2-347/3

2-347/3

Sénat de Belgique

SESSION DE 1999-2000

21 MARS 2000


Projet de loi insérant une procédure de comparution immédiate dans le Code d'instruction criminelle


Procédure d'évocation


RAPPORT

FAIT AU NOM DE LA COMMISSION DE LA JUSTICE PAR M. RAMOUDT


La commission de la Justice a discuté le projet de loi qui vous est soumis au cours de ses réunions des 29 février, 14, 17 et 21 mars 2000.

SOMMAIRE

  1. Exposé introductif du ministre de la Justice
  2. Discussion générale
    1. Observations des membres
    2. Réponse du ministre
    3. Réplique des membres
    4. Auditions et voyage d'études à Paris
  3. Exposé complémentaire du ministre de la Justice
  4. Poursuite de la discussion générale
  5. Discussion des articles
  6. Vote final
  7. Corrections de texte

Le 18 février 2000, la Chambre des représentants a adopté deux projets de loi tendant à instaurer une procédure de comparution immédiate dans notre droit de la procédure pénale.

L'essentiel de cette réforme est contenu dans le projet de loi, facultativement bicaméral, insérant une procédure de comparution immédiate dans le Code d'instruction criminelle, lequel doit être examiné conformément à la procédure prévue à l'article 78 de la Constitution (doc. Sénat, nº 2-347/1). La Chambre a adopté ce projet par 78 voix contre 5 et 35 abstentions (Annales de la Chambre, 18 février 2000).

Les modifications à l'organisation judiciaire qui sont nécessaires pour l'application de cette procédure pénale sont regroupées dans un deuxième projet de loi pour la raison qu'elles concernent une matière visée à l'article 77 de la Constitution (doc. Sénat, nº 2-348/1). La Chambre a adopté ce projet par 77 voix contre 4 et 36 abstentions (Annales de la Chambre, 18 février 2000).

Le 22 février 2000, le projet de loi facultativement bicaméral a été évoqué à la demande de 30 sénateurs, ce qui oblige le Sénat à procéder au vote final sur ce projet le 18 mai 2000 au plus tard (Bulletin du greffe, nº 21 Addendum du 22 février 2000).

En raison de l'évocation, ce projet de loi ainsi que le projet de loi obligatoirement bicaméral ont été renvoyés à la commission de la Justice, qui les a examinés lors de ses réunions des 29 février, 14 et 17 mars 2000.

Après un premier échange de vues le 29 février, la commission a décidé, par 6 voix contre 4 et 1 abstention, d'entreprendre un voyage d'étude à Paris le 9 mars, et d'organiser des auditions le 14 mars, étant entendu que cette décision ne pouvait pas retarder l'examen des deux projets de loi. Par 5 voix contre 4 et 1 abstention, la commission a décidé que les auditions seraient publiques.

Le texte des auditions ainsi que le rapport du voyage d'étude sont joints en annexe au présent rapport.

Les personnes suivantes ont été entendues :

­ Mme Dekkers, procureur générale près la cour d'appel d'Anvers;

­ M. Dejemeppe, procureur du Roi à Bruxelles, et M. Van der Noot, substitut du procureur du Roi à Bruxelles;

­ M. Funck, président de l'Association syndicale des magistrats;

­ M. Vandermeersch, juge d'instruction à Bruxelles et M. Hallet, juge d'instruction à Charleroi;

­ M. Vander Straeten, premier substitut du procureur du Roi à Bruxelles;

­ M. Dayez, avocat au barreau de Bruxelles;

­ M. Van Cauwenberghe, juge d'instruction au tribunal de première instance d'Anvers;

­ Mme Coppieters t' Wallant, vice-présidente du tribunal de première instance de Bruxelles;

­ M. Scheers, avocat au barreau de Bruxelles;

­ M. Du Four, procureur du Roi à Termonde;

­ Mme Lebeau, vice-présidente de la Fédération nationale des magistrats de première instance, substitute du procureur du Roi de Nivelles (section jeunesse).

Le 17 mars, le commission a repris la discussion et l'examen des amendements et s'est prononcée par un vote sur les deux projets de loi.

Le présent rapport, qui doit être lu en corrélation avec le rapport relatif au projet de loi obligatoirement bicaméral (doc. Sénat, nº 2-348/3), a été approuvé le 21 mars 2000.

I. EXPOSÉ INTRODUCTIF DU MINISTRE DE LA JUSTICE

Le projet de loi à l'examen vise à compléter le droit de la procédure pénale belge en y introduisant une procédure de comparution immédiate en état de détention devant le tribunal correctionnel.

Par l'introduction de cette procédure, le gouvernement n'entend faire échec ni à la recherche de mécanismes alternatifs tels que la médiation pénale et de peines alternatives telles que les travaux d'intérêt général, ni à leur mise en oeuvre.

Le projet contient trois types de dispositions :

1. Il insère en premier lieu dans le Code d'instruction criminelle un chapitre qui contient les éléments fondamentaux de la procédure de comparution immédiate en état de détention (articles 216quinquies et suivants).

2. Il complète ensuite la loi relative à la détention préventive afin de créer un titre particulier de détention dans le cadre des formes de criminalité qui peuvent donner lieu à une procédure de comparution immédiate (article 20bis ) en essayant de créer un parallélisme maximal avec le mandat d'arrêt.

3. Enfin, plusieurs dispositions du projet contiennent les adaptations techniques nécessaires pour préserver la cohérence du droit de la procédure et pour assurer l'applicabilité de la nouvelle procédure.

Le projet repose sur le constat que la criminalité n'est pas uniquement favorisée par certains facteurs socio-économiques, mais qu'elle est également attisée par des facteurs institutionnels.

À cela s'ajoute la constatation que de nombreux délits ne reçoivent pas le traitement le plus approprié. Cela a évidemment un impact négatif sur la sécurité réelle perçue par le citoyen et crée un sentiment d'impunité chez les auteurs.

L'absence de traitement approprié présente encore le risque non négligeable d'accroître encore un sentiment de méfiance face au rôle et au fonctionnement de la justice.

Par ailleurs, il y a lieu de remarquer que dans de nombreux cas de simple criminalité urbaine ­ ce qui ne veut pas dire qu'elle doit être prise moins au sérieux ­, le délai qui s'écoule entre le moment des faits et le traitement de l'affaire par le juge du fond est souvent très long, ce qui suscite, à juste titre, une grande incompréhension chez les victimes et leur entourage.

Le projet de loi porte dès lors uniquement sur le volet inachevé de la procédure accélérée en prévoyant une procédure de comparution immédiate en état de détention devant le tribunal correctionnel.

Dans le contexte européen, cette démarche ne constitue certainement pas une première. Ainsi, en France, la pratique montre que la procédure de comparution immédiate constitue un excellent moyen pour combattre efficacement la criminalité urbaine (par exemple, dans le cadre de la lutte contre le hooliganisme).

Actuellement, les Pays-Bas développent une réponse judiciaire au hooliganisme dans le cadre de l'Euro 2000 essentiellement axée sur la procédure accélérée connue dans le code de procédure pénale néerlandais.

La finalité du projet de loi est double.

a) Tout d'abord, à l'égard de l'auteur, une réaction judiciaire immédiate face à l'infraction permet d'éviter, dans le respect des droits de la défense, que subsiste l'impression d'impunité (répression directe la plus appropriée et prévention de la récidive).

b) À l'égard de la victime, le jugement accéléré, dans le respect des droits civils des victimes, permet d'éviter une double victimisation (la première étant liée directement au délit et la seconde au fait que la justice ne prend pas les mesures adéquates).

Le but poursuivi à l'égard de la société dans son ensemble est de faire en sorte que le citoyen sache et ressente que les formes moins graves ou moins organisées de criminalité, qui touchent toutefois directement sa personne ou ses biens, ne sont effectivement pas tolérées.

La réalisation de ces objectifs ne peut pas porter préjudice aux garanties procédurales fondamentales accordées aux acteurs concernés, à savoir l'auteur et la victime. C'est seulement dans ces conditions que la nouvelle procédure pourra contribuer à une meilleure administration de la justice dont tous les acteurs accepteront les résultats.

Fondamentalement, le projet de loi offre au ministère public une nouvelle possibilité de saisir rapidement le tribunal correctionnel dans le cadre de certaines infractions pour lesquelles l'inculpé se trouve en détention ou en liberté sous caution ou conditions. Le tribunal est alors tenu de se prononcer sur l'affaire dans un délai de sept jours à compter de la délivrance du mandat d'arrêt en vue de comparution immédiate, ce qui constitue un intervalle minimal entre la perpétration des faits et le jugement possible.

Il s'agit donc d'un nouveau moyen procédural destiné à compléter l'arsenal de la réaction judiciaire face à la criminalité.

Ce moyen basé sur une détention préventive de courte durée ne constitue pas une fin en soi ou un moyen de fausser les règles fondamentales qui régissent la délivrance d'un mandat d'arrêt. Le dépassement du délai de cinq jours se justifie par le fait qu'il s'agit d'une détention préventive qui ne se renouvelle pas. Afin de tenir compte d'un délai pour assurer la défense du prévenu et de la nécessité d'assurer une justice rapide, le délai de sept jours francs a été jugé plus opportun.

Il appartiendra au ministère public de déterminer, à la lumière des circonstances concrètes, l'action judiciaire qui s'impose (instruction, information, comparution immédiate et détention, convocation par procès-verbal, classement sans suite, transaction, médiation pénale, ...).

Il appartient au ministère public d'estimer si la procédure de comparution immédiate est justifiée dans le cas qui l'occupe.

1. La procédure de comparution immédiate peut être mise en oeuvre pour toutes les infractions, à l'exclusion de celles dont la peine d'emprisonnement correctionnel maximal dépasse dix années (cf. article 25 du Code pénal).

2. En outre, il doit s'agir d'un flagrant délit ou, en dehors du flagrant délit, il faut que des charges suffisantes soient réunies pour soumettre l'affaire au juge de fond. En ce qui concerne cette dernière hypothèse, il est évident qu'il ne peut pas exister un délai trop long entre la commission d'un fait et l'engagement de la nouvelle procédure. C'est la raison pour laquelle un délai d'un mois a été fixé pour la constitution d'un dossier pénal complet. Il s'agit d'une limite arbitraire mais on peut considérer que, si en un mois, le parquet n'a pas trouvé l'auteur ou n'a pas pu réunir les éléments nécessaires, on peut douter que l'affaire à juger puisse être considérée comme une affaire simple.

Au cours du délai d'un mois, un critère fondamental pour déterminer si le parquet doit encore faire usage de la procédure de comparution immédiate réside dans l'application des conditions fondamentales pour la délivrance d'un mandat d'arrêt.

Il incombera au juge chargé de la délivrance du mandat d'arrêt de vérifier attentivement si les conditions légales pour la délivrance d'un mandat d'arrêt sont toujours réunies.

D'une manière générale, les domaines de criminalité auxquels peut prioritairement s'appliquer la procédure de comparution immédiate, devront être déterminés dans le cadre de la politique criminelle, en particulier sur la base des directives du ministre et du collège des procureurs généraux.

Cela n'est absolument pas en contradiction avec le principe de légalité comme le soutient le Conseil d'État : le champ d'application légale ratione materiae de la nouvelle procédure est clairement défini. Il appartient légalement au ministre de la Justice et aux autorités judiciaires de déterminer, chacun dans sa sphère de compétences, les priorités de la politique criminelle, comme prévu à l'article 143ter du Code judiciaire et consacré par l'article 151 de la Constitution.

La nouvelle procédure repose, fondamentalement, sur la privatisation de la liberté ou toutes autres mesures restrictives de liberté de l'inculpé sans qu'une instruction judiciaire soit ouverte.

Cependant, afin de limiter autant que possible le risque d'atteinte au droit fondamental à la liberté, le projet de loi opte pour un titre de détention valable pour une durée maximale de sept jours dans le délai de 24 heures après la première arrestation du suspect par la police ou le ministère public : le « mandat d'arrêt en vue de la comparution immédiate », délivré par le juge d'instruction.

Les règles relatives au mandat d'arrêt en droit commun ont été déclarées applicables mutatis mutandis dans la mesure du possible.

Déroulement de la procédure en première instance

Lorsque le ministère public a obtenu le titre particulier de détention en vue de la comparution immédiate, le prévenu est convoqué à comparaître devant le tribunal correctionnel.

Le tribunal correctionnel doit se prononcer dans un délai de sept jours à compter de la délivrance du titre de détention ou dans les cinq jours après la mise en délibéré.

Le non-respect de ce délai n'entraîne pas en soi l'irrecevabilité de l'action publique mais a pour résultat que l'intéressé doit être immédiatement remis en liberté.

Dans le cadre de cette procédure, trois possibilités s'offrent au tribunal :

1. Il peut immédiatement disculper le prévenu ou le condamner à une peine. Le tribunal peut rendre son jugement sur les bancs ou remettre son prononcé dans un délai maximum de 5 jours après la mise en délibéré.

2. Le tribunal peut estimer nécessaire de procéder à l'audition de témoins ou de faire procéder à une enquête sociale.

Dans ces deux hypothèses, le tribunal peut remettre l'affaire à une ou plusieurs audiences, qu'il fixe dans un délai qui ne peut excéder 15 jours à compter de l'audience initiale.

3. Il peut renvoyer le dossier au ministère public s'il estime que la complexité de l'affaire requiert des investigations supplémentaires. Dans ce cas, le droit commun redevient applicable.

Procédure en appel

Dans l'hypothèse de l'acquittement ou de la condamnation, la logique de la procédure accélérée trouve un prolongement au niveau du degré d'appel. Le délai d'appel de droit commun est d'application.

La Cour dispose d'un délai de 5 jours à compter de la mise en délibéré pour prononcer son arrêt.

La cour d'appel peut mettre à néant la décision du premier juge et renvoyer la cause au procureur général en estimant que l'information de l'affaire nécessite l'exécution de devoirs supplémentaires. On a également prévu la possibilité d'un report d'audience d'une durée de 15 jours afin d'effectuer une enquête sociale si les premiers juges ne l'ont pas demandée ou un complément d'enquête sociale estimé nécessaire, ou afin d'entendre des témoins.

Principales garanties dont bénéficie le prévenu

Les garanties offertes au prévenu sont les suivantes :

1. Mise à disposition immédiate du dossier dès la demande de délivrance du titre de détention : ainsi la défense dispose, dès le moment où la procédure de comparution immédiate est initiée, de tous les éléments que le parquet a réunis; l'inculpé aura donc le même délai pour consulter le dossier que le juge qui doit statuer sur l'arrestation;

2. Communication immédiate des modalités relatives à la comparution;

3. La comparution ne peut avoir lieu qu'au plus tôt le quatrième jour après la délivrance du mandat d'arrêt en vue de la comparution immédiate conformément à l'article 184, alinéa 3, du Code d'instruction criminelle;

4. Assistance d'un avocat depuis le moment où le parquet demande un mandat d'arrêt en vue de la comparution immédiate;

5. Droit de s'entretenir avec l'avocat choisi ou désigné pendant un délai suffisant;

6. Mise en liberté automatique si la comparution n'a pas lieu dans les sept jours;

Le respect des principes de la Convention européenne des droits de l'homme

C'est notamment une des critiques qui revient le plus souvent.

Il ressort clairement de ce qui précède que cette procédure satisfait pleinement aux conditions posées en ce qui concerne le droit fondamental à la liberté et à la sûreté (article 5 de la Convention européenne des droits de l'homme) ainsi qu'à celles concernant le droit à un procès équitable et l'exercice des droits de la défense (article 6, §§ 1er et 3, de ladite convention).

Jusqu'à présent, la Cour européenne des droits de l'homme n'a examiné qu'une seule fois le problème de la compatibilité de la procédure de comparution immédiate avec les prescriptions de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme.

Dans l'affaire Padovani contre l'Italie, la cour a fait remarquer que la procédure italienne de comparution immédiate est une procédure souple qui vise à satisfaire à la condition relative au respect d'un délai raisonnable.

Le projet de loi prévoit un ensemble de garanties visant à assurer le respect des dispositions de la convention.

Finalement, un équilibre a été réalisé entre le principe général du délai raisonnable et les garanties spécifiques d'un procès équitable.

II. DISCUSSION GÉNÉRALE

A. Observations des membres

Un membre souhaite intervenir non pas sur les aspects juridiques du projet mais sur la place qu'il devrait occuper dans le dispositif d'une politique générale de sécurité du gouvernement.

L'intervenant souligne que le problème de la lenteur de la justice est réel et vécu de façon particulièrement importante et douloureuse dans certains cas indirectement évoqués par ce projet. Une accélération de la justice est en soi une très bonne chose pour la société, pour la victime et pour l'éventuel coupable. Un délai trop long entre les faits et le jugement a un effet de démotivation des fonctionnaires de police, donne l'impression à la victime que la société ne s'intéresse pas à son problème, et donne une fausse impression d'impunité à l'accusé.

Toutefois, l'accélération de la justice doit s'inscrire dans une politique de sécurité globale et humaniste. Ceci n'est pas le cas pour le moment. L'intervenant ne se déclare donc pas en état de voter le projet.

Il faut incontestablement essayer d'agir rapidement, mais il faut tout d'abord essayer de diminuer les délits. Il faut accorder une priorité absolue à l'aspect préventif, à la recréation d'un tissu social convenable. L'accord gouvernemental allait dans ce sens.

Le plan de sécurité s'avère catastrophique sur ce point. Les propos à l'égard de l'aspect préventif sont quasi méprisants. L'intervenant cite l'exemple des propos au niveau de la fraude fiscale et de la privatisation des délits en col blanc.

La procédure accélérée implique que l'on s'attaque plus durement à certains délinquants, alors que d'autres passent entre les mailles du filet.

Certains aspects de la justice et de la sécurité seront d'ailleurs privatisés. De plus, le climat s'est fort alourdi par les déclarations récentes du ministre de l'Intérieur, M. Duquesne, qui s'est lancé dans une nouvelle croisade contre les aspects préventifs des contrats de sécurité. Une bonne politique de sécurité est une politique où l'aspect préventif est essentiel, où il faut parfois être sévère et où il faut continuer à s'occuper de ceux qui ont commis des fautes. Le préventif est fondamental. Il est essentiel d'avoir un language positif à l'égard des jeunes délinquants. Il ne faut pas donner l'impression que ces jeunes ne sont pas intéressants. Le nombre de délits risque d'augmenter.

Le suivi a également son importance; il y a lieu de s'occuper du jeune qui séjourne en prison pour que ses antécédents criminels puissent être relégués définitivement dans le passé.

Il faut éviter que la personne soit en prison dans une situation où elle est lestée par la société, parfois abandonnée par sa famille. Les récidives sont malheureusement extrêmement fréquentes dans ce contexte.

Ainsi, nous avons demandé d'avoir dans les contrats de sécurité des cellules qui suivent les jeunes. Il ne faut pas perdre de vue que les délinquants sont avant tout des êtres humains et que la possibilité de réinsertion est essentielle pour protéger la société. Les jeunes qui sortent du milieu carcéral ne peuvent avoir une impression d'abandon. Un travail énorme est à réaliser sur ce plan en vue de diminuer la délinquance.

L'intervenant veut être rassuré sur une politique de sécurité globale qui maintient et élargit un aspect préventif fondamental. La politique du gouvernement consiste-t-elle en l'abandon du préventif ? Ce projet ne peut pas être vôté isolément, mais doit s'inscrire dans une politique globale.

Un autre problème concerne le manque de magistrats. Ce problème reste important et majeur à Bruxelles. Le projet risque de ne pas être mis réellement en oeuvre, si on n'y met pas vraiment les moyens nécessaires, soit on risque de diminuer l'activité des tribunaux de l'arrondissement de Bruxelles et augmenter l'arriéré judiciaire davantage. Le gouvernement avait pris des engagements pour l'arrondissement de Bruxelles afin de résoudre le problème. Le ministre de la Justice objectivait le problème en confiant l'examen à un groupe non politique. En fait, le ministre avait passé « l'enfant difficile » aux ministres Michel et Vande Lanotte.

À l'heure actuelle, il n'y a pas de solution réelle. On envisage de scinder le parquet de Bruxelles. Pour pouvoir voter le projet à l'examen, il faut la garantie que le système puisse fonctionner sereinement (donc il faut le personnel nécessaire en nombre suffisant), et qu'il n'empêche pas le reste de l'appareil judiciaire bruxellois de fonctionner.

L'intervenant conclut qu'il souhaite obtenir de façon très claire de la part du gouvernement des éléments sur l'ensemble de la politique dans laquelle le projet s'insère, des garanties quant au développement d'une politique de prévention et voir de façon concrète le nombre de magistrats mis en place pour pouvoir mettre le texte en oeuvre de façon utile et sans donner de fausses impressions.

Pour qu'un texte soit positif, il doit être accepté par le corps social pleinement et pas par un groupe contre l'autre. Le projet doit être placé dans une politique globale qui à la fois marque de façon très forte la volonté d'améliorer le tissu social et l'aspect préventif, de sanctionner effectivement les dérives et de cesser d'abandonner à leur sort ceux qui seront sanctionnés de cette manière (voir problème de récidive).

Une autre membre dit pouvoir souscrire pleinement aux observations du préopinant. En tant que conseillère communale, elle comprend parfaitement ces difficultés.

La membre souhaite avoir au préalable quelques précisions sur la procédure que la commission compte suivre. Comment envisage-t-elle d'organiser ses travaux pour ce qui est de l'examen du projet qui lui est soumis et quel est le délai dont elle dispose ? Elle dit n'avoir nullement l'intention de freiner les travaux, mais tient à souligner que l'on doit savoir que ce texte ne concerne pas seulement la technique juridique mais contient une philosophie fondamentale du droit pénal. Il y a donc lieu de réfléchir quelque peu.

Il semble bien que le texte en projet ne soit pas très modifiable. Pourtant, les commissaires ont été mis en garde, par des magistrats et des avocats (plaidant principalement dans des affaires pénales), qui appliquent quotidiennement la procédure accélérée qui a été instaurée en 1994. Ils s'interrogent à propos de la philosophie et du contenu du texte (justice à deux vitesses), mais aussi à propos de son applicabilité.

L'intervenante demande si le Sénat, qui devrait remplir son rôle de chambre de réflexion, pourrait se donner le temps nécessaire pour examiner le texte.

Elle renvoie aussi au fait que les acteurs de terrain font preuve d'une certaine réticence à l'égard du projet (voir la crainte de Mme Gérard, présidente du Conseil supérieur de la justice). Le Conseil supérieur de la justice est un organe indépendant, qui a pour mission de rendre des avis à l'intention du Parlement à propos de l'organisation judiciaire. Il lui paraît nécessaire d'entendre à propos de l'applicabilité de ce texte au moins les membres de cette institution nouvelle.

L'intervenante renvoie aussi aux exposés que les experts ont fait au cours du colloque que l'ULB a organisé en décembre 1999. Dans leurs exposés, les avocats et les magistrats ont clairement souligné qu'il y avait des problèmes de fond et de forme.

La commission a-t-elle l'intention d'organiser des auditions ? Peut-on envisager de se rendre en France ? Il semble qu'il serait intéressant de ne pas se contenter d'examiner le texte, et de vérifier aussi comment la procédure accélérée fonctionne dans la pratique. Il serait bon de voir comment fonctionnent les tribunaux français. Il semble que les garanties qu'offrirait le système tel qu'il est proposé seraient moins grandes que celles qu'offre le système français (voir l'autorisation des personnes qui sont citées à comparaître devant un tribunal appliquant la procédure accélérée). Il semble que le champ d'application soit différent (voir la distinction faite en France entre les cas de flagrant délit et les autres) et qu'il y ait des seuils différents pour ce qui est de l'application des peines.

Le Sénat devrait examiner la question des peines alternatives, celle de l'octroi, aux jeunes condamnés, d'un maximum de possibilités de réintégration dans la société. La surpopulation dans les prisons est un facteur important. Où les jeunes qui auront été condamnés dans le cadre de la procédure accélérée iront-ils ?

L'intervenante dit avoir l'impression que l'arsenal juridique existant suffit pour qu'il soit possible d'assurer une administration rapide de la justice. Il convient simplement qu'on lui fournisse les moyens nécessaires. Le mandat d'arrêt tel qu'il existe doit également pouvoir permettre de résoudre les problèmes qui pourraient se poser lors des événements sportifs à venir (Euro 2000). Par ailleurs, la procédure accélérée telle qu'elle est définie dans le projet à l'examen s'appliquerait surtout à une tranche déterminée de la population.

La philosophie du texte actuel du projet à l'examen modifie l'objectif du droit pénal de la détention préventive et punit dans un sens contraire à la loi sur la détention préventive. Le texte fera donc sans aucun doute l'objet de recours à la Cour d'arbitrage, pour des raisons de procédure discriminatoire. Les garanties et délais sont différents lorsqu'on sera détenu selon cette comparution immédiate ou selon une procédure ordinaire en détention préventive.

En outre, le projet modifie les règles concernant la présence de l'avocat. L'avocat apparaîtra plus tôt dans cette procédure que dans la procédure ordinaire.

Le texte donne l'illusion que les victimes seront mieux traitées. Ceci est cependant inexact. Les victimes ne sont pas abordées dans ce texte. Elles sont seulement averties si elles sont connues et identifiées. Il est évident qu'elles n'auront pas la capacité de faire valoir leurs intérêts dans un temps aussi bref. Les intérêts civils seront par ailleurs renvoyés à une procédure de droit commun.

En outre, il n'y a aucune cohérence entre le projet à l'examen et les dispositions relatives à la médiation pénale. Le champ d'application du projet est très large (délits passibles d'un emprisonnement d'un an à dix ans) et recoupe les dispositions relatives à la médiation pénale (infractions punies d'un emprisonnement de deux ans au plus). Par conséquent, la médiation pénale ne sera plus appliquée et la détention primera. Les efforts entrepris par les parquets (voir le tribunal de la jeunesse ­ Mme Devroede) auront été vains et la médiation pénale sera freinée. Cette médiation pénale répond pourtant aux attentes des jeunes et des magistrats du parquet à Bruxelles.

La membre en conclut qu'elle se demande surtout si la concertation entre le ministre et les magistrats a porté des fruits. L'entrée en vigueur, prévue pour le 3 avril au plus tard, lui pose également problème. Prévoir des dates d'entrée en vigueur précises et très rapprochées ne constitue pas une bonne technique de législation.

Pourquoi n'applique-t-on pas les règles normales d'entrée en vigueur ? La date prévue est d'ailleurs difficilement réalisable étant donné que l'extension de cadre promise doit se faire par une loi. Ce ne sera pas possible dans un délai d'un mois.

Avant d'examiner plus avant le projet de loi, l'intervenante désire savoir de quel délai le Sénat dispose pour en discuter et si l'on pourra éventuellement programmer des auditions. Elle plaide en tout cas au moins pour une audition des membres du Conseil supérieur de la justice ainsi que des personnes familiarisées avec la pratique de la comparution immédiate telle qu'elle existe aujourd'hui (comme l'avocat B. Dayez par exemple). C'est une question de respect vis-à-vis des jeunes condamnés et des magistrats.

Un membre souligne que le droit doit avant tout être humain. Il lui est impossible d'approuver totalement la procédure accélérée. Il est convaincu que l'arsenal juridique existant suffirait pour peu qu'on soit disposé à mettre en oeuvre les moyens humains et matériels voulus. L'arriéré judiciaire serait alors beaucoup moins important et la décision judiciaire pourrait intervenir dans un délai raisonnable.

Avant d'élaborer une nouvelle procédure accélérée, on aurait dû évaluer les procédures existantes et dégager davantage de moyens.

L'intervenant nourrit toutefois surtout la crainte que la procédure accélérée ne touche que les plus faibles et les plus défavorisés. Les personnes qui ont les moyens de se défendre et de payer de bons avocats ne tomberont pas sous l'application de cette procédure. Celle-ci ne servira donc qu'à sanctionner les petits délinquants; la criminalité organisée et la criminalité en col blanc ne seront pas punies plus rapidement. Tout le monde devrait disposer des mêmes moyens de défense.

Pourquoi ne pas procéder à la mutualisation de la défense ?

La loi en projet donnera une fois de plus aux avocats l'occasion de s'enrichir.

En outre, la procédure accélérée soulèvera bien des problèmes pratiques lors de son application. L'on est déjà confronté à une surpopulation des prisons. N'y a-t-il pas un risque de privatisation de celles-ci ? Leur privatisation serait une mauvaise chose, car l'aspect financier primerait l'aspect humain.

La prévention constitue un élément fondamental de la politique. Elle doit aller de pair avec une bonne politique de formation, ce qui suppose l'octroi des moyens nécessaires à la formation, à l'enseignement et à la politique d'hébergement. Un projet de loi visant à combattre la discrimination en matière d'emploi serait utile à cet égard. L'enseignement devrait être une priorité au niveau fédéral et devrait se voir allouer les moyens nécessaires. Il y a lieu aussi de réfléchir au moyen d'améliorer le cadre de vie (amélioration de l'éclairage des rues, amélioration du revêtement de celles-ci, augmentation du nombre d'agents de quartier par communes, etc.).

En ce qui concerne les peines alternatives, l'intervenant souligne que celles-ci doivent être axées sur une réelle intégration sociale. Les personnes qui ont été condamnées doivent recevoir des possibilités réelles de formation, d'obtention d'un diplôme et, partant, de réintégration. L'on doit donc mener une véritable politique de mise au travail après le terme de la peine d'emprisonnement.

Le membre déclare enfin qu'il peut souscrire à la remarque du préopinant concernant l'entrée en vigueur. Pourquoi fixer une date précise ? À titre de comparaison, il cite l'exemple de la très importante loi modifiant un certain nombre de dispositions relatives à la nationalité belge, qui dispose simplement pour elle-même qu'elle entrera en vigueur le premier jour du mois suivant celui de sa publication au Moniteur belge .

Un commissaire peut partager les préoccupations des intervenants sur des thèmes comme l'accès à la justice en général et son coût, la nécessité de l'action préventive, la situation peu confortable des juridictions bruxelloises et plus largement la préoccupation du cadre de vie et de la politique de l'emploi. Ces préoccupations sont tout à fait légitimes.

Il faut toutefois veiller à ne pas se tromper de débat et d'arène. À force de vouloir tout traiter conjointement, le risque existe de ne rien traiter du tout.

Les observations d'un membre sur les déclarations de M. Duquesne ne doivent pas être débattues en commission de la Justice, mais au sein de la commission de l'Intérieur.

Ce membre avait également déclaré qu'un texte de loi devait pouvoir être accepté largement par le corps social. Cette approche ne semble pas toujours partagée par son groupe (voir débat sur l'euthanasie). Une attitude cohérente semble souhaitable.

En ce qui concerne l'ordre des travaux, l'intervenant estime qu'il n'est pas nécessaire que la commission se déplace à l'étranger pour y observer l'application de la procédure accélérée. La situation y est différente, et l'on doit se servir de la documentation volumineuse qui existe déjà depuis que la Chambre a consacré des débats approfondis au problème en question. Le projet est pendant depuis longtemps et chacun a eu largement l'occasion de l'examiner.

Un autre commissaire dit avoir l'impression que l'on mène simultanément plusieurs débat en l'espèce. Il n'est manifestement pas question uniquement de la loi relative à la comparution immédiate. L'on met aussi sur le tapis toute une série d'aspects politiques. C'est ainsi qu'un des préopinants a posé de nouvelles exigences par le biais de son intervention politique et qu'il a réclamé de nouvelles concessions de la part du ministre.

Cette intervention confirme, à ses yeux, que la majorité est continuellement sur une autre longueur d'onde. Il y a, d'une part, le problème de la procédure accélérée et, d'autre part, celui de la politique de sécurité dans son ensemble. C'est à la Chambre et non pas dans le cadre du présent débat sur la procédure accélérée, qu'il faut réclamer des garanties ou des précisions sur la note relative à la politique de sécurité.

Les problèmes que connaît la magistrature bruxelloise sont, eux aussi, abordés en l'occurrence. Le gouvernement a pour objectif de servir, non pas l'intérêt général, mais une série d'intérêts partisans particuliers. Il n'est donc nullement question de définir une stratégie générale.

Il y a lieu de poursuivre le bien-être général et d'empêcher que les politiques ne s'engluent dans une approche purement politicienne.

La question qui se pose a priori est celle de savoir quel est le point de vue exact de la majorité en ce qui concerne la poursuite de l'examen du projet de loi. On doit veiller à ne pas sombrer dans une approche manichéenne primaire de la société. Une telle approche nierait la complexité de la société. Le problème de la sécurité est très important et il présente de nombreux aspects. Il ne suffit pas d'aborder le problème de la sécurité sous un angle purement répressif. Cela ne signifie nullement que la caractéristique du droit doit être, dans un État de droit, qu'il ne faut jamais en forcer le respect. La différence entre le droit et les autres normes réside dans le fait qu'on peut le faire respecter d'une manière positive. Le droit doit être appliqué de manière efficace.

La révolution française avait coupée le « droit à la sécurité » au « droit à la liberté ». Nous vivons dans une société qui a rendu l'idée de liberté particulièrement opérationnelle sur le plan juridique, mais qui n'a pas concrétisé suffisamment le droit individuel à la sécurité sur le plan juridique. Il faut réfléchir à la manière de le concrétiser sur le terrain, en n'oubliant pas que le problème de l'aggravation de la criminalité est la résultante de beaucoup d'autres facteurs sociaux. Les rapports socio-économiques ne sont pas toujours déterminants en la matière. Il est des pays où les rapports économiques et sociaux sont très mauvais, mais où la criminalité est pratiquement inexistante. Il doit y avoir, dans la société, un minimum d'éthique admise spontanément, pour que l'on puisse éliminer la criminalité.

Notre société s'est caractérisée par le développement d'une vision principalement matérialiste (la société de consommation), par l'accentuation de l'érosion des normes (voir le discours que tint M. Lubbers en 1990 et dans lequel il considérait que ce problème constituait la nouvelle question sociale), ou l'absence d'une distinction minimale spontanée entre le bien et le mal. La politique à mener pour assurer la sécurité devra en tout état de cause permettre le développement d'une autre norme. Tout est aussi une question de répartition équitable des ressources et de la prospérité matérielle, de lutte contre la marginalité, de lutte contre le séjour illégal d'étrangers incontrôlés et d'organisation de la lutte contre la criminalité grave.

L'intervenant estime que le débat sur la violence dans la société est un débat important et que l'on commettrait une erreur en n'envisageant la solution à ce problème que sous l'angle répressif. Cet argument est évidemment un argument déterminant, mais il n'enlève rien au constat que nous avons besoin d'un système répressif efficace.

Dans certaines régions du pays, on est sensible au fait que la criminalité des rues reste impunie. L'accord octopus fait état de l'instauration d'un snelrecht (dans le passage consacré au traitement des flagrants délits par une chambre spécialisée), dans le cadre légal existant des procédures accélérées, en respectant les droits de la défense. Les partis associés à la négociation octopus étaient donc d'accord sur le fait qu'il y a lieu de mettre en place une certaine forme de snelrecht , sans préjudice de la nécessité de lutter contre les autres formes de criminalité. Le gouvernement s'est engagé sur une certaine voie technique (voir les observations dans la discussion des articles).

Le premier point méritant d'être examiné est sans doute la question de savoir s'il ne convient pas de faire une distinction entre le snelrecht qui est lié à la détention préventive et celui qui ne l'est pas.

Il faut également examiner si toutes les garanties sont réunies pour assurer les droits de la défense et pour veiller à ce que les délinquants potentiels soient déférés devant le juge dans des conditions respectant le principe de l'égalité de traitement.

L'intervenant évoque un amendement déposé à la Chambre, et visant à faire relever le délit ordinaire de coups et blessures du snelrecht . Quel est le point de vue du ministre en la matière ?

L'effet du snelrecht sur le plan de l'impact social varie énormément d'un pays à l'autre. Les chiffres français montrent que 90 % des cas concernent des hommes et qu'il s'agit toujours de groupes marginaux. En France, la procédure de comparution immédiate est relativement répandue. L'Allemagne connaît également une forme de snelrecht , mais qui n'est quasiment pas appliquée (0,5 % de tous les cas). Comment cela se fait-il, alors que l'Allemagne connaît également le problème de la criminalité des rues ?

L'intervenant estime que sans chercher à se livrer à des manoeuvres dilatoires, le Sénat doit disposer d'un délai suffisant pour examiner ce projet important. Il soutient les propositions d'amélioration de texte.

Un membre réagit à l'intervention du préopinant en affirmant que la démocratie est faite d'opinions différentes. Il ne serait pas constructif que tout le monde soit d'accord à l'avance.

En ce qui concerne le présent projet, l'intervenante souligne que l'approche préventive mérite la priorité absolue. La prévention doit être mieux coordonnée, surtout à Bruxelles. L'intervenante a l'impression que les diverses autorités compétentes travaillent chacune de leur côté, sans se concerter. De nombreux efforts ont été consentis, mais à défaut de coordination, ils ne donnent guère de résultats.

L'intervenante est également en faveur d'une plus grande responsabilisation des auteurs et d'une instruction plus rapide de toutes les causes. Elle attend donc avec impatience les investissements promis sous la forme de moyens supplémentaires affectés au personnel et à l'infrastructure de la justice.

Il semble opportun de procéder à une évaluation préalable de la procédure existante en matière de comparution immédiate.

L'intervenante a conscience du fait que le présent projet a donné lieu à un débat très approfondi à la Chambre. Des modifications importantes ont ainsi été apportées au texte initial. Les trois principales modifications sont les suivantes :

­ l'amélioration des possibilités de la défense;

­ le délai pour réunir des charges suffisantes a été ramené de trois mois à un mois;

­ l'application de peines alternatives.

L'intervenante demande en outre que soit publiée la loi Giet relative à l'application des peines alternatives.

L'intervenante souligne que l'application du présent projet de loi préoccupe fort les syndicats qui estiment que le présent projet s'applique également aux manifestants, ce qui constituerait une restriction du droit de grève. Quel est le point de vue du ministre en la matière ?

Le projet de loi sera évalué après un an. L'intervenante estime que c'est une bonne chose.

Enfin, elle souligne une nouvelle fois la nécessité de mener une politique de prévention digne de ce nom parallèlement à la procédure de comparution immédiate, ce qui implique de réformer en profondeur le plan de sécurité.

Un commissaire soutient les propos du premier intervenant. Il souligne l'importance d'une véritable politique de prévention.

L'intervenant a peur que des jeunes déférés rapidement devant le tribunal ne soient condamnés et emprisonnés sans avoir une chance de se réinsérer dans la société.

Par ailleurs, l'intervenant souligne que la déclaration gouvernementale évoquait la nécessité d'une réelle évaluation de la procédure accélérée existante. Cette évaluation devrait être réalisée par priorité.

En outre, il importe de rappeler l'énorme arriéré judiciaire, surtout à Bruxelles. L'intervenant craint que les moyens affectés à la mise en oeuvre de la procédure de comparution immédiate ne fassent qu'accroître cet arriéré judiciaire, ce qui fera l'affaire de la criminalité en col blanc.

Le Sénat doit examiner ce projet de loi de manière approfondie. Une entrée en vigueur dans le mois paraît difficilement réalisable. Lors de la discussion de la déclaration gouvernementale le 18 octobre 1999, le premier ministre avait d'ailleurs affirmé clairement que les commissions de la Justice de la Chambre et du Sénat pourraient analyser cette matière en profondeur et vérifier si le projet répond aux problèmes qui se posent en la matière. À cet égard, l'intervenant demande s'il est possible d'organiser des auditions et de recueillir des informations complémentaires.

Un membre peut comprendre que le premier intervenant souhaite inscrire la procédure de comparution immédiate dans le cadre du plan global de sécurité. Il ne faut cependant pas vouloir en faire trop tout de suite, sans peine de n'arriver à rien.

L'intervenant conteste l'idée que pour ce projet, on abandonne la piste de la prévention et que c'est très dommageable. On a mené par le passé une politique de prévention qui n'a pas porté les fruits escomptés. Le présent projet semble donner un bon signal à l'intention du citoyen, qui demande une justice rapide. Pour le délinquant potentiel, le projet a d'ailleurs une fonction préventive. Il se rendra en effet vite compte qu'il s'expose à une condamnation rapide et qu'il ne sera pas remis en liberté deux à trois heures plus tard.

L'intervenant estime par ailleurs que la commission ne doit pas trop s'inquiéter des éventuelles conséquences négatives du projet pour la magistrature.

D'une part, la magistrature elle-même devrait réfléchir à l'organisation de ses travaux. D'autre part, il incombe au gouvernement de lui procurer les moyens voulus. Le pouvoir législatif ne doit pas s'occuper outre mesure des problèmes d'exécution et de suivi.

B. Réponse du ministre

Le ministre a l'impression que certains commissaires espèrent un tour de magie. On attend du ministre qu'il règle sept ou huit questions dans les plus brefs délais, alors qu'on sait très bien que c'est impossible. Cela ne signifie pas pour autant que le ministre soit sourd aux observations qui ont été formulées dans les diverses interventions. Il faut garder constamment à l'esprit l'ensemble de la question pour pouvoir proposer une solution adéquate.

Les commissaires établissent une série de liens dont il n'a jamais été question par le passé. En outre, il n'adoptent pas non plus la meilleure méthode de travail. Le ministre en donnera quelques exemples tout à l'heure (voir ci-dessous).

Un membre indique l'accélération de la justice comme étant en soi une bonne chose. Le commissaire fait toutefois les remarques suivantes.

Une première remarque concerne la politique générale du gouvernement en matière de sécurité.

Le ministre entend bien les observations qui ont été formulées sur ce plan. Il est constamment frappé par le fait qu'un document aura rarement été plus critiqué, sans qu'on en ait compris pleinement la lettre et le contenu. Il suffit de se reporter au plan de sécurité pour voir qu'il repose sur une politique de sécurité intégrée. Cela signifie que la politique de sécurité est axée sur une série de priorités, mais toujours selon un même concept, celui de la chaîne de sécurité, dont le premier maillon est la prévention. Cette approche préventive est l'élément principal, car elle doit conduire à préventir un délit ou une situation sociale inadmissible. La prévention est la première étape fondamentale. Ce n'est que si cette étape échoue ou est insuffisante qu'il y aura intervention répressive.

Cette réponse à un comportement social inacceptable est alors reliée au troisième maillon de la chaîne, à savoir la prise en charge. Et cette prise en charge concerne en l'occurrence non seulement la société et la victime, mais aussi le coupable.

Le ministre se rallie aux mots de M. Jospin qui a dit que l'insécurité est une inégalité sociale. Le ministre conteste que le plan de sécurité porte en soi les gènes de privatisation. Le plan de sécurité plaide pour une possibilité de coopération entre le secteur public et le secteur privé, mais il va de soi que dans ce mouvement, c'est le secteur public qui garde l'initiative. Le ministre est d'accord que dans une approche générale, il faut avoir un plan global et humaniste. Le gouvernement y travaille à l'heure actuelle. Le document de travail qu'est le plan de sécurité est pour le moment à l'étude dans les différents départements compétents. De plus, il est évident que divers niveaux doivent intervenir (compétences fédérales, régionales et locales), tant dans le volet préventif que dans le volet répressif et les soins à attribuer.

Une deuxième remarque concerne l'extension de cadre des magistrats et la problématique particulière de Bruxelles. Ces deux problèmes sont à discuter séparément. Le ministre reconnaît que le problème de Bruxelles est très préoccupant.

Le ministre se réfère à sa récente entrevue avec les magistrats bruxellois, surtout ceux du tribunal de première instance, qui sont confrontés à de sérieuses difficultés. Les deux problèmes doivent être traités indépendamment l'un de l'autre. Concernant Bruxelles, il faut faire deux remarques.

Premièrement, le gouvernement a déjà décidé de nommer un certain nombre de juges de police, d'augmenter le pourcentage de juristes du parquet de 12,5 % à 25 %, de manière à assister le cadre actuel du ministère public à Bruxelles, et d'ajouter 12 conseillers suppléants à l'effectif des 42 conseillers suppléants déjà en fonction aujourd'hui à la cour d'appel de Bruxelles. En outre, les ministres ayant la réforme institutionnelle dans leurs attributions (MM. Michel et Vande Lanotte) ont été saisis de la problématique d'un éventuel examen de la législation linguistique.

Par ailleurs, le gouvernement s'est engagé à recruter des juges de complément, tant pour le siège que pour le parquet. Cela permettrait de compléter immédiatement le cadre, en fonction des besoins du service. Une extension de cadre sera en outre nécessaire en degré d'appel. Outre la résorption de l'arriéré judiciaire par le système des conseillers suppléants, une intervention structurelle s'impose aussi avec nomination de conseillers en surnombre. Ceci permettra de résorber structurellement l'arriéré judiciaire existant en attendant de pouvoir faire évaluer la charge de travail par le Conseil supérieur de la Justice et de déterminer alors, si une extension du cadre s'impose ou non à Bruxelles.

L'observation d'un autre membre concerne le sort réservé aux condamnés. C'est également le souci principal du ministre. Il serait inadmissible d'instaurer une procédure de comparution immédiate sans accorder la possibilité de prononcer des peines alternatives. Il va de soi que ces peines seront fixées avant tout par les magistrats (compétence du pouvoir judiciaire). On doit heureusement constater qu'en pratique, 50 % des jugements infligent des peines alternatives, tant en Belgique que dans les pays voisins.

Par ailleurs, le ministre conteste l'observation faite par un membre selon laquelle la procédure française offrirait davantage de garanties que la procédure belge en vigueur. Le ministre rappelle le seuil très bas que l'on a voulu introduire en 1994 pour la détention préventive, et qui fut la cible de critiques. La détention préventive fut en effet prévue alors pour les peines d'emprisonnement de six mois ou plus et, dans ce système, l'arrestation était justifiée, même si elle n'était pas strictement nécessaire pour la sécurité publique. On considéra à l'époque que les circonstances propres à l'affaire étaient en fait déjà suffisantes pour appliquer cette procédure. Ce système radical aurait abouti à ce que la comparution immédiate soit un moyen de contourner la détention préventive, ce qui est à éviter absolument.

Le ministre poursuit en déclarant qu'il a pris contact hier avec les membres du Conseil supérieur de la justice et qu'à cette occasion, Mme Gérard lui a confirmé que, une fois la loi votée, la magistrature ferait preuve de la loyauté voulue concernant la procédure de comparution immédiate.

En ce qui concerne l'évaluation du système de procédure accélérée existant, le ministre renvoie au rapport de la Chambre. Les points faibles du système de 1994 y sont énumérés. Il convient de relever principalement les faiblesses sur le plan de l'organisation. Le système présente également des imperfections techniques. Ainsi, la procédure subit-elle du retard si l'auteur fait défaut. Cette évaluation a incité à persévérer dans les travaux d'élaboration de la nouvelle procédure.

Plusieurs commissaires disent craindre que la procédure accélérée ne frappe principalement les plus faibles et les pauvres. Le ministre souligne que l'application de la procédure de comparution immédiate ne dépend pas de l'auteur des faits, mais des faits eux-mêmes. Il doit s'agir de faits passibles d'une certaine peine commis en flagrant délit et constituant des affaires simples dont la preuve est clairement établie. Ces faits sont souvent sanctionnés par des peines alternatives.

Le ministre déclare préparer un projet concernant la mutualisation de la défense.

La crainte que la procédure de comparution immédiate n'entraîne une augmentation du nombre de détenus n'est pas tout à fait justifiée. Certes, ces condamnés se retrouveront peut-être plus vite en prison, mais cela ne signifie pas pour autant que le nombre de détenus augmentera. La peine de prison doit être le remède ultime, car une peine axée sur la réhabilitation serait beaucoup plus à sa place qu'une peine purement répressive.

Il n'y a aucun lien entre les modifications relatives à la nationalité et la procédure de comparution immédiate. La circulaire qui est nécessaire pour pouvoir faire entrer en vigueur la loi sur l'acquisition de la nationalité est en voie de finalisation. Sa mise en application suivra dès qu'on aura engagé des juristes de parquet, principalement pour Bruxelles. Il n'est hélas pas possible d'avancer une date précise.

Le ministre souscrit à l'observation d'un membre qui rappelle qu'il ne faut pas se tromper d'arène ni de débat. La discussion approfondie qui a eu lieu à la Chambre a permis de constituer un dossier complet.

Un autre membre a fait une série de réflexions d'ordre politique. Le ministre souscrit au point de vue selon lequel il faut pouvoir forcer l'application du droit de manière positive. En ce qui concerne la possibilité d'envisager une procédure accélérée avec détention préventive et une autre sans détention préventive, le ministre estime que l'on peut parfaitement mettre la procédure de 1994 en concordance avec la procédure à l'examen. L'on a d'ailleurs adopté un amendement en ce sens, selon lequel la chambre chargée de la procédure de comparution immédiate sera également chargée de l'application de la procédure instaurée en 1994. L'on a en effet constaté qu'en dehors de l'arrondissement judiciaire de Bruxelles, aucun effort n'a été fait pour assurer l'applicabilité de la loi de 1994. L'on n'a pas créé les conditions nécessaires pour pouvoir mettre en place les chambres chargées d'appliquer cette procédure spécifique.

La question se pose également de savoir si la procédure de comparution immédiate doit pouvoir être mise en oeuvre pour juger les affaires de coups et blessures. Le ministre estime que la procédure classique de comparution immédiate (version 1994) doit effectivement y être applicable. Les affaires de coups et blessures simples ne sont pas celles dans lesquelles il faut poursuivre en priorité.

Il va de soi que dès le moment où les coups et blessures atteignent une certaine gravité (par exemple lorsqu'ils donnent lieu à une incapacité de travail temporaire), la procédure de comparution immédiate à l'examen sera également applicable.

Il ressort des chiffres français que ce sont surtout des hommes qui ont fait l'objet de cette procédure. C'est normal dans la mesure où la majorité des délinquants sont des hommes.

En ce qui concerne la marginalité des intéressés, le ministre estime que les personnes qui entrent effectivement en contact avec la justice sont très souvent des personnes doont les chances n'ont pas été très grandes. C'est la raison pour laquelle (parmi les 9 priorités) on a accordé une attention énorme au volet préventif. L'on doit toutefois avoir conscience du fait que cela relève en premier lieu de la compétence des communautés. Les ministres-présidents ont émis nombre d'observations utiles concernant les projets qui ont été déposés.

Le commissaire du gouvernement chargé de la politique relative aux grandes villes, qui a eu la même réaction, a su étoffer le volet préventif. Le plan de sécurité sera affiné et adapté en fonction des observations qui seront émises par toutes les autorités de la chaîne de sécurité qui sont compétentes en la matière.

Un membre a souligné à juste titre que la procédure en projet doit elle aussi être soumise à une évaluation. L'accord de gouvernement prévoit d'ailleurs que l'évaluation aura lieu au bout d'un an d'application de la procédure.

En ce qui concerne les peines alternatives, le ministre précise que le projet de loi relatif à la probation et à la suspension sera publié en même temps que la loi en projet (voir amendement de M. Giet à la Chambre).

À la Chambre, l'on a également débattu de la question de savoir si la loi en projet vise également les manifestants. Le ministre estime que la procédure de comparution immédiate ne sera jamais applicable dans les affaires relatives à l'exercice des droits constitutionnels, étant donné que ces affaires ne sont généralement pas des affaires simples. Le niveau de complexité est généralement fort élevé.

Réagissant à une remarque d'un membre, le ministre précise enfin que la procédure de comparution immédiate n'a pas été imaginée en vue de résorber l'arriéré judiciaire. Cette tâche-là ne pourra être menée à bien que lorsque les moyens humains et logistiques requis auront été dégagés. Le magistrat devra alors jouer un rôle plus actif. C'est alors seulement que la justice sera plus performante.

C. Répliques des membres

Un membre déclare que le fait qu'il faille adopter en un temps extrêmement court les projets de loi en question, qui touchent aux principes fondamentaux de notre droit pénal, et ce, pour pouvoir faire face à un événement unique, lui pose problème. Il s'agit d'une législation de circonstance et comme la qualité d'une telle législation laisse à désirer, il ne peut pas l'approuver. Il ne faut pas, au cours de l'examen de la procédure accélérée qui est proposée, que la commission se laisse hypnotiser par la nécessité de combattre la violence à laquelle pourraient s'abandonner certains supporters au cours du championnat européen de football. Elle doit également prendre en considération les autres cas dans lequels la loi, une fois votée, pourrait être applicable, les conséquences que son application pourrait avoir et l'impact que la procédure en question pourrait avoir sur la vie des citoyens. Dans cette optique, les deux projets de loi en question sont indéfendables en soi. Ils ne peuvent se défendre qu'en tant qu'éléments d'une politique globale. L'intervenant ajoute qu'il est toutefois disposé à voter pour les deux projets en tant que tels si l'on prévoit que la procédure accélérée en question ne sera applicable que pendant un délai limité de six mois.

Le membre revient ensuite à la réflexion du ministre qu'à terme, l'application de la procédure pénale accélérée ne conduira pas à plus d'incarcérations qu'aujourd'hui. Même si l'intervenant peut se rallier à cette prévision, il estime que cette procédure conduira pendant une période de six à douze mois après son entrée en vigueur à une forte augmentation du nombre de détenus. D'une part, il y aura les privations de liberté à la suite de l'application des procédures pénales existantes, que ce soit dans le cadre de la détention préventive ou en vertu d'une condamnation, d'autre part celles à la suite de l'application de la procédure de comparution immédiate. Après cette période de rodage, à moins que la nouvelle procédure conduise à des exagérations, le nombre de détenus devrait retomber au niveau actuel.

Vu le problème de la surpopulation que connaissent nos établissements pénitentiaires, la question se pose de savoir si ceux-ci sont en mesure d'absorber dignement l'augmentation temporaire du nombre de détenus, à laquelle l'on peut s'attendre après l'entrée en vigueur de la nouvelle procédure de comparution immédiate. En effet, il faut se rendre compte qu'une détérioration des conditions carcérales à la suite de l'introduction de cette procédure sera génératrice de récidive et dès lors de difficultés encore plus grandes pour notre société que celles que souhaitent résoudre les deux projets à l'examen.

Le ministre répond que le « kernkabinet » examine actuellement ce problème. Le fait qu'un budget est déjà prévu, ne signifie pas que l'entrée en vigueur de la nouvelle procédure entraînera nécessairement et obligatoirement à court terme une augmentation du nombre d'incarcérations.

Bien que cette possibilité ne soit pas exclue, elle est basée sur des calculs approximatifs tant que la procédure n'est pas appliquée et que l'on ne sait pas dans quelle mesure les magistrats feront usage des possibilités en matière de peines alternatives.

Un membre déclare, sans vouloir verser dans le sentimentalisme, que nombre de jeunes qui ont affaire à la justice sont des jeunes qui se sont retrouvés isolés parce que leur famille a brutalement coupé tous les ponts avec eux. Si notre société ne parvient pas à aider ces jeunes, par exemple en chargeant des assistants médiateurs de convaincre leurs familles de ne pas les laisser tomber, les problèmes risquent de s'aggraver encore.

Actuellement, l'accueil et l'accompagnement des jeunes incarcérés sont insuffisants. Si l'on ne remédie pas à cette situation, l'instauration de la procédure accélérée risque de l'aggraver encore. Il y a donc lieu de mettre les budgets nécessaires à disposition pour pouvoir réintégrer de manière adéquate les jeunes en question et, en particulier, les jeunes de la catégorie d'âge de 18 à 28 ans. Une telle politique aurait un effet préventif et, à terme, elle produirait plus de fruits qu'une politique démagogique prônant l'incarcération sans plus de tous ceux qui se conduisent mal.

Un membre demande comment les deux lois en projet peuvent rencontrer les préoccupations du premier intervenant.

Un membre répond que les deux projets de loi doivent faire partie d'un plan global de sécurité. Le ministre Verwilghen défend, certes, le principe du développement d'une politique de sécurité globale, mais son plan de sécurité contient peu d'éléments concrets qui puissent servir au développement d'une politique de prévention de la criminalité et d'une politique de suivi et d'accueil des délinquants. Il trouve que ces propositions que contient le plan sont nébuleuses, voire dangereuses.

Si le Parlement décide de voter la loi en projet relative à la procédure accélérée en question, il doit prendre en considération les conséquences que son application pourra avoir, en particulier pour les jeunes. C'est pourquoi il souhaite que le gouvernement s'engage à prendre les mesures qui s'imposent, notamment en matière de prévention, d'accueil, d'accompagnement, de peines alternatives, etc. Le membre souscrit dans une certaine mesure au point de vue selon lequel on ne peut pas prolonger indéfiniment l'exercice de poursuites et l'on doit à un moment donné infliger des sanctions. Il estime toutefois que si l'on met exclusivement l'accent sur l'aspect répressif, la réforme en projet tournera à l'échec.

Les jeunes issus des quartiers dits à problèmes ont l'impression d'être visés par la législation proposée, et ils n'ont pas tout à fait tort. On doit cependant les convaincre que lorsqu'on leur demande de ne pas enfreindre les règles de droit, il ne suffit pas de les mettre au pied du mur en leur disant que s'ils ne suivent pas le droit chemin, ils seront poursuivis et risquent d'être condamnés à une peine de prison. Il faut leur faire comprendre qu'on les aidera à s'intégrer dans notre société.

Compte tenu de ce qui précède, l'intervenant déclare ne pas pouvoir approuver les deux projets de loi s'ils constituent le seul pilier de la politique de sécurité du gouvernement. C'est la raison pour laquelle le gouvernement doit veiller à ce que la procédure proposée fasse partie d'une approche plus large du problème de la délinquance urbaine, tant en amont qu'en aval des poursuites pénales.

D. Auditions et voyage d'études à Paris

Pour ce qui est du déroulement des auditions et de l'organisation d'un voyage d'études, nous renvoyons à l'introduction.

Le compte rendu des auditions et du voyage d'études sont annexés au présent rapport.

III. EXPOSÉ COMPLÉMENTAIRE DU MINISTRE DE LA JUSTICE

L'instauration d'une procédure de comparution immédiate est inspirée par l'idée que : « Plus le temps passe, plus la vérité s'enfuit. »

Le monde politique était conscient de la nécessité d'instaurer une procédure accélérée. C'est ce qui ressort clairement des discussions de l'accord « octopus » (cf. le troisième pilier de la réforme de la justice, point 9). Dès avant la formation du gouvernement, le monde politique était acquis à l'instauration d'une procédure accélérée.

Le but de la procédure accélérée consiste à déférer rapidement au juge les affaires dont la preuve est facile à apporter, et ce dans le respect des droits de la défense, des droits de la victime et des droits de la société.

La procédure accélérée est aussi la consécration d'une réaction sociale à un comportement inacceptable. On constate qu'il faut trop de temps à la justice pour juger les affaires relativement simples. Il est indispensable de réagir face à ce phénomène structurel.

Si on laisse passer trop de temps entre le délit et la condamnation, on s'expose à deux conséquences. Premièrement, les victimes ont l'impression que la justice est impuissante. Deuxièmement, les services de police sont confrontés à la récidive de personnes qui n'ont pas encore subi aucune peine. Cette constatation est démotivante.

Le ministre souligne que la procédure proposée de comparution immédiate a rien de neuf. Comme on l'a déjà dit, elle était mentionnée dans l'accord « octopus ». Au niveau international aussi, la procédure accélérée existe. Dans d'autre pays, le délai est même plus court et les garanties moins importantes.

De plus, la procédure accélérée existe déjà dans note arsenal juridique. Les juges de la jeunesse peuvent l'appliquer aux mineurs. On peut aussi citer le système existant de procédure accélérée instauré par le ministre Wathelet (article 216quater du Code d'instruction criminelle).

Le pouvoir judiciaire a beaucoup critiqué la procédure accélérée en 1994. Il prétendait qu'elle ne fonctionnerait jamais dans la pratique. Il y a lieu de nuancer cette affirmation, car la procédure accélérée est appliquée à Bruxelles.

La principale critique de la magistrature contre le système proposé, c'est qu'il sera inapplicable faute de moyens. C'est pourquoi le gouvernement a pris les précautions qui s'imposent. Il a prévu une extension de cadre et il introduira le système de mesure du volume de travail, après concertation avec la magistrature représentée par le Conseil supérieur de la justice.

Une autre critique qui fut émise en 1994 concernait le fait que l'on allait appliquer un seuil peu élevé pour ce qui est de la détention préventive et le fait que des circonstances propres à l'affaire suffiraient à justifier une arrestation, ce qui signifiait que des arrestations pourraient également être opérées qui ne seraient pas nécessaires pour assurer l'ordre public. De telles arrestations seraient maintenant impossibles dans le cadre de l'application du système proposé.

Concernant l'évaluation de la loi de 1994, le ministre signale les aspects négatifs suivants. Les auteurs des actes qui donnent lieu à l'application de la procédure de comparution immédiate ne peuvent pas être arrêtées en application de celle-ci, pas même en cas d'aveu. Par ailleurs, une procédure par voie de

citation est requise pour le cas où l'auteur ne se présenterait pas. En cas de défaut de comparution, la procédure de comparution immédiate serait inopérante et les choses seraient freinées. Cette procédure n'existe en outre pas en degré d'appel.

En ce qui concerne le lien avec la loi relative à la détention préventive, le ministre confirme qu'il existe un certain parallélisme avec la procédure accélérée. Ce parallélisme est nécessaire si l'on veut éviter, l'application de procédures divergentes lors des incarcérations.

Le champ d'application de la procédure de la comparution immédiate est défini clairement. Cette procédure sera applicable lorsque les faits seront faciles à mettre en évidence, lorsqu'il y aura un flagrant délit moyennant le respect d'un seuil déterminé pour ce qui est des peines (des peines de 1 à 10 ans en cas d'application de la loi relative aux circonstances atténuantes).

Le parquet gagne en efficacité grâce à la procédure accélérée. Il est bon que l'auteur se repentisse très tôt et qu'une confrontation ait rapidement lieu avec la victime.

Le jeune auteur qui pourrait échapper trop longtemps à l'emprise de la justice et qui acquiert l'impression qu'il jouit d'une certaine impunité, gagne souvent ainsi en prestige. Il en résulte en outre une certaine démotivation dans les services de police et un sentiment de plus grande insécurité chez les citoyens.

La procédure accélérée présente aussi des avantages pour l'inculpé et pour la défense. L'inculpé sait vite à quoi s'en tenir et a plus rapidement accès au dossier.

Selon une critique fréquente la procédure accélérée viderait de leur substance les droits de la défense. C'est faux. En effet, puisque la victime peut s'entourer de l'assistance immédiate de son conseil, puisque le juge d'instruction doit se pencher sur le dossier pour délivrer un mandat d'arrêt spécifique et puisque le juge du fond doit se prononcer dans les sept jours.

