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Belgische Senaat

Parlementaire handelingen

DONDERDAG 18 NOVEMBER 1999 - NAMIDDAGVERGADERING

(Vervolg)

Vraag om uitleg van de heer Georges Dallemagne aan de minister van Binnenlandse Zaken over «de hervatting van de gedwongen uitwijzing van uitgeprocedeerde asielzoekers» (nr. 2-26)

M. Georges Dallemagne (PSC). - La semaine dernière, à plusieurs reprises, le ministre a fait des déclarations dans la presse concernant la reprise des expulsions forcées. En effet, celles-ci ont bien repris.

Permettez-moi tout d'abord de m'étonner du nouveau changement de cap opéré à ce sujet au sein du gouvernement. Un jour, nous entendons le ministre de l'Intérieur déclarer que les expulsions forcées sont suspendues lors de l'examen du projet de loi relatif aux régularisations. Le lendemain, le même ministre déclare avec force que les expulsions ont repris.

Voici donc mes quelques interrogations à ce sujet. Le ministre peut-il nous confirmer l'information selon laquelle un ressortissant sierra-léonais aurait été expulsé de force?

Le ministre peut-il nous donner des garanties quant au fait que cette personne ne se trouvait effectivement pas dans des conditions pour prétendre à une régularisation? Il semble que cette personne aurait pu entrer dans la troisième catégorie du projet de loi qui prévoit une régularisation pour ceux qui ne peuvent, pour des raisons indépendantes de leur volonté, rentrer dans leur pays. Je connais la remarque formulée par le Conseil d'État qui prévoit que ces personnes pourraient être expulsées vers un autre pays que leur pays d'origine, où l'on aurait les garanties qu'elles ne puissent être renvoyées dans leur pays d'origine, par exemple la Guinée, mais vous n'êtes pas sans savoir que le HCR a jugé que l'on n'avait pas les garanties suffisantes de ce non-renvoi par la Guinée et les autres pays voisins de la Sierra Leone vers la Sierra Leone.

Par ailleurs et d'une manière générale, le projet de loi prévoit très clairement le renvoi possible, même durant la procédure de régularisation, de personnes qui ne seraient «manifestement pas dans les conditions de régularisation». Comment le ministre peut-il juger a priori qu'une personne ne rentre pas dans les conditions de régularisation sans avoir examiné, ou fait examiner par la Commission de régularisation, le dossier au fond?

Le ministre de l'Intérieur a aussi déclaré à plusieurs reprises qu'une politique ferme s'imposait pour ne pas donner naissance à tous les racismes et extrémismes possibles.

Le ministre peut-il nous expliquer quel lien direct il fait entre une politique d'immigration ouverte et la montée de l'extrême droite ? En effet, les régions d'Europe qui sont aujourd'hui les plus xénophobes ne sont pas celles où l'immigration est la plus forte.

Ne faut-il pas être plus objectif dans les déclarations, car il ne s'agit pas dans ce dossier de parler de frontières ouvertes, mais bien de discuter de la situation de personnes qui sont sur le territoire belge et pour qui une solution digne doit être trouvée?

