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Sénat de Belgique

Annales parlementaires

JEUDI 14 DÉCEMBRE 2000 - SÉANCE DE L'APRÈS-MIDI

(Suite)

Question orale de M. Jean-François Istasse au ministre des Télécommunications et des Entreprises et Participations publiques sur «l'attribution des noms de domaine .be» (n° 2-415)

M. Jean-François Istasse (PS). - Les adresses internet se terminant par « be »ont été « libéralisées » ce lundi. En fait, l'opération a tourné court après une demi-heure à peine. Toutes les demandes ont été annulées et reportées de 24 heures. La libre Belgique, pour ne pas la citer, titrait mardi : « pagaille.be » ! C'est un raccourci saisissant.

Je me demande ce qu'ont fait les pouvoirs publics à l'occasion de cette opération importante.

Le ministre peut-il nous expliquer comment une simple ASBL, dénommée DNS, apparemment tout à fait dépassée par les événements et par le nombre de demandes, a été autorisée - par qui, et avec quels moyens ? - à mener cette opération ?

J'aimerais également savoir quel a été le rôle de Belgacom et de l'IBPT dans cette affaire. M'inquiétant pour les nombreuses personnes qui ont participé à cette opération, je voudrais savoir ce que vont devenir les demandes qui ont été effectuées lundi. Doivent-elles être réintroduites et auprès de qui ? Qui va arbitrer les conflits entre les demandes effectuées, ou non, lundi et portant sur le même nom mais qui proviennent d'opérateurs différents ? En effet, DNS n'est pas, à ma connaissance, le seul opérateur autorisé à introduire des demandes.

Monsieur le ministre, estimez-vous normal que les pouvoirs publics n'exercent aucune régulation sur une opération censée encourager l'usage d'Internet, volonté que nous partageons entièrement ? Il est tout à fait regrettable que cet incident sérieux ait eu lieu. J'attends votre réponse avec beaucoup d'intérêt.

M. Rik Daems, ministre des Télécommunications et des Entreprises et Participations publiques. - Internet existe depuis le début des années 70. Il s'agissait à l'époque d'un réseau militaire appelé Arpanet. S'y sont ensuite joints des universités et des centres de recherche. On a alors confié l'attribution des noms de domaine au département d'informatique du Pr. Pierre Verbaeten de la KUL. Aujourd'hui, le nombre de demandes de noms de domaine augmente très rapidement. Pour garantir l'indépendance de l'attribution de ces noms, le gouvernement précédent a créé une asbl dont les statuts sont parus le 17 juin 1999. Son conseil d'administration est constitué de représentants de l'IBPT, du ministère des Affaires économiques, des universités, des usagers (BELTUG), de Fabrimétal, d'Agoria ainsi que de l'ISPA. Le ministère des Affaires économiques est responsable des noms de domaine. Un projet de loi a d'ailleurs été déposé pour éviter l'achat de noms de domaine en vue d'une utilisation ultérieure. La méthode de travail de l'asbl permet d'avoir un nom de domaine mais pas de le vendre. Il faut d'abord le rendre à l'asbl.

Dans tous les pays européens, la tendance est à la libéralisation et à l'informatisation des noms de domaine. Alors qu'il s'agit d'Internet, il y avait encore des fichiers non informatisés relatifs aux noms de domaine ! C'est quelque peu étrange mais c'est la vérité. En septembre 2000, le conseil a décidé en toute indépendance de libéraliser et d'informatiser les noms de domaine. Dans l'ancien système, il y avait 41.509 noms de domaine « .be ». On a assoupli des règles par trop rigides. En ce qui concerne l'attribution, on a introduit le principe du « first come, first served », c'est-à-dire que le premier arrivé se voit attribuer le nom. Ce système est peut-être très libéral. C'est toutefois en toute indépendance que cette asbl a pris sa décision. Quant à nous, nous ne voulons pas intervenir dans les décisions de l'asbl afin de garantir son indépendance. Est-ce la meilleure façon d'agir ? Je pense que oui. L'origine du problème réside dans le fait qu'au début, tout le monde veut être le premier.

L'opération a débuté le lundi 11 décembre à 10h. en présence d'un conseiller de mon cabinet. Le système n'a effectivement pas fonctionné. Le problème ne résidait pas dans l'attribution des noms de domaine. C'est le firewall, censé protéger des hackers, qui a cédé. Ce n'est donc pas le système lui-même qui a cédé, c'est en réalité le système de sécurité qui n'a pas pu faire face à toutes ces demandes simultanées.

Qu'a-t-on fait ? On a interrompu la procédure, réactivé le firewall et annoncé qu'on reporterait le lancement le 12 décembre à la même heure.

Pour que toutes les demandes soient traitées sur un pied d'égalité, on a repris la procédure depuis le moment où les problèmes ont commencé. Pour ceux qui avaient déjà reçu leur nom de domaine, rien n'a changé. Le mardi 12 décembre, à 10 heures, on a relancé le système et celui-ci a parfaitement fonctionné. Ce jour-là, on a enregistré 2.705 demandes qui ont donné lieu à 1.400 attributions. Dans la soirée du mardi, le nombre de demandes s'élevait à 18.000, celui des nouvelles attributions, à 7.500. La différence entre le nombre de demandes et le nombre d'attributions provient du fait qu'il y a eu des erreurs, des cas de non-paiement ou des noms déjà utilisés.

Les attributions sont donc relativement bien réparties sur les 300 agents qui ont introduit des demandes de noms de domaines.

Aujourd'hui à 13h 30, on a traité quelque 140.000 demandes qui ont donné lieu à 70.558 attributions. Ce dernier chiffre, ajouté aux 41.509 attributions, donne environ 112.000 noms de domaines à la même heure. On en arrivera probablement à quelque 150.000 noms de domaines « .be ».

Remarquons cependant que nous nous trouvons dans une situation de corégulation : une asbl indépendante règle une procédure avec le marché. Nous avons effectivement connu un léger problème au début mais au vu des chiffres actuels, on peut malgré tout considérer que le système fonctionne assez bien.

M. Jean-François Istasse (PS). - Je remercie le ministre pour sa réponse complète et apaisante par rapport au problème qui s'est posé lundi. Il vient de démontrer qu'il était très attentif à cette question, ce dont nous ne doutions pas.

Il me semble que la régulation doit toujours être opérée, même si cela se fait au travers d'une asbl, par les pouvoirs publics. Nous ne pouvons pas nous désintéresser d'un problème de ce genre. Étant donné le succès de l'opération qui concerne des dizaines de milliers de personnes, il faut bien se rendre compte que cela correspond à des paiements importants puisque l'enregistrement est payant. Des sommes importantes sont donc en jeu et il faut donc protéger les consommateurs qui se sont engagés dans cette procédure.

Ceci dit, nous partageons votre objectif qui est de populariser l'usage de l'internet. Nous savons que beaucoup de particuliers ont fait cette demande. Nous souhaitons soutenir votre politique en cette matière.