2-522/4

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Sénat de Belgique

SESSION DE 1999-2000

17 JUILLET 2000


Projet de loi portant des dispositions sociales, budgétaires et diverses


Procédure d'évocation


RAPPORT

FAIT AU NOM DE LA COMMISSION DES FINANCES ET DES AFFAIRES ÉCONOMIQUES PAR M. RAMOUDT


SOMMAIRE


  1. Procédure
  2. Articles 229 et 230 : Énergie et développement durable
    1. Exposé du secrétaire d'État à l'Énergie et au Développement durable
    2. Discussion générale
  3. Articles 231 à 233 : Mobilité et transports
    1. Exposé de la vice-première ministre et ministre de la Mobilité et des Transports
    2. Discussion générale
  4. Articles 234 à 239 : Télécommunications et services postaux
    1. Exposé du ministre des Télécommunications et des Entreprises et Participations publiques
    2. Discussion générale
  5. Article 240 : Affaires étrangères
    1. Exposé du ministre des Télécommunications et des Entreprises et Participations publiques, au nom du ministre des Affaires étrangères
    2. Discussion générale
  6. Articles 241 et 242 : Marchés publics
    1. Exposé du ministre des Finances, au nom du premier ministre
    2. Discussion générale
  7. Discussion des amendements et votes

I. PROCÉDURE

Le projet de loi bicaméral optionnel qui vous est soumis a été déposé par le gouvernement à la Chambre des représentants le 26 juin 2000.

Le gouvernement a demandé l'urgence en application de l'article 80 de la Constitution et de l'article 12, § 2, de la loi du 6 avril 1995 organisant la Commission parlementaire de concertation.

La Chambre a adopté le projet de loi amendé lors de sa séance du 13 juillet 2000 et le Sénat l'a évoqué le 14 juillet 2000 (voir le Bulletin du greffe nº 31 du 14 juillet 2000). Le délai d'examen expire le 23 octobre 2000.

En application de l'article 27 du Règlement du Sénat, les commissions compétentes du Sénat ont entamé la discussion dès avant le vote final à la Chambre. La commission des Finances et des Affaires économiques a ainsi discuté les articles 229 à 242 lors de ses réunions des 4, 13, 14 et 17 juillet 2000.

Au cours des réunions de commission qui ont été tenues avant le vote final à la Chambre, plusieurs commissaires ont émis des objections quant à la procédure suivie, faisant valoir que le Sénat ne disposait pas encore d'un texte définitivement approuvé.

Un commissaire a fait observer que le Conseil d'État a dû se limiter pour l'essentiel à quelques remarques générales, puisqu'il avait été prié de rendre son avis dans un délai ne dépassant pas trois jours. Il va de soi que cette façon de travailler n'est pas compatible avec une bonne légistique. Le Conseil d'État a encore dû donner, dans l'intervalle, un avis complémentaire concernant la partie de la loi-programme relative au titre II, chapitre Ier, parce qu'en première instance, il n'avait pas reçu le protocole d'accord devant attester qu'il y avait eu concertation à ce sujet avec les syndicats (voir le doc. Chambre nº 50-756/5).

Compte tenu du délai extrêmement bref dans lequel le Conseil d'État a dû émettre un avis, il n'a pas été à même de se pencher sur tous les articles, notamment ceux qui concernent l'énergie et le développement durable. C'est pourquoi l'intervenant a estimé que cette commission n'avait pas été informée objectivement sur les problèmes juridiques que pourraient éventuellement poser les articles et s'est réservé le droit de ne se prononcer définitivement qu'après le vote définitif des textes à la Chambre.

Selon un autre sénateur, la nouvelle équipe au pouvoir s'est présentée comme un gouvernement qui adoptait un style nouveau : meilleure communication, plus de transparence et meilleure légistique. Or, la loi-programme en discussion ne fait que perpétuer une maladie du passé.

En décembre 1999 aussi, une loi-programme avait déjà été déposée au Parlement. À l'époque, plusieurs membres de cette commission appartenant aux groupes de la majorité avaient déclaré formellement et publiquement que c'était la dernière fois qu'une telle parodie législative serait mise en scène. D'une manière tout juste correcte sur le plan formel, on fait ainsi adapter à la hâte par le Parlement, un certain nombre de textes de loi importants et moins importants en profitant de la période de vacances pour ne pas devoir trop discuter sur le fond et du fait qu'à ce moment de l'année, l'intérêt de l'opinion publique pour la politique est au plus bas.

Sans doute les commissaire qui, à l'époque, avaient affirmé que la technique des lois-programmes était définitivement révolue, étaient-ils de bonne foi, mais force est, hélas, de constater aujourd'hui que leur prédiction ne s'est absolument pas réalisée, bien au contraire. La manière dont le Sénat doit examiner ce projet ainsi que les circonstances dans lesquelles le Conseil d'État a dû donner son avis ne permettent pas de faire du bon travail législatif.

L'intervenant espérait dès lors que les commissaires appartenant aux groupes de la majorité s'opposeraient à une telle façon de travailler. C'est là un échantillon d'ancienne culture politique et une façon de procéder à laquelle il faut renoncer pour de bon.

Un autre membre ne voit pas pour sa part pourquoi le Sénat devrait attendre les textes définitifs de la Chambre pour formuler sa propre opinion et il souligne du reste que dans le passé non plus, les avis du Conseil d'État n'ont pas toujours été rigoureusement suivis. Les dispositions à l'examen visent d'ailleurs à rectifier des erreurs du passé.

II. ARTICLES 229 ET 230 : ÉNERGIE ET DÉVELOPPEMENT DURABLE

II.1. Exposé du secrétaire d'État à l'Énergie et au Développement durable

Les deux articles à l'étude concernent les frais de fonctionnement de la Commission de régulation de l'électricité et du gaz (CREG). La loi du 29 avril 1999 prévoit que ces frais sont couverts par différentes rentrées.

Il s'agit des redevances pour les interventions de la CREG lorsqu'elle autorise de nouvelles installations de production d'électricité ou la construction de lignes directes pour le transport de l'électricité ou encore lorsqu'elle intervient pour la conciliation et l'arbitrage. Un autre moyen de financement de la CREG consiste en une surcharge appliquée sur les tarifs de transport de l'électricité.

Le deuxième pilier des rentrées de la CREG concerne le gaz, à savoir une redevance pour les titulaires d'autorisations de transport et de fourniture de gaz.

Toutefois, pour que ces différentes entrées puissent être d'application, il faut évidemment qu'il y ait des arrêtés royaux sur la procédure d'octroi de ces autorisations, mais surtout qu'il y ait un gestionnaire du réseau de transport désigné, comme le prévoit la loi. Ce n'est que quand ce gestionnaire du réseau de transport de l'électricité est désigné que l'on peut mettre en route une série de procédures, qu'il y a des tarifs officiels, etc. À ce moment-là, les redevances et les surcharges portent sur ces procédures et sur ces tarifs officiels.

