2-12/5

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Sénat de Belgique

SESSION DE 2000-2001

21 DÉCEMBRE 2000


Proposition de loi tendant à lutter contre la discrimination et modifiant la loi du 15 février 1993 créant un Centre pour l'égalité des chances et la lutte contre le racisme


AVIS DU CONSEIL D'ÉTAT

[30.462/2]


Le CONSEIL D'ÉTAT, section de législation, deuxième chambre, saisi par le président du Sénat, le 17 juillet 2000, d'une demande d'avis, dans un délai ne dépassant pas un mois, sur une proposition de loi « tendant à lutter contre la discrimination et modifiant la loi du 15 février 1993 créant un Centre pour l'égalité des chances et la lutte contre le racisme » (doc. parl., Sénat, nº 2-12/1) et les amendements nºs 1 à 5 (doc. parl., Sénat, nºs 2-12/2 et 2-12/4), a donné le 16 novembre 2000 l'avis suivant :

OBSERVATION PRÉALABLE

Il existe une proposition de directive du Conseil de l'Union européenne portant création d'un cadre général en faveur de l'égalité de traitement en matière d'emploi et de travail. Il appartient à l'auteur de la présente proposition d'apprécier s'il y a lieu d'attendre l'entrée en vigueur de cette directive afin d'y adapter la proposition de loi.

OBSERVATIONS GÉNÉRALES

I. Il y a lieu de vérifier en premier lieu si la proposition entre dans la compétence du législateur fédéral. Dans un avis 28 197/1, donné le 16 février 1999, sur un avant-projet, devenu la loi du 7 mai 1999, « sur l'égalité de traitement entre hommes et femmes en ce qui concerne les conditions de travail, l'accès à l'emploi et aux possibilités de promotion, l'accès à une profession indépendante et les régimes complémentaires de sécurité sociale », la section de législation du Conseil d'État a estimé que :

« Le projet soumis pour avis vise entre autres la transposition de directives de la Communauté européenne mettant en oeuvre le principe de l'égalité de traitement entre hommes et femmes dans un nombre de matières sociales. Ces directives constituent elles-mêmes la concrétisation du droit fondamental à l'égalité.

Les droits fondamentaux définis par des normes juridiques supérieures ne sont pas des matières en soi, mais des principes qui doivent être respectés par les différentes autorités pour régler les matières qui leur sont attribuées. Lorsque la mise en oeuvre d'un droit fondamental de l'espèce requiert une réglementation complémentaire, ou lorsqu'il est estimé nécessaire de concrétiser la portée de pareil droit fondamental concernant une matière déterminée, c'est à l'autorité compétente pour cette matière qu'il appartient d'édicter les règles nécessaires (1).

Il s'ensuit que, dans la mesure où la garantie d'un droit fondamental concerne des matières relevant de la compétence des communautés et des régions (2), la loi ordinaire, même si elle confirme ainsi le caractère fondamental d'un droit déterminé et prétend veiller au respect de ce droit, ne peut pas édicter des règles qui imposeraient des conditions aux communautés et aux régions pour l'exercice de compétences qui leur sont conférées en vertu de la Constitution ou de lois spéciales de réformes institutionnelles ou au regard desquelles les normes édictées par les entités fédérées pourraient être vérifiées. Le fait que ces conditions résultent directement de normes juridiques supérieures ou ne sont qu'une simple concrétisation de celles-ci, n'infirme en rien cette constatation. En effet, les autorités communautaires ou régionales compétentes sont directement liées par ces normes juridiques supérieures, de sorte que la limitation de leur marge d'action résulte de ces normes juridiques supérieures mêmes. Il n'appartient pas au législateur fédéral de même rappeler aux communautés et aux régions qu'elles sont liées à ces normes juridiques supérieures.

Appliqués au présent projet, les principes rappelés ci-dessus impliquent que l'autorité fédérale ne peut mener une politique d'égalité des chances entre les hommes et les femmes que dans les matières pour lesquelles elle est matériellement compétente et que les matières relevant de la compétence des communautés et des régions doivent rester en dehors du champ d'application du projet. Entre autres, le projet ne peut pas contenir de dispositions concernant la politique d'égalité des chances dans le domaine de la promotion sociale au sens de l'article 4, 15º, de la loi spéciale du 8 août 1980 de réformes institutionnelles, de la formation professionnelle au sens de l'article 4, 16º, de cette loi, du statut du personnel des organismes publics dépendant des communautés et des régions (article 9 de cette loi), du personnel des gouvernements communautaires et régionaux (article 87 de cette loi) ou des réglementations que les communautés peuvent adopter concernant le statut du personnel enseignant sur la base de l'article 127, § 1er, de la Constitution. Dans tous ces domaines, il appartient à l'autorité communautaire ou régionale compétente de mener une politique d'égalité des chances et d'adopter les dispositions nécessaires à la mise en oeuvre de directives européennes. » (3).

