Questions et Réponses

Sénat de Belgique


Bulletin 2-24

SESSION DE 2000-2001

Questions posées par les Sénateurs et réponses données par les Ministres

(Fr.): Question posée en français - (N.): Question posée en néerlandais


Ministre de l'Économie et de la Recherche scientifique, chargé de la Politique des grandes villes (Économie)

Question nº 800 de M. Van Quickenborne du 25 juillet 2000 (N.) :
Spamming. ­ Ampleur. ­ Dommage. ­ Recours juridiques.

La Chambre des députés américaine a adopté par 427 voix contre 1 une loi destinée à réprimer le spamming. Cette Unsolicited Electronic Mail Act impose aux expéditeurs d'e-mails à messages publicitaires de transmettre simultanément une adresse précise à laquelle le destinataire puisse réagir. Il est interdit d'encore envoyer des e-mails lorsque quelqu'un a fait savoir à cette adresse de réponse qu'il ne le souhaite pas. Toute infraction à cette règle est punie d'une amende de 500 dollars par message.

Il a fallu selon ses propres dires un an au député républicain Heather Wilson, qui a déposé la proposition de loi, pour rallier suffisamment de collègues pour la faire adopter. Deux ans auparavant, quelques lois antispamming antérieures contenant des propositions comparables à celles de la Unsolicited Electronic Mail Act n'avaient pu obtenir la majorité requise à la Chambre.

Les problèmes rencontrés avec les e-mails intempestifs par les fournisseurs d'internet ont été pour Wilson une raison importante de proposer la loi. America Online, le plus grand fournisseur aux États-Unis, estime que quelque 30 % des e-mails transitant par ses serveurs relèvent du spamming. Une autre raison de l'initiative a été le pourcentage important des publicités non sollicitées pour des sites pornographiques parvenant dans les boîtes aux lettres électroniques.

Selon Wilson, la loi permettra aux consommateurs de se préserver des e-mails intempestifs et parfois scandaleux que recèlent leurs ordinateurs.

Le vote sur la loi devrait avoir lieu en septembre au Sénat, où circule entre-temps une autre proposition de loi antispamming déposée par le sénateur républicain Conrad Burns, mais qui ne prévoit pas l'obligation de fournir une adresse de réponse.

Quels sont les moyens juridiques disponibles dans notre pays pour s'opposer au spamming ? De nouveaux instruments sont-ils en vue (directive sur le commerce électronique ...) ? L'honorable ministre estime-t-il que de nouvelles initiatives législatives seraient intéressantes ? En quoi consistent ces moyens ? L'expéditeur doit-il pouvoir être atteint ? Des amendes sont-elles prévues ?

Comment l'honorable ministre entend-il obtenir concrètement que les messages relevant du spamming soient reconnaissables comme tels pour les destinataire et, éventuellement, son logiciel de courrier électronique ? Qu'entend au juste la loi sur les pratiques du commerce par une publicité non-sollicitée identifiable comme telle « d'une manière non équivoque » ? Que pense l'honorable ministre d'une interdiction généralisée ? A-t-il conscience des effets indésirables de tout spamming ? Voici un petit en calcul en guise d'illustration. Si un million d'employés belges vérifient leurs e-mails chaque matin au travail et qu'il leur faut chacun en moyenne 10 secondes pour faire le tri du spamming et du courrier électronique ordinaire, cela représente chaque jour dix millions de secondes de temps de travail perdues. Soit au total une perte de 350 jours ouvrables de huit heures. Le spamming coûterait donc quotidiemment un travailleur à l'économie belge !

L'honorable ministre a-t-il une idée de l'ampleur du spamming dans notre pays ? Quel dommage représente-t-il ?

Y a-t-il déjà eu des actions juridiques en la matière ?

Réponse : En réponse aux questions posées par l'honorable membre, j'ai l'honneur de communiquer les éléments suivants.

Je suis bien évidemment conscient des pertes de temps et d'argent engendrées par les communications commerciales non sollicitées. Je ne peux toutefois pas communiquer à l'honorable membre de chiffres précis quant à l'étendue du spamming.

