Questions et Réponses

Sénat de Belgique


Bulletin 2-20

SESSION DE 1999-2000

Questions posées par les Sénateurs et réponses données par les Ministres

(Fr.): Question posée en français - (N.): Question posée en néerlandais


Ministre des Finances

Question nº 632 de M. Van Quickenborne du 9 mai 2000 (N.) :
Revenus provenant de la spéculation. ­ Imposabilité.

En règle générale, tout revenu issu de la spéculation est soumis à l'impôt. Aux termes de l'article 90.1, « les bénéfices ou profits, quelle que soit leur qualification, qui résultent, même occasionnellement ou fortuitement, de prestations, opérations ou spéculations quelconques ou de services rendus à des tiers » sont en effet qualifiés de revenus divers, imposables à un taux distinct de 33 %. Il s'agit d'une imposition fourre-tout dès lors qu'elle concerne la quasi-totalité des revenus recueillis en dehors de l'activité professionnelle. Pour limiter quelque peu le champ d'application de ces dispositions, le législateur a prévu une exception importante lors de l'adoption de cet article en 1962, en ce sens que les bénéfices ou profits qui résultent d'opérations de gestion normale d'un patrimoine privé consistant en biens immobiliers, valeurs de portefeuille et objets mobiliers ne sont pas taxables. Il ne s'agit non pas d'un principe, mais d'une exception à la règle générale.

Lorsque le fisc peut démontrer qu'il y a eu une « intention anormalement spéculative », la plus-value réalisée sur les actions est taxée selon le principe applicable aux « revenus divers » (donc au taux de 33 %).

Qu'entend l'honorable ministre par l'expression « intention anormalement spéculative » ? Les opérations dites de daytrading, c'est-à-dire d'achat et de vente d'une valeur de portefeuille le même jour participent-elles d'une telle intention ? Quid d'une acquisition en vue d'un placement à moins de trois mois ?

Considère-t-on comme une spéculation au sens du CIR 1992 le fait d'acheter une action lors de son introduction en bourse et de revendre cette même action dans la semaine qui suit le début des transactions boursières ? Y a-t-il spéculation en cas d'achat et de vente en dehors des bourses de valeurs mobilières ?

Le commentaire administratif prévoit que « les profits des opérations occasionnelles dans les bourses de valeurs mobilières à terme comme au comptant » ne sont pas considérés comme des formes de spéculation (Com.IR nº 90/8). Qu'entend-on par « opérations occasionnelles » ? L'aspect « occasionel » porte-t-il sur la proportion du patrimoine placé ou plutôt sur la durée de détention de la valeur ?

La déclaration du ministre des Finances selon laquelle les achats et ventes de valeurs mobilières, à terme comme au comptant, doivent être considérés comme des opérations de gestion normale d'un patrimoine privé, à moins qu'ils acquièrent le caractère d'une occupation lucrative à cause de leur répétition (Sénat, 1961-1962, rapport de la commission des Finances, doc. nº 366, p. 148) ne vide-t-elle pas de sa substance la notion de spéculation, dès lors que toute activité lucrative doit être considérée comme générant un revenu professionnel et non plus un revenu divers ?

L'utilisation de sommes empruntées en vue de faire des placements doit-elle être assimilée à une forme de spéculation en tant que telle ou faut-il que d'autres conditions soient remplies ?

Combien de personnes physiques ont-elles déclaré, au cours des cinq dernières années, des plus-values du type visé et quel montant ces plus-values représentent-elles ? Des contribuables ont-il déclaré des moins-values pour la même période et, si oui, pour quel montant ? L'honorable ministre considère-t-il comme normaux les montants déclarés ou estime-t-il que les montants déclarés sont inférieurs aux montants réels ?

L'administration effectue-t-elle des contrôles spécifiques à propos de ces revenus divers ? Dans l'affirmative, en quoi consistent-ils ?

Il me semble que le fisc veuille se montrer plus strict en ce qui concerne les plus-values sur actions et qu'il veuille interpréter plus strictement la notion de gestion normale ? Est-ce exact ? L'honorable ministre a-t-il donné des instructions en ce sens à son adminstration ?

A-t-il des projets allant dans le sens d'une réforme de la taxation des plus-values et de la déduction des moins-values des valeurs mobilières ?

Réponse : Pratiquement, sont imposables à titre de revenus divers conformément à l'article 90, 1º, du Code des impôts sur les revenus 1992 (CIR 1992), tous les bénéfices ou profits, quelle que soit leur qualification, qui réunissent simultanément les conditions suivantes :

­ être réalisés en dehors de l'exercice d'une activité professionnelle;

­ ne pas résulter de la gestion normale d'un patrimoine privé consistant en biens immobiliers, valeurs de portefeuille et objets mobiliers.

Il peut généralement être admis que les plus-values qu'une personne physique réalise, en dehors de l'exercice d'une activité professionnelle, lors de la cession de valeurs de portefeuille, résultent de la gestion normale d'un patrimoine privé lorsque ces opérations ne sont pas effectuées dans un but de spéculation et qu'elles n'acquièrent pas, par leur fréquence, le caractère d'une occupation lucrative.

En la matière, la « spéculation » peut être décrite comme étant une transaction comportant de nombreux risques et pour laquelle il existe une possibilité de réaliser un bénéfice important ou, le cas échéant, une lourde perte, en raison de hausses ou de baisses de prix survenues. Il n'est pas requis que la revente ait lieu dans un bref délai après l'achat, bien que cela puisse naturellement constituer des éléments d'appréciation de l'intention spéculative, notamment la distorsion entre le prix de vente et le prix d'achat, le financement par des capitaux empruntés plutôt que par des fonds propres et l'importance des moyens affectés à cette fin par rapport à l'importance du patrimoine privé.

La question de savoir s'il s'agit ou non d'une opération spéculative ne peut être résolue qu'à la lumière des circonstances de fait et de droit dans lesquelles cette opération s'est déroulée, en se basant notamment sur les éléments d'appréciation dont question ci-avant. L'honorable membre conviendra dès lors certainement qu'il ne m'est pas possible de fournir une réponse précise à ses questions.

En outre, je tiens à signaler que les revenus d'opérations spéculatives qui s'écartent de la gestion normale d'un patrimoine privé, ne seront pas nécessairement considérés comme des revenus divers. Si ces opérations, notamment en raison de leur répétition, correspondent en fait à l'exercice d'une activité professionnelle ou d'une occupation lucrative, les revenus qui en résultent doivent alors toujours être imposés comme des revenus professionnels.

Je voudrais également rappeler qu'il n'entre pas dans mes intentions de modifier la fiscalité sur les plus-values (cf. Compte rendu analytique de la réunion publique de la commission des Finances et du Budget, Chambre, document nº 095, 1999-2000, p. 10).

Enfin, j'informe l'honorable membre que l'administration ne dispose pas des données statistiques qu'il demande.