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Mme Anne-Marie Lizin (PS). - La problématique du Sahara occidental est bien connue du ministre, à qui je voudrais poser quelques questions pratiques. Depuis le rapport de la mi-décembre 1999, les Nations unies ont conduit à terme le processus d'identification des votants dans cette partie du sud du Maroc. Cette opération atteste de la faisabilité du référendum et, donc, de l'identification. Le fait d'avoir mené à bien cette mission difficile constitue un bon point pour les Nations unies. Les résultats confirment que le représentant du secrétaire général, M. Baker, ainsi que les équipes de la Minurso ont accompli un excellent travail. Ces résultats sont conformes aux accords signés à Houston en 1997 sous l'égide des États-Unis. Cependant, la date du référendum approchant, les questions se font pressantes du côté marocain, notamment à propos des techniques de recours éventuels sur l'un ou l'autre aspect de l'identification.
La Belgique pourrait-elle s'intéresser à ce problème particulier et demander au secrétaire général de veiller au respect d'un plan postposé pendant de longues années ? En effet, il serait bon d'avancer résolument sur ce terrain, bien qu'il soit toujours malaisé d'amener les parties en présence à accepter qu'il n'y aura ni gagnants ni perdants. J'estime en tout cas que le moment est propice, compte tenu de l'évolution positive en cours au Maroc, pour tenter de faire triompher la raison.
Le Polisario a émis divers signaux positifs quant à son souhait d'aboutir dans ce dossier. Le Polisario a tout d'abord permis la réunion au Caire du sommet euro-africain, puisque le fait qu'il soit reconnu par une grande partie des pays de l'OUA - mais pas par le Maroc, bien sûr - empêchait la présence du Maroc à ce sommet. Cet élément a été admis par tous - y compris par l'Algérie - comme étant une position qu'il était peut-être judicieux de modifier, ce qui a été fait.
Je pense qu'il y a beaucoup de bonne volonté de tous les côtés. L'évolution au Maroc est très positive puisqu'il existe une volonté de modifier la législation sur le droit des femmes, sur le statut personnel et de s'intéresser aussi de façon constructive au rôle international du Maroc. Il subsiste un frein important au règlement du contentieux - loin d'être mineur, en dépit des apparences - sur la base des propositions formulées par les Nations unies. Il touche à la fierté nationale, exacerbée lors de la Marche verte.
Personne n'a intérêt à la relance d'un conflit armé dans un endroit supplémentaire d'Afrique. On est parvenu à interrompre le conflit armé au Sahara. Tel était l'intérêt de toutes les parties concernées dans la zone. Cependant, monsieur le vice-premier ministre, si vous regardez le nombre de lieux à petits conflits - mais très armés - dans cette région, au Sénégal, dans quelques autres pays, et, bien entendu, là où les populations touaregs sont concernées, vous constaterez que, contrairement à la lecture que l'on en fait, l'Afrique de l'ouest n'est pas calme du tout. Si nous n'y prenons garde et si nous ne trouvons pas de solution ici, le risque est énorme - les armées concernées sont très nombreuses et très fortes - de voir cette région redevenir un lieu dangereux, ce qu'elle n'était plus. Selon moi, cela vaut la peine de consacrer des efforts diplomatiques à l'aboutissement de ce processus long.
Monsieur le vice-premier ministre, je voudrais savoir si cette question a été abordée, par vous-même ou éventuellement, par la partie marocaine, lors de votre visite au Maroc. Si oui, de quelle façon ? Seriez-vous promoteur d'une initiative visant l'aboutissement des propositions formulées par les Nations unies pour résoudre le problème ?
M. Mohamed Daif (PS). - Si j'interviens, brièvement, à la suite de notre honorable collègue Mme Lizin, c'est parce que je suis particulièrement sensible à la problématique du Sahara occidental et à la situation politique du Maroc. Mon souhait est que notre pays soutienne le processus référendaire arrêté par l'ONU, processus qui déterminera l'avenir du Sahara occidental.