Selon une autre critique, le gouvernement ne donnerait pas la priorité à la lutte contre la criminalité organisée et contre la criminalité en col blanc. Rien n'est moins vrai. Référence peut être faite à l'accord avec le minsitre des Finances, M. Reynders, sur une coopération intégrée entre la Justice et les Finances pour ce qui est de la lutte contre ce type de criminalité. Cet accord sera soumis au Conseil des ministres dans la semaine du 20 mars 2000.

Il existe également une collaboration très étroite avec le magistrat national compétent en la matière, M. Ulmann.

Selon une dernière critique, la procédure accélérée risque de mener à une justice à deux vitesses et à une justice frappant principalement les personnes qui vivent dans des conditions difficiles. Le ministre rejette cette critique en affirmant que l'application de la procédure de comparution immédiate dépend, non pas de la personnalité de l'auteur, mais des faits.

Le ministère répète également que les droits de la défense sont garantis. Il y a communication immédiate de l'audience, le dossier peut être consulté, l'intervention rapide de l'avocat est prévue ainsi que la sauvegarde immédiate des intérêts civils.

Il confirme qu'il faudrait effectivement pouvoir appliquer la procédure proposée aux cas de hooliganisme qui pourraient survenir lors des prochains événements sportifs de l'Euro 2000. L'on pourrait suivre ainsi le conseil de Mme Guigou, qui a consacré une étude intéressante au problème. L'on a pris une série de mesures préparatoires à l'Euro 2000. Des magistrats du parquet se trouveront dans les stades. L'on a développé tous les moyens techniques dont pourraient avoir besoin d'éventuels assistants. Une réaction rapide de la justice est donc également nécessaire. Les Pays-Bas ont déjà prévu la possibilité de réagir rapidement.

Il ne faut pas sous-estimer les problèmes que pourrait engendrer l'Euro 2000. Il semble que des hooligans soient déjà en train de s'organiser par l'intermédiaire d'Internet. Une recherche proactive s'impose. En cas de criminalité manifeste, il faut pouvoir disposer d'un instrument légal.

Le ministre se rend parfaitement compte que la magistrature doit jouer pleinement le jeu pour que le système puisse fonctionner. Il est certain que ce sera le cas pourvu que l'on fournisse à la magistrature les moyens nécessaires. C'est ce qui ressort de la concertation qui a eu lieu entre le ministre et les procureurs du Roi dans les ressorts desquels seront organisés les matchs de football. Le conseil des procureurs du Roi et le collège des procureurs généraux se sont également prononcés en ce sens. La magistrature assise doit naturellement être d'accord aussi et il faut une collaboration étroite avec le barreau.

Le ministre espère que le Sénat sera prêt à approuver le projet de loi.

IV. POURSUITE DE LA DISCUSSION GÉNÉRALE

Un membre se pose des questions depuis qu'il a lu récemment dans la presse des articles affirmant que le ministre est réticent à signer la nouvelle loi sur la nationalité. Il lie apparemment la sanction de cette loi au vote du projet de loi relatif à la procédure accélérée.

Le ministre assure le membre que ces suppositions sont inexactes. Il renvoie à l'interpellation développée par M. Giet à la Chambre, le 16 mars 2000. Avant que la nouvelle loi sur la nationalité puisse être publiée, il faut encore accomplir les démarches suivantes :

1. un arrêté royal est requis. Cet arrêté est prêt; il doit seulement encore être soumis au Conseil des ministres;

2. la magistrature, et plus précisément les magistrats du parquet souhaitent être assistés par des juristes de parquet. Le 20 mars aura lieu la dernière concertation à ce sujet avec M. Vande Lanotte;

3. une circulaire du collège des procureurs généraux est attendue dans le courant de la semaine du 20 mars;

4. deux directives doivent également être adressées à l'état civil des diverses villes et communes.

Un membre dit pouvoir se rallier à cet exposé sur le plan du principe, mais pas pour ce qui est de la mise en oeuvre pratique. Il lui paraît nécessaire que les lois soient publiées dans un délai raisonnable et que les directives éventuelles soient envoyées après cette publication.

Le ministre souligne que tout le nécessaire a été fait et qu'il n'y a aucun lien entre la procédure de comparution immédiate et la publication de la loi sur la nationalité.

Une membre souligne les nombreux efforts qui ont été faits par les membres de la commission de la Justice du Sénat. Ils ont examiné minutieusement le rapport de la Chambre et se sont déplacés à Paris pour voir fonctionner la procédure de comparution immédiate dans la réalité. De plus, les auditions ont été éclairantes.

Les magistrats font montre de bonne volonté et ont l'intention d'organiser l'infrastructure et le personnel existants de manière à ce que la procédure de comparution immédiate puisse fonctionner efficacement.

La membre estime dès lors que les critiques du ministre à l'endroit des magistrats ne sont pas fondées. Les acteurs de terrain doivent être motivés et il faut dégager les moyens nécessaires. L'intervenante a l'impression que les magistrats bruxellois, qui sont confrontés le plus fréquemment à la procédure de comparution immédiate, éprouvent un certain malaise. Le fossé entre le ministre et les acteurs de terrain devrait être comblé. Il est important de rétablir la confiance des acteurs afin que la procédure de comparution immédiate puisse fonctionner efficacement.

L'accord « octopus » prescrivait une évaluation de la loi de 1994.

Le service de la Politique criminelle a établi un rapport qui, par manque de temps, de moyens et d'études ayant trait à cette question, est extrêmement concis et dont les conclusions ne sont pas unanimes.

Si l'on rapproche cela des déclarations des magistrats entendus par la commission qui se disent convaincus que l'arsenal juridique actuel suffit pour atteindre l'objectif du projet de loi qui est d'accélérer la procédure, l'intervenante a des doutes sur l'évaluation réalisée par le service précité.

Par ailleurs, la membre conteste l'affirmation du ministre selon laquelle la procédure de comparution immédiate restera limitée aux infractions constatées en flagrant délit. Si tel était le cas, le projet pourrait encore trouver grâce à ses yeux. Or il n'en est rien. Le champ d'application de la nouvelle procédure est en effet beaucoup plus vaste. Pourront être poursuivis en application de la nouvelle procédure non seulement les infractions flagrantes mais aussi les autres faits punissables d'un emprisonnement d'un an sans excéder dix ans avec application des circonstances atténuantes. Les pénalistes déclarent que ce critère couvre la quasi-totalité du contentieux pénal. Le projet manque donc son but, à savoir une réaction judiciaire rapide aux délits légers et simples qui sont ressentis par la société comme particulièrement incommodants. Tout dépendra donc de la clairvoyance avec laquelle le parquet appliquera la procédure de comparution immédiate.

Cela amène l'intervenante à la constatation que le projet fait la part trop belle au parquet. Comme l'a démontré le voyage d'études à Paris, certains magistrats du parquet se montrent très indulgents envers les inculpés tandis que d'autres préconiseront plutôt une approche répressive et seront enclins à appliquer la procédure de comparution immédiate à des délits plus graves.

Il conviendrait donc, pour cette raison, de limiter le champ d'application du projet. En France, la plupart des délits déférés au « tribunal de comparution immédiate » sont punissables d'un emprisonnement de trois à cinq ans. De plus, la loi française fait une distinction entre les cas de flagrant délit et les faits simples dont le dossier pénal est en état d'être jugé. Dans le premier cas, la procédure de comparution immédiate peut être appliquée lorsque les délits sont punissables d'un emprisonnement d'un an à sept ans. Dans le deuxième cas, il doit s'agir de faits punissables d'un emprisonnement de deux ans à sept ans. Cette observation n'est pas sans intérêt. Elle permet de faire le lien avec le droit pénal belge.

La médiation pénale (article 216ter du Code d'instruction criminelle) qui constitue une forme de sanction alternative et qui est en train de gagner du terrain à juste titre grâce aux efforts de certains magistrats du parquet, ne peut en effet être appliquée que dans la mesure où le délit ne semble pas punissable d'une peine principale d'emprisonnement correctionnel de plus de deux ans ou d'une peine plus lourde.

Pourquoi ne prévoit-on donc pas pour la procédure de comparution immédiate un seuil d'emprisonnement de deux ans ? De cette manière, les affaires entrant en ligne de compte pour la médiation pénale ne devront pas être traitées suivant la procédure de comparution immédiate.

L'intervenante soutient que le projet de loi est inacceptable, et ce pour les quatre motifs suivants.

1. Pour ce qui est de la philosophie du projet de loi, tout le monde est d'accord sur l'idée d'une procédure rapide. Une procédure rapide n'est toutefois pas synonyme d'une procédure précipitée et bâclée, comme celle à laquelle le présent projet conduira. Il est donc démagogique de présenter la procédure de comparution immédiate comme la planche de salut permettant de remédier à la lenteur de la justice lorsque l'on sait que si les magistrats travaillent de manière réfléchie, cette procédure ne pourra être appliquée qu'à 1 % de l'ensemble des affaires pénales. Son effet sur l'arriéré judiciaire en matière répressive sera dès lors minime. Il faut donc avoir le courage de dire que cette procédure fait partie d'un éventail de possibilités mis à la disposition du parquet et qu'il convient d'améliorer.

2. Si l'on examine le projet sous l'angle de la philosophie du droit pénal, force est de constater qu'il est incompatible avec la conception selon laquelle la procédure répressive touche au droit des libertés, dans lequel le respect des droits de la défense occupe une position centrale. On ne peut en effet simplifier à l'extrême la procédure pénale sans mettre en péril les fondements du droit pénal. Le juge pénal ne juge pas des délits, mais des personnes soupçonnées d'avoir commis des délits. L'intervenante déclare d'ailleurs avoit été agréablement surprise par l'humanité des magistrats envers les inculpés. Lorsque des magistrats qui sont enclins à une approche plutôt répressive de la criminalité déclarent, au cours des auditions, que la procédure proposée n'est pas un instrument adéquat, cela soulève des questions.

La discussion relative au projet de loi à l'examen présente beaucoup de similitudes avec celle qui a été menée à l'occasion de l'instauration de l'article 216quater du Code de procédure criminelle, relatif à la convocation par procès-verbal, c'est-à-dire la procédure accélérée du « régime Wathelet » de 1994. Au début, le projet du ministre Wathelet a été fortement critiqué. Par la suite, les mérites de cette procédure ont été reconnus ouvertement, surtout après son application par le parquet bruxellois, bien que d'aucuns continuent à la contester. Peut-être ce cours des choses est-il caractéristique de la justice et du barreau qui sont rétifs au changement et à qui il faut du temps pour accepter les innovations.

La brièveté de la procédure va à l'encontre de l'exigence en vertu de laquelle les juges doivent disposer d'assez de temps pour sonder la personnalité de l'inculpé afin de pouvoir, en cas de condamnation, lui imposer une peine appropriée en connaissance de cause. Les magistrats ont tous déclaré durant les auditions qu'une peine n'est respectée que si le condamné l'accepte. Les délais prévus dans le projet sont toutefois beaucoup trop courts, selon les magistrats entendus par la commission, pour permettre de juger l'inculpé avec le recul nécessaire.

L'intervenante déclare avoir été désagréablement surprise durant la visite du tribunal de comparution immédiate à Paris par le type de personnes qui y comparaissent. Quelque 80 % d'entre elles étaient des étrangers, arrêtés la plupart du temps pour séjour illicite en France ou pour avoir commis de petits délits. Quand on défend, comme on le fait en Belgique, une politique axée sur l'intégration des étrangers, ce pourcentage ne peut être que dérangeant. Les autres inculpés (20 %) sont principalement des toxicomanes récidivistes auxquels on applique à nouveau la procédure de comparution immédiate faute de mieux et sans véritable perspective d'avenir. Il y avait aussi les malades et les marginaux sans histoire, qui relèvent plus de « la Cour des Miracles ».

Durant la séance du tribunal de comparution immédiate de Paris, l'intervenante a eu l'impression d'avoir affaire à un tribunal social où les magistrats du siège et le parquet jouent le rôle d'assistants sociaux. Ils doivent en effet apporter une réponse pénale aux délits dont ils sont saisis. Or, cette réponse est inadéquate. Notre société doit donc réfléchir à la manière de résoudre ces problèmes autrement. Le procureur de la République a admis que la procédure de comparution immédiate est appliquée lorsque le parquet ne voit pas d'autre issue. Il a également déclaré la nécessité d'une réaction judiciaire rapide contre les formes de petite criminalité, qui sont peut-être sans grande gravité, mais qui renforcent le sentiment d'insécurité dans l'opinion publique et menacent le tissu social de notre société et de la démocratie. L'intervenante craint cependant que le projet à l'examen ne soit pas l'instrument adéquat pour atteindre cet objectif.

Les victimes sont les grands absents du projet de loi. Elles ne disposent pas d'assez de temps pour se préparer au procès et ne seront donc pas associées à la procédure. Elles ne peuvent pas compter sur la solvabilité de l'inculpé et ne bénéficient pas de l'accueil aux victimes.

3. En ce qui concerne les moyens, les magistrats entendus en commission ont souligné que l'arsenal législatif était suffisant mais qu'il y avait lieu de dégager les moyens nécessaires pour appliquer efficacement les procédures en vigueur.

4. Pour ce qui est de l'utilité de la procédure proposée, l'intervenante renvoie aux déclarations de plusieurs magistrats qui ont dit ne pas être convaincus que la procédure de comparution immédiate pourra être utilisée de manière adéquate contre les hooligans. Compte tenu de la brièveté des délais, des problèmes se poseront au sujet de l'identification des trublions, de la manière dont les procès-verbaux seront rédigés, de la composition du dossier répressif et de la qualification des faits. Le fait que la procédure doit être introduite dans les 24 heures crée une véritable gageure car cela sera pratiquement irréalisable comme l'a indiqué l'audition du juge d'instruction Van Cauwenberghe. D'après le tableau que M. Van Cauwenberghe a brossé du déroulement de la procédure, le juge d'instruction, qui doit tout de même veiller au respect des droits fondamentaux du prévenu, ne disposera que de quelques minutes pour déterminer s'il va oui ou non décerner un mandat d'arrêt. Dans ces conditions, le juge d'instruction ne peut plus remplir pleinement son rôle.

L'intervenante souhaite que le ministre lui dise quelle relation il y a entre la détention préventive et l'arrestation en vue de la comparution immédiate. Le ministre a déclaré à plusieurs reprises en commission de la Justice de la Chambre qu'il n'y avait pas de lien systématique entre les deux. La membre est cependant convaincue que l'application de la nouvelle procédure entraînera une augmentation du nombre des cas de détention préventive. Les prisons y sont-elles préparées ? La détention préventive ne sera-t-elle pas détournée de son but ? L'intervenante estime que oui. Il y aura deux sortes de détention préventive, avec un régime juridique différent, notamment en ce qui concerne la présence de l'avocat du prévenu qui, dans la nouvelle procédure, aura accès beaucoup plus rapidement au dossier. Lors de l'audition, plusieurs témoins ont déclaré que cette discrimination vis-à-vis de la détention préventive ordinaire donnerait lieu à des recours en annulation devant la Cour d'arbitrage. Sur d'autres points également, le projet s'expose à des recours de ce genre pour violation du principe d'égalité.

L'intervenante conclut son exposé en soulignant que si le gouvernement considère la loi en projet comme une priorité au même titre que d'autres points de son plan de sécurité, il perd en réalité son caractère prioritaire.

Le ministre donne les réponses suivantes :

1. En ce qui concerne le risque que le projet de loi renforce le sentiment de découragement et de démotivation qui règne au sein de la magistrature, il souligne qu'il souhaite gagner ou garder la confiance de la magistrature en mettant suffisamment de moyens à sa disposition. Contrairement à ce que d'aucuns affirment, le problème ne se situe pas tellement au niveau du nombre de magistrats. Si l'on excepte Bruxelles où les problèmes se posent dans toute leur acuité, la Belgique a suffisamment de magistrats. En Europe, la Belgique est même le pays où le nombre de magistrats est proportionnellement le plus élevé. Le problème se situe toutefois au niveau de l'appui logistique à la magistrature. Cet appui est insuffisant et inefficace. C'est pourquoi le gouvernement va débloquer les moyens nécessaires pour remédier à cette situation.

2. Pour ce qui est de l'Octopus III, le ministre déclare qu'au cours des travaux à ce sujet, il n'a jamais été fait référence à la loi de 1994 insérant un article 216quater dans le Code d'instruction criminelle. Cette référence figure par contre dans l'accord de gouvernement. Bien qu'estimant que la procédure prévue à l'article précité ne produit pas le résultat escompté, le gouvernement ne l'écarte pas pour autant. Cette procédure reste donc intégralement applicable.

3. Au sujet du rôle du parquet, le ministre ne souscrit pas entièrement au point de vue suivant lequel celui-ci serait trop important.

Parmi toutes les procédures dont dispose le parquet dans le cadre des poursuites, il en est qu'une pour laquelle il doit se justifier, c'est le classement sans suite (loi Franchimont). Ce n'est pas le cas pour les autres procédures que sont l'information, la requête d'une instruction judiciaire, la médiation pénale ­ à laquelle, pour ministre, on devrait recourir davantage ­, la convocation par procès-verbal et l'arrangement à l'amiable.

La crainte de voir le parquet abuser de la procédure de comparution immédiate ne résiste pas au constat que l'on peut faire en France comme en Belgique : les chambres correctionnelles chargées d'appliquer la procédure accélérée sont celles qui prononcent proportionnellement le plus de peines alternatives.

4. Le ministre considère que les peines alternatives constituent une réponse adéquate à la criminalité dont l'effet préventif ne saurait être trop souligné. C'est la raison pour laquelle la commission de la Justice de la Chambre a adopté un amendement de M. Giet relatif à l'application de la loi du 29 juin 1964 concernant la probation. Cet amendement supprime l'obligation, instaurée par la loi non encore publiée du 22 mars 1999, qui impose au juge souhaitant prononcer une peine alternative de faire réaliser une enquête sociale et d'établir un rapport d'information succinct. Le juge pourra dès lors décider lui-même de l'opportunité de ces mesures (doc. Chambre, nº 50 0306/004, p. 113-114).

Le gouvernement a ainsi voulu indiquer dans la loi en projet que les peines d'emprisonnement constituent le « remède ultime ». Si l'on souhaite favoriser l'application des peines alternatives, il faut revoir leur statut. L'article 7 du Code pénal devrait donc être modifié de manière à ce que le juge ait la possibilité de prononcer une peine alternative comme peine principale.

5. Le ministre conteste que la durée de la procédure soit extrêmement brève. Celle-ci est en effet de 15 jours. En outre, il est convaincu que le juge d'instruction qui décerne un mandat d'arrêt en vue de comparution immédiate dans les sept jours ordonnera plus rapidement la libération conditionnelle si l'inculpé satisfait aux conditions légales. C'est pourquoi il tient à maintenir le parallélisme avec la loi du 20 juillet 1990 sur la détention préventive. À l'heure actuelle, les parquets et les juges d'instruction abusent de la détention préventive. En témoigne le fait que celle-ci représente un tiers de la population carcérale. Il faut remédier à cet état de choses.

6. Le fait que 80 % des inculpés qui comparaissent devant les tribunaux de procédure accélérée de Paris soient des étrangers, donne à réfléchir. Le ministre déclare que cette constatation vaut aussi pour la Belgique. Il est regrettable que les allochtones n'entrent pas en ligne de compte dans la phase préventive, alors qu'ils sont surreprésentés dans la phase répressive.

Un commissaire déclare qu'il n'est pas d'accord. Il existe suffisamment d'exemples où l'on tente d'accompagner préventivement les allochtones.

7. En ce qui concerne les victimes, l'expérience française nous apprend que 90 % d'entre elles ne comparaissent pas à l'audience. C'est pourquoi la loi française prévoit la possibilité de réserver les intérêts de la partie civile. Le projet le fait aussi, mais il faut tenir compte du fait qu'en France, la procédure se déroule en deux jours et qu'elle en prend sept en Belgique. On ne doit pas non plus perdre de vue que les victimes seront généralement connues parce qu'elles engageront la procédure en déposant une plainte.

8. Quant à la répression du hooliganisme, le ministre déclare qu'à l'occasion de la coupe du monde de football en 1999, le parquet français a engagé des poursuites pénales contre 150 majeurs et 18 mineurs pour des faits qui s'étaient produits dans les stades de football ou aux abords de ceux-ci. Dans 106 cas, on a appliqué la procédure de la comparution immédiate, en usant de toutes les possibilités de sanction en cas de condamnation.

Le ministre souligne une fois encore qu'une grande responsabilité reposera sur les épaules du ministère public dans le choix de la procédure qui sera suivie pour exercer les poursuites pénales. Il en va de même pour les juges répressifs quant au choix de la mesure pénale. C'est pourquoi il est réjouissant de constater que, dans les affaires dont ils sont saisis en application de l'article 216quater du Code d'instruction criminelle, les juges infligent des peines alternatives dans plus de 50 % des cas. Le ministre espère qu'ils poursuivront dans cette voie lorsqu'ils auront à juger les cas dont ils seront saisis dans le cadre de la procédure de la comparution immédiate.

9. En ce qui concerne le lien entre la nouvelle procédure et la détention préventive, le ministre souligne que pour la privation de liberté dans le cadre de la procédure de comparution immédiate, le gouvernement a voulu expressément que toutes les conditions définies à l'article 16, § 1er , de la loi sur la détention préventive soient réunies.

Sur la question de savoir si le statut juridique différent de la détention préventive et de l'arrestation en vue de la comparution immédiate viole le principe d'égalité, le ministre fait observer que contrairement à la détention préventive qui, du fait de la prolongation mensuelle par la chambre du conseil, peut être d'assez longue durée, l'inculpé faisant l'objet d'une arrestation en vue de comparution immédiate a la garantie d'être jugé dans les sept jours. Le ministre estime que la Cour d'arbitrage ne verra aucune violation du principe d'égalité dans cette différence de régime entre les deux formes de privation de liberté.

Un autre membre revient sur les raisons qui ont amené le gouvernement à prévoir, dans l'accord de gouvernement, qu'il y avait lieu d'accélérer l'administration de la justice, en particulier en instituant une procédure de comparution immédiate.

Il est indéniable que la situation de la sécurité s'est détériorée dans certaines parties du pays. Les autorités ont tenté d'y remédier par le biais des contrats de sécurité et de société. À cet égard, il est surprenant de constater que sur le plan préventif et policier, on a enregistré des avancées, mais que la justice a raté le coche. L'intervention plus active de la police est donc restée sans écho sur le plan judiciaire.

Selon l'intervenant, la vérité l'oblige toutefois à dire que MM. Vander Straeten et Van der Noot, magistrats du parquet à Bruxelles, qui ont été entendus par la commission, ont pris leurs responsabilités et se sont rendus sur le terrain pour rencontrer, entre autres, les mandataires locaux et assistants sociaux.

Il n'empêche que ce qui a été réalisé par le ministère de l'Intérieur, en particulier le renforcement des services de police, n'a pas reçu de suivi suffisant au niveau judiciaire. L'excuse invoquée est toujours le manque d'hommes et de moyens.

L'intervenant estime que l'arriéré est également lié tant au principe de l'unité et de l'indivisibilité du parquet qu'à l'organisation interne de celui-ci. On pratique ainsi le « forum shopping » . En d'autres termes, les policiers qui souhaitent obtenir un mandat d'arrêt attendront que soit de service le juge d'instruction dont ils savent qu'il décernera ledit mandat.

Les considérations qui précèdent expliquent pourquoi les partis de la coalition ont convenu d'instituer une procédure accélérée.

Ce projet s'est toutefois heurté à de violentes critiques.

Mme Dekkers, procureur général près la cour d'appel d'Anvers, a donné lors de son audition une vision des choses différente de celle du ministre. Le membre trouve cela gênant et souhaiterait avoir des éclaircissements à ce sujet.

Pour lui, un premier problème réside dans le lien qui est fait avec le hooliganisme et l'Euro 2000. C'est à cause de l'Euro 2000 que le projet de loi doit être examiné à toute allure par le Parlement, mais le membre se demande si cette justification est vraiment fondée.

Il retient de l'audition des magistrats que l'Euro 2000 peut donner lieu à une série de petites infractions. Il s'agit d'une criminalité liée à l'inconvenance. Il va de soi que les faits de ce genre n'entrent pas en considération pour l'application de la procédure de comparution immédiate. Ce serait toutefois le cas pour les faits les plus graves.

Le membre rappelle cependant que, lors de l'audition, les magistrats ont formulé un très grand nombre d'objections à l'encontre de l'application de la procédure de comparution immédiate à ces faits graves. Ils ont en effet souligné que lorsqu'ils sont confrontés à ce genre de faits se produisant à l'occasion de matchs de football et autres manifestations du genre, il s'agit souvent de mouvements de masse. Dans ce type de situations, la tâche des services de police est avant tout de maintenir l'ordre et d'empêcher les actes de violence et les débordements. L'accomplissement de leurs missions judiciaires et l'établissement des constats ne viennent qu'en second lieu. Les magistrats doivent donc se pencher sur des dossiers relativement complexes avec comme seuls éléments de preuve quelques témoignages et éventuellement, quelques images vidéo.

Les magistrats ont également réduit sensiblement le nombre d'affaires susceptibles de faire l'objet de la procédure accélérée.

Le membre estime qu'il faut être prudent lorsque l'on compare la procédure proposée dans le projet avec la procédure française. Ces deux procédures sont différentes.

L'intervenant reconnaît toutefois que les magistrats ont un peu exagéré dans leurs critiques lors de l'audition. Il sait par expérience qu'il est bel et bien possible d'établir rapidement des constats pour certains incidents se produisant lors de matchs de football. En outre, les caméras fixes permettent de réunir beaucoup d'éléments de preuve.

Il reste cependant convaincu que la procédure en projet est disproportionnée par rapport au but visé et déplore donc que, si la procédure proposée vise spécifiquement les faits susceptibles de se produire dans le cadre de l'Euro 2000, on n'ait pas déposé un projet de loi portant exclusivement sur le hooliganisme. Le texte d'un tel projet de loi pourrait en outre, selon le membre, être plus sévère encore et prévoir des délais encore plus courts. Un tel projet de loi pourrait également, toujours selon lui, être examiné très rapidement par le Parlement.

Un projet de loi insérant une procédure de comparution immédiate en matière pénale pourrait alors faire l'objet d'un autre débat, plus serein et plus approfondi.

Le membre reconnaît que le ministre a raison sur un point. Il est exact que, si le législateur ne prenait pas d'initiative en la matière, cela donnerait une impression de laxisme de la part de l'autorité.

Cette situation est problématique et très gênante, mais c'est la réalité. Le membre y voit un des côtés pervers de l'imbrication de la politique et des médias. Et la politique est, pour une part, l'otage de cette situation.

Si le projet de loi est voté tel quel, le membre souhaite que le gouvernement prenne l'engagement formel de soumettre, au début de la prochaine session parlementaire, une analyse détaillée de l'application de la nouvelle procédure lors du tournoi de l'Euro 2000.

Le membre insiste également auprès du ministre pour qu'il accepte les amendements techniques. Si l'on rejette ces amendements aujourd'hui, il faudra de toute manière amender la loi pour régler ces problèmes juridiques et techniques. Le membre souligne que ces amendements respectent entièrement la philosophie du texte du projet tel qu'il a été adopté à la Chambre.

Le membre rappelle au ministre qu'il a attendu pour signer et faire publier au Moniteur belge un projet de loi approuvé par la Chambre et le Sénat parce qu'il était en train de préparer des arrêtés d'exécution et des circulaires. Il se demande donc si une situation similaire pourrait se produire avec le projet de loi à l'examen.

Le ministre réfute les affirmations du membre et souligne qu'il a signé immédiatement le projet de loi en question, mais que, pour des raisons évidentes qu'il a déjà commentées en détail en séance plénière de la Chambre et du Sénat, il a attendu pour le publier au Moniteur belge . Le gouvernement fédéral, et notamment les ministres de l'Intérieur et de la Justice, ont pris à cet égard leurs responsabilités politiques. Il aurait été inconvenant de faire publier ce projet de loi au Moniteur belge sans respecter la promesse formelle qu'il avait faite aux parquets d'attribuer des juristes de parquet. Tout le monde lui avait assuré que cette demande des parquets était justifiée. C'est pourquoi le ministre a retardé la publication de la loi en question jusqu'à ce qu'il soit en mesure de tenir sa promesse aux parquets.

Le membre relève qu'en d'autres termes, le ministre reconnaît qu'il faut un certain temps pour pouvoir appliquer une loi. Il estime donc qu'il doit être possible d'amender le projet de loi sur des points juridiques techniques. Le ministre pourrait mettre cette petite navette à profit pour prendre toutes les mesures d'exécution nécessaires. D'après l'intervenant, l'extension du cadre des magistrats est l'une des mesures d'exécution qui s'imposent.

Si le ministre peut soutenir qu'il n'est pas possible d'amender, même techniquement, le projet, l'intervenant attend de lui qu'il élabore, avec le Parlement, une proposition de loi en vue de remédier très rapidement aux imperfections juridiques techniques qui apparaissent dans la loi en projet.

Le membre souligne néanmoins que selon lui, la raison et le bon sens exigent d'amender aujourd'hui, en commission, le projet sur certains points techniques.

C'est par exemple le cas de l'article 6 du projet, qui, entre autres, insère au chapitre V du Code d'instruction criminelle, un article 216quinquies disposant que la procédure de comparution immédiate est applicable à toute personne qui est détenue ou dont la liberté est subordonnée au respect des conditions des articles 35 et 36 de la loi du 20 juillet 1990 sur la détention préventive.

Pour le membre, on ne peut admettre que l'hypothèse de la mise en liberté provisoire, envisagée au § 1er de l'article 261quinquies , n'apparaisse plus dans les paragraphes suivants du même article.

Dans les paragraphes suivants de l'article 216quinquies (nouveau), il n'est plus question uniquement du mandat d'arrêt. Selon le membre, tel n'est sans doute pas le but. En outre, on en sait pas très bien ce qu'il advient au cours de la période des 7 jours, des conditions prévues aux articles 35 et 36 de la loi susvisée.

Ce n'est là qu'un exemple d'amélioration technique qui pourrait être apportée au texte de la loi en projet. Mais si, par manque de temps, le ministre refuse d'accepter ce genre d'amendements techniques, le membre est d'avis qu'une proposition de loi ultérieure sera nécessaire.

Pour ce qui est de la nature des infractions auxquelles la nouvelle procédure sera appliquée, le projet renvoie au collège des procureurs généraux.

Le projet se borne à prévoir les peines.

Le ministre a pourtant déclaré dans la Libre Belgique du 17 mars 2000 qu'il n'appartenait pas aux magistrats de faire les lois.

En outre, le Conseil d'État a observé à juste titre que si la lettre de l'article 12 de la Constitution semblait être respectée, il était moins sûr que l'esprit du principe qui y est consacré le soit (doc. Chambre, nº 306/1 et 307/1, 99/00, p. 27).

Le membre souligne aussi que son groupe ne souhaite pas que la procédure ne soit appliquée qu'à certains groupes de population ou seulement pour certaines infractions qui sont principalement le fait, pour des raisons d'ordre sociologique, de certains groupes de population. Il ajoute qu'en tant que parlementaire, il aimerait néanmoins savoir à quelles infractions la procédure sera applicable et qu'il ne souhaite pas donner carte blanche au collège des procureurs généraux en l'espèce.

Il souligne par ailleurs que le ministre a déclaré dans la presse que la procédure pourrait être applicable aussi pour ce qui est des actes à caractère raciste. Or, la présidente du collège des procureurs généraux a déclaré, au cours de l'audition, que ladite procédure ne pourrait pas être appliquée dans ce cas. Le membre propose dès lors d'adopter un amendement afin de prévoir explicitement dans la loi en projet que la procédure sera applicable également pour ce qui est de ce type d'infraction.

Le membre souhaite qu'au cas où le ministre ne pourrait pas accepter cet amendement, il explique comment on peut garantir que la procédure sera applicable aussi pour ce qui est des délits racistes.

Il estime en effet que la loi en projet véhicule une vaste symbolique sociale : elle revient en effet à dire à certains délinquants qu'ils ne jouiront plus de l'impunité pendant une longue période. Il aimerait que l'on puisse adresser ce message à tous les délinquants. Cela favoriserait la cohésion sociale au sein de notre société. L'intervenant souhaite que le ministre dise ce qu'il pense de cette façon de voir.

L'intervenant aborde ensuite la question du besoin de moyens accrus pour pouvoir assurer l'application de la loi en projet. Le problème n'est pas simplement un problème d'effectifs dans la magistrature. Dans certains arrondissements, il concerne surtout l'appui dont les magistrats peuvent bénéficier. Le membre souligne qu'à Bruxelles, il y a toutefois un problème en ce qui concerne le nombre de magistrats.

Il déclare qu'il n'admettra pas que l'on affecte, par exemple, au tribunal de Bruxelles, plusieurs magistrats au traitement des affaires à examiner selon la procédure accélérée si cela doit se faire au détriment de l'examen des autres affaires pénales.

Or, un magistrat a souligné au cours de l'audition que le risque était réel que l'on en arrive à cela.

À terme, en Belgique, il pourrait être plus risqué de commettre un délit moyen plutôt qu'un délit grave. Le groupe de l'intervenant réclame donc des garanties univoques et concrètes comme quoi c'est l'ensemble de l'appareil judiciaire qui pourra rendre la justice plus rapidement.

Enfin, le membre évoque le problème de la détention. Du fait de l'afflux des condamnés issus de la procédure accélérée, on risque à terme d'être confronté, pendant une période d'un an, à une surpopulation dans les prisons. Le membre demande au ministre quelles mesures il compte prendre pour garder le contrôle de la situation et garantir des conditions humaines dans les prisons.

En ce qui concerne la proposition technique faite par le membre dans son amendement à l'article 216quinquies, le ministre répond que le problème évoqué est déjà résolu à l'article 7 du projet : le § 4 de l'article 20bis nouveau dispose en effet que la prise de la décision du juge d'instruction et son exécution sont soumises aux conditions et modalités prévues aux articles suivants. Suit alors une liste d'articles où figure l'article 216quinquies nouveau concerné.

Le ministre demande au membre de lui indiquer quels autres problèmes techniques celui-ci voit dans le projet. Il les évaluera et les réfutera éventuellement.

Il est convenu de traiter ces problèmes lors de la discussion des articles.

Toutefois, le ministre se dit disposé à régler les problèmes techniques ultérieurement, au moyen d'une proposition de loi.

En ce qui concerne les déclarations de certains magistrats, le ministre a constaté avec étonnement que certains d'entre eux, dont la procureur générale Dekkers, ont fait, au cours de l'audition au Sénat, des déclarations qui diffèrent des points de vue qu'ils avaient adoptés précédemment à la Chambre et qui s'écartent également de la position adoptée par le collège des procureurs généraux.

Le 30 septembre 1999, le collège des procureurs généraux a en effet souligné la nécessité de modifier rapidement la procédure accélérée en vue de l'Euro 2000. Le collège des procureurs généraux était donc demandeur. En outre, les procureurs du Roi d'Anvers et de Hasselt ­ qui relévent tous deux du ressort de la procureur générale Dekkers ­ ont déclaré l'un et l'autre qu'ils souhaitaient absolument pouvoir faire usage de la procédure de comparution immédiate.

En ce qui concerne spécifiquement le championnat de l'Euro 2000, le ministre tient à renvoyer au rapport de Mme Guigou, ministre français de la Justice, concernant les faits constatés à l'occasion de la Coupe du monde de football en France. Grâce à l'application de la procédure accélérée, on a pu se faire une idée claire des faits qui se sont produits. Il y a eu 168 poursuites pénales, principalement pour des faits de violence à l'encontre des agents de la force publique (71), des vol avec violences (34), des dégradations volontaires (16) et quelques infractions à la législation relative à l'organisation et à la promotion des activités physiques et sportives (9). Pour beaucoup d'affaires, il a été possible de retenir la circonstance particulière du fait commis en rapport direct avec un événement sportif, ce qui permet de prononcer des peines supplémentaires et d'interdire l'accès au stade ainsi qu'au territoire français. Le ministre souligne que l'on pourra prendre également ce type de mesure grâce à la loi de 1998. Sur les 150 adultes concernés, il y avait 58 Français, 41 Anglais, 13 Allemands, 6 Néerlandais, 5 Tunisiens, 5 Argentins, 5 Croates, 2 Albanais, 2 Roumains, 2 Écossais, 2 ressortissants de la République dominicaine, 1 Algérien, 1 Belge, 1 Slovène, 1 Péruvien, 1 Sud-Coréen, 1 Zaïrois, 1 Brésilien et 1 Marocain.

Dans sa circulaire, la ministre Guigou a souligné en outre que la vitesse de réaction de la Justice aux événements liés au phénomène du hooliganisme a été comme pour les autres infractions un élément déterminant pour le bon déroulement de la Coupe du monde du football en France. Les études qui ont été réalisées en France comme à l'étranger au sujet du comportement et de la psychologie des supporters de football susceptibles d'être impliqués dans des actions violentes ont effectivement démontré que ces personnes tenaient largement compte des risques qu'elles courent, notamment des poursuites pénales auxquelles elles peuvent s'exposer. Le ministre ajoute qu'il a pu voir dans une émission télévisée que certains supporters qui avouaient commettre parfois des actes de hooliganisme, ont déclaré redouter une nouvelle loi et affirmé qu'ils adapteraient leur comportement en fonction de celle-ci.

Le ministre reconnaît que le membre a raison lorsqu'il dit que la politique est l'otage de cette situation.

Par ailleurs, il approuve entièrement le membre lorsque celui-ci dit qu'il y a lieu d'évaluer l'application de la procédure accélérée. Le procès-verbal du Conseil des ministres prévoit explicitement une première évaluation de la procédure accélérée après l'Euro 2000. De plus, une deuxième évaluation est prévue lorsqu'on étendra l'application de la procédure des cinq arrondissements judiciaires initiaux aux autres arrondissements.

Selon le ministre, il est difficile de répondre à la question de savoir quelles infractions entreront en ligne de compte pour la procédure accélérée. Les pays voisins du nôtre eux non plus n'ont pas établi de liste relative à la nature des infractions. De plus, le ministre estime que, si le législateur devait dresser une telle liste, le risque serait grand de voir le législateur imposer une injonction négative afin d'éviter que la procédure ne soit applicable que dans certains cas. D'autre part, la loi du 30 juillet 1981 permet de fixer des peines au moyen d'une loi pour de telles procédures. Les articles 3 et 4 de cette loi prévoient en effet des détentions jusqu'à 1 an, et même aller jusqu'à 2 ans dans certains cas. Pour que la loi soit applicable, il faut qu'il y ait flagrant délit ou que la preuve soit claire. Le ministre souligne qu'il connaît des cas où les faits répondent à ces critères mais où le ministère public n'intervient pas. Il a donc envoyé une circulaire aux procureurs généraux pour leur demander que le ministère public poursuive malgré tout les auteurs des faits en question et que tous les procureurs du Roi prennent leur responsabilité en la matière.

Le ministre a en effet constaté que le ministère public ne laisse que trop volontiers ce travail au Centre pour l'égalité des chances et la lutte contre le racisme. Toutefois, le centre ne dispose pas des mêmes moyens d'injonction à l'égard des services de police et il ne lui incombe pas de procéder à l'enquête judiciaire ou à l'instruction préparatoire.

Le ministre déplore que les parquets ne partagent pas son point de vue en la matière.

Il ne juge cependant pas nécessaire de fonctionner avec une liste des infractions soumises à la nouvelle procédure parce que l'on travaille avec des « fourchettes ».

Mais il est clair qu'une circulaire sera envoyée en même temps que le projet de loi, pour attirer l'attention des procureurs généraux sur leurs responsabilités en la matière.

Un autre membre ayant demandé pourquoi ce principe ne serait pas ancré dans la loi, le ministre répond que ce n'est pas nécesaire. L'article 143ter du Code judiciaire dispose que le ministre de la Justice arrête les directives de politique criminelle, après avoir pris l'avis du collège des procureurs généraux. En ce qui concerne la nécessité d'accroître les moyens destinés à l'exécution de la loi en projet, le ministre fait siennes les observations qu'ont émises les magistrats bruxellois, la Commission « Bruxelles » et les différentes personnes qui se préocuppent de l'arriéré judiciaire à Bruxelles. C'est pourquoi une extension de cadre est prévue pour l'exécution de la loi en projet : pour les 5 arrondissements judiciaires, on a prévu 30 magistrats de plus, dont, à Bruxelles, 5 pour le siège et 5 pour le parquet. Trente-et-un magistrats sont prévus pour la deuxième phase de la mise en oeuvre de la procédure accélérée.

Mais le ministre souligne que cela ne résoudra pas pour autant les problèmes du tribunal de Bruxelles, qui sont beaucoup plus fondamentaux : à chaque niveau, sauf à celui des juges de paix, des problèmes se posent :

­ on prévoit 4 juges de police supplémentaires, comme l'a demandé la Commission « Bruxelles »;

­ un projet de loi est discuté ce jour au Conseil des ministres concernant le doublement du nombre des juges de complément;

­ pour les cours d'appel, il n'y a qu'une solution : faire appel à des conseillers en surnombre, qui remplaceront ultérieurement les conseillers actuels. Mais ce problème n'est pas spécifiquement bruxellois. Il faudra élaborer une solution de ce genre pour toutes les cours d'appel.

Selon le ministre, l'extension de cadre mettra en branle tout l'appareil juridictionnel. Il y aura davantage de magistrats non seulement pour la procédure accélérée, mais aussi pour les maisons de justice. C'est ainsi que le gouvernement a déjà marqué son accord sur un accroissement de 36 unités du nombre des assistants de justice, rien que pour la première phase. Dans la deuxième phase, 46 assistants de justice s'y ajouteront encore.

Le ministre reconnaît que le manque de place dans les prisons pose problème. On s'éfforce d'y remédier de diverses manières. Il a pris une directive concernant les toxicomanes qui leur ouvre la possibilité de quitter la prison à condition de s'engager à une obligation de résultat en se faisant soigner et désintoxiquer.

En outre, le Conseil des ministres estime qu'il n'est pas tellement essentiel d'augmenter le nombre de places mais bien de prévoir à la fois la possibilité de le faire et le personnel voulu.

Les mesures adéquates ont également été prises à cet effet.

En guise de conclusion, le ministre déclare que des moyens suffisants seront prévus pour toute la chaîne judiciaire. Au début, la principale critique de l'opposition était qu'il serait impossible de réaliser la procédure accélérée. Aujourd'hui, le ministre entend surtout dire que la procédure accélérée est inapplicable par manque de moyens adéquats. À présent, les moyens voulus sont là et force sera de constater que tout est prévu pour que la procédure accélérée soit effective.

Quant aux améliorations technico-juridiques à apporter au projet de loi, le ministre propose qu'un texte soit déposé ultérieurement. Il se pourrait que l'application de la nouvelle loi fasse apparaître que des améliorations techniques s'imposent.

Le membre est d'avis que cette déclaration du ministre au sujet d'une proposition de loi ultérieure constitue une ouverture importante. Mais il souhaiterait malgré tout obtenir plus de précisions encore sur l'extension du cadre des magistrats du tribunal de Bruxelles. Une telle extension, en effet, nécessite l'adoption d'une loi.

Le ministre donne un aperçu des décisions que le Conseil des ministres a prises le vendredi 17 mars 2000.

Une première mesure consiste à doubler le nombre de juges de complément dans l'arrondissement judiciaire de Bruxelles. Ceux-ci seront désignés pour exercer leurs fonctions selon les besoins du service. Il faudra donc tenir compte du fait que les besoins peuvent être différents selon les rôles linguistiques.

Une seconde mesure vise à créer, au sein des services du parquet, une section qui se chargera uniquement des problèmes de l'arrondissement de Hal-Vilvorde, qui fait partie de l'arrondissement judiciaire de Bruxelles.

En troisième lieu, on va augmenter le nombre de référendaires auprès de la Cour de cassation. Un nouvel examen sera organisé prochainement.

Enfin, les ministres ayant les affaires institutionnelles dans leurs attributions et le ministre de la Justice présenteront dans les deux mois, un rapport sur la commission chargée d'organiser l'examen linguistique.

Un membre estime que ces informations sont très positives. Il se réjouit notamment de l'augmentation substantielle des magistrats de complément à Bruxelles.

Il demande si le gouvernement opte pour une scission de l'arrondissement judiciaire de Bruxelles.

Le ministre répond que le Conseil des ministres n'a pas du tout décidé de scinder l'arrondissement judiciaire de Bruxelles. Le Conseil a seulement décidé de demander au procureur du Roi de Bruxelles d'examiner les modalités à reprendre dans une directive afin de créer une section au sein de son parquet permettant de mieux répondre aux attentes des autorités compétentes des communes participantes à des zones de police en dehors des 19 communes de la Région de Bruxelles-Capitale.

Le membre se dit un peu désolé de devoir parler de ce genre de problèmes dans la discussion du présent projet de loi, mais il souhaite néanmoins savoir quel sera le sort des communes à facilités en cette matière.

Le ministre remarque que les communes à facilités se situent en dehors des 19 communes. Leurs problèmes seront donc réglés comme maintenant. Le parquet de Bruxelles interviendra donc. Pour Hal-Vilvorde, il y a des interventions qui peuvent se faire par un chef de section qui sera désigné. Cela dépendra toutefois de la proposition faite par le procureur du Roi.

Le membre trouve assez clair que cette section traitera des affaires dans les deux langues.

Le ministre réplique qu'à ses yeux, cette section traitera surtout les affaires néerlandophones. Les affaires francophones seront traitées par la section de Bruxelles.

Le membre ne comprend pas bien ce que vient faire ce problème dans le débat actuel.

Un autre membre considère que le débat sur la procédure de comparution immédiate est maintenant considérablement élargi.

Une augmentation du nombre de juges de complément nécessite une modification de la loi. L'avant-projet de loi doit encore être soumis pour avis au Conseil d'État et ne pourra être examiné par les Chambres que par la suite. Quand cette loi entrerat-elle en vigueur ?

Le ministre fait remarquer que la décision d'accroître le nombre de juges de complément fait partie des mesures visant à réduire l'arriéré judiciaire à Bruxelles. Il n'existe donc aucun lien avec la procédure de comparution immédiate.

Le membre se réjouit de l'augmentation annoncée mais observe toutefois que celle-ci ne sera pas effective le 1er juin 2000. Cette solution a en outre déjà été proposée par le gouvernement précédent; elle permet de lutter contre l'arriéré judiciaire dans les tribunaux bruxellois sans devoir modifier la législation sur l'emploi des langues. Le projet de loi modifiant les articles 43, § 5, et 43quinquies de la loi du 15 juin 1935 concernant l'emploi des langues en matière judiciaire, complétant l'article 43 de la même loi et y insérant un article 43septies (doc. Sénat, nº 1-806/1, 1997-1998) a en effet été bloqué en commission de la Justice du Sénat.

Le membre s'étonne par ailleurs de la décision du Conseil des ministres de créer une section séparée au sein du parquet de Bruxelles. Le parquet bruxellois peut prendre de telles décisions de manière tout à fait autonome et ne doit pas obtenir à cette fin l'autorisation du Conseil des ministres.

Un membre doute que le débat portant sur cette décision du Conseil des ministres ait un quelconque rapport avec la discussion du projet de loi à l'examen.

Un autre membre réplique que ces décisions sont le prix politique à payer en contrepartie de l'adoption du projet de loi.

Un membre ajoute que ces décisions font contrepoids aux réserves émises par les magistrats bruxellois à l'encontre de la comparution immédiate.

Le ministre déclare que les mesures annoncées avaient déjà fait l'objet d'une discussion avec les magistrats bruxellois avant que ne débute la discussion sur la comparution immédiate.

Un membre se réfère aux propos du ministre selon lesquels l'instauration de la comparution immédiate ne constitue pas une mesure permettant de résorber l'arriéré judiciaire à Bruxelles. Les décisions que vient de prendre le Conseil des ministres, bien qu'elles présentent certains points communs avec la comparution immédiate, ont en fait une portée beaucoup plus large. Il conviendra donc de les examiner à une autre occasion. Un membre félicite le ministre pour avoir communiqué immédiatement à la commission toutes les décisions prises. Les critiques auraient vraisemblablement été plus acerbes s'il en avait réservé la primeur aux médias.

Un membre rappelle qu'en posant leurs questions orales au premier ministre à l'occasion de la séance plénière du Sénat du 16 mars 2000, les membres des partis de la majorité avaient placé le débat sur la comparution immédiate dans un cadre beaucoup plus large.

Le ministre souligne que l'accord de gouvernement du 28 juillet 1999, sous le titre « Une administration de la justice plus rapide et humaine », annonçait que le gouvernement allait réaliser un audit des tribunaux, cours et parquets de Bruxelles et qu'avant la fin de l'année, le gouvernement prendrait les mesures nécessaires et mettrait en oeuvre les réformes permettant d'assurer le bon fonctionnement de la justice à Bruxelles. Le gouvernement a tenu ses promesses, une première série de mesures ayant été prises le 23 décembre 1999 sur la base de cet audit. La seconde série de mesures a été prise le 17 mars par le Conseil des ministres. Tous ces éléments n'ont aucun rapport avec l'insertion d'une procédure de comparution immédiate dans le Code d'instruction criminelle.

Un membre déclare que son groupe politique reste particulièrement attentif de bien cadrer cette discussion dans une vue générale sur l'ensemble d'une justice de qualité, évitant toute lenteur inutile mais sans discrimination. C'est pourquoi le groupe se penche aussi sur des questions concernant, par exemple, le manque de cadres au niveau de la justice fiscale.

Le membre se réjouit des décisions concernant les tribunaux de Bruxelles. Les personnes auditionnées ont insisté aussi sur les moyens techniques.

Le présent projet de loi soulève des questions quant à des délits entraînant une incapacité de travail de la victime. Peut-on, dans un délai de sept jours, évaluer correctement le degré d'incapacité de travail ? Le système permet-il réellement de faire appel à temps à des médecins spécialisés ?

Le ministre se réfère aux conditions d'application de la procédure de comparution immédiate. Il doit s'agir d'un flagrant délit ou, en dehors du flagrant délit, il faut que des charges suffisantes soient réunies pour soumettre l'affaire au juge de fond. Lorsqu'il s'agit cependant d'une affaire complexe, impliquant coups et blessures entraînant une incapacité, le ministère public n'utilisera pas la procédure de la comparution immédiate. Il fera par contre appel à la mise en instruction de l'affaire.

Selon le membre, un autre problème peut se poser en ce qui concerne la disponibilité d'avocats. Les prévenus auront certes le droit de choisir un avocat, mais des avocats seront-ils disponibles ? Il en va d'ailleurs de même pour les victimes. Celles-ci peuvent, elles aussi, prétendre à une défense compétente de leurs droits, mais comment peut-on assurer qu'elles pourront faire appel à temps à un avocat ? On ne peut d'ailleurs ignorer le fait que la victime sera assez souvent traumatisée et ne sera donc pas d'emblée capable de prendre des décisions importantes.

Le ministre assure que suffisamment d'avocats sont disponibles. La législation sur la détention préventive exige, elle aussi, une grande disponibilité d'avocats. Les avocats se sont déjà bien organisés à cette fin.

En France, ces questions font l'objet d'accords très précis entre le ministère de la Justice, les tribunaux de grande instance et le barreau. On peut certainement s'inspirer de ce modèle, tant en ce qui concerne les avocats à la disposition des auteurs des faits que ceux qui sont à la disposition des victimes. Des mesures particulières doivent en effet être prises pour les victimes en raison du traumatisme qu'elles ont subi.

Le membre demande si le fonctionnement des prisons ne doit pas être réorganisé. Celles-ci doivent être préparées à accueillir à tout moment des prévenus arrêtés.

Le ministre répond qu'il existe déjà actuellement une permanence au niveau des prisons. Sur ce plan il y a d'ailleurs des parallèles entre la procédure de comparution immédiate et celle de la détention préventive.

Le membre demande si suffisamment d'interprètes seront disponibles. Il faudra certainement faire appel à maintes reprises à leurs services dans le cadre d'un grand événement international comme l'Euro 2000. Ils doivent, eux aussi, être disponibles à tout moment, 24 heures sur 24, 7 jours sur 7.

Le ministre répond que dans la perspective de l'Euro 2000, le ministère des Affaires étrangères a conclu les accords nécessaires en la matière avec différentes ambassades étrangères.

Le membre signale ensuite que si le prévenu démontre son indigence, le procureur du Roi transmet, conformément à l'article 7 du projet, sur-le-champ la demande d'assistance juridique au représentant du bureau d'assistance juridique. Compte tenu des délais très courts, ceci sera-t-il réalisable ?

Ce même article prévoit que le dossier est mis à la disposition du prévenu et de son avocat dès que le mandat darrêt en vue de la comparution immédiate est décerné. Ceci risque également de poser des problèmes pratiques.

Une autre réflexion découle de la visite de la commission à Paris. En France, on demande au prévenu et à la victime s'ils ne s'opposent pas à la procédure de comparution immédiate. Quelle est l'opinion du ministre à ce sujet ? Une telle mesure de précaution peut-elle également être intégrée dans le système belge ?

Le ministre souligne que la loi française, contrairement au présent projet, ne prévoit pas d'intervention d'un juge d'instruction. Le prévenu est donc traduit devant la juridiction de jugement dans les 48 heures. C'est pourquoi la loi française impose au juge de demander au prévenu s'il accepte l'application de la procédure de comparution immédiate. La plupart des prévenus acceptent l'application de cette procédure. Dans le système belge, le prévenu devra d'abord comparaître devant le juge d'instruction. Le juge doit en outre rendre un jugement dans un délai de sept jours à compter du mandat darrêt, faute de quoi le prévenu est remis immédiatement en liberté. Le système belge offre donc des garanties beaucoup plus solides que le système français.

Le membre aurait également souhaité que le ministre réponde aux remarques formulées à propos de l'opposition à un jugement rendu par défaut.

Le membre souligne en outre que la criminalité liée à un grand événement sportif comme l'Euro 2000, ne se limite pas géographiquement aux villes où ont lieu les matches. Des groupes de hooligans conviennent parfois de se retrouver en d'autres lieux. Comment résoudra-t-on ce problème ?

Le ministre explique qu'il demandera à tous les arrondissements judiciaires, et pas seulement aux arrondissements des cinq villes où se dérouleront les matches, de se préparer à une application de la loi sur la comparution immédiate.

Le membre estime par ailleurs que la commission doit livrer un travail législatif de qualité. Si des améliorations peuvent être apportées au texte, il faudra réellement le faire.

Enfin, le membre demande si le ministre peut lui garantir que la procédure de comparution immédiate ne sera pas utilisée dans le cadre de conflits sociaux. Étant donné que cela n'est pas mentionné expressément dans le texte de loi, on ne peut pas exclure qu'un juge, se basant sur une interprétation littérale de la loi, applique cette procédure à l'occasion d'un conflit social. Afin d'étouffer dans l'oeuf toute controverse en la matière, ne faudrait-il pas amender le texte soumis en stipulant expressément que la procédure de comparution immédiate ne peut s'appliquer dans le cadre de conflits sociaux ?

Le ministre se réfère à l'occupation des sites industriels par les travailleurs de Boel et à la détérioration des bâtiments de la Vlaamse Milieu Maatschappij par un groupe d'agriculteurs. Dans les deux cas, il s'agissait de conflits sociaux ayant donné lieu à l'ouverture d'une enquête judiciaire. Il s'agit le plus souvent d'affaires complexes mettant également en cause les droits fondamentaux, auxquels ne se prête pas la procédure de comparution immédiate.

C'est une des raisons pour lesquelles l'exposé des motifs stipule que probablement ce type de conflits sociaux ne se prête pas à la nouvelle procédure. En effet, dans de pareilles situations, la sérénité nécessaire fait défaut. Ces affaires demandent une enquête beaucoup plus approfondie. Il est donc exclu que la procédure constitue un instrument juridique pour prendre position dans le cadre d'un conflit social.

En évinçant les conflits sociaux de la loi sur la comparution immédiate, le législateur poserait toutefois un acte d'injonction négative, ce qu'il faut éviter.

Un membre s'inquiète du fait que le ministre déclare que les conflits sociaux ne se prêteront probablement pas à la nouvelle procédure.

Le ministre souhaite écarter toute ambiguïté en la matière. Les conflits sociaux sont exclus du champp d'application de la loi sur la comparution immédiate, comme le précise d'ailleurs explicitement l'exposé des motifs.

Le membre souligne que l'exposé des motifs n'a pas force de loi. Une simple mention dans l'exposé des motifs ne suffit pas à placer les conflits sociaux en dehors du champ d'application de la procédure de comparution. Ou bien il faut l'inscrire explicitement dans la loi même, ou bien il faut le préciser de manière claire et nette au cours de l'examen en séance plénière. Une déclaration en séance pplénière constitue un fil conducteur pour l'interprétation de la loi par les tribunaux.

Le ministre répète que la loi sur la comparution immédiate ne peut s'appliquer dans le cadre des conflits sociaux. Il le confirmera encore sans ambiguïté en séance plénière, comme l'a déjà fait le premier ministre.

Un membre se dit très frappé par le type sociologique des prévenus auxquels la procédure s'applique en France.

Un autre membre estime que les délits à caractère raciste devraient aussi être jugés suivant la procédure de comparution immédiate en cas d'infraction flagrante. L'intervenant a la conviction que la nouvelle procédure entraînera certainement une sorte de justice de classe. Pour qu'elle joue son rôle de justice pour tous les citoyens, il faut au moins que les délits à caractère raciste y soient inclus.

Pour rassurer les victimes, il faut en tout cas prévoir un service pour les avertir des date et lieu du procès. En effet, nous constatons que les victimes sont rarement présentes au tribunal, en tout cas pour ce qui concerne les tribunaux à comparution rapide. De plus, le membre est d'avis qu'il faut plus de temps pour déterminer les dommages civils. Il faut au moins prévoir une expertise préalable de ces dommages.

En ce qui concerne la défense, le ministre a déclaré qu'une défense 24 h/24 h serait prévue. En fait, le ministre se décharge sur le barreau, puisque ce sont les avocats qui doivent l'organiser. Le rôle du ministre et du Parlement est d'assurer une justice équitable. Comment le ministre assurera-t-il une défense réelle, équitable et de qualité, tous les jours y compris les samedis, dimanches et jours fériés ?

Le membre n'est pas d'accord avec l'enquête sociale, telle que décrite dans le projet de loi à l'examen et notamment sur le fait que cette enquête est un résumé. L'enquête sociale doit être une vraie enquête qui décrive les impacts d'une telle peine sur l'individu, sur sa famille et son environnement. Évidemment, pour le faire, il faut disposer des moyens nécessaires et de temps.

Enfin, il faut trouver une solution pour le problème des bandes urbaines de jeunes de moins de 18 ans. Dans les villes, cette problématique crée un sentiment d'insécurité. Si l'on n'arrive pas à y trouver une solution, la procédure de compuration immédiate n'aura pas d'effets psychologiques sur la population. Évidemment, la solution dépend aussi des communautés. Puisque la politique du ministre est de créer un climat de sécurité, il doit aussi prévoir comment donner des moyens préventifs à tous les niveaux, communal, régional et communautaire, pour diminuer effectivement l'impact de ce sentiment d'insécurité.

Le ministre souligne que, en ce qui concerne les délits tels que décrits par la loi sur le racisme de 1981, il est évident que le projet de loi à l'examen est aussi d'application si le délit est soit flagrant, soit l'objet de charges suffisantes. Ces deux éléments sont nécessaires. Le ministre explique qu'il a déjà fait état de cette thèse, mais apparemment, cela ne suffit pas. La circulaire qui doit être envoyée aux procureurs généraux doit les reprendre comme étant absolument acquis.

La loi prévoit que les victimes connues seront contactées et informées des lieu, jour et heure de la comparution immédiate par tout moyen approprié. Lors du débat à la commission compétente de la Chambre, certains exemples ont été donnés : par une intervention de la police, par fax, par téléphone. Le ministre ne sous-estime pas non plus la possibilité d'identification par les victimes. Souvent, ce sont elles qui ont déclenché l'affaire par le dépôt de la plainte. Dans certains cas, il se peut que l'on n'ait pas pu identifier une personne qui, par après, s'estime lésée et qui pourrait soit se constituer partie civile, soit introduire une demande comme partie lésée. Une des conditions prévues est que les intérêts civils devraient être réservés et garantis en même temps.

En ce qui concerne la défense équitable et l'appel aux avocats, l'auteur et la victime ont le libre choix de leur propre avocat. Si l'avocat n'est pas présent ou si quelqu'un n'a pas les moyens pour se permettre un avocat, le barreau doit organiser une permanence. Ceci n'est pas nouveau. Dans chaque arrondissement judiciaire, ces permanences existent. Pour les jeunes déliquants, un service 24 h/24 h, 7 jours/7 jours existe. Le ministre y voit pour le barreau un moyen exceptionnel de rendre service à la société. Le ministre s'est toujours étonné de ne pas avoir vu, au cours des 10 dernières années, le barreau en bonne posture en ce qui concerne les problèmes de justice que nous avons rencontrés. Il serait probablement de bon ton si le barreau essayait d'utiliser la perche qui lui est tendue actuellement pour laisser voir son bon côté. De cette façon, le citoyen aurait une autre vision de cette profession. Les avocats ont tout intérêt à faire un effort supplémentaire.

Le ministre estime que le temps nécessaire pour réaliser l'enquête sociale est assez long et les moyens seront prévus. Le corps des assistants de justice sera élargi. C'est à eux que l'on demandera de régler la permanence de travail, spécialement dans ce type d'affaires.

L'article 46bis de la loi sur la protection de la jeunesse a mis en application la comparution immédiate pour les jeunes. Le problème se retrouve au niveau des communautés. En effet, lorsque la décision est prise d'enfermer un mineur d'âge dans une institution close, le problème se pose aux communautés. Le ministre a déjà pris contact avec les ministres compétents des communautés pour essayer de trouver une solution. Il a l'impression que dans le passé, il y avait un manque de dialogue et de volonté de progresser. Le ministre espère que, dans le contexte du plan de sécurité, le dialogue s'installera et amènera à trouver une solution en pratique pour ces problèmes, surtout dans les grandes villes et spécifiquement à Bruxelles. À juste titre, le membre a souligné que le sentiment d'insécurité provient du manque d'application sur le terrain du principe de pouvoir enfermer, si c'est absolument nécessaire, un mineur dans une institution close.

