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Mme Anne-Marie Lizin (PS). - Ma question complète celle qui vient d'être posée sur les mutilations sexuelles. Le ministre sait-il que, dans certains hôpitaux de ce pays, des codes INAMI permettent de rétribuer ceux qui pratiquent des reconstructions d'hymens demandées en fait pour pouvoir «bien marier» les filles ? Sous le couvert de pratiques culturelles ou plutôt cultuelles - le terme me paraît plus approprié ! - on pratique ces reconstructions dans des hôpitaux de notre pays et on y délivre des certificats de virginité. Ces pratiques servent en fait à mieux vendre ces jeunes filles! En effet dans toute une série de cultures d'Afrique de l'Ouest, le père touche alors une dot plus importante. Il s'agit là d'un marchandage inacceptable ! Quand on constate que, dans notre pays, on délivre de tels certificats et que ces pratiques sont couvertes par un code INAMI, je pense qu'il est temps d'y mettre fin.
Le ministre est-il au courant de ces pratiques ? Peut-on envisager de mettre un terme à ces tolérances culturelles ou cultuelles qui ne sont pas de mise ? Il s'agit pour moi de complicité objective à un marché qui est, je pense, illégal au regard du droit belge ?
M. Frank Vandenbroucke, ministre des Affaires sociales et des Pensions. - La nomenclature ne prévoit pas de prestation spécifique pour la reconstruction de l'hymen. À la suite d'une question posée en 1982, les organes de l'INAMI compétents pour interpréter la nomenclature ont décidé d'assimiler cet acte à la prestation n°431756-431760 «Plastique vaginale et vulvaire» d'une valeur de 3 337 francs suivant l'indice actuel des prix à la consommation.
La demande de délivrance de certificats de virginité ou de reconstruction de l'hymen n'est pas exceptionnelle. Les motifs de la demande de certificat de virginité peuvent être divers. Il arrive qu'un tel certificat soit demandé avant la conclusion d'un mariage civil selon le droit étranger. Il peut aussi arriver qu'un certificat soit demandé pour des motifs religieux. Une troisième raison peut être que la famille du futur époux réclame une preuve de virginité. Dans tous ces cas, il appartient au médecin d'accéder ou non en son honneur et conscience à cette demande de certificat et d'en déterminer les modalités. Un médecin traitant minutieux vérifiera en premier lieu si la demande est bel et bien formulée par la femme elle-même et s'enquerra des motifs sous-jacents possibles. Sur la base de l'entretien et, le cas échéant, d'un examen, le médecin décidera en honneur et conscience ce qui peut être confirmé sous forme de certificat. La question de la reconstruction de l'hymen se pose régulièrement dans la pratique médicale. Dans la majorité des cas, il s'agit de jeunes filles qui sont soumises à de fortes pressions psychologiques avant leur mariage étant donné le tabou qui, dans de nombreuses cultures, est lié aux rapports sexuels avant le mariage. La pression psychologique peut être tellement forte qu'elle conduit parfois au suicide. Par ailleurs, le fait que la perte de la virginité se sache peut entraîner de sérieux conflits et l'exclusion sociale, voire la violence à l'encontre des femmes. Dans ces conditions, la reconstruction de l'hymen - intervention simple - est une solution. Il serait injustifié d'en supprimer le remboursement. Si les frais étaient portés intégralement à charge de l'intéressée, qui en règle générale dépend encore de ses parents, l'accès à l'intervention deviendrait très difficile.
Les mêmes exigences de minutie sont d'application ici. C'est le médecin qui doit vérifier si la demande émane réellement de l'intéressée et voir quels en sont les motifs.
Il n'est bien sûr pas exclu que des jeunes filles puissent être contraintes à la reconstruction de l'hymen. C'est ce qui se produit lorsque l'entourage a connaissance de la perte de virginité et cherche une solution défendable afin d'éviter de perdre l'honneur. Pour autant que la jeune fille consente à l'intervention, il est difficile de considérer cette intervention comme inacceptable du point de vue remboursement.
Mme Anne-Marie Lizin (PS). -Il ne s'agit pas d'un petit problème. Il est fondamental de savoir jusqu'où nous pouvons tolérer la reconnaissance de pratiques culturelles sur notre territoire. Dans le cas qui nous occupe, ces pratiques faisant l'objet de codes INAMI, on peut considérer que nous finançons des pratiques médiévales de ventes de jeunes filles ! Ce certificat sert uniquement à obtenir une dote supplémentaire ! Vous avez reconnu vous-même que les jeunes filles sont soumises à de graves pressions : elles sont battues et parfois même assassinées si elles ne cèdent pas. De telles pratiques relèvent du droit belge et sont illégales! Nous menons de grands débats éthiques sur des problèmes difficiles. Or, il s'agit ici aussi d'un débat de société, éthique, fondamental ! Nous ne pouvons plus continuer à tolérer ces pratiques sur notre territoire. Nous continuerons le combat pour que vous ne les autorisiez plus dans les hôpitaux car vous leur donnez ainsi le sentiment d'une reconnaissance officielle et, accessoirement, un paiement et une rémunération.
J'ai malheureusement entendu votre réponse, je la regrette et je vous demanderai de la revoir au fur et à mesure des prises de conscience que ce genre d'injustice engendre.
M. Frank Vandenbroucke, ministre des Affaires sociales et des Pensions. - Je suis d'accord pour dire qu'il s'agit d'un débat fondamental. Ce qui relève de ma compétence, c'est la question du remboursement. Selon moi, c'est un problème de conscience pour le médecin. Plusieurs raisons peuvent amener une patiente à demander une reconstruction d'hymen ou un examen. Je pense que l'on ne peut pas entamer ce débat par le biais du remboursement. Il y a, dans certains cas, une problématique médicale plus large. Je crois par ailleurs que si un médecin juge, en honneur et conscience, qu'il peut éviter un véritable drame humain en procédant à cet examen, on ne peut le lui reprocher.
Je reconnais que le problème est sérieux dès lors qu'il s'agit de contraintes culturelles. Sur ce point, nous sommes d'accord. Je ne veux toutefois pas utiliser l'instrument du remboursement pour évaluer les problèmes alors que le débat est beaucoup plus profond. A ce niveau, nous ne partageons pas le même point de vue.