Si l'autorité fédérale ne peut interdire directement les discriminations dans les matières qui relèvent de la compétence des communautés et des régions, une telle interdiction peut, cependant, résulter de l'exercice par l'autorité fédérale de ses compétences en matière, notamment, de droit civil, de droit commercial ou de droit du travail (4). Ainsi, l'interdiction des clauses contractuelles contenant une discrimination, prévue à l'article 9 de la proposition, s'applique également aux contrats conclus dans des matières relevant de la compétence des communautés et des régions, à tout le moins jusqu'à ce que ces dernières prennent des dispositions spécifiques sur le fondement de leurs compétences implicites, lorsque les conditions pour ce faire sont réunies.

Un raisonnement similaire peut être tenu en matière pénale. L'article 4 de la proposition érige en infraction le fait d'inciter à la discrimination ou de donner une publicité à son intention de recourir à la discrimination ainsi que le fait, pour un fonctionnaire, de commettre une discrimination dans l'exercice de ses fonctions. La circonstance que ces infractions puissent être commises dans une matière relevant de la compétence des communautés ou des régions ou par un fonctionnaire d'un gouvernement communautaire ou régional n'enlève rien à la compétence du législateur fédéral d'édicter des interdictions de portée générale.

Il faut donc comprendre que le champ d'application de la proposition est nécessairement limité aux matières qui relèvent de la compétence de l'autorité fédérale et que la référence faite, dans les articles 2, § 1er, alinéa 1er, et 8, alinéa 1er, deuxième tiret, aux domaines économiques, sociaux et culturels ne peut s'interpréter comme édictant une interdiction de discrimination dans les matières communautaires et régionales au-delà de ce qui a été précisé ci-dessus.

II. L'article 2 de la proposition indique que celui-ci concerne les distinctions « fondées sur le sexe, l'orientation sexuelle, l'état civil, la naissance, l'âge, la fortune, l'état de santé actuel ou futur, un handicap ou une caractéristique physique ».

Les auteurs de la proposition rappellent, dans les développements de celle-ci, que la loi du 30 juillet 1981 tendant à réprimer certains actes inspirés par le racisme et la xénophobie, incrimine les discriminations fondées sur la race, la couleur, l'ascendance et l'origine nationale ou ethnique d'une personne ou d'un groupe de personnes (p. 2). Ils n'ont pas voulu se borner à étendre le champ d'application de cette loi, d'une part en raison de la spécificité de la lutte conte le racisme et la xénophobie et, d'autre part, en raison du fait que la loi de 1981 est une loi pénale, alors que les auteurs de la proposition ont voulu introduire une réglementation civile des comportements discriminatoires.

Il serait, cependant, regrettable de trouver dans l'arsenal législatif deux définitions différentes de la « discrimination ».

Il faut rappeler que l'article 1er, alinéa 1er, de la loi du 30 juillet 1981, tel qu'il a été modifié par la loi du 12 avril 1994, contient une définition de la discrimination qui ne se limite pas aux distinctions fondées sur la race ou l'origine nationale ou ethnique qui sont visées par l'alinéa 2 du même article :

« Dans la présente loi, il y a lieu d'entendre par discrimination toute distinction, exclusion, restriction, ou préférence ayant ou pouvant avoir pour but ou pour effet de détruire, de compromettre ou de limiter la reconnaissance, la jouissance ou l'exercice, dans des conditions d'égalité, des droits de l'homme et des libertés fondamentales dans les domaines politique, économique, social ou culturel ou dans tout autre domaine de la vie sociale. »

Par ailleurs, l'article 4, § 1er, de la proposition de loi, comporte des dispositions pénales qui sont calquées sur celles de l'article 1er, alinéa 2, 1º et 3º, de la loi du 30 juillet 1981.

Le Conseil d'État est d'avis que, du point de vue de la technique législative, il serait préférable d'étendre le champ d'application de la loi du 30 juillet 1981 par une loi modificative. Il y aurait ainsi, en droit belge, une seule définition de la discrimination, englobant celle contenue actuellement par la loi du 30 juillet 1981 et celle proposée par l'article 2 de la proposition de loi.

Cela n'empêcherait pas d'établir éventuellement certaines règles particulières à certains types de discrimination.

III. Les articles 10 et 11 de la Constitution et l'article 14 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales (5) ne condamnent pas toutes les différences de traitement, mais seulement celles qui ne reposent pas sur un critère susceptible de justification objective et raisonnable, compte tenu du but légitime poursuivi, des effets de la mesure et de la nature des principes en cause. Il doit, en outre, exister un rapport raisonnable de proportionnalité entre les moyens employés et le but visé (6).

S'inspirant en partie de la jurisprudence de la Cour d'arbitrage et de la Cour européenne des droits de l'homme, la proposition considère comme discriminatoires les différences de traitement qui sont :

1º dénuées de justification objective, ce qui sera le cas si elles peuvent manifestement être remplacées par d'autres mesures d'efficacité supérieure ou comparable, plus respectueuses des personnes concernées;

2º sans rapport raisonnable et proportionnel avec le but poursuivi.

Le citoyen sera souvent dans l'impossibilité de déterminer avec suffisamment de certitude si un comportement déterminé constitue une discrimination au sens de l'article 2, § 1er, alinéa 1er, de la proposition et ce, d'autant plus que le projet recourt à neufs critères différents de discrimination et s'applique à tous les domaines de la vie sociale.

