2-130/4

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Sénat de Belgique

SESSION DE 1999-2000

16 MAI 2000


Proposition de résolution sur la Birmanie (Myanmar)


RAPPORT

FAIT AU NOM DE LA COMMISSION DES RELATIONS EXTÉRIEURES ET DE LA DÉFENSE PAR M. MAERTENS


I. DISCUSSION GÉNÉRALE

I.1. Audition de Mme Aubert, membre de l'Assemblée nationale et rapporteur de la commission des Affaires étrangères sur le rôle des compagnies pétrolières dans la politique internationale et son impact social et environnemental

Mme Aubert déclare qu'elle a conduit une mission d'information avec deux de ses collègues, MM. P. Brana et R. Blum, sur le rôle des compagnies pétrolières dans la politique internationale et son impact social et environnemental.

Ils ont tenté d'approfondir une série de dossiers qui concernent 5 compagnies pétrolières : Elf, Total, BP, Shell et Exxon, et se sont intéressés à la problématique plus générale du rôle de ces compagnies pétrolières dans la politique internationale.

C'est dans ce cadre que la mission d'information s'est intéressée notamment à la construction d'un gazoduc par Total en Birmanie.

La mission d'information s'est rendue en Thaïlande et en Birmanie en mars 1999. Elle a pu obtenir les visas requis après pas mal de tractations. Elle ne souhaitait pas que sa visite comprenne une partie officielle, qui aurait servi de faire-valoir à la junte birmane, mais avait demandé à pouvoir rencontrer Mme Aung San Suu Kyi et visiter le gazoduc.

La mission d'information, qui est restée un jour et demi sur place, a rencontré le ministre des Affaires étrangères birman, qui a déclaré que son pays s'ouvrait peu à peu sur l'extérieur. Toutefois, aux questions relatives aux prisonniers politiques, à la convocation du parlement ou à de nouvelles élections, le ministre a répondu de manière évasive.

Mme Aubert souligne cependant que certains éléments de la junte birmane multiplient les contacts à l'extérieur pour améliorer l'image du régime.

La mission a rencontré ensuite Mme Aung San Suu Kyi, qui a confirmé qu'elle était opposée à tout investissement étranger en Birmanie, parce que ces investissements apportent un soutien moral et financier à la junte.

L'entreprise Total, pour sa part, déclare qu'elle fait de l'économie et non de la politique. Son PDG, M. Thierry Desmarest, a pourtant précisé que dans le contrat qui la lie à la MOGE (Myanmar Oil and Gas Enterprise), l'entreprise Total s'est engagée à ne pas interférer dans les problèmes de politique intérieure. Mme Aubert estime que c'est déjà là une façon de s'en mêler.

Total a invoqué cet engagement de ne pas interférer dans la politique intérieure birmane pour expliquer pourquoi elle n'a pas rencontré Mme Aung San Suu Kyi. La mission d'information s'est étonnée de l'attitude de Total, étant donné que Mme Aung San Suu Kyi dirige la NLD, parti majoritaire qui a été régulièrement élu, et que le parlement démocratiquement élu a été reconnu par la communauté internationale.

En outre, le directeur de la compagnie Premier Oil, opérateur du projet de gazoduc Yatagun, a affirmé s'être entretenu avec Mme Aung San Suu Kyi.

La mission a donc fait remarquer au représentant de Total que son refus de rencontrer la représentante de la démocratie alimentait la thèse selon laquelle Total soutient la junte birmane. Selon les dernières informations dont Mme Aubert dispose, Total n'aurait toujours pas rencontré Mme Aung San Suu Kyi.

La mission d'information a rencontré également des représentants d'ONG humanitaires actives sur place. Ceux-ci ont confirmé que la population birmane vivait dans des conditions sanitaires et sociales dramatiques et que la situation des droits politiques était elle aussi désastreuse.

Les Birmans ne s'expriment pas facilement à l'égard des étrangers, chacun craint une dénonciation ou des pressions sur son entourage. Il s'agit là d'une méthode très efficace de la junte pour étouffer dans l'oeuf toute initiative. Les opposants sont condamnés soit à la pauvreté et à l'exclusion, soit à l'exil.

Lors de sa visite en Thaïlande, la mission s'est rendue à Tam-Hin où elle n'a pas pu visiter le camp. Elle est toutefois parvenue à converser avec des résidents du camp, qui ont fait état de conditions de vie extrêmement pénibles. Il est apparu que de nombreux réfugiés venaient de la zone du gazoduc.

