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Sénat de Belgique

SESSION DE 1999-2000

4 AVRIL 2000


Proposition de loi visant à améliorer le statut social des travailleurs indépendants (1)

(Déposée par M. Philippe Mahoux)


DÉVELOPPEMENTS


Depuis quelques années, l'emploi « indépendant » se développe.

On peut raisonnablement affirmer que le monde des indépendants est en pleine mutation. L'image du commerçant, de la profession libérale, de la petite entreprise, que nous connaissions il y a 20 ans, a profondément changé. Les conditions dans lesquelles s'exerce le métier d'indépendant aussi.

On ne recourt plus nécessairement à la voie du travail indépendant par vocation. De plus en plus nombreux sont ceux qui sont contraints, par leur profession, par l'évolution que celle-ci connaît aujourd'hui, par l'absence de travail salarié, à choisir un statut d'indépendant qui se révèle d'ailleurs souvent être un statut de...faux indépendant.

D'emblée, trois remarques peuvent être formulées :

1. Ces nouvelles catégories d'indépendants sont souvent mal informées, et ce déficit d'information provoque des situations sociales difficiles rejaillissant souvent sur des familles entières, mais aussi de plus en plus sur la collectivité (les CPAS sont de plus en plus confrontés à des « cas sociaux » venant du monde des indépendants qui sollicitent le minimex).

2. Les demandes de ces indépendants, vis-à-vis de leur statut social ont elles aussi fondamentalement évolué. Issus majoritairement d'un sérail « salarié », les indépendants attendent de leur statut social une meilleure couverture, pour eux et pour leur famille, que celle dont ils peuvent bénéficier à l'heure actuelle. Un nombre croissant d'entre eux sont des femmes avec des problématiques et des demandes bien spécifiques.

3. Les revenus de ces nouveaux indépendants sont souvent faibles et la plupart d'entre eux en appellent à une plus grande solidarité.

Nous sommes donc convaincus que le statut social des travailleurs indépendants doit être revu pour tenir compte des évolutions sociologiques et économiques.

Cependant, toute réforme du statut des indépendants doit intégrer la nécessité de l'équilibre du système. En d'autres termes, toute amélioration du statut doit aller de pair avec une modification dans la perception des cotisations, qui assure cet équilibre dans le souci d'une plus grande solidarité du secteur.

Pour commencer, examinons plus en détails la situation socio-économique des travailleurs indépendants et la couverture sociale qui leur est offerte.

Ce n'est pas un fait nouveau : les paradoxes inhérents à ce statut social sont nombreux. Sans vouloir tirer, dans cette introduction, un bilan exhaustif, on peut citer, à titre d'exemples :

· les revenus pris en compte pour la perception des cotisations sociales sont plafonnés, ce qui signifie que toute une masse de revenus échappe totalement à cette perception sociale. Les personnes les plus aisées contribuent donc proportionnellement moins que les indépendants qui ont des revenus modestes;

· l'allocation familiale pour le premier enfant d'un indépendant est substantiellement moindre que celle d'un salarié ou encore d'un fonctionnaire;

· la protection de la maternité de la travailleuse indépendante apparaît insuffisante en comparaison de la protection assurée dans le régime des travailleurs salariés.

Parallèlement, il faut cependant relever que :

· les indépendants, dans leur ensemble, contribuent comparativement moins que les salariés à leur statut social;

· la subvention de l'État par travailleur est proportionnellement plus élevée dans le régime des indépendants que dans le régime des salariés (2).

Il en résulte que d'une part, les indépendants, et surtout les jeunes indépendants, se plaignent de la faible couverture sociale dont ils bénéficient eux et leur famille et que d'autre part, les indépendants qui bénéficient des revenus professionnels les plus élevés voient ceux-ci en partie ou totalement immunisés de cotisations sociales.

Il faut noter, que même les indépendants qui bénéficient des revenus professionnels les plus élevés se plaignent, eux aussi, de ne pas bénéficier d'une couverture sociale assez large.

Face à ces constats, la proposition opte délibérément pour de nouveaux mécanismes de solidarité au sein même du statut social des indépendants.

