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Belgische Senaat

Parlementaire handelingen

DONDERDAG 28 OKTOBER 1999 - NAMIDDAGVERGADERING

(Vervolg)

Mondelinge vraag van de heer Philippe Mahoux aan de minister van Binnenlandse Zaken en aan de minister van Justitie over «de gegevensbank van Europol» (nr. 2-15)

De voorzitter. - Minister Verwilghen zal antwoorden namens minister Duquesne.

M. Philippe Mahoux (PS). - Je voudrais demander à monsieur le ministre s'il est exact qu'un texte élaboré à Tampere, en conseil de ministres, relatif à la banque de données Europol, stipule qu'« Europol précise si des données afférentes à l'origine raciale, aux croyances religieuses ou autres, aux opinions politiques, à la vie sexuelle ou à la santé peuvent être introduites dans le fichier d'analyse ».

Cet extrait est cité dans un article publié dans le journal Le Monde du mercredi 20 octobre 1999.
Si la citation est correcte, il apparaît que ce texte revient à confier à Europol l'organisation et la définition du contenu de sa banque de données, en ce compris les données relatives à la vie privée.

Dans la plupart des pays européens, et bien sûr en Belgique, la constitution de fichiers est réglée par la loi et ceux-ci ne peuvent contenir, sauf exceptions particulières, de données portant atteinte à la vie privée. Il semble donc très étonnant qu'une telle dérogation générale puisse être accordée au bénéfice d'une banque de données internationale qui n'est pas soumise à un contrôle démocratique.

Si ces faits étaient établis, je souhaiterais connaître la position du gouvernement belge quant à cette dangereuse dérive.

Et je souhaiterais que le gouvernement belge fasse tout ce qui est en son pouvoir pour apporter des corrections à ce texte de manière à apporter toutes les garanties nécessaires au respect de la vie privée des citoyens de l'Union européenne.

M. Marc Verwilghen, ministre de la Justice. - Je puis apporter immédiatement une réponse à la question de M. Mahoux. Aucun texte relatif à la banque de données d'Europol n'a été élaboré au sommet de Tampere, comme M. Cohn-Bendit l'affirme dans l'article paru dans Le Monde. C'est avec plaisir que je mets à votre disposition une copie en français des conclusions de la présidence du sommet européen qui s'est tenu à Tampere en Finlande. Vous pourrez ainsi vous rendre compte des décisions qui ont été prises.

Néanmoins, sur le fond, il est vrai qu'Europol sera amené à traiter des données dites sensibles. Il s'agit de données à caractère personnel, comme l'origine raciale, les opinions politiques, les convictions religieuses ou autres ainsi que les données relatives à la santé ou à la vie sexuelle. Ces données, qui sont énumérées à l'article 6 de la convention du Conseil de l'Europe du 21 janvier 1981 sur la protection des personnes à l'égard du traitement automatisé des données à caractère personnel, en vigueur en Belgique depuis la loi du 17 juin 1991, nécessitent une protection toute particulière. La collecte, le stockage et le traitement de ces données particulières ne sont autorisés que dans deux cas.

Premier cas : s'ils sont strictement nécessaires à la tenue du fichier concerné.

Deuxième cas : s'ils complètent d'autres données personnelles enregistrées dans ce même fichier.

Il est interdit de sélectionner une catégorie particulière de personnes à partir des seules données de l'article 6, première phrase de la convention du Conseil de l'Europe que je viens de vous citer. Tout fichier automatisé doit faire l'objet, de la part d'Europol, d'une instruction de création soumise à l'approbation du conseil d'administration et indiquant la dénomination du fichier, l'objet du fichier, les catégories de personnes concernées par les données qu'il contiendra et, enfin, le type de données à stocker et éventuellement les données strictement nécessaires parmi celles énumérées à l'article 6, première phrase de la convention du Conseil de 1981.