La mission a également rencontré des représentants du gouvernement thaïlandais, qui ont souligné la difficulté des relations avec leur voisin birman.

La mission d'information a formulé, en conclusion, les propositions suivantes :

­ Créer, au sein du ministère français des Affaires étrangères, un bureau des droits de l'homme, comme cela s'est fait au Royaume-Uni.

La mission s'est d'ailleurs inspirée d'une mission similaire conduite par des parlementaires britanniques et a pu constater que de nombreux parlements dans l'Union européenne s'intéressent à la manière d'intégrer l'éthique dans l'économie. Il faut donc multiplier les contacts pour progresser ensemble sur cette question.

­ Créer un observatoire indépendant qui examinerait la manière dont les grandes multinationales appliquent les conventions internationales. Du reste, il faudrait accélérer la procédure de ratification de ces conventions et faire en sorte qu'elles soient respectées, notamment par les grandes entreprises.

­ Au niveau français et européen, améliorer les capacités d'action juridique des ONG et permettre de mettre en cause la responsabilité pénale des personnes morales sur la base des conventions qui ont été signées. Il faut que les entreprises soient responsables de leurs actes, surtout dans les pays où le droit est à peu près inexistant.

­ En ce qui concerne la Birmanie, il faut trouver des perspectives d'action opérationnelle, entre l'embargo, les sanctions et le cynisme commercial. Il est vrai que les sanctions économiques et politiques ne produisent pas toujours les effets escomptés. Le raisonnement est alors le suivant : faisons du commerce et la démocratie viendra en sus. Mais ce raisonnement n'est pas valable non plus, car les investissements dans les pays tels que la Birmanie n'ont pas produits de résultats positifs et ne font que soutenir les régimes en place.

Pour sa part, Mme Aung San Suu Kyi a émis deux souhaits :

­ que l'Union européenne ne faiblisse pas sur les sanctions et sur la condamnation du régime et qu'elle soit plus rigoureuse sur le plan économique. Ce n'est pas le cas actuellement, puisqu'aucune sanction économique n'a été infligée à la Birmanie;

­ que l'Union européenne prenne des initiatives au sein de la communauté internationale, par exemple en demandant une médiation de l'ONU.

Mme Aubert estime que l'Union européenne pourrait s'adresser aux pays de l'ASEAN, qui ne mènent pas tous une politique des droits de l'homme exemplaire, loin s'en faut, mais dont certains ont une démarche positive.

Il ne faut pas isoler la Birmanie de son contexte régional et éviter que ce pays (qui compte des richesses naturelles importantes : gaz, bois, eau) ne tombe sous la coupe chinoise.

I.2. Audition de M. J. Kuczkiewicz, chargé des droits de l'homme et des droits syndicaux à la CISL, Confédération internationale des syndicats libres

M. Kuczkiewicz remercie la commission de pouvoir s'exprimer sur les droits de l'homme, le travail forcé et les crimes contre l'humanité en Birmanie.

L'organisation qu'il représente, la CISL, est la plus grande des trois organisations syndicales au monde qui regroupent des centrales syndicales nationales. C'est la FGTB/ABVV qui représente la Belgique. Elle a aidé la CISL depuis de nombreuses années à faire pression, par l'intermédiaire du gouvernement belge, sur l'Union européenne et d'autres instances, à propos de la situation en Birmanie.

Dans le mandat de la CISL figurent la défense de la justice sociale, des droits de l'homme et de la démocratie, et particulièrement des droits de l'homme au travail. Elle oeuvre en fait pour le respect des conventions fondamentales de l'OIT, à savoir celles qui protègent la liberté syndicale et la négociation collective, celles qui interdisent le travail des enfants, la discrimination dans l'emploi et le travail forcé.

L'ensemble de ces conventions sont sévèrement violées en Birmanie.

La CISL s'intéresse à la question du travail forcé en Birmanie depuis 1960, date à laquelle ce pays a ratifié la convention nº 29 de l'OIT sur le travail forcé (1930). Le gouvernement birman avait promis à l'époque de modifier deux lois datant de la colonisation britannique : le Village Act et le Town Act, qui permettaient au pouvoir colonial de recruter du personnel pour des services administratifs ou pour servir de porteurs. Le gouvernement birman s'est à nouveau engagé, en mai 1999, à suspendre l'application de ces lois.