En effet, une distinction fondée sur les critères retenus par la proposition peut être, selon les circonstances, obligatoire, souhaitable, admissible ou prohibée. En dehors de certains cas incontestables, la classification de la distinction dans l'une de ces catégories variera souvent selon les valeurs de la personne inter

rogée et selon les valeurs dominantes à une époque déterminée. Le caractère admissible de la différence de traitement dépendra aussi du droit en cause (7).

En outre, l'article 2 de la proposition examinée applique aux particuliers des critères qui, s'ils sont relativement précis pour l'autorité publique en raison de la jurisprudence de la Cour d'arbitrage, ne le sont pas pour eux. Il en va ainsi, notamment, de la notion de but poursuivi par la mesure ou le comportement jugés discriminatoires. Si une loi poursuit toujours un but indiqué dans l'exposé des motifs par rapport auquel la pertinence de la discrimination peut être appréciée, il n'en va pas de même pour les particuliers dont les comportements ne sont pas nécessairement rationnels et susceptibles d'être appréciés à l'aune du critère utilitariste de l'« efficacité supérieure ou comparable » retenu par l'article 2, § 1er, alinéa 2, de la proposition (8). Il se peut également que des particuliers, personnes physiques ou morales, tiennent compte, dans leurs comportements, de considérations habituellement invoquées par l'État, telles que la protection du mariage ou de la moralité (9). Comment, dans ce cas, apprécier le critère de proportionnalité alors que le comportement du particulier sera normalement impuissant à atteindre, à lui seul, l'objectif poursuivi mais ne pourra qu'y contribuer, souvent dans une très faible mesure. En outre, dans une société démocratique et pluraliste, les particuliers auront des conceptions différentes de la notion d'intérêt général et les effets de leurs comportements s'annihileront.

Dès lors qu'elle contient des dispositions civiles et pénales destinées à s'appliquer directement aux particuliers, l'imprécision de la proposition ne peut être admise. Il convient que les citoyens sachent de manière précise quels sont les comportements qui leur sont interdits. Cette exigence s'impose particulièrement en droit pénal. En vertu du principe de la légalité des incriminations et des peines qui résulte de l'article 7 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et des articles 12, alinéa 2, et 14, de la Constitution, c'est, pour le pouvoir législatif, une obligation constitutionnelle de définir les faits qu'il érige en infraction en des termes suffisamment clairs, précis et prévisibles qui ne laissent pas un pouvoir d'appréciation excessif au juge.

IV. L'imprécision de la proposition concerne également son champ d'application qui n'est pas restreint à un domaine particulier ­ comme par exemple le droit du travail (10) ­ mais concerne la totalité de la « vie sociale ».

En page 5 des développements de la proposition, on peut lire :

« ... la loi ne vise évidemment pas les relations entièrement privées entre les individus, en ce compris celles qui naissent de l'association entre des personnes, pour des raisons qui leur sont propres et sur base de critères qui leur sont communs ».

Ce passage des développements de la proposition ne suffit pas; il faut préciser, dans le texte de l'article 2, que la présente loi ne s'applique pas aux relations privées.

V. Le législateur ne peut obliger les citoyens à traduire dans tous les actes de leur vie sociale et dans la manifestation de leurs opinions les conceptions du pouvoir en matière de « lutte contre les discriminations ». Si le législateur peut interdire certains comportements ou la manifestation de certaines propos constitutifs de discrimination, encore faut-il que la loi offre les garanties nécessaires à la sauvegarde des autres droits et libertés fondamentales consacrés par la Constitution et la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Il convient d'examiner si la proposition examinée est compatible avec les libertés fondamentales.

1. Droit au respect de la vie privée

Il est renvoyé, à cet égard, à l'observation générale nº IV.

2. Liberté d'expression

Le Constituant belge et la Cour européenne des droits de l'homme accordent une importance particulière à la liberté d'opinion et d'expression dont l'une des composantes essentielle est la liberté de la presse. Selon la Cour européenne des droits de l'homme, la liberté d'expression constitue l'un des fondements essentiels d'une société démocratique et l'une des conditions primordiales de son progrès et de l'épanouissement de chacun. Elle vaut non seulement pour les informations ou idées accueillies avec faveur ou considérées comme inoffensives ou indifférentes, mais aussi pour celles qui heurtent, choquent ou inquiètent l'État ou une fraction quelconque de la population. Ainsi le veulent le pluralisme, la tolérance et l'esprit d'ouverture sans lesquels il n'est pas de société démocratique. Cette liberté peut être soumise à des exceptions qui doivent s'interpréter strictement et la nécessité des restrictions doit être établie de manière convaincante, répondre à un besoin social impérieux et demeurer proportionnée aux buts légitimes poursuivis (11).

Il en résulte que l'on ne peut limiter le droit des citoyens d'exprimer, même sur le ton vif et polémique qui caractérise parfois les débats publics, des opinions relatives, par exemple, aux rôles respectifs de l'homme et de la femme dans la société ou dans le couple, à l'âge de la majorité, aux droits des couples homosexuels, aux droits des enfants, au concubinage, au divorce, à la politique fiscale, sociale et sanitaire, à la politique à l'égard des handicapés, etc., même si ces opinions « heurtent, choquent ou inquiètent l'État ou une fraction quelconque de la population ». De même, il serait excessif de sanctionner l'expression d'une plaisanterie sexiste ou d'une caricature liée à l'orientation sexuelle ou à une caractéristique physique d'une personnalité connue, pour autant que les limites de l'injure, de la calomnie, de la diffamation ou de l'atteinte à la vie privée ne soient franchies.