Un membre déclare avoir été moins impressionné par le contenu des interventions des magistrats au cours des auditions que par leur forme. Il a même été étonné du ton et du style de certaines interventions. L'exposé de M. le juge d'instruction Vandermeersch, qui contenait plusieurs observations pertinentes, c'est révélé une contribution positive, tandis que le procureur du Roi de Bruxelles se contentait de quelques généralités didactiques s'adressant davantage aux médias qu'aux membres de la commission de la Justice. Le procureur a en fait profité de l'occasion pour exprimer ses griefs à propos des problèmes de sécurité juridique qui se posent dans l'arrondissement de Bruxelles. L'intervenant constate donc une opposition entre les exposés des magistrats au cours des auditions et les points de vue adoptés en septembre 1999 par le collège des procureurs du Roi et le collège des procureurs généraux qui se disaient disposés à mettre tout en oeuvre, dans la mesure de leurs possibilités, pour assurer l'exécution du présent projet de loi, tant dans la perspective de l'« EURO 2000 » qu'après. Par ailleurs, le membre rappelle qu'au cours des discussions de la première formule de procédure accélérée devenue la loi du 11 juillet 1994, les milieux juridiques avaient émis de nombreuses critiques, alors que ces mêmes magistrats défendent à présent cette loi de 1994 comme étant un moyen suffisant pour s'attaquer à tous les problèmes.

Le membre souligne que si ce gouvernement doit se fixer beaucoup de priorités, y compris dans le domaine de la justice, c'est parce que ce département a été négligé pendant des années. Durant la période de 1991 à 1995, le ministre de la Justice était aussi vice-premier ministre et ministre de l'Économie. En 1995, le gouvernement s'est rendu compte que la fonction de ministre de la Justice devait être exercée à temps plein, vu l'importance de la Justice pour l'État de droit.

Des décisions importantes doivent être prises, mais la procédure accélérée ne fait pas partie des priorités du département de la justice. S'il n'y avait pas eu l'« EURO 2000 », le commissaire aurait assurément insisté pour que l'on prenne davantage le temps d'examiner ces projets de loi en profondeur. Cependant le prochain tournoi de football étant un fait, l'intervenant ne tient pas à ce que, si des incidents graves devaient se produire au cours de cette compétition, le monde politique soit montré du doigt pour n'avoir pas donné les moyens nécessaires au pouvoir judiciaire.

Les projets à l'examen deviendront des lois à risques. L'intervenant déduit de toutes les interventions que chacun en est conscient. Ces projets ne remplacent pas les autres mesures, indispensables, que requiert la justice; ils ne sont qu'un instrument complémentaire. Étant donné qu'il s'agit de lois à risques, une évalutation permanente s'impose dès leur entrée en vigueur. Le ministre a déà promis une première évaluation après l'« EURO 2000 ». Elle devrait avoir lieu au plus tard à l'automne 2000, après quoi, une nouvelle évaluation suivrait à l'été 2001 sur le fonctionnement de la procédure accélérée au moment où tous les arrondissements judiciaires disposeront de ces moyens supplémentaires. À ce moment-là, on pourra vérifier s'il y a eu des dérapages, c'est-à-dire si certains groupes de la population n'ont pas été visés à tort.

Le dernier point concerne le rôle du collège des procureurs généraux dans le cadre de l'exécution de ces projets de loi. Le législateur doit définir le plus clairement possible la finalité de ces projets de loi, sans empiéter sur le terrain du collège des procureurs généraux. Il appartient au ministre de la Justice et au collège des procureurs généraux d'esquisser la politique des poursuites en fonction de l'objectif des projets de loi à l'examen. Il est évident que le collège jouera un rôle dans les limites fixées par le législateur. Et le législateur exercera son droit de contrôle de la politique des poursuites au travers du rapport que ledit collège doit transmettre chaque année au Parlement.

L'intervenant souligne que ces projets de loi comportent des risques. Il suivra par conséquent avec beaucoup de vigilance la manière dont ils seront appliqués et veillera à leur exécution.

Le ministre déclare que, pour le gouvernement, la procédure accélérée est un moyen et non un but en soi. L'objectif est certes de rendre rapidement la justice, mais la méthode pour ce faire doit être beaucoup plus circonstanciée et plus structurée que celle prévue par les projets de loi à l'examen. Le ministre répète qu'une évaluation aura lieu après la première application de la procédure accélérée, évaluation qui devra aussi montrer si la procédure accélérée a réellement eu l'occasion d'être mise en oeuvre.

Selon le ministre, il est positif que l'on souligne le rôle qui est attribué au collège des procureurs généraux en matière de politique pénale. Tant la politique des poursuites que la politique de recherche sont des composantes de la politique criminelle. Il est absolument nécessaire de pouvoir mettre de l'ordre dans cette politique criminelle. Voilà pourquoi l'article 143bis du Code judiciaire dispose que le collège des procureurs généraux évalue, sous l'autorité du ministre de la Justice, la manière dont les directives de la politique criminelle sont mises en oeuvre. Le collège fait annuellement rapport au ministre de la Justice. Ce rapport est communiqué aux Chambres. Le Parlement détient donc une double clef, tant au niveau du contrôle qu'il exerce sur le ministre de la Justice qu'au niveau du rapport annuel du collège des procureurs généraux.

Le ministre réfute catégoriquement l'impression selon laquell;e son cabinet ne s'occuperait que de la procédure accélérée et du plan de sécurité. Il s'occupe aussi d'autres grandes priorités. C'est ainsi qu'un projet de loi sur le parquet fédéral sera déposé prochainement. En effet, s'il y a bien une leçon que l'on doit tirer des commissions d'enquête parlementaires de ces dix dernières années, c'est précisément la nécessité de s'attaquer aux délits qui dépassent les arrondissements judiciaires et qui relèvent souvent plus ou moins de la criminalité organisée. Par ailleurs, il y a aussi un projet visant à compléter le Code d'instruction criminelle, à propos de la lutte contre la criminalité organisée, par la mise en place d'un cadre législatif relatif aux techniques policières spéciales, à la recherche proactive. La coopération internationale en matière pénale constitue une troisième priorité. Jusqu'à présent, nous avons été impuissants face à ces formes de criminalité transfrontalière. Enfin, il faut fixer, dans des textes de loi, la réglementation s'appliquant aux repentis et aux témoins anonymes.

En ce qui concerne la criminalité en col blanc, les travaux doivent être axés sur deux domaines. Ainsi, pour pouvoir combattre la corruption, on devait pouvoir faire appel à un institut chargé d'une mission administrative en matière de prévention, qui élabore des codes de déontologie et des règles à l'intention des personnes exerçant une fonction publique et qui, à ce titre, ont des contacts avec le secteur privé, et l'on devrait aussi disposer d'un organe de police qui relèverait de la police fédérale et serait chargé de gérer le phénomène de la corruption. Le deuxième volet concerne l'échange de données (entre les autorités judiciaires, ainsi que les informations provenant des inspections sociales et financières. L'instruction judiciaire qui est menée peut aussi représenter un apport de deniers pour le Trésor. Les services financiers doivent apprendre à travailler avec des méthodes qui rapportent et ils doivent pouvoir collaborer avec les autres départements. C'est ainsi qu'en France, on a créé des « cellules » mixtes qui font circuler les informations collectées par tous les services de contrôle et réalisent ainsi une plus-value. L'Union européenne ne cesse, elle aussi, de plaider pour qu'une politique des poursuites similaire soit instaurée à l'échelon européen dans un espace juridique européen.

Le préopinant se réjouit de constater que la procédure accélérée n'est pas la seule priorité du gouvernement actuel.

En ce qui concerne la problématique de la criminalité financière et de la fraude fiscale, l'intervenant avance que le ministre doit faire une distinction entre la poursuite de la fraude fiscale commise par les citoyens et les entreprises ordinaires et la criminalité financière organisée à l'échelon international. La fraude fiscale est toujours asociale, en ce sens qu'un certain nombre de personnes soustraient leurs revenus à l'imposition. La criminalité financière organisée à l'échelon international est cependant un instrument de blanchiment des recettes d'une autre criminalité grave, qui nécessite d'autres instruments juridiques.

Une commissaire peut se rallier à la thèse selon laquelle la procédure accélérée doit être une des clés de voûte d'une prévention bien élaborée et ciblée.

Elle souligne la différence entre les auditions qui ont eu lieu au sein de la commission compétente de la Chambre, où ont été formulées de manière très constructive des critiques et des observations, et les auditions auxquelles a procédé la commission sénatoriale, qui n'ont donné lieu qu'à des critiques presque exclusivement destructrices.

L'avant-projet de loi initial a accompli un long périple et a été adapté à de nombreuses reprises. L'une des modifications auxquelles il a également été fait référence à maintes reprises lors des auditions est le possibilité actuelle d'appliquer aussi la procédure accélérée sans détention. Le juge d'instruction peut libérer l'inculpé et celui-ci ne doit plus comparaître en état d'arrestation devant le tribunal. Peut-être l'intitulé du projet est-il trop rigide et prête-t-il dès lors à confusion. L'accent a sans cesse été mis sur l'aspect néfaste de l'arrestation dans le cadre de la procédure accélérée, alors que la possibilité de renoncer à l'arrestation est également prévue. On a prévu non seulement des mesures répressives, mais aussi des mesures qui favorisent la réintégration sociale, comme les travaux d'intérêt général. La question de savoir si l'on optera plutôt pour des peines alternatives ou non dépendra sans doute de la personnalité du juge. C'est pourquoi l'intervenante plaide pour une plus grande sensibilisation aux peines de substitution.

Même si un certain nombre de questions de procédures engendrent l'imprécision et la confusion, il n'en reste pas moins que certaines critiques concernent des problèmes d'organisation qui ont été résolus dans d'autres pays.

S'agissant de la question de la prolongation du délai pour le porter de 24 à 48 heures, ce membre se dit effrayé par l'exemple pratique cité par le juge d'instruction d'Anvers. Il n'est pas admissible que des magistrats du parquet payés pour assurer des permanences nocturnes restent tranquillement chez eux et décident de n'entendre le suspect que le lendemain. Une telle manière de procéder ne serait pas non plus admise de la part du service des urgences d'un hôpital. L'exemple donné (il a fallu 21,5 heures pour que les services de police établissent trois déclarations et que le procès-verbal soit transmis au parquet) amène à se poser des questions sur le principe du service d'urgences. Tous les acteurs de terrain doivent prendre leurs responsabilités et faire un sérieux effort. Le procureur général près la cour d'Anvers a déclaré à ce sujet que divers services, tels qu'un service d'urgences, devraient pouvoir gérer correctement ce genre de situations. Il appartient au ministre de veiller à ce que des accords soient conclus à cette fin.

Le problème du dédommagement attribué par le tribunal mérite toute l'attention requise mais n'a pas trait uniquement à la procédure de comparution immédiate en tant que telle. Sans doute faut-il plaider pour une augmentation de la dotation de ce fonds.

L'attitude des intervenants durant l'audition appelle des questions. L'on ne peut pas refuser d'appliquer la loi. Lorsque des projets de loi sont adoptés, ces textes doivent être appliqués loyalement.

Bref, pour ce qui est des projets de loi à l'examen, le membre se dit réservé mais veut aussi se montrer constructif. Il est capital de bien évaluer ces projets et l'Euro 2000 constituera une première évaluation. Il est positif que le ministre ait passé des accords clairs et précis à ce sujet. Quel que soit le texte adopté par le législateur, le résultat dépendra toujours de l'engagement et de la bonne volonté des acteurs de terrain.

En comparant les auditions en commission de la Chambre et celles en commission du Sénat, le ministre a relevé la même différence qui est principalement due au fait que la commission de la Chambre a surtout entendu des magistrats qui appliquent déjà la procédure de comparution immédiate, même si c'est à l'étranger, tandis que le Sénat a entendu des magistrats belges qui se sont exprimés surtout sur leur perception de l'application éventuelle de la procédure de comparution immédiate. Pour pouvoir brosser un tableau réaliste, il faut pouvoir vivre dans la situation donnée. Il n'empêche que les auditions au Sénat ont été un bon exercice pour donner la parole aux magistrats belges.

Tous les chefs de corps, tant du siège que du ministère public et des barreaux, ont été associés à l'élaboration des projets de loi à l'examen. Les critiques émises étaient souvent très nuancées. Il s'avère à présent que les magistrats se sont plutôt servis des projets de loi à l'examen pour réitérer une plainte générale qui existait déjà auparavant, comme si la procédure de comparution immédiate avait causé cette plainte et comme si le gouvernement actuel aurait pu faire des miracles depuis son arrivée aux affaires.

En ce qui concerne l'observation relative à l'intitulé du projet de loi, le ministre renvoie à la réponse qu'il a donnée en commission de la Chambre. Sur le plan strictement juridique, cette critique est peut-être fondée, encore qu'un intitulé ne corresponde pas toujours au contenu du texte et qu'il puisse être retravaillé tôt ou tard.

Le ministre espère que l'application de la procédure de comparution immédiate ouvrira les yeux aux juges d'instruction sur la question de l'arrestation, en leur montrant qu'ils ne doivent pas systématiquement placer la personne concernée en détention préventive.

Le ministre se réfère à l'expérience accumulée après une année d'application de la loi Franchimont : l'efficacité de cette législation semble nettement supérieure à ce que l'on avait escompté initialement. Le ministre en appelle donc à la magistrature pour qu'elle adopte une attitude positive. Le monde politique fait également d'importants efforts pour dégager les moyens nécessaires. Selon sa propre expérience, le ministre constate qu'un corps motivé de magistrats accomplit des choses extrêmement louables.

Voilà pourquoi il plaide en faveur d'une attitude plus nuancée et moins dure à l'égard du projet à l'examen.

Un membre évoque, en marge du présent projet de loi, la relativisation des conséquences des activités dans le cadre de l'Euro 2000 dès lors que seul le match Allemagne-Angleterre, qui se déroulera à Charleroi, est un match à risques. Il est clair que l'application du projet de loi insérant une procédure de comparution immédiate dans le code d'instruction criminelle ne peut pas être axée uniquement sur le danger de hooliganisme dans le cadre de l'Euro 2000, mais qu'au contraire une analyse plus vaste s'impose. En effet, de nombreuses personnes sont victimes chaque jour d'agressions et de vols.

Le même intervenant souhaite relativiser les points de vue de certains magistrats belges qui ont été entendus par la commission le 14 mars et des magistrats français rencontrés dans le cadre d'une visite éclair à Paris, le 9 mars. Il renvoie notamment à l'audition de maître Dayez.

Le membre souligne qu'il entend n'être le porte-parole d'aucun groupe de pression.

Il n'est sans doute pas recommandé non plus de limiter à un seul pays l'intérêt pour la pratique de la procédure de comparution immédiate à l'étranger.

La législation en France est moins garante de la liberté individuelle que ne l'est le projet actuel.

Quelles sont les infractions qui vont faire l'objet de la procédure de comparution immédiate ?

Quel sera le contenu de la circulaire à établir en collaboration avec les procureurs généraux ?

Ensuite le membre pose quelques questions d'ordre ponctuel. En ce qui concerne le calendrier, l'ensemble corresponderait-il au système français ?

La deuxième question concerne l'enquête sociale. Est-il possible de faire une enquête sociale permettant de mesurer une forme de délinquance dans un délai aussi court ?

La troisième question touche le problème d'emprisonnement.

Certains magistrats ont vu leur rôle réduit à celui d'assistants sociaux améliorés. Il renvoie au plan de sécurité et à la précédente discussion au sein de cette commission, au cours de laquelle le ministre a déclaré que la peine alternative est la règle et l'emprisonnement, l'exception. Le membre affirme pouvoir souscrire à ce point de vue mais souhaite insister pour que les peines alternatives soient effectivement effectuées.

L'on constate trop souvent que le condamné considère sa peine alternative comme une manière d'échapper à la justice. Ne faudrait-il pas mettre au point un système qui en quelque sorte donne le choix entre la prison ou des travaux d'intérêt général ?

Dans ce dernier cas, il y a lieu de prévoir un système de vérification permettant de s'assurer que le condamné a purgé toute sa peine et que celle-ci est perçue comme un acte de réparation du dommage occasionné à la société, ce qui implique une sorte de processus de conscientisation chez l'intéressé.

Un autre membre pose deux questions.

La première question concerne le rôle du juge d'instruction. Beaucoup de questions qui ont été formulées par plusieurs de ses collègues dans le cadre des auditions organisées par la commission sont liées à une incompréhension du rôle du juge d'instruction dans le cadre du projet. L'on constate une confusion entre le rôle qu'il joue sur le plan de la procédure de comparution immédiate dans le Code d'instruction criminelle et son rôle traditionnel. Dans le cadre de ce projet le rôle du juge d'instruction ne consiste pas à instruire. Il est le juge qui doit statuer sur la demande du procureur du Roi de décerner un mandat d'arrêt.

La deuxième question a trait à la notion de magistrat de complément. Lors des auditions, le membre a constaté une confusion entre le juge suppléant et le magistrat de complément. Ce dernier magistrat a le statut, les conditions de travail et la rémunération d'un magistrat effectif. La seule différence est que le magistrat de complément n'est pas attaché à un tribunal, mais au ressort d'une cour d'appel.

Le ministre de la Justice déclare qu'il faut se garder de considérer le présent projet de loi comme une loi de circonstance. Cette législation n'a pas été élaborée uniquement pour faire face à l'Euro 2000; elle est surtout la traduction des objectifs qui figurent dans l'accord de gouvernement.

À propos des auditions de magistrats organisées par la commission, le ministre tient à souligner que les quatre derniers magistrats ont fait une analyse plus nuancée. Il cite surtout M. Du Four, procureur du Roi de Termonde, qui fut chef de cabinet adjoint du ministre de la Justice au cabinet Wathelet.

En ce qui concerne le calendrier, le ministre renvoie au tableau détaillé repris dans les annexes du rapport de la Chambre.

Le ministre maintient sa position que la peine de prison est l'ultime remède, puisque les dommages occasionnés par un emprisonnement contiennent pas mal d'arguments en faveur de peines alternatives.

L'aspect éducatif ne peut certainement pas être perdu de vue; un des objectifs essentiels est d'éveiller le sens des responsabilités envers la société, et surtout envers la victime.

L'argument contre les peines alternatives, à savoir le manque de personnel pour assurer le suivi des auteurs, ne peut plus être invoqué aujourd'hui.

Les maisons de justice sont en pleine évolution. À côté des maisons de justice, l'on a opté pour la formule d'un tribunal d'application des peines. Cela nécessite cependant une révision de la Constitution.

Le ministre se rallie pleinement aux propos du préopinant qui fait la lumière sur la confusion qui règne dans l'esprit de certains commissaires par rapport à la tâche conférée au juge d'instruction dans le cadre du présent projet de loi.

Une membre émet des doutes quant au fait que les critères d'application de la procédure de comparution immédiate aient trait aux infractions et non pas aux groupes de personnes qui les commettent. En réalité, cette procédure s'appliquera principalement aux allochtones, qui constituent un des groupes les plus faibles de la société. L'intervenante le déplore vivement. Elle se réfère d'ailleurs à la constatation faite par la délégation de la commission qui s'est rendu à Paris : 80 % des personnes jugées dans le cadre de la procédure de comparution immédiate sont des allochtones.

Il est à espérer que la Belgique n'évoluera pas dans cette direction.

La membre formule ensuite des observations concernant l'action des forces de l'ordre.

L'instrument que constitue la procédure de comparution immédiate ne risque-t-il pas de favoriser un maintien de l'ordre répressif ? D'où l'importance capitale d'une politique de prévention à part entière. Il faut veiller à ce que la politique de prévention reste la même dans tout le pays.

La membre souligne par ailleurs l'importance d'une évaluation de la procédure de comparution immédiate après un an d'application.

Enfin, l'intervenante prône l'instauration d'un formation interculturelle dans le cadre de la préparation des policiers et des magistrats.

La mise en liberté sous condition dans le cadre de la loi relative à la détention préventive est peu appliquée en raison du manque de personnel pour assurer le suivi de la mesure de probation. L'intervenante se réjouit que le Conseil des ministres ait décidé d'affecter 180 millions au renforcement du personnel qui est une nécessité.

Le ministre réitère son constat selon lequel il faudra accorder plus d'attention aux mesures préventives qui consisteraient notamment à consacrer davantage de moyens à l'accueil, à l'encadrement et à la formation des plus faibles de notre société, afin que ces personnes risquent moins de tomber dans la criminalité et de faire l'objet de mesures répressives. La création d'un réseau de filets de sécurité doit permettre à tous les citoyens qui composent la société de se voir offrir les mêmes chances, quels que soient leur race, leur couleur ou leur sexe. Une approche scientifique de cette problèmatique s'impose en vue d'améliorer notre connaissance de ce phénomène et d'en tirer les bonnes conclusions.

Ce n'est pas aux forces de l'ordre de décider de l'application de la procédure de comparution immédiate. L'initiative est prise par le ministère public. Le ministre se rend d'ailleurs bien compte que les droits fondamentaux garantis par la Constitution ne sont pas toujours respectés par certains représentants des forces de l'ordre.

Selon le ministre, la crainte que la procédure de médiation pénale ne soit vidée de sa substance n'est pas justifiée. Si tel était le cas, cela serait dû uniquement au fait que le ministère public ne fait pas usage de cette procédure et préfère appliquer la procédure de comparution immédiate. Le ministre plaide en tout état de cause pour l'application de la médiation pénale, cette formule constituant un excellent moyen de traiter des affaires qui peuvent être considérées comme ne représentant pas un danger pour la société (par exemple une affaire de coups et blessures simples).

On n'a pas encore suffisamment fait usage, jusqu'à présent, des possibilités offertes par la loi relative à la détention préventive. C'est pourquoi le ministre a décidé que les juges d'instruction peuvent faire appel au service psychosocial de la prison en ce qui concerne l'examen et la préparation d'une mesure éventuelle de mise en liberté sous condition de personnes qui ont été placées sous mandat d'arrêt. Cette obligation de collaboration avec les juges d'instruction a été imposée à l'administration des établissements pénitentiaires par circulaire ministérielle. Les juges d'instruction ont été avisés de cette possibilité par l'intermédiaire des procureurs généraux.

Un membre souligne que la discussion sur le projet de loi à l'examen ne se limite pas à sa technicité. On y a en effet associé des conditions qui lui sont totalement étrangères, comme la politique de sécurité du gouvernement et, plus particulièrement, la concrétisation de la prévention et de la prise en charge, ainsi que la réorganisation du tribunal de Bruxelles. La discussion a ainsi pris une dimension politique. Par ailleurs, y a-t-il un lien politique entre la loi sur les naturalisations, d'une part, et la procédure accélérée, d'autre part ? Dans la nouvelle culture politique, les divers partis de la majorité doivent en effet avoir l'opportunité d'émettre leur point de vue, afin qu'ils puissent marquer des points.

Dans cette optique, on fausse le débat parce qu'on n'est plus enclin à écouter les arguments de l'opposition qui pourrait éventuellement attirer l'attention sur des problèmes de technique juridique. L'opposition ne voit cependant pas pourquoi aucun amendement ne peut être adopté. La compétition footballistique « Euro 2000 » ne débute en effet que fin mai 2000. On pourvoit aujourd'hui au nombre d'emplois vacants ­ comme le prévoit une loi qui avait déjà été adoptée au cours de la législature précédente en exécution de la loi dite « Franchimont » ­ pour rendre opérationnelle la nouvelle procédure accélérée, de sorte que l'on ne pourvoira pas aux emplois vacants pour les affaires de droit commun avant le début de la compétition de football. L'augmentation du nombre des juges suppléants à Bruxelles n'y remédiera pas.

La procédure accélérée pose une série de problèmes, tant sur le plan général qu'au niveau technico-juridique et du contexte politique du débat. L'intervenant a beaucoup apprécié l'audition des magistrats, même s'il ne partageait pas toujours leurs observations quant au fond et n'était pas toujours d'accord sur le style de certaines interventions. Il est en effet préférable de permettre à la magistrature, au cours du débat parlementaire, d'indiquer les points qui, à son avis, pourraient poser problème, plutôt que de la voir a posteriori ne pas appliquer la loi qui aura été votée, sous prétexte que celle-ci serait en contradiction avec la hiérarchie des normes ou les droits de l'homme. Ces arguments valent la peine qu'on s'y attarde.

Problèmes politico-éthiques

L'intervenant souligne tout d'abord les problèmes politico-éthiques de la procédure accélérée. Il déclare ne pas être opposé à la procédure accélérée proprement dite, mais bien à la série de conditions qui y sont liées par le projet à l'examen. Celui-ci risque par conséquent, une fois voté, de ne pas être effectif sur le terrain.

Le danger d'une éventuelle différence de traitement entre coupables potentiels est réel. Le problème de l'égalité du citoyen devant la loi a été soulevé par plusieurs magistrats. Une justice à deux vitesses risque de voir le jour, en fonction du type de litige et du groupe cible. Au cours de son audition, le juge d'instruction Van Cauwenberghe a cité l'exemple de l'obligation d'entendre préalablement l'avocat lorsqu'un mandat d'arrêt est décerné dans le cadre de la procédure de comparution immédiate, ce qui n'existe pas en cas d'application de la détention préventive lorsqu'il s'agit d'affaires plus importantes. Afin d'échapper à la critique de la discrimination dans les procédures, il convient de veiller à ce que la distinction que l'on fait soit formulée dans des termes précis et n'entraîne aucune conséquence indésirable. Plusieurs magistrats estiment qu'il y a un problème à cet égard. Il n'est pas sûr que la procédure proposée passe l'épreuve de l'article 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, lequel garantit le droit à un procès équitable dans lequel les parties luttent à armes égales et ont le droit d'appeler, dans une même mesure, des témoins à charge et à décharge. Si une affaire doit être jugée dans un délai de quelques jours, cela pourrait entraîner des problèmes.

Le ministre a évoqué dans son introduction le besoin ressenti par l'opinion publique de voir sanctionner immédiatement certains délits et il a souligné l'effet préventif de ce type de sanction rapide. L'intervenant se dit opposé à un « droit émotionnel ». En effet, au fil des siècles, le droit a apporté à la société une certaine forme de civilisation et de tolérance. Certains groupes minoritaires ou les personnes présentant un comportement déviant risquent d'être considérés comme des boucs émissaires pour tout ce qui ne va pas dans notre société. Le membre renvoie à cet égard aux thèses du philosophe français Girard. Le droit doit s'opposer à une telle approche. Il n'y a pas de droit sans sérénité. Si l'émotion intervient lorsqu'il s'agit de juger l'auteur du fait délictueux, la sérénité requise fait défaut. La médiatisation de notre société fait en sorte que les gens sont souvent condamnés tout de suite par l'opinion publique, indépendamment de la procédure ultérieure. Le droit est donc contraire par essence à une société médiatisée, parce qu'il entend examiner les arguments de manière rationnelle et lutter contre les préjugés. Cela nécessite une certaine réflexion et un certain recul. Ce recul fait largement défaut dans le droit pénal. Souvent la pression de l'opinion publique est très forte, comme on l'a déjà vu par le passé.

De plus, le procès a aussi une fonction envers l'auteur de fait délictueux, puisqu'il sert à lui faire accepter la sanction. Le procès est une espèce de rituel au cours duquel l'auteur peut exposer ses arguments. L'organisation de la procédure de comparution immédiate ne peut pas susciter l'impression qu'une approche mécanique et positiviste des délits soit une méthode appropriée. En cas de débordement de violence, certains réactions de la part de la magistrature sont inévitables. D'autres mesures doivent néanmoins être prises pour résoudre le problème de la surcharge dans le domaine des affaires criminelles.

Le grand problème dans un discours purement pénal, c'est la non-reconnaissance des problèmes en amont. On veut canaliser l'afflux en aval pour ce qui est du pouvoir judiciaire, mais on néglige le véritable problème. Le défi à relever consiste à réduire les délits potentiels, ce qui nécessite une approche globale : d'une part, une action sélective à l'aide des dispositions du droit pénal et, d'autre part, la redéfinition de certaines normes de société qu'il est nécessaire que chacun respecte spontanément.

L'intervenant se demande que est le rôle de la victime dans tout cela. Pour donner satisfaction à la victime sur le plan civil, un deuxième procès, à savoir un procès au civil, est nécessaire. Les procédures ne s'en trouvent donc pas réduites.

Observations juridiques et techniques

Sur le plan de la technique juridique, les auditions de magistrats ont permis de dégager plusieurs arguments, dont certains ont plus de poids que d'autres. Le membre renvoie aux observations faites devant la commission du Sénat par le procureur général d'Anvers qui ont apporté des éléments nouveaux par rapport aux déclarations faites devant la Chambre des représentants. Cela illustre qu'il n'est pas impossible d'arriver à une nouvelle vision des choses après une étude plus approfondie du projet. Le membre renvoie en outre aux observations faites le 3 mars dernier par le conseil des procureurs du Roi et fondées sur le texte approuvé à la Chambre.

Champ d'application

L'article 20bis , § 1er , alinéa 1er , proposé, figurant à l'article 7 du projet de loi à l'examen, concerne les critères relatifs à la procédure de comparution immédiate. Selon l'intervenant, l'on utilise toutes sortes d'artifices juridiques qui ne passeront pas le cap du contrôle juridique. Il craint notamment que l'on ne s'en tienne pas à la lettre de la loi encore en projet, et que d'aucuns ne se mettent à l'interpréter de telle manière que des affaires qui tombent dans son champ d'application en sortent finalement si l'on se réfère aux déclarations faites par le ministre de la Justice au Parlement. L'interprétation des lois sur la base des travaux préparatoires remonte toutefois au XIXe siècle. Cette méthode, qui était celle de l'école des exégètes, est totalement dépassée en l'an 2000. Une fois que la loi a été votée, elle a une signification autonome. Le champ d'application de la loi doit être défini dans la loi même. Ni les déclarations faites au cours de la discussion parlementaire du projet ni les directives des procureurs généraux ne peuvent modifier l'application de la loi quant au fond. Pareilles circulaires constituent un moyen adéquat pour fixer des priorités, mais elles ne peuvent en aucun cas servir à fixer le champ d'application d'une loi. Si l'on se base sur le texte à l'examen, il se pourrait que la loi soit appliquée par un magistrat du parquet à une affaire dans laquelle le juge prononce une peine de prison de 10 ans, en application de la théorie des circonstances atténuantes. Le champ d'application de la loi est beaucoup trop vaste et il en résultera des aberrations.

Le Conseil d'État a également souligné que le champ d'application doit être précisé par le Parlement et non pas par les procureurs généraux. Selon le Conseil d'État, il appartient au Parlement de faire les distinctions nécessaires pour fixer au moins les lignes essentielles des critères permettant de réunir du point de vue de la substance différentes catégories d'infractions, en vue de les soumettre à une procédure rapide tout en sauvegardant la liberté individuelle. L'on n'a pas tenu compte de cette observation fondamentale du Conseil d'État. Lorsque l'on se penche sur la définition ­ un an d'emprisonnement ou, après application des circonstances atténuantes, 10 ans d'emprisonnement ­ l'on est forcé de constater que le cadre est beaucoup trop large. L'intervenant se demande s'il existe des cas dans lesquels la peine prononcée après application de la théorie des circonstances atténuantes est de 10 années d'emprisonnement et qui pourraient faire l'objet de la procédure de comparution immédiate.

Selon le rapport de la réunion du conseil des procureurs du Roi, les coups et blessures « ordinaires » tomberont dans le champ d'application de la loi puisque ce type d'infraction est passible d'une peine maximale de six mois d'emprisonnement. Les coups et blessures entraînant une incapacité de travail (article 418 du Code pénal) constituent la catégorie de dossiers la plus nombreuse et l'essentiel des dossiers de criminalité urbaine. Ces dossiers devraient tomber sour le coup de la loi. Qualifier ces délits dans les sept jours est toutefois impossible puisqu'un rapport d'expertise doit être établi afin de connaître le degré de l'incapacité de travail, qui détermine le taux de la peine. Selon le ministre de la Justice, cette catégorie de délits ne pourra dès lors pas entrer dans le champ d'application du projet. Mais, quel est alors encore le sens de celui-ci ? Voilà qui illustre une fois de plus les dangers de la définition du champ d'application.

La limite inférieure, qui est fixée aux peines d'un an d'emprisonnement, est trop élevée et doit être ramenée à six mois, selon le membre, afin que les dossiers de coups et blessures « ordinaires » puissent également entrer dans le champ d'application de la loi à l'examen. Quant à la limite supérieure, elle est trop élevée. Il est disproportionné de prononcer une peine de dix ans d'emprisonnement dans le cadre de la procédure de comparution immédiate. Il faut admettre que les garanties intégrées dans la procédure soient proportionnelles à l'importance de la peine. L'intervenant annonce le dépôt d'un amendement visant à ramener la limite supérieure à un emprisonnement de cinq ans.

La définition des délits commis avec violence sur les personnes et sur certains biens doit également être précisée afin de respecter les principes de l'État de droit. Le projet à l'examen risque, dans sa formulation actuelle, de conduire à une application arbitraire de la procédure. La marge est beaucoup trop importante, comme l'a d'ailleurs relevé le Conseil d'État.

Autres observations

Le membre renvoie à d'autres observations faites par le conseil des procureurs du Roi. Le délai d'un mois dans lequel les faits doivent être établie est-il bien réaliste ? Le projet peut-il s'appliquer tel quel aux affaires de hooliganisme ? Ici aussi, les choses sont loin d'être claires. La problématique des libertés politiques et syndicales mérite également que l'on apporte les précisions nécessaires.

L'intervention des avocats dans les vingt-quatre heures en cas de délivrance du mandat de détention préventive en vue de comparution immédiate pose également un gros problème au niveau du respect du principe d'égalité, dès lors que dans les affaires plus importantes et plus complexes, l'avocat de la défense n'est pas associé à la procédure. On pourrait s'attendre à ce que ce soit plutôt l'inverse. Comment cela se justifie-t-il au regard des articles 10 et 11 de la Constitution ? Le conseil des procureurs du Roi a souligné qu'il faut tendre vers une certaine proportionnalité entre l'objectif poursuivi et les moyens utilisés. L'on peut s'attendre à ce que la Cour d'arbitrage soit saisie de questions préjudicielles en la matière, ce qui aura pour effet de ralentir considérablement les procédures. Or, c'est précisément l'effet inverse de celui poursuivi par le présent projet.

La question de savoir qui se chargera d'avertir immédiatement l'avocat de l'inculpé, et selon quelles modalités, reste par ailleurs ouverte. Comment atteindra-t-on l'avocat désigné par l'inculpé si ce dernier se trouve à Bruxelles, et son avocat à Liège ? Comment organisera-t-on tout cela, sachant que la pratique nous a appris que lorsque l'inculpé n'a pas d'avocat et que le bâtonnier en est averti, la personne arrêtée comparaît dans 50 % des cas sans avocat pour la confirmation de son mandat d'arrêt devant la chambre du conseil ? Que peut faire l'avocat concrètement ? Peut-il déposer des conclusions ? Peut-il déposer un acte en récusation à l'encontre du juge d'instruction ? Le ministère public qui requiert l'arrestation est-il présent ? Dans la négative, le principe de l'égalité des armes est-il respecté ?

Selon le membre, des problèmes se posent en outre en ce qui concerne les conditions à remplir qui sont prévues à l'article 16 de la loi relative à la détention préventive.

La condition de base est l'absolue nécessité pour la sécurité publique. Si le maximum des peines applicables ne dépasse pas quinze ans de travaux forcés, le mandat ne peut être décerné qu'en cas de risque de fuite, de récidive, de disparition de preuves ou de collusion.

Le risque de fuite, de récidive, de disparition de preuves ou de collusion aura-t-il disparu dans un délai de sept jours ?

Soit les conditions de la loi relative à la détention préventive ne seront pas remplies et l'on utilisera cette loi à mauvais escient, soit ces conditions seront remplies et la loi sur la comparution immédiate ne pourra que rarement être appliquée.

Un autre problème est posé que la compétence du juge d'instruction de décider d'une libération sous conditions. Ces conditions peuvent-elles être formulées ? Comment le contrôle par les assistants de justice pourra-t-il être organisé efficacement dans un délai de sept jours ? Le membre annonce qu'il déposera un amendement à ce propos.

Un problème se pose en outre en ce qui concerne le rôle du juge d'instruction.

Aux termes de l'article 28 de la loi relative à la détention préventive, le juge d'instruction peut décerner un mandat d'arrêt contre l'inculpé laissé ou remis en liberté en cas de circonstances nouvelles et graves.

Mais, dans le cadre de la loi en projet, le juge d'instruction pourra seulement décerner un mandat d'arrêt et n'aura ensuite plus aucun contrôle du dossier.

Par ailleurs, les délais que la loi prévoit ne sont pas réalistes. Un délai de quinze jours est insuffisant pour procédr à une enquête sociale, à l'audition de témoins, etc.

Le membre fait aussi remarquer que l'on a oublié d'adapter la loi : on réduit les délais de citation des témoins en première instance parce que la citation doit intervenir dans les délais prévus par la loi en projet sur la comparution immédiate, mais les délais de la procédure d'appel demeurent inchangés.

Il faut donc adopter des amendements pour résoudre les problèmes soulevés par le membre, plutôt que de sortir a posteriori d'une loi de « réparation », comme on en a l'intention.

L'intervenant pose en outre une question concernant le rôle des victimes. Comment seront-elles informées concrètement ?

En ce qui concerne le défaut, le membre souligne que le projet de loi l'exclut alors qu'il s'agit d'un droit de la défense. L'on viole en l'espèce l'article 6, § 1, de la Convention européenne des droits de l'homme qui prévoit que toutes les parties doivent pouvoir lutter à armes égales.

Le fait que la partie poursuivante, en l'occurrence le parquet, qui peut engager la procédure de comparution immédiate et, partant, empêcher que l'on applique le défaut et l'opposition, décide de l'opposition, décide de l'exercice des droits de la défense, est contraire à ce principe d'égalité. Le membre dépose par conséquent un amendement sur ce point.

Un problème se pose également à propos du passage de la première instance à l'appel. La détention est de 7 jours. Si le délai est dépassé, il y a libération ou condamnation à un emprisonnement effectif avec détention immédiate.

La sanction en cas d'inobservation des délais est la libération de l'accusé. Mais si l'accusé n'était pas détenu, les délais ne jouent aucun rôle car la sanction, à savoir la libération, ne peut être appliquée. Si l'accusé était détenu, les délais d'appel ne peuvent pas être respectés et il sera donc libéré.

Par ailleurs, le membre se demande dans quelles circonstances le tribunal pourra renvoyer le dossier. Suffit-il par exemple que le tribunal dise qu'il n'est pas possible de procéder à l'audition des témoins dans les conditions légales pour que l'on applique la procédure de droit commun ?

Le dernier point technique sur lequel l'intervenant souhaite attirer l'attention est l'obligation de rendre immédiatement un jugement.

Cette obligation est contraire aux principes généraux du droit. Selon la Cour européenne des droits de l'homme à Strasbourg, les jugements doivent être motivés à la lumière des moyens invoqués. Comment le juge pourra-t-il motiver valablement son jugement s'il doit se prononcer immédiatement ?

Le commissaire estime par conséquent qu'une adaptation des délais s'impose.

Il en vient à l'aspect politique de la loi en projet.

Selon le commissaire, une partie de la majorité paie un prix politique afin d'obtenir la procédure accélérée. On affirme qu'il y avait un lien politique entre le droit d'accéder rapidement à la nationalité belge et la procédure accélérée même.

Or, il y a quinze jours, des exigences nouvelles ont été formulées concernant le plan de sécurité et le fonctionnement des tribunaux à Bruxelles.

La décision d'augmenter le nombre de juges de complément (25 pour le siège et 17 pour le parquet) et l'adoption de la loi en projet sur la comparution immédiate sont donc liées politiquement.

Le membre reconnaît que l'application des lois linguistiques au pouvoir judiciaire à Bruxelles pose problème. On doit résoudre ces problèmes pour assurer le bon fonctionnement des tribunaux, mais il y a lieu de le faire dans le cadre linguistique existant. Par exemple, on pourrait vérifier si l'examen linguistique est adapté aux exigences posées.

Le membre juge que la nomination de 25 juges de complément est inadmissible étant donné qu'elle entraîne implicitement une modification des lois linguistiques.

L'intervenant souligne également le fait que le projet de loi portant modification de l'organisation judiciaire à la suite de l'instauration d'une procédure de comparution immédiate (cf. doc. Sénat, nº 2-348) prévoit l'attribution d'un supplément de traitement de 105 000 francs pour les juges de complément.

On se trouve ainsi confronté à une contradiction inimaginable en ce qui concerne la rémunération des magistrats à Bruxelles : les magistrats qui n'ont pas passé l'examen linguistique peuvent toucher une prime de 105 000 francs en tant que juges de complément, alors que ceux qui ont passé l'examen ne le peuvent pas.

Le deuxième prix politique qui est payé pour la procédure accélérée concerne la prévention et le suivi, lesquels relèvent dans une mesure importante de la compétence des communautés.

Ce sont donc les communautés qui devront assurer le financement des mesures. On a l'impression que l'on demande à l'autorité fédérale des efforts financiers supplémentaires, lesquels débouchent sur un financement indirect des communautés différent de celui qui est prévu dans la loi de financement des communautés et régions.

Le ministre remercie l'intervenant pour son exposé, mais il estime utiliser la tactique d'un homme qui parle de paix tout en préparant la guerre.

En ce qui concerne la corrélation entre les diverses matières en question (la procédure accélérée, le plan de sécurité, la situation de l'appareil judiciaire à Bruxelles et la nationalité belge), le ministre répond que lorsque plusieurs problèmes doivent être résolus au cours d'une même période, on finit souvent par les lier.

C'est ainsi que l'accord de gouvernement prévoit que l'on examinera les quatre matières dans le même délais. Il est dès lors normal, selon le ministre, que l'on pose des questions relatives au plan de sécurité, aux nouveaux moyens que l'on fournira en vue de l'application de la procédure, etc., dans le cadre de l'examen des projets sur la comparution immédiate.

Quant aux aspects techniques, le membre a cité à titre d'exemple le problème qui est soulevé du fait qu'en cas de litige préjudiciel, un individu qui fait l'objet d'une mesure de détention préventive et, ipso facto , d'un mandat d'amener en tant que prévenu dans le cadre d'une instruction judiciaire, ne peut pas recevoir l'assistance d'un avocat alors qu'il pourrait bénéficier d'une telle assistance dans le cadre de la procédure de la comparution immédiate.

L'on devrait se demander en fait, s'il en est vraiment ainsi, pourquoi, dans notre pays, l'assistance d'un avocat n'est pas autorisée dans le cadre de la détention préventive.

Le différence qui existe entre les deux procédures concerne les garanties accordées et les délais appliqués.

La législation sur la détention préventive confère au juge d'instruction une mission différente de celle qu'il devrait assumer dans le cadre de l'application de la procédure de la comparution immédiate.

Dans le cadre de la procédure accélérée, l'inculpé comparaît très rapidement devant le juge d'instruction. Son affaire doit également faire l'objet d'une procédure devant le juge du fond, dans les sept jours.

Cela fournit une garantie au détenu dans la mesure où il sait qu'une décision sera prise en tout cas dans les sept jours. Cette garantie n'est pas accordée à celui qui se trouve en détention préventive.

L'intervenant a également estimé qu'il fallait veiller à ce que l'on ne dise pas le droit d'une manière émotionnelle. Le ministre peut se rallier à cet avis, mais il ajoute qu'il faut quand même aussi que l'on finisse par ne plus dire le droit. La procédure de l'instruction n'a en effet pas été simplifiée par la loi Franchimont. Elle a accordé à la défense de nouveau moyens qui ralentissent immanquablement la procédure judiciaire.

Pour résoudre ce problème, l'on va recourir à la procédure de la comparution immédiate pour traiter les affaires simples, c'est-à-dire celles dans lesquelles il est question de flagrant délit et dans lesquelles il n'y a aucune contestation relative à la charge de la preuve.

Pour ce qui est du nombre d'affaires, le ministre déclare que l'on devra disposer d'un instrument qui permette de toujours maîtriser la situation pour éviter que l'on ne ploie sous une trop grande charge de travail et que l'on finisse par assister à des dénis de justice.

Selon le procureur du Roi de Bruxelles, l'on enregistre 250 000 plaintes par an qu'il lui est impossible d'examiner toutes. Il déclare qu'il est forcé de faire des choix et qu'il s'ensuit une certaine forme d'impunité.

L'on a pu établir une comparaison entre les systèmes de comparution immédiate qui sont appliqués dans divers pays grâce à une note qui a été rédigée par les services de la bibliothèque. Il en ressort que l'on n'applique nulle part à l'étranger un système de liste limitative des délits, comme celui que propose le Conseil d'Etat. Tous les pays utilisent une fourchette.

Le membre n'était d'accord, ni avec le minimum d'un an, ni avec le maximum de 10 ans.

En fait, on a opté délibérément pour un an pour que l'on puisse établir un lien avec la loi sur la détention préventive.

Le ministre estime qu'il est préférable de définir le champ d'application en fonction d'une « fourchette » de peines (de 1 à 10 ans) plutôt que sur la base d'une énumération d'infractions. Du reste, on ne retrouve pareille énumération dans aucun pays européen.

La Cour européenne ne s'est pas prononcée sur cette question, ce qui démontre clairement que le système est acceptable.

Le membre a fait valoir qu'il ressort du compte rendu de la réunion du conseil des procureurs du Roi que les coups et blessures ordinaires ne tombent pas sous le coup de la loi, puisqu'ils exposent à une peine maximale de six mois. Les coups et blessures entraînant une incapacité de travail ­ temporaire ou définitive ­ (article 418 du Code pénal) constituent pourtant la plus grande catégorie de la criminalité urbaine. Le membre en a conclu qu'il n'était pas possible d'obtenir un rapport d'expertise dans un délai de 24 heures.

Le ministre souligne que si le parquet souhaite un rapport d'expertise, une instruction sera ordonnée et que la procédure de comparution immédiate ne sera donc pas appliquée s'il s'agit d'une affaire grave, au sujet de laquelle on a certains doutes.

L'expérience française prouve que la plupart des cas pour lesquels on applique la procédure de la comparution immédiate concernent précisément des affaires visées à l'article 418 de notre Code pénal.

Il ressort également de la pratique qu'en cas d'application de l'article 418, la victime produit souvent un certificat médical constatant une incapacité de travail temporaire, sans que cela nécessite la désignation d'un expert judiciaire.

Cela signifie que, dans la majorité des cas, le parquet entame les poursuites sur la base de l'article 418 du Code pénal par une information et non, par conséquent, par une instruction.

Les faits de hooliganisme qui sont évoqués dans le rapport des procureurs du Roi suscitent quelques réflexions au ministre. Il ne doute pas de la bonne volonté ni des bonnes dispositions des procureurs, mais il se demande si les intéressés ont déjà assisté à un match de football où des actes de hooliganisme sont effectivement commis.

Dans un acte de hooliganisme, la blessure est généralement causée par un coup porté à l'aide de l'un ou l'autre objet ou par le lancement de celui-ci.

Il est fréquent aussi que des spectateurs se rendent à un match de football armés de bâtons, de chaînes, de battes de base-ball, etc ..., ce qui, en soi, permet déjà d'appliquer la procédure de comparution immédiate.

Le ministre estime que le parquet s'est livré en l'occurrence à une réflexion théorique qui ne correspond pas tout à fait à la pratique.

Le commissaire a demandé également ce qu'il adviendrait dans le cas d'une procédure avec détention préventive. Ne va-t-on pas alors tenter de situer la procédure de comparution immédiate dans un autre contexte, en déposant des conclusions, en invoquant des récusations, etc ... Ne va-t-on pas essayer d'utiliser la panoplie des exceptions pour échapper à la procédure de comparution immédiate ?

Le ministre ne doute pas de l'inventivité de certains avocats. La procédure de comparution immédiate ne sera appliquée qu'aux affaires nécessitant une administration simple de la preuve ainsi qu'aux flagrants délits. Le plus souvent, ces cas ne donnent pas lieu à l'ouverture d'une instruction judiciaire. Et ces affaires ne reçoivent pas l'attention qu'elles méritent parce qu'on donne la priorité aux instructions judiciaires.

D'après le commissaire, il y a en outre des problèmes en ce qui concerne le respect des conditions définies à l'article 16 de la loi sur la détention préventive. Le juge d'instruction est également habilité à prendre une décision de mise en liberté sous conditions. Comment le contrôle pourra-t-il être organisé efficacement dans le délai de sept jours ?

Selon le ministre, ce contrôle organisé dans le délai de sept jours pourra se faire de manière beaucoup plus efficace et de manière plus simple. L'expérience nous apprend que les contrôles à long terme engendrent souvent la routine et un relâchement des efforts.

Le commissaire avait en outre émis de larges critiques au sujet des délais. Le ministre est conscient que, quelle que soit la manière d'envisager les choses, l'on se retrouvera toujours dans un champ de tensions entre des éléments dont on ne pourra pas tenir compte autrement que de manière arbitraire.

Un autre débat intéressant a été ouvert à propos du défaut de comparution. Apparemment, le défendeur ne peut pas recourir à ce moyen de droit et il n'a dès lors pas non plus la faculté de faire opposition. On remettrait ici en question un certain nombre de droits essentiels.

À cet égard, le ministre renvoie à une note de A. Vandeplas, qui a été publiée dans le Rechtskundig Weekblad 1986-1987 (pp. 746-753) et qui traitait de la genèse des notions de défaut et d'opposition.

Et le ministre de citer :

(Traduction) « Le droit de ne pas comparaître est considéré actuellement comme un droit de la défense, mais les auteurs du Code d'instruction criminelle ne l'ont manifestement pas conçu ainsi. D'ailleurs, dans les pays voisins, ce droit est restreint, du moins s'il existe.

Le défaut, qui était d'abord une sanction, s'est mué en un droit de la défense. Le droit de faire défaut est une création jurisprudentielle qui date de l'époque de Louis XVIII. La Cour de cassation française a reconnu, par arrêt du 7 décembre 1822, au prévenu, le droit de faire défaut.

M. Vandeplas cite également une série d'exemples qui indiquent bien que le défaut de comparution n'a jamais été conçu comme un droit.

« Un inculpé mis en liberté soit par le juge d'instruction, soit par la chambre du conseil ou la chambre des mises en accusation est tenu, en application de l'article 6 de la loi du 20 avril 1874, de se représenter à tous les actes de la procédure aussitôt qu'il en sera requis. »

Cela signifie, selon le ministre, que le législateur a inscrit lui-même dans le texte que l'intéressé doit comparaître en personne.

Si l'on subordonne la mise en liberté à l'obligation de fournir un cautionnement, celui-ci garantit, aux termes de l'article 10 de la loi susvisée, « la représentation de l'inculpé à tous les actes de la procédure et pour l'exécution de la peine corporelle, aussitôt qu'il en sera requis ».

Si l'inculpé manque à une de ces obligations, le cautionnement est confisqué au profit des autorités. Cela indique bien que sa présence est requise.

L'on constate néanmoins une évolution dans notre système juridique. La Cour européenne des droits de l'homme part du principe que l'on peut se faire représenter et que l'on n'est donc pas obligé de comparaître en personne (cf. l'affaire Lala c/Pays-Bas concernant des procédures aux Pays-Bas (22 septembre 1994) et l'arrêt Van Geyseghem du 21 janvier 1999). La Cour de cassation insiste pour que le législateur règle définitivement cette situation, auquel cas l'on se trouverait dans la situation singulière où l'on serait censé être présent en cas d'absence. Le ministre fait observer que cette situation semble curieuse, mais il ajoute qu'elle n'est absolument pas contraire pour autant à l'article 6.1. de la Convention européenne des droits de l'homme.

Le même membre évoque ensuite un problème relatif au passage du niveau de première instance au niveau d'appel.

Le juge du fond peut prendre une triple décision.

Il peut procéder tout d'abord à l'examen au fond, dans le cadre duquel il peut éventuellement libérer l'inculpé.

La deuxième possibilité qui s'offre au juge est de demander un complément d'information avant de sanctionner l'auteur des faits. Il peut ordonner à cet effet une mesure d'enquête complémentaire. Il peut également faire procéder à une enquête sociale pour décider d'une peine appropriée. On veut ainsi pouvoir individualiser la sanction dans le cadre des peines alternatives, tailler celles-ci sur mesure. C'est la bonne approche.

Le juge a toutefois encore une troisième possibilité. Il peut constater que la procédure de comparution immédiate ne peut être appliquée. Le dossier est alors renvoyé au ministère public, qui doit poursuivre la procédure classique (information, enquête judiciaire ou médiation pénale).

Le ministre répète que cette loi ne s'appliquera pas aux dossiers complexes. Il comprend parfaitement les remarques faites par le conseil des procureurs du Roi, qui restent toutefois souvent trop théoriques.

Le même membre fait une dernière remarque technique en ce qui concerne la motivation du jugement, laquelle est difficilement compatible avec une prononciation immédiate de la peine.

Le ministre souligne que la procédure de comparution immédiate a été conçue pour les affaires sans contestation possible. Motiver une décision dans des affaires simples ne prend pas un temps excessif. S'il apparaît au cours du débat que l'affaire requiert malgré tout des débats complexes, le juge pourra renvoyer l'affaire au ministère public.

Un membre souhaite répliquer à propos de la différence faite entre l'intervention des avocats dans une procédure de droit commun et dans une procédure de comparution immédiate, à l'occasion de la délivrance d'un mandat de mise en détention préventive.

Le membre estime que la loi sur la détention préventive reste applicable à la procédure de comparution immédiate et que, si le mandat de mise en détention préventive est délivré, le détenu peut déposer immédiatement une requête en libération auprès de la chambre du conseil.

Si cela n'était pas possible, on serait en contradiction avec l'article 5.4 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme, qui stipule que « Toute personne privée de sa liberté par arrestation ou détention a le droit d'introduire un recours devant un tribunal afin qu'il statue à bref délai sur la légalité de sa détention ».

L'orateur estime donc que l'argument du ministre n'est pas fondé. En vertu de l'article 5.4 de la CEDH, on doit nécessairement pouvoir déposer une requête en libération auprès de la chambre du conseil et on rejoint ainsi la situation prévue en droit commun.

Le membre ne conteste pas le nombre des plaintes enregistrées à Bruxelles (250 000). Il doute cependant que la procédure de comparution immédiate puisse résoudre l'essentiel du problème, qui est le faible taux d'élucidation (plus ou moins 10 %). Dans la procédure de comparution immédiate aussi, il faut que l'auteur des faits soit connu.

Le ministre déclare que l'on estime à 5 000 le nombre annuel des flagrant délits à Bruxelles. En revanche, le nombre des poursuites entamées dans la procédure accélérée classique n'est que de 800. La différence est énorme. Les 4 200 cas restants restent généralement impunis.

En ce qui concerne l'article 418 du Code pénal, le membre reprend l'argument des procureurs du Roi. Si l'on veut vraiement combattre le hooliganisme, il faut ramener la peine minimale à six mois.

En ce qui concerne le défaut, la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme à Strasbourg dispose que l'inculpé a toujours le droit de ne pas comparaître.

Les arrêts cités par le ministre traitent de la question de savoir si l'avocat peut comparaître si l'inculpé ne comparaît pas personnellement. C'est une autre discussion. Il en va de même de la confiscation de la caution.

Les magistrats aussi attirent l'attention sur le problème de principe posé par la possibilité de faire opposition.

Un autre commissaire confirme que les remarques du préopinant méritent sans doute une réponse complémentaire de la part du ministre. Outre ce qu'il considère comme des obsessions linguistiques, l'intervenant reproche surtout au précédent orateur sa déclaration sur la coupure totale entre le fédéral et le communautaire en matière de prévention. C'est le gouvernement précédent, auquel le groupe de ce commissaire appartenait, qui a créé les contrats de sécurité. Ceux-ci avaient justement pour but d'organiser un volet préventif très important financé par le fédéral. L'intervenant a l'impression maintenant que le préopinant voudrait supprimer, au niveau fédéral, ce volet préventif.

Par ailleurs, le ministre a eu raison de dire qu'un projet se situe dans une politique et que, dans les positions que la majorité est amenée à prendre, elle s'efforce de rédiger les meilleurs textes possible. On essaie aussi d'avancer dans une motivation politique, et de s'inscrire dans une cohérence et dans un ensemble.

Accélérer le cours de la justice est un but poursuivi par l'ensemble de la majorité et qui se retrouve d'ailleurs dans l'accord de gouvernement.

Le commissaire estime qu'un des points positifs du projet, que le précédent orateur a critiqué, est précisément la présence de l'avocat. Le ministre a fort bien répondu aux objections formulées à cet égard. La procédure que l'on crée ici est différente, et beaucoup plus rapide. Pour ceux qui veulent que les choses se passent le moins mal possible, la présence de l'avocat est un élément très positif.

L'autre membre réplique que la conclusion de l'intervenant précédent est inexacte. S'il soulève la question de la législation linguistique et de son application, c'est en raison d'une tension naturelle entre les communautés à Bruxelles. Les difficultés qui peuvent surgir à cet égard ne témoignent pas d'une vraie « obsession linguistique » mais bien d'une certaine sensibilité.

En ce qui concerne la prévention, l'orateur déclare ne pas s'opposer aux contrats de sécurité en tant que tels. Il souligne seulement qu'une bonne partie des compétences en matière de prévention sont dévolues aux communautés. C'est donc à elles qu'en revient la concrétisation, ce qui peut donc entraîner un problème politique.

Enfin, en ce qui concerne la présence de l'avocat, l'intervenant ne dépose pas d'amendement en vue de supprimer la présence de l'avocat lors du débat sur la détention préventive. Il souligne seulement une incohérence.

Un autre commissaire demande quelques précisions sur le problème des peines alternatives. À la Chambre, certains ont mis en avant la possibilité de travailler en même temps et parallèlement sur une proposition de loi de M. Bacquelaine concernant les peines alternatives.

Dans le cadre de « La voie vers le XXIe siècle », il a été écrit « qu'il sera fait un large usage des peines alternatives et éventuellement des mesures sociales ». De plus, le ministre lui-même, dans la présentation de sa note de politique pour l'an 2000, a déclaré que dans le cadre de la pratique du droit de réparation, « l'imposition d'une peine d'emprisonnement doit être considérée comme remède ultime. Les peines que nous appelons aujourd'hui peines alternatives doivent constituer des modes de réaction à part entière face aux comportements délinquants. La peine d'emprisonnement doit devenir la solution alternative à laquelle on ne doit recourir que lorsque les garanties offertes par les autres modes de réaction sont insuffisantes. La Justice continuera dès lors à soutenir et à développer les peines alternatives. »

Le ministre est-il prêt à répéter devant le Sénat ce qu'il a dit à la Chambre en ce qui concerne la proposition Bacquelaine ? Est-il est prêt à faire évoluer le projet de loi et la proposition parallèlement, pour que l'on puisse, à court terme, avoir la possibilité de recourir à ces peines alternatives, et pas seulement dans le cadre de la procédure accélérée ?

Le ministre répète ce qu'il a déclaré à la Chambre. Il ajoute que la proposition de loi ­ qui ne doit pas passer obligatoirement par un avis du Conseil d'État ­ a été signée par les membres de la majorité. Elle a été prise en considération par la Chambre et sera mise à l'ordre du jour de sa commission de la Justice le plus rapidement possible. Pour assurer un parallélisme avec le projet de loi en discussion, le temps nécessaire manque. Toutefois, pour le ministre, l'idéal serait que l'on dispose d'une loi concernant les peines alternatives le plus vite possible.

L'organisation de la procédure de comparution immédiate nécessite des mesures d'organisation qui, par contre, ne sont pas nécessaires pour la loi qui pourrait résulter de la proposition de loi sur les peines alternatives. Dans ce dernier cas, l'essentiel est, pour le ministre, de pouvoir disposer de cet instrument le plus vite possible, par exemple pour le 1er juin 2000, ce qui semble techniquement possible. Ce serait là un atout très important.

V. DISCUSSION DES ARTICLES

Intitulé

Mme Nyssens dépose un amendement nº 28 (doc. Sénat, nº 2-347/2) visant à remplacer l'intitulé du projet de loi, bien que cet intitulé n'ait pas de valeur juridique contraignante.

L'auteur de l'amendement explique qu'elle a déposé une série d'amendements d'ordre purement légistique, parmi lesquels figure l'amendement nº 28.

Plusieurs membres observent que parmi les modifications proposées, certaines ne peuvent pas être considérées comme des amendements au sens strict, mais plutôt comme de simples corrections de texte. Il aimerait donc connaître la position du gouvernement sur ces amendements.

Le ministre de la Justice répond que le gouvernement est très réticent vis-à-vis des amendements. Toutefois, si des modifications de la loi s'avèrent nécessaires et qu'une proposition de loi est introduite à cette fin, le gouvernement pourrait s'y rallier. Le ministre demande le rejet des amendements, même s'ils sont d'ordre technique, car le gouvernement craint qu'on n'entre dans une discussion qui fera plus de mal que de bien au texte proposé.

Un membre comprend cette approche politique. Toutefois, il aimerait connaître, au fur et à mesure de l'examen des articles, la position du gouvernement vis-à-vis des amendements qu'on peut qualifier de techniques. De cette manière, on pourra déjà déterminer le contenu de la proposition de loi que le gouvernement accueillerait favorablement.

Le ministre de la Justice répond qu'une proposition ultérieure sera peut-être introduite, mais qu'il demande le vote sur les textes tels qu'ils sont présentés.

Un précédent orateur estime que l'amendement rejeté par le ministre devrait en tout cas retenir l'attention sur le plan technique car il est évident que l'intitulé du projet n'est pas adéquat, puisqu'il n'y est pas question du Code de procédure pénale, de la loi du 20 juillet 1990 relative à la détention préventive et de la loi du 29 juin 1964 concernant la suspension, le sursis et la probation. Il est d'avis que l'amendement est fondé.

Un autre membre trouve regrettable que l'on ait fait de cette proposition de modification un amendement, car il s'agit d'une correction de texte que l'on pourrait apporter en accord avec la Chambre des représentants. Par contre, s'il s'agit d'un amendement et s'il est adopté, le texte doit faire l'objet d'une navette parlementaire.

Un membre estime qu'il est évident que l'intitulé du projet de loi est incomplet. Le Sénat doit donc adopter une modification de texte.

Le ministre de la Justice fait observer que si l'on adopte un amendement et que la navette parlementaire devient obligatoire, un parti s'emploiera à déposer des amendements.

L'amendement nº 28 de Mme Nyssens est retiré. La commission décide d'apporter les modifications techniques en tant que simples corrections de forme (cf. VII corrections de texte).