Depuis 1992, la commission des experts sur la mise en oeuvre des conventions et des recommandations de l'OIT s'est exprimée 28 fois de manière très critique sur le travail forcé en Birmanie.

La CISL a suivi de près la question depuis 1992, lorsque la commission des experts de l'OIT a constaté une recrudescence du travail forcé en Birmanie, lié plus particulièrement au recrutement par l'armée de porteurs dans le cadre de ses opérations anti-guérilla.

La Birmanie est une mosaïque de minorités éthniques qui possèdent chacune leur culture et leur langue, face à un État centralisateur qui tente depuis des dizaines d'années d'occuper militairement le pays.

En 1994, la CISL a déposé une représentation aux termes de l'article 24 de la Constitution de l'OIT, par laquelle elle a demandé la formation d'une instance particulière de l'OIT chargée d'examiner le respect d'une convention qui a été ratifiée. La plainte porte sur le refus de la junte de respecter sa promesse de suspendre la législation coloniale et sur la recrudescence du military portering (portage militaire).

Il s'agit du recrutement forcé et particulièrement brutal d'hommes, de femmes et d'enfants pour transporter du matériel militaire (munitions, équipement, obus, mortiers). Ce recrutement forcé est organisé, systématique et répété. Il peut durer de quelques jours à quelques semaines ou quelques mois.

Les porteurs sont soumis à des brutalités telles que des coups, blessures, des abandons, des exécutions sommaires et à des mauvais traitements tels que des refus de soins, d'eau, d'alimentation, etc. En outre, l'on fait jouer à ces porteurs le rôle de boucliers humains contre les mines, ils sont pris sous les feux croisés de l'armée et des guérillas et sont forcés de porter des uniformes militaires.

Les éléments de preuve sont légion : la situation des droits de l'homme est très bien documentée grâce à des témoignages massifs.

L'OIT a publié en 1994 un rapport confirmant les accusations de la CISL et en 1995, la CISL et la CES (Confédération européenne des syndicats) ont déposé une plainte conjointe (1) devant l'Union européenne sur la base des articles 9 et 10 du Règlement (CE) nº 3281/94 du Conseil, du 19 décembre 1994, portant application d'un schéma pluriannuel de préférences tarifaires généralisées pour la période 1995-1998 à certains produits industriels originaires de pays en développement.

En effet, l'article 9 de ce règlement prévoit la possibilité de retirer le bénéfice des préférences tarifaires aux pays qui pratiquent le travail forcé, qui exportent des produits fabriqués dans les prisons ou qui se livrent à des pratiques forestières contraires au développement durable.

En janvier 1997, le Conseil de l'Union européenne a suspendu indéfiniment l'application du système de préférences généralisées à l'égard de la Birmanie.

Par ailleurs, en juin 1996, 25 délégués travailleurs à la 83e session de la Conférence internationale du travail ont déposé une plainte en vertu de l'article 26 de la Constitution de l'OIT contre le gouvernement du Myanmar pour non-respect des dispositions de la convention nº 29 sur le travail forcé.

Une commission d'enquête de l'OIT a été instituée à Genève. Cette commission était composée d'éminents juristes internationaux et avait un rang égal, pour ce qui est des normes internationales du travail, à celui des tribunaux pénaux internationaux.

La procédure était de nature judiciaire, comprenait un débat contradictoire, des témoignages sous serment, la protection des témoins, etc. Douze mille pages de preuves et de témoignages ont été présentés, dix-huit témoins ont comparu, dont plusieurs sont venus de Birmanie.

En août 1998, la commission d'enquête de l'OIT a publié un rapport sur le travail forcé au Myanmar (2). Ce rapport a débouché sur la quasi-explusion de la Birmanie de l'Organisation internationale du travail. La Constitution de l'OIT ne permettant pas l'expulsion, la conférence annuelle de l'OIT a décidé en juin 1999, à Genève, de suspendre la coopération technique avec le gouvernement birman, de ne plus l'inviter aux réunions et de n'avoir de contacts avec lui que pour la mise en oeuvre les recommandations de la commission d'enquête.

À la demande du Bureau international du travail, la CISL a fourni des preuves établissant que depuis mai 1999, époque à laquelle le gouvernement birman a publié un ordre dans lequel il interdisait d'avoir encore recours au travail forcé et dans lequel il promettait de poursuivre pénalement les responsables, les pratiques de travail forcé continuent.