Il est évident qu'il est très difficile de respecter ce calendrier. Le législateur lui-même en était d'ailleurs clairement conscient puisqu'il a opté pour la possibilité d'un préfinancement. La loi actuelle prévoit que ce préfinancement des frais de fonctionnement se fait par le biais d'avances récupérables à charge des ressources générales du Trésor. Le problème inhérent à ce système est que ces avances doivent être récupérées et donc que la CREG, une fois que le mécanisme définitif serait en place, devrait aller rechercher le financement depuis le premier jour de son fonctionnement suivant les procédures définitives pour rembourser les avances faites. Par conséquent, la CREG commencerait avec un problème à résoudre, à savoir apurer sa dette.

Pour éviter ce problème et comme il existe maintenant des tarifs de transport de facto publiés par l'actuel transporteur d'électricité (la CPTE), le gouvernement propose qu'un système provisoire soit mis en place qui permette de façon principale qu'une surcharge soit prise sur les tarifs de transport d'électricité tels que publiés par le transporteur actuel et non pas tels qu'ils devront être définis par la CREG, puisqu'il faudrait d'abord désigner un gestionnaire du réseau de transport d'électricité.

II.2. Discussion générale

Un commissaire demande au secrétaire d'État de prévoir un calendrier précis pour la désignation d'un administrateur de réseau.

Le secrétaire d'État déclare qu'un précédent Conseil des ministres l'a chargé de faire une proposition au Conseil des ministres du 14 juillet 2000.

III. ARTICLES 231 À 233 : MOBILITÉ ET TRANSPORTS

III.1. Exposé de la vice-première ministre et ministre de la Mobilité et des Transports

L'article 231 concerne la création d'un fonds budgétaire en vue d'améliorer les moyens de contrôle de l'aéronautique. La création de ce fonds est la concrétisation des conclusions d'un audit de l'Inspection aéronautique réalisé par l'OACI (Organisation de l'aviation civile internationale).

L'article 232 s'inscrit dans le prolongement de l'accord conclu le 11 février 2000 au sein du gouvernement en vue de réduire les nuisances sonores dans le voisinage de l'aéroport de Bruxelles-National. La technique d'un fonds budgétaire est utilisée afin d'atteindre l'objectif visé, notamment la réduction de manière drastique des nuisances sonores.

L'article 233 vise à dispenser la ministre de récupérer un montant de 21 millions de francs ­ avances et emprunts accordés en exécution des lois concernant la réparation des dommages de guerre aux biens privés ­, étant donné qu'il s'agit de sommes irrécupérables parce que soit les héritiers ont refusé la succession des débiteurs décédés, soit les débiteurs peuvent être considérés comme insolvables, soit la prescription est intervenue.

III.2. Discussion générale

Plusieurs commissaires, se référant à l'avis du Conseil d'État concernant les articles 231 et 232, disent que le gouvernement a certes tenu compte de quelques observations du Conseil d'État, mais pas de toutes.

Ainsi, le Conseil d'État a fait remarquer qu'en vertu de l'article 45 des lois coordonnées sur la comptabilité de l'État, la loi qui crée un fonds budgétaire doit déterminer les recettes imputées au budget des Voies et Moyens qui seront affectées à des dépenses dont elle doit définir l'objet. Ces fonds ne peuvent pas être alimentés par des crédits du budget général des dépenses. La ministre a répondu à cette observation en supprimant la possibilité, pour ces fonds, d'être alimentés par des crédits du budget général des dépenses. Elle a aussi supprimé la possibilité d'alimenter ces fonds par des avances de trésorerie.

La ministre répond que le gouvernement a effectivement tenu compte de l'avis du Conseil d'État.

L'avant-projet prévoyait que le montant de la retenue qui ne serait pas inscrit comme recette du fonds serait fixé annuellement en concertation avec le ministre du Budget. Le Conseil a fait remarquer qu'une telle disposition ne respecte pas les prérogatives du pouvoir législatif. En réponse à cette remarque, le renvoi au ministre du Budget a été supprimé. Seul le législateur est habilité à fixer le montant.

En ce qui concerne les avances de trésorerie, le Conseil d'État a proposé deux solutions en vue de rencontrer les préoccupations exprimées. Le gouvernement a opté pour la seconde, selon laquelle le législateur autorise, aux conditions qu'il détermine, que le fonds en question présente une position débitrice.

Le gouvernement a également tenu compte de l'observation selon laquelle les mots « frais de fonctionnement de toute nature », suivis d'une énumération se terminant par les mots « et cetera » sont excessivement larges, en supprimant, pour être clair et net, les mots « et cetera » et en ajoutant les mots « en matière d'inspection et de contrôle aéronautique ».

Un membre note que la seconde solution à laquelle la ministre fait référence implique en fait une dérogation à l'article 45 susvisé des lois coordonnées sur la comptabilité de l'État. En instituant un fonds, on crée en fait la notion de crédits variables. Pour des crédits variables d'un fonds budgétaire, on ne peut autoriser que des ordonnancements à concurrence des recettes.

L'intervenant met en garde la ministre contre les dangers que présente la solution choisie. En permettant au fonds d'être en position débitrice, on risque de générer une dette cachée à charge de l'État, étant donné qu'en raison du débit, le budget peut devenir largement déficitaire.

La ministre admet que la position débitrice appelle à la plus grande prudence pour éviter le risque de voir alourdir la dette de l'État de manière cachée. Toutefois, le gouvernement a tracé le cadre général et fixera annuellement la position débitrice.

Un membre a une question concernant la somme qui sera déduite des recettes affectées au premier fonds. Sur la base de quels critères cette somme serat-elle déterminée ?

Le membre veut également savoir quels seront les frais de gestion de ce fonds, vu le fait que l'on prévoit du personnel supplémentaire. Le membre souhaite aussi connaître les montants qui actuellement rentrent dans le Trésor, et qui en seront soustraits pour alimenter ce fonds. Si certaines recettes sont soustraites du Trésor, les dépenses correspondantes seront-elles également soustraites des dépenses générales de l'État ?

La ministre explique la technique de la création du fonds. Il est difficile de donner déjà des chiffres puisqu'il est prévu d'affecter des recettes tout en précisant « après déduction d'une somme qui ne sera pas affectée et qui sera fixée annuellement ». Il va falloir d'abord préciser cette somme non-affectée. La ministre promet d'y revenir lors de la création même de ce fonds. Elle ne peut pas donner un chiffre d'une somme qui doit encore faire l'objet d'une décision annuelle.

