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Sénat de Belgique

Annales parlementaires

JEUDI 13 JUILLET 2000 - SÉANCE DE L'APRÈS-MIDI

(Suite)

Question orale de Mme Marie Nagy au ministre de la Justice sur «la nomination des juges de complément à Bruxelles pour lutter contre l'arriéré judiciaire» (n° 2-325)

Mme Marie Nagy (ECOLO). - Dans votre réponse à la question que mon collège Marc Hordies vous a posée le 25 mai dernier, concernant la nomination des juges de complément, en conformité avec l'accord intervenu le 20 décembre 1999 pour essayer de lutter contre l'arriéré judiciaire, particulièrement criant à Bruxelles, vous avez répondu que vous attendiez la circulaire du procureur du Roi qui devait créer, sur instruction ministérielle et en application de cet accord, une section nouvelle au sein du parquet de Bruxelles, compétente pour le seul arrondissement administratif de Hal-Vilvorde.

Deux mois s'étant écoulés, pouvez-vous me dire où nous en sommes aujourd'hui ? Avez-vous reçu la nouvelle directive du procureur du Roi ? Dans l'affirmative, cela permet-il d'aboutir au dépôt du projet de loi et à des nominations nouvelles ? Quelles sont les garanties pour les francophones habitant dans la partie de l'arrondissement située en dehors de Bruxelles ?

M. Marc Verwilghen, ministre de la Justice. - D'emblée, je tiens à préciser qu'il n'entre pas dans mes intentions de ne pas exécuter l'accord de gouvernement sur la nomination des juges de complément pour lutter contre l'arriéré judiciaire, plus particulièrement à Bruxelles.

Ce projet de loi est prêt et je souhaite pouvoir l'introduire le plus rapidement possible au parlement.

L'accord de gouvernement comprend plusieurs points qui sont liés afin d'assurer un équilibre acceptable par tout le monde. C'est la raison pour laquelle je veux l'exécuter globalement.

Le gouvernement attend toujours le projet de directive qui doit émaner du procureur général et du procureur du Roi de Bruxelles.

Je tiens à préciser que cette directive doit comprendre uniquement des mesures d'organisation du parquet de Bruxelles. Il ne s'agit donc pas, comme certains voudraient le penser, du splitsing de l'arrondissement judiciaire de Bruxelles.

Il ne s'agit pas non plus de déroger à l'application de la loi de 1935 sur l'emploi des langues. En clair, si une personne francophone est verbalisée dans l'arrondissement administratif de Hal-Vilvorde, le procès-verbal sera rédigé en néerlandais

Les mesures d'organisation qui doivent intervenir portent sur trois points. D'abord, un magistrat néerlandophone doit participer aux réunions de concertation police - autorités judiciaires pour le ressort de Hal-Vilvorde ; ensuite, les policiers de l'arrondissement de Hal-Vilvorde doivent pouvoir contacter un magistrat néerlandophone de garde pour les dossiers qui surviennent la nuit ou le week-end ; enfin, les autorités administratives de l'arrondissement administratif Hal-Vilvorde doivent pouvoir prendre contact avec des employés ou des magistrats néerlandophones pour ce qui concerne le traitement des dossiers administratifs.

Il ne s'agit donc, en aucune manière, de prévoir un régime dérogatoire qui mette en danger les francophones de l'arrondissement.

Je rappelle que la directive ne concerne que des mesures d'organisation. J'ai donc demandé au procureur général et au procureur du Roi de Bruxelles de pouvoir recevoir un projet de directive en ce sens. Dans l'attente de ce document, je ne puis me prononcer sur les implications que cela peut avoir en termes de nominations nouvelles sur le plan administratif.

Je souligne une fois encore que j'ai insisté à plusieurs reprises pour obtenir le document en question. J'ai encore rappelé la semaine dernière l'urgence de ce dossier. Dès que je serai en possession de tous les éléments utiles, je ferai le nécessaire puisque l'aspect judiciaire a été envisagé.

