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8 NOVEMBRE 2000
La commission des Affaires sociales a examiné le présent projet de loi lors de sa réunion du 8 novembre 2000. Le projet a été adopté par la Chambre des représentants le 14 juillet 2000, après quoi le Sénat devait encore se prononcer sur le texte, qui n'a pas été amendé à la Chambre des représentants.
Comme on le sait, l'article 23 constitue la base du contrôle de la situation familiale des chômeurs et plus particulièrement encore des visites effectuées au domicile des chômeurs.
Cette disposition a été rétablie par la loi du 7 avril 1999 et elle contient depuis lors la procédure à suivre par les agents de l'ONEM pour vérifier la situation familiale des chômeurs et ainsi la conformité de la situation réelle à la déclaration faite lors de la demande d'allocations de chômage. Dans sa rédaction actuelle, l'article 23 permet à l'ONEM d'obtenir du président du tribunal du travail l'autorisation d'effectuer une visite domiciliaire non consentie par le chômeur.
L'article 23 doit donc, selon la ministre, être modifié car, en tant que ministre de l'Égalité des chances, elle est très sensible à l'équité qui doit régir les rapports entre les personnes, entre les citoyens et entre les assurés sociaux. Elle juge indispensable de mettre au point une procédure administrative qui respecte les droits fondamentaux de l'assuré social et permette simultanément à l'administration d'exécuter des contrôles efficaces.
Le texte adopté par la Chambre concilie le principe fondamental du respect de la vie privée et la nécessité justifiée de mener des contrôles portant sur la situation familiale des bénéficiaires d'allocations de chômage.
Ce texte répond aussi à deux exigences : éviter des abus et parfaire l'information. Pour atteindre ces objectifs, il est proposé l'intervention ou la présence d'un tiers aux côtés du chômeur, un avocat ou un délégué syndical, et ce, aux deux moments clef de la procédure : lors de la première audition et lors de la visite domiciliaire.
Le recours à la visite forcée est abandonné pour deux raisons, car il n'est pas nécessaire (l'administration de l'ONEM dispose de suffisamment d'éléments pour statuer et de plus, il appartient au chômeur de fournir les preuves suffisantes qui viendront conforter sa déclaration sur l'honneur) et il n'est pas efficace (plusieurs demandes adressées au président du tribunal du travail ont été rejetées pour irrecevabilité).
Le projet de loi peut se résumer de la manière suivante, il vise à :
harmoniser le texte existant par l'utilisation d'une même notion; ainsi, il est proposé de remplacer le mot « entretien » par le mot « audition » et faire aussi application de la loi du 12 mars 1998 relative à l'amélioration de la procédure pénale au stade de l'information et de l'instruction (loi dit Franchimont);
autoriser la présence d'un avocat ou d'un délégué syndical lors de la première audition et lors de la visite des locaux;
abroger le recours au président du tribunal et ainsi le recours à la visite domiciliaire forcée;
inscrire dans l'article 23 le recours possible aux médiateurs fédéraux conformément à la loi du 22 mars 1995 instaurant des médiateurs fédéraux.
À l'occasion des discussions devant la commission des Affaires sociales de la Chambre des représentants, les parlementaires avaient jugé nécessaire de disposer de l'avis du comité de gestion de l'ONEM. Cet avis a été demandé et le comité a émis un avis partagé sur le projet de loi. Les représentants des employeurs n'approuvant pas le texte alors que les représentants des travailleurs émettaient un avis favorable. La ministre s'attendait à cet avis partagé sur une question aussi sensible que le contrôle, ce qui par ailleurs avait justifié la non-interpellation du comité de gestion de l'ONEM lors de l'adoption du projet de loi en Conseil des ministres. Traditionnellement, les partenaires sociaux ne sont pas consultés sur les questions liées aux contrôles.
Une autre demande formulée par les députés concernait les chiffres relatifs à cette matière. À leur lecture, on constate que les déclarations s'avérant fausses ou inexactes en matière de situation familiale sont particulièrement minoritaires. Plus de 90 % des déclarations sont conformes à la réalité.