I.3. Discussion

L'auteur principal de la proposition de résolution signale que le Parlement belge a adopté, sous la précédente législature, la loi du 4 mai 1999 instaurant la responsabilité pénale des personnes morales.

Il demande à Mme Aubert si elle dispose d'informations plus précises concernant les prisonniers politiques en Birmanie. L'association parlementaire pour la Birmanie a demandé à ses membres de parrainer des prisonniers, mais les courriers qui ont été envoyés restent sans réponse.

Par ailleurs, le membre met l'accent sur la campagne qui a été menée en Belgique par les étudiants de l'UCL à l'égard du président de conseil d'administration de l'université, qui était également administrateur délégué de Fina. L'incohérence résidait dans le fait que l'université avait décidé d'accorder le titre de docteur honoris causa à Mme Aung San Suu Kyi.

Enfin, l'auteur principal de la proposition de résolution estime qu'il faut mener une action globale vis-à-vis de toutes les compagnies pétrolières, pour que celles-ci ne puissent pas utiliser l'argument de la concurrence.

Un autre intervenant souhaite savoir s'il est exact que le travail des parlementaires en faveur de la démocratie en Birmanie été entravé en France par les compagnies pétrolières.

En outre, il se demande s'il y a en Birmanie une confusion d'intérêts entre le secteur public et le secteur commercial.

Par ailleurs, comment la Banque mondiale ou l'OMC pourraient-ils mieux contrôler le commerce avec la Birmanie et est-il possible d'obtenir un rapport sur les violations des droits de l'homme au Myanmar ?

Un autre commissaire estime qu'il est difficile de faire accepter de nouveaux embargos par l'opinion publique car celle-ci est confrontée aux exemples désastreux des embargos contre Cuba et l'Irak. Par ailleurs, le membre déclare que l'actionnaire principal de Fina n'est autre que M. Albert Frère, qui détient aujourd'hui 9 % du capital de Total-Fina. Mme Aubert estime-t-elle qu'une campagne de boycott de la part de la Belgique visant à ce que M. Frère cesse ses investissements en Birmanie serait de nature à renforcer l'action menée en France ?

Un membre demande si Mme Aubert et la mission de l'Assemblée nationale ont envisagé de prendre d'autres sanctions à l'égard de la junte birmane, telles que des gels de visas pour les membres de la junte et leurs proches.

Par ailleurs, ne pourrait-on pas mener des actions en vue de geler les investissements en Birmanie dans des domaines autres que le secteur pétrolier ?

Un autre membre souhaite savoir si la commission des Affaires étrangères de l'Assemblée nationale a réalisé un travail de fond concernant la question de l'efficacité des sanctions à l'égard des pays tiers.

Mme Aubert répond que la commission des Affaires étrangères de l'Assemblée nationale auditionne régulièrement des personnalités sur la question des droits de l'homme, car c'est un sujet qui tient à coeur à son président, M. Jack Lang. Toutefois, la commission n'a pas réalisé de travail de fond en la matière.

En ce qui concerne la responsabilité des personnes morales, Mme Aubert déclare que celle-ci existe également en droit français, mais le problème se pose surtout quand cette responsabilité n'est pas prévue dans la législation des pays étrangers où les entreprises investissent.

Par ailleurs, il faut aborder la question de la responsabilité morale des acteurs économiques. En général, les dirigeants des grandes compagnies ne se sentent absolument pas concernés par la situation des droits de l'homme dans les pays avec lesquels ils font des affaires. Ils affirment qu'ils ne souhaitent pas empiéter sur le domaine des parlementaires.

Pour ce qui est des prisonniers politiques, Mme Aubert confirme qu'il existe, au sein de l'Assemblée nationale, un groupe de parlementaires qui mène le même type d'actions que celles décrites par l'auteur principal de la proposition de résolution, sans grand résultat, toutefois.

L'investissement de Total en Birmanie crée une certaine confusion dans l'attitude française : d'une part, selon le discours officiel, la France soutient les résolutions adoptées par l'Union européenne, mais dans les coulisses, les propos sont plus modérés. La voix de la France est donc à peine audible.

Mme Aubert estime aussi qu'il faut mener des actions conjointes en ce qui concerne les prisonniers politiques, mais elle constate que la question birmane n'est guère évoquée dans la presse française. Peut-être le dixième anniversaire de l'écrasement de la démocratie dans ce pays contribuera-t-il à stimuler l'intérêt des médias.

