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Sénat de Belgique

Annales parlementaires

JEUDI 25 JANVIER 2001 - SÉANCE DE L'APRÈS-MIDI

(Suite)

Question orale de Mme Clotilde Nyssens au ministre de la Justice sur «la procédure accélérée» (n° 2-468)

M. le président. - Si Mme Nyssens l'autorise, M. Daems répondra au nom de M. Verwilghen qui est retenu à la Chambre.

Mme Clotilde Nyssens (PSC). - La question est très personnellement adressée au ministre de la Justice. Il s'agit non seulement du contenu de la loi sur la procédure accélérée mais aussi d'une interpellation personnelle d'un ministre qui trouve le temps de se répandre en déclarations sur les ondes. Je ne vois pas comment un autre ministre pourrait lui être substitué. De plus, le report de ma question à la semaine prochaine n'a aucun sens puisque, tant aujourd'hui qu'hier, j'ai entendu plusieurs fois le ministre faire des déclarations choquantes sur les ondes.

J'exige la présence du ministre ; il semble qu'il soit pour l'instant le seul membre du gouvernement présent à la Chambre, mais il pourrait peut-être s'y faire remplacer durant quelques minutes, le temps d'entendre ma question.

M. le président. - C'est à vous de prendre une décision à ce sujet. Je constate que le ministre de la Justice vient chaque semaine répondre aux questions au Sénat. Pour l'instant, il est retenu à la Chambre pour répondre à des questions qui le concernent. Ce sont des situations exceptionnelles qui peuvent se présenter. Vous avez le choix : soit vous posez votre question aujourd'hui et M. Daems vous répondra, soit vous la posez la semaine prochaine. Je regrette comme vous ce genre de situation. Nous ferons ce que vous souhaitez.

De plus, nous allons bientôt passer aux votes. Ensuite, plus aucun ministre ne sera disponible puisqu'à 18 heures est prévu un Conseil des ministres.

Mme Clotilde Nyssens (PSC). - Ma question est sans intérêt si le ministre n'y répond pas personnellement. Néanmoins, si M. Daems accepte d'y répondre, je la poserai. Cependant je risque ainsi de le mettre dans l'embarras.

M. Rik Daems, ministre des Télécommunications et des Entreprises et Participations publiques. - Il est impossible d'embarrasser le gouvernement.

M. le président. - C'est le sort du gouvernement d'être embarrassé.

Mme Clotilde Nyssens (PSC). - Je ferai donc comme si M. Verwilghen était là.

Monsieur le ministre, un homme averti en vaut deux, selon le dicton. Vous avez été prévenu. La procédure super accélérée telle que vous l'avez conçue est un « brol » qui ne marche pas. C'est un gadget inapplicable. Vous étiez prévenu.

En vous entendant sur les ondes ce matin, j'ai été estomaquée. Avec une naïveté impardonnable, vous avez reconnu que l'application de la procédure était laborieuse et que le Conseil des procureurs du Roi en avait souligné les défauts et les imperfections. Vous avez dit, avec une naïveté inexcusable, qu'il n'était pas facile de faire adopter des lois par le parlement et de les faire passer par les commissions de la Justice. De même, avec une naïveté inqualifiable dans ce cas, vous avez avoué qu'il était plus difficile d'être ministre que parlementaire. Last but not least, vous avez avoué que vous vous étiez trompé et que vous aviez eu tort de dire que si le snelrecht n'était pas voté, vous présenteriez votre démission. C'est pour ces raisons que cette interpellation devait avoir lieu aujourd'hui.

Nous vous avions prévenu. Nous, parlementaires de tous bords, nous vous avions offert nos compétences, n'est-ce pas, monsieur Vandenberghe ? Combien d'amendements n'avions-nous pas déposés, monsieur Vandenberghe ? Nous n'avons pas ménagé nos énergies, n'est-ce pas monsieur Dubié ? Nous avions même été au pas de course à Paris ensemble. Vous en souvenez-vous, monsieur Dubié ?

M. Josy Dubié (ECOLO). - C'est vrai.

Mme Clotilde Nyssens (PSC). - Nous avions organisé, pour le gouvernement et pour notre information, des auditions de magistrats chevronnés et compétents qui savaient que cette procédure ne marcherait pas parce que la loi était mal ficelée.