Article 1er

M. Vandenberghe et Mme De Schamphelaere déposent un amendement nº 39, visant à remplacer le chiffre « 78 » par le chiffre « 77 » (doc. Sénat, nº 2-347/2).

L'un des auteurs explique que dans l'article 1er de l'avant-projet de loi soumis au Conseil d'État, il était indiqué qu'il s'agissait de régler une matière comme prévu à l'article 77 de la Constitution. Le Conseil d'État n'a pas émis d'observations à ce sujet. Plus tard, lors du dépôt du projet, ce fut modifié en 78, sans q'aucune explication ne fût donnée.

Le présent amendement vise à en revenir au texte de l'avant-projet. La nouvelle procédure a en effet incontestablement des répercussions sur l'organisation des cours et tribunaux.

D'une part, des obligationssont imposées qui ont une influence directe sur la manière dont un tribunal ou une cour doivent s'organiser. Un tribunal ou une cour sont par exemple obligés de se prononcer dans un délai déterminé sans être autorisés à reporter une affaire à plus de quinze jours.

D'autre part, des compétences nouvelles sont créés : le procureur du Roi peut requérir un mandat d'arrêt en vue d'un jugement immédiat; le juge d'instruction peut décerner ce mandat. On peut s'en référer pour cet élément à « l'avis de base » du Conseil d'État relatif à la problématique de la qualification des projets de loi : « L'économie du texte constitutionnel autant que son intelligence et sa cohérence veulent alors que les procédures du bicaméralisme égalitaire valent tant pour l'organisation des cours et tribunaux que pour la détermination de leurs attributions. » (voir doc. Sénat, 1995-1996, nº 7/2, p. 5).

On peut enfin faire mention, à cet égard, de la législation déjà existante et, plus précisément, de la loi du 22 mars 1996 relative à la reconnaissance du Tribunal international pour l'ex-Yougoslavie et du Tribunal international pour le Rwanda et à la coopération avec ces tribunaux. L'article 12 de cette loi réglemente l'arrestation et le transfert des personnes qui doivent comaparaître devant l'un des tribunaux susmentionnés. Cet article fut adopté selon la procédure du bicaméralisme intégral (voir l'article 1er de la loi susmentionnée).

Aujourd'hui, une réglementation est instaurée prévoyant que quelqu'un pourra être arrêté en vue d'une comparution immédiate devant un tribunal correctionnel (belge). Mutatis mutandis , la procédure du bicaméralisme intégral doit par conséquent être appliquée dans ce cas-ci.

Un membre objecte que le projet était au départ un projet considéré comme réglant une matière visée à l'article 77 de la Constitution. C'est au moment de la modification de la qualification par la Chambre que cette modification aurait dû donner lieu à une discussion dans le cadre de la commission de concertation. Cela n'a pas eu lieu, et il est maintenant trop tard.

Un membre trouve évident que le texte proposé touche à l'organisation judiciaire et relève donc de l'article 77 de la Constitution. Le texte donne une mission spéciale au juge d'instruction. C'est, à l'évidence, une question d'organisation judiciaire. Il demande donc aussi le renvoi en commission de concertation.

Un autre membre se joint à l'avis du précédent intervenant : l'amendement pose un problème de recevabilité, car il est trop tard pour saisir la commission de concertation.

Le ministre de la Justice demande le rejet de l'amendement.

L'amendement nº 39 est rejeté par 10 voix contre 2, et 1 abstention.

Mme Nyssens dépose, à titre principal, un amendement nº 14, visant à supprimer les articles 1er à 11 (doc. Sénat, nº 2-347/2).

L'auteur de l'amendement explique qu'elle demande la suppression du projet de loi, pour des raisons de philosophie pénale, de praticabilité et d'effectivité, après avoir vu les audiences en procédure accélérée à l'étranger, après avoir entendu les magistrats et après mûre réflexion.

L'amendement nº 14 est rejeté par 11 voix contre 1, et 2 abstentions.

Article 2

Mme Nyssens dépose un amendement nº 29 (doc. Sénat, nº 2-347/2). L'auteur de l'amendement explique qu'il s'agit en fait d'une correction de texte. Elle est prête à retirer son amendement, s'il peut être considéré, en accord avec la Chambre, comme une simple correction de texte.

L'amendement nº 29 est retiré. La modification qu'il propose sera apportée par voie de correction formelle (voir VII, corrections de texte).

Article 3

Mme Nyssens dépose un amendement nº 30 (doc. Sénat, nº 2-347/2).

L'auteur de l'amendement explique qu'on doit viser ici la convocation « aux fins de comparution ».

Le ministre de la Justice marque son accord, pour autant qu'il s'agisse d'une simple correction de texte.

L'amendement nº 30 est retiré. La modification qu'il propose sera apportée par voie de correction formelle (voir VII, corrections de texte).

Article 3bis (nouveau)

M. Vandenberghe et Mme De Schamphelaere déposent un amendement nº 40 visant à insérer un article 3bis nouveau (doc. Sénat, nº 2-347/2). Un des auteurs précise à cet égard que l'article 184, alinéa 1er , du Code d'instruction criminelle prévoit un délai de 10 jours entre la citation et la comparution. La limitation à deux jours, dans l'article 209bis proposé dudit code, de ce délai de citation engendre une incompatibilité lourde de conséquences, étant donné que dans la procédure d'appel, une possibilité d'opposition est bel et bien prévue.

Il s'agit d'un amendement d'ordre plutôt technique, qui vise à satisfaire aux règles d'une bonne législation.

L'amendement nº 40 est rejeté par 10 voix contre 3, et 1 abstention.

Article 5

M. Vandenberghe et Mme De Schamphelaere déposent un amendement nº 41 (doc. Sénat, nº 2-347/2), visant à remplacer à l'alinéa 2 de l'article 209bis proposé, du Code d'instruction criminelle, le mot « quinze » par le mot « vingt ».

Un des auteurs précise à cet égard qu'il est ressorti, entre autres, de l'audition d'un représentant du collège des procureurs généraux que le délai de fixation proposé de quinze jours est trop court dans la pratique pour permettre au procureur général d'étudier les dossiers.

Le procureur général devra donc s'organiser de manière à pouvoir fixer l'affaire à la première audience utile et à ne devoir se baser que sur la préparation du dossier par le procureur du Roi, ce qui pourra également avoir des effets néfastes pour le prévenu.

Un membre souligne l'intérêt de l'amendement puisqu'il rend la procédure plus praticable. De plus, il a appris qu'en France, où la procédure accélérée fonctionne relativement bien, du moins si l'on rentre dans la logique du ministre de la Justice, les délais en degré d'appel ne sont pas abrégés. On pourrait se demander pourquoi on prévoit une procédure ordinaire en appel. La raison en est qu'il y a très peu d'appels. Dans 99 % des affaires, la sanction est acceptée par l'intéressé. Par conséquent, le membre trouve qu'il faudrait, dans le projet de loi, allonger les délais d'appel pour les quelques cas qui pourraient se présenter.

Un membre ne se dit pas convaincu par ce qu'on peut apprendre du droit comparé lors d'un déplacement d'une journée. Le ministre de la Justice a estimé que les délais étaients suffisants pour autant qu'il y ait une bonne organisation de la justice. L'intervenant ne peut donc pas approuver cet amendement.

L'amendement nº 41 est rejeté par 10 voix contre 3, et 1 abstention.

M. Vandenberghe et Mme De Schamphelaere déposent un amendement nº 42 (doc. Sénat, nº 2-347/2) tendant à remplacer, au quatrième alinéa de l'article 209bis proposé du Code d'instruction criminelle, les mots « quinze jours » par les mots « deux mois ».

Un des auteurs précise à cet égard que l'affaire est remise pendant quinze jours (au plus), notamment en vue d'entendre des témoins ou d'effectuer une enquête sociale.

La question est de savoir si ce délai est suffisamment réaliste.

À l'heure actuelle, effectuer une enquête sociale demande facilement plusieurs mois. Pourra-t-on tout à coup le faire en quinze jours ? Une enquête sociale sérieuse est pourtant essentielle. Avant de pouvoir prononcer une peine telle que l'imposition d'un certain nombre d'heures de travaux d'intérêt général, le juge doit pouvoir se faire une idée suffisamment claire de la personne qui comparaît devant lui.

Ce délai semble également très court pour entendre des témoins. Quid si un témoin est malade ou en voyage ? Ou s'il s'agit d'un témoin étranger (dans le cadre de l'Euro 2000, par exemple, lorsqu'un supporter étranger a vu comment un autre supporter a été abattu) ?

C'est pourquoi il est proposé de prolonger le délai dans lequel l'affaire pourra être reportée. Une telle prolongation n'a en effet pas d'incidence significative sur la procédure même. L'intéressé doit toujours être remis en liberté après sept jours (cf. à l'article 7 du projet, l'article 20bis , § 5, proposé). Dans ces conditions, reporter l'affaire de quinze jours ou de deux mois (au plus) n'a plus beaucoup d'importance. Dans les deux cas, l'intéressé devra en effet toujours être remis en liberté.

L'amendement nº 42 est rejeté par 10 voix contre 3, et 1 abstention.

M. Vandenberghe et Mme De Schamphelaere déposent un amendement nº 43 (doc. Sénat, nº 2-347/2) visant à insérer un nouvel alinéa entre les quatrième et cinquième alinéas de l'article 209bis du Code d'instruction criminelle proposé.

Un des auteurs précise à cet égard que la procédure accélérée devant le tribunal correctionnel prévoit, à l'article 216septies , une réduction du délai de comparution si un témoin doit être entendu.

Étant donné qu'en appel également, il est prévu que la cour peut reporter l'affaire une ou plusieurs fois pour autant qu'elle la prenne en délibéré au plus tard quinze jours après l'audience d'introduction, il y a lieu de prévoir, là aussi, la réduction du délai conformément à l'article 184, alinéa 4, du Code d'instruction criminelle.

Un membre demande si, lorsqu'en première instance ou en appel, une demande d'audition de témoins est formulée, le magistrat doit l'accepter ou si c'est laissé à l'appréciation de la Cour.

Le ministre de la Justice répond que c'est la règle ordinaire qui s'applique, à savoir que le magistrat décide.

L'amendement nº 43 est rejeté par 10 voix contre 3, et 1 abstention.

Article 6

Un membre souhaiterait savoir à partir de quand court le délai d'appel : est-ce à partir du prononcé du jugement, comme s'il avait été rendu d'office de manière contradictoire, ou à partir de sa signification, comme s'il avait été rendu par défaut ? C'est une question qu'un magistrat a posée lors des auditions.

Le ministre de la Justice répond que le jugement est réputé contradictoire. Le délai d'appel court donc à partir du moment où le jugement est prononcé.

Mme Nyssens dépose un amendement nº 31 (doc. Sénat, nº 2-347/2). L'auteur de l'amendement explique qu'il s'agit encore une fois d'une correction de texte, et qu'elle retire l'amendement aux mêmes conditions que les précédents.

L'amendement nº 31 est retiré, moyennant une correction formelle ayant le même objet (voir VII, corrections de texte).

M. Vandenberghe et Mme De Schamphelaere déposent un amendement nº 44 (doc. Sénat, nº 2-347/2) concernant le paragraphe 1er , alinéa 1er , de l'article 216quinquies proposé du Code d'instruction criminelle.

Un des auteurs précise à cet égard qu'il s'agit de préciser le texte. La rédaction actuelle donne lieu à une interprétation erronée et permet d'élargir le champ d'application des personnes que le procureur du Roi peut convoquer aux personnes qui, sur la décision du juge d'instruction, ont été mises en liberté sous condition, conformément aux articles 35 et 36 de la loi du 20 juillet 1990 relative à la détention préventive, alors que cette décision n'a pas été prise à la suite d'une requête du procureur du Roi dans le cadre de la procédure accélérée.

L'amendement nº 44 est rejeté par 10 voix contre 3, et 1 abstention.

M. Vandenberghe et Mme De Schamphelaere déposent un amendement nº 45 (doc. Sénat, nº 2-347/2) concernant le paragraphe 1er , alinéa 1er , de l'article 216quinquies proposé du Code d'instruction criminelle.

Un des auteurs précise à cet égard qu'il y a lieu de supprimer la référence à l'article 36 de la loi relative à la détention préventive.

La notification de la fixation par le procureur doit avoir lieu immédiatement (cf. l'article 216quinquies , § 1er , alinéa 2, proposé).

L'article 36 de la loi sur la détention préventive concerne la situation dans laquelle le juge d'instruction ou la chambre du conseil modifient, suppriment, ou prolongent, les conditions. Il est clair que cela interviendra à une phase ultérieure de la procédure, en d'autres termes, après que la notification a eu lieu.

Par conséquent, il est absurde de disposer que le procureur doit convoquer les personnes qui entrent dans le champ d'application de l'article 36, (c'est-à-dire celles dont les conditions ont été modifiées ou supprimées), puisque la notification aura déjà lieu à ce moment. En effet, ce cas ne se présentera jamais en pratique.

L'amendement nº 45 est rejeté par 10 voix contre 4.

M. Van Quickenborne dépose un amendement nº 1 (doc. Sénat, nº 2-347/2). Selon celui-ci, la victime n'est pas admise à se constituer partie civile entre le moment où le mandat d'arrêt en vue de la comparution immédiate est demandé par le procureur du Roi et celui où cette demande est rejetée par le juge d'instruction.

L'auteur de l'amendement se dit prêt à retirer son amendement si le ministre peut donner l'assurance que la disposition insérée par la Chambre des représentants dans l'article 7 (insérant un article 20bis, § 3, alinéa 2) vise à prévenir l'usage abusif de la procédure.

La constitution de partie civile entre les mains du juge d'instruction serait dès lors irrecevable à compter du moment où le procureur du Roi formule une demande d'un mandat d'arrêt en vue de la comparution immédiate, tant que cette demande n'est pas rejetée.

Le ministre déclare que ce problème a effectivement été résolu à l'article 7, au moyen de la référence à l'article 20bis, § 3, alinéa 2. Le rapport de la commission de la Chambre l'indique d'ailleurs (p. 147).

M. Van Quickenborne retire dès lors son amendement nº 1.

M. Vandenberghe et Mme De Schamphelaere déposent un amendement nº 46 (doc. Sénat, nº 2-347/2).

M. Vandenberghe, auteur principal de l'amendement, propose de remplacer l'article 216quinquies en projet, compte tenu de la possibilité de libération sous condition du suspect par le juge d'instruction. Si l'on applique malgré tout la procédure de comparution immédiate après cela, il faut être certain que le procureur du Roi convoquera comme il se doit le suspect et son avocat.

Une membre répercute l'étonnement de certains magistrats sur le principe contenu dans la loi en projet, et selon lequel c'est le procureur du Roi qui avertit le prévenu de son droit à la défense par un avocat. C'est assez inhabituel.

Le ministre considère qu'il est normal que le procureur du Roi entreprenne cette démarche, puisque c'est lui qui opère le choix de la procédure accélérée.

L'amendement nº 46 est rejeté par 10 voix contre 3 et 1 abstention.

M. Van Quickenborne dépose un amendement nº 2 (doc. Sénat, nº 2-347/2).

L'auteur du projet souhaite que l'on insère le membre de phrase suivant dans le § 1er , dernier alinéa : « comme prévu à l'article 2, alinéa 2, de la loi du 4 octobre 1867 sur les circonstances atténuantes. »

La notification à l'accusé a ici valeur de convocation. Tel est également le cas, dans le cadre d'une autre procédure, à savoir celle qui est appliquée lorsqu'il y a des circonstances atténuantes, et il en résulte une certaine jurisprudence.

Sans la référence explicite à cette loi, la jurisprudence risque d'aller dans des sens divergents suivant qu'il soit question de l'application de la loi du 4 octobre 1867 ou de l'application de la loi en projet.

Un membre se demande si cet amendement, tout comme le premier, n'a pas trait au projet nº 2-348/1, qui règle une matière visée à l'article 77 de la Constitution, en tant qu'il concerne l'organisation des chambres.

M. Van Quickenborne trouve que cet article est l'endroit le plus approprié pour insérer cette précision. Il ne voit pas d'autre endroit possible.

L'amendement nº 2 est rejeté par 10 voix contre 2 et 2 abstentions.

Mme Nyssens dépose un amendement nº 32 (Doc. Sénat, nº 2-347/2).

L'auteur de l'amendement expose qu'il s'agit d'un amendement tendant à perfectionner le texte du point de vue légistique.

L'amendement est retiré.

Mme Nyssens dépose également un amendement nº 38 (Doc. Sénat, nº 2-347/2).

L'auteur de l'amendement expose que celui-ci tend à faire un sort à l'action des victimes non connues au moment de la décision de procéder à la comparution immédiate.

Le texte en projet ne règle que le sort de la convocation des victimes « connues » au moment de la décision de renvoi à la procédure accélérée.

Ces victimes doivent-elle intenter une action au civil indépendamment de cette procédure ?

Par ailleurs, quel est le sort de leur action si elles se font connaître au cours de la procédure ? À défaut de pouvoir se constituer partie civile entre les mains d'un juge d'instruction, que doivent-elles faire ?

Le ministre renvoie au principe général, contenu dans l'article 4, alinéa 2, de la loi du 17 avril 1878, qui prévoit que le tribunal correctionnel réserve d'office les intérêts civils même en l'absence de constitution de partie civile, si la cause n'est pas en état d'être jugée quant à ces intérets.

Il s'agit d'un principe général qui doit être appliqué en l'occurrence.

L'amendement nº 38 est rejeté par 10 voix contre 3 et 1 abstention.

L'amendement nº 3 de M. Van Quickenborne (doc. Sénat, nº 2-347/2) est retiré.

M. Van Quickenborne dépose également un amendement nº 4 (doc. Sénat, nº 2-347/2).

Au moyen de cet amendement, l'auteur veut supprimer la discrimination qui existe, en ce qui concerne la possibilité de faire opposition, entre les inculpés qui comparaissent dans le cadre d'une procédure normale et ceux qui comparaissent dans le cadre de la procédure de comparution immédiate.

Selon le ministre, qui a répliqué aux remarques qu'un autre membre a faites à ce sujet au cours de la discussion générale, la figure de l'opposition ne pourrait pas jouer un rôle aussi extensif dans cette procédure accélérée.

En excluant la possibilité de faire opposition dans le cadre de cette procédure, l'on instaure en fait un système connaissant deux types d'inculpés.

Il est peu probable qu'un tel système soit compatible avec le principe d'égalité.

En outre, on ne dit nulle part s'il existe une possibilité d'opposition ou de défaut de comparution en degré d'appel. Pour lever tous les doutes, il convient de supprimer cette phrase.

Un membre partage l'inquiétude de l'auteur de l'amendement. Pour ce qui est du défaut de comparution, plusieurs amendements du même type vont dans le même sens.

Il accepte l'argument du ministre qui plaide pour qu'en Belgique, comme en France, on bannisse certains abus du défaut de comparution et supprime dès lors l'opposition.

Il pourrait cependant en résulter une série de cas irréparables dans lesquels l'on aurait porté préjudice au condamné, sans que l'on ne permette de l'accuser de manoeuvres dilatoires. Il cite un exemple qu'il a vécu lui-même : il lui est arrivé de recevoir, par lettre datée du 4 janvier, communication de la fixation d'une audience au 3 janvier. Comme il avait entre-temps changé d'adresse et que le greffe n'en avait pas tenu compte, il ne fut pas non plus prévenu de la deuxième fixation.

De telles choses peuvent être fatales pour des inculpés tombant sous l'application de la procédure accélérée.

Si le ministre pouvait donner l'assurance que le délai d'appel ne courra qu'à partir du moment où le suspect aura été averti du jugement. Le membre déclare qu'il pourrait plus facilement accepter la suppression de la possibilité de faire opposition.

Le ministre approuve le principe ainsi exprimé et il part du principe que, dans ce cas, les cours et tribunaux accepteront la force majeure pour pouvoir déclarer recevable l'appel formé hors délai.

Une membre soutient l'amendement nº 4, dans la mesure où elle a déposé un autre amendement de même portée.

Le tribunal doit pouvoir avoir la possibilité d'accepter une opposition dans de pareilles circonstances.

Dans le système français, après une période de garde à vue de 48 heures au maximum, il est impossible de ne pas être présent. L'on ne saurait tirer argument de pareil système pour transposer dans notre droit un système sans opposition, alors que les prémisses ne sont pas identiques.

En Belgique, le prévenu ne comparaît pas nécessairement détenu.

Le préintervenant indique qu'on peut faire défaut tout en étant présent.

Un membre déduit de l'explication du ministre qu'en cas de force majeure, une opposition demeure possible.

Le ministre conteste avoir livré pareille interprétation.

Le même membre demande alors confirmation du fait que le délai d'appel ne court qu'au départ de la notification.

Un autre membre déclare qu'il est important de souligner la déclaration du ministre selon laquelle cette interprétation serait justifiée. L'interprétation inverse lui paraîtrait fondamentalement attentatoire aux droits de la défense.

Un autre membre encore ne partage pas l'optimisme de son prédécesseur. Si tout le monde est bien d'accord en commission, cela n'enlève rien à l'opportunité d'un amendement du texte en projet, ou d'une initiative législative du ministre à brève échéance, qui clarifierait ceci.

L'amendement nº 4 est rejeté par 10 voix contre 3 et 1 abstention.

Mme Nyssens dépose un amendement nº 16 (doc. Sénat, nº 2-347/2)

L'auteur de l'amendement entend, par celui-ci, introduire l'accord du prévenu, non pas sur le choix de la procédure, mais bien sur la possibilité d'être jugé séance tenante, et lui donner, par conséquent, la possibilité d'obtenir une remise pour pouvoir présenter sa défense.

Le caractère exceptionnel de la procédure laisse peu de temps à la victime comme au prévenu pour préparer leur dossier. L'avocat aura tout au plus une demi-heure pour s'entretenir avec son client.

Il ne faut pas craindre d'abus. Dans la plupart des cas, le prévenu qui est en détention lors de sa comparution hésitera avant de demander une remise, parce qu'il prolonge, ce faisant, son incarcération.

Vu la rigidité de la procédure, il faut tenir compte des cas exceptionnels où la défense a besoin d'un délai supplémentaire pour préparer sa défense.

L'amendement nº 16 est rejeté par 10 voix contre 3 et 1 abstention.

Mme Nyssens dépose l'amendement nº 17, qui vise à lever l'impossibilité de faire opposition au jugement, prévue à l'article 216quinquies , § 3, proposé (doc. Sénat, nº 2-347/2).

Cet amendement est rejeté par 10 voix contre 3 et 1 abstention.

M. Vandenberghe et Mme De Schamphelaere déposent l'amendement nº 47, tendant à situer la comparution, visée à l'article 216quinquies , § 3, proposé, au plus tôt après six jours et au plus tard après dix jours, au lieu, respectivement, de quatre et sept jours (doc. Sénat, nº 2-347/2).

Vu des auteurs précise à cet égard que le délai dans lequel on doit se présenter au tribunal est trop court pour plusieurs raisons.

Tout d'abord, il convient de garantir les droits de la défense. En application de l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, le suspect doit en effet « disposer du temps et des facilités nécessaires à la préparation de sa défense ». On peut à ce sujet renvoyer à l'avis du Conseil d'État (Doc. parl., Chambre, 99/00, nr. 306/001, pp. 30 et suivantes) :

« Or, tel qu'il est actuellement rédigé, le texte en projet n'offre pas suffisamment de garanties quant à l'effectivité du temps nécessaire à la préparation d'une défense.

Cet aménagement du délai de cinq jours est d'autant plus important que le dossier sur la base duquel sera jugé le prévenu aura été constitué par le procureur du Roi qui, compte tenu du temps qui lui aura été imparti, se préoccupera davantage de rassembler soit les preuves d'un flagrant délit, soit de réunir les charges suffisantes. En revanche, l'avocat du prévenu devra à son tour réunir les éléments à décharge afin de rétablir un certain équilibre dans cette procédure accélérée.

Il est, dès lors, impératif que les avocats puissent disposer d'un temps raisonnable eu égard aux enjeux du dossier, pour rassembler les éléments favorables à leurs clients. »

Du point de vue pratique également, la brièveté du délai soulève des questions. Arrivera-t-on à soumettre un dossier complet au tribunal ? En effet, il faut souvent plus de sept jours, actuellement, pour obtenir les pièces administratives requises, comme le bulletin de renseignements, l'extrait du registre pénal central et, last but not least, l'extrait du jugement en cas de récidive. Et puis, comment les services de police parviendront-ils à effectuer, dans le délai imparti, l'enquête de personnalité à laquelle le juge doit se référer pour pouvoir prendre une décision qui tienne compte du profil du suspect ?

C'est pourquoi l'on propose d'allonger les délais de manière que la comparution ne doive plus avoir lieu que six jours au moins et dix jours au plus après la délivrance du mandat d'arrêt (au lieu de quatre jours au moins et sept jours au plus).

Une membre déclare qu'elle s'abstiendra lors du vote de cet amendement parce qu'un séjour de six jours minimum en prison est, à son avis, trop long et sera vécu comme une véritable épreuve. Elle s'oppose donc à la prolongation proposée de la durée de détention. Celle-ci doit être aussi brève que possible.

Cet amendement est rejeté par 10 voix contre 2 et 2 abstentions.

M. Vandenberghe et Mme De Schamphelaere déposent l'amendement nº 48, visant à compléter l'article 216quinquies , § 3, alinéa 1er , proposé, par une disposition précisant que si aucun mandat d'arrêt n'est décerné, les délais dans lesquels le prévenu doit être traduit devant le tribunal, commencent à courir à compter de la décision du juge d'instruction prise conformément à l'article 35 de la loi relative à la détention préventive (doc. Sénat, nº 2-347/2).

Un des auteurs précise à cet égard que le délai strict de comparution n'est pas prévu dans l'alinéa proposé pour les prévenus dont la mise en liberté est subordonnée à des conditons définies à l'article 35 de la loi du 20 juillet 1990 relative à la détention préventive. Comme il doit s'agir de la décision par laquelle le juge d'instruction a été saisi pour la première fois par le parquet et, plus précisément, de la décision faisant suite à la demande de délivrance d'un mandat d'arrêt, il faut préciser que le délai en question ne commencera à courir qu'à condition qu'aucun mandat d'arrêt n'ait été décerné, et ce, pour éviter que le délai de comparution ne puisse commencer à courir après la prise ultérieure d'une décision relative au mandat d'arrêt conformément à l'article 35.

Cet amendement est rejeté par 10 voix contre 3 et 1 abstention.

M. Vandenberghe et Mme De Schamphelaere déposent l'amendement nº 49, qui vise à maintenir la possibilité d'opposition à l'article 216quinquies , § 3, (doc. Sénat, nº 2-347/2).

Le prévenu qui a fait défaut parce qu'il ne s'estimait pas encore capable de se défendre convenablement, doit pouvoir faire appel du jugement le condamnant.

L'égalité des chances prescrite par l'article 6, § 1er , de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme est rompue sinon. C'est au procureur du Roi qu'il appartiendra de choisir la procédure à suivre (comparution immédiate ou non). Ce choix sera déterminant pour le prévenu quant à la possibilité qu'il aura, par la suite, de faire (ou non) opposition contre un jugement par défaut.

Cet amendement est rejeté par 10 voix contre 3 et 1 abstention.

M. Van Quickenborne dépose l'amendement nº 5, visant à préciser à l'article 216sexies , deuxième alinéa, que si le mandat d'arrêt n'est pas notifié dans les vingt-quatre heures, le prévenu doit être remis en liberté (doc. Sénat, nº 2-347/2).

Un membre déclare que cet amendement mérite l'attention, dès lors que le prévenu reste parfois détenu passé l'expiration du délai de vingt-quatre heures et se retrouve ainsi dans un « no man's land ». En France, il arrive régulièrement que le délai de vingt-quatre heures dans lequel le prévenu doit être présenté au tribunal en cas de comparution immédiate, soit dépassé de quelques heures, par exemple, parce que le prévenu doit attendre à l'audience que son affaire soit traitée. Le vide juridique généré par ce dépassement de délai n'a pas encore été résolu en France.

Le ministre souligne que le problème visé par l'amendement est réglé à l'article 20bis proposé de la loi du 20 juillet 1990 relative à la détention préventive, qui rend applicable en l'occurrence l'article 18 de cette loi. Le paragraphe 1er , dernier alinéa, de l'article 18 prévoit qu'à défaut de signification régulière dans le délai légal, l'inculpé est mis en liberté.

L'amendement est rejeté par 12 voix et 2 abstentions.

M. Van Quickenborne dépose l'amendement nº 6, visant à compléter l'article 216sexies , alinéa 2, proposé, par une disposition précisant que la décision de maintien doit être signifiée immédiatement (doc. Sénat, nº 2-347/2).

Cet amendement est rejeté par 10 voix contre 2 et 2 abstentions.

M. Vandenberghe et Mme De Schamphelaere déposent l'amendement nº 50, visant à remplacer, à l'article 216sexies , alinéa 2, proposé, les mots « du prévenu » par les mots « de l'inculpé » (doc. Sénat, nº 2-347/2).

Ils citent le professeur C. Van den Wyngaert qui écrit à ce propos :

« Au cours de l'instruction préparatoire, c'est-à-dire de la phase précédant l'instruction à l'audience, on utilise le terme d'inculpé. Dès le renvoi devant la juridiction de jugement, on parle soit de prévenu, soit d'accusé. Tout dépend de la juridiction devant laquelle est renvoyé l'intéressé : la personne qui est renvoyée devant le tribunal de police ou le tribunal correctionnel est un prévenu, la personne qui doit comparaître devant la cour d'assises est un accusé. » (Van den Wyngaert, C., Strafrecht en strafprocesrecht in hoofdlijnen , Maklu, 1994, p. 432)

Quand la juridiction de jugement décide que l'affaire est trop complexe pour être examinée dans le cadre de la procédure de comparution immédiate et qu'elle doit donc être renvoyée au procureur du Roi, le prévenu redevient un « inculpé » qui peut être renvoyé ensuite, le cas échéant, devant la juridiction de jugement.

Les auteurs contestent que cette modification puisse passer pour une simple correction du texte et exigent le vote.

L'amendement est rejeté par 9 voix contre 3 et 2 abstentions.

Mme Nyssens dépose l'amendement nº 33, visant à préciser à l'article 216septies proposé, qu'en cas de remise de la cause, le tribunal doit se prononcer sur le maintien du prévenu en détention (doc. Sénat, nº 2-347/2).

Elle souligne que, le projet ne précisant pas ce qu'il advient de la détention lorsque le tribunal décide d'auditionner des témoins ou de procéder à une enquête sociale, contrairement à l'article 216sexies , la libération devrait intervenir après 7 jours. Cette conséquence risque de dissuader le tribunal de remettre l'affaire à une audience ultérieure.

Le ministre déclare que la remise de la cause ne peut être un prétexte pour maintenir le prévenu en détention. L'article 20bis , § 5, proposé, de la loi du 20 juillet 1990 relative à la détention préventive prévoit en effet que le mandat d'arrêt en vue de comparution immédiate est valable jusqu'au prononcé du jugement, pour autant que celui-ci intervienne dans les sept jours de l'ordonnance. Faute de quoi le prévenu est remis immédiatement en liberté. L'amendement est donc superflu.

Compte tenu de cette précision, l'amendement est rejeté par 10 voix contre 3 et 1 abstention.

M. Vandenberghe et Mme De Schamphelaere déposent l'amendement nº 51, visant à préciser à l'article 216septies proposé qu'en cas de remise de la cause, le tribunal doit prendre celle-ci en délibéré au plus tard deux mois (au lieu de quinze jours) après l'audience d'introduction (doc. Sénat, nº 2-347/2).

Vu des auteurs précise à cet égard que l'affaire peut être reportée de quinze jours (maximum) en vue de l'audition de témoins ou de l'exécution d'une enquête sociale.

La question qui se pose est de savoir si ce délai est suffisamment réaliste.

Actuellement, l'exécution d'une enquête sociale demande facilement quelques mois. Deviendra-t-elle subitement possible en l'espace de 15 jours ? Pourtant, il est essentiel qu'une enquête sociale soit exécutée sérieusement. Le juge doit pouvoir se faire une idée suffisamment claire de la personne qui comparaît devant lui avant de pouvoir prononcer une peine comme l'accomplissement d'un certain nombre d'heures de travaux d'intérêt général.

En ce qui concerne l'audition de témoins aussi, cette période semble extrêmement courte. Qu'en sera-t-il si un témoin est malade ou en voyage ? Ou s'il s'agit d'un témoin étranger (par exemple dans le cadre de l'Euro 2000, si un supporter étranger a vu comment un autre supporter a été terrasée) ?

C'est pourquoi nous proposons de prolonger le délai dans lequel l'affaire peut être reportée. Pareille prolongation n'a en effet aucune incidence essentielle sur la procédure proprement dite. L'intéressé doit toujours être mis en liberté après 7 jours (voir l'article 7 du projet : l'article 20bis , § 5, proposé). Le fait que l'affaire soit reportée de 15 jours ou de deux mois (maximum) ne joue donc quasiment aucun rôle, car dans les deux cas, l'intéressé devra toujours être mis en liberté.

L'amendement est rejeté par 10 voix contre 2 et 2 abstentions.

M. Vandenberghe et Mme De Schamphelaere déposent un amendement nº 52 (doc. Sénat, nº 2-347/2) tendant à insérer dans l'article 216septies proposé, entre le mot « Roi » et le mot « pour », le mot « notamment ».

Un des autres membres précise à cet égard que le texte tel qu'il est libellé actuellement prévoit que, contrairement ce qui est possible dans le cadre de la procédure en appel, le tribunal ne peut remettre une cause que lorsque des témoins doivent être entendus ou qu'une enquête sociale doit être réalisée. Le tribunal doit néanmoins aussi pouvoir remettre la cause d'office (par exemple pour répondre à d'éventuelles conclusions) ou à la demande de l'inculpé pour permettre à ce dernier de préparer sa défense.

L'amendement 52 est rejeté par 10 voix contre 3 et 1 abstention.

Un membre souhaite ­ sans déposer d'amendement ­ mettre l'accent sur un problème d'ordre juridique et technique qui se pose à propos de l'article 216quinquies du Code d'instruction criminelle. Dans le § 1er de ce nouvel article, on s'en réfère explicitement à l'hypothèse de la mise en liberté sous conditions, mais dans les §§ 2 et 3 cette hypothèse n'est cependant plus prévue. Il faudra réfléchir de manière approfondie à cette lacune ultérieurement.

Le ministre prend acte de cette remarque.

Article 6bis

Mme Nyssens dépose un amendement nº 24 (doc. Sénat, nº 2-357/2), subsidiaire à son amendement nº 14 et qui vise à insérer un article 6bis nouveau prévoyant la conclusion d'un protocole d'accord entre les barreaux et les magistrats pour régler les services de garde pour la procédure de comparution immédiate.

L'auteur est d'avis que cet amendement se situe dans le droit fil de la loi sur l'aide juridique, qui est aussi très détaillée.

Un membre est d'avis que cet amendement fait peu de cas de l'indépendance de l'avocat.

Un autre membre souligne que de tels protocoles sont courants en France.

Le ministre répond que si de tels protocoles sont en effet courants en France, ils ne sont pas prévus par la loi.

Selon l'auteur de l'amendement, la nouvelle loi relative à l'aide juridique est aussi très détaillée. Son amendement est inspiré par la protection des droits de la défense. Bien entendu, aucun avocat n'est obligé de travailler dans le cadre de la procédure de comparution immédiate, mais elle est d'avis que, sans une certaine forme de système de permanence, ces droits ne seront pas garantis.

Un autre membre émet néanmoins des réserves quant à l'obligation faite par la loi de conclure de tels protocoles d'accord.

Un intervenant précédent reconnaît qu'il est souhaitable que des protocoles d'accord soient conclus, non pas avec les magistrats, mais bien avec les tribunaux.

L'intervenant suivant souligne qu'il est important de garantir les droits de la défense. Il est en tout cas souhaitable que le ministre de la Justice use de son influence pour que de tels protocoles soient conclus.

Le ministre explique qu'en France, de tels protocoles sont conclus entre le bâtonnier du barreau et les tribunaux.

L'amendement nº 24 de Mme Nyssens est rejeté par 10 voix contre 3 et 1 abstention.

Article 6ter

Mme Nyssens dépose un amendement nº 25 (doc. Sénat, nº 2-347/2) qui est un amendement subsidiaire à son amendement nº 14 et qui, prévoit que, dans le cadre de la procédure de comparution immédiate, le procureur du Roi organise une permanence pour les victimes.

L'auteur de l'amendement estime que celui-ci s'inscrit dans la ligne de son amendement nº 24. Il constitue une invitation au procureur du Roi à assurer un accueil adéquat des victimes.

Le ministre souligne que les protocoles d'accord en vigueur en France offrent des garanties en ce qui concerne à la fois l'assistance aux auteurs et l'accueil des victimes.

L'auteur de l'amendement dit avoir constaté cependant lors de sa visite de travail en France, que, dans ce pays non plus, l'accueil des victimes n'était pas encore réglé de manière satisfaisante et que le parquet français était lui aussi demandeur d'un régime spécifique.

Le ministre rappelle que le gouvernement a décidé d'augmenter de 71 unités ­ ce qui est beaucoup ­ le nombre d'assistants de justice, et ce, en deux phases. Il espère que les barreaux collaboreront loyalement une fois que la nouvelle loi sur la procédure accélérée sera entrée en vigueur. Il ajoute qu'il examinera sinon quelles mesures il y aurait lieu de prendre.

Un membre demande à l'auteur des amendements ce qu'elle entend exactement par les mots « chaîne de production ». Il juge cette expression très ferme.

L'auteur de l'amendement rappelle que les magistrats ont utilisé cette expression au cours de l'audition. Elle signifie que la nouvelle procédure accélérée exige une réforme complète et une infrastructure nouvelle encore totalement inexistantes. On ne pourra pas appliquer la loi en projet du jour au lendemain, puisqu'il n'y aura pas de services de garde. Les barreaux et les parquets devront consentir un effort énorme. En d'autres termes, on exigera beaucoup de bonne volonté de la part de l'ensemble du personnel.

Un autre membre déclare que la réponse du ministre le préoccupe. Qu'adviendra-t-il des victimes et des auteurs auxquels la procédure accélérée est applicable, si les barreaux refusent de coopérer ?

Le ministre répond qu'il croit en la loyauté des barreaux. Il ajoute qu'ils lui ont d'ailleurs confirmé à plusieurs reprises qu'ils collaboreraient loyalement le projet de loi. Ils l'ont encore confirmé au cours de l'audition par la commission compétente de la Chambre.

L'amendement nº 25 de Mme Nyssens est rejeté par 10 voix contre 3 et 1 abstention.

Chapitre IV ­ Intitulé

L'amendement nº 7 de M. Van Quickenborne (doc. Sénat, nº 2-347/2) est retiré.

Avec l'accord de la Chambre des représentants, le mot « modifiant » sera remplacé par le mot « complétant ».

Article 7

M. Van Quickenborne dépose l'amendement nº 9 (doc. Sénat, nº 2-347/2) qui tend à remplacer systématiquement, à l'article 20bis proposé de la loi du 20 juillet 1990 relative à la détention préventive, le mot « prévenu » par le mot « suspect ».

En effet, au moment où le procureur du Roi demande un mandat, l'intéressé n'a pas encore été renvoyé devant la juridiction de jugement. Il est dès lors encore suspect et non pas prévenu. L'intéressé ne devient un prévenu qu'au moment du renvoi devant la juridiction de jugement.

L'amendement nº 9 est rejeté par 10 voix contre 3 et 1 abstention.

L'amendement nº 8 de M. Van Quickenborne (doc. Sénat, nº 2-347/2) est retiré.

M. Vandenberghe et Mme De Schamphelaere déposent l'amendement nº 53 (doc. Sénat, nº 2-347/2) visant à préciser dans la loi que l'article 59 du Code d'instruction criminelle ne s'applique pas dans le cadre de la procédure de comparution immédiate.

Un des auteurs précise à ce sujet que, selon l'article 59 du Code d'instruction criminelle, le juge d'instruction peut se saisir des faits et poser directement les actes relevant de la compétence du procureur du Roi dans tous les cas de flagrant délit ou cas réputés tels.

Le Conseil d'État s'était demandé si une fois informé, le procureur du Roi pourrait encore décider de la mise en oeuvre de la procédure de comparution immédiate au cas où le juge d'instruction aurait déjà posé plusieurs actes d'instruction et procédé à l'interrogatoire du prévenu en vue de la délivrance d'un mandat d'arrêt.

Il est clair que la procédure accélérée ne peut pas être suivie en cas d'application de l'article 59 du Code d'instruction criminelle. Il y a lieu de le préciser dans la loi.

L'amendement nº 53 de M. Vandenberghe et Mme De Schamphelaere est rejeté par 10 voix contre 3 et 1 abstention.

Mme Nyssens dépose l'amendement nº 18 (doc. Sénat, 2-347/2) visant à exclure explicitement l'application de la procédure de comparution immédiate en cas de manifestation publique ou d'infraction commise à l'occasion d'un conflit social.

L'auteur souligne que le Conseil d'État insiste pour le détermination très rigoureuse du domaine d'application de la procédure de comparution, spécialement lorsque des infractions sont commises dans le cadre de manifestations diverses. Dans l'exposé des motifs, le gouvernement affirme que la nouvelle procédure « n'est pas un instrument juridique susceptible d'être employé pour prendre position dans le cadre de manifestations publiques ou de troubles consécutifs d'une situation de malaise social » car dans de pareils cas « la sérénité nécessaire pour replacer les faits délictueux éventuellement commis à l'occasion de l'exercice des libertés garanties par la Constitution, dans leur juste perspective, fait défaut ». Les propos du gouvernement dans cet exposé n'ont aucune valeur légale. Tout au plus serviront-ils à interprêter la loi. Dans la mesure où le champ d'application de la nouvelle procédure est très large, confère de larges pouvoirs aux procureurs du Roi et au collège des procureurs généraux, cette restriction doit être inscrite dans le texte légal.

Elle rappelle également que les partenaires sociaux sont très demandeurs de cet amendement. Il suffirait en effet qu'un seul magistrat décide d'appliquer la procédure de comparution immédiate pour qu'un conflit social soit tranché par la voie de celle-ci.

MM. Hordies, Dubié, Lozie et Moureaux déposent un amendement nº 27 (doc. Sénat, nº2-347/2) ayant la même portée que l'amendement nº 18 de Mme Nyssens. L'auteur principal déclare qu'il suffirait à ses yeux que le ministre de la Justice déclare, au cours de l'examen du présent projet de loi en séance plénière, que les infractions commises à l'occasion d'un conflit social ne peuvent pas faire l'objet de la procédure de comparution immédiate. Si le ministre fait cette déclaration, l'amendement nº 27 sera retiré.

Un co-auteur se dit d'accord avec les orateurs précédents et estime qu'une simple mention dans l'exposé des motifs du projet de loi n'est pas suffisante. Un déclaration faite du ministre en séance plénière serait sans doute plus rassurante, mais il n'en estime pas moins qu'il serait préférable de modifier la loi plus tard. Cela permettrait de rassurer tout le monde.

Un autre co-auteur souscrit aux propos de l'orateur précédent.

Un membre souligne que des poursuites judiciaires contre des personnes qui ont participé à des manifestations à l'occasion d'un conflit social, sont très exceptionnelles. Il déclare n'avoir souvenance que de deux cas de poursuites de ce type pour ce qui est des 30 dernières années : le premier cas concerne une imprimerie de Nivelles qui a fait l'objet de poursuites il y a 30 ans, et le second met en cause un délégué syndical à Arlon.

Le membre demande aussi instamment au ministre de préciser certains concepts au cours de sa déclaration en séance plénière. Il estime, en effet, qu'il y a une grande différence entre les troubles successifs qui sont consécutifs à un malaise social et un infraction qui est commise à l'occasion d'un conflit social.

Le second concept est très vaste. Le membre dit partager les préoccupations des orateurs précédents, mais il estime qu'il ne faut quand même pas exagérer.

Un membre trouve que la formulation proposée dans l'amendement est trop large. Il préfère la formulation utilisée dans l'exposé des motifs du projet de loi. Il y est stipulé que la procédure ne constitue pas un instrument juridique susceptible d'être employé pour prendre position dans le cadre de manifestations publiques ou de troubles consécutifs d'une situation de malaise social (doc. Chambre, nº 306/1, 1999-2000, p. 6).

Un membre se déclare prêt à retirer l'amendement aux mêmes conditions que les autres auteurs de l'amendement. Cette précision devra être inscrite dans la loi au moment de l'évaluation.

Le ministre répète qu'il se rallie à la position déjà adoptée par le premier ministre à cet égard. De plus, il s'engage à apporter un éclaircissement dans le texte de la loi.

Par ailleurs, le ministre se souvient qu'en tant qu'avocat, il a connu deux affaires pouvant être qualifiées de troubles de l'ordre consécutifs à une situation de malaise social. Dans les deux cas, le tribunal a prononcé des peines de substitution.

L'amendement nº 27 est retiré.

Un membre déplore que l'amendement nº 18 ne soit pas retiré. En provoquant un vote sur cet amendement, on contribue à l'insécurité juridique. Comment va-t-on interpréter le rejet de cet amendement ?

L'amendement nº 18 est rejeté par 11 voix contre 1 et 2 abstentions.

Mme Nyssens dépose un amendement nº 19 (doc. Sénat, nº 2-347/2) visant à remplacer l'article 20bis , § 1er , 1º.

La dépositaire de l'amendement déclare que le champ d'application de la procédure de comparution immédiate est trop large. On risque d'avoir un embouteillage considérable devant les chambres de procédure accélérée. C'est pourquoi l'amendement propose de relever le seuil de faits punissables d'un emprisonnement correctionnel principal d'un an aux faits punissables d'un emprisonnement correctionnel principal de deux ans. D'autre part, l'amendement propose de diminuer le seuil de 10 ans à 7 ans. Cette proposition s'inspire aussi du droit comparé.

L'amendement nº 19 est rejeté par 9 voix contre 1 et 2 abstentions.

M. Vandenberghe et Mme De Schamphelaere déposent un amendement nº 54 (doc. Sénat, nº 2-347/2).

Un des auteurs de l'amendement fait référence à la justification circonstanciée qu'il a présentée au cours de la discussion générale. Il estime que la peine minimale d'emprisonnement doit être de 6 mois et la peine maximale de 5 ans. Il souligne que les auditions ont clairement montré que les peines tant minimum que maximum proposées dans le cadre de l'application de la procédure accélérée sont trop élevées :

­ d'une part, certains délits, comme par exemple les coups et blessures simples, ne pourront pas être traités par la procédure accélérée alors que tel était précisément le but;

­ d'autre part, certains délits très graves, comme l'attaque à mains armées, entreront quant à eux en ligne de compte, ce qui n'est pas non plus le but recherché.

L'amendement nº 54 est rejeté par 9 voix contre 2 et 2 abstentions.

M. Vandenberghe et Mme De Schamphelaere déposent un amendement nº 55 (doc. Sénat, nº 2-347/2).

Un des auteurs précise que cet amendement vise à corriger le texte. Il ne s'agit en effet pas seulement des faits punissables d'un emprisonnement correctionnel principal d'un an qui, conformément à la loi du 4 octobre 1867 sur les circonstances atténuantes, n'excède pas dix ans, mais bien des faits punissables d'un emprisonnement correctionnel principal d'au moins un an ou d'une peine plus grave, sans que cette peine excède dix ans, conformément à la loi sur les circonstances atténuantes. Le texte du projet est mal formulé.

L'intervenant refuse de transformer celui-ci en une correction de texte.

L'amendement nº 55 est rejeté par 10 voix contre 3 et 1 abstention.

Mme Nyssens dépose un amendement nº 20 (doc. Sénat, nº 2-347/2).

L'auteur déclare que la procédure de comparution immédiate doit être réservée aux cas dans lesquels l'affaire est simple, en état d'être jugée et où l'infraction est flagrante, dans la mesure où l'individu est pris sur le fait. Le ministre lui-même a affirmé à plusieurs reprises que seules les affaires simples se prêtent à l'application de cette nouvelle procédure. Les mots « en état d'être jugée » montrent bien que le dossier doit être prêt. Enfin la notion de « flagrance » est bien précisée. Le Conseil d'État fait remarquer dans son avis que l'hypothèse du flagrant délit devrait se limiter au cas où l'individu est pris sur le fait (doc. Chambre, 1999-2000, nº 306/1, p. 28). Cette définition s'inspire également du droit français.

Un membre fait remarquer que la notion d'« affaire simple » n'a pas de signification juridique. Il est d'ailleurs quelque peu paradoxal que, d'une part, on propose de n'appliquer la procédure que pour des faits punissables d'un emprisonnement correctionnel principal d'un an au moins et, d'autre part, de plaider pour qu'elle ne s'applique qu'aux affaires simples. Dans le langage courant, on peut encore tenter d'expliquer la notion d'« affaire simple », mais dans le langage juridique, il s'agit d'une expression dénuée de sens. Les juridictions peuvent difficilement deviner ce que le législateur a voulu dire lorsqu'il a inscrit ce terme dans une loi de procédure pénale.

Le ministre cite M. Nunez, président du tribunal de grande instance de Lille, qui a été auditionné par la commission de la Justice de la Chambre. M. Nunez disait notamment que la procédure de comparution immédiate peut répondre à la question de savoir comment juger vite des affaires simples en permettant à tout le monde d'exercer ses droits (doc. Chambre, 1999-2000, nº 306/4, p. 17).

L'amendement nº 20 est rejeté par 10 voix contre 1 et 3 abstentions.

M. Vandenberghe et Mme De Schamphelaere déposent l'amendement nº 56 (doc. Sénat, nº 2-347/2).

L'auteur principal de l'amendement déclare que le texte proposé permet l'application de la procédure de comparution immédiate aux délits pour lesquels les charges avancées dans un délai d'un mois suivant leur survenance, sont suffisantes pour que l'affaire soit soumise au juge. C'est au ministère public qu'il appartient de juger de ce caractère suffisant. On peut se demander comment veiller à ce que la procédure de comparution immédiate soit appliquée de manière uniforme.

L'attitude du prévenu peut jouer un rôle à cet égard. Il a, par exemple, tout intérêt à ne rien reconnaître. En reconnaissant les faits dans un délai d'un mois, il risque en effet d'être arrêté sur-le-champ et d'être jugé, ce qui ne sera peut-être plus le cas un mois plus tard. C'est en effet la procédure de détention préventive ordinaire qui doit alors être appliquée.

La procédure de comparution immédiate a été conçue essentiellement pour éloigner des rues les petits criminels qui ont été pris en train de commettre un délit et pour montrer ainsi à la population que des mesures sont prises pour lutter contre la criminalité. Tant du point de vue de la philosophie du projet que du point de vue de la sécurité juridique, il est donc préférable de limiter l'application de la procédure de comparution immédiate aux délits dont l'auteur est pris en flagrant délit et mis à la disposition du parquet.

L'amendement nº 56 est rejeté par 10 voix contre 2 et 1 abstention.

MM. Moureaux et consorts déposent l'amendement nº 26 (doc. Sénat, nº 2-347/2).

L'auteur principal indique que cet amendement vise à étendre le champ d'application de la nouvelle procédure de comparution immédiate aux faits inspirés par le racisme ou la xénophobie. Lorsqu'une personne diffuse des écrits racistes, il s'agit en effet d'un cas de flagrant délit et le juge peut être saisi immédiatement de l'affaire. L'intervenant rappelle que le ministre a déjà déclaré que le présent texte permet déjà d'appliquer cette procédure à ce type de faits pour autant qu'il s'agisse d'une infraction passible des peines mentionnées. Le ministre a ajouté qu'il veillera à ce que ceci soit précisé dans la circulaire qui sera élaborée.

Dans ces conditions et sous réserve d'une proposition de loi à déposer ultérieurement et reprenant cet amendement, les auteurs retirent leur amendement.

Un membre de la commission fait observer que selon le procureur général d'Anvers, le texte actuel ne permet pas l'application de la procédure de comparution immédiate aux faits inspirés par le racisme ou la xénophobie.

Un autre membre répond que le législateur reste maître de la philosophie de son texte de loi. Dès lors qu'avec l'appui du gouvernement, la procédure de comparution immédiate s'appliquera bien à de tels délits, il n'y a aucun doute possible.

Un autre membre peut partager la philosophie défendue par les auteurs de l'amendement, dans la mesure où l'on s'en tient aux conditions générales de la loi et où il n'y a pas de procédure particulière pour un type d'infractions déterminé.

Compte tenu des déclarations antérieures du ministre et dans les conditions énoncées ci-dessus, l'amendement est retiré par ses auteurs.

M. Vandenberghe et Mme De Schamphelaere déposent l'amendement nº 57 (doc. Sénat, nº 2-347/2).

Cet amendement tend à compléter l'article 20bis , § 1er , alinéa 1er , proposé, par un 3º, rédigé comme suit :

« 3º l'infraction a été accompagnée d'actes de violence à l'encontre de personnes ou de biens. »

Un des auteurs déclare que la nature des faits susceptibles d'entraîner l'application de la nouvelle procédure accélérée n'est pas définie clairement. En effet, les critères sont conçus de manière tellement large que des infractions très diverses peuvent entrer en ligne de compte.

Par conséquent, la question de savoir si certains faits feront ou non l'objet de poursuites suivant la nouvelle procédure, dépendra de la politique du ministère public. Il est donc possible que pour une même infraction, un arrondissement applique la procédure accélérée, tandis qu'un autre arrondissement applique la procédure ordinaire.

Ce qui soulève la question du principe d'égalité.

L'on peut à cet égard se référer à l'avis du Conseil d'État (doc. Chambre, 99/00, nº 306/001, pp. 26 et 27) :

« Chacun de ces critères, pas plus d'ailleurs que leur combinaison, ne rend compte, fût-ce de façon simplement approchée, de l'intention des auteurs, déclarée dans l'exposé des motifs, de restreindre la procédure accélérée à certains types d'infraction déterminés par des critères en quelque sorte sociologiques : il s'agit d'infractions regroupées comme formant « la petite délinquance » ou la « criminalité urbaine ».

Cet écart entre les intentions des auteurs du projet, d'une part, et le texte lui-même, d'autre part, laisse penser que c'est aux responsables de la politique criminelle qu'il appartiendra de choisir parmi les infractions que le texte permet de soumettre à la procédure rapide, celles qui doivent y être effectivement soumises.

Le véritable champ d'application de la loi en projet sera ainsi tracé finalement par le collège des procureurs généraux et le ministre de la Justice.

Si la lettre de l'article 12 de la Constitution paraît respectée, il est moins sûr que l'esprit de ce principe le soit, car celui-ci est évidemment de réserver au pouvoir législatif les règles de la répression, d'investir le Parlement de la compétence exclusive de déterminer les infractions et les peines tout autant que les formes dans lesquelles les poursuites doivent se dérouler.

C'est pourquoi il appartient au Parlement de faire les distinctions nécessaires pour fixer au moins les lignes essentielles des critères permettant de réunir du point de vue de la substance différentes catégories d'infractions en vue de les soumettre à une procédure rapide tout en sauvegardant la liberté individuelle. »

Le présent amendement tend donc à insérer dans le texte de la loi un critère supplémentaire, à savoir que la procédure accélérée ne pourra être appliquée qu'aux infractions qui ont été accompagnées d'actes de violence à l'encontre de personnes ou de biens. C'est en effet précisément pour cette raison que la population considère que les infractions visées ­ les actes de hooliganisme et la petite criminalité urbaine ­ constituent une menace et c'est pour cette même raison qu'elles nécessitent une réaction immédiate de la part de la police et de la justice.

L'amendement est rejeté par 10 voix contre 2 et 2 abstentions.

M. Van Quickenborne dépose l'amendement nº 10 (doc. Sénat, nº 2-347/2).

Compte tenu des déclarations antérieures du ministre, l'auteur retire son amendement.

Mme Nyssens dépose l'amendement nº 21 (doc. Sénat, nº 2-347/2).

Cet amendement vise à rendre obligatoire la réalisation d'une enquête sociale. Une enquête sociale constitue en effet un élément fondamental de la procédure, qui permet au juge de se forger une image exacte de l'intéressé et d'infliger une peine appropriée.

L'amendement est rejeté par 10 voix contre 3 et 1 abstention.

Mme Nyssens dépose l'amendement nº 34 (doc. Sénat, nº 2-347/2).

Dès lors qu'un lien étroit entre le procureur du Roi et le juge d'instruction est indispensable et que le rôle du juge d'instruction a été profondément modifié par rapport à son rôle « classique », il est nécessaire de prévoir qu'il soit entendu, pour que le juge puisse disposer de toutes les informations. Il est également nécessaire que l'avocat du prévenu puisse déposer des conclusions.

L'amendement est rejeté par 10 voix contre 3 et 1 abstention.

Un membre demande au ministre de bien vouloir confirmer que les termes « le mandat d'arrêt en vue de comparution immédiate » comprennent en fait le cas de l'ordonnance de maintien en liberté aux conditions de l'article 35.

Le ministre confirme qu'il s'agit du même principe.

M. Van Quickenborne dépose l'amendement nº 11 (doc. Sénat, nº 2-347/2).

Compte tenu des déclarations antérieures du ministre, l'auteur retire son amendement.

M. Van Quickenborne dépose l'amendement nº 12 (doc. Sénat, nº 2-347/2).

L'auteur précise que cet amendement rejoint l'amendement nº 58 de M. Vandenberghe et consorts, qui est mieux formulé. C'est pourquoi il retire l'amendement nº 12 et soutiendra l'amendement nº 58.

M. Vandenberghe et Mme De Schamphelaere déposent l'amendement nº 58 (doc. Sénat, nº 2-347/2).

Cet amendement vise à supprimer le dixième tiret de l'article 20bis, § 4, proposé. Un des auteurs déclare que l'article 36, § 1er , de la loi du 20 juillet 1990 relative à la détention préventive dispose qu'au cours de l'instruction judiciaire, le juge d'instruction peut, d'office ou sur réquisition du procureur du Roi, imposer une ou plusieurs conditions nouvelles, retirer, modifier ou prolonger, en tout ou en partie, des conditions déjà imposées.

Étant donné que la procédure accélérée prévue exclut précisément une instruction judiciaire, cette disposition ne peut pas s'appliquer à l'article 20bis proposé de la loi du 20 juillet 1990.

En outre, l'article 20bis , § 4, dixième tiret, prévoit que l'article 36, § 1er , susvisé n'est applicable que jusqu'à la notification de la fixation par le procureur.

Cette dernière doit avoir lieu immédiatement (voir l'article 216quinquies , § 1er , deuxième alinéa, proposé).

Il n'est guère réaliste de supposer que dans ce court laps de temps (entre la mise en liberté sous conditions et la notification), le juge d'instruction retirerait, modifierait ou prolongerait ces conditions imposées.

L'amendement est rejeté par 10 voix contre 3 et 1 abstention.

Mme Nyssens dépose l'amendement nº 35 (doc. Sénat, nº 2-347/2).

L'article 20bis, § 4, proposé, comporte une série de références. L'une d'elles, la référence à l'article 28, § 1er , de la loi relative à la détention préventive, est une erreur puisque cet article fait en réalité référence à tous les chapitres de la loi, ce qui ne saurait être l'objectif.

Plusieurs membres de la commission souhaitent que ce point soit repris dans la liste des corrections qui seront apportées par le biais d'une proposition de loi.

L'amendement est rejeté par 10 voix contre 3 et 1 abstention.

L'amendement déposé par Mme Nyssens vise à remplacer le § 5 de l'article 20bis du chapitre IIIbis inséré dans la loi du 20 juillet 1990 relative à la détention préventive, par le texte suivant (doc. Sénat, nº 347/2, amendement nº 22) :

« § 5. Le mandat d'arrêt en vue de comparution immédiate est valable jusqu'au prononcé du jugement, pour autant que celui-ci intervienne dans les 6 semaines de l'ordonnance. À défaut, le prévenu est immédiatement mis en liberté. »

L'auteur retire son amendement.

M. Vandenberghe et Mme De Schamphelaere proposent d'insérer, à l'article 20bis , alinéa 1er , proposé, entre le mot « immédiate » et le mot « est », les mots « ou l'ordonnance prise par le juge d'instruction en application de l'article 35 » (cf. doc Sénat, nº 347/2, amendement nº 59) Un des auteurs déclare qu'il va de soi qu'il n'y a pas que le mandat d'arrêt qui est valable jusqu'au prononcé du jugement s'il est statué dans les sept jours à compter de l'ordonnance : l'ordonnance du juge d'instruction qui a mis l'inculpé en liberté sous conditions doit l'être tout autant.

L'amendement est rejeté par 9 voix contre 3 et 1 abstention.

Mme Nyssens dépose un amendement nº 36 (doc. Sénat, nº 2-347/2) visant à supprimer, au § 6 de l'article 20bis proposé, le membre de phrase « et tant que la notification prévue à l'article 216quinquies , § 1er , alinéa 3, n'est pas intervenue ».

En effet, elle estime que cette restriction empêche le juge d'instruction de se fonder sur des éléments nouveaux pour prononcer la mainlevée du mandat d'arrêt.

L'amendement est rejeté par 10 voix contre 3 et 1 abstention.

M. Vandenberghe et Mme De Schamphelaere déposent un amendement nº 60 (doc. Sénat, nº 2-347/2) visant à remplacer la première phrase de l'article 20bis , § 6, proposé par « Le juge d'instruction peut, d'office ou sur requête motivée à lui adressée, donner mainlevée du mandat d'arrêt en vue de comparution immédiate. »

Le juge d'instruction peut, en application du § 6 proposé, donner mainlevée du mandat d'arrêt tant que la notification prévue à l'article 216quinquies (convocation par le procureur du Roi) n'est pas intervenue.

L'article 216quinquies , § 1er , alinéa 2, proposé, dispose toutefois que le procureur doit faire cette notification immédiatement après la délivrance du mandat. En d'autres termes, le juge d'instruction n'aura, dans le meilleur des cas, que quelques heures pour retirer son mandat. Il est peu réaliste de penser que le juge d'instruction puisse changer d'avis en si peu de temps. La mainlevée du mandat doit dès lors être rendue possible durant toute la durée de la détention.

Plusieurs membres doutent de l'utilité de la première phrase du § 6.

L'amendement est rejeté par 8 voix contre 5.

M. Vandenberghe et Mme De Schamphelaere déposent un amendement nº 61 (doc. Sénat, nº 2-347/2) visant à supprimer le § 6 de l'article 20bis proposé.