Elle vise à un rééquilibrage social entre la perception et la redistribution des cotisations pour offrir à ceux qui en ont le plus besoin une revalorisation de leur couverture sociale.

La philosophie de cette proposition est donc d'instaurer, sans modifier l'équilibre financier du statut social, une meilleure justice sociale entre les travailleurs indépendants.

Avant d'arriver à ces propositions concrètes, il est bon de les replacer dans leur contexte et de réaliser ce que représente aujourd'hui l'activité indépendante. C'est pourquoi nous tenions à reprendre au sein de cette proposition un certain nombre d'éléments connus qui permettront de situer le débat et les changements que nous préconisons.

I. STATISTIQUES

Combien sont-ils ?

Travailleurs
indépendants
­
Zelfstandigen
Activité
principale
­
Hoofdberoep
Activité
complémentaire
­
Nevenberoep
Aidants
­
Helpers
Total
­
Totaal
1993 666 992 557 552 109 440 75 459 742 451
1994 680 280 565 569 114 711 75 316 755 596
1995 695 180 574 500 120 680 75 950 771 130
1996 702 000 576 900 125 100 76 150 778 150
1997 712 739 582 658 130 081 75 468 788 207

Vademecum ­ Contrôle budgétaire 1997 ­ Ministère des Affaires sociales.

Que font-ils ?

Secteurs
­
Sectoren
Activité
principale
­
Hoofdberoep
Activité
complémentaire
­
Nevenberoep
Ayants atteint
l'âge de la pension
­
Pensioengerechtigde
leeftijd
Total
­
Totaal
Agriculture. ­ Landbouw 62 341 9 928 15 712 87 985
Pêche. ­ Visserij 816 102 74 992
Industrie. ­ Industrie 131 826 24 302 12 681 168 814
Commerce. ­ Handel 236 918 54 572 26 589 318 103
Professions libérales. ­ Vrije beroepen 105 980 24 584 7 093 137 660
Services. ­ Diensten 51 523 11 847 3 027 66 399
Professions diverses. ­ Diverse beroepen 2 358 421 1 434 4 213

Vademecum ­ Contrôle budgétaire 1997 ­ Ministère des Affaires sociales-INASTI 1996.

Combien gagnent-ils ?

Travailleurs
indépendants
­
Zelfstandigen
Activité
principale
­
Hoofdberoep
Activité
complémentaire
­
Nevenberoep
Pensionnés
­
Gepensioneerden
Autres
­
Anderen
Total
­
Totaal
1993 359 393 320 377 39 016 16 284 29 970 405 646
1994 354 298 302 916 51 383 15 255 33 464 403 018
1995 352 637 301 749 50 888 14 746 34 904 402 297
1996 372 640 321 414 51 226 17 356 25 604 415 600
1997 378 642 326 173 52 468 17 570 27 604 423 816

Vademecum ­ Contrôle budgétaire 1997 ­ Ministère des Affaires sociales.

II. DÉFINITIONS

Dans un souci de clarté, nous tenons à définir les termes suivants :

Le statut social s'étend :

1. aux prestations familiales,

2. aux prestations de pensions,

3. aux prestations en cas de maladie ou d'invalidité,

4. aux prestations en cas de faillite.

Sont redevables de cotisations sociales :

(a) les travailleurs indépendants,

(b) les aidants,

(c) les sociétés (!).

A. Les travailleurs indépendants

Est travailleur indépendant, toute personne physique qui exerce en Belgique une activité professionnelle pour laquelle elle n'est pas engagée dans les liens d'un contrat de travail ou d'un statut.

· activité professionnelle : l'activité doit être exercée dan un but de lucre, même si, en fait, elle ne produit pas de revenus;

· revenus : les bénéfices d'exploitations industrielles, commerciales ou agricoles, les rémunérations d'administrateurs, commissaires, liquidateurs ou autres personnes exerçant des mandats ou fonctions analogues dans une société par actions ou dans une société assimilée à une société par actions pour l'application de l'impôt de sociétés; les rémunérations d'associés actifs dans une société commerciale autre qu'une société par actions;

· associé actif/dirigeant d'entreprise : celui qui exerce une activité dans une société de personnes aux fins de rendre productif le capital qui lui appartient en partie. Il est assujetti, même s'il ne perçoit pas de rémunération.