Mme Marie Nagy (ECOLO). - L'expulsion des personnes arrivées au terme des procédures d'asile se poursuit. Il ne s'agit nullement d'un élément neuf, contrairement à ce que semble croire M. Dallemagne. Le gouvernement actuel a toutefois décidé de mettre en _uvre une politique cohérente en la matière afin d'améliorer les procédures applicables aux intéressés pour écourter les délais auxquels ils sont soumis. L'opération de régularisation débattue à la Chambre des représentants constitue un autre fait majeur matérialisant une rupture radicale vis-à-vis de la politique menée par les gouvernements précédents. Le groupe Ecolo soutient cette nouvelle approche sans réserve. Il ne peut néanmoins passer sous silence certaines difficultés en matière d'expulsion. En commission de l'Intérieur, le ministre nous avait expliqué qu'il entendait, sous certaines conditions, arrêter un moratoire, comme le prévoit le projet de loi sur les expulsions, destiné à rétablir la confiance pendant la période de régularisation. Il s'agissait en fait des personnes non admises sur le territoire belge ou qui troublaient l'ordre public. Les catégories ont été étendues, puisqu'on parle maintenant des personnes qui, manifestement, ne pourront pas être régularisées. Je me suis d'ailleurs étonnée la semaine dernière de certaines interprétations discordantes en évoquant la mise en place de la Task force. Les tentatives répétées d'expulsion d'un ressortissant sierra-léonais montrent combien le sujet est délicat et mériterait une réponse dans le cadre de la politique globale envisagée par le gouvernement. Le débat auquel j'ai récemment assisté au Conseil de sécurité des Nations unies à propos de l'envoi à la Sierra Leone d'une force d'interposition africaine, motivé par les séquelles d'une guerre civile terrifiante, illustre à quel point il est insensé de traiter les cas individuels en faisant fi des troubles agitant les pays d'origine des demandeurs d'asile. Par ailleurs, les différences d'appréciation fondées sur la provenance des candidats me laissent perplexe. Ainsi, je comprends difficilement les expulsions de Sierra-léonais vers le Sénégal alors que, dans le même temps, les ressortissants ayant transité par la Guinée ou la Gambie connaissent un tout autre sort.

Je pense que cela mérite une explication. Pour moi, c'est difficilement compréhensible !

Je souhaiterais, comme je crois qu'il ne s'agit pas d'un cas unique, que l'on puisse déterminer une approche plus cohérente, notamment à l'égard des personnes qui viennent de la Sierra Leone, étant donné la situation dans leur pays d'origine ; je voudrais, par ailleurs, que l'on n'établisse pas de distinction en fonction du pays par où ils transitent, que l'on puisse examiner leur demande de statut de réfugié et que l'on s'assure qu'ils ne puissent pas être régularisés sur la base de la nouvelle loi. En effet, le critère trois précise clairement qu'il y a là une possibilité de régularisation.

Je remercie le ministre des réponses qu'il voudra bien apporter et je souhaite lui rappeler, comme je l'ai dit en introduction, que les clarifications demandées rentrent clairement dans le cadre d'une politique que, par ailleurs, je soutiens sans aucun état d'âme. (Applaudissements sur les bancs ECOLO)

M. Antoine Duquesne, ministre de l'Intérieur. -Je voudrais tout d'abord remercier Mme Nagy de sa défense énergique de la politique gouvernementale en matière d'asile parce qu'elle aura justement observé qu'il ne s'agit pas de la politique du ministre de l'Intérieur mais bien de celle du gouvernement et de la majorité dont elle fait partie, que ce soit au niveau des principes ou de l'exécution de cette politique.

Il est vrai qu'en effet le gouvernement a eu la volonté de mettre en _uvre une politique globale qui repose sur trois piliers : tout d'abord une politique d'asile permettant de prendre des décisions rapidement - le temps est en effet un facteur essentiel en la matière - au terme d'une procédure qui offre toutes les garanties de droit au demandeur car l'asile est en effet la dignité d'un pays comme le nôtre.

Le deuxième élément consiste à régulariser au cas par cas ceux qui se trouvent encore sur notre territoire en raison de l'incapacité de l'État soit de rendre des décisions d'asile dans un délai raisonnable soit d'exécuter les ordres de quitter le territoire qu'il a donnés !

Vient ensuite le troisième pilier qui justifie les deux premiers car il ne peut y avoir de politique d'asile et de régularisation si pour ceux qui ne bénéficient pas de l'asile ou ne sont pas régularisés, il n'y a pas l'exécution des mesures d'éloignement. Elles ne sont certes agréables pour personne mais elles font partie des exigences de notre État de droit. En ce qui concerne l'exécution de la politique définie par l'ensemble du gouvernement, j'ai personnellement voulu que l'on prenne un maximum de précautions. Et c'est la raison pour laquelle j'ai voulu, pour chacun de ces éléments, disposer d'une task force qui vérifiera que la volonté politique exprimée se traduit bien sur le terrain dans les décisions individuelles.

