2-13 | 2-13 |
Mme Marie-Josée Laloy (PS). - Une association flamande a mené une enquête auprès d'hôpitaux flamands et bruxellois sur la détection de mutilations sexuelles féminines. Un médecin sur six a reconnu avoir été confronté à des patientes ayant subi de telles mutilations: ils avaient dû «désinfibuler» ces femmes pour procéder à l'accouchement.
Certaines de ces femmes se trouvent actuellement en instance d'expulsion. Cette violence à l'égard des femmes est reconnue dans certains pays, au Canada notamment, comme un motif légitime permettant de bénéficier du droit d'asile. Des tribunaux européens ont réagi dans le même sens. Dès 1994 d'ailleurs, le HCR déclarait qu'une femme peut prétendre au statut de réfugiée si elle ou ses filles redoutent d'être soumises à des mutilations sexuelles contre leur gré, ou si elles craignent d'être persécutées pour avoir refusé de se soumettre à ces pratiques.
Le ministre peut-il me faire savoir si son administration est informée des pratiques existant en Belgique, si des poursuites ont déjà été intentées sur cette base devant nos juridictions et si la Belgique est disposée à appliquer la Convention de Genève au bénéfice des femmes victimes de ces pratiques ?
M. Marc Verwilghen, ministre de la Justice. - Lorsque j'ai reçu le texte de la question orale de Mme Laloy, j'ai pris contact avec M. le procureur général près la Cour d'appel de Bruxelles afin d'être informé de l'existence éventuelle de poursuites. En effet, après avoir reçu ce document, j'ai interrogé mon administration, laquelle m'a affirmé ne pas être au courant du problème soulevé.
Je vous donne lecture de la réponse que j'ai reçue du procureur général : «En réponse à votre demande de ce jour, j'ai l'honneur de vous faire savoir que selon les renseignements que j'ai pu recueillir auprès du parquet de Bruxelles, il résulte des recherches qui ont pu être réalisées dans le bref délai imparti, qu'aucune information n'a été ouverte pour des faits de mutilations sexuelles au cours de ces dernières années. Les médecins légistes requis habituellement par le parquet n'ont pas souvenance d'avoir été amenés à constater de telles mutilations à l'occasion d'expertises médico-légales. Si de tels faits étaient dénoncés au parquet, celui-ci ne manquerait pas de les traiter avec toute l'attention et la diligence requises. Dans l'état actuel du droit pénal, de telles atteintes à l'intégrité physique devraient être qualifiées de coups et blessures volontaires ayant entraîné soit une mutilation grave, soit une perte de l'usage absolu d'un organe.» C'est d'ailleurs l'application de l'article 400 du Code pénal, comme vous le savez sans doute.
Vous savez également que le projet de loi relative à la protection pénale des mineurs, adopté par la Chambre le 1er avril 1999 et évoqué par le Sénat avant la fin de la précédente législature, prévoyait en son article 25 d'insérer dans notre Code pénal une infraction spécifique permettant de sanctionner quiconque aura volontairement pratiqué, facilité ou favorisé toute forme de mutilation des organes génitaux d'une personne de sexe féminin avec ou sans consentement de cette dernière. L'absence de plainte ou de constat, alors que des médecins ont déclaré dans l'enquête évoquée par Mme Laloy qu'ils avaient déjà été amenés à constater l'existence de mutilations sexuelles, provient sans doute du fait que de telles agressions sont le plus souvent commises dans les pays d'origine des victimes, du rôle joué par des facteurs culturels et religieux et, enfin, du respect par les médecins du secret professionnel auquel ils sont tenus.
Je tiens à ajouter que même si aucune poursuite ou information n'est arrivée au parquet de Bruxelles, il ne faut pas nier l'existence du problème. Je suppose que si les médecins le soulèvent, ils ont vraisemblablement voulu donner un signal. Je ne puis qu'inviter soit les médecins, soit les victimes à introduire néanmoins leur plainte puisque nous connaissons la suite qui y sera réservée.
Enfin, en ce qui concerne le point de savoir si la Belgique est disposée à appliquer la Convention de Genève au bénéfice des femmes victimes de ces pratiques, j'ai proposé, à l'instar du ministre de l'Intérieur, M. Duquesne, que le Conseil des ministres se prononce le plus rapidement possible sur cette question.