B. Les aidants

Est aidant, toute personne qui, en Belgique, assiste ou supplée un travailleur indépendant dans l'exercice de sa profession sans être liée envers lui par contrat de travail.

· exceptions : le conjoint aidant de l'assujetti, les étudiants bénéficiaires d'allocations familiales, la personne aidante non mariée jusqu'au 1er janvier de son 20e anniversaire, les aidants occasionnels.

· assurance volontaire pour conjoints aidants : le conjoint aidant peut s'affilier volontairement à la même caisse d'assurances sociales que son conjoint exploitant et payer des cotisations afin de bénéficier d'indemnités en cas d'incapacité de travail et d'une allocation de maternité en cas d'accouchement.

C. Les obligations

· Affiliation à une caisse d'assurances sociales :
Délais : dans les 90 jours qui suivent le début de son activité.

· Paiement de cotisations sociales :
Echéance : trimestrielle.
Mode de calcul : cotisation forfaitaire + pourcentage des revenus professionnels de la 3e année qui précède l'exercice en cours, valorisés pour tenir compte de l'inflation.
Cotisation annuelle à charge des sociétés.

· Communication de changements.

III. COTISATIONS

A. Le revenu de référence

Les cotisations sociales sont en grande partie exprimées par un pourcentage des revenus professionnels majorés et réévalués de la 3ème année précédente.

· Revenus professionnels : revenus professionnels bruts, diminués des frais professionnels et éventuellement des pertes professionnelles, tels que fixés par le fisc. Pour les indépendants, personnes physiques, la part des bénéfices attribuée au conjoint aidant est ajoutée aux revenus du conjoint exploitant.

· Brutage : en fonction de la catégorie de cotisants à laquelle l'affilié appartenait trois ans auparavant, les revenus professionnels sont augmentés du montant des cotisations dues pour l'année de référence.

· Réévaluation : le montant bruté des revenus professionnels doit être multiplié par un coefficient de réévaluation, qui représente l'évolution de l'indice des prix à la consommation entre l'année d'acquisition des revenus et l'année de cotisation.

· Plafonnement : les revenus sur lesquels les cotisations sont calculées sont plafonnés (2 756 223 francs). Aucune cotisation n'est due sur la tranche de revenus supérieure.

B. Indépendants à titre principal

En payant des cotisations sociales, le travailleur indépendant bénéficie de droits en matière de sécurité sociale.

Pour ce faire, il doit payer :

· Trimestriellement, une cotisation, fixée sur base annuelle :

Cotisation minimum : tout indépendant à titre principal est au moins redevable d'une cotisation de 16,70 % établie sur un revenu de 388 444 francs.

· Revenu de référence supérieur au seuil minimum :

16,70 % jusqu'à 1 884 286 francs.

12,27 % sur la tranche comprise entre 1 884 287 francs et 2 756 223 francs.

· Annuellement, une cotisation forfaitaire :

1 200 francs si les revenus sont compris entre 388 445 francs et 1 884 286 francs.

2 400 francs si les revenus sont supérieurs à 1 884 286 francs.

C. Indépendants à titre complémentaire

· Définition : une activité revêt le caractère d'une activité professionnelle complémentaire lorsque :

­ elle est exercée à côté d'une activité professionnelle habituelle en ordre principal de nature différente :

occupation à mi-temps comme travailleur salarié;

occupation à mi-temps comme fonctionnaire (pendant au moins 8 mois ou 200 jours par an);

prestations dans l'enseignement du jour ou du soir correspondant à 6/10 de l'horaire complet;

­ elle est exercée en sus du bénéfice de certains revenus de remplacement :

prestations dans le cadre de la sécurité sociale;

pension de retraite ou d'invalidité;

indemnité obtenue en tant que victime d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle entraînant une incapacité de travail de 66 % au moins;

­ l'intéressé préserve ses droits à une pension de retraite ou d'invalidité.

· Cotisation due : les indépendants à titre complémentaire bénéficient normalement de droits en matière de sécurité sociale sur base de leur activité principale.

