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4 AVRIL 2000
Les indépendants, à l'exclusion des titulaires de professions complémentaires, se trouvant dans le besoin ou dans une situation proche de l'état de besoin peuvent demander une dispense totale ou partielle des cotisations dues. Cette demande est adressée à leur caisse d'assurances sociales qui la transmet à une commission administrative, instituée au sein du ministère des Classes Moyennes et de l'Agriculture, et dans laquelle siègent des magistrats émérites des juridictions du travail ainsi que des fonctionnaires.
Pendant la période d'« instruction » du dossier, l'indépendant ne paie en général pas ses cotisations et se retrouve donc, ainsi que sa famille le plus souvent, sans couverture sociale.
La notion de « besoin » et de situation voisine de l'état de besoin ne sont, jusqu'à présent, pas légalement définies : la commission dispose d'un pouvoir d'appréciation souverain à cet égard.
Que constatons-nous actuellement ?
· les délais qui étaient de 2 à 3 ans ont déjà été ramenés aux alentours de 8 mois. Cependant, étant donné la procédure d'introduction qui peut durer jusqu'à 1 an, la période totale durant laquelle les indépendants et leurs familles se trouvent sans aucune couverture sociale, peut compter jusqu'à 2 années;
· le droit de recours a été supprimé (si ce n'est un recours au Conseil d'État et un hypothétique et hautement improbable recours à la Cour d'arbitrage);
· l'absence de critères objectifs peut engendrer, et cela semble être le cas à l'heure actuelle, des décisions qui apparaissent arbitraires tant aux indépendants qu'aux organisations de classes moyennes;
· la composition de la Commission des dispenses de cotisations est peu adéquate : composée de 3 fonctionnaires et d'un magistrat émérite provenant des juridictions du travail, elle reflète peu la réalité de terrain et est donc parfois moins sensible aux difficultés qu'on y rencontre;
· les décisions ne sont prises qu'à Bruxelles, ce qui pose des problèmes pratiques, notamment de déplacement pour les personnes qui sollicitent la dispense et qui habitent loin de Bruxelles.
Sans négliger le fait qu'une première étape consisterait à améliorer le fonctionnement des caisses d'assurances sociales et en particulier à intensifier leur tâche légale d'information pour laquelle elles sont d'ailleurs rémunérées par les frais de gestion payés par les indépendants, nous proposons de transférer les compétences de cette commission vers les tribunaux du travail.
Ces tribunaux, composés de magistrats de carrière spécialisés, mais aussi de juges sociaux travailleurs indépendants eux-mêmes fonctionnent bien. Leur arriéré est relativement faible et ils sont, selon nous, les mieux armés et expérimentés pour remplir cette tâche difficile.
1er avantage : des décisions justes et équilibrées
En effet, de par la présence de juges sociaux siégeant au titre de travailleurs indépendants, la compréhension des cas qui leur seraient soumis ne peut être que plus adéquate. Les indépendants qui siègent dans les juridictions du travail sont sensibles aux problèmes sociaux des indépendants car ils connaissent le risque lié à l'activité d'indépendant. Par contre, ils sont loin d'être indifférents aux indépendants qui essayent de profiter de la situation, et, ainsi, créent des brèches dans leur propre sécurité sociale.
2e avantage : la rapidité
Vu le peu d'arriéré de ces tribunaux, l'on serait en mesure de fournir, dans des délais très courts, une décision aux indépendants qui sollicitent une dispense.
Cela constituerait indirectement une avancée sociale importante en limitant le délai pendant lequel les indépendants sont sans couverture sociale (ce qui est, on l'a vu, le plus souvent le cas lors de l'introduction d'une demande de dispense).
Cette mesure garantira, en outre, une plus grande sécurité juridique pour les personnes qui solliciteront cette dispense.
3e avantage : la possibilité de recours
Ensuite, et cela est revendiqué depuis de nombreuses années, un droit de recours serait instauré du fait même de la structure de ces tribunaux.
4e avantage : l'objectivation de la décision
On établirait ainsi de véritables critères objectifs qui seraient déterminés par la jurisprudence que dégageraient les tribunaux du travail de l'examen des différentes demandes.
5e avantage : le rapprochement des organes de décision des personnes concernées
Quant au problème de localisation que rencontre la Commission des dispenses de cotisations du fait de son établissement à Bruxelles, celui-ci serait résolu car les indépendants concernés pourraient se rendre auprès du tribunal de leur arrondissement.
6e avantage : la possibilité pour l'indépendant nécessiteux de se faire défendre gratuitement
Un autre élément intéressant de cette réforme est également le fait que les personnes qui demanderaient à bénéficier d'une dispense pourraient obtenir l'assistance d'un avocat pro deo.
7e avantage : garantir des dossiers complets pour limiter les « dégâts sociaux »
Notre proposition aurait également le mérite d'éviter que ces personnes n'introduisent des demandes qui soient rejetées pour des arguments de procédure voire des pièces manquantes comme c'est trop souvent le cas aujourd'hui.