Cependant, monsieur le vice-premier ministre, comme vous le savez, il ne faut jamais isoler un problème géopolitique de son contexte. Aujourd'hui, le Maroc s'est résolument engagé, en toute transparence, dans la voie de la démocratie. Actuellement, dans le monde arabe en général, et en Afrique du nord en particulier, le Maroc est probablement le seul pays où les choses progressent aussi vite et où les changements politiques sont aussi visibles. Je pense que c'est le devoir de la Belgique et de l'Union européenne de soutenir ce processus démocratique qui reste extrêmement fragile. Pour ce faire, il faut aider le Maroc à résoudre ses grands problèmes socio-économiques en renforçant la coopération et en lui évitant les guerres.
Le problème du Sahara occidental est difficile et douloureux. Les Nations unies l'ont sérieusement pris en charge, sous l'autorité personnelle du secrétaire général. En accord avec le gouvernement marocain et sous la direction du Front Polisario, les Nations unies ont opté pour un règlement de la question par référendum d'autodétermination. Plusieurs réunions ont été mises sur pied, sous la direction de l'ancien secrétaire d'État américain James Baker, aux États-Unis et en Espagne. Les modalités d'organisation de ce référendum ont donné lieu à un accord. Le véritable problème réside dans l'identification des votants. C'est pourquoi un comité de vérification a été instauré. Il s'agit d'une étape très difficile, car les listes électorales doivent être avalisées par les autorités marocaines et par le représentant du Polisario, sous l'égide des représentants des Nations unies.
Je suis persuadé que le référendum est une solution à la question sahraouie mais je crois qu'il doit recevoir l'aval des deux parties en présence. Je souhaite aussi qu'il s'inscrive dans le processus de démocratisation de la société marocaine. Je l'ai dit et je le redis : la démocratie reste fragile. Aucun progrès dans cette voie n'est irréversible et le danger d'un retour en arrière est toujours présent.
Monsieur le vice-premier ministre, vous avez récemment effectué une visite officielle au Maroc. Vous avez eu divers entretiens avec le roi du Maroc, le premier ministre et plusieurs personnalités. Je souhaiterais connaître le bilan de votre visite.
Les autorités marocaines auraient probablement soulevé la question du Sahara occidental. À la suite de ces entretiens, quel est votre sentiment à l'égard de la position marocaine ? Je souhaiterais également connaître l'attitude arrêtée par notre gouvernement en ce qui concerne la question sahraouie.
M. Paul Galand (ECOLO). - Je voudrais m'associer à Mme Lizin dont je partage du reste les interrogations, pour soutenir le processus référendaire au Sahara occidental tel qu'il a été fixé par les Nations unies, sans négliger les craintes exprimées par M. Daif.
Si je suis bien informé, le commandant des forces des Nations unies sur le terrain est un général belge. La Belgique, avec son nouveau savoir-faire diplomatique, ne peut-elle jouer un rôle de catalyseur ? Elle pourrait entre autres mettre en exergue les avantages ultérieurs que les deux parties pourraient tirer de la finalisation du processus référendaire dans les échéances fixées par les Nations unies: aide à la création d'une union économique, d'un ensemble maghrébin stable au sein duquel, par exemple, le roi du Maroc, dans le respect du processus référendaire des Nations unies et après celui-ci, pourrait évidemment jouer un rôle extrêmement important et qui donnerait à sa fonction et à ses compatriotes des raisons de fierté beaucoup plus grande que de s'enferrer plus longtemps dans un conflit dont Mme Lizin a souligné toute la gravité.
M. Louis Michel, vice-premier ministre et ministre des Affaires étrangères. - La Belgique suit avec préoccupation l'évolution de la situation au Sahara occidental. Si toutes les parties - Algérie, Maroc, Front Polisario - continuent à se dire attachées à la l'organisation d'un référendum sous l'égide de l'ONU, les perspectives de la tenue d'un tel référendum se sont encore récemment éloignées. Le processus d'identification des votants effectué par l'ONU parmi les tribus sahraouies continue à faire l'objet de nombreuses contestations. Il en résulte un nombre massif de recours individuels devant l'ONU, de sorte que le référendum prévu pour juillet 2000 doit une fois de plus être reporté. Le secrétaire général de l'ONU, dans le nouveau rapport qu'il vient de publier, dit ne pas être en mesure de fixer une nouvelle date précise. Or, face à une impasse prolongée, on ne peut exclure que le Front Polisario n'en vienne à reprendre les hostilités. Ce danger existe réellement.