Je veux y ajouter que le dommage généré par le spamming ne se traduit pas tellement en un aspect quantitatif, mais se situe surtout au niveau du caractère non sollicité et au niveau des charges supplémentaires que celui-ci occasionne au détriment du destinataire (cost-shifting); Ce dommage se traduit principalement par des coûts liés à une « in-box » surchargée et par une diminution de la productivité due au temps consacré au filtrage et à lancer d'éventuelles réclamations.

Le destinataire des communications commerciales par e-mail non sollicitées doit être surtout protégé sous deux angles : d'une part, ses droits personnels doivent être garantis, d'autre part, il doit être protégé en tant que consommateur et donc en tant qu'agent économique. Il ne s'agit toutefois pas d'une distinction stricte entre deux qualités.

Le premier aspect comprend le droit de l'individu à la protection de sa vie privée, tel qu'il est garanti entre autres dans les articles 8 et 10 de la Convention européenne du 4 novembre 1950 de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Ceci comprend notamment le droit de ne pas être dérangé par certaines techniques de communication d'une nature particulièrement importune, parmi lesquelles le e-mail peut aussi être catalogué.

Cette protection est mise en oeuvre dans notre législation belge par la loi du 8 décembre 1992 relative à la protection de la vie privée à l'égard des traitements de données à caractère personnel (Moniteur belge du 18 mars 1993, ci-après loi vie privée).

Cette loi tente de garantir concrètement la protection de chaque personne physique lors du traitement de données à caractère personnel qui la concernent, plus particulièrement la protection de sa vie privée et elle impose quelques règles concernant la collecte, la conservation et la transmission de données personnelles. Elle prévoit des droits pour la personne dont les données sont recueillies, et des devoirs pour le maître du fichier. Ainsi l'accent peut être mis sur l'obligation d'informer la personne dont les données sont recueillies, d'une série d'éléments parmi lesquels l'identité du maître du fichier, la finalité pour laquelle les données recueillies sont utilisées, etc. (article 4).

De plus, c'est surtout le principe de finalité qui est important : « Les données à caractère personnel ne peuvent faire l'objet d'un traitement que pour des finalités déterminées et légitimes et ne peuvent pas être utilisées de manière incompatible avec ces finalités. Elles doivent être adéquates, pertinentes et non excessives par rapport à ces finalités. » (voir article 5).

La loi sur la vie privée de 1992 a subi d'importantes modifications par la loi du 11 décembre 1998, et ceci suite à la transposition de la directive 97/66/CE précitée. La nouvelle loi sur la vie privée n'entre en vigueur qu'au plus tôt en 2001. Cette loi prévoit, notamment, le droit d'opposition du consommateur au traitement de ses données à des fins de marketing direct.

Les violations de la loi sur la protection de la vie privée constituent à leur tour une infraction aux usages honnêtes en matière commerciale, lorsque, de cette manière, les intérêts professionnels d'un ou de plusieurs autres vendeurs (article 93 de la loi du 14 juillet 1991 sur les pratiques du commerce et sur l'information et la protection du consommateur, ci-après LPCC) ainsi que les intérêts d'un ou de plusieurs consommateurs (article 94, LPCC) sont lésés.

Nous en arrivons ainsi au second volet de protection, notamment la protection comme consommateur en tant qu'agent économique, réglée d'une manière générale dans la loi du 14 juillet 1991 sur les pratiques du commerce et sur l'information et la protection du consommateur (LPCC).

La législation concernée constitue pour la plus grande part une transposition des directives européennes en la matière, notamment d'une part, la directive européenne 97/7/CE du Parlement européen et du Conseil du 20 mai 1997 concernant la protection des consommateurs en matière de contrats à distance (JO L 144 du 4 juin 1997, p. 19), et d'autre part, il doit aussi être tenu compte de la directive relative au commerce électronique (directive 2000/31/CE du Parlement européen et du Conseil du 8 juin 2000 relative à certains aspects juridiques des services de la société de l'information, dans le marché intérieur, JO L 178 du 17 juillet 2000, p. 1).

Tout d'abord, il y a l'article 23, 5º, second alinéa, tel qu'inséré par la loi du 25 mai 1999 portant modification de la LPCC. En complément à l'interdiction générale de la tromperie rédactionnelle, contenue à l'article 23, 5º, premier alinéa, cet alinéa dispose que « la publicité par courrier électronique, non sollicitée, doit être identifiable comme telle d'une manière claire et non équivoque dès sa réception par le destinataire ».