À ce stade, elle n'envisage pas de moyens supplémentaires en personnel pour la gestion du fonds.

En ce qui concerne le deuxième fonds, le FANVA, un membre fait observer que les recettes affectées seront les amendes et droits d'utilisation identifiés par un arrêté royal délibéré en Conseil des ministres. Le Conseil d'État a fait observer qu'il n'appartient pas au Roi de déterminer ces amendes et droits d'utilisation, mais que les recettes doivent être définies par la loi elle-même. Une délégation au Roi pour déterminer l'objet de ces recettes serait contraire aux prérogatives budgétaires que l'article 174 de la Constitution réserve au pouvoir législatif. Le membre déposera un amendement pour y remédier.

Les dépenses prévues pour ce fonds sont de natures diverses : des frais de toutes sortes, occasionnés en vue de la perception des amendes, des primes pour isolation. L'intervenant se réfère à la politique de la Région wallonne autour de l'aéroport de Bierset pour lutter contre les nuisances (l'achat de maisons, des primes pour l'isolation acoustique, ...). La question est de savoir qui est compétent. Le Conseil d'État ne se prononce pas sur cette compétence, parce qu'elle est en effet au centre de plusieurs litiges en cours devant la section d'administration du Conseil d'État.

Compte tenu du fait que le Conseil d'État ne se prononce pas, le membre estime que ce problème est vraiment une source d'insécurité juridique.

La ministre souligne que l'État fédéral est bien compétent en la matière. Il faut faire la différence entre le problème du bruit à l'émission (ce qui est fédéral) et du bruit à l'audition (ce qui est régional).

L'État fédéral est aussi compétent pour déterminer les amendes et les droits d'utilisation. On créé aujourd'hui le cadre général de ce fonds. Il va faloir ensuite déterminer le mode de fonctionnement de ce fonds.

Le membre ne conteste pas la compétence de l'État fédéral en la matière, mais bien la délégation au Roi.

La ministre ne voit pas de contradiction entre le projet de loi et la Constitution. Il y a peut-être une divergence d'opinion. Le gouvernement estime qu'une habilitation limitée, comme celle qui est proposée, est tout à fait praticable sur le plan constitutionnel.

De plus, en ce qui concerne un recours éventuel, il faudrait que les personnes qui l'introduiront, aient un intérêt. Un recours tel qu'évoqué, ne mettrait pas fin ni aux amendes, ni aux droits d'utilisation, mais porterait sur le problème de savoir si on peut affecter la recette des amendes à un fonds comme celui-ci. Si la thèse du gouvernement n'était pas suivie, il faudrait la corriger par la suite.

Un autre commissaire aimerait savoir où l'on en est en ce qui concerne les autres décisions qui ont été prises dans le dossier des nuisances environnementales dans les environs de l'aéroport de Zaventem, comme celle de transférer l'aéroport militaire de Melsbroek à Brustem. L'intervenant croit savoir que l'on envisage plutôt de transférer l'aéroport militaire à Beauvechain. Il voudrait également savoir où l'on en est en ce qui concerne le raccordement aux transports en commun, et, plus précisément, à la ligne 25, et où en est la concertation avec la Région flamande.

La ministre déclare être disposée à venir faire un exposé sur les autres aspects de la décision du 11 février 2000 dès la rentrée parlementaire, tant en ce qui concerne le volet en liaison avec l'aéroport, que le volet lié à la base militaire pour lequel les négociations sont toujours en cours. Le principe a été acquis, mais aucune décision formelle n'a encore été prise.

Un membre de la commission explique qu'il a déjà vu des amendes réglées par arrêté royal. De plus, il estime que l'avis du Conseil d'État est nuancé.

L'intervenant suivant aborde la problématique visée à l'article 233. Selon lui, il est logique, 55 ans après les faits, de tourner la page en question de l'histoire. Il conviendrait d'en faire autant en ce qui concerne une série de demandes de réparation qui sont pendantes ­ ce sont souvent des demandes introduites à tort ­ à propos de faits survenus pendant la guerre. En 1984, le Parlement flamand a dressé un aperçu de toutes les affaires relatives à des demandes pendantes de condamnation à des dommages-intérêts et de confiscation. Il s'agit au total de 70 dossiers; le total des sommes encore dues n'est pas connu. Dans ces dossiers, une solution pourrait consister à introduire un recours en grâce ou une demande de normalisation. Il faudrait toutefois aussi pouvoir clôturer ces dossiers. Cela nécessiterait toutefois un élargissement des critères définis dans la loi de normalisation. Il s'avère également que beaucoup de dossiers doivent être exécutés à charge de descendants et de membres de la famille des condamnés. Il conviendrait de prévoir la possibilité de clôturer les dossiers en cas de décès, sans autres conséquences pour la deuxième génération ni pour les générations suivantes.

D'une manière plus générale se pose toutefois la question fondamentale de savoir s'il ne faut pas renoncer totalement aux recouvrements, à la lumière de la jurisprudence et de la doctrine, dans le cadre desquelles les actions de l'État en vue d'obtenir une indemnisation patrimoniale et extrapatrimoniale ont été considérées depuis 1949 comme non fondées dans la plupart des cas.

L'intervenant déplore que beaucoup considèrent que ce sujet est indiscutable.

La ministre maintient ce qui est proposé à l'article 233 et renvoie à la motivation de cet article.

Un autre commissaire souhaite connaître l'attitude du gouvernement face à ces orientations. Il souligne qu'il n'est absolument pas question d'amnistie. Il s'agit simplement de se préoccuper des suites asociales de la répression.

L'intervenant suivant dit ne pas comprendre les interventions des préopinants. Le problème qu'ils évoquent n'est pas du tout à l'ordre du jour. Les articles en discussion n'ont rien à voir avec la répression ni avec ses conséquences sociales.

IV. ARTICLES 234 À 239 : TÉLÉCOMMUNICATIONS ET SERVICES POSTAUX

IV.1. Exposé du ministre des Télécommunications et des Entreprises et Participations publiques

L'article 234 abroge une disposition de la loi du 21 mars 1991 portant réforme de certaines entreprises publiques économiques qui instaurait une limite d'âge pour les membres des conseils d'administration. Le gouvernement estime que cette disposition a perdu son utilité. En effet, les personnes en question possèdent généralement une très grande expertise et peuvent dégager le temps nécessaire. Très concrètement, le président du conseil d'administration de La Poste et celui de Belgacom ont atteint la limite d'âge en vigueur. Les faits indiquent que l'un et l'autre sont très compétents et très expérimentés. Il serait déraisonnable de ne plus faire appel à leur expertise, alors que la tendance actuelle est de retarder l'âge de fin de carrière professionnelle. Ce serait donc aller à contre-courant de celle-ci. Le gouvernement entend d'ailleurs rendre ce régime applicable à l'ensemble des entreprises publiques.