L'acte du Conseil du 3 novembre 1998 adoptant les règles applicables aux fichiers d'Europol créés à des fins d'analyse prévoit à l'article 5 que dans l'instruction de création du fichier, Europol doit en outre préciser si des données afférentes à l'origine sensible peuvent être introduites dans le fichier d'analyse pour les catégories concernées et les raisons pour lesquelles ces données sont considérées comme absolument nécessaires aux fins du fichier d'analyse concerné.

Deux volets importants sont prévus : le niveau national et le niveau européen. Au niveau national, la création d'un fichier d'analyse est soumise au contrôle des autorités policières et la transmission de données à caractère personnel est soumise à la législation belge sur la protection de la vie privée.

Mon administration a été chargée, en étroite collaboration avec le Collège des procureurs généraux et la division coopération policière internationale du Service général d'appui policier, d'élaborer une circulaire ministérielle, cosignée par le Collège des procureurs généraux, qui règle le contrôle des autorités de la coopération policière internationale dans ce domaine.

Au niveau européen, la création d'un fichier d'analyse est soumise à l'accord préalable du conseil d'administration d'Europol, après avis de l'organe de contrôle commun.

Comme vous pouvez le constater, toutes les garanties d'un contrôle efficace sont prévues par les autorités compétentes aux deux niveaux.

J'espère que cette réponse apaise vos craintes relatives au respect de la vie privée des citoyens de l'Union européenne et je vous remettrai comme prévu les conclusions de la présidence.

M. Philippe Mahoux (PS). - Vous confirmez donc, monsieur le ministre, que dans les conclusions de la présidence à Tampere, rien n'est dit sur les points qui me préoccupent. En même temps, vous dites que ceux-ci ont été abordés au cours de discussions qui y ont eu lieu. Ces préoccupations existent donc, qu'elles aient été abordées au niveau de la présidence ou dans un autre cadre importe d'ailleurs peu.

Vous avez rappelé les règles que nous avons adoptées en Belgique en ce qui concerne la protection de la vie privée, notamment sur le plan de la constitution de fichiers, du contrôle et des conditions dans lesquelles celui-ci peut avoir lieu. Le Sénat a d'ailleurs largement travaillé à ce problème.

J'ai un objet d'inquiétude sur le plan européen : la structure elle-même est chargée du contrôle. Vous parlez de conseil d'administration d'Europol alors que ces fichiers sont constitués dans le cadre d'Europol. C'est fondamentalement différent des règles que nous avons adoptées dans notre pays. Je continue donc à considérer qu'il importe, à la fois pour le parlement et pour le gouvernement, de s'assurer que la constitution de ces fichiers sur le plan européen fasse l'objet des mêmes garanties que celles que nous avons obtenues à l'échelon belge. À cet égard, je serai attentif à l'évolution du dossier dans les prochaines semaines. J'espère que le gouvernement travaillera dans ce sens.

M. Marc Verwilghen, ministre de la Justice. - Les préoccupations de M. Mahoux relatives au niveau européen sont partiellement justifiées. Je dois néanmoins lui signaler qu'en première instance, nous n'avons pas abordé ce sujet à Tampere, ni à Turku lors des débats préparatoires en matière de Justice et d'Affaires intérieures. Les éléments existaient déjà auparavant et il va de soi qu'un contrôle plus transparent doit être possible.

À cet effet, nous avons décidé à Tampere d'activer Europol mais aussi d'établir un Eurojust, ce qui est un peu le pendant de ce que nous connaissons en Belgique entre services de police et contrôle judiciaire exercé soit par le parquet, soit par le juge d'instruction. Nous sommes dans une voie semblable et la Belgique a insisté auprès de l'Europe pour que cet Eurojust soit réalisé le plus rapidement possible. C'est la seule façon d'exercer un contrôle direct sur les éléments qui sont à la disposition d'Europol. Des garanties identiques existeront ainsi tant sur le plan national que sur le plan européen.