Mme Marie Nagy (ECOLO). - Monsieur le ministre, votre réponse me laisse relativement perplexe. Dans l'accord de gouvernement qui prévoyait quatre points, un point devait être exécuté rapidement, à savoir le dépôt d'un projet de loi visant à pouvoir nommer des magistrats de complément. Un autre point concernait une circulaire d'organisation des parquets transmise aux procureurs et aux procureurs du Roi. Les procureurs nous font part d'une série de difficultés à mettre en _uvre la section extérieure à Bruxelles, parce que cette mesure implique une réorganisation complète des parquets. Vous leur demandez, en effet, de réorganiser les parquets avec les mêmes moyens, si j'ai bien compris votre réponse. Des moyens supplémentaires seraient cependant disponibles pour réorganiser le seul arrondissement de Hal-Vilvorde, alors que c'est dans l'arrondissement de Bruxelles qu'il y a le plus de problèmes. La situation est donc très complexe. En attendant, les personnes en attente d'une décision à Bruxelles auront perdu, au minimum, un an. En effet, entre le moment où on décide qu'il y a trop peu de magistrats et qu'il y a un problème, notamment pour le traitement des dossiers en français à Bruxelles, et le moment où nous serons saisis du projet du gouvernement, une année se sera déjà écoulée, de décembre 1999 à, probablement, octobre ou novembre 2000. Il est difficile d'expliquer cela aux personnes en attente d'une décision. Je ne trouve pas évident de déclarer qu'avec les mêmes moyens, on peut réorganiser la section de Hal-Vilvorde sans devoir toucher plus sensiblement aux moyens de l'ensemble de l'arrondissement, y compris Bruxelles, qui pose le plus de problèmes. On est en train de prendre en otages les personnes qui attendent une décision liée à l'arriéré judiciaire à Bruxelles. Cette décision dépendra du seul ministre. De façon générale, les problèmes d'organisation retomberont sur le dos des procureurs généraux et des procureurs du Roi, ce qui est difficile à expliquer et à admettre.

M. Marc Verwilghen, ministre de la Justice. - Le gouvernement ne prend personne en otage. Je renvoie à la notification du 20 décembre 1999 qui est très claire. Quatre points doivent être réalisés. Trois de ces points ont été soumis à une estimation légistique. Le travail a été fait.

Le conseil des ministres a pris sa décision. Le Conseil d'État s'est prononcé. Depuis le début, j'ai toujours dit que le procureur du Roi de Bruxelles et le procureur général de Bruxelles devaient prendre leurs responsabilités. Ils le savent depuis le début. Si ce problème est aussi aigu qu'on le dit, ce que je reconnais, on pourrait penser que le procureur du Roi et le procureur général auraient dû agir avec beaucoup plus de vigilance. Or, cela n'a pas été le cas jusqu'à présent.

Je voudrais souligner, une fois de plus, l'importance de tout ce qui se passe. La volonté de pouvoir aboutir dans ce dossier ne dépend momentanément que d'eux. J'espère qu'ils le savent. Je l'ai déjà souligné à de nombreuses reprises. Il serait beaucoup trop simple de dire qu'on pourrait continuer, étant donné que le travail légistique est terminé depuis quelques mois. Un accord est un accord global. Il est sous la responsabilité du parquet de Bruxelles que j'ai d'ailleurs invité à plusieurs reprises à agir et le moment est venu, si on veut progresser dans ce dossier. J'aurais aimé avoir pu déjà traiter ce dossier tant à la Chambre qu'au Sénat et avoir fait aboutir le projet de loi, au lieu de devoir attendre, comme c'est actuellement le cas.

M. le président. - Monsieur le ministre, les propos que vous venez de tenir sont d'une très grande clarté. Je suppose donc que, suite à vos explications, les magistrats en question auront reçu le message.

Mme Marie Nagy (ECOLO). - Sans vouloir entamer une discussion avec le ministre, je voudrais lui dire que, dans sa réponse à mon collègue Hordies, il signale quand même que les procureurs lui ont déjà répondu le 8 mai.

Il y a une marge entre le fait de dire que cette réponse est insatisfaisante et prétendre que les hauts magistrats n'ont pas fait leur travail. À mon sens, il faudrait donc nuancer, la demande formulée dans le cadre de l'accord intervenu étant bien plus importante en termes de moyens et d'organisation que ce qu'on veut bien dire.