Les cotisations dont ils sont redevables comme travailleur indépendant ne visent pas à ouvrir des droits à des prestations sociales comme travailleur indépendant.

· Seuil minimum : aucune cotisation n'est due lorsque les revenus professionnels acquis au cours de l'année de référence sont inférieurs à 41 601 francs.

· Revenu de référence supérieur au seuil minimum :

16,70 % sur le revenu de référence compris entre 41 602 francs et 1 884 286 francs;

12,27 % sur le revenu de référence compris entre 1 884 287 francs et 2 756 223 francs.

· Cotisation forfaitaire annuelle :

1 200 francs si les revenus sont compris entre 388 445 francs et 1 884 286 francs;

2 400 francs si les revenus sont supérieurs à 1 884 286 francs.

IV. PRESTATIONS

A. Soins de santé

Gros risques : les prestations pour les soins de santé pour lesquelles le travailleur peut bénéficier d'un remboursement sont appelées « gros risques ». Ils recouvrent essentiellement :

· l'hospitalisation et les médicaments fournis durant l'hospitalisation;

· les soins médicaux et obstétricaux en cas d'accouchement;

· chaque traitement dispensé pendant une hospitalisation psychiatrique ou dans un sanatorium;

· les prestations dispensées par une maison de repos agréée;

· les interventions chirurgicales et prestations d'anesthésiologie;

· les prestations de radiodiagnostic, radiothérapie, médecine nucléaire;

· les prestations de médecine interne;

· la réanimation;

· la biologie clinique;

· certaines prestations de kinésithérapie pour des pathologies bien déterminées;

· les cures thermales;

· l'hémodialyse et la dialyse péritonéale à domicile.

Petits risques : les frais courants de pharmacie et de médecine ne sont pas remboursables. Si l'indépendant souhaite bénéficier du remboursement, il doit souscrire à une assurance complémentaire auprès de sa mutualité.

1995 Gros risques
­
Grote risico's
Petits risques
­
Kleine risico's
%
­
%
Titulaires. ­ Rechthebbenden 609 259 399 332 66
Bénéficiaires. ­ Rechtverkrijgenden 1 065 473 810 737 76
Bénéficiaires/Titulaires. ­ Rechthebbenden/Rechtverkrijgenden 1,75 2,03

B. Indemnités

Prestations pour incapacité de travail :

· incapacité primaire, sans indemnité qui comprend les trois premiers mois;

· incapacité primaire, avec indemnité qui comprend les neuf mois suivants;

· invalidité qui débute à partir de la deuxième année d'incapacité de travail.

Le bénéficiaire obtient pendant la période d'incapacité primaire avec indemnité et la période d'invalidité, un montant fixe, avec un suppléant pour les personnes à charge.

Assurance maternité

L'indemnité est payée pour une période de trois semaines immédiatement après l'accouchement. L'indemnité consiste en un montant forfaitaire.

C. Pensions

Le statut social prévoit l'octroi de divers types de pensions :

· pension de retraite : accordée à la personne qui a elle-même exercé une activité en qualité de travailleur indépendant;

· pension de retraite anticipée : accordée à la personne qui a elle-même exercé une activité en qualité de travailleur indépendant, moyennant certaines conditions de carrière et une réduction du montant de la pension de 5 % par année d'anticipation;

· pension de survie : accordée au conjoint survivant du chef de la carrière exercée en qualité de travailleur indépendant par le conjoint décédé;

· pension de conjoint divorcé : le conjoint divorcé, homme ou femme, peut obtenir, en complément de sa propre pension éventuelle, une pension pour les années prestées par son ex-conjoint en tant qu'indépendant, pendant les années de mariage;

· pension de conjoint séparé de fait ou de corps : l'époux ou l'épouse peut obtenir une part de la pension qui aurait pu être accordée à l'autre conjoint s'il n'y avait pas eu de séparation;

· pension inconditionnelle : pour la période antérieure à 1984, les cotisations de pension payées avant cette date, permettent l'octroi d'une pension de retraite ou de survie à ceux qui ne peuvent prétendre à une pension de retraite, de survie ou de conjoint divorcé.

