2-560/1

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Sénat de Belgique

SESSION DE 2000-2001

26 OCTOBRE 2000


Proposition de loi complétant le Code pénal d'un chapitre concernant l'homicide et les lésions corporelles occasionnés par les animaux de compagnie

(Déposée par M. Francis Poty)


DÉVELOPPEMENTS


Des accidents dus à des morsures d'animaux (dont de nombreux chiens) surviennent quasi quotidiennement en Belgique.

Des chirurgiens soulignent les blessures graves, les mutilations et les séquelles parfois irréversibles dont sont victimes les enfants.

On constate que beaucoup d'habitants de notre pays acquièrent des animaux domestiques ou sauvages pour de multiples raisons : passion pour les animaux, curiosité, réponse à la demande d'un enfant qui cherche un compagnon de jeu, besoin de compagnie pour briser la solitude ou encore par loisir (chasse) ou nécessité (garde).

Le sentiment d'insécurité croissant appelle aussi certaines personnes à acheter un animal afin que celui-ci constitue une « alarme », voire une défense contre une tentative de vol ou d'agression physique.

Hélas, d'aucuns ne mesurent pas la forme et le danger potentiel que représentent certains chiens, la puissance de leurs mâchoires, leurs réactions lorsqu'ils sont confrontés à des situations inhabituelles.

Il existe un certain nombre de races de chiens reconnues comme dangereuses et il n'est pas inutile de les interdire ou, à tout le moins, de limiter autant que possible leur présence dans des lieux fréquentés par des tiers.

Mais toute interdiction ou toute limitation, aussi précise soit-elle, n'empêchera jamais l'apparition sur le marché de nouvelles races. Par ailleurs, il n'est guère aisé de tracer la frontière entre chiens dangereux et chiens non dangereux. En conséquence, il subsistera, quel que soit l'état des droits positifs belge et européen, des animaux dangereux mais non interdits.

Lorsqu'un accident se produit, les éleveurs, les dresseurs et autres propriétaires de « bons chiens » affirment souvent que le propriétaire a commis l'irréparable faute de ne pas avoir donné une éducation convenable ou un bon dressage à son chien.

À la lecture de ce qui précède, force est de reconnaître que la responsabilité du maître du chien est totalement engagée lorsqu'un accident a lieu.

Dès 1804, le législateur a rendu civilement responsable le propriétaire d'un animal ou celui qui s'en sert lorsque cet animal cause un dommage à un tiers. Les cours et tribunaux recourent régulièrement à l'application de cette disposition qu'est l'article 1385 du Code civil.

En matière pénale, par contre, les dispositions applicables sont lacunaires. Ainsi, le Code pénal prévoit-il en ses articles 556 et 559 deux types de peines sanctionnant des phénomènes ponctuels. L'article 556 punit d'une amende de cinq à quinze francs « ceux qui auront laissé divaguer des fous ou des furieux étant sous leur garde, ou des animaux malfaisants ou féroces; ceux qui auront excité ou n'auront pas retenu leurs chiens, lorsqu'ils attaquent ou poursuivent les passants, quand même il n'en serait résulté aucun mal ou dommage ». À l'article 559 du même code, « ceux qui auront causé la mort ou la blessure grave des animaux ou bestiaux appartenant à autrui, par l'effet de la divagation des fous ou furieux, d'animaux malfaisants ou féroces, ou par la rapidité, la mauvaise direction ou le chargement excessif des voitures, chevaux, bêtes de trait, de charge ou de monture » seront punis d'une amende de dix à vingt francs.

Le Code pénal ne sanctionne donc que :

1. la personne qui a laissé divaguer un animal dangereux (articles 556 et 559);

2. la personne qui a excité son chien, ou qui ne l'a pas retenu, lorsqu'il poursuit ou attaque un passant (article 556).

De plus, les peines prévues paraissent extrêmement basses au regard des faits commis.

Cet état de fait oblige par conséquent les juridictions appelées à statuer sur des cas non prévus explicitement par ces dispositions à interpréter d'autres textes du Code pénal qui ne sont pas rédigés pour couvrir de pareils faits. Par ailleurs, cette situation conduit, faut-il le dire, à des divergences jurisprudentielles importantes.

Le propriétaire d'un chien qui blesse ou tue un enfant qui joue paisiblement dans son jardin ne peut, actuellement, pas être puni au plan pénal. De plus, s'il est couvert par une assurance, il ne souffrira pas de l'éventuelle sanction que pourrait lui infliger le juge civil.