Une dernière discussion a animé les membres de la commission des Affaires sociales de la Chambre : elle portait sur la nécessité de s'intéresser à la manière dont les contrôles sont accomplis chez les employeurs.
À ce sujet, la ministre tient à préciser une nouvelle fois qu'il ne faut pas confondre ces deux contrôles. Pour les employeurs, le contrôle s'accomplit soit sur le lieu de travail, soit au siège social de l'entreprise. Dans la majorité des cas ce contrôle se fait au siège social de l'entreprise et sur rendez-vous. Les contrôles « surprise » ne sont exécutés que dans le cadre de suspicion de travail illégal. En ce qui concerne les chômeurs, il s'agit de procéder à la vérification des déclarations faites en matière de situation familiale. Le contrôle, lorsqu'il a lieu, est accompli à la résidence de la personne, il s'agit d'une immixtion dans la vie privée de l'assuré social.
Enfin, la ministre estime, comme elle l'avait précisé lors de la présentation du projet de loi devant la Chambre des représentants, que l'ONEM dispose de suffisamment de moyens pour adopter des décisions sans avoir recours à la visite domiciliaire forcée. Il peut en effet estimer que la preuve de la situation familiale n'est pas apportée à suffisance et admettre alors le chômeur à un code non privilégié (cohabitant au lieu d'isolé ou chef de famille).
De plus, en cas de fraude, il est toujours loisible à l'ONEM de constituer un dossier et de saisir l'auditeur du travail qui ouvrira une information judiciaire. Ce dernier donnera au dossier la direction la plus opportune; parmi les choix qui lui sont offerts, subsiste la saisine d'un juge d'instruction qui pourra délivrer un mandat de perquisition s'il l'estime nécessaire et opportun.
Il va sans dire que « le choix pénal » ne se conçoit que lorsque la situation présente une gravité certaine. Cette gravité est appréciée par l'ONEM dans un premier temps et par l'auditeur du travail dans un deuxième temps. L'intervention de ce magistrat spécialisé en droit social constitue incontestablement une garantie supplémentaire; en effet, il lui appartient d'apprécier la gravité de la fraude suspectée et d'ordonner des devoirs complémentaires. La garantie supplémentaire et nouvelle réside dans cette lecture supplémentaire. Il n'y a donc pas de mouvement dans le sens de la pénalisation. La délivrance d'un mandat de perquisition dans une matière comme celle-ci doit rester une exception.
Plusieurs membres signalent qu'ils approuvent les objectifs du projet de loi et insistent pour que ses dispositions entrent en vigueur rapidement.
Une membre confirme l'importance du principe de l'égalité de traitement entre les citoyens. Par ailleurs, elle considère que les demandeurs d'emploi sont tenus de transmettre correctement leurs données à l'administration et qu'on doit pouvoir contrôler l'exactitude administrative de ces informations. La sénatrice demande si les dispositions du projet de loi laissent une marge suffisante pour un contrôle imposé. En outre, elle estime que, par analogie avec le principe d'égalité susvisé, il y a lieu de modifier aussi les dispositions autorisant les visites à domicile dans d'autres situations.
Étant donné que les statistiques montrent qu'à l'heure actuelle, les recours au tribunal du travail ne sont que sporadiques, un membre juge inopportun de modifier la loi. Dans d'autres domaines, comme l'horeca et la cueillette des fruits, les contrôles sont plus fréquents. La ministre pourrait-elle préciser ses projets ?
Une sénatrice est d'avis que les dispositions du projet permettent de prendre des mesures pénales dans une enquête purement administrative. Elle estime que cette disposition alourdit la procédure.
Un sénateur juge illogique l'article 2, § 2, qui dispose qu'en cas de refus d'une visite domiciliaire, le directeur du bureau de chômage compétent de l'Office national de l'emploi peut se prononcer sur la base des éléments dont il dispose. En effet, d'après lui, la demande de visite domiciliaire indique précisément que le directeur n'a pas suffisamment d'éléments pour prendre une décision, sans quoi il ne solliciterait pas de visite; et pourtant, en cas de refus de la visite domiciliaire volontaire, il pourra prendre sa décision sur la base de ces données incomplètes.