Il est important de souligner qu'a été instaurée, pour les années de carrière après 1983, une pension proportionnelle aux revenus perçus par l'indépendant, relevant ainsi progressivement le montant de la pension allouée. Le concept d'assurance est donc renforcé.

Il faut enfin ajouter que les trimestres pour lesquels l'indépendant a obtenu une dispense de cotisations ne sont pas pris en compte dans le calcul des montants de la pension.

D. Prestations familiales

Les prestations sont, en principe, les mêmes que pour les travailleurs salariés, sauf en ce qui concerne le montant de l'allocation ordinaire pour le premier enfant et l'absence de supplément d'âge pour le dernier né ou l'enfant unique :

· allocation de naissance,

· allocations familiales,

· allocations d'orphelin,

· allocations familiales ordinaires,

· allocations pour un enfant d'un indépendant pensionné avec personne à charge ou du conjoint survivant du pensionné,

· allocations majorées pour un enfant d'un indépendant en incapacité de travail avec personne à charge,

· allocations familiales majorées plus allocation supplémentaire pour un enfant handicapé,

· prime d'adoption.

Cette proposition est basée sur deux axes :

I. Améliorer la couverture sociale des indépendants

II. Financer ces avancées sociales de manière solidaire

Ces deux axes se déclinent en cinq propositions d'avancées sociales en faveur des indépendants, chacune d'elles ayant été évaluée en terme de coût budgétaire pour le statut social des indépendants :

1. Égaliser les allocations familiales du premier enfant.

2. Doubler le congé de maternité des travailleuses indépendantes.

3. Revaloriser les indemnités pour cause d'invalidité.

4. Supprimer la réduction pour cause d'anticipation de pension.

5. Instaurer un droit à la pension pour les périodes de dispense.

... et deux propositions visant à financer ces cinq propositions :

1. Déplafonner les cotisations sociales.

2. Moduler la cotisation forfaitaire des sociétés.

I. Améliorer la couverture sociale des indépendants

1. Égaliser les allocations familiales du premier enfant

La proposition vise à égaliser les allocations familiales des enfants d'indépendants sur les allocations familiales octroyées dans le régime des travailleurs salariés. Cette mesure touchera les couples dont les deux conjoints sont indépendants, et ceux où l'un des deux conjoints est indépendant et l'autre est sans profession.

En effet, dans le cas où l'un des deux parents est salarié, les allocations familiales sont versées par la caisse d'allocations familiales de ce travailleur.

2. Doubler le congé de maternité des indépendantes

Il s'agit ici d'obtenir une amélioration de la protection de la maternité de la travailleuse indépendante : adjoindre une période de repos prénatal d'une durée de trois semaines; l'indemnisation supplémentaire sera d'un montant identique à l'indemnisation de la période postnatale, soit 35 853 francs (au 1er décembre 1998). Si l'intéressée ne désire pas prendre de repos prénatal, elle peut demander de reporter cette période à l'expiration du repos postnatal.

Cette proposition part du constat que de plus en plus de femmes travailleurs indépendantes qui souhaitent bénéficier d'un plus long repos d'accouchement, pourraient assumer celui-ci professionnellement, mais ne peuvent pas se le permettre financièrement.

3. Revaloriser les indemnités pour cause d'invalidité

Cette proposition vise à augmenter sensiblement le montant de l'indemnité d'invalidité en faveur des travailleurs indépendants qui ont mis fin à l'exploitation de leur entreprise et qui bénéficient de l'assimilation pension pour cause d'incapacité de travail.

L'augmentation proposée rencontre une revendication prioritaire des organisations de travailleurs indépendants représentées au sein des organes de gestion du statut social et constitue la première étape d'un objectif qui devrait permettre, à terme, d'instaurer un revenu social décent pour cette catégorie d'invalides qui ne possède plus d'exploitation professionnelle.

4. Supprimer la réduction pour cause d'anticipation de pension

Il s'agit ici de supprimer la réduction de la pension pour cause d'anticipation : le régime de pension des travailleurs indépendants est le seul qui comporte encore un coefficient de pénalisation en cas d'anticipation, soit 5 % par année d'anticipation. Cela veut dire qu'un travailleur indépendant décidant de prendre sa pension anticipativement, perd définitivement 5 % de son allocation de retraite par année d'anticipation. Dans le pire des cas, il peut donc perdre définitivement 25 % de sa pension.