Vous avez raison en ce qui concerne la régularisation, on est en train de discuter à la Chambre des articles et amendements, et je devrais m'y trouver mais le Sénat souhaitait m'entendre. Il est clair qu'un certain nombre de précisions sont apportées sur la base du texte adopté par le gouvernement. C'est notamment le cas pour les personnes qui ne sont manifestement pas régularisables. Les travaux parlementaires à la Chambre apportent donc déjà des précisions utiles mais que l'on trouve aussi dans les instructions que j'ai données à mon administration qui est tenue d'appliquer les principes de prudence et de précaution.

Je suis très heureux de la question que m'a posée M. Dallemagne . Elle va aussi me permettre de préciser les choses parce que je crois qu'il a une lecture sélective, ou en tout cas partielle, des déclarations que je peux faire.

Premièrement, il n'y a pas eu et il n'y aura pas d'expulsion - avec ou sans contrainte - de véritables Sierra-léonais, c'est-à-dire de personnes que l'on peut raisonnablement, après examen individuel par le CGRA, considérer comme Sierra-léonais, vers la Sierra Leone, la Guinée, le Liberia et la Gambie. En effet, M. Dallemagne ne peut ignorer qu'il y a de nombreuses tentatives de fraudes à ce niveau. Les Sierra-léonais venant par d'autres pays situés à la frontière et qui n'ont pas l'autorisation d'entrer sur le territoire, se voient appliquer les dispositions de la Convention de Chicago, c'est-à-dire que la compagnie aérienne doit les ramener vers l'aéroport de provenance, à l'exclusion des destinations que j'ai indiquées.

Deuxièmement, je confirme que les personnes éloignées ne tombent pas sous les critères de régularisation et je répète que les inadmissibles ne peuvent bénéficier de cette faveur de l'État, étant réputés ne jamais être entrés sur le territoire du Royaume.

Troisièmement, mon administration, l'Office des étrangers, doit vérifier qu'une personne ne répond manifestement pas aux conditions de régularisation. Les dossiers pour lesquels l'Office considère qu'un éloignement est possible, seront soumis à mon délégué ou à moi-même. Par exemple, une personne entrée après le 1er octobre 1999 sur le territoire du Royaume ne peut manifestement pas tomber sous les critères de régularisation. C'est une condition préalable dans le projet en discussion.

Ensuite, monsieur Dallemagne, le moins que l'on puisse dire, c'est que la question de l'immigration est une question de société, un débat fondamental. La volonté de cohabitation des Belges et des étrangers - des personnes établies et des nouveaux venus - ne fait aucun doute. Les Belges sont en effet des gens mesurés et raisonnables. Cependant, une telle cohabitation n'est concevable que si l'entrée des nouveaux arrivants se passe de façon ordonnée, organisée, coordonnée et dans le respect de la loi que les Belges ont voulue.

Une immigration ouverte exclut le contrôle...

M. Georges Dallemagne (PSC). - Je n'ai pas évoqué cet élément mais la question des régularisations.

M. Antoine Duquesne, ministre de l'Intérieur. - Vous avez le droit de ne pas être d'accord. Pour ma part, j'exprime la position du gouvernement.

Une immigration ouverte exclut le contrôle et met, à terme, la cohabitation en danger. Dans le débat portant sur cette matière, la population doit absolument pouvoir se rendre compte que la situation est sous contrôle, qu'il existe des règles en la matière et que celles-ci sont respectées. Sinon, il faudrait craindre des dérapages et peut-être même pour un grand nombre de ceux-ci - ce serait désolant et déplorable - les tentations de l'extrémisme.

Troisièmement, «frontières ouvertes» veut dire que des individus ou des groupes d'individus décident eux-mêmes d'aller s'installer dans un autre pays, pour n'importe quelle raison.