Un des auteurs souligne que cette disposition est inapplicable, étant donné que l'article 216quinquies , § 1er , alinéa 2, proposé, du Code d'instruction criminelle prévoit que lorsque le mandat d'arrêt en vue de la comparution immédiate est décerné, le procureur du Roi procède immédiatement à la notification.

Il est donc peu réaliste de penser que dans le laps de temps particulièrement court entre le moment où est décerné le mandat d'arrêt et celui de la notification de la convocation, le juge d'insctruction puisse lever le mandat d'arrêt d'office ou à la demande.

L'amendement est rejeté par 8 voix contre 5.

Mme Nyssens dépose un amendement nº 37 (doc. Sénat, nº 2-347/2), qui propose une correction matérielle, à savoir le remplacement du § 7 de l'article 20bis proposé par les mots : « Les ordonnances visées au présent article ne sont susceptibles d'aucun recours. »

L'amendement est retiré et sera acté comme une correction de texte, moyennant l'accord de la Chambre.

Article 7bis

Mme Nyssens dépose un amendement nº 15 (doc. Sénat, nº 2-347/2) visant à insérer un article 7bis portant un article 20ter rédigé comme suit :

« Art. 20ter. ­ Lorsqu'il est requis de décerner un mandat d'arrêt en application de l'article 20bis, § 1er , le juge d'instruction peut décider de continuer lui-même l'enquête, auquel cas il sera procédé conformément au chapitre VI du Code d'instruction criminelle et aux autres dispositions de la présente loi. Sa décision n'est susceptible d'aucun recours. »

L'auteur expose que cet amendement s'inspire du système mis en place par la loi Franchimont du 12 mars 1998 à l'article 28septies du Code d'instruction criminelle instaurant la mini-instruction.

L'idée est de permettre au juge d'instruction, saisi de réquisitions du procureur du Roi de délivrer un mandat d'arrêt en vue de comparution immédiate, de juger de l'opportunité, en fonction de la gravité ou de la complexité de l'affaire, de ne pas avoir recours à la procédure de comparution immédiate mais de mettre plutôt cette affaire à l'instruction en se saisissant du dossier et en procédant dans le cadre normal de la procédure d'instruction et éventuellement de la loi relative à la détention préventive.

L'amendement est rejeté par 10 voix contre 3 et 1 abstention.

M. Vandenberghe et Mme De Schamphelaere déposent un amendement nº 62 (doc. Sénat, nº 347/2).

Un des auteurs déclare que si, conformément à l'article 20bis proposé de la loi du 20 juillet 1990 relative à la détention préventive, le mandat d'arrêt en vue de comparution immédiate peut aussi être requis si les faits sont punissables d'un emprisonnement correctionnel principal de six mois au moins, il convient de le préciser à l'article 16, § 1er , qui s'applique à chaque décision du juge d'instruction, comme le précise l'article 20, § 4, premier tiret, proposé.

Cet amendement étant en fait un sous-amendement à l'amendement nº 54 retiré, les auteurs retire leur amendement.

Article 8

M. Vandenberghe et Mme De Schamphelaere déposent un amendement nº 63 (doc. Sénat, nº 2-347/2) visant à supprimer cet article parce qu'il y a, en l'occurrence, double emploi avec le § 5 de l'article 20bis proposé (voir article 7 du projet). Celui-ci dispose déjà que la détention ne peut durer que sept jours, après quoi l'intéressé doit être remis en liberté.

L'amendement est rejeté par 10 voix contre 4.

M. Van Quickenborne dépose un amendement nº 13 (doc. Sénat, nº 2-347/2).

À la suite du vote sur l'amendement nº 63, l'auteur retire son amendement.

Article 9

M. Vandenberghe et Mme De Schamphelaere déposent un amendement nº 64 (doc. Sénat, nº 2-347/2) visant à supprimer cet article.

Un des auteurs déclare que l'obligation de procéder à une enquête sociale ou d'établir un rapport succinct avant de pouvoir infliger une peine alternative doit être maintenue.

Le juge doit pouvoir se faire une idée suffisamment claire de la personne qui comparaît devant lui avant de prendre une décision sur ce point. Il doit non seulement pouvoir condamner une personne, mais aussi pouvoir la juger.

L'amendement est rejeté par 10 voix contre 3 et 1 abstention.

Article 10

M. Vandenberghe et Mme De Schamphelaere déposent un amendement nº 65 (doc. Sénat, nº 2-347/2) visant à supprimer cet article. Il est renvoyé à la justification de l'amendement nº 64 relatif à l'article 9.

L'amendement est rejeté par 10 voix contre 3 et 1 abstention.

Mme Nyssens dépose un amendement nº 67 (doc. Sénat, nº 2-347/2) visant à remplacer cet article par le texte suivant :

« À l'article 2, § 1er , alinéa 1er , de la même loi, tel que modifié par la loi du 22 mars 1999, insérer les mots « ou par un assistant de justice » entre les mots « de probation » et « avant ».

L'auteur souligne qu'il est nécessaire d'instaurer au sein des parquets des services sociaux spécialement affectés à la réalisation des enquêtes sociales. Ceci nécessiterait une modification de la loi sur la probation dans la mesure où, en l'état actuel de la législation, ces enquêtes doivent être effectués par les assistants de probation.

L'amendement est rejeté par 10 voix contre 3 et 1 abstention.

Article 11

Mme Nyssens dépose un amendement nº 23 (doc. Sénat, nº 2-347/2) visant à supprimer cet article.

Elle estime que rien ne justifie que l'on déroge à la règle normale selon laquelle la loi entre en vigueur le dixième jour après sa publication.

L'amendement est rejeté par 10 voix contre 1 et 3 abstentions.

M. Vandenberghe et Mme De Schamphelaere déposent un amendement nº 66 (doc. Sénat, nº 2-347/2) visant à remplacer les mots « 3 avril 2000 » par les mots « 1er mai 2000 ».

Les auteurs estiment qu'il est pour ainsi dire impossible que la loi soit opérationnelle pour la date prévue du 3 avril 2000.

L'amendement est rejeté par 10 voix contre 2 et 2 abstentions.

VI. VOTE FINAL

L'ensemble du projet de loi a été adopté par 10 voix contre 3 et 1 abstention.

Le présent rapport a été approuvé à l'unanimité des 12 membres présents.

Le rapporteur, Le président,
Didier RAMOUDT. Josy DUBIÉ.

VII. CORRECTIONS DE TEXTE

Intitulé

L'intitulé est modifié comme suit :

« Projet de loi insérant une procédure de comparution immédiate en matière pénale. »

Article 2

Dans le texte français de l'intitulé du chapitre II et dans le texte de l'article 2, les mots « titre préliminaire du Code d'instruction criminelle » sont remplacés par les mots « titre préliminaire du Code de procédure pénale ».

Article 3

Dans l'ajout proposé, les mots « convocation aux fins de » sont insérés entre les mots « , soit par la » et les mots « comparution immédiate ».

Article 4

Dans le texte néerlandais de l'article 4, les mots « procedure van de onmiddellijke verschijning » sont remplacés par les mots « procedure van onmiddellijke verschijning ».

Article 6

Dans le texte français de l'article 216quinquies, § 1er , alinéa 1er , les mots « convoque, en vue de ... » sont remplacés par les mots « convoque, aux fins de ».

Dans ce même article, les mots « dont la liberté est subordonnée au respect des ... » sont remplacés par les mots « a été laissée en liberté aux ... ».

Chapitre IV ­ Intitulé

Le mot « modifiant » est remplacé par le mot « complétant ».

Article 7

Dans le texte néerlandais de l'article 20bis, § 3, proposé, le mot « aanhoudingsbevel » est remplacé par les mots « bevel tot aanhouding ».

Le § 7 du même article est remplacé par la disposition suivante :

« § 7. Les ordonnances visées au présent article ne sont susceptibles d'aucun recours. »


ANNEXES

AU RAPPORT

FAIT AU NOM DE LA COMMISSION DE LA JUSTICE PAR M. RAMOUDT


ANNEXE II


AUDITIONS

Mardi 14 mars 2000 (matin)

Mme Dekkers, procureur général près la cour d'appel d'Anvers

1. Exposé de l'oratrice

Mme Dekkers explique préalablement que d'un commun accord avec M. Dejemeppe, elle axera son exposé principalement sur sa propre sphère d'attribution, à savoir la procédure devant la cour d'appel. Cela ne signifie pas qu'elle n'ait aucune remarque, réflexion ou idée sur les autres aspects des deux projets de loi, mais aborder le moindre détail y afférent prendrait trop de temps et empiéterait sans aucun doute sur les exposés des autres intervenants. Lorsque les avocats, le juge d'instruction, le procureur et le vice-président du tribunal de première instance prendront la parole, ils pourront à leur tour mettre l'accent sur les aspects qui revêtent de l'importance pour leur sphère d'attribution. On pourra ainsi respecter le timing.

L'oratrice renvoie à un récent article du « Juristenkrant » qui disait clairement que tous ceux qui sont associés à l'appareil judiciaire sont partisans de poursuivre le plus rapidement possible les faits que l'on estime devoir être poursuivis. Il est inadmissible que des litiges ne soient tranchés devant un tribunal qu'après plusieurs années. Cette situation est préjudiciable à l'auteur, à la collectivité et à la victime. Le citoyen a le droit d'être avisé rapidement de la suite réservée à une affaire, sinon il est gagné par le sentiment que des faits peuvent être commis impunément. En sa qualité de procureur général, l'oratrice s'en inquiète vivement et s'efforce, tant dans le cadre du collège des procureurs généraux que dans le ressort de la cour d'appel d'Anvers, de souligner ce qui doit l'être et de prendre les mesures qui s'imposent.

En ce qui concerne le projet de loi insérant une procédure de comparution immédiate dans le Code d'instruction criminelle, elle souligne que pour la procédure de première instance, on utilise chaque fois le terme « prévenu », alors que la loi sur la détention préventive parle chaque fois en première instance de l'« inculpé ». Ce n'est qu'à partir du degré d'appel que l'on parle de « prévenu ». Lorsqu'on lira ce texte ultérieurement, des questions se poseront. On en arrive ainsi à l'incohérence suivante : l'article 20, par exemple, parle de l'« inculpé », alors que l'article 20bis de la même loi fait état du « prévenu ». Pour des raisons de clarté, il est préférable d'utiliser opportunément dans le texte le mot « prévenu ».

L'intervenante souligne que le projet de loi portant modification de l'organisation judiciaire à la suite de l'instauration d'une procédure de comparution immédiate disposait initialement qu'une des chambres correctionnelles de la cour d'appel serait chargée de connaître de l'appel en cas de procédure de comparution immédiate. Cette disposition a cependant été supprimée parce qu'elle est manifestement jugée superflue. A-t-on l'impression que la procédure de recours devant la cour d'appel dans le cadre de la procédure accélérée et de la comparution immédiate ne trouvera en fait jamais à s'appliquer ?

Cette question est surtout liée au délai que l'on a fixé à sept jours. L'intervenante espère que la commission de la Justice du Sénat réexaminera cette question.

L'intervenante fait ensuite référence aux objectifs généraux du projet tels qu'ils ont été formulés par le Premier ministre Verhofstadt dans la déclaration du gouvernement dans laquelle il annonçait que le gouvernement entendait mettre sur pied un type de comparution immédiate pour certaines formes de criminalité telles que les violences manifestes et les infractions graves en particulier dans les cas de flagrant délit. Il ajoutait que dans ce cas, il serait fait un large usage des peines alternatives et éventuellement de mesures sociales et qu'en outre l'accent serait mis sur la réparation des dommages causés. Le gouvernement a ainsi proclamé officiellement vouloir une réaction judiciaire immédiate face aux infractions, il va de soi dans le respect des droits de la défense, et vouloir éviter ainsi que subsiste l'impression d'impunité chez l'auteur (voir l'article précité du « Juristenkrant »). La première finalité du projet était donc d'assurer une répression directe rapide et appropriée, et de prévenir la récidive. Le gouvernement s'est également fixé pour but d'éviter une double victimisation grâce à un jugement accéléré, dans le respect des droits civils des victimes. La première victimisation est liée directement au délit et la seconde au manque d'intérêt de la justice. Enfin, le gouvernement veut, par cette nouvelle procédure, contribuer à la création d'un climat de sûreté publique, en particulier dans les grandes villes ou à l'occasion d'événements à haut risque ou réunissant un public nombreux.

Il convient à présent de vérifier si les deux projets de loi permettent d'atteindre les objectifs formulés, publiés et proclamés par le gouvernement dans sa déclaration gouvernementale. L'Euro 2000 constitue déjà en soi un motif pour accélérer l'adoption de ce projet de loi. Le gouvernement espère qu'une fois que le texte aura été adopté et qu'il aura force de loi, il permettra de résoudre les problèmes qui risquent de se produire à l'occasion de ce championnat.

Le hooliganisme et les autres actes de violence publics en groupe ne peuvent cependant faire l'objet d'une procédure de comparution immédiate que si les faits et les auteurs peuvent être individualisés. Bien que ce point soit assez évident, il constituera le noeud du problème. Bien que la pierre de touche soit la simplicité de la procédure, il sera toujours difficile dans la pratique, face à des actes de hooliganisme et de violence publique, de déterminer les responsabilités précises de chacun. L'intervenante pense donc que l'on attend trop de cette loi.

Il va de soi que le collège des procureurs généraux sera disposé à collaborer dès que le projet sera approuvé et publié au Moniteur belge. Le collège a répondu favorablement à toutes les demandes de collaboration constructive qui lui ont été adressées par le ministre de la Justice. En ce qui concerne Anvers, le ministre a reçu la promesse qu'un projet de circulaire serait élaboré sur la base de la loi en projet. Il est évidemment impossible de prévoir ce qu'il adviendra par la suite. L'intervenante ne peut absolument pas garantir que la loi aura les résultats que tout le monde attend. Les résultats apparaîtront lorsqu'on procédera à une évaluation de la loi.

Une loi ne peut sortir ses effets qu'à la condition que tous les maillons de la chaîne puissent y réagir immédiatement. Une chaîne est aussi forte que son maillon le plus faible. Tous les maillons de l'appareil judiciaire ou de l'ensemble du groupe des acteurs associés à l'exécution de la loi doivent avoir la possibilité de réagir immédiatement à celle-ci. Lorsqu'on lancera la procédure accélérée, ce sera surtout la magistrature qui devra être prête et non les services de police qui dressent des procès-verbaux. Si l'on opte pour la procédure accélérée au lieu de la procédure de droit commun, il faudra que la magistrature puisse faire appel d'emblée à un groupe d'experts afin de pouvoir prendre une décision dans le délai très restreint de sept jours. Ces experts devront par exemple apprécier quels sont les délits qui entrent en ligne de compte et déterminer le degré d'incapacité de travail en cas de coups et blessures. Le groupe d'experts devra comprendre également des médecins disponibles immédiatement, par exemple des spécialistes en brûlures. Il n'est pas aisé de disposer de tous ces experts dans un pays comme la Belgique. La chose est cependant possible en France. En commission de la Justice de la Chambre, deux magistrats français sont venus expliquer qu'ils pouvaient faire appel à une permanence de spécialistes. C'est un élément très important dans la procédure accélérée. En France, lorsque les tribunaux et parquets ne peuvent pas faire appel immédiatement à ces experts, ils optent pour la procédure ordinaire au lieu de la procédure accélérée. La procédure accélérée n'est pas complexe en soi, elle est difficile à réaliser en pratique. Elle convient peut-être pour un événement comme l'Euro 2000, mais on doit déterminer si l'on souhaite une loi spécifique pour l'Euro 2000 ou une loi qui a un caractère permanent. Si l'on approuve la loi relative à la procédure accélérée, il faudra pouvoir faire appel immédiatement à une permanence d'experts. La chose ne posera pas problème dans les grands tribunaux et parquets, mais il y aura des difficultés dans les tribunaux et parquets de taille plus modeste. Beaucoup de personnes se demandent si on pourra garantir le caractère permanent de ce service.

Les experts ne sont pas le seul problème qui se posera lors de l'introduction de la procédure accélérée, il y a aussi le problème des autres acteurs de la justice. Ainsi, les services administratifs du parquet et des établissements pénitentiaires devront être organisés autrement. Les prisons devront adapter leurs heures d'ouverture. Cela implique davantage de personnel et d'argent. Une chaîne est aussi forte que son maillon le plus faible. Si ce maillon se rompt, le système est bloqué. En outre, on ne dispose que de sept jours, ce qui signifie qu'il ne peut y avoir aucun grippage. On devra donc faire appel aux services externes du ministère de la Justice, par exemple les services de probation. Il faudra requérir des jugements, consulter le casier judiciaire, etc. Tous ces services devront assurer des permanences en tous points semblables à celles des hôpitaux où le service des urgences garantit un accompagnement spécial. L'intervenante se demande si la Justice est suffisamment avancée pour garantir un service des urgences.

Le collège des procureurs généraux accordera une très grande attention à ce traitement d'urgence dans les circulaires; le collège n'a presque aucune prise sur les personnes qui ne font pas partie de la magistrature. La collaboration avec les services administratifs repose principalement sur la bonne volonté. Cela fonctionnera en périodes d'intense activité mais l'avenir nous apprendra si cela fonctionnera tout le temps. Voilà pour ce qui est des « à-côtés » de la procédure accélérée.

Un problème juridique majeur se pose au niveau de la cour d'appel. Le projet de loi ne permet pas de faire opposition. Si le jugement du tribunal correctionnel est prononcé par défaut, il ne sera passible d'aucun recours. Or, le droit au défaut est, selon l'intervenante, un élément fondamental du droit de procédure pénale belge. En tant que magistrat, elle s'interroge sur les aspects juridiques de cette impossibilité d'interjeter appel. Elle demande aux commissaires ce qu'ils en pensent et s'ils estiment que le droit de la défense au défaut, même de la part du détenu, reste d'une importance capitale dans notre démocratie.

La nouvelle loi ne permettant aucune opposition, un problème se pose au niveau de la cour d'appel. Doit-on considérer le jugement comme ayant été rendu de manière contradictoire ? Ou doit-on supposer que le délai d'appel commence à courir à partir de la signification du jugement à la partie condamnée ou à son domicile ? La commission devrait chercher une solution pour lever cette ambiguïté.

Par ailleurs, l'intervenante constate qu'aux termes du projet, le délai de citation est réduit à deux jours. Pourtant, si on s'en tient au délai d'appel prévu par le droit commun, une affaire doit être fixée dans les quinze jours après l'expiration du délai prévu à l'article 203 du Code d'instruction criminelle. Lorsque, dans le cadre de la nouvelle loi, un dossier sera transmis au procureur général, celui-ci ne disposera que d'un délai de fixation de deux jours tandis que l'on aura quinze jours pour examiner si l'on interjettera appel. Dans la perspective de l'adoption de la procédure de comparution immédiate, l'intervenante a commandé, dans un projet de circulaire, de se tenir prêt à un éventuel appel, de sorte que lorsque le dossier parviendra au procureur général, les signaux d'urgence commencent à fonctionner immédiatement et que le dossier puisse être examiné dans les deux jours. L'intervenante se veut constructive, mais elle a l'impression que l'on demande un peu trop. La cour d'appel elle-même, c'est-à-dire la magistrature assise, lui en tiendra aussi rigueur. Ces magistrats seront face à un dossier qu'ils connaissent encore moins bien que le procureur général. La collaboration entre le parquet général et le tribunal de première instance et les contacts entre le tribunal de première instance et le parquet général sont assez bons, ce qui n'est pas le cas de la collaboration avec la magistrature assise. La cour d'appel doit ensuite se prononcer dans les cinq jours de la mise en délibéré de la cause. Ce délai est disproportionné par rapport aux autres délais de la procédure d'appel. On pourrait peut-être envisager de réduire le délai d'appel et d'allonger les autres délais de manière à mieux équilibrer les procédures.

Une fois l'affaire pendante devant la cour d'appel, celle-ci peut reporter l'affaire et demander un complément d'enquête. Malheureusement, le projet de loi ne mentionne pas si la cour, à l'instar du tribunal de première instance, peut procéder à l'audition de témoins ni si elle peut ordonner un complément d'enquête restreint ou approfondi. Pourquoi avoir fait une distinction entre la première et la deuxième instance ? A-t-on estimé que la cour d'appel a elle aussi ces facultés ? La loi ne le mentionne pas expressément.

L'oratrice se réfère au délai de sept jours dans lequel doit se dérouler l'ensemble de la procédure. Si ce n'est pas possible, le prévenu est mis en liberté. Il n'est pas possible de prolonger le délai. Pourtant, le projet prévoit de compléter l'article 33, § 1er, en ce qui concerne la détention préventive en degré d'appel. L'intervenante en ignore la raison sous-jacente. Cela n'a donné lieu à aucune remarque en commission de la Chambre. Le parquet général d'Anvers a pourtant posé une question à ce sujet lorsqu'il a offert sa collaboration au ministre. Le parquet général avait l'impression qu'à la suite de l'adaptation de l'article 33, § 1er, on pouvait bel et bien parler de détention préventive en degré d'appel. C'est là une lacune.

L'oratrice espère que les problèmes qu'elle a esquissés ne sont pas insurmontables. En y travaillant activement, on peut encore faire du projet un instrument opérationnel. Les procureurs généraux veulent, dans la mesure du possible, trouver la solution la plus concrète à toute forme de criminalité.

2. Questions des membres et réponses de l'oratrice

Un membre aimerait obtenir des éclaircissements sur les doutes qu'a émis la procureur générale quant au véritable objet du projet de loi, qui serait de créer un palais permanent de la procédure accélérée, alors que la perspective de l'Euro 2000 en a fait une friterie ou un cirque vendant de la procédure accélérée. Cela dénoterait une improvisation ou ce que la procureur générale a qualifié d'absence d'intégration complète dans le système.

Quelles sont les mesures concrètes qu'elle juge nécessaires pour aboutir à une procédure accélérée intégrée en première instance et en degré d'appel, en dehors de la dimension de l'Euro 2000 ?

C'est à juste titre que Mme Dekkers aborde le problème de l'impossibilité de faire opposition. Selon l'intervenant, c'est contraire aux articles 10 et 11 de la Constitution. Il ne voit pas pourquoi on ne pourrait pas faire défaut pour certaines infractions, alors que pour des infractions graves, c'est possible. Le gouvernement devra expliquer sur la base de quels arguments, et en se conformant au principe de la proportionnalité, il supprime le défaut en tant que recours. S'agit-il d'un jugement contradictoire ? Comment s'écoulent les délais de recours ? Faut-il déduire du texte qu'en cas de défaut, le jugement est censé avoir été rendu contradictoirement, ce qui fait courir automatiquement les délais de recours, non sans engendrer toutefois une difficulté supplémentaire : on peut se demander si cette procédure respecte suffisamment les droits de la défense. Passera-t-elle le cap du contrôle de la conformité à l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme ? En vertu de cet article, il est inadmissible qu'un individu soit condamné par défaut sans le savoir, qu'il n'y ait pas de signification à la partie défaillante et que le délai commence à courir à l'insu du condamné.

Il y a le problème de la fixation, de l'examen du recours et de l'éventuel lien avec la détention préventive. Le délai de recours est de quinze jours. En cas de recours, le parquet doit fixer l'audience dans les deux jours. Suivent alors l'examen immédiat par la cour d'appel et le prononcé dans les cinq jours. Si les délais ne sont pas respectés, il faut, selon la procureur général, libérer l'accusé. L'intervenant reconnaît n'avoir pas encore examiné cet aspect de manière approfondie, mais il voit deux hypothèses. Ou bien le juge a exécuté immédiatement le premier jugement et l'arrestation immédiate a été demandée. Ce serait le monde à l'envers si l'on requérait l'arrestation immédiate pour les délits mineurs. Qu'adviendra-t-il des délais si l'arrestation immédiate a été autorisée ? Et qu'en sera-t-il si le délai de deux jours pour la fixation n'est pas respecté ?

Les conseillers en degré d'appel peuvent dire, comme le prétend aussi le ministre, qu'ils sont tenus par la loi et qu'ils doivent pouvoir réfléchir avant de condamner quelqu'un. Le droit n'est pas un jeu de bingo. Ils peuvent remettre la cause. Quel effet cela aura-t-il si l'arrestation immédiate a été décidée ? Dans la seconde hypothèse, s'il n'y a pas arrestation immédiate, la procureur générale part-elle du principe que la détention préventive reste telle qu'elle est ? La détention préventive devient-elle caduque si les délais ne sont pas respectés ? Comment ce système fonctionne-t-il ? Comment procède-t-on ?

Qu'adviendra-t-il des délais si l'arrestation immédiate a été autorisée ? Et qu'en sera-t-il si le délai de deux jours pour la fixation n'est pas respecté ?

Un membre observe que, pour la délinquance lors de matches de football ou le hooliganisme, Mme Dekkers a soulevé le problème de l'individualisation de la personne ayant commis la faute ou le délit. L'intervenant déclare qu'il n'y a rien de plus dangereux que les lois de circonstance, et qu'il ne veut pas donner ici l'impression d'appuyer un argument d'assez mauvaise foi en disant qu'il y a un lien entre le vote de cette loi et l'Euro 2000. En tant que bourgmestre ayant un stade de football dans sa commune, il doit diriger la police, et il a des contacts avec la justice à ce sujet. On a fait beaucoup de progrès en la matière et, sauf à mettre en cause les méthodes qui consistent à filmer et photographier les supporters qui « dérapent », l'individualisation est beaucoup plus facile. Quel est le point de vue de la procureur général à ce sujet ?

Une deuxième question est d'un tout autre ordre. Le ministre de la Justice a dit à la Chambre que ce texte pouvait éventuellement s'appliquer partiellement à des délits concernant l'incitation à la haine raciale. Il importe de montrer que de telles procédures ne s'appliquent pas simplement à un certain public. Par contre, selon le libellé actuel du texte, l'intervenant a quelques doutes quant à son applicabilité aux délits en question et souhaiterait connaître l'avis de la procureur général. Est-elle d'accord de considérer qu'à partir du moment où des propos incitant à la haine raciale sont publiés et constatés, il y a flagrant délit, avec toutes les conséquences qui peuvent en découler pour les signataires de tels documents ? Peuvent-ils être traduits devant ce type de justice ? Sinon, quelles améliorations faudrait-il apporter au texte pour que cela puisse se faire ? La procureur générale dit que les procureurs généraux étaient prêts à collaborer. L'intervenant imagine que si le texte allait clairement dans le sens qu'il vient d'indiquer, ils seraient prêts à activer les parquets pour qu'en matière de haine raciale, les poursuites soient diligentées avec efficacité.

Un autre membre souligne que, dans une de ses motivations, le ministre de la Justice a dit que le projet était un élément supplémentaire à la disposition des magistrats pour une plus grande efficacité, ou en tout cas une réponse plus rapide à un certain nombre de délits. Or, la loi de 1994 qui visait déjà le même effet a été très peu utilisée par les juridictions, sauf à Bruxelles. La commission aura l'occasion d'entendre des magistrats bruxellois ayant appliqué cette loi dire ce qu'ils en pensent. On s'apprête à voter une série de dispositions qui ont pour but de donner une réponse plus rapide ­ c'est nécessaire et utile dans un certain nombre de cas ­ mais la suite des opérations est incertaine, car la mise en oeuvre de ce type de disposition risque de ne pas être effective, soit par manque de moyens, soit parce que tous les chaînons ne se mettent pas en place rapidement. N'y a-t-il pas là, outre une responsabilité de l'exécutif qui doit prévoir des moyens pour les lois qu'il fait voter, également une responsabilité de l'appareil judiciaire qui doit réfléchir à sa mise en place ?

Un membre rappelle que la question du défaut a été soulevée. L'intervenant a pu constater que le système français qu'on veut calquer ici a des bases légales complètement différentes. En France, il n'y a, par nature, pas défaut parce que les personnes, après 48 heures de détention, arrivent à l'audience encadrées par les forces de l'ordre. Le défaut est inconcevable, puisqu'elles sont arrêtées. Après avoir attendu quelques heures dans des locaux que les sénateurs ont vus, elles comparaissent en principe libres, mais en fait, elles ne le sont pas, puisqu'elles sont amenées manu militari.

Or, on veut reproduire ce système avec un point de départ tout à fait différent puisque, en Belgique, on n'a pas de garde à vue de 48 heures, et que le texte prévoit qu'un juge d'instruction pourra délivrer un mandat d'arrêt. On présume donc qu'avant les quatre jours nécessaires pour comparaître à une audience, une personne pourra être arrêtée sur la base d'un mandat d'arrêt. On dit que ce mandat ne sera pas obligatoire et que l'intéressé pourra rester éventuellement en liberté sous condition. Comment les magistrats ressentent-ils ce nouveau système de détention préventive tout à fait particulier ? On dit, dans les travaux préparatoires, que le système est calqué sur la détention préventive actuelle, mais l'intervenant a l'impression qu'on crée un nouvel outil de détention qui ne correspond pas au système actuel et qu'on instaure par ce projet de loi deux systèmes de prévention. Il y a donc des discriminations fondamentales qui ne cadrent pas dans notre droit.

Mme Dekkers pense que les questions posées sont essentielles. Il n'est pas facile d'y répondre brièvement.

La question relative à l'insertion dans l'ensemble du système ouvre à vrai dire une autre discussion. L'intervenante a été invitée à faire part de ses réflexions au sujet d'une composante limitée, mais cruciale et changeante, de la législation. La magistrature devra faire preuve d'une certaine créativité si ce projet devient loi. Les parquets de première instance devront s'asseoir autour de la table et examiner s'il est possible de définir un canevas qui puisse les guider dans le choix d'appliquer ou non la procédure accélérée pour certains faits. Se prononcer là-dessus dès aujourd'hui relève sans doute de la divination. Cette discussion n'est pas présentement à l'ordre du jour. L'intervenante ne doit se prononcer aujourd'hui que sur l'applicabilité de la loi par les parquets de première instance et le parquet général, les tribunaux de première instance et les cours d'appel.

Les caméras sont évidemment un auxiliaire excellent pour l'imputation individuelle des faits. Les images qu'elles prennent permettent de savoir immédiatement qui a commis les faits, qui a lancé quoi, qui a frappé avec quel objet, etc. Mais les caméras sont généralement installées dans les stades et ont une portée d'environ la grandeur d'un terrain de football.

En tant que procureur générale, l'intervenante constate que l'on ne disputera pas de match de football dans le ressort de la cour d'appel d'Anvers. Cependant, on craint des problèmes à Anvers aussi. Il y a en effet pas mal de possibilités d'hébergement dans les environs de la ville, et à vrai dire dans l'ensemble de la province d'Anvers et en province de Limbourg. Faut-il maintenant poser des caméras partout ? Cela n'est pas possible. Ces caméras devraient en outre fonctionner jour et nuit, mais bien sûr surtout la nuit car les problèmes se produisent généralement la nuit ou aux petites heures. L'identification par caméra n'est donc possible que dans les stades de football et à proximité immédiate de ceux-ci.

Quant à la question de savoir si la loi pourra s'appliquer aux infractions à la législation sur le racisme, il faudra attendre que la loi soit d'application. L'intervenante n'ose pas se prononcer maintenant à ce sujet. Elle ignore si c'est là un objectif spécifique du projet de loi et elle pensait que le législateur avait initialement une autre philosophie que ce à quoi le membre a fait allusion.

Tout le monde sait que la loi dite loi-Wathelet, de 1994, n'a pas eu d'effet à grande échelle. Le Service de la politique criminelle a du reste rédigé à ce sujet un rapport circonstancié qui met notamment l'accent sur le manque de personnel et de moyens. Le « Juristenkrant » écrit qu'il faut cesser de se plaindre du manque de personnel et de moyens. L'intervenante n'en a donc pas fait le sujet principal de son exposé. Mais on s'efforce de tirer le meilleur parti possible des gens et des moyens dont on dispose et cela explique sans doute pourquoi la loi de 1994 a eu les résultats qu'elle a eus.

L'intervenante répète qu'une chaîne ne vaut que ce que vaut son maillon le plus faible. Avec davantage de gens et de moyens, la chaîne sera évidemment plus forte et on obtiendra davantage de résultats. Le 3 février, le ministre de la Justice a déclaré devant le Collège des procureurs généraux qu'il en était parfaitement conscient et qu'il était disposé à tout mettre en oeuvre pour étendre le cadre du personnel là où c'était possible. L'intervenante sait qu'il prévoit un autre système que ce qui était prévu initialement, mais il a fait certaines promesses et les magistrats attendent à présent qu'il les tienne. Il a certes ajouté qu'il se rendait compte combien le timing était très serré et qu'il serait difficile de le respecter. Le ministre a insisté auprès du collège et du conseil pour que l'on garde un état d'esprit positif.

Un membre rejoint, par sa référence au défaut de comparution, ce qui a été évoqué par un autre membre. Il a posé des questions oratoires auxquelles il appartient à la commission de trouver une réponse. Peut-être s'est-on laissé obnubiler par le modèle français. L'intervenante s'accorde à dire avec le membre que si une procédure est intentée par quelqu'un qui estime avoir été privé d'un moyen pour n'avoir pas pu faire opposition, le système ne passera pas l'épreuve. Le droit de faire opposition est un principe constitutionnel et un refus sera sanctionné par la Cour d'arbitrage. Il appartient à la commission d'apprécier et de décider.

Un membre rappelle sa question essentielle concernant le mandat d'arrêt, la détention préventive, l'exécution immédiate de la peine et la peine d'emprisonnement, et le problème de la combinaison et de l'examen en appel. La procureur générale ne donnant pas de réponse à cette question, il en déduit que celle-ci n'est pas réglée dans la loi.

Mme Dekkers le confirme. La question n'est pas réglée. Cette lacune a été signalée dans une note au cabinet du ministre. On espérait bien entendu qu'une solution serait trouvée. Dans le projet de circulaire, la position adoptée est que si aucune solution n'est trouvée à cette question, nous ne pourrons rien faire d'autre que de remettre immédiatement les suspects en liberté. Sans quoi, il faudra faire appel à la technologie juridique de pointe. La question est de savoir si cela en vaut la peine.

Un membre demande si la procureur générale pense qu'en pratique, le système proposé ne peut pas être appliqué conjointement à celui de l'arrestation. Mme Dekkers répond que non.


M. Dejemeppe, procureur du Roi à Bruxelles, et M. Van der Noot, substitut du procureur du Roi à Bruxelles

1. Exposé des orateurs

M. Dejemeppe s'associe à ce que Mme Dekkers vient de déclarer à l'instant, à savoir que le Parlement fait les lois, que le gouvernement les exécute et que les magistrats veillent à ce qu'elles soient appliquées. Ils le font de manière loyale, avec les moyens dont ils disposent. L'intervenant souhaite cependant faire quelques remarques préalables. Une loi répond généralement à deux préoccupations principales : d'une part, il y a celle de répondre aux attentes de la population, comme par exemple il y a dix ans en matière de détention préventive ou en ce qui concerne la réforme du droit de la procédure pénale. Il s'agit là généralement d'un long processus législatif. D'autre part, il se produit aussi toujours dans la société des incidents, comme un arrêt de la Cour de Strasbourg qui a condamné l'État belge dans une affaire de détention préventive. En ce qui concerne la réforme du droit de la procédure pénale, ce fut l'affaire Dutroux. On s'efforce donc toujours de trouver un équilibre entre deux tendances. Telle est manifestement aussi la préoccupation du Parlement dans cette matière-ci.

Comme seconde remarque, l'intervenant souligne que les praticiens du droit savent par expérience qu'il n'y a pas de lien absolu entre la sécurité et la comparution immédiate avec détention préventive, pour la simple raison que le fait de rendre la justice ne peut être assimilé à celui d'assurer la sécurité. Les décisions de justice tiennent également compte de toutes sortes d'autres facteurs. La sécurité est influencée également par de nombreux autres éléments que la seule intervention de la police ou du juge. Aux États-Unis, par exemple, on dénombre quelque 8 millions de détenus, mais on peut se demander si les villes américaines sont pour autant plus sûres que les villes belges ou européennes.

L'intervenant entend illustrer son exposé d'un exemple pour déterminer quelles sont en pratique les différences entre la législation actuelle et la législation en devenir, et il prend le cas d'un car-jacking. Cela signifie que deux auteurs se rendent coupables du vol ou d'une tentative de vol d'une voiture avec violence à l'égard de la personne qui est assise au volant. Dans l'état actuel de la législation, il y a, pour ce qui est du point de départ de la procédure, quatre possibilités : la première est une information conduite par un procureur du Roi ou le substitut du parquet, sans mesures de contrainte. Cela consiste à prendre des dispositions ou à apprécier le dossier après un certain temps. La seconde possibilité est une instruction, dans laquelle le parquet fait appel à un juge qui pourra ordonner une mesure de contrainte telle qu'une perquisition, la détention préventive, une écoute téléphonique. Lancer une instruction prend un certain temps, mais le suspect peut alors être privé immédiatement de sa liberté et rester en détention préventive durant plusieurs semaines, voire jusqu'au prononcé du jugement. La troisième possibilité est la procédure accélérée de 1994 qui, comme on l'a dit déjà dans l'exposé précédent, ne fonctionne pas tellement bien. Une structure a cependant été mise en place pour rendre cette procédure accélérée applicable dans la Région bruxelloise. Le suspect reste en liberté, mais il fait l'objet d'une citation immédiate dans laquelle il lui est demandé de comparaître devant le tribunal dans un délai d'un mois à un mois et demi. Ce délai est fixé par la loi entre dix jours et deux mois. La quatrième possibilité est la médiation pénale, qui a également vu le jour en 1994. Elle implique que le suspect soit en aveux, qu'il accepte d'indemniser les victimes et que celles-ci soient d'accord de rencontrer l'auteur et de faire la paix avec lui, ce qui peut prendre un certain temps. Dans cette procédure également, l'auteur reste en liberté.

Il importe de préciser que pour ces quatre procédures, le tribunal dispose d'une structure. Le parquet de Bruxelles compte environ quatre-vingts magistrats. Pour les instructions, il y a à Bruxelles dix-huit juges d'instruction. Il y a une structure pour les contacts avec la direction de la prison. À Bruxelles, il y a aussi une structure pour la procédure accélérée version 1994. Mme Dekkers a fait remarquer que cette procédure accélérée de 1994 ne fonctionne pas bien. La raison en est que dans certains parquets, on n'en a pas besoin ou qu'il n'était pas possible de créer une structure par manque de personnel. À Bruxelles, on est évidemment confronté aussi à un manque de personnel, mais on y a quand même fait les efforts nécessaires pour l'organiser par le biais d'une équipe spéciale et d'une section de la délinquance urbaine qui s'occupent de la procédure accélérée de 1994.

La médiation pénale ne peut pas non plus tomber du ciel. Cette possibilité répond au voeu du législateur. D'autre part, des moyens spéciaux nous ont été octroyés à cet effet. Ainsi, dix assistants sociaux s'occupent-ils en permanence de ce genre d'affaires. Sur une base annuelle, cela représente pour le parquet de Bruxelles 225 000 informations, 5 000 instructions, 1 000 procédures accélérées et quelque centaines de médiations pénales.

Qu'advient-il dans le cas de l'exemple du car-jacking ? Une information est en tout cas impossible. Une instruction est possible, en revanche. Étant donné qu'il s'agit là d'un danger grave pour la société, les suspects doivent être interrogés et déférés au tribunal. Il est dangereux de laisser ces gens en liberté en supposant qu'ils reviendront après deux ou trois mois. Pour le car-jacking, la procédure accélérée de 1994 ne peut pas s'appliquer parce que l'infraction est trop lourde. De plus, il est impossible de réunir les preuves dans les 24 heures parce que ce type de faits est commis par deux, trois ou davantage de personnes encore. Dans de telles affaires, il n'est pas question de médiation pénale.

Quelle serait la place de la procédure de justice accélérée 2000 ? C'est une nouvelle procédure et non le renforcement d'une procédure existante. Elle exigera un mandat d'arrêt. Elle se présente donc effectivement sous le chapitre « Juge d'instruction », mais c'est une procédure particulière qui exige aussi une structure. On ne peut la comparer à la loi Franchimont qui octroyait un certain nombre de droits aux gens et requérait certains devoirs de la part des acteurs judiciaires. Il s'agissait alors de renforcer des structures existantes. Ici, comme pour le « snelrecht » en 1994 ou pour la médiation pénale, on crée un nouveau système qui exige une nouvelle structure et une approche différente. Bien entendu, cette procédure devrait principalement s'appliquer dans les grandes villes. Il n'est guère imaginable de pratiquer une « justice accélérée 2000 » simplement de manière ponctuelle, quand on en a l'occasion et sans qu'il y ait un véritable système. Il faut donc une nouvelle structure, et que les moyens suivent. Une affaire de car-jacking ne pourra sans doute pas faire l'objet de cette nouvelle procédure : on ne pourra pas réunir les preuves en 24 heures car l'affaire est trop grave et il faut collecter des renseignements. Ceux qui commettent des car-jackings ont en général une certaine expérience de la criminalité et de la justice, et les preuves sont plus difficiles à rassembler. Il faut aussi vérifier s'ils n'ont pas commis d'autres faits, avec d'autres personnes. Tout cela ne se fait pas en quelques heures. Dans ces cas, c'est donc la procédure d'instruction ordinaire qui sera appliquée.

Pourra-t-on utiliser la nouvelle procédure pour le hooliganisme ? Mme la procureur générale à la cour d'appel d'Anvers a fait allusion à la difficulté de rassembler des preuves. Si, lors d'une manifestation, des faits de violence provoquent des dégradations peu importantes et si les faits de violence sont spectaculaires mais sans grandes conséquences, dans le droit actuel, ni ces faits ni ces dégradations ne sont passibles de sanctions pénales d'un an de prison, limite pour laquelle ce type de procédure est prévu. Quand on envisage donc l'application de cette procédure pour un certain nombre d'événements, ce n'est pas exclu mais elle ne sera peut-être pas d'application dans une mesure aussi large qu'on le pense.

L'orateur cède la parole à M. Van der Noot pour traiter des problèmes posés par la mise en oeuvre des projets en discussion.

M. Van der Noot déclare que le parquet de Bruxelles a relevé cinq grands types de difficultés d'application de la procédure de comparution immédiate.

La première tient à l'analyse qui est à l'origine même du projet de loi. Il faut évidemment se poser la question des raisons d'une comparution immédiate. L'exposé des motifs évoque essentiellement deux raisons clairement exprimées et une troisième plus sous-entendue. En commission de la Justice de la Chambre, le ministre a dit que dans un arrondissement judiciaire comme Bruxelles, il y a environ 5 000 flagrants délits et que le parquet de Bruxelles en traite moins de mille par an. Il dit aussi que si, pour la procédure de comparution par procès-verbal, le parquet de Bruxelles a fait de gros efforts, les chiffres ne sont absolument pas concluants. Ces deux raisons ne paraissent pas convaincantes.

La première raison, que la plupart des flagrants délits ne sont pas traités, est une affirmation ressassée depuis un certain temps par certains services de police. Le parquet de Bruxelles estime qu'il est indispensable d'avoir une vision claire à cet égard et de procéder à une analyse des dossiers de flagrant délit pour lesquels le parquet de Bruxelles ne prend pas une décision immédiate, à savoir une mise à disposition.

Il est extrêmement difficile de procéder à une telle analyse pour l'ensemble d'un arrondissement. Le parquet de Bruxelles a donc mené une expérience pilote sur un petit territoire. En juin 1999, une expérience de justice de proximité a été développée, en installant une antenne de justice au boulevard de Dixmude. Elle est compétente pour deux quartiers chauds bien connus pour les phénomènes de délinquance urbaine, les quartiers Dansaert et Marché aux Poissons. On y trouve le square des Blindés, théâtre de nombreux événements, le Petit Château et l'antenne est à un jet de pierre de Molenbeek. On sait que ces quartiers sont difficiles. Une fois par mois, on a analysé, avec les services de police et une représentante de la Ville de Bruxelles, l'ensemble des dossiers de flagrant délit pour lesquels il n'y avait pas eu de mise à disposition du parquet de Bruxelles. Pour la période du 1er octobre 1999 au 18 janvier 2000, 37 dossiers de flagrant délit n'ayant pas fait l'objet d'une mise à disposition ont été soumis à la lecture du magistrat, des services de police et de la représentante de la Ville de Bruxelles. Un seul dossier a pu être pris en procédure accélérée après analyse.

Pourquoi ? Ce que les services de police appellent un dossier de flagrant délit n'est pas nécessairement un dossier qui peut être traité immédiatement par le parquet. Le service de police considère qu'il s'agit d'un flagrant délit, interpelle une personne mais termine le procès-verbal par une mention telle que « poursuite annoncée » ou « poursuite d'enquête ». On signale en fait qu'il faut encore entendre la victime, identifier le préjudice, entendre un témoin et procéder à une confrontation ... Il importe donc de définir les notions clairement. Il est extrêmement dangereux et difficile d'essayer de motiver le vote d'une nouvelle loi sur la base de chiffres éminemment discutables, susceptibles d'analyses fort différentes selon les points de vue.

La deuxième raison avancée, à savoir qu'en dépit des efforts du parquet de Bruxelles pour développer la convocation par procès verbal, les chiffres ne sont pas du tout concluants, ne convainc pas non plus. Il y a deux niveaux complètement différents.

Il y a tout d'abord le niveau de la mise en application de la loi du 11 juillet 1994. Il y a ensuite celui des suites réservées à ces procédures devant le tribunal.

La mise en application de la loi du 11 juillet 1994 fonctionne parfaitement au parquet de Bruxelles. Grâce au procureur du Roi qui a estimé qu'il était important de rendre disponibles immédiatement trois magistrats pour s'en occuper, ce parquet engage de façon mesurée et équilibrée les procédures accélérées qui s'imposent, entre 800 et 1 000 par an. On pourrait objecter que c'est une goutte dans l'océan par rapport aux milliers de dossiers qui entrent chaque jour au parquet de Bruxelles. Mais il faut comparer ce nombre à l'ensemble des premières fixations devant le tribunal correctionnel. Si on analyse ces chiffres de cette manière-là, on constate que pour les fixations et donc la mise en application par le parquet, entre 1994 et 1999, les procédures accélérées « 1994 » représentent entre 13 et 15 % de l'ensemble des premières fixations, ce qui est énorme.

Pourquoi dit-on que la procédure accélérée 1994 ne fonctionne pas ? Un problème s'est posé quant aux suites à réserver à ces procédures. Entre 1994 et septembre 1997, on avait mis à disposition deux chambres correctionnelles pour les traiter. En septembre 1997, au motif que les moyens du tribunal étaient insuffisants pour continuer à travailler de cette manière, on a fermé la 50e chambre, ce qui a eu des conséquences dramatiques puisque toutes les procédures accélérées fixées devant la 50e chambre ont été transférées à la 58e. Devant la 58e chambre, il y avait une trentaine d'affaires fixées par jour. Toute une partie de l'audience était déjà consacrée à régler le rôle. Finalement, on ne pouvait prendre que six ou sept affaires sur la trentaine qui avait été fixée. Plusieurs commissaires ici présents ont assisté à des audiences de la 58e chambre et auront sans doute beaucoup à dire sur ce sujet. Ce rythme de travail entraîne un effet boule de neige. On a abouti à un blocage. Le système ne fonctionnait plus, non dans l'application, mais au niveau des moyens accordés au tribunal correctionnel.

Après des mois de négociations, après plusieurs interpellations, notamment auprès des bourgmestres lors des concertations pentagonales locales, le président du tribunal de première instance a décidé le 15 décembre 1999 de prendre une ordonnance qui rouvre, à partir du 31 janvier 2000, la 50e chambre correctionnelle. On ne peut donc pas dire que tout est réglé. Il faut résorber l'arriéré des dernières années. Mais on va vers un mieux. Et si l'on continue à donner suffisamment de moyens, on peut considérer que la procédure accélérée telle qu'organisée à Bruxelles est tout à fait adaptée au problème de délinquance urbaine que l'on connaît.

La troisième raison ­ qui est un peu plus sous-entendue ­ de créer une procédure de comparution immédiate, c'est de pouvoir réagir à des phénomènes tels que le hooliganisme, qui risquent de prendre des proportions assez inquiétantes, notamment à l'occasion de l'Euro 2000. Plutôt que de partir dans de grands discours théoriques, il a paru plus important pour éclairer les sénateurs que le parquet de Bruxelles effectue une analyse de ce que représentent de façon évidente ces phénomènes liés à des mouvements de foule, d'une part des oppositions en groupe aux services de police, qui peuvent d'ailleurs se trouver autour du stade et que certains appellent « émeutes », d'autre part le hooliganisme. Si l'on considère l'évaluation et les statistiques des oppositions en groupe de novembre 1997 à Anderlecht, il y a eu un énorme travail de la part de la police, qui a rédigé 188 procès-verbaux, identifié 151 auteurs et interpellé 38 personnes pendant ces nuits chaudes. Si on avait dû appliquer la comparution immédiate à ces 38 personnes mises à disposition, il aurait fallu au parquet de Bruxelles une fameuse équipe pour répondre à la demande. Mais quand on examine ce que le parquet de Bruxelles a fait de ce dossier, on constate qu'il a été mis à l'instruction parce que toute une série de devoirs n'étaient pas complets. Entre le 17 novembre 1997 et juillet 1999, seize réquisitions complémentaires ont dû être rédigées par le parquet pour compléter ce dossier, qui est toujours incomplet. Cette instruction n'est en effet pas clôturée. Cela montre à suffisance que ce type de dossier mérite des enquêtes longues, pour lesquelles il faut désigner de nombreux experts et organiser de nombreuses vérifications.

Les caméras sont très utiles (l'orateur est le premier à avoir demandé que les communes en acquièrent plus), mais en novembre 1997, à Anderlecht, elles ne fonctionnaient pas, n'étant tout simplement pas branchées. Dorénavant, on sera plus vigilant. Certains élus locaux ont fait d'énormes efforts pour que cela fonctionne mieux. Il faut néanmoins être vigilant et savoir que pour ce type d'événements, les enquêtes ne se règlent pas en quelques heures.

Pour le hooliganisme, on a fait exactement le même type d'analyse. On a constaté que la plupart des faits auxquels le parquet de Bruxelles était confronté concernaient des auteurs inconnus; que les services de police ­ et c'est bien normal ­ accordent la priorité au maintien de l'ordre et à l'encadrement des victimes; et que la plupart des faits portés à la connaissance du parquet de Bruxelles sont relativement minimes : coups simples, rébellions simples, outrages, menaces par gestes, faits qui n'entrent pas dans le cadre de l'application de la loi sur la comparution immédiate puisque tous ces faits sont punissables d'un emprisonnement de six mois. On ne peut donc pas faire de demande de mandat de comparution immédiate. Il y a des faits plus graves. Que l'on songe à ce policier qui s'est fait massacrer, qui a reçu des pavés sur la tête et qui a été très grièvement blessé lors des émeutes de Molenbeek, ou à ce gendarme qui s'est fait massacrer à Lens. Pour des faits de cette nature, c'est l'instruction classique qui s'impose et la comparution immédiate ne s'applique pas.

Lorsque les magistrats français ont été entendus par la commission de la Justice de la Chambre, M. Roussel, procureur de la République près le tribunal de grande instance de Béthune, a expliqué que la comparution immédiate n'était pas la panacée pour les faits de hooliganisme et qu'on avait utilisé quatre types de procédures. Pour le gendarme dont il vient d'être question, on a mis l'affaire à l'instruction, on n'a donc pas appliqué la comparution immédiate. Les mineurs d'âge ont comparu devant le juge des enfants. Les Allemands interpellés sans papiers d'identité ont reçu des convocations. Il y a eu quelques comparutions immédiates. Mais dans le cadre de ces comparutions où des hooligans ont été déférés au parquet de grande instance, on a constaté que les charges retenues contre eux étaient essentiellement fondées sur des témoignages.

On a demandé au tribunal de faire monter tous ces témoins à la barre, ce qui a pris du temps. Il suffit d'assister à une audience correctionnelle et de voir le temps que prend l'audition d'un seul témoin pour se rendre compte que l'on ne se situe plus du tout dans la philosophie d'une procédure accélérée.

On aura donc compris que toutes les raisons, qu'elles soient sous-entendues, déclarées ou non, à l'origine de cette procédure de comparution immédiate posent bien évidemment problème.

La deuxième difficulté est liée aux critères de mise en application. Premier critère : le procureur du Roi peut requérir un mandat d'arrêt en vue d'une comparution immédiate pour une personne ayant commis un fait infractionnel punissable d'une peine d'emprisonnement minimale d'un an et de dix ans au maximum après correctionnalisation.

Ces deux critères fixés par la loi semblent tous les deux poser problème. Le critère minimum exclut, comme on l'a dit, tous les faits de délinquance urbaine liés à des violences simples, à des rébellions simples. Il ne sera pas possible de les traiter selon cette procédure.

En ce qui concerne la limite maximum évoquée, elle reprend entre 80 et 90 % de tous les dossiers de délinquance urbaine auxquels le parquet de Bruxelles est confronté quotidiennement et qui englobent l'ensemble des vols, du vol à l'étalage au vol avec violence et circonstances aggravantes. Si l'on se réfère à la loi, les auteurs d'un hold-up à main armée pourraient théoriquement faire l'objet d'une comparution immédiate. C'est bien sûr une aberration. Il est évident que ce genre de dossier sera mis à l'instruction.

Sont également concernés tous les cas d'abus de confiance, d'escroqueries, de coups avec incapacité. C'est évidemment considérable. Les critères prévus sont beaucoup trop larges et doivent être précisés mais cette tâche n'incombe pas, comme d'aucuns le prétendent, au Collège des procureurs généraux. Dans son avis, le Conseil d'État a d'ailleurs été extrêmement clair à ce sujet en soulignant qu'il appartenait au Parlement, et à lui seul, de fixer les infractions et les peines qui pouvaient faire l'objet de ce type de procédure. Le Conseil d'État n'est d'ailleurs pas le seul à être de cet avis.

Au cours de ces derniers mois, on n'a pas cessé de faire référence à l'expérience française. Il faut cependant consulter l'ensemble de la doctrine française. Des auteurs aussi éminents que le professeur Meyer soulignent qu'il appartient au législateur d'énumérer avec précision les infractions auxquelles la procédure devra s'appliquer. Il n'est pas du tout sûr qu'il soit convenable de « refiler la patate chaude » aux parquets.

Mais que fera le parquet si cette loi est votée, et qu'on lui demande quels sont les cas auxquels peut s'appliquer cette procédure de comparution immédiate ? On peut choisir de prendre en compte soit des critères positifs soit des critères négatifs.

En ce qui concerne les critères positifs, on pourrait par exemple décider d'appliquer cette procédure aux auteurs de faits de violence. L'orateur n'est pas d'accord, pour toutes les raisons déjà évoquées. Pour ce qui est des violences simples, elle est inapplicable car l'article 398 du Code pénal prévoit une peine de 6 mois au maximum. Les cas de violence avec incapacité sont également exclus, car les faits portés à la connaissance du parquet devraient être qualifiés correctement dans les 24 heures.

Or, il est clair que pour une incapacité, jamais le parquet ne disposera dans ce délai des éléments permettant de prendre position. On rétorquera que puisque cela marche en France, cela peut aussi marcher chez nous. L'on a posé cette question lors des travaux de la commission de la Justice de la Chambre. M. Roussel, procureur de la République, a déclaré à la commission qu'en France, on disposait d'un délai de quarante-huit heures qui permet soit de faire examiner la victime par une équipe de médecins légistes qui établira un certificat médical, soit de l'envoyer à l'hôpital pour se faire délivrer ce fameux certificat qui permettra aux magistrats du ministère public de qualifier correctement l'infraction.

Le législateur souhaite que ce type de dossier puisse effectivement être traité dans le cadre de la procédure de comparution immédiate. Dans ce cas, la cohérence exige de modifier l'article 7 de la Constitution, ou l'article 12 de la loi qui prévoit un délai de vingt-quatre heures.

On pourrait envisager un autre critère positif et appliquer la procédure de comparution immédiate lorsqu'un emprisonnement effectif peut être envisagé, lorsque la personne a des antécédents ou lorsqu'il existe un risque de révocation du sursis ou de la suspension probatoires. Il s'agit certes de bons cas mais à l'unique condition que cette procédure soit coordonnée avec celles qui existent et pour lesquelles des circulaires ont déjà été établies par le Collège des procureurs généraux. Celles-ci ont fixé des critères de mise en application qui vont poser d'énormes problèmes par rapport à la loi de comparution immédiate. Il en est ainsi, notamment, de la circulaire du 7 mai 1999 sur la médiation pénale. La loi dit que, pour tout fait punissable d'une peine d'emprisonnement qui ne peut pas être de plus de deux ans et pour lequel la personne est en aveu, on peut recourir à la médiation pénale. Mais ce n'est pas assez. Aujourd'hui, on dit que c'est le Collège des procureurs généraux qui va préciser les critères. Voici ce qu'écrit le collège dans cette circulaire. « Critères de politique criminelle. Les dossiers qui devraient passer en médiation pénale sont ceux présentant un des enjeux suivants : les conséquences sont importantes au niveau émotionnel en raison, par exemple, d'une composante violente » ­ c'est exactement ce qui a été dit pour la comparution immédiate ­ « L'enjeu judiciaire doit être important avec une possibilité d'emprisonnement effectif » ­ c'est le critère dont il vient d'être question ­ « L'enjeu judiciaire doit être important en raison du passé de l'auteur. À titre exemplatif, si celui-ci a déjà subi des condamnations antérieures et ne peut plus bénéficier d'une suspension avec sursis, qu'il risque la révocation d'un sursis ou d'une révocation conditionnelle. » Il s'agit donc de critères absolument identiques à ceux qui viennent d'être énumérés. On répondra que la médiation pénale est destinée aux petits faits. Selon la loi, il s'agit de faits qui peuvent être punissables d'une peine ne pouvant dépasser deux ans. Dès lors, dans le cas d'un vol avec effraction ou d'un petit vol avec violence ­ ce que l'on appelle un « 468 » ou un « 469 » ­, on tombe dans le cadre des critères retenus dans la circulaire des procureurs généraux pour une éventuelle médiation pénale. Mais la moindre des choses serait de ne pas se contenter de dire qu'il y aura une circulaire du Collège des procureurs généraux. Il faut avant tout une coordination avec les circulaires déjà existantes.

On peut effectivement penser qu'il ne faut pas fixer des critères positifs mais bien des critères négatifs et décider de traiter alors en procédure accélérée des dossiers pour lesquels rien d'autre ne serait indiqué. Il y a trois types de suspects qui ne paraissent pas pouvoir entrer en ligne de compte pour la comparution immédiate.

Premier type de dossier : X, qui a un domicile fixe, est interpellé la nuit dans une voiture qu'il a fracturée afin de voler une autoradio; il n'a pas d'antécédents, ne se débat pas, reconnaît immédiatement les faits et déclare : « Je veux réparer, je suis désolé, je ne le ferai plus. » On se trouve tout à fait dans les critères de la procédure de médiation pénale, et il existe de nombreux cas de ce genre.

Deuxième type de dossier : Y, qui a un domicile fixe, commet un vol à l'étalage mais, au moment de s'échapper, il bouscule l'agent de sécurité. Celui-ci n'est pas blessé mais il y a violence. C'est un dossier pour lequel il faut marquer le coup mais va-t-on le faire en envoyant le responsable en prison alors qu'il a un domicile fixe et peut-être du travail ? Non, on va fixer rapidement cette affaire devant le tribunal avec une convocation par procès-verbal et imposer à cette personne 240 heures de travaux d'intérêt général.

Troisième type de possibilité : Z, qui a ou qui n'a pas un domicile fixe, commet une agression avec arme, en bande. Il est évident que l'on ne va pas utiliser la comparution immédiate. On va plutôt envoyer l'affaire à l'instruction et même demander au juge d'instruction de placer cette personne sous mandat d'arrêt.

Que reste-t-il ? Les faits où l'auteur conteste, où aucune médiation pénale n'est possible et où les faits ne sont pas suffisamment graves pour recourir à un juge d'instruction. Il importe alors que le dossier soit complet rapidement. L'orateur déclare qu'en tant qu'acteur de terrain, il voit passer tous les jours sur son bureau des dossiers de délinquance urbaine, et peut assurer que, quand il entend une personne, même si elle a été prise en flagrant délit, qui conteste les faits, elle a toujours une explication à donner. Même dans la procédure accélérée actuelle, c'est-à-dire la convocation par procès-verbal, il y a presque toujours des apostilles de suites d'enquête qui sont jointes au dossier dans un délai qui varie généralement de quinze jours à un mois. On ne se trouve alors plus du tout dans les critères de la comparution immédiate.

La deuxième possibilité d'application de la procédure accélérée concerne les gens qui sont sans domicile fixe, en séjour illégal, en somme les étrangers. Ceux-ci sont nombreux. Veut-on prendre ces personnes pour cible ? L'orateur expose qu'en 1995, il a eu l'occasion, avec un conseiller du ministre de la Justice, de faire un voyage d'étude à Paris. Comme certains commissaires, il a eu l'occasion de discuter avec les magistrats de la huitième section du parquet de Paris qui lui ont dit que la plupart des dossiers concernent des gens de cette catégorie ­ des étrangers en séjour illégal, des sans domicile fixe ­ et que 40 % de ceux-ci ont déjà reçu plusieurs avertissements de l'Office des étrangers leur enjoignant de quitter le territoire. Ces personnes volent pour subsister, pour survivre. Sont-ce ces gens-là que l'on veut cibler ? En commission de Justice de la Chambre, M. Roussel a confirmé que la plupart des personnes poursuivies ainsi sont effectivement en séjour illégal.

Le ministre de la Justice a déclaré en commission de la Justice de la Chambre : « Je donne l'exemple du car-jacking; si l'auteur est pris en flagrant délit et qu'il s'agit d'une personne originaire d'Europe orientale qui ne séjourne pas depuis longtemps en Belgique, la comparution immédiate devant le juge répressif est la solution qui s'impose. » Cela a le mérite d'être extrêmement clair; le cas donné en exemple entre effectivement dans le type de critères que l'on serait amené à utiliser.

Le président de la Ligue des droits de l'homme a été entendu par cette commission et a dit ce qu'il pensait de cette procédure.

L'orateur déclare qu'en tant que magistrat, cibler cette population particulière lui pose un très sérieux problème éthique, et qu'il remercie d'avance les commissaires de bien vouloir y répondre.

Tels sont, selon lui, les problèmes des critères de mise en application.

Les critères de troisième type sont les difficultés liées au rôle des différentes parties au procès. L'orateur cède la parole au procureur du Roi pour développer ce point.