Les articles 235 à 238 visent à l'instauration d'un régime légal tenant compte des observations que le Conseil d'État a émises dans son avis du 12 mai 1999 sur l'arrêté royal transposant les obligations qui découlent de la directive 97/67/CE du Parlement européen et du Conseil, du 15 décembre 1997, concernant les règles communes pour le développement du marché intérieur des services postaux de la Communauté et l'amélioration de la qualité du service.

La loi du 21 mars 1991 portant réforme de certaines entreprises publiques économiques contient plusieurs articles qui faussent en fait la concurrence telle qu'elle est définie par le marché intérieur, dès lors que divers opérateurs postaux potentiels se voient imposer des conditions qui ne permettent pas de concurrencer La Poste sur une base réaliste. Voilà pourquoi certains articles en projet, tels que l'article 238, prévoient la suppression de certaines conditions tandis que d'autres prévoient la possibilité de garantir le respect de certaines exigences essentielles du service universel, dans la mesure où l'on applique scrupuleusement le principe de proportionnalité et où on se fonde sur des critères objectifs. L'on ne peut donc pas prévoir que tous les opérateurs postaux doivent proposer le même service sur l'ensemble du territoire. Cela impliquerait en effet qu'aucun autre opérateur que La Poste ne peut déployer ses activités sur le marché belge libéralisé. Comme La Poste a pu développer un réseau global dans le passé et qu'elle n'a donc plus aucun coût d'investissement à supporter à cet égard, il est en effet impossible de lui faire concurrence.

IV.2. Discussion générale

Un membre exprime sa satisfaction de voir le présent projet de loi mettre la réglementation belge en conformité avec la directive européenne. Il comprend que les adaptations auraient pu aller plus loin dans le sens de la libéralisation, mais que le ministre a dû s'atteler à dégager un consensus au sein du gouvernement.

Le commissaire dit pouvoir comprendre aussi que le gouvernement ait voulu protéger La Poste autant que possible contre une concurrence « sauvage », même si un problème fondamental subsiste.

On a attribué à La Poste autant de services réservés que le permet la directive 97/67/CE relative aux services postaux. Les avantages d'échelle d'un réseau existant bien conçu et la possibilité d'offrir un « guichet unique » aux clients commerciaux constitue déjà en soi un bel avantage concurrentiel. Reste la question de savoir si le service universel est réellement si déficitaire qu'on le dit parfois.

Le gouvernement tient pourtant manifestement à prévoir la possibilité de créer un fonds de compensation. Ce fonds devrait servir à compenser la charge disproportionnée des frais qu'engendre un service universel. Ce fonds serait alimenté par les entreprises dont le chiffre d'affaires est supérieur à 50 millions et qui ont obtenu une licence pour pouvoir fournir des services non réservés du service universel.

L'on risque de voir apparaître certaines anomalies à cet égard. Il est illogique d'obliger des prestataires de services à contribuer à un fonds sans pouvoir démontrer qu'ils auraient pu fournir les services en question de manière beaucoup plus efficace. Ce segment du marché leur est en effet toujours interdit. De plus, l'existence d'un tel fonds n'est déjà pas de nature à améliorer l'efficacité. L'on aura tout simplement recours à un financement externe.

Le ministre trouve-t-il opportun d'activer un tel fonds ? Si oui, comment faudra-t-il l'organiser selon lui ? Quand devrait-il devenir opérationnel ? Quelles seraient les sommes en jeu ? L'intervenant estime qu'il importe, dans l'intérêt des entreprises visées, que la clarté soit faite le plus rapidement possible à ce sujet. La question pourrait en effet influencer leur comportement sur le marché.

Le ministre pourrait-il, en attendant que l'on dispose de données plus concrètes et plus détaillées, veiller à dissiper l'inquiétude qui doit certainement régner dans bon nombre d'entreprises ? Le commissaire pense à cet égard aux services de courrier et de courrier express. Il espère que, comme leurs activités ne relèvent pas du service universel, on ne pourra pas leur réclamer une contribution au fonds.

Le ministre déclare que le concept du fonds de compensation repose sur la perspective selon laquelle les services réservés, c'est-à-dire aussi une partie du service universel, disparaîtront tôt ou tard en raison de la libéralisation des services postaux. Cela pourrait signifier qu'à un moment donné, les bénéfices générés par les services réservés ne suffiront plus à couvrir le coût du service universel. Si l'on tient malgré tout à conserver ce service universel, il faudra veiller d'une manière ou d'une autre à en assurer le financement. Un des moyens d'y parvenir est de créer un fonds de compensation. Le principe fondateur de ce concept veut que le marché verse une contribution proportionnelle à l'opérateur qui propose le service universel à un coût inférieur à son prix de revient.

On pourrait parler en l'espèce de cofinancement. En principe, tous les opérateurs présents sur le marché devraient contribuer à couvrir les frais de ce service universel ­ dans la mesure où la collectivité estimerait qu'il faut le maintenir. Ce coût serait égal à la différence entre les bénéfices et le coût réel. Il s'agirait d'une sorte de rétribution inversée à charge des autres opérateurs présents sur le marché.

À l'heure actuelle, le besoin d'un fonds de compensation ne se fait pas encore sentir, parce que le paquet de services réservés est encore largement suffisant pour compenser la perte au niveau du service universel. Mais le nombre des services réservés diminuera à mesure que la libéralisation s'accentuera.

Le ministre souligne que l'inquiétude des services de courrier n'est pas justifiée. La directive prévoit littéralement (voir : point 18 de la directive) ­ et la communication de la Commission européenne va dans le même sens ­ que les services à valeur ajoutée (à savoir expresspost) ne font pas partie du service universel. Comme la contribution au fonds ne peut être demandée qu'aux entreprises qui fournissent des services qui font partie du service universel, il n'y a aucun problème pour les services de courrier, puisqu'ils fournissent des services à valeur ajoutée qui n'en font pas partie (voir : tableau).

