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30 NOVEMBRE 2000
La présente proposition de loi vise à octroyer le droit de vote et d'éligibilité, aux élections communales et provinciales à tout ressortissant d'un État tiers inscrit au registre de population de la commune. Il s'agit pour l'auteur de rétablir l'égalité de traitement en matière de droits électoraux communaux entre non Belges ressortissants d'États membres de l'Union européenne, d'une part, et ressortissants d'autres États, d'autre part. Cette discrimination politique n'a aucune justification fondamentale. Elle ne fut instaurée que pour permettre la mise en oeuvre en Belgique, dans les délais requis, des dispositions du Traité de Maastricht relatives au droit de vote des citoyens européens. L'article 8 de notre Constitution modifié à cette occasion, prévoit que la loi peut étendre le droit de vote aux résidents en Belgique qui ne sont pas ressortissants d'un État membre de l'Union européenne. Mais une disposition transitoire prévoit que la loi visée ne pourra être adoptée avant le 1er janvier 2001.
Aujourd'hui, il est possible, et très souhaitable, de commencer à examiner une proposition visant à supprimer une discrimination qui ne peut être maintenue.
L'octroi du droit de vote aux élections communales aux citoyens européens a montré combien le lien exclusif entre nationalité et droit de vote n'a pas de sens au niveau local. C'est la volonté de participation à la vie de la communauté locale, l'engagement social et économique qui doivent être le fondement d'une participation politique. Font partie de la collectivité locale tous ceux qui participent à la vie de la commune et qui sont en état de continuer à y participer dans le futur en étant autorisés à demeurer sur le territoire belge. La participation politique est la concrétisation politique logique d'un engagement socio-économique. Elle est un facteur d'intégration puissant, qui contribue à briser les barrières qui peuvent subsister entre Belges et étrangers. Au contraire, le maintien du clivage politique entre non Belges citoyens de l'Union européenne et les autres renforce chez ces derniers un sentiment d'exclusion qui s'oppose à l'objectif d'une intégration harmonieuse des différentes communautés composant la population d'une entité locale.
Le vote des citoyens européens, malheureusement encore trop peu suivi, permet cependant de comprendre que, comme ce fut le cas dans d'autres pays, le vote des étrangers ne bouleverse pas notre système politique. Au contraire, c'est la négation politique, le déni d'expression démocratique d'une communauté qui pousse les membres de celle-ci au repli communautaire. Les citoyens étrangers, maintenus « muets politiques » peuvent être tentés par la constitution de groupes de pression fondés exclusivement sur une identité prescrite, ethnique, culturelle ou religieuse, plutôt que de rejoindre des mouvements démocratiques portant des revendications politiques. La participation politique des étrangers à la vie politique locale ne fait qu'élargir sa base démocratique. Elle participe aussi à modifier la perception de « l'autre » par le citoyen belge.
L'étranger résidant dans la commune n'est plus un être humain de seconde zone, sans voix politique, mais un alter ego, qui participe comme lui à la gestion d'un espace communal qu'ils partagent.
Il faut aujourd'hui consacrer sans tarder le principe de la participation politique au niveau local de toute personne qui montre la volonté de partager le destin de la communauté locale et qui y participe socialement et économiquement.
Cette volonté doit bien sûr pouvoir être identifiée, pour fonder l'octroi du droit de vote. On retient généralement le critère d'une certaine durée d'établissement sur le territoire belge. Pour concrétiser juridiquement ce critère, l'auteur propose de retenir la condition de l'inscription au registre de population de la commune. Figurent en effet sur ces registres les Belges domiciliés dans la commune et, d'autre part, en vertu de l'article 17 de la loi du 15 décembre 1980 sur l'accès au territoire, le séjour, l'établissement et l'éloignement des étrangers, les étrangers domiciliés qui ont été autorisés à s'établir dans le Royaume. L'autorisation d'établissement peut être accordée par le ministre compétent à tout étranger qui a été admis à séjourner dans le pays pour une durée illimitée. En tout état de cause, et sauf si des raisons d'ordre public ou de sécurité nationale s'y opposent, l'autorisation doit être accordée à différentes catégories d'étrangers. Il s'agit en particulier de tout étranger justifiant d'un séjour régulier et ininterrompu de cinq ans, sauf le séjour en vue d'accomplir des études.
Tout étranger séjournant depuis cinq ans au moins sur le territoire belge se verrait donc octroyer le droit de vote et d'éligibilité aux élections communales.
La loi du 27 janvier 1999 (Moniteur belge du 30 janvier 1999, première édition, p. 2786) accordant ce droit de vote aux seuls citoyens de l'Union européenne prévoyait de réserver les fonctions exécutives communales aux citoyens belges, pour la seule législature 2001-2006. Après 2006, les citoyens européens auraient accès à ces fonctions.
Il n'y a aucune raison pour l'auteur de la proposition de ne pas établir, ici aussi, l'égalité entre citoyen étranger ressortissant ou non d'un État de l'Union européenne. L'accès aux fonctions exécutives communales doit donc être possible pour tous les électeurs.
D'autre part, on n'aperçoit pas la logique qui préside à la distinction qui fut faite entre élections provinciales et élections communales lors de l'octroi du droit de vote aux citoyens de l'Union européenne. Communes et provinces sont deux entités locales, auxquelles l'article 41 de la Constitution reconnaît des intérêts exclusifs, distincts des intérêts nationaux. Ces intérêts, précise la Constitution, « sont réglés par les conseils communaux ou provinciaux, d'après les principes établis par la Constitution ». Cet article fait application de la notion de pouvoir local entendu comme un pouvoir gérant des affaires propres à un groupe social envisagé distinctement de la communauté nationale.