Or, il ne résulte ni du texte de la proposition ni de ses développements que de telles opinions, plaisanteries ou caricatures ne pourraient être considérées comme étant une incitation à la discrimination ou la manifestation d'une intention de recourir à la discrimination.

3. Liberté d'association

La liberté d'association comprend notamment le droit de fixer librement l'organisation interne de l'association : les fondateurs déterminent la forme de l'association ­ personne juridique ou association de fait ­, les conditions d'admission, les organes et les personnes qui en font partie, la discipline interne.

Le Conseil d'État a souvent rappelé, à propos de l'agrément d'associations sans but lucratif, « qu'il ne peut être admis, au regard du principe de la liberté d'association, que, fût-ce sous le couvert de conditions d'agrément ou d'octroi de subventions, l'autorité publique en vienne à fixer des règles affectant profondément l'existence, l'organisation et le fonctionnement d'associations de droit privé ou à imposer aux activités de ces associations des contraintes telles que celles-ci (...) seraient dénaturées dans leur essence même » (12).

Les développements de la proposition indiquent d'ailleurs que celle-ci « ne vise évidemment pas (...) l'association entre des personnes, pour des raisons qui leur sont propres et sur base de critères qui leur sont communs » (13).

Dès lors, des associations culturelles, folkloriques, sportives, caritatives, philanthropiques ou autres, peuvent être réservées à certaines personnes en raison de l'un des critères énumérés à l'article 2, § 1er, de la proposition et ces associations peuvent se faire connaître sans être accusées d'inciter à la discrimination ou de donner une publicité à leur intention de pratiquer la discrimination. Or, le texte de la proposition ne traduit pas l'intention exprimée dans les développements.

Au contraire, l'article 2, § 2, qui dispose que la proposition de loi ne s'applique pas à l'organisation interne des communautés religieuses et des organisations philosophiques semble impliquer, a contrario, que des interventions dans l'organisation interne des autres associations seraient possibles.

4. Liberté des cultes

La garantie prévue à l'article 27 de la Constitution est renforcée par l'article 21 qui dispose que :

« L'État n'a le droit d'intervenir ni dans la nomination ni dans l'installation des ministres d'un culte quelconque, ni de défendre à ceux-ci de correspondre avec leurs supérieurs, et de publier leurs actes, sauf, en ce dernier cas, la responsabilité ordinaire en matière de presse et de publication. »

Cette disposition consacre les principes de l'indépendance des églises et de l'État et de la non-intervention de l'État dans l'organisation des églises (14).

L'amendement proposé doit être aménagé pour veiller à ce que l'organisation de congrégrations et d'associations philosophiques composées uniquement d'hommes ou de femmes, d'une part, et l'exclusion des femmes de la prêtrise, d'autre part, ne tombent pas sous le coup de l'article 2, § 1er, et ce afin de ne porter atteinte ni à la liberté l'association ni à la liberté des cultes.

Il résulte de ce qui précède que le projet doit être rédigé de manière à ne viser que des hypothèses qui ne portent pas atteinte aux libertés examinées.

OBSERVATIONS PARTICULIÈRES

Les observations particulières suivantes sont formulées sous réserve des observations générales.

Article 1er

L'article 10 de la proposition qui accorde une nouvelle compétence au président du tribunal de première instance, au président du tribunal du travail et au président du tribunal de commerce concerne l'organisation des cours et tribunaux et règle donc une matière visée à l'article 77 de la Constitution.

Art. 2

1. Tel qu'il est rédigé, le paragraphe 1er, alinéa 1er, pourrait être interprété comme permettant au législateur d'autoriser des comportements discriminatoires.

Une telle interprétation serait manifestement contraire aux articles 10 et 11 de la Constitution et au but poursuivi par la proposition. Il est probable que l'intention de l'auteur de la proposition a été de permettre au législateur de définir des différences de traitement qui ne doivent pas être considérées comme discriminatoires.

Les mots « sans autorisation de la loi » sont inutiles et doivent être omis.

2. En vertu du paragraphe 1er, sont considérés comme des discriminations les comportements qui ont directement ou indirectement pour but ou pour effet d'établir une distinction prohibée.

Comme le souligne l'avis donné le 7 mars 2000 par le bureau du Conseil de l'égalité des chances entre hommes et femmes, la proposition ne précise pas, comme le fait la proposition de directive précitée, ce qu'il convient d'entendre par discrimination indirecte.

Sous réserve de l'application de cette proposition de directive, il y a lieu d'omettre les mots « ou indirectement ».

3. La proposition retient neuf critères pouvant donner lieu à discrimination parmi lesquels ne figurent ni les orientations politiques, philosophiques et religieuses ni l'appartenance à une classe sociale. Or, la haine religieuse et la haine de classe ont été, avec la haine raciale, les causes des plus graves violations des droits de la personne humaine au vingtième siècle. L'article 13 du traité instituant la Communauté européenne ainsi que la proposition de directive du Conseil précitée retiennent la religion et les convictions parmi les critères de discrimination.