Un autre sénateur souligne les raisons sous-jacentes des déclarations erronées des chômeurs. Il recommande de prendre également des mesures concernant ces causes.
Enfin, certains membres constatent que la modification législative proposée suit de très près la précédente. Ils estiment qu'on n'a pas assez de données chiffrées pour faire une évaluation statistique valable de la réglementation actuelle.
Le ministre déclare que le projet de loi ne modifie, ni les droits, ni les obligations des demandeurs d'emploi. Il ne s'agit pas de supprimer certaines formes de contrôle ni même de les assouplir et, en outre, les dispositions proposées ne remplacent pas la procédure en vigueur par une procédure pénale. La procédure civile existante subsiste donc, mais on y apporte des modifications, de sorte que, par exemple, les demandeurs d'emploi concernés pourront faire appel à un avocat ou à un délégué syndical dès le début.
En outre, après la réforme, le président du tribunal du travail ne pourra plus donner son accord pour une visite domiciliaire non consentie et on ne pourra dès lors plus effectuer de visites forcées à domicile.
Par rapport à la suppression de la possibilité d'effectuer des visites de domiciles, il importe de souligner que cette mesure vise à empêcher préventivement que des agents de l'ONEM ne procèdent à une perquisition sous le couvert d'une visite au domicile. En effet, il s'agit en l'espèce d'une visite et non d'une instruction, ce qui signifie concrètement qu'au cours de cette visite, les agents de l'ONEM ne peuvent pas poser de véritables actes d'instruction. Le droit belge consacre en effet le principe suivant lequel les perquisitions ne sont ordonnées que par une seule instance, à savoir le juge d'instruction.
Après modification de la loi, lorsqu'un chômeur aura refusé une visite, le directeur du bureau local de l'ONEM n'aura plus la possibilité de se tourner vers le président du tribunal de travail pour obtenir une visite forcée. Ce même directeur devra donc prendre une décision sur la base des éléments dont il dispose. En soi, il n'y a là aucune contradiction étant donné que la décision du directeur se borne à définir la situation familiale d'un ayant droit donné, en fonction de laquelle il aura ou non droit à une allocation majorée. Après cette décision, il appartiendra à l'ayant droit de fournir la preuve nécessaire pour que le directeur puisse prendre une autre décision. L'intéressé dispose pour cela de plusieurs moyens de preuve, dont la visite à domicile.
Si s'étant vu refuser une visite à domicile, l'ONEM soupçonne une fausse déclaration ou une fraude, il pourra toujours se tourner vers l'auditeur du travail pour lui demander s'il n'est pas nécessaire d'entreprendre d'autres devoirs judiciaires.
En réponse à la question d'un membre, la ministre souligne ensuite qu'il n'existe pas d'autres visites à domicile dans le cadre de la sécurité sociale. Les visites domiciliaires qui seraient effectuées dans le cadre d'une enquête fiscale concernent une matière totalement différente.
En ce qui concerne les autres secteurs, en particulier les dispositions de la loi du 16 novembre 1972 relative à l'inspection du travail, la ministre précise que les procédures en vigueur subsistent. Dans ce domaine également, la question d'une réforme des procédures existantes a déjà été soulevée.
Pour ce qui est de la remarque relative aux causes sous-jacentes du problème du contrôle des chômeurs, la ministre répond que le gouvernement a déjà décidé de majorer certaines allocations minima, ce qui montre l'attention qu'il porte à cette problématique sous-jacente. Par ailleurs, la ministre juge important de signaler à la commission que, comme les chiffres le démontrent, seuls quelques cas individuels spécifiques sont concernés par la transmission d'informations erronées sur la situation familiale.
L'article 1er du projet de loi est adopté par 8 voix et 1 abstention.
Les articles 2 et 3 ainsi que l'ensemble du projet de loi ont été adoptés par 7 voix contre 2.
Confiance a été faite au rapporteur pour la rédaction du présent rapport.
Le rapporteur, Jean-Pierre MALMENDIER. |
Le président, Jacques SANTKIN. |