La présente proposition de loi vise à remédier à ces lacunes de différents ordres. Le problème des blessures causées par des animaux domestiques en général et par des chiens en particulier est appréhendé dans sa globalité.

COMMENTAIRE DES ARTICLES

Article 2

L'article 2 introduit un chapitre IIbis au titre VIII du Code pénal concernant les crimes et les délits contre les personnes. Il paraît en effet judicieux d'insérer ces dispositions à cet endroit précis du Code pénal, et non au titre X dudit code traitant, pour sa part, des contraventions.

Ce nouveau chapitre IIbis s'intitule : « De l'homicide et des lésions corporelles occasionnés par un animal de compagnie. »

Article 3

La proposition de loi sanctionne le responsable de l'animal de compagnie. Cette notion de responsable est définie à l'article 3 de la loi.

L'article 3 fait référence à l'article 1er de la Convention européenne pour la protection des animaux de compagnie faite à Strasbourg et approuvée par la loi du 18 octobre 1991. Selon cette convention, « on entend par animal de compagnie tout animal détenu ou destiné à être détenu par l'homme, notamment dans son foyer, pour son agrément et en tant de compagnon ».

Article 4

L'article 4 concerne les personnes qui, par l'intermédiaire de l'animal de compagnie dont ils sont responsables, causent la mort d'un tiers. Selon que la mort a été causée volontairement ou non, l'auteur sera puni de la réclusion de vingt à trente ans dans le premier cas ou d'une peine d'emprisonnement de trois mois à trois ans et d'une amende de cinquante francs à mille francs ou d'une de ces peines seulement dans le second cas.

Pour rappel, les peines d'amende prévues par le Code pénal sont à majorer de 1 990 décimes additionnels (depuis le 1er janvier 1995).

Article 5

L'article 5 vise l'auteur de blessures à un tiers causées par l'animal de compagnie dont il est responsable.

Cette disposition distingue, comme la précédente, un acte volontaire d'un acte involontaire. Si l'auteur a causé volontairement la blessure, il se verra infliger un emprisonnement de huit jours à un an et une amende de cinquante à cinq cents francs ou d'une de ces peines seulement. Dans le cas où l'auteur a causé involontairement la lésion corporelle, il sera puni d'un emprisonnement de huit jours à six mois et d'une amende de trente à trois cents francs ou d'une de ces peines seulement.

Francis POTY.

PROPOSITION DE LOI


Article 1er

La présente loi règle une matière visée à l'article 78 de la Constitution.

Art. 2

Un chapitre IIbis intitulé « De l'homicide et des lésions corporelles occasionnés par les animaux de compagnie » est inséré au titre VIII du livre II du Code pénal.

Art. 3

Il est inséré au chapitre IIbis du titre VIII du livre II du Code pénal un article 422quater libellé comme suit :

« Art. 422quater. ­ Pour l'application des présentes dispositions, on entend par « responsable » la personne, propriétaire ou détentrice d'un animal de compagnie, qui en a habituellement la garde ou qui exerce une surveillance directe sur celui-ci.

La notion d'animal de compagnie telle que définie dans l'article 1er de la Convention européenne pour la protection des animaux de compagnie faite à Strasbourg et approuvée par la loi du 18 octobre 1991 est applicable. »

Art. 4

Il est inséré au chapitre IIbis du titre VIII du livre II du Code pénal un article 422quinquies libellé comme suit :

« Art. 422quinquies. ­ Quiconque aura volontairement causé par l'intermédiaire de l'animal de compagnie dont il est responsable, la mort d'une personne sera puni de la réclusion de vingt à trente ans.

Quiconque aura involontairement causé par l'intermédiaire de l'animal de compagnie dont il est responsable, la mort d'une personne sera puni de la réclusion de trois mois à trois ans et d'une amende de cinquante à mille francs ou d'une de ces peines seulement. »

Art. 5

Il est inséré au chapitre IIbis du titre VIII du livre II du Code pénal un article 422sexies libellé comme suit :

« Art. 422sexies. ­ Quiconque aura volontairement causé par l'intermédiaire de l'animal de compagnie dont il est responsable, des lésions corporelles sera puni d'un emprisonnement de huit jours à un an et d'une amende de cinquante à cinq cents francs ou d'une de ces peines seulement.

Quiconque aura involontairement causé par l'intermédiaire de l'animal de compagnie dont il est responsable, des lésions corporelles sera puni d'un emprisonnement de huit jours à six mois et d'une amende de trente à trois cents francs ou d'une de ces peines seulement. »

Francis POTY.