Il appartient au législateur d'apprécier quelles discriminations doivent être prioritairement combattues et selon quels moyens. Encore faut-il que ce choix soit compatible avec le droit européen et puisse être justifié au regard des articles 10 et 11 de la Constitution.

4. L'amendement nº 1 a pour objet de supprimer le mot « sexe » de l'article 2, § 1er, alinéa 1er, au motif que :

« Les discriminations à l'égard des femmes sont d'une autre nature que celles visées par la présente proposition.

La réalisation de l'égalité hommes/femmes fait depuis bien longtemps l'objet de dispositifs spécifiques tant au niveau belge qu'européen et international. Au fil des années, des dispositions ont été prises à différents niveaux afin de réaliser l'objectif de l'égalité hommes/femmes qui vont bien plus loin que celles prévues dans la présente proposition.

Les femmes, qui constituent la moitié de l'humanité, ne peuvent être mises sur le même pied que d'autres groupes victimes de discriminations. Les mettre sur le même pied revient à nier leur existence. »

L'avis donné le 7 mars 2000 par le bureau du Conseil de l'égalité des chances entre hommes et femmes indique les raisons philosophiques qui justifient la suppression du mot « sexe ». Il souligne également les différences entre la proposition et la loi du 7 mai 1999 « sur l'égalité de traitement entre hommes et femmes en ce qui concerne les conditions de travail, l'accès à l'emploi et aux possibilités de promotion, l'accès à une profession indépendante et les régimes complémentaires de sécurité sociale ».

Il appartient au législateur d'apprécier l'opportunité d'adopter l'amendement, compte tenu de ces considérations.

5. L'alinéa 2 du paragraphe 1er doit être omis pour les raisons indiquées dans l'observation générale III (15).

Art. 3

En vertu de la présomption d'innocence, consacrée notamment par l'article 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme, la partie poursuivie ne doit rien prouver. C'est à la partie poursuivante ­ en Belgique le ministère public ­ qu'incombe la charge de la preuve des faits punissables.

L'article 3 de la proposition s'écarte de cette règle en disposant que la preuve du caractère objectivement justifié d'une distinction et du rapport raisonnable et proportionnel avec le but poursuivi par son auteur est toujours à charge de celui-ci.

Selon la Cour européenne des droits de l'homme, l'article 6 commande aux États contractants d'enserrer dans des limites raisonnables, prenant en

compte la gravité de l'enjeu et préservant les droits de

la défense, les présomptions de fait ou de droit qui se rencontrent dans leurs lois répressives (16).

L'amendement nº 3 que propose le gouvernement, afin d'exclure la présomption du domaine pénal, est dès lors justifié.

Art. 4

L'attention du législateur est attirée sur le fait que les infractions prévues à l'article 4, § 1er, constitueront souvent des délits de presse relevant de la compétence de la Cour d'assises.

Art. 5

Il serait préférable de prévoir qu'il y a circonstance aggravante personnelle lorsque le mobile d'une infraction est la haine, le mépris ou l'hostilité à l'égard d'une personne en raison d'un des critères énumérés à l'article 2, § 1er, alinéa 1er.

En effet pour certaines infractions, notamment celles relatives aux moeurs, l'élément constitutif sera nécessairement le sexe de sorte que le texte aboutirait à doubler automatiquement les peines prévues par la loi en pareil cas, ce qui paraît dépasser les intentions de l'auteur de la proposition.

Plus fondamentalement, le pouvoir du juge pénal dans la détermination de la peine est suffisamment large pour qu'une telle disposition ne soit pas nécessaire.

Art. 8

1. Le texte énumère quelques exemples. Pour assurer la sécurité juridique, il serait préférable d'énumérer de manière complète les discriminations visées par la disposition examinée.

2. L'alinéa 2 est inutile. Toute violation d'une loi constitue, en effet, une faute au sens de l'article 1382 du Code civil et peut, dès lors, donner lieu à des dommages et intérêts dans la mesure du dommage causé.

Les mots « sans préjudice d'autre sanctions » sont également inutiles.

Art. 10

1. Compte tenu de la nouvelle compétence accordée aux présidents du tribunal de première instance, du tribunal du travail et du tribunal de commerce, il convient de modifier les articles du Code judiciaire qui énumèrent les compétences de ces présidents.

2. À l'alinéa 1er, mieux vaut utiliser le mot « manquement » que le mot « infraction ». Ce dernier terme pourrait laisser penser que sont seules visées les infractions prévues à l'article 4 de la proposition.

Art. 11

1. Même s'ils statuent au fond, l'on peut se demander s'il appartient aux juges qui se prononcent dans des procédures « comme en référé » d'octroyer des dommages et intérêts (17). Prévoir une telle possibilité semble peu compatible avec la notion même d'action en cessation qui perdrait son caractère d'action spéci

fique et serait finalement une action ordinaire à procédure accélérée. Il serait pour le moins regrettable qu'une décision revêtue de l'autorité de chose jugée, qui plus est, exécutoire nonobstant appel, puisse allouer des dommages et intérêts au terme d'une procédure dont la célérité ne permet pas l'examen, parfois délicat, de la réalité du dommage et du lien de causalité entre celui-ci et l'acte fautif dont la cessation est demandée (18).