En outre, étant donné la réforme intervenue au mois de juillet 1997, une condition de carrière de 35 ans est imposée, à terme, pour l'obtention d'une pension anticipée.

Dans ce cadre, et dans un souci d'équité par rapport aux autres régimes, la suppression de ce coefficient d'anticipation est prévue par la présente proposition.

5. Instaurer un droit à la pension pour les périodes de dispense

Dans le même objectif d'amélioration des pensions des travailleurs indépendants, nous proposons d'intégrer dans le calcul de la pension, les trimestres pendant lesquels l'indépendant a obtenu une dispense de paiement de cotisations sociales.

En effet, il est peu solidaire de permettre à un travailleur indépendant en difficulté d'obtenir une dispense de cotisation mais de lui faire payer cette mesure favorable lors de son accession à la pension. Il nous semble plus cohérent d'éviter toute pénalisation née de la situation due aux problèmes rencontrés par le travailleur.

Budgétairement, cette proposition est marginale.

II. Proposition de financement du statut social des travailleurs indépendants

Comme nous l'avons développé plus haut, notre proposition vise à rétablir une certaine égalité et une meilleure protection au sein du statut social des indépendants tout en maintenant l'équilibre financier du système.

Cet objectif découle d'une volonté politique, sociale et économique.

C'est pourquoi les mesures proposées afin d'améliorer le statut social des travailleurs indépendants ne peuvent se concevoir que via une nouvelle forme de financement de ce statut.

1. Déplafonnement des cotisations sociales

Dans l'introduction, nous avons fait remarquer que les revenus pris en compte pour le calcul des cotisations sont :

­ plafonnés vers le haut, ce qui favorise les « gros » revenus;

­ limités vers le bas, ce qui défavorise les « petits » revenus.

Le taux de perception des cotisations sociales est dégressif en fonction de l'accroissement des revenus ce qui signifie que les indépendants à « gros » revenus paient proportionnellement moins de cotisations sociales que les indépendants à « petits » revenus.

Afin d'instaurer un rééquilibrage entre les cotisations, la proposition vise à assurer un déplafonnement des revenus pris en compte pour le calcul des cotisations. Ceci consiste en la suppression du seuil maximum au-dessus duquel aucune cotisation n'est perçue avec instauration d'un taux uniforme de perception des cotisations, de 16,70 % sur l'ensemble des revenus supérieurs au plafond minimum.

2. Cotisation des sociétés

Les sociétés sont soumises à un taux unique de cotisation. La charge est donc proportionnellement plus forte sur les « petites » sociétés que sur les « grosses ».

L'objectif de la proposition est de moduler la cotisation des sociétés en fonction du capital tout en instaurant une limite, relativement basse d'ailleurs. Ainsi, on restreint les passages en société d'indépendants qui n'ont aucune justification économique tout en faisant contribuer plus fortement les sociétés dont le capital est le plus important.

La cotisation des sociétés, à destination du statut social, sera modulée selon les paliers suivants :

­ 12 500 francs/an pour les sociétés dont le capital est inférieur ou égal à 750 000 francs;

­ 25 000 francs/an pour les sociétés dont le capital est supérieur à 750 000 francs et inférieur ou égal à 2 500 000 francs;

­ 50 000 francs/an pour les sociétés dont le capital est supérieur à 2 500 000 francs.

COMMENTAIRE DES ARTICLES

Article 2

Cet article vise à égaliser les allocations familiales des enfants de travailleurs indépendants avec celles des travailleurs salariés. Il est donc fait explicitement référence à la loi fixant les allocations familiales des travailleurs salariés.

Articles 3, 4 et 5

Cet article vise à accorder un repos prénatal d'une durée de trois semaines à la travailleuse indépendante. L'indemnisation est d'un montant identique à l'indemnisation accordée actuellement dans le cadre du repos postnatal. Si l'intéressée ne désire pas prendre de repos prénatal, elle peut reporter celui-ci à l'expiration du repos postanal.