À cet effet, la proposition prévoit que l'auditorat du travail sera chargé de remettre un avis sur les cas qui seront soumis au tribunal du travail. Cet avis contribuera également à objectiver les critères de dispenses. On sait en effet combien est important le rôle des auditorats du travail dans l'introduction des dossiers.
À ce jour, un nombre important de dossiers sont déclarés irrecevables par les Commissions de dispense de cotisations, en général après près d'un an d'attente, pour parfois un seul document reçu avec quelques jours de retard.
Cette situation est dramatique pour l'indépendant et parfois sa famille car elle signifie :
une année sans couverture sociale;
un arriéré de cotisations sociales à apurer immédiatement pour la période pour laquelle il demandait la dispense;
des cotisations sociales à payer en une fois pour l'année d'attente pendant laquelle la commission « traitait » le dossier et au cours de laquelle la caisse a suspendu le recouvrement;
une deuxième année sans couverture sociale si l'indépendant réintroduit une demande.
À l'heure actuelle, les auditorats jouent déjà le rôle de premier filtre quant aux plaintes qui sont déposées devant les tribunaux du travail. On leur permettrait ainsi de continuer ce rôle et de faire en sorte que, avec l'assistance des avocats, les demandes qui arriveraient devant le tribunal du travail soient des demandes correctement formulées et contenant l'ensemble des documents requis.
Il est également proposé de confier au Roi le soin d'édicter la liste des documents qui doivent être fournis au tribunal pour apprécier le bien-fondé de la demande.
Articles 2 et 3
Cet article reprend les dispositions visant les compétences de la Commission des dispenses de cotisations et contenues dans l'article 22 de l'arrêté royal nº 38 du 27 juillet 1967 organisant le statut social des travailleurs indépendants. Ces compétences sont transférées aux tribunaux du travail. De plus, pour des raisons d'efficacité dans le traitement des dossiers, l'avis de l'auditeur est requis.
Afin d'améliorer l'efficience de cette procédure, le Roi est habilité à fixer la liste de documents qui doivent être joints au dossier afin d'aider le tribunal à rendre sa décision. Le Roi peut notamment, pour rédiger cette liste, se baser sur l'arrêté royal du 9 décembre 1994 modifiant, en ce qui concerne le fonctionnement de la Commission des dispenses de cotisations, l'arrêté royal du 19 décembre 1967.
Article 4
Cet article vise à inclure dans les compétences des tribunaux du travail, tel qu'organisées par le Code judiciaire, les nouvelles compétences découlant de l'article précédent. De plus, l'intégration de cette disposition au sein de l'article 581 du Code judiciaire fixe la composition du tribunal déterminée par l'article 81 du même Code qui prévoit, pour les matières visées à l'article 581, que « la chambre est composée d'un juge au tribunal du travail et de deux juges sociaux nommés au titre de travailleur indépendant ».
Philippe MAHOUX. |
Article 1er
La présente loi règle une matière visée à l'article 77 de la Constitution.
Art. 2
À l'article 17 de l'arrêté royal nº 38 du 27 juillet 1967 organisant le statut social des travailleurs indépendants sont apportées les modifications suivantes :
1º dans l'alinéa 1er, les mots « en s'adressant à la commission visée à l'article 22 » sont remplacés par les mots « aux tribunaux du travail ».
2º l'alinéa 3, inséré par la loi du 6 février 1976 et modifié par la loi du 26 juin 1992, est abrogé.
Art. 3
L'article 22 du même arrêté royal nº 38 du 27 juillet 1967 est remplacé par la disposition suivante :
« Art. 22. Les tribunaux du travail sont chargés de statuer sur les demandes de dispenses totales ou partielles de cotisations introduites par les assujettis visés à l'article 17. Ils statuent également sur les demandes de dispenses totales ou partielles des cotisations de solidarité, des cotisations de modération, des cotisations de consolidation et des cotisations spéciales imposées aux travailleurs indépendants en vertu des lois des 2 février 1982, 6 juillet 1983 et 27 mars 1986 accordant certains pouvoirs spéciaux au Roi, ainsi que sur les demandes basées sur les cotisations prévues par un régime visé à l'article 18 et qui sans avoir un caractère obligatoire, sont destinées à faire naître ou à maintenir le droit aux prestations.
Pour ces matières, l'avis de l'auditeur est requis. Le Roi établit la liste des documents qui doivent être fournis au tribunal pour l'examen des demandes visées par la présente disposition. »
Art. 4
L'article 581 du Code judiciaire est complété par un 9º, rédigé comme suit :
« 9º des demandes de dispenses partielles ou totales de cotisations en vertu de l'article 22 de l'arrêté royal nº 38 du 27 juillet 1967 organisant le statut social des travailleurs indépendants. »
Philippe MAHOUX. |
(1) La présente proposition de la loi a déjà été déposée au Sénat le 10 décembre 1998, sous le numéro 1-1189/1.