Les mots « Sans préjudice des dommages et intérêts » seront, dès lors, omis.

2. La formule générale de l'article 1385bis du Code judiciaire autorise tout juge, à la demande d'une partie, à assortir sa décision d'une astreinte pour le cas où la partie condamnée ne s'exécuterait pas. Seules les condamnations au paiement d'une somme d'argent et les décisions relatives à l'exécution de contrats de travail échappent à la possibilité de pareille contrainte (19).

Par conséquent, il n'est pas nécessaire de donner expressément au juge saisi d'une demande en cessation d'un acte discriminatoire le pouvoir de prononcer une astreinte. Si le législateur entend étendre le champ d'application de l'astreinte aux décisions relatives à l'exécution d'un contrat de travail, il convient de l'indiquer plus clairement.

Art. 12

1. Sauf dans les cas prévus par la loi, la jurisprudence de la Cour de cassation a toujours refusé de déclarer recevables des actions d'intérêt collectif formées par des personnes physiques ou morales devant les juridictions de l'ordre judiciaire (20).

Il appartient au législateur d'apprécier l'opportunité de prévoir de nouveaux cas d'action d'intérêt collectif (21). Il ne faut pas perdre de vue que la constitution de partie civile entre les mains du juge d'instruction ou la citation directe (22) ont pour effet de déclencher l'action publique, alors qu'en principe

c'est au ministère public (23) qu'appartient l'exclusivité de l'exercice de l'action publique dans le cadre des directives de politique criminelles arrêtées par le ministre de la Justice.

2. Il appartient au législateur de justifier, au regard des articles 10 et 11 de la Constitution, pour quelle raison la règle contenue à l'alinéa 3 ne s'applique que lorsque la victime est une personne physique et non une personne morale.

Art. 13

1. Le paragraphe 2, qui concerne la procédure en matière d'action en cessation, trouverait mieux sa place après l'article 10 qui traite de l'action en cessation.

2. Au paragraphe 2, alinéa 2, il est suggéré d'écrire que l'action peut être formée par requête. En effet, l'on ne voit pas pourquoi le mode classique d'introduction d'une cause par citation serait écarté.

3. Dès lors que le paragraphe 2, alinéa 5, déroge à la règle contenue à l'article 4 du titre préliminaire du Code de procédure pénale selon laquelle le criminel tient le civil en état, il y a lieu de prévoir que lorsque les faits soumis au juge pénal font l'objet d'une action en cessation, il ne peut être statué sur l'action pénale qu'après qu'une décision coulée en force de chose jugée a été rendue relativement à l'action en cessation. Il convient également de prévoir la suspension de la prescription de l'action publique pendant la surséance (24).

Art. 14

Il convient de remplacer les mots « distinction, d'exclusion, de restriction ou de préférence » par le mot « discrimination ». En effet, toute distinction, exclusion, restriction ou préférence n'est pas nécessairement illégitime. Le mot discrimination, tel qu'il est défini, notamment, à l'article 2, § 1er, de la proposition, vise précisément les distinctions considérées comme illégitimes.

La chambre était composée de :

M. J.-J. STRYCKMANS, premier président;

MM. Y. KREINS et P. QUERTAINMONT, conseil lers d'État;

M. J. KIRKPATRICK, assesseur de la section de législation;

Mme J. GIELISSEN, greffier assumé.

Le rapport a été présenté par M. A. LEFEBVRE, auditeur. La note du Bureau de coordination a été rédigée et exposée par M. P. BROUWERS, référendaire.

La concordance entre la version française et la version néerlandaise a été vérifiée sous le contrôle de M. J.-J. STRYCKMANS.

Le greffier, Le premier président,
J. GIELISSEN. J.-J. STRYCKMANS.

(1) Voyez l'avis 25 131/VR/8 du 18 novembre 1996 et du 13 mai 1997 sur une proposition de décret « houdende regeling van het recht op vrije nieuwsgaring en de uitzending van korte berichtgeving door de omroepen » (doc. parl., Parl. fl., SE 1995, nº 82-2).

(2) Ou des autorités qui peuvent être assimilées aux communautés et aux régions, à savoir la Commission communautaire commune ou la Commission communautaire française lorsqu'elle exerce des compétences de la Communauté française. Ces autorités seront également visées chaque fois qu'il sera fait référence aux communautés et aux régions dans la suite du présent avis.

(3) Doc. parl., Chambre repr., session ordinaire 1998-1999, nºs 2057/1 et 2058/1, pp. 34-36.

(4) Dans un avis 23 478/2/V, donné le 10 août 1994 sur un avant-projet devenu le décret du 6 avril 1995 « relatif à l'intégration des personnes handicapées », la section de législation du Conseil d'État a estimé, à propos de l'obligation d'engager des personnes handicapées dans les entreprises privées que : « Cet engagement ne pourrait que prendre la forme d'un contrat de travail. Or, la Région n'est certainement pas compétente dans cette matière, ni au titre de la politique de l'emploi ni à celui de la politique des handicapés. Elle pourrait difficilement revendiquer cette compétence sur la base de ses pouvoirs implicites car la charge constituée par les engagements pour les employeurs ne saurait être considérée comme marginale par rapport à sa compétence principale. »

(5) Voyez également l'article 26 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques et l'article 13 du Traité instituant la Communauté européenne qui dispose que « ... le Conseil, statuant à l'unanimité sur proposition de la Commission et après consultation du Parlement européen, peut prendre les mesures nécessaires en vue de combattre toute discrimination fondée sur le sexe, la race ou l'origine ethnique, la religion ou les convictions, un handicap, l'âge ou l'orientation sexuelle ».