Article 6

Cette disposition vise à réévaluer de manière substantielle les indemnités versées en faveur des travailleurs indépendants invalides ayant mis fin à leur exploitation.

Article 7

Le régime de pension des travailleurs indépendants est le seul qui comporte encore un coefficient de pénalisation en cas d'anticipation, soit 5 % par année d'anticipation. Cet article abroge la mesure qui imposait ces 5 % de pénalité par année d'anticipation de l'âge de la retraite pour les indépendants.

Article 8

Le but de cet article est de ne pas pénaliser un indépendant qui aurait bénéficié, durant une période, de dispenses de cotisations sociales. En effet, si l'indépendant obtient des dispenses, les trimestres pendant lesquels il n'a pas payé de cotisations, ne sont pas pris en considération pour le calcul de sa pension. Cette mesure pénalise les pensionnés qui se sont trouvés dans le besoin au cours de leur carrière professionnelle. Il s'agit dont ici de régulariser ces personnes afin qu'elles puissent valoriser ces années de travail.

Articles 9 et 10

Le but de ces articles est d'assurer une plus grande solidarité entre les indépendants et de leur donner les moyens d'améliorer leur protection sociale tout en maintenant l'équilibre financier du système. Il faut donc trouver une nouvelle source de financement aux mesures développées plus haut. Par ces deux articles, un déplafonnement des cotisations sociales est réalisé.

Un taux unique est appliqué quels que soient les revenus pris en compte. Les cotisations forfaitaires sont quant à elles maintenues. Vu les recettes dégagées par cette disposition, on compense en grande partie les dépenses engendrées par l'amélioration du statut social des travailleurs indépendants.

Articles 11 et 12

Ces dispositions visent à établir la concordance entre les différents articles suite à une renumérotation au sein des articles 12 et 13 de l'arrêté royal nº 38 du 27 juillet 1967 organisant le statut social des travailleurs indépendants.

Article 13

L'article 91 de la loi du 30 décembre 1992 instaure une cotisation forfaitaire à charge des sociétés.

La proposition vise à moduler cette cotisation selon le capital social souscrit tel que défini dans les lois coordonnées sur les sociétés commerciales. Le but est de restreindre le passage en société d'indépendants qui n'ont aucune justification économique, et de faire contribuer davantage les sociétés qui ont un capital social plus important. Cette disposition permet de compléter le financement du statut social afin d'atteindre l'équilibre financier du système.

Philippe MAHOUX.

PROPOSITION DE LOI


Article 1er

La présente loi règle une matière visée à l'article 78 de la Constitution.

Art. 2

L'article 2, 2º, de la loi du 29 mars 1976 relative aux prestations familiales des travailleurs indépendants est complété par la disposition suivante :

« le montant de ces prestations est identique à celui fixé dans les lois coordonnées du 19 décembre 1939 relatives aux allocations familiales pour travailleurs salariés; ».

Art. 3

L'article 12bis de l'arrêté royal du 20 juillet 1971 instituant un régime d'assurance contre l'incapacité de travail en faveur des travailleurs indépendants, inséré par l'arrêté royal du 24 janvier 1990, est remplacé par la disposition suivante :

« Art. 12bis. ­ Le repos prénatal débute, à la demande de la titulaire, au plus tôt à partir de la troisième semaine qui précède la date présumée de l'accouchement. À cet effet, la titulaire remet à son organisme assureur un certificat médical attestant que l'accouchement doit normalement se produire à la fin de la période de repos sollicitée. Si l'accouchement se produit après la date prévue par le médecin, le repos prénatal est prolongé jusqu'à la date réelle de l'accouchement.

Le repos postnatal s'étend à une période ininterrompue de trois semaines qui prend cours le lendemain du jour de l'accouchement. Cette période peut être prolongée à concurrence de la période de repos prénatal prévue à l'alinéa premier que la titulaire n'aurait pas sollicitée. Cette prolongation ne peut excéder une période de trois semaines.