C'est pourquoi j'estime essentiel que l'ONU maintienne sa présence sur le terrain. Il est exact que la MINURSO - Mission des Nations unies pour l'Organisation d'un Référendum au Sahara occidental - est actuellement commandée par un officier belge, le général Buze. La Belgique continue à soutenir pleinement le plan de paix de l'ONU. Il importe d'agir au niveau politique afin de débloquer la situation, sans pour autant remettre en question l'acquis de nombreuses années de négociations que constitue le processus référendaire. Je note à cet égard l'intention du secrétaire général de demander à son représentant personnel, M. James Baker, de reprendre ses consultations avec les parties concernées.
Certes, comme la Belgique n'est pas membre du Conseil de sécurité, elle n'a qu'une influence limitée dans ce dossier. Celui-ci concerne cependant une région - le Maghreb - qui constitue une des priorités de notre politique extérieure. Je m'efforcerai donc d'y sensibiliser mes collègues de l'Union européenne. Cette question figure également en bonne place dans nos contacts bilatéraux avec les États de la région, comme ce fut le cas lors de ma visite au Maroc, début février.
À ce propos, je voudrais vous dire que je m'y suis entretenu avec le Roi ainsi qu'avec plusieurs ministres, notamment le ministre des Affaires étrangères, le ministre des habous, le premier ministre et le ministre de l'Intérieur. J'ai eu de nombreux contacts et nous avons évidemment, à chaque fois, parlé du problème. Je dois dire que je me suis senti embarrassé et même inquiet, parce que j'ai eu le sentiment qu'aujourd'hui, les relations entre l'Algérie et le Maroc sont fortement détériorées, au point que la stratégie marocaine, qui consistait à ne pas réagir à des propos parfois un peu forts venus d'Algérie, me semble à la limite de sa capacité de résistance. Indiscutablement, il y a des liens à renouer entre l'Algérie et le Maroc.
En ce qui concerne le sommet Union européenne-Afrique, je pense pouvoir dire en toute humilité que nous avons largement contribué à ce que ce sommet puisse avoir lieu. Nous avons d'ailleurs eu davantage de difficultés à convaincre certains partenaires européens que les parties elles-mêmes. Je ne vous dirai évidemment pas lesquels, mais certains pays ne voyaient pas d'un bon _il la tenue de ce sommet, dont je tiens à souligner toute l'importance. Il permettra, en effet, de faire de nombreuses rencontres et de renouer un certain nombre de contacts nécessaires.
Dernière considération, qui n'est pas directement liée au sujet, mais qui concerne un point abordé dans la demande d'explications : il est exact qu'il existe au Maroc un débat interne, courageux, sur les droits de la femme. On observe une réelle appétence de modernité qui est portée par tous les grands décideurs, à commencer par le Roi lui-même. J'ai aussi rencontré le ministre des habous et des affaires religieuses. Il y aura encore du chemin à parcourir et les modernistes auront encore à se battre beaucoup. Il ne faut pas non plus se faire trop d'illusions. La marge de man_uvre politique des modernistes est réelle, leur volonté est encore plus réelle et sincère, mais il subsiste beaucoup de réticences et une grande retenue. D'ailleurs, je ne suis pas persuadé qu'une modernité trop brutale dans un pays comme le Maroc soit totalement dépourvue de risques. Il faut donc les aider au maximum.
Quant au problème que vous avez soulevé, soyez assurée, madame, de toute la disponibilité du gouvernement et de votre serviteur, pour faire tout ce qui est en notre pouvoir pour faire évoluer cette situation dans la bonne direction.
- Het incident is gesloten.