(6) Sur le principe d'égalité des Belges et la non-discrimination, voir ERGEC Introduction au droit public, tome II, Story Scientia, 1995, nº 785, p. 64.

(7) Quelques exemples peuvent illustrer ce qui vient d'être dit :
1º octroyer le droit de vote aux personnes âgées de 18 ou 21 ans ne constitue pas une discrimination vis-à-vis des enfants ou des adolescents de moins de 18 ou 21 ans;
2º fixer à huit ans l'âge limite pour pouvoir pratiquer tel ou tel sport ne constitue pas une discrimination;
3º certaines questions liées à la maternité peuvent faire l'objet d'un traitement différencié entre hommes et femmes; voyez Cour européenne des droits de l'homme, arrêt Petrovic c. l'Autriche du 27 mars 1998;
4º à propos des couples homosexuels, voyez l'arrêt de la Cour de justice des Communautés européennes du 17 février 1998. (Rev. trim. dr. h., 1999, p. 399, et observations P. Lenoir, L'homosexualité et le juge communautaire).
Dans un sens contraire, voyez Cour eur. D.H., 21 décembre 1999, arrêt Salgueiro da Silva Mouta c. le Portugal, JTDE, 2000, p. 18, à propos d'un droit de garde d'un enfant refusé au mari homosexuel;
5º voyez également l'arrêt 128/98, du 9 décembre 1998, de la Cour d'arbitrage, au sujet de dispositions ayant pour but de protéger le mariage.

(8) Les arrêts de la Cour d'arbitrage 42/97 du 14 juillet 1997 et 37/98 du 1er avril 1998 considèrent également que « dès lors que l'objectif peut être atteint au moyen de la mesure contestée et que celle-ci n'est pas manifestement disproportionnée à cet objectif, il n'appartient pas à la Cour d'indiquer que cet objectif aurait pu être atteint en prenant d'autres mesures ou des mesures moins extrêmes ».

(9) Voyez, par exemple les critères retenus par les articles 8, paragraphe 2, 9, paragraphe 2, 10, paragraphe 2, 11, paragraphe 2, de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

(10) Pour des interdictions de discrimination limitées au droit du travail, voir notamment :
1º l'article 3 de la loi du 13 février 1998 « portant des dispositions en faveur de l'emploi » qui dispose :
« § 1er. En cas de recrutement de personnel, il est interdit de fixer une limite d'âge maximale à partir de laquelle un candidat ne peut plus poser sa candidature.
§ 2. Dans le cadre de la sélection du personnel, il est interdit de fixer une limite d'âge maximale à partir de laquelle le candidat ne serait plus pris en considération pour l'entrée en service.
§ 3. La référence tant formelle qu'implicite à une limite d'âge, visée aux §§ 1er et 2, tombe sous cette interdiction »;
2º le titre V de la loi du 4 août 1978 de réorientation économique intitulé « Égalité de traitement entre les hommes et les femmes en ce qui concerne les conditions de travail et l'accès à l'emploi, à la formation et à la promotion professionnelles, ainsi que l'accès à une profession indépendante »;
3º la loi du 7 mai 1999 précitée.

(11) Voyez P. Lambert, « Chronique. La Cour européenne des droits de l'homme année 1999 », JTDE, 2000, p. 40.

(12) Voyez, par exemple, avis 25 290/9 donné par la section de législation du Conseil d'État le 25 septembre 1996 sur un avant-projet devenu le décret du 14 juillet 1997 « portant organisation de la promotion de la santé en Communauté française ». L'avis cité est commenté dans le rapport annuel 1996-1997, pp. 181 à 183.

(13) Voyez également l'avis précité.

(14) Voyez F. Delpérée, Droit constitutionnel, Tome I, Larcier, 1980, nº 120, p. 211.

(15) Voyez l'observation relative au critère utilitariste de l'« efficacité supérieure ou comparable » (p. 10).

(16) Cour eur. D H, arrêt Salabiaku du 7 octobre 1988, série A, nº 141-A; Cour eur. D H, arrêt Pham Hoang c. France du 25 septembre 1992, série A, nº 243 qui conclut son raisonnement comme suit :
« Il appert, dès lors, qu'elle [c'est-à-dire, la Cour d'appel] ne manqua pas de peser les diverses données en sa possession, de les apprécier avec soin et d'appuyer sur elles son constat de culpabilité. Se gardant de tout recours automatique aux présomptions qu'instituent les clauses litigieuses du code des douanes, elle ne les appliqua pas d'une manière incompatible avec l'article 6, §§ 1 et 2, de la Convention. ».
Sur la question très proche du droit au silence : Cour eur. D H, arrêt John Murray c. Royaume Uni du 8 février 1996, série A, nº 307-A qui précise :
« Il faut rechercher dans chaque cas si les charges de l'accusation sont suffisamment sérieuses pour appeler une réponse. Le tribunal national ne peut conclure à la culpabilité du prévenu simplement parce que celui-ci choisit de garder le silence. C'est seulement si les preuves à charge « appellent » une explication que l'accusé devrait être en mesure de donner, que l'absence d'explication « peut permettre de conclure, par un simple raisonnement de bon sens, qu'il n'existe aucune explication possible et que l'accusé est coupable. »

(17) G. Closset-Marchal, « Eléments communs aux procédures « comme en référé », in Les développements des procédures « comme en référé », Bruxelles, Bruylant, 1994, nº 20, p. 4.