Service universel
­
Universele dienst
Hors du service universel
­
Buiten universele dienst
Réservé
­
Gereserveerde
Non réservé
­
Niet-gereserveerde
Maximum :
Envois de correspondance < 350 gr < 5 × tarif public. ­ Postzendingen < 350 gram < 5 × openbare tarief Envois de correspondance > 350 gr à 2 kg. ­ Postzendingen > 350 gram tot 2 kg Envois de correspondance > 2 kg. ­ Postzendingen > 2 kg
Colis postaux jusqu'à 10 kg. ­ Postpakken tot 10 kg Colis postaux > 10 kg. ­ Postpakken > 10 kg
Colis postaux reçus d'autres États membres jusqu'à 20 kg. ­ Postpakken ontvangen vanuit andere lidstaten tot 20 kg Colis postaux reçus d'autres États membres > 20 kg. ­ Postpakken ontvangen vanuit andere lidstaten tot > 20 kg
­ Par courrier accéléré ou non. ­ Al dan niet per snelpost ­ Service de courrier exprès. ­ Expresspost
­ Courrier transfrontière également. ­ Grensoverschrijdende post ook
­ Publipostage également. ­ Direct mail ook
(Tous les trois dans les mêmes limites de prix et de poids). ­ (Alle drie binnen dezelfde prijs- en gewichtsgrenzen)
­ Minimum :
­ Rien. ­ Niets
­ La Poste. ­ De Post La Poste + concurrents (licences). ­ De Post + concurrenten (vergunningen) La Poste + coucurrents (déclarations). ­ De Post + concurrenten (aangiften)
Contribution possible à un fonds de compensation. ­ Bijdrage mogelijk in een compensatiefonds Pas de contribution possible. ­ Geen bijdrage mogelijk

Un membre souligne que le concept qui a été défini lui pose problème. Si les pouvoirs publics souhaitent subventionner le service universel, ils doivent le faire à l'aide des ressources générales et non pas en puisant dans les revenus générés sur le marché. Sinon, ils créeront un élément d'inefficacité. En prélevant la subvention sur les ressources générales, on cause le moins de perturbations.

L'intervenant dit pouvoir comprendre cependant que le ministre ne peut pas changer grand-chose à une directive.

Le ministre attire l'attention sur le fait que la question présente deux aspects, à savoir un aspect formaliste et un aspect philosophique.

En ce qui concerne l'aspect formaliste qui veut que la Commission européenne détermine ce que chaque État membre est censé faire, le ministre fait référence à la manière tout sauf transparente et démocratique dont on élabore une directive européenne. Le ministre est responsable vis-à-vis de son Parlement national, mais un commissaire n'est guère ou pas responsable vis-à-vis du Conseil des ministres.

Sur le plan philosophique, il faut se demander si un déficit dans un marché donné doit être couvert par ce marché même. Le ministre n'est pas hostile à l'autre conception selon laquelle la subvention doit se faire à charge des ressources générales parce que c'est peut-être plus équitable en raison de la proportionnalité des contributions, c'est-à-dire des impôts. Cela ne vaut pas nécessairement pour un marché spécifique où l'aspect de redistribution est fonction de son ampleur.

Le ministre n'exclut pas qu'il faille quand même, à un moment donné, alimenter le fonds de compensation par des ressources générales. L'argument de la progressivité des contributions est un argument valable.

En fait, le ministre peut difficilement se prononcer, car s'il se prononçait, il devrait prendre position contre la directive européenne. C'est une chose qu'il doit faire à l'endroit le plus approprié, dans le but d'essayer de modifier la directive.

Un autre commissaire signale que, selon le texte de la directive, un État membre peut créer un fonds de compensation en vue de garantir le service universel. L'État membre n'est donc pas obligé de procéder de la sorte.

Le ministre note qu'un État membre peut en effet décider de ne pas compenser le coût du service universel, auquel cas la seule solution est d'organiser une compensation par l'intermédiaire du fonds en question. Selon l'interprétation actuelle de la Commission européenne, un fonds de compensation doit être financé par le marché. Le ministre n'exclut pas que l'on puisse procéder autrement à l'avenir. D'ailleurs, un fonds de compensation peut très bien s'inscrire dans le cadre d'une marge budgétaire.

Un autre membre aborde la question de la limite d'âge (article 234).

L'avant-projet de loi prévoyait que les membres du conseil d'administration de La Poste avaient la possibilité d'exercer leur mandat jusqu'au-delà de l'âge de 65 ans. Le Conseil d'État a noté qu'une telle dérogation à une règle générale ne pouvait être admise que dans la mesure où elle n'est pas contraire au principe d'égalité. En d'autres termes, il faut que le traitement différencié soit justifié. Le gouvernement a adapté la règle générale pour tenir compte de cet avis et ce, avec effet rétroactif au 1er février 2000. Pourquoi précisément jusqu'à cette date-là ?

Le commissaire estime que l'État social actif s'adresse en premier lieu à la population active. Même s'il existe un problème structurel dans la catégorie des 55 à 65 ans, il se demande s'il est judicieux de définir sans plus une règle générale permettant à des gens d'encore exercer un mandat au-delà de l'âge de 65 ans, surtout au sein de conseils d'administration où les fonctions en question sont des fonctions de prestige qui peuvent être exercées sans grande difficulté et auxquelles on ne va pas renoncer en raison d'une fatigue physique qui se manifeste justement dans l'activité professionnelle quotidienne. Le membre se demande quel sera l'effet sur la dynamique qui règne au sein des conseils d'administration des entreprises publiques économiques. Les intéressés ne vont-ils pas s'imaginer rapidement qu'ils sont irremplaçables ? Est-il raisonnable de prendre maintenant une mesure générale permettant aux intéressés de rester en fonction au-delà de 65 ans ?

Un autre commissaire estime que la mesure est excellente et il attire l'attention sur ce que peuvent apporter les plus de 65 ans, qui sont des personnes ayant acquis, au fil des ans, de l'expérience en ce qui concerne la gestion des entreprises du secteur privé. Il n'y a aucune raison de ne pas faire la même chose dans le secteur public. La seule question que se pose le membre est celle de savoir pourquoi cette mesure est limitée aux entreprises publiques économiques au sens de la loi du 21 mars 1991.

Un commissaire se demande si cet article n'a pas été introduit dans le projet de loi pour régler une situation personnelle.

Le ministre déclare qu'il ne s'agit certainement pas de régler une situation personnelle.

Au moment de procéder à la désignation du président de La Poste, le gouvernement constata que le candidat avait dépassé la limite d'âge. Dans le contexte de la loi du 21 mars 1991, le ministre pouvait certes régler cette désignation par la voie d'un arrêté royal, mais le gouvernement estima qu'il était absurde de maintenir la limite d'âge, étant donné l'expérience et le poids de certains candidats dans la gestion d'une entreprise. Le ministre fait surtout allusion, en l'espèce, à M. Pierre Klees et au rôle majeur qu'il joue à La Poste, surtout dans le cadre de la concertation avec les syndicats.

Le gouvernement a alors choisi d'inscrire, dans la loi-programme, une règle générale prévoyant que la limite d'âge de 65 ans ne serait plus applicable en ce qui concerne les membres du conseil d'administration de La Poste, mais il a oublié d'étendre cette règle aux autres entreprises publiques économiques. Le Conseil d'État a judicieusement relevé cet oubli et a indiqué que le principe d'égalité devait être respecté.