L'on a organisé de nombreuses campagnes de soutien à Mme Aung San Suu Kyi, mais peu à peu, le combat s'est étiolé. La junte compte d'ailleurs sur cette lassitude et sur la multitude des sujets d'actualité pour échapper à l'attention des défenseurs des droits de l'homme.

Au moment de la catastrophe de l'Erika, l'on a beaucoup parlé de la marée noire, mais pas de la question des investissements de Total en Birmanie.

En ce qui concerne M. Frère, Mme Aubert répond qu'il détient une partie du capital de Total-Fina, mais également de certains médias, qui subiraient ainsi des pressions.

Mme Aubert estime que les campagnes menées en Belgique sont positives, et qu'elles pourraient avoir des répercussions en France.

Malheureusement, les médias français se font très peu l'écho de ces campagnes.

À propos de la question de savoir quelle est l'influence des compagnies pétrolières sur le travail parlementaire en France, Mme Aubert déclare qu'il y a une interaction permanente entre les grandes entreprises et les autorités publiques et que les grands patrons comme les hauts fonctionnaires sont issus des grands corps de l'État. En Birmanie, le régime est impliqué directement dans les contrats avec l'étranger et la situation est particulièrement opaque.

Pour ce qui est de l'OMC, Mme Aubert pense que la notion de respect des droits de l'homme commence à faire son entrée dans les grandes institutions internationales et que la société civile et les parlementaires doivent continuer leur action ensemble.

M. Kuczkiewicz souligne que la CISL a essayé de faire pression de manière répétée sur la Banque mondiale pour qu'elle maintienne le gel de ses investissements en Birmanie. Toutefois, ces derniers mois, plusieurs institutions telles que la Banque mondiale, l'Union européenne et les Nations unies ont repris contact avec la junte militaire birmane.

Les pressions de la CISL ne se sont donc pas avérées être très efficaces, notamment parce qu'au sein des institutions internationales, les pays asiatiques sont opposés à un renforcement des sanctions contre la Birmanie.

En ce qui concerne Total, le rapport de Mme Aubert a mis en évidence la responsabilité de la compagnie dans la situation du travail forcé en Birmanie. L'intervenant estime que tout n'a pas été dit à ce sujet, ni sur la couverture économique et financière que Total apporte à la junte, notamment pour ce qui est du blanchiment de l'argent de la drogue.

Par ailleurs, M. Kuczkiewicz déclare qu'il n'y a pas, à sa connaissance, de différence entre pouvoir politique et pouvoir économique en Birmanie. Il estime qu'il n'y a pas un seul grand entrepreneur birman qui ne soit pas également une figure importante du régime. Le gouvernement est entièrement entre les mains des militaires et il n'y a pas moyen de faire des affaires en Birmanie sans corrompre.

À la question d'un membre sur l'accès à un rapport sur la situation des droits de l'homme, M. Kuczkiewicz répond que la source la plus sérieuse en la matière est le rapport du rapporteur spécial de la Commission des droits de l'homme des Nations unies.

Quant au rôle que peut jouer le Parlement belge, l'intervenant estime que le soutien des parlementaires à leurs homologues birmans détenus est très important. Il signale à ce propos que l'on a constaté ces derniers temps un phénomène qui va à l'encontre de la tendance globale en Birmanie, à savoir une coopération entre la junte et le CICR. Celui-ci a eu accès depuis plusieurs mois à tous les centres de détention régionaux. Il pourrait également être autorisé à se rendre dans les camps de travail forcé. Grâce à cette coopération, la CISL a pu prendre des nouvelles de dirigeants syndicaux qui ont été condamnés à vingt ans de prison.

En ce qui concerne la question des sanctions, les membres de la junte et les fonctionnaires supérieurs du régime et leur famille sont privés de visas et d'entrée dans l'Union européenne. La CISL demande un accroissement des sanctions économiques : elle souhaite que le Conseil de l'Union européenne interdise tout nouvel investissement en Birmanie et qu'il enjoigne aux investisseurs présents de se retirer.

Enfin, le Parlement belge peut soutenir la cause birmane en faisant pression sur le gouvernement pour qu'il reçoive officiellement les représentants du gouvernement birman en exil. Le parlement birman a été élu il y a 10 ans à une majorité de plus de 80 % et il ne peut toujours pas exercer le pouvoir.