M. Georges Dallemagne (PSC). - Vous entretenez la confusion entre «régularisations» et «frontières ouvertes». C'est là que se pose le problème. Dans l'opinion publique, on a aujourd'hui l'impression qu'en se montrant généreux sur le plan de la régularisation, on mènerait une politique de frontières ouvertes. Ce n'est absolument pas le cas !

M. Antoine Duquesne, ministre de l'Intérieur. - Ayez la patience de m'écouter jusqu'au bout: vous voudriez faire à ma place les questions et les réponses. Peut-être d'ailleurs certaines de mes réponses vous dérangent-elles. Je suis un ancien sénateur et je croyais me souvenir que cette assemblée avait pour tradition d'écouter patiemment les orateurs qui ont la parole. Je suppose que vous lisez la presse, monsieur Dallemagne. Durant la nuit de mardi à mercredi, j'ai défendu ce projet à la Chambre, avec une grande énergie et une grande conviction. J'ai dû résister à la violence, à la brutalité et, dans un certain nombre de cas, à la bêtise d'un certain nombre de personnes qui ne veulent pas comprendre l'intérêt de l'opération de régularisation. J'avais notamment pour objectif d'améliorer la situation sur le plan de l'ordre public.

Je défends ce projet de régularisation avec la même fermeté et je porterai avec conviction le projet de réforme de la procédure d'asile destiné à raccourcir les délais. J'exécuterai avec une énergie comparable l'indispensable politique d'éloignement. Il s'agit de la seule voie raisonnable et d'ailleurs désirée par une large majorité de Belges. Je ne me laisserai pas détourner de sa mise en _uvre par les expressions marginales venues de divers horizons. En d'autres termes, les personnes ayant fait l'objet d'une décision d'éloignement du territoire prise par les organes compétents devront impérativement quitter le Royaume, hormis les cas particuliers relevant des critères applicables en matière de régularisation. Dans l'hypothèse contraire, les procédures d'asile et de régularisation seraient inutiles, sans compter que l'État de droit perdrait sa crédibilité et son fondement.

En conclusion, je résumerai ma pensée en reprenant une formule que j'ai déjà utilisée à maintes reprises: ceux qui peuvent être régularisés le seront, ceux qui ont droit à l'asile le recevront et ceux qui ne peuvent pas rester seront éloignés. Au besoin, ils seront escortés sous la contrainte nécessaire, dans le respect de leur dignité.

M. Georges Dallemagne (PSC). - Permettez-moi tout d'abord de dire combien il est touchant de voir la chef de groupe Ecolo au Sénat venir au secours du ministre de l'Intérieur. (Protestations)

Ma question exprimait essentiellement mes inquiétudes à l'égard des incohérences ou des changements de ton, voire de politique, qui sont apparus au fur et à mesure de l'évolution de ce dossier. Vous avez dit, monsieur le ministre, que les expulsions forcées étaient suspendues tant que la loi n'était pas finalisée. Or, elles ont repris. Vous avez dit qu'il n'était pas question de quota. J'espère qu'ils n'apparaîtront pas bientôt.

Il ne s'agit pas de remettre en cause le projet de régularisation ni de caricaturer ma position en parlant de frontières ouvertes auxquelles je n'ai jamais été favorable. Il s'agit d'être cohérent, clair et précis.

Monsieur le ministre, quand je vous interroge sur les régularisations, vous me parlez de frontières ouvertes et c'est inquiétant. Ce genre d'amalgame, de confusion, n'est pas de nature à favoriser un débat serein dans l'opinion sur la cohabitation des Belges et des non-Belges. Il faut veiller à distinguer la question des personnes qui sont déjà sur notre territoire, que nous côtoyons au jour le jour et pour lesquelles il faut prévoir un processus de régularisation le plus large possible, car elles ne posent pas de problèmes d'ordre public ou d'intégration. J'espère que nous pourrons, à l'avenir, avoir un débat plus clair sur ces questions.

- Het incident is gesloten.

De voorzitter. - De agenda van deze vergadering is afgewerkt.

De volgende vergadering vindt plaats vrijdag 19 november 1999 om 14.30 uur.

(De vergadering wordt gesloten om 19 uur.)