Pourquoi la mesure reste-t-elle limitée aux entreprises publiques économiques au sens de la loi de 1991 ? Parce qu'en vertu de la loi actuelle, le ministre n'est compétent que pour les entreprises publiques ou des sociétés autonomes ou anonymes de droit public. Il s'agit de La Poste, de Belgocontrol, de Belgacom, de BIAC, de la SNCB et d'autres entreprises qui tomberont dans le champ d'application de cette loi dès que leur statut sui generis aura été converti en un statut de société anonyme de droit public.

La question de savoir si la mesure peut être étendue à d'autres entités publiques est d'un tout autre ordre. Il s'agit en l'occurrence de membres du conseil d'administration, de personnes qui mettent leurs connaissances et leur expérience au service de l'entreprise et qui évaluent le fonctionnement de l'entreprise, ce qui est tout autre chose que ce que font les personnes qui sont actives au sein de l'entreprise. Le gouvernement ne souhaite pas briser la logique qui y est appliquée. Personnellement, le ministre pense qu'à terme, toute la question des limites d'âge disparaîtra ne fût-ce que parce que l'espérance moyenne de vie augmentera.

Un commissaire déclare qu'en général, il n'est pas favorable à une limite d'âge pour les fonctions dirigeantes parce que les modes de vie ont évolué et la qualité de la vie a augmenté, ce qui fait que, même à un âge avancé, certaines personnes restent extrêmement précieuses, opérationnelles et créatives. Par conséquent, il se réjouit de la disposition prévue à l'article 234. Seulement, il trouve qu'il serait bon alors que le ministre mette à l'étude des procédures d'évaluation. Ainsi, de temps en temps, les grands administrateurs devraient venir faire rapport au ministre et au Parlement pour que ceux-ci puissent les évaluer.

Autant il est d'accord que quelqu'un peut apporter une expérience, une vivacité, une créativité au service d'une entreprise publique, autant il pense qu'il ne faut pas que ces gens s'installent ad vitam aeternam sans jamais être évalués.

Le ministre estime que cette suggestion est intéressante et il s'engage à l'examiner. Il note que la commission de l'Infrastructure, des Communications et des Entreprises publiques de la Chambre a convenu formellement d'un schéma de travail dans le cadre duquel le Chief Executive Officer et le président du conseil d'administration devront commenter, dans un ordre déterminé, les rapports annuels de certaines entreprises publiques. Il n'est pas encore prévu qu'il faille aussi procéder à une évaluation dans ce cadre. Le ministre estime cependant que, si l'on créait un système d'évaluation, il faudrait qu'il soit applicable pour tous, et donc aussi pour les jeunes.

Le ministre souligne qu'à ce propos, la loi du 21 mars 1991 prévoit encore plusieurs autres mécanismes modifiables.

Un autre commissaire considère que cette mesure essaie de corriger un péché du passé. Énormément de gens se croient irremplaçables. Si le gouvernement veut se servir de personnes plus âgées, qui ont l'âge de la pension, pour assurer une certaine continuité dans les administrations, c'est dû au fait que la pyramide d'âge dans ces administrations est pratiquement inversée en ce moment. Cela est dû à un manque de recrutement et de formation de la part des cadres supérieurs, dont on essaie maintenant de prolonger la carrière professionnelle. Par conséquent, le membre n'est pas très en faveur du raisonnement qui se trouve derrière l'article 234, d'autant que ce système risque de bloquer la carrière d'autres personnes qui parfois ont des mérites bien plus élevés.

L'intervenant peut encore accepter que cela se fasse dans les entreprises publiques économiques, mais il voudrait qu'à l'avenir, on veille aussi à la situation de certaines administrations confrontées à l'augmentation drastique de la moyenne d'âge de leurs fonctionnaires.

Le ministre estime qu'il importe de bien faire la distinction entre les administrations (fonctions opérationnelles) et des gens qui apportent de l'expérience dans une fonction qui n'est pas opérationnelle, par exemple un conseil d'administration. Or, la disposition de l'article 234 ne concerne pas cette dernière catégorie. Le but n'est pas ici de relever la limite d'âge des fonctionnaires.

Un autre commissaire estime que le relèvement de la limite d'âge risque d'une manière assez générale de se faire uniquement pour ce qui est des fonctions très intéressantes. Comme les personnes restent plus longtemps en bonne santé, la limite d'âge sera effectivement relevée. Pour le moment, la réalité veut cependant que bon nombre de personnes sont contraintes, bon gré mal gré, à l'inactivité. Tel est le cas, par exemple, des prépensionnés qui sont privés de toute source de revenus supplémentaires dès l'âge de 55 ans et des personnes qui prennent leur retraite à l'âge normal et qui peuvent difficilement continuer à effectuer un travail intéressant, fût-ce à temps partiel, sans enfreindre les règles anti-cumul en vigueur. Il s'ensuit que la disposition proposée présente, en quelque sorte, un aspect discriminatoire. Toute évolution de la limite d'âge devrait valoir pour tout un chacun et pour toutes les fonctions.

Le ministre déclare que tel est l'objectif de la politique du gouvernement. D'une part, on s'efforce de faire participer les non-actifs et, surtout, les jeunes au processus de travail et, d'autre part, on tente de prolonger la carrière professionnelle des actifs. En Belgique, le taux des quinquagénaires exerçant une activité professionnelle est tellement bas qu'il en devient inquiétant. C'est pourquoi l'on a inscrit dans la loi-programme à l'examen une série de mesures qui supprimerait la prise en compte de certains aspects pour le calcul de la pension à partir de 2009. La matière en question ne relève toutefois pas de la compétence du ministre.

Un autre membre émet quand même des réserves à propos de la suppression de la limite d'âge à cet article et il souligne que la mesure présente une certaine incohérence. La loi sur les hôpitaux de 1990 prévoit en effet, par exemple, une limite d'âge de 67 ans pour ses administrateurs. Le gouvernement ne devrait-il pas plutôt poursuivre une certaine harmonisation en la matière ?

Il regrette que pour répondre à un intérêt particulier, le gouvernement ait pris une disposition d'ordre général qui peut créer des problèmes. Pourquoi la date du 1er février 2000 ? Pourquoi pas le 1er mars ? De plus, l'effet rétroactif au 1er février 2000 n'est pas justifié.

Le ministre des Finances relève que le gouvernement actuel a tenu compte de l'expérience acquise au cours des législatures précédentes. Ce n'est assurément pas la première fois que l'on prévoit la rétroactivité d'une disposition légale.

Le ministre prend acte de la remarque relative à la date du 1er février 2000. Cette date a été choisie par le gouvernement parce que celui-ci la jugeait opportune.