M. Dejemeppe déclare qu'en ce qui concerne la place des parties, il renvoie tout d'abord à l'état des lieux du personnel du parquet. Un certain nombre de difficultés plutôt structurelles apparaissent. On essaie de faire ce qu'on peut avec les moyens du bord. Malgré la multiplicité des lois que l'on applique, auxquelles s'ajoutent les nouvelles lois et les nouvelles charges, on reste toujours aussi près que possible de la réalité législative. Nonobstant les critiques dont ils font parfois l'objet, les parquets sont des entreprises ­ en particulier dans les grandes villes ­ ouvertes 365 jours et 365 nuits par an sans une minute de repos. Toute une organisation assez lourde doit être prévue avec des services de jour, des services de nuit, des services de week-end. Avec la nouvelle procédure dite « de comparution accélérée », il faudra prévoir un système complémentaire, une nouvelle structure pour des services de jour, des services de nuit et des services de week-end, sauf à considérer que l'on pourrait appliquer la procédure accélérée en dilettante, ce qui n'est pas le voeu du législateur. En effet, il existe un principe d'égalité dans la Constitution et il vaut pour le législateur mais aussi pour les procureurs.

La gestion intégrée du nouveau système va donc imposer la mise en place d'une nouvelle structure au parquet de Bruxelles. Il en ira sans doute de même dans les grandes villes comme Anvers, Gand, Liège et Charleroi.

Le substitut de service va devoir prendre connaissance des pièces et décider entre les différentes possibilités de procédure : la procédure accélérée dont on discute aujourd'hui, la procédure accélérée de 1994 ­ et il faut alors entendre les personnes ­ ou encore la procédure de mise à l'instruction. Si on opte pour la procédure accélérée « 2000 », il faudra envoyer le dossier au juge d'instruction, veiller à en faire une copie et prévenir un avocat; sur ce dernier point, on ne sait pas encore comment le barreau va s'organiser mais il faudra en tout cas permettre à l'avocat de rencontrer le suspect.

Ensuite, toujours dans le délai de 24 heures, il faudra éventuellement solliciter un complément d'enquête. En effet, il ne faut pas se faire trop d'illusions : dans la pratique, il n'est pas toujours possible pour la police d'établir en quelques heures des procès-verbaux clairs, précis et qui répondent à toutes les questions que l'on peut se poser.

La réalité dépasse souvent la fiction, et il n'est pas simple de terminer un procès-verbal en quelques heures.

Ensuite, il faudra vraisemblablement demander des renseignements de type « personnalité » aux services de police pour pouvoir compléter le dossier dans l'urgence et, lorsque le juge d'instruction aura entendu la personne et qu'il aura délivré un mandat de comparution immédiate, il faudra à nouveau la recevoir ­ il pourra être 23 heures, 24 heures, 3 heures du matin ou 6 heures le dimanche ­ pour lui remettre une citation à comparaître que le juge devra établir immédiatement.

Par exemple, si l'arrestation a lieu un samedi, et la délivrance du mandat d'arrêt le dimanche, la comparution devant avoir lieu dans les sept jours, elle sera vraisemblablement pour le vendredi suivant. Tout cela nécessitera donc la mobilisation de nouvelles énergies qui ne sont pas pour l'instant disponibles dans les parquets.

Le juge d'instruction entendra le suspect dans le délai de 24 heures. Ici, se pose un problème juridique qui a vraisemblablement déjà été abordé, à savoir que le juge d'instruction l'entend de manière contradictoire avec un avocat, ce qui n'est pas le cas de la procédure d'instruction ordinaire qui porte pourtant sur des faits considérés comme plus graves. Un problème d'équilibre se pose et il n'est pas exclu que cette question soit soumise un jour ou l'autre à l'appréciation de la Cour d'arbitrage.

En tout cas, le juge d'instruction prendra un certain temps pour entendre la personne, puisqu'il entendra aussi l'avocat.

Il faut savoir que les dossiers n'arrivent pas au compte-gouttes au parquet, en particulier à Bruxelles. Ce ne sont pas moins de 20 à 30 personnes par jour qui sont mises à la disposition du parquet, 10 à 15 d'entre elles étant mises à la disposition du juge d'instruction. Entendre toutes ces personnes prend effectivement pas mal de temps. Les entendre avec un avocat ­ ce qui est évidemment mieux du point de vue des droits de la défense, personne n'en disconviendra ­ suppose de pouvoir dégager du temps avec la circonstance particulière que l'on se trouve toujours dans le délai constitutionnel de 24 heures au sujet duquel il n'y a pas d'exception possible. Une fois ce délai dépassé, c'est la libération pure et simple. La jurisprudence de la Cour de cassation est tout à fait précise sur ce point.

Le juge d'instruction n'est effectivement pas tenu de délivrer un mandat de comparution. Il peut simplement libérer l'intéressé. Il peut également le libérer sous condition. On a beaucoup parlé de mesures alternatives et de mesures d'intérêt général dans le futur. Les mesures alternatives seraient donc une première étape vers des travaux d'intérêt général. Toutefois, il faut bien se rendre compte que des mesures de libération sous condition pour un délai de sept jours ne pourront pas être éminemment contrôlées. Ces mesures auront donc vraisemblablement davantage de praticabilité du point de vue du contrôle immédiat, c'est-à-dire l'obligation de venir à l'audience, donc, de trouver une garantie de représentation, puisqu'il n'est pas possible de faire un véritable travail pouvant conduire à la réinsertion dans un délai de sept jours.

La troisième partie concerne l'avocat du suspect. Celui-ci sera convoqué en toute hâte. Les avocats devront donc s'organiser. Il faudra qu'il y ait des services, vraisemblablement des services pro deo ou d'avocats en stand-by, en particulier pour les soirées, les week-ends et éventuellement les nuits. L'avocat devra pouvoir rencontrer son client pendant quelques minutes et, ensuite, le juge d'instruction. Tout cela nécessite également, de la part du barreau, la mise en place d'une structure interne, comme ce fut le cas pour la pratique des juges de la jeunesse, mais il a fallu un certain nombre d'années avant que celle-ci soit opérationnelle. La préparation de l'audience par l'avocat se fera dans un temps limité.

La quatrième partie concerne les victimes. Celles-ci seront prévenues avec les moyens disponibles. La loi ne précise pas que cela doit nécessairement se faire par écrit. On pourrait donc les convoquer par téléphone. Des équipes d'experts devront en tout cas être prévues pour fixer les dommages s'il s'agit de violences physiques. Pourquoi des experts ? Parce qu'il faut fixer les incapacités et, le droit pénal étant un droit écrit, les infractions doivent répondre à une définition légale. Des coups et blessures simples ne sont pas la même chose que des coups et blessures entraînant une incapacité. Une incapacité de travail peut être temporaire ou permanente. Le législateur a fixé une série de réponses à ces différents cas de figure selon les qualifications qu'il a lui-même prévues dans la loi.

Le délai de sept jours ne permettra pas d'optimaliser la communication avec les victimes si celles-ci sont nombreuses. Là aussi, il faut se rendre compte que chaque jour apporte un nouveau flot d'affaires. De ce point de vue, il n'y a pas de jour de repos. Donc, on fera ce que l'on pourra avec les moyens du bord.

Quant au juge du fond, il siégera dans les sept jours et devra décider séance tenante, ce qui est une difficulté importante. Certes, la loi permet de mettre l'affaire en délibéré pendant cinq jours mais, à ce moment-là, l'intéressé est libéré. Ceux qui ont participé aux travaux relatifs à la loi sur la détention préventive savent que cette question a déjà été étudiée. Finalement, le législateur a choisi de permettre à la défense de solliciter un report, après cinq jours ou dans le mois, pour pouvoir préparer la défense ou apporter des éléments complémentaires, l'inculpé restant encore détenu pendant un, deux ou trois jours, selon la décision qui est prise. En l'espèce, le tribunal peut aussi remettre l'affaire mais, comme il n'y a pas de prévision d'un délai de suspension, l'intéressé sera directement remis en liberté. Par contre, pendant ce temps, la procédure accélérée devra continuer malgré tout.

En réalité, le tribunal sera confronté à une phase de procédure malaisée à organiser puisqu'il y aura à la fois justice accélérée avec des détenus et justice accélérée avec des non-détenus. Sur papier, cela paraît simple, mais en pratique, pour les tribunaux ­ en particulier à Bruxelles ­ cela représente une difficulté complémentaire difficilement surmontable.

Pourrait-on aller plus vite en aménageant les procédures existantes ? L'orateur ne souhaite pas s'étendre sur ce point. Certains acteurs ont déjà proposé une simplification de la loi sur la détention préventive. L'orateur pense, en qualité de praticien du droit, que le problème pourrait être réglé dans le cadre de la détention préventive, mais ce n'est pas l'option du législateur. Néanmoins, il serait peut-être plus raisonnable de s'engager dans cette voie car, les lois étant temporaires, cette loi pourrait être effectivement adaptée. Un certain nombre de cas envoyés aux juges d'instruction aboutissent à une mise en détention préventive en raison d'un péril grave pour la sécurité publique. Les intéressés doivent donc être retirés de la circulation ordinaire mais leur cas pourrait être porté plus rapidement devant un tribunal qu'après un délai d'environ un mois de détention préventive. Toutefois, pour ce faire, il faudrait accorder aux tribunaux des moyens complémentaires afin d'assurer un suivi plus rapide de ces dossiers.

M. Van der Noot signale une quatrième difficulté, qu'il estime très importante, et qui est liée au type de justice pénale que l'on veut développer. S'agit-il de réprimer davantage de faits ou de favoriser une justice plus humaine visant à la resocialisation des individus ? En France, on essaie de s'orienter vers une justice plus humaine puisque, par exemple, des associations assurent des permanences pour rédiger les études sociales obligatoires pour les jeunes de dix-huit à vingt et un an et que les juges d'application des peines font, eux aussi, des permanences. Bref, une série d'éléments sont mis en place pour humaniser la procédure.

L'avant-projet stipule qu'il ne s'agit pas de renforcer la répression mais de rendre possible plus rapidement la resocialisation du prévenu. L'article 216septies, notamment, prévoit que le tribunal peut remettre l'affaire, mais pas au-delà d'un certain délai, et demander une étude sociale en vue de travaux d'intérêt général. Ces travaux d'intérêt général tiennent particulièrement à coeur au parquet de Bruxelles. En effet, ce parquet est, dans le cadre de la procédure de 1994, à l'origine de 65 % des décisions en la matière, et estime qu'il s'agit d'une excellente solution. Or, selon l'orateur, il sera impossible dans la situation actuelle de décider de travaux d'intérêt général dans le cadre de la comparution immédiate. En effet, la loi de 1964 sur le sursis et la suspension est toujours en vigueur. Elle prévoit que les travaux d'intérêt général ne peuvent être imposés que comme une des conditions probatoires d'un sursis ou d'une suspension complète pour l'ensemble de la peine, ce qui ne sera pas possible dans le cas qui nous occupe puisqu'il y a détention préventive.

D'aucuns invoqueront alors la loi du 22 mars 1999 qui permet de prononcer des travaux d'intérêt général dans le cadre d'un sursis partiel pour ce qui excède la détention préventive. Cependant, ladite loi n'a pas encore été publiée. On affirme qu'elle le sera. L'orateur a toutefois un certain nombre d'inquiétudes à ce sujet car elle aurait dû être publiée voici un an. Cela n'a pas été fait en raison de problèmes énormes de moyens et d'infrastructures. Si cette loi est publiée, le nombre de sursis probatoires et de travaux d'intérêt général augmentera de façon très nette. Tant que l'on n'aura pas la garantie que cette loi du 22 mars 1999 sera publiée, on aura des raisons de s'inquiéter, et l'on n'aura pas le choix : les juges seront obligés de prononcer des peines fermes. Par ailleurs, il faut souligner que la loi en question prévoit un « rapport succinct d'enquête ». Il a été dit en commission de la Chambre que cette disposition risquait de tout retarder. Il a dès lors été proposé de la supprimer afin de permettre au juge, qui peut directement se faire une opinion de la personne à qui il a affaire, d'imposer des travaux d'intérêt général.

L'orateur renvoie aux travaux préparatoires de la loi du 22 mars 1999, qui précise qu'il est indispensable pour le juge d'avoir cette étude sociale préliminaire pour savoir à qui il impose des travaux d'intérêt général. En outre, il signale qu'en 1998 et 1999, un groupe de travail s'est réuni à ce sujet au niveau de la cour d'appel. Il était composé de gens de la cour d'appel, du parquet général, du tribunal de première instance, du parquet de première instance, de la commission de probation, du barreau, qui sont tous d'avis qu'il est indispensable que le juge dispose de cette étude sociale pour savoir si le prévenu qui va être jugé sait à quoi il s'engage. En effet, le travail d'intérêt général n'est que l'une des conditions du sursis probatoire qui peut durer de trois à cinq ans. Certaines personnes pourraient accepter des travaux d'intérêt général mais ne pas les accomplir, car elles n'auraient pas compris les enjeux expliqués notamment lors de l'étude sociale préliminaire. La commission de probation proposera alors la révocation du sursis probatoire et l'on reviendra à la case départ avec des gens qui se retrouvent en prison, ce que l'on dit vouloir éviter.

Donc, premièrement, la loi du 22 mars 1999 doit être publiée et, deuxièmement, elle doit être appliquée de A à Z. Le parquet de Bruxelles considère comme extrêmement dangereux le nouvel article 9 prévoyant que le juge ne doit plus avoir ce rapport succinct.

La cinquième difficulté est liée aux moyens. Sur la base d'une simple analyse, les Français ont déclaré que les comparutions immédiates représentaient 12 à 14 % de l'ensemble des affaires fixées devant le tribunal en France. En 1998, il y avait 10 434 affaires fixées et jugées et en 1999, 10 776. Si l'on considère que 12 % de ces dossiers passent en comparution immédiate, soit 1 300 cas par an, et que trois substituts sont nécessaires pour faire 900 convocations par procès-verbal, il faudra entre quatre et cinq substituts pour traiter les comparutions immédiates. Encore s'agit-il d'une évaluation à la baisse : l'évaluation réalisée en fonction des critères de sélection de la convocation par procès-verbal permet d'arriver à un nombre bien plus élevé. Donc, si la loi passe, on ne pourra commencer à l'appliquer si l'on n'a pas au minimum cinq substituts. Le ministre de la Justice a d'ailleurs déclaré devant la commission de la Justice du Sénat qu'il fallait notamment nommer cinq substituts au parquet de Bruxelles. Il s'agit de cinq nouveaux substituts, et non de personnes qui se trouvent déjà au parquet, par exemple, en tant que stagiaires. En effet, il est évident que l'on ne va pas détacher des stagiaires qui travaillent déjà dans des sections qui sont relativement débordées, pour traiter des dossiers de comparution immédiate. Le ministre de la Justice a été interpellé à ce sujet devant la commission de la Justice de la Chambre. Il était bien conscient de ce problème car il a déclaré ce qui suit : « Le plus délicat sera de remplir le cadre du ministère public, ce qui est un vieux problème. Le gouvernement tentera d'y répondre en utilisant des juristes contractuels au parquet ou il prendra en compte plusieurs stagiaires judiciaires qui devront être nommés pour le 31 mars. » L'orateur exprime ses plus grandes craintes à ce sujet : comme déjà dit, on ne pourra pas utiliser les stagiaires judiciaires puisqu'ils sont déjà dans d'autres sections; quant aux juristes, ils ne peuvent évidemment pas remplir des fonctions de magistrats ­ monter à l'audience, préparer les convocations par procès-verbal. Pour que cela fonctionne, il faut cinq nouveaux substituts, hors cadre.

M. Dejemeppe précise qu'il conseille toujours de prendre acte des interventions du législateur et d'appliquer la loi. Le parquet de Bruxelles l'a fait en 1994 et est certainement celui qui a la plus grande expérience de la justice accélérée depuis lors. C'est un effort considérable à ne pas sous-estimer, d'autant plus qu'il a été fait en l'absence de moyens complémentaires.

Il estime que le législateur doit éviter de se réfugier derrière une façade en approuvant des lois dont on sait qu'elles ne seront que difficilement praticables, en l'absence de cette structure à laquelle on fait allusion. En 1990, on a créé une loi sur la détention préventive, limitant celle-ci par des mesures alternatives. La loi a été appliquée. Selon le législateur, il appartient aux services sociaux des tribunaux d'encadrer ces mesures. Onze ans plus tard, il n'y a toujours pas de tels services. Que s'est-il passé entre-temps ? Pour sa part, l'orateur a demandé à un substitut d'encadrer lui-même ces mesures avec les avantages et les inconvénients de ce genre de chose, d'avoir des assistants sociaux au parquet, alors que le législateur avait prévu que le gouvernement nommerait des assistants sociaux dans les tribunaux. L'orateur estime qu'il faut être cohérent. Si on prend une loi de cette ampleur-là, il faudra aussi envisager des moyens correspondants.

2. Questions et observations du ministre de la Justice et des membres ­ Réponses des orateurs

Le ministre de la Justice demande quels sont les critères fixés pour appliquer cette procédure de comparution immédiate dans le cadre de la loi de 1994. Il aimerait entendre M. Van der Noot à cet égard.

M. Van der Noot répond que la manière dont les dossiers sont sélectionnés dans le cadre de la procédure de 1994 lui semble particulièrement respectueuse des droits tant des auteurs que des victimes, car on applique une technique dite « d'escalier ». Lorsqu'un dossier arrive au parquet de Bruxelles, la première question qu'on se pose est de savoir s'il faut une mesure de contrainte. Si oui, le dossier quitte la cellule de procédure accélérée pour aller chez le juge d'instruction pour une demande de mandat d'arrêt, de mandat de perquisition ou autre. La deuxième démarche consiste à se demander s'il existe une instruction déjà ouverte ou non. Si oui, le dossier doit être joint à cette instruction. La troisième démarche consiste à regarder si la personne fait déjà l'objet d'une fixation devant le tribunal correctionnel. Si oui, et que la personne doit comparaître pour des faits analogues devant une chambre correctionnelle qui n'est pas de procédure accélérée, il est beaucoup plus logique de faire une citation directe et de fixer l'affaire devant la chambre correctionnelle déjà saisie. La démarche suivante consiste à voir si l'information est complète. Si le dossier est incomplet, il retourne dans les sections de base du parquet de Bruxelles où l'enquête sera poursuivie. Une démarche supplémentaire consiste à regarder si le dossier peut être classé parce qu'il n'est pas opportun de poursuivre. Une étape plus loin, on regarde si le dossier peut ou non faire l'objet d'une médiation pénale. Si oui, la médiation pénale sera systématiquement privilégiée. Enfin, tout au sommet de l'escalier, si tout cela n'est pas possible, on envisage la procédure accélérée de 1994, ce qui est fondamentalement différent de ce qui est envisagé ici puisque, dans le cas présent, on se trouve à la première marche de l'escalier, où l'on est confronté à la question de savoir s'il faudra solliciter une mesure de contrainte. La démarche intellectuelle est tout à fait différente : faire le tri en matière de convocations par procès-verbal ou faire le tri qui pourrait aboutir à une comparution immédiate.

Le ministre déclare qu'il souhaite réagir assez vivement à ce qui vient d'être dit. Le système qui vient d'être exposé peut parfaitement s'appliquer dans le cadre de la procédure de comparution immédiate 2000. On n'a absolument pas entendu limiter le pouvoir d'opportunité du ministère public. Des critères ont effectivement été prévus, mais ce sont les mêmes que pour la loi sur la détention préventive. Le ministère public aura à juger si les faits sont suffisamment graves pour demander un mandat d'arrêt et on sait très bien comment ces faits doivent être jugés. Un autre critère important est de savoir si, outre sa gravité, l'affaire est simple, en ce sens que l'on a recueilli tous les éléments.

Le ministre déclare ne pas avoir apprécié d'entendre qu'on n'a pas prévu une coordination cohérente des circulaires des procureurs généraux. C'est ce qui a effectivement été demandé aux procureurs généraux et c'est pour cela ­ Mme Dekkers l'a dit ­ que ce projet de circulaire est prévu.

Le ministre formule une dernière réflexion à propos de cette justice qui ne serait pas une justice plus humaine, mais bien une justice plus répressive. On a cité l'article 9 introduit en commission de la Chambre par le député Giet. Cet amendement faisait déjà l'objet de discussions dans un cadre plus large. Il a été admis qu'il y avait lieu de l'apporter. La loi du 22 mars 1999 est votée et signée mais n'a jamais été mise en pratique parce qu'on se rend parfaitement compte des critiques qu'elle peut susciter. L'on a essayé, à travers ce projet, d'y remédier. Dès lors, dire que, manifestement, l'article 9 ne rencontre pas les besoins recherchés, n'est pas exact.

Un membre déclare que le parquet de Bruxelles et, en particulier, ceux qui le représentent aujourd'hui, ont beaucoup amélioré la situation en matière répressive par rapport aux faits qui pourraient être touchés par ce type de procédure. Ce sont des gens d'action, qui ont été très appréciés sur ce plan-là.

Quant aux caméras, dont on reparle sans arrêt, l'intervenant estime qu'il faut opérer une distinction. Il y a celles des services de police, qui ne servent qu'à la prévention et, éventuellement, à l'examen des situations. On ne peut les utiliser en matière judiciaire. Il y a les caméras fixes des stades où il y a enregistrement et qui servent, de façon très claire, à des endroits identifiés. Et il y a les caméras mobiles utilisées par les services de police qui ont parfois quelque utilité pour retrouver ­ mais c'est alors beaucoup plus délicat et cela demande toute une analyse ­ les délinquants graves. Il peut donc s'agir de choses fort différentes, et il ne faut surtout pas faire vivre les gens dans l'illusion qu'il y a des caméras partout, et que tout est enregistré et contrôlé.

Les deux raisons affichées pour justifier le projet de loi ont été rappelées. Il y en a sans doute une autre, un peu honteuse, mais qui est toujours un peu présente, c'est le côté exemplaire d'une justice de ce type. Ces idées circulent toujours. Si on vote la loi, une pression existera pour avoir au moins un cas filmé, permettant de montrer à la population qu'on a jugé quelqu'un très vite. Il y a donc toujours cette interrogation sur le caractère exemplaire ou non de certains types de procédures judiciaires.

Les orateurs ont essayé d'énoncer les cas auxquels la nouvelle procédure pourrait s'appliquer et le type de personnes concernées. Énormément d'affaires concernant les drogues ne se retrouveront pas ici. Dans tous les quartiers très difficiles, c'est un problème majeur. Les mineurs d'âge aussi jouent un rôle non négligeable. Des majeurs les utilisent pour commettre des délits graves. Ils ne seront pas concernés ici parce que, même si on repère le majeur incitateur, il faut fournir les preuves, ce qui ne s'inscrit pas dans des procédures de ce genre ... Donc, il faut déjà éliminer, dans une approche « verticale », tout ce qui concerne la drogue, et dans une approche « horizontale », tout ce qui concerne les mineurs. Cela représente déjà une partie importante du contentieux.

Sur quels types de faits retombera-t-on ? Les grands désordres publics, heureusement moins fréquents, et qui pourraient l'être encore moins avec une politique de prévention intelligente, comme on l'a prouvé. Avec une telle politique de prévention, une politique policière un peu plus adéquate, une présence policière plus grande aussi ­ parce qu'il faut jouer sur tous les facteurs ­, ce problème pourrait être mieux résolu.

Restent alors les faits qui mobilisent véritablement l'opinion publique et la justice, et pour lesquels il faudrait surtout que cette justice accélérée fonctionne. Ce sont les atteintes aux personnes, les sac-jacking, car-jacking, etc., très douloureusement ressentis par les citoyens. Mais dès que ces faits revêtent une certaine gravité, ils sortent du champ de la loi en projet.

Comme le procureur du Roi l'a esquissé à la fin de son exposé, cette loi risque de ne pas apporter de grandes solutions, mais plutôt un peu d'« affichage », quelques images. Bien que le moment soit peut-être mal choisi, l'intervenant souhaiterait connaître le sentiment des orateurs sur ce que pourraient être des mesures plus profondes, et sur les moyens de la justice.

L'intervenant se demande si M. Van der Noot n'a pas été trop radical à propos des personnes en rupture de ban sur notre territoire et qui commettent des crimes ou des délits assez graves, qui ne sont pas inscrites dans nos registres, etc. Il ne partage pas l'avis selon lequel, pour des raisons éthiques, il n'y a pas lieu de les poursuivre. La différence entre la personne qui a commis un fait de gravité moyenne mais a un domicile fixe, est convocable, et pourra être cherchée à son domicile si elle ne se présente pas, et la personne qui n'a pas de domicile, a été soulignée. Le gouvernement devrait également y penser. Il existe une population, en quantité moins importante qu'on ne pourrait le croire, mais extrêmement instable et qui provoque pour le moment des problèmes extrêmement graves dans les domaines en question. Ces personnes viennent en général de l'ex-Yougoslavie ou de l'Europe de l'Est. Ce sont des SDF qui jouent facilement avec des armes. Quand la police les intercepte, l'éthique implique qu'on les juge rapidement. Il faut éviter qu'elles puissent changer de ville ou d'endroit. C'est un aspect précis, qui est l'une des causes du sentiment d'insécurité et de son développement. La commune de l'intervenant vient de connaître des événements extrêmement graves : une personne qui n'avait rien à voir avec cela a été blessée à la tête par une balle perdue. D'après des renseignements officieux, il semblerait que les auteurs soient originaires de l'ex-Yougoslavie et sans domicile fixe. On dira qu'il s'agit d'un cas tellement grave qu'il ne relèvera de toute façon pas de ce type de justice. L'intervenant en convient, mais il faut reconnaître que, dans ces cas-là, quand on intercepte le responsable, il faut rapidement tirer les conclusions qui s'imposent. La société n'a pas envie que quelques dizaines de personnes de ce style transforment en Far-West certains quartiers.

M. Van der Noot déclare partager l'opinion du précédent intervenant. À partir du moment où un fait de violence est commis, que ce soit par une personne étrangère en séjour illégal ou par une personne ayant un domicile fixe, il faut apporter une réponse adéquate.

Un article paru dans la presse vendredi dernier et intitulé Le tribunal des paumés reprend une analyse fort bien faite de l'audience du 9 mars 2000 de la 23e chambre qui s'occupe des comparutions immédiates à Paris. On y lit qu'on a poursuivi : « Azadine qui est en séjour illégal pour avoir brisé la vitre d'un véhicule 4×4, Dimitrio K. qui est un réfugié politique ukrainien, pour avoir commis un vol à l'étalage, Francis M. qui est camerounais en situation irrégulière, Mamadou, mauritanien, Ivanku, moldave et un Roumain en séjour irrégulier ... » L'orateur déclare que, s'il est confronté à ce type de dossier de vol à l'étalage par une personne ayant un domicile fixe à Bruxelles, il n'aura pas recours à la procédure de comparution immédiate, il ne fera pas non plus de convocation par procès-verbal, mais plutôt autre chose. C'est ce genre de phénomène qui l'inquiète. Les magistrats français, qui ont une excellente expérience, sont malgré tout amenés à juger des dossiers de ce type-là. Cela pose à l'orateur un problème éthique.

Un membre estime que les auditions sont effectivement très éclairantes parce qu'elles veulent sortir le problème du contexte de la politique partisane. Il espère que la majorité sera dans les mêmes dispositions lorsque le projet passera en commission. Il partage les critiques émises. S'il y a des arguments plaidant en faveur de la création d'une forme de procédure accélérée, fondée ou non sur la loi du 1994, c'est dans le cadre d'une réorganisation générale de la justice, avec des services en première instance et en appel qui soient dotés d'effectifs suffisants, afin que l'on en connaisse le champ d'application de la loi avec précision.

Le ministre a beau dire que la procédure accélérée servira « pour des affaires simples », cela ne figure pas dans la loi et « verba volant, scripta manent ». Le problème réside dans la définition des critères déterminant le champ d'application ou, en d'autres termes, le « ciblage » du groupe. D'aucuns estiment qu'une peine d'un an d'emprisonnement est trop faible tandis que d'autres parlent d'une peine de six mois. L'intervenant désire connaître l'opinion du procureur à ce sujet. Les actes de violence, coups et blessures ordinaires sans circonstances aggravantes doivent-ils être pris en considération ? Dans l'affirmative, il faudra prévoir un degré de peines moins élevé. Si la limite maximale est fixée à dix ans d'emprisonnement, le champ d'application sera trop vaste. On ne prononce pas une condamnation à dix années d'emprisonnement effectif pour des faits simples. L'intervenant désirerait entendre de la bouche du ministre quels sont les faits simples qui sont passibles de dix années d'emprisonnement dans notre pays. Pour parvenir à transcender la rhétorique, la justice spectacle, il faut savoir ce que l'on veut. Bien que le propos de l'intervenant ne soit pas de prétendre que telle est l'intention du gouvernement, il faut veiller à ne pas créer des procédures qui risquent de déboucher sur une justice de classe. Si l'on instaure des procédures qui illustrent ou consacrent la justice de classe, la crédibilité du pouvoir judiciaire n'en sortira pas grandie.

Comment se fait-il qu'une procédure accélérée soit appliquée en France, alors que les juges allemands n'y ont quasiment pas recours ? La procédure accélérée reste marginale en Allemagne alors que la violence dans les stades de football y est pourtant tout aussi répandue.

Un autre élément est l'opposition. L'intervenant a déjà interrogé le procureur général près la cour d'appel d'Anvers à ce sujet. On peut être condamné par défaut sans faire opposition au jugement. En pareil cas, comment se déroule la procédure de notification de la condamnation à l'accusé ? De quelle manière cette procédure satisfera-t-elle à la notion de « procès équitable » visée à l'article 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme ? Tout le monde connaît la signification de cet article pour ce qui est des droits de la défense, notamment la possibilité de faire un contredit et de choisir librement ses moyens de défense. L'accusé peut faire opposition au jugement indépendamment du fait qu'il se soit présenté à l'audience ou qu'il ait été condamné par défaut. En cas d'appel, qu'advient-il du problème de la relation entre la détention préventive et son maintien en détention préventive et qu'advient-il du caractère exécutoire immédiat de la peine si les délais d'examen ne sont pas respectés en appel ?

Le membre souhaite en outre poser une question sur le délai de sept jours pour ce qui est de la qualification des faits. Le procureur a fait référence à plusieurs reprises au problème de l'application de l'article 418 du Code pénal, plus précisément à la responsabilité quant aux conséquences de coups et blessures, qui peuvent varier considérablement. S'il faut faire par exemple la distinction entre une incapacité de travail temporaire et une incapacité de travail définitive, il est évident qu'il faudra une expertise. Dans toute une série de cas, il n'est pas possible de faire cette distinction. Une expertise relative à la responsabilité quant à ces conséquences peut-elle être réalisée dans le cadre de la procédure accélérée ? La jurisprudence de la Cour d'arbitrage concernant le déroulement de l'expertise, l'innovation de l'arrêt de la Cour d'arbitrage, le respect des droits de la défense, le caractère contradictoire de l'expertise, etc., sont connus. Il y a aussi la contre-expertise. L'expert doit poser les questions. L'avocat doit avoir le temps d'y répondre. Certaines expertises relatives à une incapacité de travail temporaire ou permanente peuvent traîner en longueur durant plusieurs années. L'intervenant se demande quels experts feront ce genre d'expertise dans un délai aussi court. Est-on sûr de pouvoir citer la personne à comparaître dans le délai imparti ? L'impossibilité de respecter ce délai ne fera-t-il pas le jeu de la défense ? On arrivera à des décisions imprudentes qui, eu égard à l'autorité de la chose jugée dans les affaires pénales pour ce qui est des droits civils, risquent d'avoir une incidence sur l'indemnisation des victimes. Est-il réaliste de défendre cette thèse ?

M. Dejemeppe est conscient que chacun souhaite une justice plus rapide. Ce serait un bien dans les affaires financières, civiles et sociales à n'importe quel niveau, jusques et y compris la Cour de cassation qui accuse elle aussi un arriéré énorme.

Le membre a adopté trois positions. Le premier problème se situe au niveau de l'éventail trop large de possibilités, article 16 de la loi sur la détention provisoire qui pourra bientôt être modifié. Il est exact que le juge d'instruction pourra décerner un nouveau mandat d'arrêt pour la procédure accélérée et ce, pour toutes sortes de faits punis de peines allant de un à dix ans. Les praticiens s'inquiètent des conséquences d'une éventuelle inégalité de traitement. Si, à Bruxelles, nous devions appliquer d'autres critères qu'Anvers ou Liège par exemple, cela aurait également des effets néfastes pour la société belge. Nous demandons donc aux procureurs généraux ou au législateur même de mieux délimiter le terrain afin de préserver également la sécurité juridique dans la société. Il est impossible d'appliquer la procédure accélérée aux affaires graves comme le home-jacking et le car-jacking. Les auteurs de ce type de délit ­ même les jeunes ­ utilisent des technologies de pointe. Dans bien des cas, ils n'en sont pas à leur premier méfait, ils ont déjà fait l'objet de condamnations et ils appartiennent souvent à des réseaux. Dans ce genre d'affaires, il est impossible d'enquêter et de dresser un procès-verbal en quelques heures. On ne peut pas dresser un procès-verbal en une demi-heure, cela demande au moins quelques heures et ce document doit respecter une série de règles strictes qui sont énumérées dans la loi du 12 mars 1998.

Il y a un deuxième problème qui est d'ordre juridique et parfois aussi d'ordre éthique, à savoir la procédure de l'opposition. Lorsqu'un inculpé ne se présente pas à l'audience, il peut être condamné par défaut. Le nouveau projet prévoit qu'il ne pourra plus faire opposition à ce jugement. L'intervenant souhaite souligner un nouveau problème potentiel d'inégalité de traitement par rapport aux autres procédures pénales qui sont parfois plus sévères. Il faut déterminer si cette dérogation est justifiée et si elle ne viole pas le principe d'égalité contenu dans les articles 10 et 11 de la Constitution. La question doit également être posée à la Cour d'arbitrage.

Comment informer l'inculpé qui est, en l'occurrence, le condamné ? Dans certaines circonstances, cela reste un mystère. Il y a bien le bulletin central de signalement qui mentionne toutes les condamnations. La police, les aéroports, etc. sont au courant, mais il se posera un problème lorsqu'on s'occupera effectivement du condamné et qu'il faudra déterminer s'il a droit ou non à un recours. Des délais sont prévus à cet effet, mais ils n'ont pas encore été fixés par la loi. Le problème des délais semble toutefois subordonné au problème du principe d'égalité. L'intervenant estime que tous les inculpés doivent être traités de la même manière, tout comme tous les inculpés ont droit à être assistés par un avocat dans le cabinet du juge d'instruction. Ce droit n'est pas réservé à une certaine catégorie d'inculpés.

Pour ce qui est du jugement par défaut, il ne vide pas vraiment l'article 6 de la CEDH puisqu'une possibilité de recours subsiste.

Le membre peut souscrire à ce point de vue, mais il attire l'attention sur le fait qu'en optant pour l'une ou l'autre procédure, le parquet détermine si l'on pourra ou non faire opposition. Or, cela relève des droits de la défense. Le problème est là. Le parquet déterminera quels sont les moyens de défense que l'inculpé pourra utiliser. C'est contraire à l'article 6.

M. Dejemeppe souligne que cette question est étroitement liée à la question relative au délai de sept jours et à l'enquête sociale ou la mise à disposition d'experts. Il est impossible pour une équipe de préparer dans un délai de quelques heures ou de 24 heures, voire pour le jour suivant, le dossier qui doit être mis à la disposition de l'avocat de l'inculpé, de l'avocat de la victime, etc. Le parquet de Bruxelles ne dispose pas d'équipes de médecins. Il y a bien une équipe de trois spécialistes en médecine légale, mais c'est insuffisant. L'équipe est surchargée et elle devrait être renforcée d'urgence. Il est exact qu'avec une procédure plus rapide, on devra moins recourir aux services de ces experts ou, par exemple, à des examens médicaux. Il n'y aura pas assez de temps pour cela. Nous ne pouvons pas tout faire en même temps.


Audition de M. Funck, président de l'Association syndicale des magistrats (ASM), de M. Vandermeersch, juge d'instruction à Bruxelles, et de M. Hallet, juge d'instruction à Charleroi

1. Exposé des orateurs

M. Funck souhaite exposer brièvement les raisons pour lesquelles l'association qu'il préside formule de très nettes critiques sur le projet. M. Vandermeersch fera ensuite des propositions.

Le projet est, selon l'orateur, révélateur du fossé qui sépare les préoccupations du monde politique et les réalités de terrain du monde judiciaire. Depuis des années, le monde judiciaire crie au secours parce que les tribunaux sont embourbés dans le retard et l'arriéré judiciaire. On vient alors avec un projet de justice accélérée qui ne répond absolument pas aux besoins réels.

Ce projet traduit trois illusions sur la poursuite de la délinquance. Il laisse croire qu'une nouvelle procédure va régler le problème de la lenteur de la justice. L'ASM pense que notre arsenal judiciaire actuel offre tous les instruments nécessaires pour assurer la poursuite de la délinquance dans des délais raisonnables. Le problème est donc celui des moyens. Dans les petits et moyens arrondissements, il est possible, dans des délais relativement brefs, de renvoyer le prévenu devant le tribunal correctionnel sous les liens du mandat d'arrêt. Cette procédure n'est pas utilisée dans les grands arrondissements. Il y a la procédure accélérée appliquée pour les affaires simples et la médiation pénale qui, lorsqu'elle a été introduite, visait précisément la poursuite de la délinquance urbaine, que vise également le projet en discussion.

À quoi sert-il dès lors de créer une procédure supplémentaire qui entraînera plus de problèmes qu'elle n'en réglera ? D'abord, ce n'est pas simplement une procédure, c'est toute une ligne de production que l'on crée et qui va nécessiter une action dans des délais très courts. Il faut donc une organisation très exigeante, un personnel administratif, des greffiers, des substituts, des magistrats.

Deuxième objection : le système devient obscur. Selon quels critères va-t-on choisir, pour des mêmes faits, une procédure accélérée ou une comparution immédiate ? Ces deux procédures visent des dossiers « simples ». Va-t-on choisir la comparution immédiate ou la médiation pénale ? Dans les deux cas, la loi vise des faits de délinquance urbaine. Quel est le critère ? On va finalement s'en remettre à l'arbitraire de la personne chargée du dossier.

Troisième objection : on se trouve dans un cercle vicieux. Il y a cinq ans, on a constaté l'encombrement des juridictions dans la procédure normale et on a créé la procédure accélérée. Aujourd'hui, les moyens n'ont pas été accordés à la procédure accélérée et on se rend compte que cette procédure accélérée elle-même est encombrée. On crée donc la comparution immédiate. Dans cinq ans, on se retrouvera à discuter sur un projet de loi de procédure à grande vitesse. C'est le cercle infernal de l'urgence parce qu'on ne règle pas les raisons réelles des difficultés actuelles des tribunaux.

La deuxième illusion est l'idée que, pour que la sanction soit efficace, elle doit être immédiate. C'est une pétition de principe, on n'en a jamais établi la pertinence et on peut même soutenir que le contraire est vrai, que la sanction immédiate a ou peut avoir des effets tout à fait inverses, et peut être de nature à créer de la délinquance parce qu'elle va créer de la désocialisation.

L'orateur prend l'exemple symbolique d'une personne ayant eu, dans sa jeunesse, de nombreuses difficultés avec la justice et qui a donc un casier judiciaire; après avoir remonté la pente et trouvé un emploi, cette personne est prise dans une rixe en fêtant la victoire de la Belgique contre l'Italie lors d'une compétition sportive. Cette personne est visée par le projet de comparution immédiate et va donc être incarcérée entre cinq et sept jours. L'effet de désocialisation est immédiat. Sauf si elle a un patron particulièrement compréhensif, il y a beaucoup de chances qu'elle perde son emploi et qu'elle ait à nouveau des mentions dans son casier judiciaire. Tout cela est à nouveau désocialisant.

Pour qu'une sanction soit efficace, il faut d'abord qu'elle soit intégrée et comprise par l'auteur des faits. Ensuite, elle ne doit pas être de nature à « désocialiser » et enfin, elle doit être intégrée et comprise par la victime qui doit avoir le sentiment que justice a été rendue. Pour que ces trois exigences soient rencontrées, il faut du temps; le monde politique doit avoir le courage de dire que cela ne prendra peut-être pas deux ans, mais certainement plus de cinq à sept jours.

La troisième illusion est celle de l'utilité de la prison dont de nombreuses études criminologiques ont démontré l'inefficacité. Que l'on songe aux États-Unis, où l'on s'est engagé dans une politique sécuritaire, les délinquants étant poursuivis « en temps réel ». Qu'y constate-t-on ? En 1980, il y avait aux États-Unis 500 000 détenus. À l'heure actuelle, il y en a quasiment deux millions. C'est affolant.

D'après l'estimation faite par le parquet de Bruxelles, on évalue le nombre de personnes qui seraient soumises à la comparution immédiate à environ 3 000 pour l'arrondissement judiciaire de Bruxelles, en dehors de la détention préventive normale. Par conséquent, rien que pour l'arrondissement de Bruxelles, il y aurait 3 000 détenus supplémentaires puisque la comparution immédiate commence par une détention. On s'engage là dans une logique infernale.

La dernière objection est que cette procédure vise évidemment la population la plus pauvre, les auteurs des faits de délinquance les plus visibles. On accorde ainsi la priorité à la poursuite de ce type de délinquance. Tout le reste ­ y compris la justice civile qui sombre notamment à Bruxelles ­ va rester en l'état actuel des choses, notamment la délinquance économique et financière qui manque de moyens. Ainsi, il y a quelques années, on a créé la fonction de substitut fiscal, chargé de la poursuite de la délinquance fiscale. Pour la Région wallonne, il y a actuellement un substitut fiscal qui dessert uniquement le ressort de la cour d'appel de Mons. C'est assez révélateur de l'état actuel de ces dossiers.

En conclusion, l'orateur déclare que, selon lui, la justice nécessite effectivement des réformes, mais qu'il faut une réflexion de fond sur les enjeux de la justice pénale. Le monde judiciaire constate que cette réflexion a été menée : Commission Franchimont sur la procédure pénale, rapport déposé par le commissaire royal à la réforme du Code pénal ... Il ne faut pas proposer des réformes cosmétiques, mais de véritables réformes de fond.

M. Hallet déclare qu'il a voulu prendre la parole avant son collègue M. Vandermeersch, qui pourra certainement suggérer des solutions. Pour sa part, il n'en voit malheureusement guère dans le cadre des dispositions en discussion pour l'instant. À propos du texte lui-même, étant donné que l'on doit respecter les mêmes critères que ceux de la détention préventive, et dans la mesure où les travaux préparatoires à la Chambre sont assez clairs à cet égard, il se pose la question de savoir quels seront les cas susceptibles d'entrer dans le cadre de cette procédure, et non pas dans celui de la loi sur la détention préventive. On essaie vainement de cerner ces cas. Un commissaire a évoqué les car-jackings et home-jackings. Le procureur du Roi Dejemeppe a déjà répondu assez clairement que bien évidemment, ce type de délinquance ne peut entrer dans le cadre de la nouvelle procédure. On a déjà évoqué le problème des incapacités; comment établir une incapacité temporaire totale ou permanente dans un délai aussi bref ? Tous les cas de violence corporelle, sauf ceux extrêmement simples qui ne rentrent pas dans les critères de la loi sur la détention préventive, ne sont pas concernés par les nouvelles dispositions.

Autrement dit, la rébellion sans arme ne peut pas rentrer dans ces cas-là parce que la peine prévue pour ce délit est inférieure à un an. Bref, à force d'éliminer, on peut se demander quels seraient les cas qui pourraient rentrer dans les critères de ces nouvelles dispositions légales.

L'orateur s'interroge en outre sur les victimes. Il sait que c'est là un souci du ministre et de tout parlementaire. Dans un délai aussi bref, comment pourra-t-on permettre à la victime d'un cas aussi grave ­ car il faut que cela soit un cas grave pour répondre aux critères de l'absolue nécessité pour la sécurité publique, critères valant pour la détention préventive ­ de rencontrer son avocat, d'établir son dossier et de venir à l'audience ? Cela paraît difficile. Par contre, il est possible de régler le problème en respectant les dispositions actuelles de la loi sur la détention préventive et en permettant au juge d'instruction de faire son métier convenablement, en prenant son temps pour chaque dossier. Il suffirait pour cela d'augmenter le cadre des juges d'instruction qui, pour une procédure classique, pourraient renvoyer très rapidement l'affaire devant un tribunal. On ne doit pas nécessairement attendre des mois avant d'obtenir un rapport médical du médecin légiste ou les déclarations circonstanciées des victimes. Dans une procédure classique, le juge d'instruction pourrait renvoyer le dossier à l'office du procureur du Roi qui tracerait ses réquisitions. La chambre du conseil pourrait alors renvoyer l'affaire devant le tribunal correctionnel dans les cinq jours ou dans le mois, la personne restant détenue. On n'a pas besoin d'une nouvelle procédure accélérée pour cela.

Plus précisément, en ce qui concerne le texte lui-même, l'orateur constate une certaine contradiction entre l'article 216sexies et l'article 216septies. Le premier stipule que le tribunal peut, s'il estime que que la complexité de l'affaire nécessite des investigations supplémentaires, renvoyer le dossier au procureur du Roi.

L'article 216septies précise que le tribunal peut remettre la cause à une ou plusieurs audiences, pour autant qu'il la prenne en délibéré dans les quinze jours qui suivent l'audience d'introduction, pour procéder à l'audition de tout témoin qu'il juge utile ou faire procéder à une enquête sociale. L'orateur déclare ne plus très bien comprendre. S'il faut procéder à l'auditon de témoins, c'est qu'on estime que l'affaire n'est pas aussi claire que cela. Le tribunal va-t-il alors renvoyer l'affaire à l'office du procureur du Roi ou prendre l'affaire en délibéré, en estimant qu'il faut effectivement entendre un témoin et reporter l'affaire à quinze jours ? L'orateur ne saisit pas très bien dans quels cas on appliquerait l'article 216sexies et dans lesquels on appliquerait l'article 216septies.

Il aborde pour conclure le point qui lui paraît le plus important et qui a déjà été soulevé par M. Funck, président de l'Association syndicale des magistrats. Le souci du ministre a été très clair : il souhaite favoriser tout type de mesure alternative. En même temps, il propose quelque chose qui paraît tout à fait antinomique avec les mesures judiciaires alternatives, dans la mesure où de telles mesures nécessitent un peu de temps, pour une étude sociale convenable, pour l'écoute d'une victime ou d'un prévenu. Cela ne peut pas se faire dans le délai qui est imparti. Il faut donc choisir : soit on est convaincu qu'il faut appliquer une mesure judiciaire alternative, soit on estime que ce n'est pas du tout opportun et on admet l'efficacité d'une répression extrêmement rapide. En cette matière, les statistiques sont quand même relativement claires. L'entrée en prison mal comprise, sans possibilité de mesures alternatives, est désastreuse par rapport à la resocialisation et donc à l'efficacité d'une peine. C'est la raison pour laquelle l'orateur pense que, dans l'état actuel des choses, ce texte n'est pas très opportun.

M. Vandermeersch observe tout d'abord que l'on parle souvent de petite délinquance, mais qu'il n'aime pas du tout le terme « petite », car ce n'est pas de cela qu'il s'agit. Dans les cas de car-jacking ou de home-jacking, des gens sont atteints dans leur quotidien et on a affaire à des situations très graves. On peut constater le traumatisme des victimes. Il s'agit d'une délinquance à un autre niveau, que l'on qualifie à tort de « petite ».

Peut-on aussi parler de grande délinquance, de grand banditisme ? L'orateur pense que non. Il y a différentes formes de délinquance et chacune d'elles mérite la même attention. Compte tenu des moyens existants, on peut donner l'impression de privilégier un certain type de délinquance. Mais il ne faut pas tomber dans l'autre extrême, en disant qu'il ne faut pas s'en occuper. Il faut s'occuper de façon efficace de toutes les formes de délinquance.

En ce qui concerne la population visée en priorité par ce projet, on la rencontre déjà quotidiennement dans le cadre de la détention préventive. Des rapports indiquent que ces personnes n'ont aucune perspective, et qu'il faut une réponse rapide, car elles ne parviennent pas à se projeter dans l'avenir et, éventuellement, ne comparaîtront pas aux audiences ultérieures. La grande inquiétude de l'orateur est la suivante : ces personnes commettent effectivement des actes délictueux, non pas tellement parce qu'elles veulent les commettre, mais par manque de perspective, de projet alternatif. Si la justice tombe dans la même immédiateté, elle fait le travail « à l'envers ». Il faut pouvoir réinscrire ces personnes dans des projets à plus long terme. Or, une justice à très court terme va donner une réponse rapide ­ ce qui est important ­ mais qui ne sera peut-être pas cohérente, puisqu'elle sera immédiate; en outre, on va la présenter comme une solution.

L'orateur considère le problème sous l'angle inverse. Il déclare que ce genre de situation est interpellant. En détention préventive, on est souvent confronté à une personne sortie de prison quelques jours auparavant. On a ainsi la preuve concrète que, malheureusement, la prison n'a pas eu l'effet escompté par rapport à la problématique de la récidive. On retombe dans la procédure immédiate où la seule réponse sera de nouveau la prison.

À un certain moment, pour une grande partie de la population cible, il faut essayer de briser ce cercle vicieux. Ce souci semble être partagé par certains, puisqu'on parle toujours de mesures alternatives; mais peut-on parler d'alternative dès lors que la référence principale est toujours la prison et l'emprisonnement ? La prison est nécessaire dans certains cas et il arrive quotidiennement à l'orateur de décerner des mandats d'arrêt. Mais il s'agit quand même d'une solution extrême qui ne résout qu'à moitié le problème. C'est une solution de protection pour la société, mais il ne faut pas perdre de vue que la personne enfermée sortira un jour de prison.

On sait que la prison « désocialise » beaucoup plus qu'elle ne « resocialise », mais on peut penser à d'autres réponses. Or, c'est ce point qui inquiète l'orateur, car il n'en voit pas la trace dans le cadre du projet.

En ce qui concerne les peines alternatives, des travaux d'intérêt général ne s'improvisent pas. Lorsqu'on engage des personnes très rapidement dans une certaine perspective, c'est l'échec, c'est-à-dire l'emprisonnement. Si l'alternative consiste simplement à improviser, et débouche quand même sur un emprisonnement, il ne faut pas lancer de la poudre aux yeux : l'emprisonnement est peut-être plus cohérent dans l'immédiat.

L'on a affaire à une population très fragile et très vulnérable, où il faut investir, ce qui nécessite du temps.

L'orateur songe à d'autres peines alternatives qu'il appellerait plutôt peines autonomes, comme celle de confiscation. Celle-ci peut être très utile. Il prend l'exemple d'un jeune qui a vendu des stupéfiants; la première fois qu'il est pris, on sent qu'on est à la limite; il a passé les bornes et peut se rendre compte des conséquences de ses actes. On peut lui confisquer sa voiture. Il arrive que des gens demandent à aller en prison plutôt que de se voir confisquer la voiture qu'ils avaient achetée. Or, celle-ci ayant été utilisée pour les faits, on confisque la voiture, c'est une peine autonome. Si d'autres problèmes se présentent ultérieurement, on les rencontrera peut-être autrement.

La justice est trop lente actuellement. Le souci de ce projet est de faire prendre consicence qu'il ne convient pas qu'une personne soit jugée six mois, un an ou deux ans après les faits, alors que ceux-ci pourraient trouver une réponse plus rapide. Cette réponse ne consiste pas toujours en une répression. Des possibilités existent en la matière.

L'orateur a eu l'occasion d'examiner la procédure anglo-saxonne et a été frappé par la réflexion d'un collègue canadien, qui pensait que notre système judiciaire en viendrait au plaidoyer de culpabilité du droit anglo-saxon quand il serait complètement surchargé et noyé. En droit anglo-saxon, la personne est aussi davantage associée à son procès.

Quand on parle de dossier, on parle de gens. Derrière les dossiers, il y a des personnes, des victimes, des présumés innocents, des présumés auteurs.

Pourquoi ces personnes ne pourraient-elles pas être plus actrices de leur devenir ? Une peine efficace est une peine que la personne accepte. Une peine acceptée est plus efficace qu'une peine imposée. Cela suppose que la personne puisse être écoutée par rapport à la peine, qu'elle puisse s'exprimer et même faire des propositions sur la réponse à donner. Beaucoup de personnes sont prêtes à payer.

On entend souvent dire que les avocats laissent traîner les procédures au maximum. C'est faux. De nombreux justiciables reconnaissent les faits et veulent savoir quand ils seront jugés. Il y a des instructions clôturées, où des personnes téléphonent pour dire : « Je ne suis toujours pas passé. Maintenant, j'ai une copine mais je n'ai pas osé lui avouer que j'avais fait une bêtise avant de la rencontrer. Je voudrais payer pour pouvoir recommencer à zéro. » Les inculpés et les victimes sont demandeurs d'une justice plus rapide. L'orateur précise qu'il reçoit tous les jugements en retour de ses instructions. Plus de 95 % de ces jugements prononcent des condamnations, malgré le filtre de la chambre du conseil. Cela veut dire que, devant la juridiction de fond, l'enjeu principal est souvent le débat sur la culpabilité.

L'orateur souhaite formuler une proposition en cette matière. Pour avoir un vrai débat sur les peines autonomes ou alternatives, il faudrait scinder le débat sur la culpabilité et celui sur la peine. Actuellement, l'avocat joue toujours l'impasse entre « mon client conteste » et « à titre tout à fait subsidiaire, dans l'hypothèse tout à fait impossible où le tribunal estimerait quand même que mon client est coupable, je voudrais qu'il ait éventuellement des travaux d'intérêt général ». Cela n'a pas de sens. Comment peut-on à la fois plaider la non-culpabilité et dire « je suis prêt à m'engager dans un processus de travail d'intérêt général » ?

Il faudrait donc scinder les deux. Dans certaines mentalités, tant qu'on nie les faits, on peut faire comme s'ils n'existaient pas. Si le problème de la culpabilité est réglé, on peut enfin avoir ce débat sur la réponse adéquate à apporter à l'acte délinquant. À ce moment, il y aura place pour un débat sur des peines alternatives, sur des mesures autonomes. Grâce au plaidoyer de culpabilité, on gagnera peut-être un temps énorme, parce qu'on en viendra immédiatement au débat principal. La personne se rendra compte qu'il y va de son intérêt, puisqu'on est prêt à l'écouter sur la question de la peine.

Aux audiences correctionnelles, le débat sur la peine semble toujours esquivé alors qu'en lisant les jugements, l'orateur a l'impression subjective que c'était souvent l'enjeu principal.

Que l'on ne se méprenne pas. On aurait la possibilité de plaider coupable ­ mais on peut toujours plaider non coupable ­ et il y aurait alors un débat complet sur la question de la culpabilité, mais qui sera également plus sain. On ne devrait pas essayer de calculer en disant « je ne veux pas tout à fait indisposer le juge parce que s'il me déclare coupable, je voudrais m'y retrouver un peu au niveau de la peine ».

Scinder les deux serait beaucoup plus sain. Il y aurait ainsi place pour un débat complet sur la peine et sur des peines plutôt autonomes qu'alternatives. L'orateur déclare ne pas avoir envie de réfléchir toujours par rapport à la prison, alors qu'il a, par exemple, connu une personne qui, sortie de prison le vendredi, comparaissait déjà devant lui le dimanche alors qu'elle avait été interpellée à son retour d'Amsterdam en possession d'héroïne, et qui disait : « La prison, c'est tellement dur; j'avais besoin de m'éclater. »

Il faut rompre ce cercle vicieux par rapport à ces personnes.

2. Questions des membres et réponses des orateurs

Un membre déclare que les interventions de MM. Dejemeppe et Van der Noot l'ont quelque peu interloqué. M. Van derMeersch a d'ailleurs répondu en partie aux questions qu'il se posait à la suite de ces interventions. Manifestement, de l'avis de toutes les personnes auditionnées jusqu'à présent, ce projet de loi ne sert à rien parce qu'un certain nombre de systèmes existent déjà, parce que les dispositions de la loi sont inapplicables, etc. L'intervenant se demande dès lors pourquoi ils tirent à boulets rouges sur un projet de loi qui ne sert à rien. Ils utilisent deux types d'arguments. Les premiers sont d'ordre politique. Chacun est évidemment libre de ses opinions ... Toutefois, si un magistrat dit par exemple que la prison est une illusion, c'est intéressant, mais cela n'implique pas nécessairement qu'il faut considérer cet argument, parce qu'il vient d'un magistrat, comme plus important que l'avis de n'importe quel parlementaire qui ferait une remarque similaire. Il s'agit d'une réflexion d'ordre politique, qui ne tient pas à sa pratique quotidienne sur le terrain. Par ailleurs, il est hors de propos d'affirmer, comme l'a fait un des orateurs, que la procédure de comparution immédiate servira uniquement à sauter sur les malheureux étrangers, de type albanais, sans domicile fixe et coupables sur le territoire d'un certain nombre de délits. Le problème est plutôt de savoir comment on peut poursuivre ceux qui commettent des délits. L'intervenant croit que personne ­ y compris M. Verwilghen ­ ne désire mettre en place une justice de catégorie sociale, pour ne pas parler d'une justice de classe.

Les magistrats entendus jusqu'à présent n'ont pas arrêté d'évoquer la socialisation des délinquants. L'intervenant se réjouit de constater que la justice devient parfaitement humaine mais il est piquant de remarquer que les magistrats se considèrent davantage comme des assistants sociaux que comme des juges ! Ils ne manqueront donc pas d'encenser le rapport de 245 pages de M. Verwilghen ­ ce que l'intervenant ne fera personnellement pas ­ puisqu'il y est écrit que la prison coûte trop cher, est devenue quasiment obsolète et ne sera justifiée à l'avenir que dans les cas exceptionnels.

Outre ces remarques d'ordre politique, les magistrats ont formulé des critiques d'ordre fonctionnel : il faudra une circulaire du Collège des procureurs généraux, ce n'est pas coordonné, les moyens financiers manquent et, même, les mesures alternatives ne sont pas prévues. À cet égard, l'intervenant rappelle qu'une proposition de loi réglant ces problèmes et signée par des députés de l'ensemble des formations politiques démocratiques a été déposée à la Chambre. Qu'elle avance ou pas est un autre problème ... Toutes ces objections peuvent être soulevées à propos de n'importe quel projet de loi. Il est évident qu'il faudra exécuter le projet. Il faudra des arrêtés royaux, des circulaires, des précisions ...

L'intervenant se demande ce que veulent finalement les magistrats. Ils attaquent la proposition de loi en prétendant qu'elle est inutile. Or, M. Van der Meersch a reconnu que les choses ne marchaient pas tellement bien et qu'on ne pouvait pas attendre 2, 3, 6 mois, voire un an, avant de poursuivre quelqu'un. Il s'est livré à une analyse de la conception britannique « Guilty or not guilty ». Ce débat est certes intéressant mais on n'est pas en train de refaire toute l'organisation judiciaire à l'occasion de la discussion sur la comparution immédiate. Projet Franchimont ou pas, interdiction ou arrêt de la Commission Franchimont ou pas, c'est un autre débat. Pour l'instant, il s'agit de déterminer si le projet conçu par M. Verwilghen peut régler un certain nombre de problèmes actuellement pendants et qui donnent une impression désastreuse à l'opinion publique. L'intervenant n'est pas de ceux qui proclamaient à l'époque de la marche blanche « aussitôt pris, aussitôt pendu ». Il n'a jamais participé à cette espèce de chasse aux sorcières, ni considéré qu'il fallait emprisonner quelqu'un qui avait observé dans la rue un enfant qu'il trouvait joli. Il a le sentiment que certains sont en train de mélanger les choses. La seule question qui l'intéresse est, à supposer que cette loi soit d'application demain, que les moyens nécessaires soient mis en place, que les problèmes de coordination entre les circulaires des parquets soient réglés, que les procureurs généraux se réunissent pour indiquer la manière dont les choses doivent se faire. Il s'agit de savoir, donc, si cette loi apportera un élément supplémentaire au règlement de toute une série de petits délits qui, incontestablement, engendrent une répulsion dans l'opinion publique par rapport à la justice. Tout le reste ne concerne en rien la comparution immédiate. Si les magistrats disent que cela ne marchera jamais, même avec des moyens financiers, qu'ils justifient leur opinion. S'ils disent au contraire que c'est un élément, peut-être adventice, un détail mais un élément quand même, cela vaut la peine de connaître également leur avis. C'est cela que l'intervenant attend de la part de personnes de cette qualité, et pas nécessairement un discours sur la politique pénitentiaire ou la politique judiciaire, certes intéressant mais qui lui paraît hors propos.

M. Hallet déclare vouloir apporter une réponse technique. Une question précise a été posée : le projet visé permettrait-il de répondre au sentiment d'insécurité engendré par des auteurs de « petits faits » ? La réponse est claire : non. En effet, le projet précise qu'il faut répondre au critère de la « détention préventive », à savoir une absolue nécessité pour la sécurité publique. Si l'office du procureur du Roi et ensuite, le juge d'instruction, estiment que la personne concernée répond à ce critère d'absolue nécessité pour la sécurité publique et que la peine est inférieure à quinze ans, un autre critère doit être rempli ­ risque de récidive, collusion avec des tiers, disparition de preuves, fuite en dehors du Royaume. Tels sont les critères de la détention préventive. Si l'on y satisfait, on décernera un mandat d'arrêt classique, et si l'affaire est simple mais qu'elle répond à un critère de gravité (cf. le cas classique de l'arrachage de sac qui pourrait être rapidement clôturé au niveau de l'instruction), il faudra cependant avoir l'élément médical indispensable pour que la victime puisse se constituer partie civile de façon valable devant le tribunal. On ne pourra le faire dans le cadre de cette procédure.

En revanche, ce sera possible dans le cadre de la procédure telle que prévue actuellement au niveau de la loi sur la détention préventive : on communique très rapidement le dossier à l'office du procureur du Roi qui peut le fixer dans les plus brefs délais devant le tribunal correctionnel, la personne étant détenue.

Si on parle de faits peu importants, on ne répond pas aux critères de la loi sur la détention préventive. S'il s'agit de faits graves, la loi sur la détention préventive classique peut s'appliquer. La difficulté est qu'il y a trop peu de juges d'instruction, de procureurs, et, comme l'a signalé M. Damien Vandermersch, certaines personnes qui sont passées devant un juge d'instruction ont été libérées car malheureusement, compte tenu de l'encombrement, la procédure a duré plus longtemps qu'elle n'aurait dû et les personnes ont comparu bien trop tard devant le tribunal. Il suffirait dès lors d'augmenter, et pas de façon très conséquente, le nombre de juges d'instruction et le nombre d'enquêteurs pour que l'enquête puisse se clôturer très rapidement et que le détenu puisse comparaître devant le tribunal correctionnel. Une nouvelle loi n'est pas nécessaire. Autrement dit, la nouvelle loi ne permettra pas aux enquêteurs d'aller plus vite pour rédiger leurs procès-verbaux; elle ne permettra pas aux juges d'instruction d'avoir une conviction plus rapidement sur la nécessité ou non de faire des devoirs complémentaires. Par conséquent, dans l'état actuel, la disposition légale en projet ne sera pas d'application en pratique.