II. DISCUSSION DES AMENDEMENTS

M. Mahoux dépose un amendement nº 1 (voir le doc. Sénat, nº 2-130/2, 1999-2000, p. 1), qui vise à remplacer l'intitulé de la proposition de résolution par ce qui suit : « Proposition de résolution sur la violation des droits de l'homme en Birmanie (Myanmar). »

L'amendement nº 1 est adopté à l'unanimité des 8 membres présents.

M. Mahoux dépose ensuite l'amendement nº 2 (voir le doc. Sénat, nº 2-130/2, 1999-2000, p. 1), qui vise à ajouter, après le considérant A, un nouveau considérant faisant référence au rapport de la commission d'enquête de l'OIT, instituée suite à la plainte présentée par la CISL pour le non-respect de l'interdiction du travail forcé.

L'amendement nº 2 est adopté à l'unanimité des 8 membres présents.

Mme Thijs dépose l'amendement nº 5 (voir le doc. Sénat, nº 2-130/3, 1999-2000, p. 1), qui vise à remplacer, au considérant B, la date de la résolution adoptée par la Commission des droits de l'homme des Nations unies. En effet, cette commission a adopté le 18 avril 2000 une nouvelle résolution relative à la situation des droits de l'homme en Birmanie.

L'amendement nº 5 est adopté à l'unanimité des 8 membres présents.

Mme Thijs dépose l'amendement nº 6 (voir le doc. Sénat, nº 2-130/3, 1999-2000, p. 1) qui vise à ajouter, après le premier point du dispositif, un nouveau point demandant au gouvernement belge d'encourager le gouvernement birman à autoriser le rapporteur spécial des Nations unies pour la Birmanie à avoir accès au pays.

L'auteur de l'amendement estime que la présence de ce rapporteur spécial constituerait un moyen supplémentaire de pression sur le gouvernement birman.

L'amendement nº 6 est adopté à l'unanimité des 8 membres présents.

M. Dallemagne dépose l'amendement nº 3 (voir le doc. Sénat, nº 2-130/2, 1999-2000, p. 2), qui vise à compléter le point 2 du dispositif par une disposition demandant au gouvernement belge de faire pression sur le gouvernement birman pour qu'il libère les prisonniers politiques, y compris les parlementaires.

L'amendement nº 3 est adopté à l'unanimité des 8 membres présents.

M. Dubié dépose l'amendement nº 4 (voir le doc. Sénat, nº 2-130/2, 1999-2000, p. 2), qui vise à ajouter un nouveau point demandant au gouvernement de donner mandat au ministre des Affaires étrangères de rencontrer le docteur Sein Win, premier ministre du gouvernement birman en exil.

M. Maertens dépose un sous-amendement oral à l'amendement nº 4 de M. Dubié, qui vise à remplacer les mots « donner mandat au ministre des Affaires étrangères afin que celui-ci rencontre » par les mots « demande au ministre des Affaires étrangères de rencontrer officiellement ».

Le sous-amendement de M. Maertens est adopté à l'unanimité des 8 membres présents.

L'amendement nº 4 ainsi sous-amendé est adopté à l'unanimité des 8 membres présents.

Mme Thijs dépose l'amendement nº 7 (voir le doc. Sénat nº 2-130/3, 1999-2000, p. 2), qui vise à ajouter, après le point 5 du dispositif, un nouveau point demandant au gouvernement belge d'insister auprès du gouvernement birman pour qu'il garantisse le droit à l'enseignement par la réouverture des universités.

L'auteur de l'amendement souligne que les universités sont fermées depuis 1996, ce qui fait que toute une génération de jeunes est privée d'études supérieures. Il est très important pour le développement du pays que ces jeunes puissent bénéficier d'une formation universitaire.

L'amendement nº 7 est adopté à l'unanimité des 8 membres présents.

III. VOTE SUR L'ENSEMBLE

La proposition de résolution ainsi amendée a été adoptée à l'unanimité des 8 membres présents.

Confiance a été faite au rapporteur pour la rédaction du présent rapport.

Le rapporteur, Le président,
Michiel MAERTENS. Marcel COLLA.

(1) Voir le rapport Burma : SLORC's Private slave camp, Submission to the European Union Generalised System of Preferences, ICFTU (CISL) et ETUC (CES), juin 1995.

(2) Voir le Rapport de la commission d'enquête instituée en vertu de l'article 26 de la Constitution de l'Organisation internationale du travail pour examiner le respect par le Myanmar de la convention nº 29 sur le travail forcé, le 2 juillet 1998, Bulletin officiel du Bureau international du travail, vol. LXXXI, 1998, série B.