(18) Voyez J.-F. van Drooghenbroeck « La nature et le régime de la compétence exercée « comme en référé ». « L'exemple de l'action en dommages et intérêts », JT 1996, p. 555 qui précise :
« La « restrictivité » est donc la conséquence logique de la démarche du législateur qui, en instituant les procédures « comme en référé » a porté la notion de « juridiction d'exception » à sa quintessence. En un mot comme en cent, les procédures « comme en référé » élaborées pour vider des contentieux tout à fait spécifiques, ne peuvent être détournées de leurs finalités par les plaideurs malicieux qui tenteraient de contourner à moindre frais l'arriéré judiciaire, devant lequel, aussi, tous les Belges sont égaux. ».

(19) Selon A. Fettweis, cette disposition dérogatoire est d'interprétation étroite. L'astreinte est prohibée lorsqu'il s'agit de contraindre un des contractants soit à se présenter au travail soit à accepter la présence d'un travailleur (Manuel de procédure civile, éd. 2, Faculté de droit de Liège, 1997, nº 950, p. 601).

(20) Voyez notamment Cass., 19 septembre 1996, RCJB, 1997, p. 105 et note O. De Schutter.

(21) Il existe plusieurs cas d'actions d'intérêt collectif dans les lois qui ont introduit des actions en cessation, et notamment :
1º la loi du 2 mars 1989 relative à la publicité des participations importantes dans les sociétés cotées en bourse et réglementant les offres publiques d'acquisition;
2º la loi du 12 juin 1991 relative au crédit à la consommation;
3º la loi du 14 juillet 1991. Loi du 14 juillet 1991 sur les pratiques du commerce et sur l'information et la protection du consommateur;
4º la loi du 21 octobre 1992 relative à la publicité trompeuse en ce qui concerne les professions libérales;
5º la loi du 12 janvier 1993 concernant un droit d'action en matière de protection de l'environnement.
Pour des précédents en ce qui concerne le Centre pour l'égalité des chances et la lutte contre le racisme voir :
1º l'article 5 de la loi du 30 juillet 1981 tendant à réprimer certains actes inspirés par le racisme ou la xénophobie;
2º article 4 de la loi du 23 mars 1995 tendant à réprimer la négation, la minimisation, la justification ou l'approbation du génocide commis par le régime national-socialiste allemand pendant la seconde guerre mondiale;
3º l'article 11, § 4, de la loi du 13 avril 1995 contenant des dispositions en vue de la répression de la traite des êtres humains et de la pornographie enfantine.

(22) Bien que l'article 12 se trouve dans le chapitre III intitulé « Dispositions civiles », il semble qu'il ait une portée générale et permette au Centre pour l'égalité des chances et la lutte contre le racisme de se constituer partie civile lorsqu'une infraction mentionnée au chapitre II intitulé « Dispositions pénales » est commise.

(23) Suivant les termes d'un arrêt de la Cour de cassation :
« ... ce qu'elle [la demanderesse] qualifie d'atteinte à son intérêt personnel est, en réalité, l'intérêt de l'ensemble des citoyens à ce que les infractions soient poursuivies et leurs auteurs punis, c'est-à-dire ... l'intérêt social dont la défense est, en principe, confiée exclusivement au ministère public; que le fait d'être constitué en établissement d'utilité publique ayant pour objectif la défense des valeurs morales, ne suffit pas à rendre la demanderesse recevable à exercer cette action civile et qu'en décider autrement permettrait toutes les intrusions dans le domaine de la répression par l'intentement d'actions civiles, en réalité factices ayant pour effet, sinon pour but de faire sortir le ministère public de l'abstention ou ... de lui forcer la main ».
(Cass., 24 novembre 1982, Pas. 1983, I, p. 361 avec les conclusions de l'avocat général Velu).
Voyez également l'avis 12 192/1 donné par la section de législation du Conseil d'État le 14 mars 1975 sur un projet devenu la loi du 30 juillet 1981 précitée (Doc. parl., Ch. repr., sess. extr. 1974, nº 54/2, p. 3) qui conclut :
« Il revient au législateur de décider s'il y a lieu de s'engager dans la voie qui lui est proposée et de renforcer les moyens d'une répression à laquelle les parquets devraient en principe suffire. »

(24) G. Closset-Marchal, op. cit., nº 54, p. 33. Voyez, par exemple, l'article 106 de la loi du 14 juillet 1991 sur les pratiques du commerce et l'article 5, alinéa 4, de la loi du 12 janvier 1993 concernant un droit d'action en matière de protection de l'environnement.