Durant les périodes de repos visées aux alinéas précédents, la titulaire est censée être incapable de travailler en application de l'article 21, alinéa 2, et percevoir une allocation de maternité de 60 000 francs. »

Art. 4

Dans l'article 34bis du même arrêté royal du 20 juillet 1971, inséré par l'arrêté royal du 24 janvier 1990, les mots « la demande visée à l'article 62bis » sont remplacés par les mots « la demande visée à l'article 12bis ».

Art. 5

L'article 62bis du même arrêté royal du 20 juillet 1971, inséré par l'arrêté royal du 24 janvier 1990, est abrogé.

Art. 6

Dans l'article 10, deuxième alinéa, du même arrêté royal du 20 juillet 1971, inséré par l'arrêté royal du 18 mai 1993 et remplacé par l'arrêté royal du 14 juillet 1994, les mots « 333,80 francs ou 250,35 francs » sont remplacés par les mots « 345,38 francs ou 262,97 francs ».

Art. 7

À l'article 3, § 2, de l'arrêté royal du 30 janvier 1997 relatif au régime de pension des travailleurs indépendants en application des articles 15 et 27 de la loi du 26 juillet 1996 portant modernisation de la sécurité sociale et assurant la viabilité des régimes légaux de pensions et de l'article 3, § 1er, 4º, de la loi du 26 juillet 1996 visant à réaliser les conditions budgétaires de la participation de la Belgique à l'Union économique et monétaire européenne, les alinéas 2 et 3 sont abrogés.

Art. 8

L'article 94bis, alinéa 2, de l'arrêté royal du 19 décembre 1967 portant règlement général en exécution de l'arrêté royal nº 38 du 27 juillet 1967 organisant le statut social des travailleurs indépendants, ajouté par l'arrêté royal du 2 juillet 1981, remplacé par l'arrêté royal du 14 juin 1982 et modifié par l'arrêté royal du 19 novembre 1984, est abrogé.

Art. 9

À l'article 12 de l'arrêté royal nº 38 du 27 juillet 1967 organisant le statut social des travailleurs indépendants sont apportées les modifications suivantes :

1º au § 1er, dont le 3º devient le 2º, les 1º et 2º sont remplacés par :

« 1º 16,70 % sur l'ensemble des revenus professionnels; »

2º au § 2, dont le 3º devient le 2º, les 1º et 2º sont remplacés par :

« 1º 16,70 % sur l'ensemble des revenus professionnels. »

Art. 10

À l'article 13, § 1er, alinéa 2, du même arrêté royal nº 38 du 27 juillet 1967, dont le 3º devient le 2º, les 1º et 2º sont remplacés par :

« 1º 16,70 % sur l'ensemble des revenus professionnels; »

Art. 11

À l'article 12, § 3, du même arrêté royal nº 38 du 27 juillet 1967, le renvoi « 3º » est remplacé par « 2º ».

Art. 12

À l'article 13, § 2, du même arrêté royal nº 38 du 27 juillet 1967, le renvoi « 3º » est remplacé par « 2º ».

Art. 13

L'article 91, § 1er, de la loi du 30 décembre 1992 portant des dispositions sociales et diverses, modifié par l'arrêté royal du 18 novembre 1996, est remplacé par la disposition suivante :

« § 1er. Les sociétés sont tenues de verser une cotisation annuelle forfaitaire fixée à :

1º 12 500 francs pour les sociétés dont le capital souscrit est inférieur ou égal à 750 000 francs;

2º 25 000 francs pour les sociétés dont le capital social souscrit est supérieur à 750 000 francs et inférieur ou égal à 2 500 000 francs;

3º 50 000 francs pour les sociétés dont le capital social souscrit est supérieur à 2 500 000 francs. »

Philippe MAHOUX.

(1) La présente proposition de loi a déjà été déposée au Sénat le 10 décembre 1998, sous le numéro 1-1187/1.

(2) Ce calcul ne prend pas en compte les transferts de l'État vers les organisations syndicales pour compte de la gestion du paiement des allocations de chômage. Nous avons pris l'option de ne pas prendre en compte ces transferts pour des raisons évidentes de calcul, mais aussi parce qu'elles n'ont pas un lien direct avec les comptes de la sécurité sociale.