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Sénat de Belgique

Annales parlementaires

JEUDI 14 DÉCEMBRE 2000 - SÉANCE DE L'APRÈS-MIDI

(Suite)

Question orale de M. François Roelants du Vivier au vice-premier ministre et ministre des Affaires étrangères sur «l'absence de signature par la Belgique de la convention de l'UNESCO de 1970 sur le commerce illicite des biens culturels» (n° 2-416)

M. le président. - M. Rik Daems, ministre des Télécommunications et des Entreprises et Participations publiques, répondra au nom M. Louis Michel, vice-premier ministre et ministre des Affaires étrangères.

M. François Roelants du Vivier (PRL-FDF-MCC). - Une convention de l'UNESCO concernant les mesures à prendre pour interdire et empêcher l'importation, l'exportation et le transfert de propriétés illicites de biens culturels a été adoptée à Paris le 14 novembre 1970. Aujourd'hui, 91 États sont parties à la convention. La Belgique n'a, à l'heure actuelle, ni signé ni ratifié cette convention. Elle ne l'a du reste pas fait non plus pour la convention UNIDROIT qui vise le même objectif.

Or, la question de l'import-export illégal des biens culturels se pose avec beaucoup d'acuité, singulièrement dans des régions plus pauvres de la planète. Ainsi, le pillage des pièces archéologiques et la destruction des sites sur le sol africain constituent une atteinte irréparable à l'histoire de l'Afrique et, par là, à l'histoire de l'humanité, en supprimant à jamais la possibilité d'en reconstituer des pans entiers. Les moyens de comprendre ces objets disparaissent effectivement dès lors qu'ils sont sortis de leur contexte archéologique et séparés de l'ensemble auquel ils appartenaient. Seules des fouilles archéologiques menées par des professionnels peuvent permettre de leur restituer une identité, de les dater et de les localiser mais aussi longtemps que la demande du marché de l'art international continuera, des objets seront pillés pour être proposés à la vente.

L'émission « Au nom de la loi » de la RTBF du 28 novembre dernier a consacré un reportage à cette question en évoquant notamment le rôle d'intermédiaires belges dans ce marché d'objets d'art africains. L'absence de signature et de ratification par la Belgique de la convention de l'UNESCO de 1970 a été mentionnée à plusieurs reprises et j'ajouterai que le problème ne se pose pas seulement pour les objets africains mais aussi pour la Belgique elle-même, puisque, selon des chiffres qui m'ont été communiqués aujourd'hui par le secrétariat général d'Interpol, la Belgique est le deuxième pays, après l'Italie, à avoir un grand nombre d'oeuvres d'art pillées : l'inventaire est de l'ordre de 10.000 biens culturels volés en 1998, dernière année de référence.

M. le ministre peut-il me faire connaître les raisons qui ont amené la Belgique à ne pas être partie à cette convention, laquelle est, je le rappelle, ratifiée par 91 États, et n'estime-t-il pas qu'il convient enfin de faire en sorte que notre pays n'apparaisse plus comme une plaque tournante de commerce illégal ?

Je pose cette question en tant que sénateur mais aussi en tant qu'archéologue de formation.

M. Rik Daems, ministre des Télécommunications et des Entreprises et Participations publiques. - Je vous communique les éléments de réponse qui me sont fournis par mon collègue des Affaires étrangères.

La convention de l'UNESCO de 1970 sur le commerce illicite des biens culturels ne demande pas une procédure de signature en tant que telle, toutes les conventions de l'UNESCO étant adoptées par la Conférence générale, ce qui vaut adoption du texte.

La procédure de ratification par la Belgique a, quant à elle, commencé. Le groupe « Traités mixtes » a décidé, le 22 novembre 2000 - c'est assez récent, je le reconnais -, que cette convention était bien un traité mixte. Elle doit donc être approuvée par l'État fédéral et par toutes les entités fédérées. L'exposé des motifs est en cours de rédaction au ministère de la Justice et la convention devrait être déposée aux parlements concernés dans quelques mois.

La procédure de ratification en tant que telle n'a pas commencé dans les années 70, les autorités compétentes ayant décidé d'attendre d'abord la mise en place des entités fédérées et ensuite de leurs compétences en matière de relations extérieures. Je ne dirai pas que c'est la meilleure décision qu'ait jamais prise notre pays. Aujourd'hui, tant l'État fédéral que les entités fédérées sont résolues à traiter cette question avec diligence.

Je suis particulièrement satisfait de ces éléments de réponse qui m'ont été transmis par mon collègue des Affaires étrangères. Je ne connais pas très bien les cultures africaines. Par contre, ayant vécu en Amérique centrale, je connais très bien les cultures maya, aztèque, toltèque et inca. Je suis conscient du fait qu'il a été gravement porté atteinte non seulement à ces cultures mais aussi au travail archéologique et qu'il sera malheureusement difficile de reconstituer ce patrimoine.

Je suivrai d'un oeil attentif les initiatives de mon collègue des Affaires étrangères, sans vouloir préjuger de son travail. Je suis persuadé qu'il traitera la question avec diligence, comme il le précise dans sa réponse.

M. François Roelants du Vivier (PRL-FDF-MCC). - Je remercie le ministre d'avoir lu la réponse du ministre des Affaires étrangères mais aussi d'y avoir apporté une touche personnelle. Je voudrais lui demander également de rendre attentif le ministre Michel à la Convention Unidroit, convention-soeur de celle de 1970 et qui, véritablement, complète le processus et l'organisation autour de la lutte contre le commerce illégal des oeuvres d'art.

M. Rik Daems, ministre des Télécommunications et des Entreprises et Participations publiques. - Vous pouvez compter sur moi.