Nous vous l'avions dit mais vous n'avez pas voulu nous écouter, pas plus que les magistrats, même ceux qui étaient en faveur du snelrecht. Vous avez manqué de modestie ou de jugement.

Rien n'est pire, dans une démocratie, que des lois mal torchées, bâclées, sans effets.

Rien n'est pire, dans une démocratie, que de tromper les gens. Ce n'est pas par des effets d'annonce que la Justice retrouvera la confiance des justiciables. Ce n'est pas ainsi que les magistrats et les avocats retrouveront la motivation pour faire fonctionner une machine grippée, au bénéfice des justiciables. Monsieur le ministre, avez-vous la capacité, actuellement, de présenter au parlement la loi dite réparatrice et correctrice, annoncée la nuit même du vote cette loi ? Vous vous en souvenez, n'est-ce pas monsieur Dubié ?

M. Josy Dubié (ECOLO). - C'est vrai.

Mme Clotilde Nyssens (PSC). - Êtes-vous naïf, monsieur Verwilghen ? Je ne le pense pas. Êtes-vous démagogue ? En tout cas. Êtes-vous compétent ? J'en doute.

Non, on ne joue pas avec la justice. Le droit n'est pas un jeu en commission de la Justice. Le droit est un moyen destiné à protéger le citoyen et ses libertés. L'opposition en a assez - monsieur Vandenberghe, madame De Schamphelaere et les autres - de venir sans cesse en commission de la Justice à la rescousse d'une majorité qui ne maîtrise pas le droit.

Monsieur Verwilghen, allez-vous poursuivre dans vos erreurs ? Allez-vous nous présenter une loi correctrice ? Allez-vous, sur la base des remarques du Conseil des procureurs du Roi, persister dans vos erreurs ? Une procédure accélérée a été mise en place par les ministres précédents, notamment M. Wathelet. Cette procédure suffit et, comme le disait Molière, « les plus courtes erreurs sont les meilleures ».

M. Rik Daems, ministre des Télécommunications et des Entreprises et Participations publiques. - Je suis touché, madame. Voici les éléments de réponse qui m'ont été transmis par M. Verwilghen.

Abstraction faite d'un certain nombre de problèmes techniques, qui sont largement approfondis dans des propositions et des conclusions du Conseil des procureurs du Roi, c'est surtout le délai constitutionnel de 24 heures relatif à la privation de liberté qui semble constituer un obstacle. L'expérience montre que la procédure accélérée demande beaucoup de temps et de travail et qu'il est difficile de clôturer une procédure de comparution immédiate dans un délai de 24 heures.

Les propositions formulées par le Conseil des procureurs du Roi sont tout à fait valables. Toutefois, elles sont pour l'instant examinées en mon cabinet par un groupe de travail dont font également partie deux avocats généraux qui se sont penchés plus en détail sur la problématique. Un rapport de ce groupe de travail est attendu dans les prochains jours. Les solutions qui seront suggérées dans ce rapport divergeront peut-être du point de vue du Conseil des procureurs du Roi, vu que, selon ce dernier, il serait préférable de modifier également la Constitution et certaines autres lois.

Quant à l'expression « laborieuse », figurant dans votre question écrite, cela signifie qu'elle implique un investissement en temps des magistrats. Le formalisme qui doit être respecté est dur, mais des moyens supplémentaires ont été accordés.

Les remarques de l'opposition et de la magistrature ont été entendues, mais sans doute n'ont-elles pas été transposées comme le voulaient ces dernières.

Je constate simplement que des initiatives positives sont sur la table, non pas pour souligner que cette loi est inutile, voire dangereuse - comme cela a été dit à l'époque - mais pour en permettre une application plus aisée.

Tels sont les éléments de réponse dont je dispose. J'invite Mme Nyssens à interroger ultérieurement M. Verwilghen lui-même si elle souhaite obtenir des réponses plus personnelles à ses questions.

Mme Clotilde Nyssens (PSC). - Tout ce que vous avez dit a été répété des dizaines de fois en commission et je souhaite bonne chance au ministre de la Justice pour modifier un article de la Constitution en vue de faire passer le délai de mise à disposition de 24 à 48 heures. Cet article n'est d'ailleurs pas ouvert à révision. J'en conclus qu'il n'y aura pas de procédure accélérée durant la présente législature et je m'en réjouis.