Un commissaire trouve assez étrange que la première mesure que le gouvernement prend dans le cadre de la mise en oeuvre du concept de l'État providence actif consiste à distribuer quelques « friandises » à une poignée de privilégiés.

Un autre commissaire se demande quelles seraient les conséquences juridiques des décisions du conseil d'administration de La Poste s'il apparaissait que celui-ci n'était pas constitué valablement du fait qu'un de ses membres avait dépassé la limite d'âge et que sa désignation était dès lors illégale. Cela serait de nature à compromettre la sécurité juridique.

Le ministre explique qu'il s'agit d'une disposition à caractère général qui ne vise pas le cas d'une seule personne. Si le législateur a prévu un effet retroactif au 1er février 2000, cela signifie que ce sera avec tous les effets juridiques à partir de cette date. Pour soulever des questions à caractère particulier, il y a d'autres moyens plus appropriés. Plus rapidement la disposition sera votée, plus rapidement le membre aura tous ses apaisements.

Un autre membre fait la différence entre la qualité d'administrateur et la décision d'un conseil d'administration, qui est l'organe de l'entreprise. Si le conseil a pris valablement une décision, l'entreprise est liée, quoi qu'il advienne ultérieurement de la situation d'un ou de plusieurs administrateurs.

Enfin, un membre rappelle l'engagement qu'avait pris le ministre des Télécommunications et des Entreprises et Participations publiques au cours de la séance plénière de la Chambre des représentants du 25 mai 2000 en ce qui concerne l'amendement à l'article 109quater de la loi du 21 mars 1991, déposé au projet de loi modifiant la loi du 30 juillet 1979 relative aux radiocommunications et la loi du 21 mars 1991 portant réforme de certaines entreprises économiques. Le ministre avait promis, à l'époque, d'encore examiner cet amendement avant les vacances d'été, en même temps que la loi-programme. Ce projet de loi était très urgent à ce moment-là et les membres de l'opposition avaient fait preuve de beaucoup de bienveillance en retirant une série d'amendements pertinents pour permettre au ministre de faire voter la loi avant le 15 juillet. L'intervenant déclare qu'il est forcé de constater que le ministre n'a pas respecté sa promesse. Pourquoi ne l'a-t-il pas respectée ?

Le ministre des Finances prend acte de cette constatation.

V. ARTICLE 240 : AFFAIRES ÉTRANGÈRES

V.I. Exposé du ministre des Télécommunications et des Entreprises et Participations publiques, au nom du ministre des Affaires étrangères

Il s'agit de modifier la loi organique du 27 décembre 1990 qui crée les fonds organiques (dont le Fonds des bâtiments du ministère des Affaires étrangères).

Dans l'ancienne version de la loi, l'usage du Fonds des bâtiments était limité aux opérations de ventes et achats de bâtiments, ainsi qu'aux « aménagements », c'est-à-dire aux gros travaux.

Afin de pouvoir mener une politique plus souple de gestion de notre patrimoine immobilier à l'étranger, il apparaît nécessaire de pouvoir élargir l'utilisation du Fonds des bâtiments aux travaux d'entretien ainsi qu'aux locations d'immeubles.

Les modifications proposées à l'article 240 vont dans ce sens. Elles permettront d'alimenter le Fonds des bâtiments par le produit de la location de bâtiments à l'étranger dont le ministère n'a plus l'usage, et de l'utiliser pour la prise en charge de loyers. De même, le Fonds pourra être utilisé pour les travaux d'entretien de nos immeubles à l'étranger.

V.2. Discussion générale

Un membre souligne qu'afin de permettre au département des Affaires étrangères une gestion active du patrimoine, la location est reprise en tant que point d'intérêt des moyens du fonds (voir Exposé des Motifs, doc. Chambre, nº 50-756/1, p. 119).

En quoi consiste la gestion de patrimoine du département en question ? Pour remplir ses missions diplomatiques de manière active et efficace, la Belgique essaie de mettre en place une représentation soit au niveau du Benelux, soit à un autre niveau. Cela soulève bien des questions chez les diplomates, qui se demandent notamment si nous sommes suffisamment bien représentés, si nous disposons de moyens suffisants pour remplir notre mission diplomatique.

Dans la mesure où l'on fait de la location une composante d'une gestion active du patrimoine, la question se pose de savoir si le gouvernement a l'intention de désaffecter certains bâtiments. Quels sont les biens que le gouvernement conserve en propriété et quels sont ceux qu'il donnera ou prendra en location ? Le gouvernement conservera-t-il l'ambassade et la résidence de Tokyo ?

L'intervenant désire savoir aussi si la tendance est à assurer une présence diplomatique de la Belgique seule ou une présence de la Belgique dans un large contexte.

Il se demande aussi quelle est l'option qui a été retenue pour Berlin, consécutivement au transfert du gouvernement et de plusieurs services de Bonn à Berlin.

Il fait référence ensuite aux accords de la Saint-Michel et aux compétences exclusives dans le cadre desquelles les entités fédérées de notre pays peuvent organiser leur propre représentation. Quelle est la position du gouvernement fédéral à ce sujet ?

Si le gouvernement nourrit de grandes ambitions, il doit aussi pouvoir développer une certaine vision des choses. L'intervenant estime que le texte de cet article n'a en fait pas sa place dans une loi-programme et qu'il réclame un débat plus large. Le gouvernement a le devoir d'informer le Parlement à propos de la gestion qu'il assure.

Selon le ministre des Finances, l'article en question est un article technique qui vise à permettre une gestion active du patrimoine en vue d'améliorer la représentation de notre pays à l'étranger. Pour ce qui est des relations extérieures, le ministre fait référence à la note de politique générale du ministre des Affaires étrangères.

VI. ARTICLES 241 ET 242 : MARCHÉS PUBLICS

VI.1. Exposé du ministre des Finances au nom du premier ministre

Ces articles adaptent la réglementation en matière de marchés publics.

L'article 241 vise à insérer dans la loi du 24 décembre 1993 relative aux marchés publics et à certains marchés de travaux, de fournitures et de services une disposition permettant de promouvoir la coopération internationale dans les domaines concernés par l'article 296, § 1er, b, du Traité instituant la Communauté européenne, qui couvre essentiellement, mais pas spécifiquement, les marchés militaires. Il vise par ailleurs à apporter quelques modifications de pure forme.

L'article 242 tend à permettre au ministre fédéral compétent d'adhérer à un programme de coopération international dans les conditions déterminées par le Roi. Cette disposition présente notamment les avantages suivants : elle maintient les marchés visés dans le cadre global de la législation relative aux marchés publics et des règles de contrôle existantes ou à établir; elle donne au ministre fédéral concerné une base légale lui permettant de déléguer ses compétences en matière de passation et d'exécution des marchés visés; elle offre une solution pour des besoins ne présentant pas l'importance des grands programmes d'équipement, mais pour lesquels des marchés de fournitures ou de services relevant du domaine d'exclusion de l'article 296, § 1er, b, du traité doivent être confiés à un autre État ou à un organisme d'approvisionnement ou de réparation.