Un membre déclare avoir été étonnée d'entendre les magistrats dire que cette procédure mènera à telle et telle chose. En effet, les magistrats choisiront le type de procédure qu'ils jugent la plus adaptée aux cas qui se présenteront. Un tel argument ne peut donc être utilisé par rapport à un projet de loi. C'est un élément supplémentaire ­ bon ou mauvais, on le verra dans le cadre de la discussion des articles ­ à la disposition des magistrats, un outil de plus dans le cadre d'un certain nombre de choses que l'on essaie de faire au Parlement depuis quelques années. L'intervenante en revient au projet de 1994 ­ la procédure « Wathelet » ­ qui, à l'époque, avait également été largement critiqué par les magistrats et qui n'a pratiquement été utilisé qu'à Bruxelles.

M. Hallet précise qu'il l'a été aussi à Charleroi.

La précédente intervenante poursuit en constatant qu'il y avait donc une certaine utilité à donner aux magistrats des moyens supplémentaires.

Puisque l'on réfléchit aux moyens d'accélérer la justice, autant du côté des auteurs de faits que du côté des victimes, elle tient à signaler qu'elle a beaucoup apprécié l'intervention de M. Vandermeersch, qui va dans le sens de ce qui se dit depuis de nombreuses années. L'intervenante a eu l'occasion de se rendre aux États-Unis ­ qu'on cite toujours sous un angle défavorable ­ voici environ trois ans. Le fait de « plaider coupable » dont on parle depuis un certain temps, est selon elle une notion intéressante. Il faut être de bon compte : à l'heure actuelle, il y a un déficit en termes de réponse judiciaire, aussi bien du côté des auteurs que du côté des victimes; M. Vandermeersch qui travaille sur le terrain, l'a parfaitement expliqué. Il faut faire quelque chose, avancer dans un certain nombre de projets et s'en donner les moyens dans une discussion sereine. Chaque fois que l'on rencontre des acteurs de la justice, ceux-ci s'opposent aux réformes. L'intervenante souhaite que ces acteurs adoptent des attitudes positives. Selon elle, ce qui a été dit par M. Vandermeersch va dans le bon sens.

Un autre membre a tout de même la conviction que ce projet de loi va créer un autre type de justice. Il y aura en quelque sorte deux types de justiciables. La justice de classe risque d'être fortement renforcée. Lors de leur visite à Paris, les sénateurs ont été témoins de cette justice de classe qui frappe uniquement les pauvres.

En outre, l'intervenant aimerait entendre les juges d'instruction par rapport à la loi de 1994. Il ne voit pas de différence entre la loi de 1994, si on lui accordait des moyens, et le projet de loi en discussion. Il aimerait encore avoir des explications à ce sujet.

M. Hallet répond que c'est très simple. La loi de 1994 prévoit une procédure accélérée; le parquet fournit directement le document papier à la personne qui est devant lui et cette personne va comparaître devant le tribunal, mais elle est libre. Dans le cadre du projet en discussion, il y a un mandat d'arrêt et la personne est détenue préventivement. Ce sont deux choses très différentes.

Le précédent intervenant poursuit en observant qu'en ce qui concerne le fond, M. Hallet a dit lui-même tout à l'heure qu'il y aurait beaucoup plus de problèmes. Il a cherché les délais qui pourraient être ceux de la procédure de comparution rapide. Il faut chercher par rapport à la comparution accélérée.

L'intervenant en vient aux victimes. La comparution rapide vise à créer un sentiment de sécurité dans la société et notamment à apaiser les craintes de la victime à qui justice serait rendue rapidement. Les magistrats sont aussi démunis par rapport à des moyens alternatifs. L'intervenant pense à l'indemnisation ou à d'autres voies. C'est au politique qu'il appartient de décider. Un auteur de faits délictueux, récidiviste ou non, est un être humain qui a commis des bêtises à un certain moment et qu'il faudra réinsérer dans la société. L'intervenant ne trouve pas la place de la victime dans le projet. Lors du déplacement des sénateurs en France, certains leur ont dit que les victimes étaient présentes, mais d'après les avocats, les victimes ne sont jamais présentes. Le procureur de la République a également dit que cette loi n'apportait rien au point de vue de la sécurité et qu'elle avait seulement un effet psychologique. Les magistrats sont-ils d'accord avec cette réflexion ?

M. Vandermeersch répond qu'il voudrait justement qu'il y ait un effet psychologique, et que l'on prenne davantage en compte la psychologie, notamment celle de la victime. On constate que celle-ci a besoin de « digérer » son traumatisme. Il s'agit ici des victimes qui se sentent blessées dans ce qu'elles ont vécu. Elles doivent émerger de leur traumatisme; il faut leur laisser un peu de temps. Dimension psychologique aussi en ce qui concerne l'auteur des faits qui est identifié à l'acte. Pour le magistrat, c'est un présumé innocent, mais on entend parfois des mots comme « C'est un salaud, etc. ». Aveu ou pas, ce n'est pas toujours là la question. Le problème est le suivant : un acte a été commis, il y a une situation environnante qui a été décrite par rapport à certaines situations, il y a des mécanismes de défense qui sont inappropriés dans un premier temps. C'est là, selon l'orateur que doivent intervenir les droits de la défense.

Il tient également à préciser un point. En chambre du conseil, quand la personne comparaît dans les cinq jours du mandat d'arrêt et que l'on constate que l'intéressé n'avait pas d'avocat devant le juge d'instruction, on adresse un fax au bâtonnier, immédiatement, c'est-à-dire le jour de la délivrance du mandat d'arrêt. Même le samedi et le dimanche, le fax est toujours ouvert. Dans plus de la moitié des cas, la personne n'est pas assistée d'un avocat. Or, il s'agit là du maintien en détention préventive, et non d'un jugement définitif.

La mise en oeuvre du projet de loi nécessitera aussi la collaboration loyale de tous les acteurs. On dit qu'il s'agit d'un outil. Si l'on met des outils à disposition des magistrats, il faut être cohérent : les magistrats doivent être loyaux par rapport au législateur. L'intervenant n'est pas d'accord avec l'affirmation selon laquelle les magistrats feront ce qu'ils veulent de la loi nouvelle. Il estime que, dans une démocratie, le juge n'a pas à juger lui-même que cet outil ne sert à rien. Les magistrats ont à créer ce débat, mais le choix politique appartient au législateur.

Il vient d'être question d'effet psychologique. Ce débat ne rencontre pas tout à fait le problème de la surpopulation des prisons. Or, cette question est également essentielle, parce qu'elle se joue en aval aussi.

Le président demande à M. Vandermeersch si, à son avis, le projet de loi, s'il est adopté, risque de faire augmenter la population pénitentiaire dans un premier temps.

M. Vandermeersch répond que, s'il veut appliquer loyalement cette mesure, dans certaines situations, il placera sous mandat d'arrêt, alors qu'il ne le faisait pas avant. Certains diront que c'est efficace. Il répond que oui, à condition de penser que la prison est la réponse adéquate. Mais cela, c'est un choix politique.

L'orateur ajoute que, si l'on met beaucoup de ces personnes en prison, il faut alors trouver là une des explications de ce que l'on a vécu durant l'été 1996, et de la libération conditionnelle de Marc Dutroux. Cette explication est précisément la surpopulation dans les prisons. Si l'on met des gens en prison, on risque de pousser d'autres personnes dehors. Plutôt que de toujours parler de plus de moyens, l'orateur pense que l'on doit se donner des priorités, se demander ce que l'on veut, quels sont les gens que l'on veut voir en prison, quelle est la réponse la plus adéquate. C'est là tout le débat par rapport aux mesures alternatives.

Un membre observe qu'il y a plusieurs années déjà, le législateur a prévu les travaux d'intérêt général, les peines autonomes, ... Malgré ce type de peines, des magistrats continuent à prononcer des peines de prison.

M. Vandermeersch répond que c'est la raison pour laquelle il a formulé une proposition, en indiquant que, selon lui, dans l'état actuel des choses, on reste trop centré sur les questions de culpabilité et sur le réflexe d'emprisonnement. Il faut bien entendu se remettre en question. C'est cela la débat : créer les cadres où tous les acteurs se remettent en question.

Un membre estime que l'exemple de l'affaire Dutroux n'est pas fondé. Ce n'est pas à cause de la surpopulation des prisons qu'on a libéré Dutroux à l'époque. Sa libération avait d'autres causes, tenant d'ailleurs à toute une série d'éléments, notamment de procédure. Il ne faut pas confondre un homme comme lui avec quelqu'un qui, éventuellement, s'est battu avec deux gendarmes à la sortie d'un match de football, puisqu'on parle toujours de l'Euro 2000. La libération de Dutroux n'avait pas comme cause la surpopulation des prisons. C'était une autre époque, et l'on pourrait écrire un livre sur ce qui se passait alors.

M. Vandermeersch répond que le problème de la surpopulation des prisons est quand même un problème qu'il faut rencontrer. Pour toutes les libérations dont on ne parle pas, par exemple en matière de hold-up, de délinquance, d'attaques sur les fourgons, on voit quand même qu'il s'agit de personnes pour lesquelles des choix ont été faits. On aurait pu les libérer plus tôt ou plus tard. La libération conditionnelle n'est pas une obligation. Il y a des choix à faire. En mettant, en amont, beaucoup plus de personnes en prison, on fait un choix indirect par rapport à d'autres situations, toutes choses restant égales par ailleurs. C'est mathématique.

Une intervenante demande si, outre la détention préventive, le projet de loi prévoit également la possibilité de laisser les gens en liberté, sous certaines conditions, conformément aux articles 35 et 36.

M. Vandermeersch répond affirmativement.

L'intervenante fait remarquer qu'il appartient au procureur du Roi de décider en la matière. On ne peut donc pas donner à penser erronément que le projet de loi ne prévoit que la détention préventive. Fait-on souvent usage, en application de la loi actuelle sur la détention préventive, de la possibilité de mettre des gens en liberté sous conditions conformément aux articles 35 et 36 ?

Personne ne peut bien entendu être opposé à une administration rapide de la justice. Dans le système français, les inculpés doivent donner leur accord pour que l'on puisse appliquer la procédure de jugement rapide et on a constaté, pour ce qui est de Paris, que 95 % des intéressés le donnent effectivement. Cela montre qu'ils en tirent aussi avantage, pour les raisons indiquées par M. Vandermeersch. Il convient d'en tirer trois conclusions importantes.

La première conclusion est qu'il est très important d'investir. Il faut le faire dans le cadre général de la justice, comme le montre d'ailleurs le système français dans le cadre duquel une chambre à trois juges a été chargée exclusivement des procédures de jugement rapide. Elle juge quelque seize à dix-huit personnes par jour. Il y a également un service social permanent qui effectue des enquêtes sociales. Ces enquêtes sont obligatoires pour tous les intéressés âgés de 18 à 21 ans et facultatives pour ceux qui ont atteint l'âge de 21 ans. On y a également investi dans un service médical. Des médecins et des psychiatres sont chargés d'établir très rapidement des rapports sur d'éventuelles lésions corporelles et incapacités de travail, pour compléter les dossiers de manière qu'ils puissent être examinés rapidement. L'intervenante ne veut pas dire pour autant que nous devons reprendre entièrement le système français, bien au contraire, car il donne lieu à des procédures d'une rapidité extrême. Les intéressés doivent déjà comparaître devant le juge le jour même ou dans les 48 heures. En tout cas, la conclusion à tirer est qu'il importe d'investir. Le parquet doit bénéficier d'un bon appui. L'intervenante rappelle que le ministre avait promis qu'il prévoit en tout cas un meilleur encadrement pour le parquet et la justice.

La deuxième conclusion importante concerne l'application de mesures alternatives. En France c'est aussi un des aspects principaux des choses. Généralement, le juge inflige une peine alternative à ceux qui comparaissent pour la première fois dans le cadre d'une procédure accélérée. Cette possiblité n'est pas prévue dans notre projet de loi, mais la Chambre a obtenu que la loi du 22 mars 1999 sur les peines alternatives soit publiée en même temps que la loi sur la comparution immédiate, si bien que les juges disposent de tout un éventail de moyens pour prononcer des peines alternatives.

La troisième conclusion importante concerne le développement d'une véritable politique de prévention. En France, la commission n'a pas pu se faire une idée claire sur ce point, étant donné qu'il ne relève pas de la compétence du parquet. Il importe toutefois de veiller à ce que nous ne nous retrouvions pas dans la même situation que la France. Force est de constater qu'en France au bout de vingt ans d'application de la procédure accélérée, 80 % des gens qui en font l'objet sont des immigrés. Ce n'est pas un phénomène nouveau. Des enquêtes menées récemment à Bruxelles ont montré que, par rapport aux autochtones, « les immigrés qui font l'objet d'un procès-verbal parce qu'ils ont commis l'une ou l'autre infraction courent 10 % de risque de plus d'avoir à comparaître devant le juge. Il faut donc absolument veiller à ce que du fait de l'application du système de la comparution immédiate on ne juge plus que les personnes qui sont les plus vulnérables dans notre société. L'intervenante est d'accord avec l'affirmation de M. Vandermeersch selon laquelle il faut briser le cercle vicieux. Il faut éviter, grâce à une bonne politique de prévention, que le système de la comparution immédiate ne devienne la marque d'une justice de classe.

Pour finir, l'intervenante fait remarquer que, de l'extérieur, on a l'impression que la justice ne dispose pas du personnel nécessaire, mais que, selon certaines rumeurs ce n'est qu'une fausse impression. Selon Mme Dekkers il y assez de magistrats, mais selon M. Dejemeppe il y en a trop peu. Il faudrait clarifier les choses sur ce point.

M. Vandermeersch répond qu'il y a en tout cas un grand problème à Bruxelles, en ce sens qu'il y manque vingt-cinq magistrats à l'heure actuelle.

Un membre demande s'il est pensable de conserver la philosophie de ce projet, mais de ne pas lier cette procédure rapide à la détention. Serait-il utile, dans l'arsenal juridique, d'avoir une nouvelle procédure qui ne serait pas automatiquement liée à la détention ? On répondra sans doute que l'on dispose de la procédure version 94. S'il y a moyen de ne pas opérer le lien avec une détention, dispose-t-on de suffisamment de mesures pour laisser en liberté provisoire et assurer les garanties de la représentation ?

À Paris, quand on entre dans ce tribunal des paumés et dans cette cour des miracles, on a un sentiment de pitié et de compassion qui prend aux tripes, et on a l'impression que les magistrats et les membres du parquet jouent le rôle d'assistants sociaux.

Le président ajoute qu'à la sortie, les avocats présents ont demandé aux sénateurs de revenir parce que, disaient-ils, lorsqu'ils sont présents, les peines sont moins sévères.

La précédente intervenante demande si l'on dispose de moyens pour laisser en liberté, avec suffisamment de garanties de représentation. Ceux qui sont visés par cette procédure dans les pays étrangers, notamment en France, sont les seules personnes dont on craint qu'elles ne comparaissent pas. En pratique, cela n'a rien à voir avec une procédure accélérée. Il n'y a que des étrangers en séjour illégal, parce qu'ils n'ont pas d'adresse, et des toxicomanes parce qu'ils commettent des petits faits liés à la drogue. Dans ce que les sénateurs ont vu, il n'y avait aucune affaire dite urgente. Le principe d'une justice accélérée était difficile à voir et il n'y avait aucune nécessité d'aller vite dans ces affaires, puisque la plupart des étrangers en séjour illégal étaient depuis de nombreuses années en France. En tant que juge d'instruction, M. Vandermeersch dispose-t-il de mécanismes pour laisser en liberté et éventuellement retrouver le prévenu ?

M. Vandermeersch répond que la détention préventive est toujours prioritaire. C'est un des talons d'Achille du système actuel. On en arrive parfois à dire : mettez en détention préventive, sinon il sera jugé trop tard, alors que l'on a envie de dire le contraire : jugeons rapidement, avec ou sans détention préventive. La détention préventive ne doit surtout pas être le critère pour pouvoir juger rapidement ou non. Si tel était le cas, on créerait une discrimination tout à fait contraire à l'esprit de la détention préventive.

La question de la représentation est difficile. Le problème se pose pour toute une population, notamment les SDF. Dans le cadre actuel de la détention préventive, les mesures alternatives permettent ce suivi et ces échéances. C'est une bonne façon d'essayer de rétablir le lien. L'on dispose d'une procédure de jugement par défaut, que ne connaît pas le droit anglo-saxon. Cette procédure est assez cohérente, car quelqu'un qui est jugé par défaut n'a pas l'occasion de faire valoir son point de vue. Il a la possibilité de faire opposition. Les jugements imposent souvent une peine ferme. La règle du jeu est donc la suivante : si le prévenu ne se représente pas, il court le risque d'un jugement par défaut, où son point de vue sera moins pris en compte. Mais il aura l'occasion éventuellement de le faire valoir, et à ce moment-là, on le gardera. Ici, on a envie de dire qu'on va préjuger que la personne ne va pas se représenter. Si elle ne se représente pas, elle court le risque de se retrouver en prison sur la base d'un jugement par défaut. À ce moment-là, on s'assurera de sa représentation; elle comparaîtra assez rapidement, et l'orateur se dit tout à fait partisan d'une justice accélérée dans le cadre du défaut. Il est prévu que l'on statue très rapidement sur la recevabilité de l'opposition et éventuellement sur les questions de détention préventive. C'est cohérent, puisqu'il y a un acte imputable à la personne qui n'a pas joué le jeu. En ce qui concerne la population, la question des étrangers en séjour illégal se pose en permanence dans notre pays. Ils seront tôt ou tard contrôlés ou repris. Il peut y avoir un problème de récidive mais c'est toujours une appréciation. Quand on délivre ou non un mandat d'arrêt, on prend toujours un risque. Quand on remet en liberté, il y a toujours un risque de récidive. Certains disent aussi : qui a bu boira. C'est toujours le même débat qui revient. Pour l'orateur, l'important est que la décision vienne plus rapidement et que l'on cesse d'attendre des mois ou des années. Dans les dossiers, des réquisitions complémentaires sont prises au fur et à mesure. Ainsi, aujourd'hui, passait en chambre du conseil, pour le règlement de la procédure, un dossier de 1994. L'affaire était revenue trois ou quatre fois entre-temps. C'est là qu'est le problème.

La quatrième fois, les personnes ont été placées sous mandat d'arrêt. Les trois fois précédentes, il est certain qu'elles se sont dit : pas de nouvelles, bonnes nouvelles. Lorsqu'on commet un excès de vitesse, après un an et un jour, on se dit la même chose. Quand on est pris, on considère qu'on a eu de la malchance.

Alors, on ressent évidemment un sentiment d'injustice. Or, le problème n'est pas là. Le problème, est que la justice soit rendue. La justice ne doit pas être excessive, elle doit être juste. Les victimes ne demandent pas une justice excessive, omniprésente, qui surveille tout le monde. Elles souhaitent simplement que la justice donne des réponses cohérentes. Or, l'orateur a l'impression que l'on ne donne pas de réponses cohérentes, et il pense que ce projet de loi ne permettra pas d'améliorer grandement la situation, au contraire. Il ne faut pas oublier qu'il s'agira d'un investissement très important, qui se fera aux dépens d'autre chose, en tout cas dans la situation actuelle.

Répondant à une précédente intervenante, M. Hallet déclare que le texte prévoit en effet des mesures alternatives, en application des articles 35 et 36. En pratique, cela paraît assez curieux, car on ne voit pas un juge d'instruction proposer des mesures alternatives à la détention préventive, alors que la personne va comparaître trois ou quatre jours plus tard. Une mesure alternative à la détention préventive se contrôle, se vérifie et doit se mettre en pratique. Cela ne paraît pas du tout possible dans ce délai-là.

Par contre ­ et l'orateur tient à rectifier ce qui a été imaginé par de nombreuses personnes, juristes compris ­ il ne faut pas oublier que l'article 2, § 2, de la loi sur le sursis et la suspension du prononcé permet, même s'il y a eu détention préventive, l'application d'un sursis total et, par conséquent, le travail d'intérêt général. Il suffit que le tribunal décide qu'il y ait un sursis global et de ne pas couvrir la détention préventive. Il est donc toujours possible d'envisager un travail d'intérêt général même s'il y a eu détention préventive.

Répondant à la question d'une autre intervenante, M. Hallet déclare qu'il y a effectivement un risque, et qu'on ne pourra jamais être sûr à 100 % que la personne va comparaître. Mais sa pratique quotidienne des mesures alternatives lui permet de dire que dans le ressort de la cour d'appel du Hainaut en tout cas, on a maintenant suffisamment de personnes dans les maisons de justice qui sont disposées à effectuer un contrôle très sérieux des mesures alternatives à la détention préventive. Ces personnes se rendent chez les toxicomanes, dans les institutions, et font en sorte que la personne respecte la mesure alternative à la détention préventive. On a constaté pratiquement qu'un pourcentage très élevé de personnes en mesures alternatives à la détention préventive comparaissent devant le tribunal. Car, effectivement, il y a un suivi, et c'est essentiel pour la personne qui est arrêtée dans les 24 heures de savoir qu'il y aura un suivi. D'ailleurs, le juge d'instruction lui communique le nom de l'assistant de justice ­ il a préalablement téléphoné à la maison de justice pour savoir qui assurera le suivi ­ qui va la convoquer, lui envoyer un courrier si elle ne se présente pas, et pourra très facilement lui trouver une résidence si elle n'a pas de domicile. Cela s'applique quotidiennement dans le cadre de la mesure alternative à la détention préventive.

Dans le cadre de ce projet-ci, cela paraît tout à fait impossible dans la mesure où il faut comparaître dans les quatre jours devant le tribunal du fond. L'orateur pense qu'une mesure alternative ne peut s'appliquer dans ce cas.

AUDITION

Mardi 14 mars 2000 (après-midi)

Audition de M. Vander Straeten, premier substitut du procureur du Roi de Bruxelles

1. Exposé de l'orateur

L'orateur déclare que son exposé reprendra les grandes lignes qu'il a développées lors d'un colloque récemment organisé à l'ULB. Il est non seulement juriste, mais également criminologue, ce qui donne peut-être un relief particulier à ses activités professionnelles, qui sont cependant momentanément mises entre parenthèses, puisqu'il exerce actuellement la fonction de chef du service d'enquête du comité R, c'est-à-dire le comité permanent de contrôle des services de renseignement.

Pour décrire le projet en discussion, il a utilisé l'image forte selon laquelle il s'agissait de la livraison d'un canon à la hausse mal réglée, sans artilleur et sans obus. Il est évident que dans la mesure où un diagnostic est mal posé, le remède sera inadéquat voire dangereux. L'orateur croit que l'on se trouve, hélas, dans cette dynamique aujourd'hui, et c'est ce qu'il estime devoir stigmatiser.

Tout d'abord, l'avant-projet résulte incontestablement, selon lui, d'une méconnaissance absolue du travail au quotidien des magistrats et du fonctionnement de l'appareil judiciaire, et répond plus à des préoccupations électoralistes qu'à un réel souci d'efficacité. Les décideurs politiques se sont-ils enquis de l'efficacité de la procédure accélérée telle qu'elle fut votée en 1994 ? Dans la mesure où l'idée de ce projet existait en germe dans les programmes électoraux de certains partis et dans la déclaration gouvernementale, l'orateur pense qu'il s'agit d'une position de principe, sans examen préalable sérieux et scientifique.

Une aspirine permet parfois de faire tomber la fièvre, mais elle n'en effacera certainement pas la cause. Il faut donc se poser les bonnes questions au bon moment. La question qui se pose d'emblée est de savoir si les solutions relèvent des seules instances judiciaires ou si elles existent ailleurs. La justice ne peut effacer l'ensemble des maux de la société, dont le plus lourd à porter à l'heure actuelle est l'incivisme généralisé.

Une justice expéditive n'est pas digne d'un État de droit. Une enquête trop rapidement bouclée ne serait sans doute que bâclée. La méfiance vis-à-vis des apparences, des évidences mensongères est une règle de vie chez les magistrats. Le magistrat professionnel est d'abord et avant tout un sceptique. La justice doit prendre son temps tout en restant dynamique. Il y a là sans doute matière à réflexion et à correction.

Une approche sereine et objective du problème de l'arriéré judiciaire aurait sans doute permis de dégager des solutions plus rationnelles et plus efficaces. Car ses causes sont en réalité multiples et se renforcent mutuellement. L'extension constante des compétences du pouvoir judiciaire, la complexité croissante des litiges, que ce soit au niveau pénal ou civil, les textes législatifs de plus en plus souvent mal rédigés qui posent des questions d'interprétation et de principe, la surconsommation judiciaire, les manoeuvres dilatoires de certains plaideurs, l'augmentation en quantité et en qualité de la délinquance sont autant de causes qui, en liaison avec la pénurie endémique de magistrats tant du siège que du parquet, ont conduit l'appareil judiciaire dans une impasse.

Dans ces conditions se pose la question de savoir s'il faut ouvrir un nouveau front dans la guerre que l'on mène contre la délinquance, alors que l'on n'a même pas les moyens nécessaires pour la mener sur un seul front. Pour tenter de répondre à cette question, l'orateur pense qu'il n'y a qu'une méthode : en revenir à l'image forte de départ.

Le premier aspect, non négligeable, est la « hausse mal réglée du canon », en fait le problème du public visé. Il faudrait faire mouche sur les responsables d'une forme de délinquance urbaine, certes à l'origine d'un sentiment subjectif d'insécurité, tandis que les formes plus élaborées de criminalité ne seront pas combattues avec l'efficacité requise. Les impératifs de finalité et de proportionnalité de la répression découlent du principe d'égalité devant la loi pénale. Or, le projet en question est, selon l'orateur, une caricature et rompt par conséquent ce principe d'égalité devant la loi. Dès lors, ceux qui ont les moyens intellectuels et matériels de se complaire dans une délinquance élaborée (délinquance en col blanc hautement préjudiciable à l'équilibre économique et social du pays) seront à l'abri aussi longtemps que l'appareil judiciaire se focalise sur la délinquance de type urbain. Il ne faut pas aggraver cette dichotomie déjà trop présente et préoccupante. Un glissement supplémentaire des moyens vers le « fast-food » judiciaire, qui semble très à la mode, se fera sentir au détriment des priorités réelles et d'enjeux démocratiques bien plus importants.

L'exécutif se focalise sur la « facilité », c'est-à-dire sur la lisibilité ou la visibilité immédiate de son action et l'illusion de pouvoir satisfaire à court terme le consommateur de justice qu'est la victime. Cependant, lorsque celle-ci réalisera que son indemnisation se heurtera soit au caractère expéditif de la procédure, soit à l'insolvabilité de l'auteur, il ne fait aucun doute que les prémisses d'une victimisation secondaire seront présentes. En effet, trop de précipitation dans les poursuites ne permettra pas à la victime de l'infraction de faire valoir ses prétentions devant le tribunal. Ses droits seront réservés pour être débattus lors d'une audience ultérieure. Il en résultera un encombrement des rôles et... un nouvel arriéré judiciaire. Dans le cadre de la procédure accélérée actuelle, la victime dispose du temps nécessaire pour s'organiser et le piège d'un double débat est ainsi évité.

Mais au-delà, ce projet témoigne également, selon l'orateur, de l'absence de réflexion, de perspectives. Qu'en est-il des délais de fixation des affaires purement civiles, sources de tensions et de mécontentement parmi les citoyens ? L'importance de ces matières civiles, génératrices d'insécurité également, mérite que les pouvoirs exécutif et législatif prennent le temps d'une réflexion approfondie, en concertation avec le pouvoir judiciaire.

Ainsi donc, la hausse du canon est mal réglée.

En ce qui concerne l'absence d'artilleur, l'orateur rappelle que, lors de la conception de la loi de 1994 relative à la procédure accélérée, les travaux préparatoires insistaient sur la nécessité impérieuse d'engager des magistrats tant du siège que du parquet ainsi que des greffiers pour en rendre l'application possible. Or, en l'an 2000, on attend toujours la concrétisation de cette promesse. Le procureur du Roi de Bruxelles, M. Dejemeppe, a toujours soutenu que cette procédure accélérée pouvait se comparer ­ et l'actualité le sert particulièrement ­ à un match de coupe du monde avec une équipe de réserve.

Plus grave encore fut la fermeture de l'une des deux chambres correctionnelles chargées de l'examen des affaires fixées selon les règles de la procédure accélérée. Le magistrat « survivant » était, à l'instar de ses collègues, confronté à un encombrement endémique des rôles, c'est-à-dire à un arriéré important. La procédure accélérée, première mouture, a été vidée de sa substance par la seule faute du pouvoir exécutif qui est resté résolument passif dans son obligation première de nommer des magistrats pour compléter les cadres. On sait que les problèmes communautaires empoisonnent le fonctionnement de l'appareil judiciaire.

Dans ce contexte bien précis, l'avant-projet de loi n'est qu'un leurre au motif qu'il n'y a pas de magistrat disponible pour l'appliquer. L'orateur déclare que cet obstacle est absolument incontournable et que, quelle que soit la forme de démagogie utilisée, rien n'y fera.

La réouverture de la deuxième chambre correctionnelle est un début de solution. Il y a un mois ou deux qu'elle fonctionne à nouveau et il est évident que l'adjonction d'une troisième chambre aurait suffi à régler le problème. Il y a lieu de rappeler que l'on peut fixer une affaire en procédure accélérée (ancienne mouture 1994, article 216quater du Code pénal), dans les dix jours de la comparution devant le procureur du Roi. Entre dix jours et sept jours, il n'y aura pas une différence de délai de nature à provoquer des bouleversements extraordinaires. Par contre, il est évident que le système tel qu'il fonctionne actuellement permet de préserver la sérénité des débats judiciaires et le respect des droits de la défense. On pouvait dès lors faire l'économie d'une réforme aussi inutile que coûteuse. Ceci est également possible sans extension du cadre qui, s'il était simplement complet, n'obligerait pas les chefs de corps à des contorsions insupportables pour le justiciable.

Pourquoi des solutions frappées au coin du bon sens, sans frais supplémentaires pour le contribuable, sont-elles systématiquement rejetées ? Pourquoi s'obstiner à mettre la charrue avant les boeufs ?

Par ailleurs, les magistrats ne sont pas si naïfs. À chaque extension de compétence, il est fait état de l'extension des cadres. Le dernier exemple en date est celui des juges fiscaux. Pour le parquet de Bruxelles, l'effet de la nomination de ces juges fut le départ d'un magistrat du parquet de très grande qualité vers la juridiction de Charleroi. Le parquet de Bruxelles a donc perdu le magistrat chargé de l'affaire KB-Lux tandis que le tribunal de Charleroi gagnait un juge fiscal. On a donc déplacé un problème plutôt que de le régler. On règle donc toujours les questions en affaiblissant un secteur du pouvoir judiciaire au bénéfice d'un autre. Compétences toujours plus élargies et pénurie endémique de magistrats, telles sont les constantes auxquelles se heurte perpétuellement le pouvoir judiciaire.

Comment le ministre de la Justice sera-t-il en mesure de respecter sa promesse si l'on sait qu'à défaut de candidats, le cadre actuel n'est déjà pas complet ? Ceci ne fait pas seulement allusion au problème bruxellois.

Qu'en est-il enfin du défaut de munitions ou d'obus ? L'orateur estime qu'il y a deux manières de dissuader le délinquant potentiel de passer à l'acte : en amont, la présence policière sur le terrain et en aval, le caractère dissuasif de la peine ou de la sanction alternative, à condition qu'elle soit acceptée, à l'issue d'un débat au cours duquel le justiciable a le sentiment d'avoir été respecté et écouté.

En ce qui concerne la présence policière, et sans vouloir verser dans la controverse stérile avec les services de police, l'orateur estime que son expérience de magistrat initiateur de la procédure « accélérée » lui permet également de soulever une objection fondamentale, que le ministre de la Justice ne semble pas avoir rencontrée.

L'équipe de magistrats bruxellois spécialisés dans la lutte contre la délinquance urbaine ­ parmi lesquels figure M. Van der Noot ­ a multiplié les contacts avec les services de police et de gendarmerie de manière à augmenter le nombre des affaires susceptibles d'être traitées de manière « accélérée ». Elle n'a jamais réussi à dépasser le plafond de 1 000 cas annuels, uniquement parce qu'il y a des problèmes d'enquête : un témoin ne se présente pas, une confrontation est impossible, un laboratoire ne rentre pas son rapport. Il y a toujours un obstacle pour empêcher qu'une procédure soit finalisée et puisse être présentée en temps utile devant le tribunal. L'équipe de magistrats bruxellois spécialisés avait même obtenu de la part des services de police que, lorsqu'ils recevaient une plainte et qu'ils pensaient pouvoir la clore dans les délais impartis dans le cadre de la procédure accélérée première mouture, ils fassent parvenir un fax demandant si les magistrats étaient d'accord de la traiter en procédure accélérée. Ceux-ci décidaient, selon les circonstances, sans avoir égard à l'encombrement des rôles, en tenant compte uniquement de l'impératif « procédure ». Les magistrats ne pouvaient que rarement marquer leur accord, car il y avait tellement de devoirs à effectuer que finalement, ils se rendaient compte qu'il était impossible de clôturer l'affaire dans les délais requis. Selon l'orateur, cela prouve bien que, tant qu'il n'y a pas une symbiose extrêmement forte entre l'appareil judiciaire, le parquet et les différents services de police, il est inutile de passer à l'acte, parce que cela n'apportera rien de plus.

Les magistrats précités étaient demandeurs de travail, et allaient même chercher des dossiers en section, pour voir s'ils ne pouvaient pas essayer d'accélérer la procédure, mais sans résultat.

Cette équipe établissait un rapport annuel adressé à tous ces services, aux districts de gendarmerie, au ministre de la Justice et au procureur général de la cour d'appel de Bruxelles, afin qu'ils puissent mesurer l'impact de la procédure accélérée. C'était un rapport très détaillé. Pour chaque affaire, le délai entre la rédaction du procès-verbal initial et la décision, que ce soit en première instance ou en degré d'appel, était mentionné. Généralement, il s'agissait de plusieurs mois, parce que les gens vont fréquemment en appel et que, par conséquent, cela prend du temps. Il est donc clair, selon l'orateur, que le projet de loi répond de manière tout à fait inadéquate et lacunaire à des bruits alarmistes lancés par certains mandataires communaux peut-être avides de publicité mais moins d'efficacité. Ce travail en amont doit être approfondi pour améliorer l'efficacité des enquêtes policières qui doivent, plus que jamais, être effectuées en temps réel.

En aval, l'arsenal législatif permet de sanctionner adéquatement un comportement délictueux en tenant compte de l'équilibre nécessaire entre l'impératif des poursuites et leur finalité. Les possibilités de poursuites pénales sont modulables à l'infini. Le parquet a déjà la possibilité de classer sans suite, soit parce que c'est inopportun, soit en convoquant la personne pour une réprimande, soit en proposant une transaction. Il existe différentes possibilités d'intervention. S'il faut aller jusqu'à l'audience, il y a les possibilités offertes par la loi sur le sursis et la probation, loi modifiée notamment lors de l'apparition de la médiation pénale, avec, également, l'apparition de la procédure accélérée en 1994. Il existe des tas de possibilités de moduler l'intervention judiciaire, mais on ne peut pas la moduler en aveugles. Il est nécessaire d'avoir recours soit à des enquêtes de personnalité, soit, dans le cadre d'un sursis ou d'une probation, à des investigations à caractère social.

Les nouveaux délais impartis par la nouvelle procédure TGV ne permettront pas d'investigations à caractère social. Il y a une question d'honnêteté intellectuelle à l'égard du délinquant. S'il est demandeur d'une aide judiciaire, et si le souci réel de la société est de l'aider à éviter de retomber, il faut lui donner les moyens de s'en sortir. L'enquête sociale doit donc en être réellement une et l'investigateur social doit disposer du temps requis pour la faire. À partir du moment où le tribunal du fond prononce une peine, un sursis probatoire ou une prestation d'intérêt général, les moyens pour que le délinquant tire profit de cette mesure probatoire doivent être réellement mis en place. Sinon, la récidive sera inévitable et l'on peut se demander si la faute n'en incombera pas à la société plutôt qu'au délinquant lui-même. L'orateur croit donc qu'il s'agit là d'une question d'éthique professionnelle.

Un autre problème est que le délibéré du juge du fond sera réduit parce que des lois qui signifaient un progrès social important sont vidées de leur substance. Est-il sain pour un État démocratique de voir les régimes d'exception se multiplier ? Dans le cadre de la loi en projet, la justice fonctionnera le week-end, dans des chambres spécialisées, pour un certain type de délinquants. Dès lors, quelle attitude adopter si le justiciable exige, par exemple, de comparaître devant une chambre composée de trois juges ? Il s'agit d'un droit absolu. Si une personne comparaît le samedi, alors que la loi prévoit un délai bien déterminé, elle peut bloquer la procédure en exigeant une comparution devant une chambre à trois juges. Dans ce cas, le système est réduit à néant.

Le ministre de la Justice avait demandé la loyauté des magistrats, mais l'orateur pense que tous les acteurs judiciaires doivent être loyaux. Quelle attitude adopter lorsqu'un avocat est indisponible parce qu'il est retenu devant la cour d'appel ou dans un autre arrondissement judiciaire ? On devra s'incliner et accorder une remise de l'affaire. Le système proposé démontre donc un manque total de réalisme. L'orateur rappelle qu'il a suivi l'audience correctionnelle pendant huit ou neuf ans. Lorsqu'il voyait sur le dossier deux noms de prévenus et deux noms de conseils, il savait que ce dossier ne passerait pas lors de la première audience, parce que les deux conseils ne seraient pas à la barre en même temps. On connaîtra le même type de problème avec ce projet impraticable, quelle que soit sa forme.

En conclusion, le projet actuel n'est qu'un outil inadapté. L'élaboration d'une politique criminelle inspirée par une vision à long terme semble plus appropriée. Il ne suffit pas de définir un but, il faut aussi définir avec précision les moyens dont on dispose pour l'atteindre et les moyens complémentaires à mettre en oeuvre. Dans cette perspective, les différents cas de figure que présente la délinquance urbaine devraient peut-être faire l'objet d'une analyse théorique systématique, pour que leur soient attribués des moyens matériels et humains indispensables.

L'arsenal législatif existant suffisait parfaitement, et si l'on avait pris le problème par le début, on aurait peut-être vu qu'en complétant les cadres, on aurait permis aux magistrats de faire face à leurs obligations. Dans un but de cohérence évident, cette politique, qui doit laisser tout pouvoir d'appréciation au magistrat, devrait être évaluée périodiquement. Tel était l'objet des rapports annuels détaillés de la cellule « de lutte contre la délinquance urbaine » du parquet de Bruxelles, dont l'existence semble ignorée de l'exécutif.

Cette politique criminelle exige notamment une étroite collaboration avec les services de police. En amont, la police est la seule force susceptible de traduire la politique criminelle sur le terrain. Puis, au-delà des faits, la justice sanctionne un individu. La personnalisation de la peine, c'est-à-dire la sanction nuancée, laquelle n'exclut nullement la fermeté, est fonction de divers paramètres que la procédure très accélérée telle que conçue à l'heure actuelle ne permettra pas de mettre en évidence.

L'avant-projet en gestation exige-t-il des magistrats qu'ils rendent une justice aveugle ? L'orateur n'en est pas certain. Les demandes de remises pour accomplissement de devoirs complémentaires seront légion. On imagine mal les magistrats, du siège ou du parquet, complices de ce recul démocratique.

Le ministre de la Justice objectera que tel n'est pas son but puisque les autres procédures restent d'application. L'orateur en prend acte et affirme dès lors que les magistrats n'auront jamais recours à cette nouvelle procédure. Si un individu doit faire l'objet d'une mesure privative de liberté, la loi sur la détention préventive y pourvoit largement, tandis que la procédure accélérée telle qu'elle fonctionne à l'heure actuelle permet de convoquer certains fauteurs de troubles dans l'urgence.

L'orateur déclare que ce projet n'est que poudre aux yeux, et ne résoudra pas l'arriéré judiciaire. Une fois de plus, la solution de tous les maux repose sur le pouvoir judiciaire, alors que tel n'est pas son rôle.

Ce projet est présenté dans le cadre de la nécessité d'une réaction judiciaire efficace aux éventuels troubles lors de l'Euro 2000. À Molenbeek Saint-Jean, les émeutes ont été filmées. Les vidéos ont été présentées au tribunal à l'issue d'une instruction judiciaire et non d'une procédure accélérée. Donc, il y a eu des auditions et des confrontations préalables; les débats judiciaires ont duré deux mois.

À l'évidence, si le ministre de la Justice pense résoudre les problèmes de hooliganisme de l'Euro 2000 par la procédure TGV, l'orateur garantit qu'il s'agit d'une erreur monumentale. Pour lui, ce projet n'est qu'une farce de très mauvais goût, qui a tendance à légitimer les thèses absolument insupportables de l'extrême droite.

2. Questions des membres et réponses de l'orateur

Un membre relève que, selon M. Vander Straeten, la procédure de 1994 a manqué ses objectifs surtout par manque de moyens et de cadres et en raison de problèmes de remises. N'existe-il pas d'autres raisons ? Des problèmes techniques comme la connexité ne font-ils pas en sorte qu'il est illusoire de croire qu'on peut traiter une affaire grave en justice accélérée ? Les affaires simples, pour lesquelles on envisage une justice accélérée, sont-elles légion et de quel type sont-elles ?

M. Vander Straeten a déclaré que des problèmes se posaient dans les enquêtes de la police. Estime-t-il que celles-ci sont trop lentes ? Quels en sont les défauts ? Toutes les affaires sont-elles complexes et demandent-elles des enquêtes complémentaires et du temps aux services de police ? Ou les services de police sont-ils mal organisés ?

M. Vander Straeten répond qu'en ce qui concerne la complexité des affaires et la connexité, lors de l'instauration de la procédure accélérée en 1994, l'article 65 du Code pénal a également été modifié, ce qui fait que, dans le temps, suite à une extension jurisprudentielle du délit collectif par unité d'intention, le juge consacrait l'irrecevabilité des poursuites afin de permettre à la procédure accélérée de 1994 de fonctionner sans devoir « vider tous les tiroirs ». On a modifié l'article 65 dans son fonctionnement en ce sens que le juge doit rendre un verdict de culpabilité ou d'innocence; il doit statuer sur l'action publique, ce qui permet à la partie civile de se constituer partie civile et de s'entendre soit reconnue dans ses droits soit déboutée en cas d'acquittement.

Dans un deuxième temps, le juge appréciait s'il convenait d'octroyer un complément de peine ou si la première peine avait été suffisante. Cela semble être la meilleure solution. Il faut donc peut-être se débarrasser des vieux réflexes qui consistaient à attendre le dernier moment pour fixer une affaire afin d'être sûr d'avoir « vidé tous les tiroirs ». L'orateur déclare que, selon lui, l'appareil judiciaire a tendance à distribuer des cartes de fidélité avec des réductions : plus on commet des actes de délinquance, plus on a des chances de s'en tirer. À un moment donné, il faut pouvoir ne pas tenir compte de tel dossier parce qu'il faut dégager une solution. Il faut trancher dans le vif. Il faut trier d'urgence, un peu comme un Samu en cas de catastrophe. Donc, l'outil concernant la complexité des dossiers existe.

Quant au problème des enquêtes, il se situe peut-être, selon l'orateur, à un double niveau. Il constate une chose, et fait passer ce message en permanence puisqu'il donne cours de droit pénal à l'école régionale intercommunale de police : le policier doit être un auditeur critique; il est là pour acter la déclaration du délinquant. Mais trop souvent en procédure accélérée, il faut faire procéder à des auditions ou à des vérifications complémentaires parce que le policier s'est contenté d'acter ce que le délinquant lui disait sans provoquer une question ou sans opérer lui-même la vérification. Évidemment, cela permet de gagner du temps. Cela ne signifie pas que la faute en incombe aux services de police. On se trouve dans un délai de 24 heures, et tout doit être décidé dans ce délai. L'orateur pense qu'il y aurait peut-être moins de détentions préventives et moins de problèmes à régler dans l'urgence si, comme dans le système français, on pouvait imaginer, de temps en temps et pour des raisons précises et motivées, une prolongation du délai. C'est un autre débat, mais l'orateur croit qu'actuellement, en cas de pléthore de personnes mises à disposition, on doit également trier cette urgence et parfois laisser filer le menu fretin pour garder les gros poissons.

Lorsqu'on prend connaissance d'un dossier, on se rend compte, parfois en dernière minutre, de la nécessité d'une instruction et de requérir mandat d'arrêt. Le juge d'instruction n'ayant pas le temps requis pour entendre et inculper la personne, ni pour motiver et rédiger un mandat d'arrêt, remet cette personne en liberté. Des aménagements devraient être trouvés, mais pas dans le but de sauver un projet que l'orateur condamne, quelle que soit la forme qu'il prendra à l'avenir. Pour lui, il est sans valeur et absolument inutile.

Un membre fait observer que M. Vander Straeten n'a cessé de parler d'un avant-projet alors que le texte en question est un projet gouvernemental et qu'il a déjà été adopté par la Chambre.

L'intervenant doit avoir l'impression que M. Vander Straeten pense que la majorité souhaite voir voter cette loi pour des raisons purement électorales. Il attire l'attention sur le fait que, si de larges couches de l'opinion publique demandent que la justice réagisse promptement contre les délits commis en rue à l'égard de civils ­ ce en quoi son groupe ne le soutient pas ­ c'est notamment parce que la justice est trop lente. Il arrive souvent que les services de police interviennent ­ par exmple dans des affaires de trafic d'hormones, dans les affaires de hooliganisme, dans des cas de violence commise en rue ­ et qu'ils viennent se plaindre ensuite chez nous que la justice ne suit pas. Il y a probablement diverses raisons à cela, mais il s'agit évidemment d'un autre débat. En tout cas, la lenteur de la justice est un des éléments qui explique pourquoi l'opinion publique réclame, de la justice, qu'elle réagisse plus rapidement et, du législateur, qu'il prenne une initiative pour lui permettre de le faire.

Selon M. Vander Straeten, une fois votée, la loi en projet imposerait d'autres priorités que celles que la justice a définies elle-même. Comme la question de la jutice de classes a déjà été abordée par d'autres que lui, l'intervenant demande que l'on s'attaque maintenant en priorité à la délinquance fiscale et financière. Il est d'accord avec l'affirmation selon laquelle ce constat doit avoir la priorité, mais il n'en trouve pas moins un peu gênant que ce soit une personne qui fait partie de l'arrondisement judiciaire de Bruxelles qui vienne le dire. Il n'est pas honnête de la part d'une telle personne de venir reprocher aux politiques de détourner les priorités de la criminalité fiscale et financière. Le parquet général et le parquet de Bruxelles ont même mis plusieurs enquêteurs fiscaux et financiers en disponibilité au cours des deux années écoulées, et ce sans aucune raison d'ordre pénal. L'on peut quand même attendre un minimum d'honnêteté de la part des intervenants.

L'intervenant dit partager son point de vue en ce qui concerne l'extension du cadre du personnel. La première loi prévoyant une procédure rapide fut votée en 1994, à l'époque où M. Wathelet était encore ministre. L'on avait déjà réclamé une extension du cadre du personnel à ce moment-là, mais jamais rien n'a été fait. C'est dès lors à juste titre que l'on reproche aux politiques de n'avoir pas veillé depuis à mettre suffisamment de moyens et de gens à la disposition de la justice. L'intervenant estime, comme M. Vander Straeten, que les efforts restent insuffisants. D'un autre côté, le ministre de la Justice est parfaitement disposé à prévoir plus de moyens pour que l'on puisse faire face aux difficultés qui surgiront, selon toute attente, à l'occasion de l'Euro 2000.

L'intervenant pose finalement la question qui lui tient à coeur. Dans les pays voisins, le législateur a déjà pris des initiatives pour que la justice puisse réagir de manière appropriée face aux hooligans. Le projet à l'examen vise également à créer une base légale pour que la justice puisse réagir contre les hooligans qui voudraient transformer la fête du ballon rond que devrait être l'Euro 2000 en un désastre. L'on veut prévoir les moyens nécessaires à cet effet. Comme M. Vander Straeten ne croit manifestement pas que l'on puisse y arriver, l'intervenant lui pose la question concrète de savoir si la justice dispose déjà d'une base légale qui lui permette d'intervenir en cas de désordre à l'occasion de l'Euro 2000. Autrement dit, peut-il déjà garantir actuellement que la justice ne se dissimulera pas dans un tel cas derrière l'argument selon lequel elle ne dispose pas des moyens légaux nécessaires pour pouvoir réagir promptement et pour pouvoir enfermer et juger promptement les hooligans en cas de désordre lors d'un match de manière qu'ils ne provoquent pas de nouvelles difficultés à l'occasion du match suivant ?

M. Vander Straeten répond qu'en ce qui concerne le retard de la réaction judiciaire, il devrait peut-être parler sous le contrôle du procureur du Roi de Bruxelles, mais qu'il manque entre 20 et 25 magistrats au parquet de Bruxelles. Quand on sait qu'un cabinet de section de base, qui reçoit grosso modo un mètre de papiers par jour à lire de manière intelligente, se situe à 12 ou 14 0000 dossiers annuels, on peut constater que 20 ou 25 fois 10 000 dossiers représentent un travail beaucoup plus important, et que des magistrats supplémentaires permettraient de réduire le retard de l'action judiciaire.

Quand le magistrat décide d'entendre un témoin et que celui-ci ne se présente pas à la convocation de police, que faire, si ce n'est le citer éventuellement par voie d'huissier ?

L'orateur rappelle qu'il a soulevé le problème de l'incivisme généralisé. Quand on demande au citoyen de participer à l'oeuvre de justice, la seule réponse que l'on reçoit est « non », ou alors on en arrive à des débordements inacceptables, comme dans l'affaire Riga, qui empêchent un délibéré serein d'un juge. L'opinion publique est, selon l'orateur, une prostituée qu'il faut laisser en dehors des prétoires. Telle est sa première réflexion.

Deuxièmement, il estime que l'appareil judiciaire a été victime de sa politesse. Il a toujours masqué ses maux et, à un moment donné, on s'est trouvé face à la catastrophe.

L'orateur rappelle qu'il a déclaré que la justice devait peut-être fonctionner de manière dynamique et que, de ce point de vue, il y avait matière à balayer devant sa porte. Il ne le conteste absolument pas, mais il estime qu'il faut voir s'il n'y a pas quelque part un découragement parce que la justice a toujours été maintenue dans le fossé.

En ce qui concerne les moyens destinés à faire face à la problématique de l'Euro 2000, l'orateur affirme haut et fort que l'on a les moyens légaux de réagir, mais pas les moyens logistiques. S'il s'agit de débordements graves ­ tel le phénomène de hooliganisme dont un gendarme français a été victime ­ ce n'est pas la procédure accélérée, nouvelle mouture, qui va réagir là où des réquisitions et des mandats d'arrêt s'imposent. La loi sur la détention préventive telle qu'elle fonctionne à l'heure actuelle fera parfaitement l'affaire.

S'il s'agit de débordements peu graves au niveau des conséquences humaines, mais qui sont les faits d'un ensemble de personnes qui remuent en même temps, et qu'il faut déterminer un certain nombre de responsabilités, la charge de la preuve incombant au parquet est double.

Premièrement, on désigne quelqu'un comme étant l'auteur de tel comportement. Deuxièmement, il faut établir que ce comportement est visé par une disposition du Code pénal : coups, dégradation, etc. Dans le cadre des règles sur la participation, la charge de la preuve est particulièrement lourde. Des enquêtes rigoureuses et détaillées sont donc nécessaires, et on ne les aura pas lorsque dix personnes sont impliquées dans un remue-ménage généralisé à l'égard de l'Euro 2000. L'orateur affirme que cette intention de réaction est totalement inadaptée, et que l'on va au-devant d'un échec.

Un membre déclare, sans mettre en cause la bonne foi de l'orateur et sans manquer de respect à sa fonction, que son intervention, comme celle de ses collègues du parquet de Bruxelles, le mettent très mal à l'aise.

Il pensait que les auditions devaient servir à éclairer les sénateurs sur un certain nombre de lacunes éventuelles des textes et à les mettre en mesure d'y apporter, maintenant ou par retouches à d'autres législations, les améliorations nécessaires. C'est d'ailleurs dans ce sens que s'est présentée l'interpellation de Mme le procureur général Dekkers en début de journée.

Les propos tenus ce matin par M. le procureur du Roi et de M. Van der Noot, plus que des interventions destinées à éclairer les sénateurs, semblent être des réquisitoires à ce point excessifs qu'ils en deviennent presque caricaturaux, parce qu'ils traduisent un refus obstiné de tenir compte de la volonté du législateur, telle qu'elle s'est esquissée à la Chambre, législateur qui est même ici taxé de démagogie.

S'il est vrai, selon un vieil adage qui ne disait pas que l'opinion publique est une prostituée mais bien que, quand le public entre dans le prétoire, la justice en sort, et s'il faut se montrer prudent à l'égard de la médiatisation de certaines procédures judiciaires, on ne peut tout de même pas empêcher la transparence nécessaire sur la manière dont fonctionne la justice.

M. Vander Straeten a déclaré que la justice devait prendre son temps ­ l'intervenant en convient tout à fait ­ tout en étant dynamique. Il a ajouté qu'il y avait là matière à réflexion.

L'intervenant a été frappé, lors de précédentes auditions, d'entendre imputer les difficultés de l'application de la justice accélérée, formule 1994, à la suppression de la 50e chambre correctionnelle. Toutefois, au-delà du problème d'encadrement que l'on connaît et auquel chacun essaie de s'attacher dans la mesure de ses moyens, pourquoi ne peut-on pas, dans certaines conditions, mieux organiser un tribunal ? L'intervenant rejoint à cet égard un précédent intervenant quand il met en cause certaines lenteurs de la justice.

L'intervenant ne voudrait pas être excessif dans son propos. Il connaît de l'intérieur les difficultés de l'administration de la justice, mais il lui paraît néanmoins que cette remarque mérite d'être faite.

M. Vander Straeten a mis en exergue un certain nombre de causes de cette lenteur, notamment la surconsommation judiciaire, les manoeuvres dilatoires de certains plaideurs et l'augmentation de la délinquance, mais quels sont les projets concrets, constructifs, positifs que présente la famille judiciaire pour aider à vaincre ces phénomènes, qui éviteraient au gouvernement et au législateur de devoir prendre, d'autorité, des mesures qui peuvent sembler inadéquates à certains membres de cette famille ?

Plus concrètement, il a été dit qu'une solution pourrait se trouver dans l'exemple français et dans la prolongation du délai de la détention provisoire. Ce qui caractérise la procédure française, c'est qu'elle offre beaucoup moins de garanties pour le justiciable, pour le prévenu, que la procédure telle qu'elle est conçue ici.

M. Vander Straeten serait-il partisan d'introduire dans notre législation une procédure calquée sur les textes mais aussi sur la pratique française (car, entre les deux, il y a des nuances importantes), au lieu d'admettre le contenu du projet en discussion ?

M. Vander Straeten répond qu'en ce qui concerne les propositions de la famille judiciaire, il croit avoir dit en début d'exposé qu'il faudrait absolument arrêter de penser que toutes les solutions se situent au niveau judiciaire, et arrêter les flux d'alimentation du pouvoir judiciaire. Il ne conteste évidemment pas le pouvoir législatif et le pouvoir exécutif mais souligne qu'il a été convoqué pour faire valoir son avis. Il est venu volontiers et, dès lors, entend exprimer son opinion. Indépendamment de son expérience de magistrat, il est aussi un citoyen. Il estime qu'il y a incontestablement un problème de surconsommation judiciaire. Il a, par exemple, reçu une constitution de partie civile du chef de stationnement devant un garage. Cela paraît ridicule et, pourtant, ce dossier ne peut être classé sans suite; il doit passer en chambre du conseil. À cet égard, la loi Franchimont pose problème en rapport, si l'on peut dire, avec la vitesse requise par le projet Euro 2000. En effet, il faudra augmenter le nombre de photocopieuses dans les services de police pour donner des copies libres, notamment des copies d'auditions.

La volonté d'accroître l'efficacité de l'appareil judiciaire est tout à fait louable mais les initiatives législatives ­ que l'orateur ne conteste pas sur le plan des principes ­ aboutiront à anéantir les efforts entrepris par ailleurs. Dans cette optique, le législateur ne parviendra jamais à améliorer l'efficacité judiciaire. Il ne s'agit pas de mettre en cause la loi Franchimont puisqu'en fait, elle existe et s'impose à tous, mais de souligner qu'il faudra tenir compte des réalités. Quand un hôpital de brousse possède tout le matériel nécessaire mais est dépourvu de médecin, il ne faut sans doute pas ouvrir un deuxième hôpital de brousse car les gens ne seront pas mieux soignés. Dans ce cas, il faut d'abord mettre des médecins dans le premier hôpital de brousse et cela ira déjà beaucoup mieux. L'orateur déclare que ces images paraissent peut-être choquantes, mais il renvoie à l'expérience judiciaire assez large qu'il a vécue au tribunal de la jeunesse, où il n'y avait jamais de place dans les établissements d'observation et d'éducation surveillée de l'État. Il fallait remettre les jeunes dans la rue. Évidemment, on disait que la justice ne faisait rien mais, quand il y avait une ordonnance de placement, on savait comment les choses tournaient.

En ce qui concerne la procédure accélérée, l'orateur signale qu'il n'obtient pas des services de police, qui sont eux-mêmes débordés, la qualité des enquêtes requise. Certes, au niveau judiciaire, il y a peut-être un effort à fournir en matière de dynamisme. Toutefois, il existe un certain découragement. La politique du « il n'y a qu'à ... », par exemple mieux « manager » son tribunal, relève des attributions du président. L'orateur estime qu'il n'a pas à intervenir quant à la manière dont le président du tribunal de première instance de Bruxelles gère son tribunal. De toute manière, quand un chef de corps doit fermer une chambre par ordonnance, c'est qu'il est confronté à un réel problème. Il faudrait cesser de nier ce phénomène.

Auparavant, on demandait à un juge d'aller à gauche et à droite, ce qui provoquait une moindre qualité des délibérés. De cette façon, on donnait une meilleure image du management mais au prix d'un encombrement de la cour d'appel dont le retard endémique résulte de conditions de travail inacceptables en termes de délibérés de qualité. Il importe donc d'entreprendre une réflexion globale. Il ne faut pas se contenter de donner de l'aspirine pour faire tomber la fièvre. Il faut réaliser un scanner complet pour déterminer la cause du mal, faute de quoi on continuera à perdre son temps.

L'orateur déclare que, par ailleurs, il n'a jamais réfléchi de manière approfondie à la solution française mais que l'augmentation du délai de garde à vue ­ pas nécessairement deux jours mais douze heures de plus ­ permettrait peut-être de cibler davantage les priorités et de se faire une idée plus sereine des problèmes, à condition qu'il ne soit pas mis à profit pour travailler plus lentement dans les commissariats de police ou dans les districts de gendarmerie. Toutefois, il ne retient certainement pas cette solution en priorité.

Un membre déclare qu'il croit avoir compris que, dans la plupart des cas qui sont soumis, à Bruxelles, à la procédure rapide adoptée en 1994, plusieurs mois passent entre le moment de la rédaction du procès-verbal initial et le moment où est prise la décision finale, simplement parce que bien des condamnés interjettent appel. En France, quelque 95 à 96 % des condamnés n'iraient pas en appel. Comment peut-on expliquer cette différence ? Est-elle liée à la procédure, à la nature des faits, au taux de la peine, au fait qu'en France il faille l'accord du condamné ?

Une deuxième question concerne la prorogation du délai actuel de 24 heures en vue de le porter, manifestement pour des raisons diverses, à 48 heures comme en France. Il faut modifier la Constitution à cet effet. Comment va-t-on s'y prendre concrètement ? Dans quels cas appliquera-t-on le délai prorogé et sous quelles conditions le fera-t-on ? Ne vaudra-t-il que pour ce qui est de l'application de la procédure rapide ? Si oui, ce pourrait être un précédent dangereux car, si les uns en bénéficiaient et les autres pas, on ouvrirait la porte à l'arbitraire. L'intervenant se demande si la solution proposée ce matin par Mme Dekkers, à savoir celle qui prévoit l'organisation d'une sorte de service d'urgence, dans le cadre duquel serait organisé un encadrement de qualité par des médecins, des psychiatres etc. en application d'accords de coopération, ne serait pas préférable ?

M. Vander Straeten répond qu'il ignore totalement pourquoi on va moins en appel en France qu'en Belgique. Il déclare avoir assisté à la procédure des flagrants délits en France et avoir été profondément choqué, parce qu'il s'agit d'un simulacre de justice. Il ne connaissait pas les dossiers soumis à l'audience mais selon lui, les objections de la défense étaient tout à fait valables et les devoirs complémentaires demandés paraissaient justifiés. Il avait assisté au réquisitoire du procureur de la République et ensuite, à la plaidoirie, et avait donc entendu les deux points de vue. Il ne prétend pas n'avoir jamais commis d'erreur lorsqu'il a requis en correctionnelle, mais croit avoir toujours été de bonne foi vis-à-vis du délinquant qui passait en audience. À Paris, le tribunal prend l'affaire en délibéré et prononce systématiquement une condamnation : la demande de la défense n'est pas prise en considération. Au-delà de l'utilité de ces procès « abattage », l'orateur se demande si une sanction infligée dans ces conditions peut être acceptée. Il ne le croit pas, car le délinquant n'a pas l'impression d'avoir été respecté et écouté et il refusera la sanction. Tout le monde a perdu son temps et cela n'exclura pas la récidive. Bien qu'il ne puisse se mettre à la place du délinquant, l'orateur estime que le faible taux d'appels en France peut être interprété de deux manières : ou bien l'appel ne sert à rien, ou bien la peine est acceptée.