Pourquoi établir une distinction que ne fait pas la Constitution entre communes et provinces, en ce qui concerne la participation dans ces entités ? On ne l'aperçoit pas. Il est donc proposé d'octroyer le droit de vote et d'éligibilité (y compris l'élection « au second degré » : l'accès aux fonctions exécutives communales et provinciales) à tous les étrangers résidant en Belgique, aussi bien aux élections communales qu'aux élections provinciales.
Enfin, il paraît important de faciliter autant que faire se peut la concrétisation de ce droit. Les difficultés rencontrées lors du scrutin communal du 8 octobre 2000 par certains électeurs non belges ressortissants de l'Union européenne pour se faire inscrire sur les listes électorales doivent trouver une solution. Si le principe d'une démarche volontaire du citoyen non belge, prescrite par la directive européenne ne peut pas être remise en cause pour les citoyens de l'Union (et donc pour tous les étrangers, car il paraît peu opportun de créer de nouvelles discriminations dans l'exercice du droit entre « catégories d'étrangers »), il faut simplifier celle-ci au maximum (directive 94/80/CE du Conseil du 19 décembre 1994, JOCE nº L 368 du 31 décembre 1994, p. 38 et spécifiquement l'article 7).
À cet effet, la loi pourrait prescrire aux communes d'envoyer d'office à tous les habitants non belges de la commune, repris sur les registres de population, le document d'inscription sur les listes électorales, que ceux-ci n'auraient plus qu'à renvoyer, pour participer aux élections communales et provinciales.
Le but de la présente proposition de loi est donc d'élargir le droit de vote et d'éligibilité aux élections locales à tous les étrangers inscrits au registre de population de la commune, et de faciliter pour tous l'exercice de ce droit.
| Philippe MAHOUX. |
Article 1er
La présente loi règle une matière visée à l'article 78 de la Constitution.
Modification de la loi du 19 octobre 1921
organique des élections provinciales
Art. 2
À l'article 1er de la loi du 19 octobre 1921 organique des élections provinciales, remplacé par la loi ordinaire du 16 juillet 1993 et modifié par la loi du 27 janvier 1999 sont apportées les modifications suivantes :
A) Un § 2bis, rédigé comme suit, est inséré :
« § 2bis. Acquièrent la qualité d'électeur pour la province, les ressortissants d'États étrangers qui, hormis la nationalité, réunissent les autres conditions de l'électorat visées au paragraphe précédent, et qui ont manifesté, conformément au § 2 de l'article 1erbis de la loi électorale communale, leur volonté d'exercer ce droit de vote en Belgique. »
B) Dans le § 5, alinéa 1er, le mot « belges » est supprimé.
Art. 3
L'article 23 de la même loi, remplacé par la loi ordinaire du 16 juillet 1993, est remplacé par la disposition suivante :
« Art. 23. Pour pouvoir être élu et rester conseiller provincial, il faut être électeur et conserver les conditions de l'électorat visées à l'article 1er, § 1 ou § 2bis. Les conditions d'éligibilité doivent être réunies au plus tard le jour de l'élection. »
Modification de la loi électorale communale
Art. 4
À l'article 1erbis de la loi électorale communale, coordonnée par l'arrêté royal du 4 août 1932, inséré par la loi du 27 janvier 1999, sont apportées les modifications suivantes :
A) Au § 1er sont apportées les modifications suivantes :
i) les mots « des autres États membres de l'Union européenne » sont remplacés par le mot « étrangers »;
ii) les mots « non belges de l'Union européenne » sont remplacés par le mot « étrangers ».
B) Dans le § 2, 1er alinéa, du même article, sont apportées les modifications suivantes :
i) les mots « et mentionnant » sont supprimés;
ii) les mots « que la commune leur fait parvenir au plus tard un mois avant l'établissement de la liste des électeurs, ou dès leur inscription sur les registres de population de la commune si celle-ci intervient dans le mois précédant l'établissement de la liste des électeurs. Cette demande mentionne : » sont introduits entre les mots « ministre de l'Intérieur » et « 1º leur nationalité ».
C) Au § 3 du même article, les mots « non belge de l'Union européenne » sont chaque fois remplacés par le mot « étranger »;
D) Au § 4 du même article, les mots « non belge de l'Union européenne » sont remplacés par le mot « étranger ».
Art. 5
À l'article 23, § 1er, de la même loi, modifié par les lois du 5 juillet 1976 et 2 août 1988, par la loi ordinaire du 16 juillet 1993 et par les lois du 11 avril 1994, du 24 mai 1994, du 7 juillet 1994 et du 27 janvier 1999 sont apportées à l'alinéa 8, les modifications suivantes :
A) les mots « non belges de l'Union européenne » sont remplacés par le mot « étrangers »;
B) les mots « membre de l'Union européenne » sont chaque fois supprimés.
Art. 6
À l'article 26, § 2, de la même loi, modifié par les lois du 9 juin 1982 et du 2 août 1988, par la loi ordinaire du 16 juillet 1993 et par les lois du 24 mai 1994 et du 27 janvier 1999, dans l'alinéa 2, les mots « de l'Union européenne » sont remplacés par le mot « étrangers ».
Art. 7
Dans l'article 65, alinéa 2, 2º, de la même loi, modifié par la loi ordinaire du 16 juillet 1993 et par la loi du 27 juillet 1999, les mots « non belges des autres États membres de l'Union européenne » sont remplacés par le mot « étrangers ».
Art. 8
À l'article 86 de la même loi, inséré par la loi du 13 mars 1999, les mots « de l'article 1er » sont remplacés par les mots « des articles 1er et 1erbis ».
| Philippe MAHOUX. Mohamed DAIF. Jean-François ISTASSE. Anne-Marie LIZIN. |