VI.2. Discussion générale

Un membre fait remarquer que ces articles ont été insérés à la Chambre par la voie d'un amendement que plusieurs membres de la majorité ont déposé pour que le gouvernement ne doive pas demander l'avis du Conseil d'État. L'intervenant déplore vivement cette manière de procéder.

Le ministre des Finances dit ne pas comprendre cette critique et considère qu'il faudrait plutôt se réjouir que le gouvernement accepte des propositions d'amendements de dispositions de la loi-programme venant de membres du Parlement.

Un autre membre souligne qu'en raison de l'application de l'article 241, 3º, plusieurs marchés publics ne tombent plus sous l'application de la loi du 24 décembre 1993 relative aux marchés publics. Le ministre peut-il indiquer de quels marchés publics il s'agit exactement.

Le ministre déclare qu'il s'agit des marchés publics de fournitures et de services soumis à l'article 296, § 1er, b), du Traité instituant la Communauté européenne. Cet article couvre essentiellement, mais non pas spécifiquement, les marchés à caractère militaire.

Un autre membre fait référence à l'article 242, qui prévoit l'octroi d'une délégation du gouvernement aux organisations multilatérales. Cette politique est totalement erronée. Le contenu des traités relève, par définition, de la compétence exclusive du pouvoir exécutif et la ratification des traités se fait par la voie d'un acte législatif purement formel. Il est donc normal, dès lors, que le pouvoir exécutif prenne l'initiative, alors qu'en l'espèce, le ministre délègue ses compétences à une instance internationale. À moins que l'on puisse interpréter les choses dans un autre sens ?

Le ministre déclare que le mandat vaut pour ce qui est non pas seulement des organisations multilatérales, mais aussi des États membres de l'Union européenne, de pays tiers ou d'organisations internationales. Les missions visées restent dans le cadre global de la législation relative aux marchés publics et aux règles de contrôle existantes ou à venir.

Un commissaire demande si le mandat vaut aussi pour ce qui est du remplacement des biens d'équipement à finalité militaire et évoque en particulier la question du remplacement de certains engins (roulants, flottants ou navigants). Cet article revêt une importance capitale étant donné qu'il donne une autre dimension à la notion de souveraineté. Le remplacement du F16 par le Joint Strike Fighter, par exemple, peut-il également entrer dans le cadre de cette délégation ?

Le ministre répond que c'est parfaitement possible. Il souligne qu'une coopération internationale entre une majorité de pays de l'Union européenne ou de l'OTAN revêt une grande importance. Il s'agit d'une décision de la majorité de ces pays.

Certains commissaires se demandent s'il suffit alors que la majorité des alliés au sein de l'OTAN prenne une option déterminée pour que, du fait de la délégation, le ministre puisse ou doive lui aussi souscrire à cette option et que l'adjudication, qui relève normalement de la compétence du ministre de la Défense, soit cédée.

Le ministre souligne que c'est le Roi qui fixe les conditions et il ajoute qu'il est loisible à tout parlementaire d'interpeller les membres du gouvernement ou de déposer une demande d'explications sur le point en question.

Un commissaire estime qu'un contrôle post-factum ne peut pas suffire. La délégation constitue en fait un blanc-seing.

Selon le ministre, cet problématique concerne l'application correcte d'un traité international que le Parlement a ratifié. Le ministre ne voit aucun problème pour ce qui est de la délégation.

Le membre émet pourtant certaines objections en ce qui concerne surtout le fait que le gouvernement belge délègue ses responsabilités. Quel peut être dans ce cas le contrôle parlementaire sur ce mécanisme particulièrement important ?

Le ministre souligne l'importance que revêt la délégation dans la perspective de l'amélioration de la coopération internationale en la matière.

Bien que le membre dise pouvoir souscrire au point de vue du ministre selon lequel on pourra améliorer l'efficacité grâce à une plus grande capacité financière. Il y a toutefois, selon lui, une différence fondamentale entre l'Union européenne et une organisation multilatérale.

Un membre annonce qu'il déposera un amendement visant à supprimer ces articles.

VII. DISCUSSION DES AMENDEMENTS ET VOTES

Article 232

M. Barbeaux dépose l'amendement nº 87 (voir : doc. Sénat, nº 2-522/2).

L'auteur précise que cet amendement vise à lever le caractère anticonstitutionnel du projet de loi. L'article 174 de la Constitution stipule notamment que la Chambre vote le budget et que toutes les recettes et dépenses de l'État doivent être portées au budget. Le Conseil d'État, dans son avis, en déduit que « une délégation au Roi pour déterminer l'objet de ces recettes (du Fonds pour l'atténuation des nuisances dans le voisinage de l'aéroport de Bruxelles-National) serait contraire aux prérogatives budgétaires que l'article 174 de la Constitution réserve au pouvoir législatif ».

Un commissaire appuie cet amendement. Si la commission respecte la Constitution et si elle défend ses propres compétences législatives, elle ne peut faire qu'approuver cet amendement. Il y a lieu de mentionner les recettes dans la loi même, soit en faisant une référence à des dispositions légales spécifiques, soit en précisant leur nature exacte.

Le ministre renvoie à la réponse qui a été donnée au cours de la discussion générale et demande le rejet de cet amendement.

L'amendement est rejeté par 7 voix contre 3.

Article 241

MM. Caluwé et Van den Brande déposent l'amendement nº 88 qui tend à supprimer le 3º de l'article 241 (voir : doc. Sénat, nº 2-522/2).

Les auteurs affirment qu'à l'instar de l'article 242, cet article confère au Roi une habilitation d'une étendue telle qu'elle n'a pas sa place dans une loi-programme et que l'article en question doit, en tout état de cause, être préalablement soumis pour avis au Conseil d'État.

L'amendement est rejeté par 8 voix contre 3.

Article 242

MM. Caluwé et Van den Brande déposent un amendement nº 89 qui tend à supprimer l'article 242 (voir : doc. Sénat, nº 2-522/2).

Pour ce qui est de la justification, les auteurs renvoient à la justification de l'amendement nº 88 relatif à l'article 241.

L'amendement est rejeté par 8 voix contre 3.


L'ensemble des articles 229 à 242 a été adopté par 7 voix contre 3.

Le présent rapport a été approuvé à la majorité des 12 membres présents.

Le rapporteur,
Didier RAMOUDT.
Le président,
Paul DE GRAUWE.

TEXTE ADOPTÉ PAR LA COMMISSION


Voir le doc. Sénat, nº 2-522/5