Le but de cette disposition est que le titre du message indique clairement et de manière non équivoque qu'il s'agit d'un message commercial de telle sorte que le consommateur puisse effacer l'avis non ouvert.

Un cadre légal est mis à l'utilisation de la publicité par e-mail comme technique de promotion de vente dans la section « Contrats à distance » (chapitre VI, section 9) de la LPCC.

Contrairement à l'utilisation des automates d'appel et des fax, qui ne peuvent être utilisés en tant que « techniques de communication à distance » (voir article 77, § 1er, 3º, LPCC) que moyennant accord préalable du consommateur (ainsi appelé système de l'opt-in, article 82, § 2, premier alinéa, LPCC), le e-mail peut en principe être utilisé, à moins d'une opposition manifeste du consommateur (système de l'opt-out, voir article 82, § 2, troisième alinéa, LPCC). Aucun frais ne peut être imputé au consommateur pour les dépenses liées à l'exercice de son droit d'opposition (article 82, § 2, quatrième alinéa).

Au dernier alinéa de l'article 82, § 2, de la LPCC, il est prévue que le Roi détermine les modalités selon lesquelles le droit d'opposition du consommateur peut s'exercer. L'attention peut aussi être attirée sur le deuxième alinéa du même paragraphe, lequel dispose que le Roi peut étendre les techniques pour lesquelles l'accord préalable du consommateur est nécessaire (le système ainsi dénommé opt-in).

La problématique de la communication commerciale non demandée est également traitée dans la directive « commerce électronique » (article 7) et développée sur base de la protection prévue par les directives précitées.

L'article 7.2 de la directive précitée prescrit que les États membres doivent prendre des mesures visant à garantir que les prestataires qui envoient par courrier électronique des communications commerciales non sollicitées consultent régulièrement les registres « opt-out » dans lesquels les personnes physiques qui ne souhaitent pas recevoir ce type de communications peuvent s'inscrire, et respectent le souhait de ces dernières.

Très récemment (en date du 12 juillet 2000), la Commission européenne a lancé une proposition relative au traitement des données à caractère personnel et à la protection de la vie privée dans les communications électroniques, en remplacement de la directive 97/66/CE citée plus haut.

Pour ce qui concerne le spamming (article 13 de la proposition), elle penche pour une approche harmonisée de type opt-in : le consommateur ne peut recevoir de la publicité par e-mail que s'il y donne son accord exprès. La raison en est que quatre États membres ont déjà introduit dans leur législation un tel système opt-in. Or, un système de régimes nationaux divergents dans le marché intérieur ne serait pas praticable. D'autant plus que la Commission européenne prône dans ce domaine l'application du principe de la reconnaissance mutuelle.

Je voudrais insister sur le fait qu'il ne s'agit encore que d'une proposition de modification par la Commission, sur laquelle il y aura certainement des discussions, au sein du Conseil, entre les États membres qui souhaitent un système d'opt-in et ceux qui privilégient l'opt-out.

Dans le cadre de la transposition de la directive commerce électronique qui est actuellement en préparation, et compte tenu des débats futurs à ce sujet au niveau européen, toutes les possibilités sont étudiées.

Pour les infractions à la LPCC, il peut être fait appel aux moyens de contrôle et de respect prévus à cet effet dans la loi.

Enfin, pour ce qui concerne sa question relative à la jurisprudence en la matière, je fais savoir à l'honorable membre que je ne suis pas au courant d'une quelconque jurisprudence sur le spamming.


(1) Commission nationale d'évaluation de la loi du 3 avril 1990 relative à l'interruption de grossesse (loi du 13 août 1990) ­ Rapport au Parlement : 1er janvier 1998-31 décembre 1999.

(2) Dans le même rapport au Parlement nous pouvons lire dans les conclusions : « La commission, impressionnée par la modicité en personnel et en moyens qui sont actuellement mis à la disposition des différents services qui s'occupent de l'accueil des femmes en situation de détresse, recommande que des moyens plus importants soient fournis par les pouvoirs publics, ..., aux services qui doivent assurer l'aide à ces femmes et aussi jouer un rôle de prévention. »