En ce qui concerne l'augmentation du délai de vingt-quatre heures, l'orateur dit n'avoir jamais soutenu que cela se ferait uniquement dans le cadre de la procédure accélérée. L'appareil judiciaire fonctionne vingt-quatre heures sur vingt-quatre, 365 jours par an. Les appels de service de nuit sont très fréquents, jusqu'à quarante par nuit, sans compter les descentes dans le cadre d'affaires criminelles. Il faut essayer d'opérer un tri. Dans des affaires relativement importantes, la police consomme parfois largement le délai de vingt-quatre heures, à juste titre d'ailleurs, car les investigations effectuées sont importantes. Cependant, lorsqu'il y a nécessité de réquisition ou de mandat d'arrêt, le juge d'instruction, qui n'a parfois même pas le temps de lire un procès-verbal initial de cinquante pages, peut être amené à libérer la personne incriminée. La police aura alors le sentiment très justifié d'avoir travaillé pour rien. Pour l'augmentation du délai de vingt-quatre heures, l'orateur ne conçoit pas cette formule uniquement pour la procédure accélérée. Le matin, un grand nombre de dossiers arrivent au palais de justice : dossiers qu'on mettra à l'instruction, dossiers qu'on enverra en médiation pénale, dossiers qui feront l'objet d'une procédure accélérée, version 1994, dossiers qu'on classera sans suite, qu'on clôturera par une transaction, qui seront mis de côté car ils nécessitent des investigations complémentaires, etc. Le parquet de Bruxelles est une gare de triage de quelque 250 000 dossiers annuels, ce qui n'est pas négligeable, sans compter les 500 000 dossiers de roulage. Le travail doit être effectué dans des conditions de réflexion optimales. L'orateur rappelle qu'il a changé momentanément de profession il y a deux ans. Quand les gens lui demandent comment il va, il répond que, pour la première fois depuis longtemps, il a le droit de réfléchir quand il mène une enquête. Pour lui, le parquet de Bruxelles est une usine à réflexes.

Un membre déclare que les auditions sont fort intéressantes, parfois assez crues, mais que cela ne le dérange pas, car il a lui-même un langage direct. Personnellement, il n'en voudrait pas, par exemple, à l'orateur qui, dans sa conclusion, n'a pas fait dans la nuance.

Cependant, l'intervenant rappelle que normalement, la vertu du monde politique est de travailler dans un mouvement dialectique : il doit tenir compte de ce que les gens pensent, mais il doit aussi, lui semble-t-il, faire passer un message d'éducation. S'il est d'accord avec l'orateur pour dire que la justice ne doit pas fonctionner sous les hurlements des foules, elle doit tout de même tenir compte de l'opinion publique, elle doit rechercher plus de cohésion sociale et un grand assentiment social.

L'orateur souhaiterait que l'on ait un peu plus de respect pour l'opinion publique, car il estime que, si elle a beaucoup de défauts, la faute en est souvent ailleurs : elle n'est pas une entité isolée. Des auditions comme celles-ci ne sont pas inutiles; peut-être pourront-elles montrer à l'extérieur que le « snelrecht » ne va pas tout régler et que dans certains cas, cela ne va rien régler du tout.

Un élément important ressort des propos de l'orateur sur l'Euro 2000. L'argument selon lequel cette procédure serait un élément fondamental pour tenir les choses en main sonne tout de même largement faux. Comme l'ont dit les différents magistrats entendus, la plupart des problèmes les plus graves qui peuvent surgir se déroulent dans des foules, avec des interventions policières à partir du moment où les choses tournent mal, et des policiers qui, dans ce cadre, sont d'abord des policiers avant d'être des auxiliaires de justice. Lorsque les choses tournent vraiment mal et qu'on doit recourir à la force, l'aspect judiciaire passe généralement au second plan.

Donc, lorsque surviennent des événements très graves, on doit reconstituer les choses après. On entame de longues enquêtes et tout ce qui se passe avant est d'un ordre souvent différent. Il est d'usage, un peu immodéré, mais nécessaire, de pratiquer des arrestations administratives et des choses de ce genre. Cela ne veut pas dire que le « snelrecht » n'a aucune vertu, mais après tout ce qui a été dit, il est assez difficile de prétendre qu'il a une vertu par rapport au hooliganisme. De ce point de vue, les sénateurs ont appris beaucoup de choses dont il faut tenir compte.

Cependant, on est toujours un peu mal à l'aise vis-à-vis du sentiment général de lenteur en matière judiciaire, relayé par quelques cas incontestables. M. Vander Straeten a parlé avec raison d'un amoncellement d'affaires. Que pense-t-il de certains projets qui ne semblent plus à l'ordre du jour actuellement et qui consistent à retirer certaines matières du judiciaire pour les amener vers des procédures plus administratives ? Il s'agirait de toutes petites choses, mais il ne faut pas perdre de vue que le sentiment d'insécurité des citoyens est dû à la fois à des affaires très graves, des attaques contre les personnes qui sont sans doute ce qui frappe le plus les gens, et à tous les petits détails de la vie quotidienne : le bruit, les graffitis, les voitures qui stationnent devant les garages, qui finissent par énerver tellement les gens qu'ils ont l'impression que plus rien ne va dans leur société. L'intervenant aurait tendance à demander au gouvernement de pousser une série de ces projets. Lorsqu'il était ministre de l'Intérieur, M. Vandenbossche avait déjà fait des propositions dans ce sens afin de sortir certains problèmes mineurs de la sphère judiciaire. L'intervenant sait que cela ne va pas suffire à désengorger les tribunaux, d'autant que les magistrats n'ont pas la possibilité de s'occuper de ces dossiers actuellement, en tout cas à Bruxelles. Cela ne changerait donc pas grand-chose pour la masse de travail, mais peut-être s'occuperait-on alors de ces affaires-là, ce qui pourrait améliorer le climat général.

Enfin, il demande à M. Vander Straeten s'il ne lui semble pas qu'un des problèmes les plus difficiles et qui, par définition, n'est pas couvert par ceci, est la délinquance des jeunes, qui commence de plus en plus jeune. Ne se trouve-t-on pas là face à un front encore plus difficle, plus délicat et au moins aussi important ?

M. Vander Straten répond que, pour la déjudiciarisation de certaines affaires, il partage entièrement le point de vue du précédent intervenant. Il déclare que, contrairement aux apparences, il est de plus en plus opposé à la prison. Elle lui paraît nécessaire dans certains cas, mais il pense que mettre un problème entre parenthèses n'aidera jamais à le régler. S'il y a nécessité d'enfermer, il faudrait que ce soit un enfermement intelligent qui permette aux gens de se restructurer un petit peu. Il faut avoir à l'esprit une cohérence dans la réaction sociale, quelle qu'elle soit, face à un comportement déviant ou délinquant. Plus tôt on intervient, plus on a des chances de régler le problème. D'autres pistes, comme la médiation pénale, qui est de type judiciaire mais ne va pas jusqu'à la sanction, tout en relevant un peu du chantage, sont probablement des pistes de solution, encore que, dans l'esprit du public, il y ait sans doute un problème culturel. L'orateur expose que d'après ses quelques expériences, lorsque la victime est sollicitée pour rencontrer le délinquant qui l'a victimisée, il y a une sorte de refus au départ. Après l'entretien, lorsqu'ils ont osé franchir le pas, le délinquant est déjà démystifié dans la terreur qu'il inspire, et il semble que le dialogue soit beaucoup plus constructif. Le fait que le délinquant soit mis en présence de sa victime lui permet peut-être aussi de mesurer l'impact de son geste, parce qu'il y a une sorte de dialogue entre eux. Ce dialogue n'existe absolument pas lors d'une audience correctionnelle, où ce sont les avocats qui parlent, qui se constituent partie civile et qui exercent les droits de la défense. Ce sont là des pistes qui doivent être creusées davantage.

Même, par exemple, dans le système de la prison intelligente, il y a des systèmes de médiation, en ce sens que dans le cadre des mesures de libération conditionnelle, des mesures de médiation sont mises en place, qui permettent à la victime de rencontrer l'auteur des faits et de préparer une éventuelle libération, par un travail interne du délinquant sur son comportement. Comme déjà indiqué, de plus en plus de progrès sont faits dans les solutions de type alternatif. En matière civile, c'est l'arbitrage. Au niveau des entités locales, communales, toutes les ASBL locales, peuvent effectivement apporter, dans le cadre de la prévention, bon nombre de solutions.

La délinquance des jeunes est, selon l'orateur, d'abord un problème d'absence totale de repères. Il a l'impression que l'image que les adultes véhiculent est une image de consommation à outrance, de plaisir. Or, lorsqu'on est jeune, les plaisirs de consommation sont limités voire interdits pour certains, et ce déséquilibre par rapport à d'autres, sera comblé par le passage à l'acte délinquant. L'orateur se dit très étonné de voir, par exemple, le nombre de jeunes qui possèdent un GSM. Ont-ils des conversations absolument nécessaires à tenir avec cet outil ? Il y a bon nombre d'agressions pour vol de GSM ou de baladeur. Donc, il est évident qu'on met en route des systèmes qui génèrent une délinquance parfois grave, parfois moins grave, mais cette espèce de dynamique de plaisir à outrance est, selon l'orateur, une des causes de ce type de délinquance. Il pense que, si l'exemple doit venir d'en haut, face au grand scandale KBLux, même sans tenir compte de la perception tout à fait imparfaite qu'ils ont de la problématique, ces jeunes doivent se dire que si les riches peuvent se permettre cela, pourquoi ne pourraient-ils pas, eux, se permettre cette petite délinquance ? Les repères que le monde adulte leur envoie ne sont peut-être pas nécessairement les bons. Il y a à cet égard un problème d'incivisme. L'orateur a l'impression qu'il n'y a plus de sentiment d'appartenance à une communauté.

Par conséquent, si le jeune ne se sent pas respecté en tant que membre de la communauté, y a-t-il des raisons pour que lui-même respecte celle-ci ? La conclusion de l'orateur est donc en forme d'interrogation.


Audition de M. Dayez, avocat au barreau de Bruxelles

1. Exposé de l'orateur

M. Dayez déclare qu'outre ses attributions au barreau, il a également la charge des travaux pratiques du droit pénal à l'université, ce qui lui permet de garder un pied dans le monde de l'enseignement et d'avoir une double lecture de la réalité du terrain. Le fait qu'un avocat soit du même avis qu'un procureur du Roi devrait donner à penser qu'il existe une certaine unanimité pour dire que ce projet est « bon à jeter ». Même si son intervention risque d'être encore plus musclée que les précédentes, l'orateur veut simplement exposer pourquoi, du point de vue de ceux qui sont dans la pratique quotidienne, ce projet cumule pratiquement tous les défauts possibles. Ces critiques doivent être entendues, quitte à ce que le législateur n'y donne pas suite. L'orateur pense cependant qu'elles sont fondées.

Pour lui, le projet cumule essentiellement 12 défauts, qu'il va citer en vrac, en montrant en quoi ils correspondent chaque fois à un écueil important et différent. Chaque mot correspond à une réalité bien perceptible. C'est, selon lui, en ordre décroissant, une procédure inutile, inadéquate, inadaptée, impraticable, expéditive. C'est une atteinte au principe d'égalité. C'est une procédure dispendieuse. Elle est inefficace, discriminatoire, incohérente et néfaste, pour les motifs suivants.

L'orateur déclare que son point de vue est celui d'un acteur de terrain. Il fréquente le palais de justice tous les jours. Il « hante » les audiences correctionnelles, que ce soit à Bruxelles ou ailleurs, et pense avoir une assez bonne perception de ce qui s'y déroule. Il estime qu'en 17 ans, la dégradation du cours des choses est remarquable. L'on assiste petit à petit à la déliquescence générale de l'appareil judiciaire, que l'on réforme à coups de projets qui sont, à son avis, essentiellement spectaculaires, un peu comme si tous les ans, on s'évertuait à repeindre la façade d'une maison qui se lézarde et qui tombe en ruine.

L'orateur estime que la procédure envisagée est inutile. Il rejoint en cela M. Vander Straeten, dans la mesure où les procédures classiques, même la simple information pénale, la simple instruction pénale, jointe à la possibilité de recourir à la détention préventive, devraient pouvoir fonctionner de façon adéquate. Tel n'est pas le cas, mais l'orateur pense que c'est essentiellement par défaut de moyens. Quand on a créé les procédures d'exception en 1994 ­ personnellement, l'orateur était un adversaire de la procédure accélérée et le demeure ­ il les considérait déjà comme faisant partie d'une sorte de gigantesque « esbrouffe » donnant à penser à l'opinion que l'appareil judiciaire avait encore les moyens de lutter efficacement contre l'augmentation de la délinquance. Depuis quelques années, l'on n'a plus les moyens de ses fins, le public est de plus en plus préoccupé d'efficacité, mais sur un plan purement instrumental, on exige des résultats, alors que la justice fonctionnait depuis toute éternité sur un mode essentiellement symbolique, et que son efficacité était plutôt de ce registre.

À partir du moment où l'on a exigé de l'appareil judiciaire qu'il soit performant, qu'il rende compte de ses résultats, on a été de plus en plus avide de résultats rapides et on a créé successivement la procédure accélérée et maintenant, ce que l'orateur appelle par commodité le « flagrant délit ». Si l'on crée ces procédures de plus en plus rivées sur l'immédiat, c'est parce que l'on fait l'aveu implicite du fait que l'appareil judiciaire, dans sa généralité, tombe en déliquescence. On pointe donc du doigt, mais sans oser le dire, le fait que l'on n'ait plus du tout les moyens de travailler efficacement. On pourrait citer mille exemples d'une désorganisation patente des cours et tribunaux et des audiences, lesquelles, en règle générale, sont consacrées pour un tiers à régler les rôles, c'est-à-dire à décider de ce qu'on remettra à plus tard et ce qu'on retiendra au moment même. Il s'est créé petit à petit ­ à Bruxelles, c'est vraiment patent ­ une forme de justice à plusieurs vitesses qui consiste en ce qu'à l'heure actuelle, on n'est pratiquement plus capable que de juger les gens qui sont déjà détenus.

Tous les dossiers répressifs sont garnis d'un post-it rose ou jaune qui spécifie : détenu = très urgent. Cette garantie donnée aux gens en détention s'est muée en son exact inverse en ce sens que s'il n'y a pas de détenu, ce n'est plus du tout urgent. On a une justice à deux vitesses, en ce sens que la détention préventive classique fonctionne déjà comme gare de triage : on va sélectionner ceux que l'on place sous mandat et ceux que l'on n'y place pas, ceux que l'on maintient en détention en ceux que l'on n'y maintient pas.

Il y aura une certaine catégorie de justiciables qui arrivent sempiternellement entre deux gendarmes et d'autres catégories d'infracteurs qui sont pratiquement garantis de leur impunité. L'orateur a l'impression d'être sur un navire qui coule, et pense que, si l'on insufflait des moyens décents, simplement corrects, permettant de ne pas travailler dans des conditions de fortune, l'on ne serait pas obligé d'inventer des procédures très tape-à-l'oeil qui ont essentiellement pour objectif de rasséréner l'opinion, de la convaincre que l'on se saisit du problème, et qu'il y a moyen de juguler de façon tout à fait drastique le problème de la délinquance urbaine par exemple. Cette procédure est fondamentalement inutile. L'afflux de moyens qu'on lui donnerait est hors de proportion avec le bénéfice qu'on en escompte.

Pour l'orateur, la procédure accélérée de 1994 tenait déjà de l'expédient, et l'on verserait dans le même défaut en votant le projet actuellement en discussion.

Quant à la deuxième critique, à savoir qu'il s'agit d'une procédure inadéquate, l'orateur croit que les objectifs qui se trouvent dans l'exposé des motifs ne sont pas atteints. On dit d'une part qu'il faut, dans le chef des victimes, éviter une double victimisation et d'autre part, dans le chef des coupables, éviter que subsiste l'impression d'impunité. Or, comme déjà indiqué, ceux qui ont une impression d'impunité dans notre système sont les délinquants de haut vol. En Belgique, si l'on veut garantir de n'avoir jamais à subir les foudres de la répression, il faut « délinquer » astucieusement et à très grande échelle. Si l'on commet des délits assortis de quelque violence, des délits bruts et de préférence à la pièce, on a par contre toutes les chances d'être jugé promptement. L'impression d'impunité est très inégalement répartie, mais elle n'est certainement pas dominante dans le chef des jeunes faisant partie de ce que l'on peut appeler la population à risque et qui ont déjà tellement le sentiment d'être la cible privilégiée du travail policier. Il y a déjà une démesure dans les moyens investis par rapport au trouble social causé. Voter ce projet serait mettre une fois de plus l'accent sur une petite délinquance qui peut être pernicieuse et avoir des effets très néfastes au sein de la population, mais qui ne constitue quand même pas le tout du phénomène délinquant.

Quant à la double victimisation, l'orateur trouve cet argument assez cocasse; la victime est le parent pauvre de la procédure pénale, pour la simple raison que c'est une pièce rapportée. L'action civile tend uniquement à l'allocation d'une certaine somme d'argent en réparation d'un préjudice. Elle se greffe sur l'action publique mue par le parquet au nom de la société. La victime n'est pas partie prenante au procès.

Dans la procédure accélérée, bien que l'on ait été attentif à préserver ses droits, d'après le large échantillon statistique dont l'orateur dispose, les victimes sont tout à fait absentes, et tout porte à penser qu'elles le seront encore davantage dans les procédures de flagrant délit. N'imaginons pas que l'on verra poindre des victimes en très grand nombre, pour des préjudices souvent assez modestes. Si l'on veut améliorer le sort de la victime, on pourrait réfléchir à d'autres réformes comme la prise en charge de ses frais de défense. Il est aberrant que si une personne se fait voler son portefeuille, et subit un préjudice de quelques milliers de francs, si elle touche un salaire et donc ne bénéficie pas de l'assistance judiciaire, le recours à un avocat lui coûte plus cher que de recouvrer le montant de son dommage.

La proposition d'instaurer la répétibilité des honoraires d'avocat, c'est-à-dire la possibilité de les imputer à la partie qui succombe, paraît être une meilleure solution pour améliorer le sort des victimes. Il ne faut pas être dupe d'un argument qui consiste à dire que cette procédure ménagerait au mieux les intérêts de la victime; sans doute va-t-on réserver la plupart du temps à statuer sur les intérêts civils et remettra-t-on à plus tard cet aspect des choses. Il est probable que dans l'immense majorité des cas, les victimes n'auront même pas eu le temps d'être avisées de l'audience, qui doit être fixée dans un délai extrêmement rapide.

En ce qui concerne le troisième grief, M. Vander Staeten lui a fait un sort détaillé. La procédure est inadaptée à l'objectif qu'on lui assigne, à savoir prévenir des troubles lors de l'Euro 2000. L'orateur se dit extrêmement choqué qu'on envisage de réformer de façon aussi fondamentale l'économie des droits telle qu'elle se trouve dans le Code pénal et dans le Code d'instruction criminelle, en fonction d'un événement-conjoncture. Il est hostile à des projets de loi circonstanciels. De plus, pour des raisons qui ont été très bien décrites, les délits punissables en vertu de ce « snelrecht » ne sont pas ceux que l'on commettrait à l'occasion d'éventuels débordements. Ni les rébellions, ni les coups simples, ni les outrages ni d'autres petits délits ne tomberaient sous le coup de cette procédure. Et par ailleurs, lorsqu'il s'agit de faits d'une certaine gravité, ils nécessitent très vraisemblablement une instruction beaucoup plus fouillée et plus minutieuse, en particulier l'usage de caméras vidéo. Or, celui-ci rend la détection des vrais responsables très difficile, et suppose qu'ait lieu un débat contradictoire qui ne trouve pas sa place dans cette nouvelle procédure.

Le quatrième grief est à nouveau un grief de terrain. Il s'agit, pour une part, d'un problème de logistique. Un exemple, qui peut paraître relever de l'anecdote, est très éclairant. On a réformé, il y a dix ans, la loi sur la détention préventive et depuis, on a permis à l'inculpé de consulter lui-même son dossier, ce qui n'était pas possible dans le régime précédent. Or, il n'y a qu'un exemplaire du dossier. Supposons une affaire avec cinq ou six inculpés ­ ce n'est pas rare ­ et de cinq à dix défenseurs, selon ce que peuvent s'offrir certains justiciables. Il n'y a qu'un dossier, et deux jours pour le voir. Le premier jour, un des inculpés demande à consulter son dossier. En pratique, le dossier descend à la gendarmerie. Au sous-sol de l'annexe, il n'y a donc plus de dossier. Les avocats reviennent bredouilles et repartent sans avoir vu le dossier. Si le deuxième jour, un autre inculpé demande à le voir, il n'y a toujours pas de dossier. Si, par bonheur, le dossier est au greffe, six avocats se bousculent pour tenter de le lire, et ce dans un laps de temps très court, le greffe étant ouvert cinq ou six heures par jour.

Quand on dit que dans la nouvelle procédure, il y aura un dossier dont on peut éventuellement faire des copies conformes, et qu'il sera mis à la disposition du magistrat instructeur, de l'inculpé, de son avocat, de la partie lésée, de l'avocat de la partie lésée, c'est du mythe. À moins que, tout à coup, par on ne sait quelle manne céleste, des moyens considérables tombent du ciel et permettent enfin de travailler dans des conditions raisonnables. Les droits de la défense, quand ils s'exercent dans des conditions aussi précipitées, se transforment en leur contraire. On a permis à l'inculpé de voir son dossier et qui en paye les conséquences ? Son conseil. C'est l'exemple même d'une législation que l'on édicte sans se soucier de vérifier si les moyens de sa mise en oeuvre existent.

Pour ce quatrième grief, il y a quantité d'autres exemples du fait que l'on va droit à la catastrophe. De toute manière, si cette loi est votée, il y aura des recours innombrables à la Cour d'arbitrage, mais surtout, elle tombera en désuétude avant d'être mise sur pied, car les moyens manquent. En outre, elle est, selon l'orateur, tellement burlesque dans son fonctionnement qu'elle est impossible à mettre en oeuvre.

Le cinquième grief n'est pas des moindres. Les commissaires sont certainement sensibles au fait que, dans cette affaire, sont opposés au projet non seulement les avocats mais également les magistrats, les procureurs, et aussi les professeurs d'université, les criminologues, les travailleurs sociaux, et même la police et le monde pénitentiaire. Tous ceux qui doivent d'une manière ou d'une autre mettre la main à la pâte sont contre le projet.

L'orateur se demande pourquoi cette procédure est aussi expéditive. Il estime qu'elle est totalement irrespectueuse des droits de la défense, et pense qu'elle est en contradiction avec l'article 6 de la convention européenne des droits de l'homme, en ce sens que les délais nécessaires pour organiser sereinement la défense ne sont pas suffisants. Quant on dit qu'à la demande de la défense, le tribunal peut ordonner la remise pour faire procéder à une enquête sociale, il est évident que tous les avocats useront de cette possibilité, ce qui est tout à fait légitime. On ne juge pas des infractions, on juge les personnes qui les ont commises. L'orateur interprète comme suit le texte du projet, qui lui paraît d'ailleurs très obscur : le titre de détention ne valant que sept jours, le tribunal risque d'être pris dans un conflit épouvantable : soit il décide sur-le-champ s'il veut éviter la remise en liberté, soit, s'il juge nécessaire une enquête sociale, il se contraint à laisser éventuellement échapper l'intéressé. C'est placer le juge devant un double impératif contradictoire.

L'orateur se dit choqué de lire sous la plume du ministre lui-même l'exemple de l'Allemagne, qui connaît une procédure très rapide de 24 heures à trois jours. De tels délais constituent, selon le ministre, une atteinte aux droits de défense et aux droits des victimes. L'orateur se demande si l'on peut raisonnablement soutenir que trois jours constituent une atteinte aux droits de défense, et quatre jours, non. Il estime que c'est là jouer avec les mots. Si trois jours ne sont pas suffisants, il considère que cinq jours ne sont pas suffisants non plus.

Il pense également que cette procédure porte atteinte au principe d'égalité, conformément à l'avis du Conseil d'État qu'il partage. Le fait que les délits susceptibles d'être poursuivis par le « snelrecht » seraient déterminés par le Collège des procureurs généraux n'est pas une saine décision. Si on institue des procédures d'exception en indiquant simplement une fourchette de peines, et si on laisse au parquet ou, en l'occurrence, au Collège des procureurs généraux le soin de déterminer qui l'on va poursuivre et qui l'on ne va pas poursuivre selon cette nouvelle procédure, on en arrive d'office à instaurer des discriminations intolérables.

Au moment où la procédure accélérée a été mise sur pied, on y a eu recours pendant deux ans pour des rébellions, des outrages à agent, des coups à agent et des incitations à l'émeute, ce qui était un délit pratiquement disparu et tombé en obsolescence. On a donc utilisé cette procédure accélérée pour une sorte de croisade visant à inculquer aux jeunes immigrés de la capitale le respect des forces de l'ordre. On a véritablement voulu livrer un combat. On a musclé les interventions de police, on a multiplié les simples contrôles de routine qui dégénéraient alors en échauffourées, etc. On s'est donc servi d'un outil tout neuf pour essayer de viser très précisément une forme de délinquance, ce qui paraît à l'orateur induire des discriminations inacceptables.

Il y a fort à parier, selon lui, que cette procédure-ci va donner de nouveau lieu à des choix des politique criminelle critiquables. On n'a aucune prise sur ce qui entre dans l'appareil, sur le traitement qu'on y réserve et sur ce qui en sort. Mais du point de vue de la défense, il tient au principe d'égalité entre les justiciables, et ne pourrait admettre que l'on aille de plus en plus vers un système de justice qui ne soit plus à deux vitesses mais à trois, quatre ou cinq vitesses, ce qui, à n'en pas douter, aboutit à créer petit à petit le « délit de sale gueule ».

En effet, si l'on est attentif à qui se trouve en détention, le clivage est déjà extrêmement flagrant. Or, cette procédure-ci amène à forcer le trait. L'orateur précise que, s'il encourt la critique d'être caricatural, c'est qu'il grossit délibérément le trait pour mettre en évidence un fonctionnement de la justice devenant caricatural. Selon l'origine sociale, selon le niveau de fortune, d'éducation, selon la couleur de la peau, selon les opinions que l'on professe, la justice devient de plus en plus discriminatoire à cause de ce type de procédure. Celle-ci participe d'un mouvement général qui amène à emprisonner les gens non plus pour les punir de ce dont ils sont coupables, mais pour empêcher de nuire parce qu'on les considère comme dangereux. On passe d'un système de justice rétributive fondée sur la notion de culpabilité à un système de justice préventive fondée sur la dangerosité, c'est-à-dire sur le fait que certaines populations, en fonction de facteurs de risque, dérangent, sont marginales, sont sans emploi, sont un peu les laissés-pour-compte du système économique. Dans une société dont M. Vander Straeten a dit à juste titre qu'elle était à beaucoup d'égards une « pousse au crime », il est clair, selon l'orateur, qu'il existe toute une génération de jeunes qui sont un gibier pour ce type de procédure. C'est une atteinte au principe d'égalité en ce qui concerne la détermination des délits susceptibles d'être poursuivis par ce biais.

L'orateur vise ici non pas la discrimination entre justiciables mais le fait que cette procédure, sans avoir l'air d'y toucher, est en train de dénaturer une série de choses essentielles. Le droit de faire opposition, par exemple, n'est pas reconnu alors qu'il s'agit d'un droit absolument fondamental dans toute procédure pénale. Si un avocat estime qu'une affaire n'est pas en état, il peut parfaitement suggérer à son client, même détenu, de ne pas comparaître, de manière à lui laisser la possibilité de préparer une défense adéquate. En général, le client souscrira à cet argument. Il fera opposition et ne pourra pas être pénalisé d'avoir fait défaut. Il s'agit d'un droit fondamental qui ne peut être édulcoré par ce type de procédure.

D'autre part, en ce qui concerne l'intervention de l'avocat dans les vingt-quatre heures, on va prétendre que cette procédure est beaucoup plus respectueuse des droits de la défense puisque dans ce cas, l'avocat peut être au chevet de son patient et assister à son interrogatoire par le juge d'instruction. C'est bien sûr totalement illusoire. C'est faire de l'avocat l'alibi d'une procédure en ne lui permettant plus, par la suite, de critiquer ce que, par sa seule présence, il donne le sentiment de cautionner.

Parmi les avocats, le sentiment général est qu'ils refusent de participer à une mascarade où le rôle du juge d'instruction se limite à décerner un mandat d'arrêt. Une fois la comparution notifiée au prévenu, le juge d'instruction ne peut plus accomplir aucun devoir. Dans la procédure de détention préventive classique, il est tenu de prendre une décision sur le champ parce qu'il est talonné par l'urgence.

L'orateur partage le point de vue de M. Vander Straeten, selon lequel on pourrait prolonger le délai de garde à vue de vingt-quatre à quarante-huit heures, sans pour autant compromettre le respect des droits de la défense. Mais ici, le juge d'instruction n'est plus qu'un fantoche. Il peut prétendument ordonner une remise en liberté, mais il n'a en pas la possibilité matérielle, puisqu'il a décerné un mandat d'arrêt et que le procureur du Roi notifie immédiatement le jour et l'heure de la comparution. Dès cet instant, le juge d'instruction ne peut plus donner mainlevée du mandat. Il n'est donc plus qu'un pion dans une procédure dont le parquet conserve la maîtrise. Il est d'ailleurs assez éloquent de constater que dans le projet initial, on avait soigneusement évacué le juge d'instruction, alors qu'il fallait quelqu'un qui soit compétent en matière de détention préventive, qui connaisse les critères ­ identiques à ceux énumérés par l'article 16 de la loi ­ qui permettent de décerner un mandat d'arrêt.

Le juge d'instruction est maintenant revenu à sa place habituelle mais il doit à nouveau être investi de ses fonctions traditionnelles.

C'est aussi une procédure dispendieuse et inefficace. Les moyens qui lui sont alloués paraissent à l'orateur disproportionnés par rapport aux objectifs que l'on poursuit.

On avance l'argument selon lequel on veut rendre plus performante une partie de l'appareil judiciaire. L'orateur estime qu'il s'agit à nouveau d'un piège; l'appareil judiciaire est un tout, fonctionnant avec des moyens très limités. En allouant davantage de moyens pour cette procédure exceptionnelle, on conforte l'opinion publique dans son sentiment d'insécurité.

En matière de sécurité, l'objectif du projet est assez vain. Il s'agirait, dit-on, d'avoir un impact sur la sécurité telle qu'elle est perçue par le citoyen. Pour l'orateur, cela relève du fantasme. C'est poursuivre une chimère que de vouloir créer une forme de justice pour apaiser le sentiment d'insécurité.

À l'instar de M. Vander Straeten, il pense que l'appareil judiciaire en tant que tel n'intervient toujours qu'a posteriori. La justice est une justice répressive. La notion de justice préventive n'a pour ainsi dire aucun sens; la justice pénale est un appareil extrêmement lourd, coûteux, d'application exceptionnelle, et cette application doit le demeurer. Ce n'est pas en augmentant la répression que l'on résoudra les maux sociaux. Souhaite-t-on vraiment que demain, il n'y ait pas 8 000 mais 15 000 détenus dans les prisons belges ? On tient aujourd'hui un double discours sur la prison : celle-ci devrait être la solution d'ultime recours, il en faudrait de moins en moins; pendant ce temps, les détentions préventives se multiplient.

La procédure est donc inefficace car on prend le symptôme pour la cause. Cela veut peut-être dire que la société se délite, que les gens n'ont plus de valeurs, qu'il existe un incivisme grandissant et un individualisme forcené, mais l'appareil judiciaire et le parquet ne sont pas capables d'y remédier. Cela paraît de la poudre aux yeux. L'orateur estime que l'on a les délinquants que l'on mérite, et que la délinquance n'est jamais que le pus que notre société sécrète. S'il existe une délinquance urbaine importante, c'est parce qu'il y a beaucoup de sollicitations, parce que beaucoup de nouvelles relevant du fait divers sont des mines à scandale, parce que les jeunes qui ne se voient aucun avenir peuvent, en désespoir de cause, être amenés à verser dans la délinquance.

L'orateur répète que la procédure lui paraît discriminatoire. Il attire l'attention sur le fait que le droit pénal actuel l'est déjà extrêmement. Ce qui lui paraît pernicieux dans ce projet, c'est qu'on érige les écarts de traitement en norme. On institutionnalise donc une fracture pénale entre les puissants et les misérables. Le discours qu'on tient de plus en plus consiste à dire qu'on va, pour parler vulgairement, « cogner dur sur les petits ». Et, pendant ce temps, dans un prétoire, on ne voit pratiquement jamais de cas de criminalité en col blanc, de pollution de l'environnement ou de fraude fiscale de grande envergure. Ce projet est donc vraiment la traduction d'une fracture pénale très importante et à laquelle il faut être attentif. Le président Chirac avait annoncé la réduction de la fracture sociale. L'orateur pense que le monde politique devrait travailler à réduire cette fracture plutôt qu'à l'aggraver.

Il pense que la procédure proposée est également incohérente, parce qu'elle repose sur un paradoxe absolument insurmontable. D'un côté, on dit dans l'exposé des motifs qu'on ne veut pas élargir les critères de la détention préventive mais, de l'autre côté, on affirme que la nouvelle procédure repose fondamentalement sur la privation de liberté sans ouvrir une instruction. On veut donc clairement faire l'économie du juge et on tente d'utiliser le juge d'instruction pour poser un acte comme on l'utilisait, dans le cadre de la réforme Franchimont, pour la mini-instruction, pour délivrer tel mandat ou pour ordonner telles écoutes. Ici, on vide de plus en plus la fonction du juge de sa substance.

Le dernier argument est celui des effets pervers qu'entraîne la procédure. L'orateur se demande si l'on a suffisamment médité sur les conséquences de sa mise en oeuvre. Il estime en particulier que l'on devrait réfléchir aux méfaits d'une courte incarcération. Tout le monde le dit et le discours criminologique est plein d'exemples : désinsérer quelqu'un de toutes ses attaches sociales pendant un bref délai est complètement pernicieux. Si l'on coupe quelqu'un de ses attaches familiales, sociales et professionnelles et ce, dans un certain nombre de cas, durant sept jours, on ruine ses efforts d'insertion, on jette l'opprobre familial sur lui ou on le désigne dans son quartier comme un malfaiteur, pour un bénéfice absolument nul. Outre le fait que les prisons vont devoir accueillir plusieurs centaines de détenus sans qu'on puisse gérer ce phénomène, on en arrive de nouveau à considérer que la prison est une solution aux problèmes rencontrés par la justice pénale, ce qui, selon l'orateur, est une absurdité et un discours d'un autre âge. Il faut clairement choisir son camp et savoir si, à l'heure actuelle, il y a trop ou trop peu de détenus en Belgique. Va-t-on réduire leur nombre ou l'augmenter ? Ce n'est pas une question qui se résout uniquement en fonction du nombre de places utiles. Il ne faut donc pas se demander s'il faut construire de nouveaux établissements pénitentiaires. Si on affirme que la prison est l'ultime recours et qu'il ne faut l'utiliser qu'en toute dernière instance, on ne peut pas, en même temps, favoriser une procédure qui met très clairement l'accent sur la comparution en détention. L'orateur souligne qu'il n'est pas le premier à le dire, et qu'il a lu sous la plume de personnes nettement plus autorisées que lui, que la détention est l'occasion de juger vite. On place en détention parce que c'est la garantie que la procédure sera expéditive. Le juge, si bien intentionné soit-il, éprouve moins de réticences à maintenir en prison quelqu'un qui s'y trouve déjà qu'à placer en détention quelqu'un qui n'y est pas. Ici, on le dépossède en quelque sorte du soin de juger parce que chaque fois qu'on détient une personne préventivement, la question de savoir si on va la mettre en prison ou non est déjà résolue d'une certaine manière, puisque cette personne comparaît entre deux gendarmes.

L'orateur attire l'attention sur le fait que cette procédure va peut-être, à grands renforts de publicité, calmer très provisoirement le sentiment d'insécurité qui est extrêmement diffus et que beaucoup de gens exploitent à l'envi parce qu'ils en font leur fonds de commerce. Cela va peut-être aussi pousser l'opinion publique à croire que la justice fonctionne mieux. Mais, à partir du moment où on se rendra compte des effets que cela engendre, ce projet ne fera pas long feu. L'orateur se demande donc si M. Vander Straeten, lui-même et d'autres, ne s'évertuent pas à lutter contre un projet qui mourra de sa belle mort, même s'il devait être voté. Il appartient désormais au monde politique de s'arrêter avec attention sur ces critiques. Un membre se demandait si l'on pouvait faire fi de l'opinion. L'orateur répond que ce projet a été concocté dans le secret d'un cabinet, sans consulter les groupements professionnels qui étaient les premiers concernés. On l'a divulgué à la presse dans sa version initiale. Des colloques ont été organisés dans l'extrême urgence par des gens qui avaient les plus grandes difficultés à se procurer le texte. Il ne faut pas s'étonner de ce que le barreau, la magistrature et le parquet se soient levés comme un seul homme pour dire que ce projet est mauvais, si précisément on n'a pas pris la peine de leur demander leur opinion. L'orateur déclare qu'il ne s'agit donc pas d'une réaction d'arrière-garde et qu'il est assez choqué de lire dans le texte préalable qu'il s'agit de changer la mentalité des avocats et des procureurs. Cette mentalité lui paraît tout à fait respectueuse de la liberté individuelle et, personnellement, il n'a pas envie d'en changer. L'orateur conclut qu'il avait des raisons d'expliquer pourquoi il est un adversaire inconditionnel de ce projet, et qu'il remercie les commissaires, même s'ils se partagent pas son opinion, de lui avoir laissé l'occasion de s'exprimer en toute sérénité.

2. Questions des membres et réponses de l'orateur

Un membre rappelle que le procureur de Paris a souligné que la comparution immédiate serait difficile à mettre en oeuvre en Belgique parce que la magistrature ne coopérerait pas. « On n'aime pas qu'on change les choses », a-t-il dit. Il ressort de ce que nous avons entendu ce matin et cet après-midi que ce sont surtout les tribunaux de Bruxelles qui ont des problèmes. Ils partent du principe que l'attaque est la meilleure défense. Le pouvoir judiciaire est apparemment très frustré. M. Dayez s'est plaint par exemple qu'ils ne soient pas consultés et que les décisions se prennent dans le cénacle des cabinets. Ceci montre que le pouvoir judiciaire ne tolère aucune immixtion de l'extérieur. Les problèmes se situent donc plutôt du côté du pouvoir judiciaire que du pouvoir législatif.

D'autre part, on confond pouvoir exécutif et pouvoir législatif. Les problèmes de personnel, de coûts et de procédure concernent le pouvoir exécutif. De plus, on pense surtout aux intérêts du prévenu, sans tenir compte des victimes, dont malheureusement on n'a pas encore parlé aujourd'hui.

On donne l'impression que tous les faits punissables devront être traités par la comparution immédiate. Il n'en est rien. Le procureur continue à décider de la procédure à suivre. Mais on donne de ce fait une image fausse, d'autant plus que la moitié des intervenants viennent de Bruxelles. Ils sont apparemment convenus de mettre en avant leurs propres problèmes plutôt que ceux de la comparution immédiate. La comparution immédiate ne sera clairement pas une priorité pour les tribunaux de Bruxelles. Les procureurs ne suivront pas ou guère cette piste.

Le problème, c'est le fonctionnement du tribunal. Le tribunal de Bruxelles ressemble à un beau gros navire avec beaucoup d'officiers, mais sans moteur. Les officiers donnent constamment des ordres, mais le navire n'avance pas. Les magistrats et les barreaux feraient mieux de réfléchir à leur loyauté vis-à-vis du ministre et des avocats. Il est temps d'adopter une « procédure disciplinaire accélérée » pour le fonctionnement interne du tribunal.

En France, le prévenu comparaît entre 24 et 48 heures après qu'une infraction passible d'un emprisonnement de un an à sept ans a été commise. Nous avons pu constater que 95 % des prévenus demandent à être jugés immédiatement. Qu'y a-t-il donc de contraire à ce système français, beaucoup plus sévère, qui fonctionne déjà depuis vingt ans, sachant que notre jurisprudence se base sur le système juridique français ? Les Français sont-ils donc tellement meilleurs, ou est-ce le contraire ? Pourquoi leur système ne pourrait-il pas fonctionner chez nous ?

M. Dayez répond qu'il n'a pas d'expérience du système français, mais qu'il a eu des échos beaucoup plus négatifs que ceux qui viennent d'être donnés. Ceci ne vise pas seulement ceux qui ont fait le déplacement la semaine dernière, mais également des observateurs qui paraissent impartiaux, et qui ont décrit ce système dans des termes extrêmement péjoratifs.

L'orateur ajoute que l'on ne s'est pas non plus interrogé sur l'efficacité exacte de ce système; après tout, il peut fonctionner si on lui alloue les moyens. La question est de savoir si on a pu constater dans les grandes cités urbaines françaises une diminution sensible du taux de la délinquance. L'orateur n'en croit rien. À ses yeux, le fait de juger les gens rapidement ­ et il s'agit manifestement d'une loi à l'accent assez répressif aboutissant dans la grande majorité des cas à des sanctions qui n'ont rien d'alternatif à l'emprisonnement ­ ne fait que différer le problème. Mettre des gens à l'ombre sans se préoccuper de l'utilité pour eux de subir un certain nombre de semaines, de mois ou d'années de détention, c'est, selon lui, fermer les yeux sur une réalité établie depuis longtemps : la prison engendre davantage de maux qu'elle n'en résout. Il ne dit pas que ce système ne peut pas fonctionner, mais se déclare perplexe sur ses résultats.

Concernant la réflexion sur l'exécutif, le judiciaire, etc., si le législateur veut instaurer ce type d'innovation aujourd'hui, c'est parce que la justice ne fonctionne pas bien. L'orateur est tout à fait d'accord sur le fait que la justice est affreusement lente, beaucoup trop pour la plupart. La situation est calamiteuse à Bruxelles, au-delà de toute description.

Il donne deux exemples pour montrer où l'on en est. Il y a à Bruxelles quelques chambres à juge unique et une chambre à trois juges. Cette semaine et la semaine prochaine, une session d'assises est prévue. Il n'y a pas de juge pour cette session. Que fait-on ? On ferme une chambre correctionnelle pendant 15 jours. Le juge unique de cette chambre est donc muté à la cour d'assises pendant 15 jours. Toutes ses affaires, soit 100 à 150, sont remises à juin 2001. L'orateur trouve cela consternant.

Le projet initial annonçait trois juges. Il est vrai que la collégialité est une garantie de meilleure justice et qu'à la rigueur, il vaudrait mieux avoir trois juges partout. Cependant, si on alloue trois juges à ce type de délit, c'est presque injurieux à l'égard des chambres de droit pénal financier par exemple, où, à Bruxelles, on a deux juges uniques pour toute la délinquance économique et toute la délinquance financière. Des juges nagent dans des centaines de cartons et mettent des mois à juger une affaire très complexe. L'orateur pense notamment à l'affaire des négriers de la construction, l'affaire Bongiorno, qui comportait 160 cartons, le plus gros dossier jamais instruit en Belgique. Son aboutissement a pris dix ans. Un juge unique a tenu des audiences pendant six mois. L'orateur a dû muter une personne pour étudier ce dossier. Trois mois ont été nécessaires simplement pour en prendre connaissance. C'est une situation aberrante. Si l'on incrimine la justice en disant qu'elle fonctionne mal, les avocats pourraient répondre que cela fait longtemps qu'ils s'en plaignent.

L'orateur souligne que, comme M. Vander Straeten l'a dit, les juges ont été tenus par un certain devoir de réserve et que le parquet s'est montré trop timoré en ne dénonçant pas une situation qui, aux yeux des avocats qui ne sont pas tenus par le même devoir, était évidente depuis bien longtemps. L'orateur précise qu'en ce qui le concerne, ce n'est certainement pas faute de l'avoir dit.

Si on impute à la justice des tas de déficiences réelles, on aurait dû se demander comment faire pour l'améliorer. Et il est clair qu'on ne peut pas faire l'économie d'un supplément colossal de moyens.

Un commissaire souligne que le procureur de Paris a confirmé que le système fonctionnait. Le président de la 23e chambre a confirmé que ce système portait ses fruits. L'intervenant a appris aussi que ce système bénéficiait de l'appui de la population. Il est tout de même important de constater que le citoyen soutient ce système. De cela, M. Dayez ne parle pas.

M. Dayez répond qu'il n'en parle pas parce qu'il ne peut ni démentir ni confirmer ces propos. Cette question épineuse mériterait de longs débats mais il pense que le rapport entre la justice et l'opinion est un double rapport manqué. Cela veut dire que la justice se fait souvent de l'opinion une vision très livresque, qui n'est en fait que son propre reflet dans un miroir. La justice est effectivement un monde très étanche qui n'est pas assez perméable aux réactions qu'elle induit dans l'opinion. L'orateur pense également que ce que l'on appelle actuellement « opinion publique » est quelque chose d'extrêmement versatile et artificiel. Évidemment, si on dore la pilule aux gens pendant quelques mois en leur disant que cette procédure sera un comble d'efficacité, il est clair que 95 % des gens opteront pour cette dernière.

La justice ne se rend pas par sondage. Il faut se rendre compte que, dans une certaine mesure, la justice ne peut être qu'impopulaire. À moins que l'on veuille simplement flatter l'opinion qui, souvent, n'est que le « dessous de la ceinture » de la plupart des opinions ...

Un membre observe que les propos de l'orateur lui paraissent méprisants, ce qui enlève beaucoup à son plaidoyer.

M. Dayez répond qu'il n'est pas du tout méprisant. Il souhaite aller jusqu'au bout de son propos, et constate que le précédent intervenant est libre de sa critique. On ne peut pas élaborer un projet de loi avec des enjeux aussi importants, qui touchent malgré tout à la liberté individuelle et aux façons dont on peut y attenter, en interrogeant les gens sur un trottoir.

Cela n'a, selon l'orateur, rien de péjoratif. Cela signifie simplement que l'on est en train de discuter de l'organisation d'un appareil judiciaire et de types de procédures à mettre en place. La procédure accélérée permet de faire comparaître des gens pour des délits de moindre gravité, dans un délai allant de dix jours à deux mois. Qu'a-t-on à gagner à précipiter les choses de quelques jours ? Rien, si ce n'est le caractère spectaculaire du placement en détention.

Dans ces conditions, si le fait le nécessite, on peut placer la personne sous mandat. Aucun avocat ne s'est jamais plaint du fait que, dans une instruction habituelle, il fallait le cas échéant un mois pour que l'instruction d'une affaire soit complète. Les moyens existent donc.

Répondant à la critique du précédent intervenant, l'orateur déclare que, si l'on convainc les gens à mauvais escient que cette procédure peut être efficace, il ne faut pas s'étonner qu'ils abondent dans ce sens en disant que cette procédure serait souhaitable.

Le président demande si l'orateur nie qu'il existe un sentiment partagé d'insécurité, en particulier à Bruxelles et dans les grandes villes. Ce n'est pas là l'opinion publique, mais un sentiment quasi unanime.

M. Dayez répond qu'il ne le nie pas du tout, et qu'il vit lui-même dans un quartier à risques. Il prend quelques précautions, ne laisse pas d'autoradio en évidence, ne laisse pas ses enfants dans le quartier à certaines heures, etc.

Il est vrai que c'est un sentiment qui est prégnant, mais il n'est pas sûr que l'on ne doive pas essayer de le maîtriser rationnellement. Si l'on cède simplement à la tentation du tout sécuritaire, on va droit à la catastrophe parce que, dans cette hypothèse, il y a une sorte de surenchère qui fait que l'on n'en fera jamais assez. Si l'on fait un pari sur l'avenir, qu'y aura-t-il après cette procédure de flagrant délit ? Que pourra-t-on inventer sinon une forme de justice carrément instantanée qui s'apparentera de plus en plus au lynchage ?

Ce sentiment d'insécurité doit effectivement être rencontré mais le discours politique doit être clair. Il doit en indiquer les causes et doit, le plus possible, indiquer qu'on lutte contre les causes et non contre les symptômes. C'est tenir un langage de raison de dire aux gens que la justice en tant que telle n'est pas « outillée » pour répondre à tous les problèmes sociaux.

Faire de la justice l'exutoire de tout ce malaise social relève d'un leurre. L'orateur se dit fort vexé de la critique, et ne s'estime pas du tout « élitiste ». Il pense simplement qu'en induisant les gens en erreur, on n'aura que la monnaie de sa pièce. Il est évident pour l'orateur que si l'on proclame sur les toits que cette procédure est parfaitement cohérente sur le plan textuel et qu'elle n'engendrera que des effets bénéfiques, tout le monde applaudira, mais il pense que l'on ne peut pas rendre la justice par sondage. C'est une chose dont on ne peut, selon lui, se départir.

Il espère ne pas avoir offusqué les commissaires par ses propos.

Un membre déclare que l'on peut naturellement faire une série de remarques au sujet du déroulement de cette audition. Mais il y a un point sur lequel tout le monde est d'accord. Les exposés des personnes entendues sont clairs et précis et un certain nombre de collègues sont apparemment surpris de voir le monde judiciaire faire preuve d'une grande vivacité, ce qui ne revient pas nécessairement à défendre des intérêts corporatistes. Ce sont deux choses différentes. Mais il faut appeler un chat un chat. Selon l'orateur, la situation tient aussi à la manière dont le monde politique a traité la justice ces dernières années. On n'a pas craint de s'exprimer à son sujet de manière la plus plate et la plus démagogique. Sans vouloir nier ses lacunes, l'orateur doit constater que l'on s'est laissé aller à des généralisations et à des sophismes ex uno omnia, et on s'est montré injuste à l'égard d'une mission importante du secteur public, à savoir la fonction juridictionnelle. Il faut tout de même souligner que quelqu'un qui travaille dans le secteur de la justice perçoit pour cela une rémunération financière qui ne supporte pas la comparaison avec celle d'autres fonctions similiaires exercées dans le secteur privé. Il faut tenir compte de cela également si l'on veut juger de l'ensemble de la problématique.

Tous les exposés ont souligné que le problème de société posé par les violences et les menaces ne peut être résolu uniquement par la création d'un cadre répressif fort. C'est une première constatation importante. Ce problème de société réclame une approche pluridimensionnelle à un plus haut niveau. Notre société est confrontée de plus en plus à une érosion rampante de la norme. L'augmentation de la violence, notamment à la télévision, n'est pas neutre. Le glissement de la norme constaté dans les médias n'est pas neutre. Cela influence le comportement social. Faut-il rappeler qu'aux États-Unis, plusieurs procès sont en cours contre les producteurs de programmes TV proposant des scénarios criminels qui ont été exécutés par les téléspectateurs. Faire comme si l'on pouvait ramener ce problème social aussi présent en Europe occidentale à un mauvais fonctionnement des tribunaux, relève de la simplification excessive.

En ce qui concerne concrètement la procédure accélérée, l'orateur ne voit pas en quoi les problèmes posés par le fonctionnement du tribunal de Bruxelles auxquels un membre a fait référence, seront résolus par elle. On ne peut réfuter les arguments opposés à la loi sur la comparution immédiate en invoquant le mauvais fonctionnement de la justice à Bruxelles.

Au sujet de la comparaison avec la France, l'orateur voudrait rappeler que l'on a déjà voté une loi sur la procédure accélérée en 1994. On ne doit donc pas faire comme s'il n'existait rien en Belgique. Certains intervenants ont d'ailleurs fait remarquer qu'il existe déjà de tout et que l'on n'a pas besoin de quelque chose en plus.

L'orateur voudrait poser une question à M. Dayez, en ce qui concerne le rattachement de la comparution immédiate à la détention préventive. Deux choses sont à retenir de l'exposé de M. Dayez.

Le premier point concerne le fait que les strictes conditions mises à l'application de la détention préventive ne sont pas modifiées, de sorte que la comparution immédiate n'aura de toute manière guère de signification puisque, pour les cas visés, il ne sera pas possible de satisfaire aux conditions de la détention préventive.

Sauf erreur d'interprétation, le deuxième point revient à dire ceci. Si la détention préventive est associée à la comparution immédiate, dans la pratique, les conditions de la détention préventive seront interprétées de manière plus souples et la loi sur la détention préventive, qui était initialement restrictive, aura une application plus étendue que celle qu'avait voulue le législateur. Qu'en est-il au juste ?

M. Dayez répond que, du point de vue de l'avocat, le juge d'instruction présente des garanties d'impartialité et d'indépendance, comme tout magistrat. Il est donc l'instrument des poursuites, dont la fonction maîtresse est d'instruire à charge et à décharge. Or, dans le type de procédure que l'on envisage de mettre sur pied, le juge d'instruction sera réduit au rôle tout à fait symbolique consistant à délivrer les mandats d'arrêt. On a rappelé que le juge d'instruction est déjà talonné par l'urgence dans la procédure classique, puisque le délai de garde à vue ne peut excéder 24 heures. L'orateur évoque un exemple concret où la personne pénètre dans le bureau du juge à 14 h 02, et où l'audition se termine à 14 h 10, puisqu'il faut signifier le mandat dans les minutes qui suivent, sinon la détention est irrégulière. En fait, ce qu'on attend du juge, c'est bien plus le travail qu'il effectuera en aval : une fois qu'il a pris l'option de décerner le mandat d'arrêt, il lui appartient de poursuivre ses investigations sans préjugé et, le cas échéant, de se repentir de son premier mouvement. Il n'est d'ailleurs pas rare qu'un juge ordonne lui-même la levée de son mandat dans les jours qui suivent sa décision. Il faut en effet se rappeler qu'il est le seul maître de sa décision dans les 5 jours. Ici, on utilise le juge d'instruction à l'unique fin de décerner le mandat d'arrêt et, ensuite, on lui confisque tout pouvoir. Il prend donc sur le champ une décision sur la base du dossier de la police, dans l'hypothèse par exemple d'un flagrant délit, après quoi il passe immédiatement la main. L'orateur estime que ce dispositf dénature profondément la mission du juge d'instruction. La fonction du magistrat instructeur, comme celle de l'avocat, est dénaturée, réduite à la portion congrue.

Un membre déclare que, sur certains points, l'orateur l'a confirmé dans son impression. Sur d'autres, il lui a appris des choses allant dans le sens de ses réflexions. Il déclare qu'il n'est donc pas fondamentalement en désaccord avec lui. Toutefois, sa conception des relations des uns avec les autres semble un peu perverse à l'intervenant, notamment lorsqu'il dit que même si 95 % de la population pensent telle chose, il ne faut pas la faire ... L'intervenant ne partage pas ce point de vue. Il estime qu'il faut agir de façon à ce que 95 % de la population ne pensent pas cela, sinon on sera toujours piégé, sauf à dire que l'on abandonne la démocratie. Si 95 % des gens pensent une chose, elle finira par s'imposer.

Le travail des politiques qui ont un peu de conscience, et pas seulement celui des intellectuels ou des grands avocats, est d'essayer de lutter contre ce genre de choses. À cet égard, l'intervenant rappelle que François Mitterrand a réussi à abolir la peine de mort en l'annonçant alors que la majorité de l'opinion publique française souhaitait son maintien. Il a réussi à être élu grâce au fait qu'il a fait de la pédagogie, parce qu'il a expliqué pourquoi il voulait qu'il en soit ainsi. Donc, sur ce plan, il convient de ne pas inverser les choses en se montrant excessivement fataliste.

L'intervenant constate que l'orateur a découvert, après 17 ans de barreau, que la bourgeoisie avait peur des classes dangereuses. Il souligne que cela n'est pas neuf, que les classes dangereuses ont simplement changé de couleur, d'aspect, mais que la bonne bourgeoisie a toujours peur que l'on touche à son magot. Au plus elle se sent à l'aise, triomphante, comme c'est le cas aujourd'hui, au plus elle a envie de dresser des barrières. C'est aussi vieux que l'histoire. L'intervenant estime qu'heureusement, de temps en temps, certains cassent les barrières mais il n'insiste pas sur ce point, car il semble que ce ne soit pas l'heure de le faire.

L'intervenant déclare avoir apprécié la réponse de l'orateur en ce qui concerne la France. Il précise simplement qu'à la lecture du bilan de ce qui se passe dans certaines communes de Bruxelles, où l'on trouve de 30 à 40 % de personnes de nationalité étrangère, et de 35 % à 60 % de personnes d'origine étrangère, on est parfois assez surpris d'entendre des amis français expliquer toutes leurs difficultés en matière de sécurité. Ils affirment que nous ne les comprenons pas, qu'eux ont entre 15 et 18 % d'étrangers ...

Le président fait observer qu'à Saint-Josse, il y en a 60 %.

Le précédent intervenant réplique qu'à Saint-Josse, il y en a 65 %, si l'on additionne les étrangers et personnes d'origine étrangère. Dans sa commune, le pourcentage est d'un peu moins de 50 %. Quand on dit cela aux Français qui ont des banlieues chaudes, ils n'en reviennent pas. Il ne faut donc pas prétendre que tout va bien en France. Depuis que la procédure de comparution immédiate existe, elle n'a pas vraiment arrangé les choses. Si la situation s'est améliorée depuis quelques années dans les quartiers chauds de Bruxelles, c'est essentiellement grâce à une politique de proximité, de prévention, de plus grande cohésion, de plus grande ouverture. C'est pourquoi l'intervenant ne peut comprendre que l'on trouve aujourd'hui incroyable de financer des activités sportives dans le cadre des contrats de sécurité. Dans sa commune, 1 200 jeunes participent actuellement à des activités sportives mises sur pied grâce aux contrats de sécurité. Il est impossible d'évaluer l'impact réel de ce nouveau dispositif en termes d'insécurité, mais il est manifeste que ces jeunes sont plus heureux, qu'ils se sentent mieux. Ils participent à des activités qui leur permettent d'apprendre un peu la discipline, ce qu'est un arbitre. Cette façon de procéder est sans doute beaucoup plus efficace que d'envoyer 20 personnes en prison. L'intervenant s'en dit profondément convaincu, et voudrait que les parlementaires et le gouvernement partagent cette conviction. Il n'en demeure pas moins qu'il faut aussi indiquer des limites, indépendamment du respect auquel a droit une jeunesse trop souvent méprisée.

Il faut lui apporter des choses positives, lui témoigner du respect, mais il faut également établir des barrières. L'intervenant déclare que sur ce point, il a une conception qui peut paraître archaïque : selon lui, un minimum de discipline s'impose. Il fait la comparaison avec la manière dont on traite les enfants : à certains moments, il faut savoir placer des limites. Le fait d'être jugé, puni deux, trois, ou quatre ans plus tard n'est bon pour personne. C'est peut-être un des aspects les plus délicats par rapport à ce projet. L'intervenant estime que c'est une très bonne chose de vouloir accélérer la justice, mais il déplore que, pour ce faire, on ait élaboré un mauvais projet. Il a été question d'interface entre le monde des avocats, les « méprisables politiciens » et l'opinion publique. En fait, il faut comprendre, accepter, encourager l'opinion publique quand elle dit que la justice doit être plus rapide. C'est dans l'intérêt des victimes et des coupables. Or, le projet n'est pas le meilleur qui soit. L'intervenant demande que l'on ne renonce pas à l'idée que notre société devrait être en mesure d'aider les avocats, les magistrats, les justiciables à accélérer les choses. Il y a des problèmes sur le plan des procédures, des moyens ­ et des cadres ­ qui doivent être donnés à la justice, des comportements de certains avocats qui ont recours à des manoeuvres dilatoires. L'intervenant pense notamment aux meilleurs, c'est-à-dire les plus chers, car il estime que, contrairement à ce que certains ont essayé de faire croire, ce n'est pas un monde tout à fait désintéressé.

Il pense d'ailleurs que, si le projet est voté, malgré tout ce que l'on peut dire, et à partir du moment où il y aura de l'argent à gagner, il y aura des avocats pour proposer leurs services. Il faut donc encourager les uns et les autres à dire que la justice doit agir plus rapidement. Plusieurs sénateurs s'en sont rendu compte puisqu'ils n'ont pas voulu suivre les yeux fermés leurs collègues de la Chambre. Puisque le système bicaméral a été maintenu, il faut que la seconde chambre joue son rôle, même si cela ne plaît pas toujours à tous. Cependant, à un moment donné, il faudra revenir à la réalité, à savoir à la nécessité d'une justice plus rapide, mise en avant, à juste titre, par l'opinion publique.

L'intervenant demande donc à l'orateur comment on pourrait, selon lui, accélérer la justice dans le respect, bien sûr, des droits de la défense mais aussi des intérêts de toutes les parties.

M. Dayez répond tout d'abord à une partie de la question précédemment posée en ce qui concerne le droit des victimes.

Il pense ­ même si cela peut paraître choquant ­ que si les victimes sont un peu les pièces rapportées de la procédure pénale, c'est parce que la justice pénale, par essence, rétribue les gens comme ils le méritent. Le but du procès pénal est de déterminer si certains sont coupables et si oui, à quelle sauce ils doivent être mangés. Il s'agit donc de faire le procès du prévenu, et très accessoirement, et même artificiellement, d'y adjoindre la victime qui greffe son action civile sur une action publique. Tant que l'on considère l'infraction comme une infraction abstraite, commise par quelqu'un qui mésuse de sa liberté, la victime n'a son mot à dire qu'en ce qui concerne l'indemnisation de son dommage : elle ne retrouve pas sa place dans la procédure. Ces dernières années, on a beaucoup évoqué les droits des victimes. La procédure permet assez commodément à la victime de s'associer à l'action publique, la plupart du temps, sans grands frais. Mais, pour l'orateur, il n'y aurait rien d'absurde à scinder définitivement le procès pénal et le procès civil, tant que le but du procès est d'infliger ­ ou non ­ des peines d'emprisonnement.

En ce qui concerne le sort de victimes, on pourrait imaginer quelque chose de radicalement différent du système existant aujourd'hui et où, par exemple, dans le cadre des alternatives à l'emprisonnement, comme la médiation, la victime retrouve un tout autre rôle : c'est une autre philosophie que celle de l'incarcération.

Pour améliorer les choses, tout le monde doit balayer devant sa porte. Le barreau pénal ne compte pas énormément d'avocats : il doit y avoir une cinquantaine d'avocats qui font du droit pénal à dose massive et contribuent en grande partie à l'arriéré, car si l'on a sur une matinée des affaires dans sept ou huit chambres différentes, il faudra demander des remises, car on ne peut pas se démultiplier. Le problème est que les gens choisissent des avocats qui sont chroniquement submergés.

On vient d'ouvrir une nouvelle chambre correctionnelle à Bruxelles. Cela représente une énorme bouffée d'air : des affaires qui étaient remises aux calendes grecques sont fixées à la semaine prochaine. Tout le monde est capable de les plaider, et elles sont fixées à une date plus proche.