computer Crime Unit, la Justice et Child Focus est en cours d'élaboration. Mais, jusqu'à présent, aucun budget n'a été prévu.

Mme Annemie Neyts-Uyttebroeck, secrétaire d'État au Commerce extérieur. - Il n'y a pas de budget spécifique mais, comme il s'agit d'une des missions principales de la Computer Crime Unit, elle doit faire appel à l'ensemble des moyens mis à sa disposition pour mettre en place la lutte contre la pornographie enfantine.

Mme Magdeleine Willame-Boonen (PSC). - Il existe toute une série de cybercrimes, y compris la pornographie en général. La pornographie enfantine ne bénéficie donc pas d'un libellé budgétaire particulier.

Mme Annemie Neyts-Uyttebroeck, secrétaire d'État au Commerce extérieur. - Pas en tant que tel. Il faudrait que nous consultions le budget. La lutte contre le trafic des êtres humains, l'abus sexuel des enfants et la pornographie enfantine constituent des priorités absolues de la lutte contre la criminalité internationale. Il me semble donc indubitable que la recherche et l'investigation dans ce domaine doivent constituer une des priorités principales de la Computer Crime Unit.

Mme Magdeleine Willame-Boonen (PSC). - Permettez-moi de vous dire que je trouve que la réponse préparée par les deux ministres compétents est un peu mince par rapport à la gravité du sujet.

-L'incident est clos.