Questions et Réponses

Sénat de Belgique


Bulletin 2-9

SESSION DE 1999-2000

Questions posées par les Sénateurs et réponses données par les Ministres

(Fr.): Question posée en français - (N.): Question posée en néerlandais


Ministre de la Justice

Question nº 376 de M. Van Quickenborne du 26 janvier 2000 (N.) :
Forces armées belges. ­ Désertion. ­ Tribunaux militaires. ­ Réforme.

Un homme a récemment été accusé et condamné du chef de désertion pour ne pas avoir accompli son service militaire, ne pas avoir rejoint les rangs de l'armée le 28 mars 1993 et ne s'être présenté aux autorités militaires que le 21 juin 1999.

Le Conseil de guerre juge les faits établis. Il considère qu'il s'agit d'une « infraction grave à la discipline militaire, et que la situation complètement modifiée en ce qui concerne le service militaire n'enlève rien au fait que la manière d'agir de l'inculpé doit être qualifiée d'asociale et contraste défavorablement avec celle des autres miliciens qui ont accompli correctement leur service ».

Il s'agissait en l'espèce d'un jeune homme né au Brésil (possédant la nationalité brésilienne en vertu du ius soli ), de mère belge (possédant donc la nationnalité belge en vertu du ius sanguinis ) et de père suisse (ce qui lui confère également la nationalité suisse). Il n'avait jamais mis les pieds en Belgique et exerçait jusqu'à cette date la profession de danseur professionnel, ses activités l'amenant à se produire partout dans le monde.

Quelque 1 600 dossiers seraient encore pendants, assez pour permettre aux juridictions militaires de se maintenir en vie et leur permettre de réclamer chaque année une part du gâteau des crédits affectés à la justice.

De toute évidence, le Conseil de guerre s'occupe en traitant encore de tels dossiers faute d'avoir autre chose à faire. La supression du service militaire a en effet entraîné une diminution considérable du volume de travail et on tente de se maintenir en vie en traitant ce type de dossiers.

Par ailleurs, une telle juridiction, dans laquelle siègent chaque fois quatre militaires, est désuète.

Les peines prononcées sont souvent beaucoup plus lourdes que celles des tribunaux civils, bien qu'il s'agisse parfois de délits civils ordinaires (ivresse, pédophilie, etc.).

Parallèlement à cela, d'autres juridictions souffrent d'une pénurie de magistrats, l'arriéré est devenu immense, certains magistrats sont surchargés tandis que d'autres ne savent pour ainsi dire pas quoi faire.

J'aimerais dès lors poser à l'honorable ministre les questions suivantes :

1. Est-il exact que quelque 1 600 dossiers de ce type sont encore pendants au Conseil de guerre ? Dans l'affirmative, l'honorable ministre juge-t-il opportun de maintenir les poursuites à l'encontre des personnes concernées ou envisage-t-il, le cas échéant, une forme d'amnistie ?

2. Comment l'honorable ministre évalue-t-il les activités et la répartition des tâches entre ces cours et tribunaux ?

3. Pouvez-vous donner un aperçu du taux d'activité et de l'arriéré éventuel auquel ces tribunaux sont confrontés ?

4. Y a-t-il des projets dans le sens d'une réforme, d'une modernisation et d'une intégration de ces institutions ?

Réponse : 1. Il est exact qu'environ 1 600 procédures répressives sont actuellement pendantes à l'auditorat militaire de Bruxelles qui concernent les désertions, toujours en cours, portant sur des périodes de plusieurs mois à plusieurs dizaines d'années.

Une large partie de ces procédures concernent d'ailleurs des désertions commises avant la décision de suspension du service militaire.

Ces dossiers font l'objet d'un examen complet, mais ne sont pas nécessairement poursuivis devant le Conseil de guerre, bien au contraire. Le ministère public auprès du Conseil de guerre n'engage d'ailleurs de poursuites pénales dans ce domaine qu'en s'appuyant de façon motivée sur des critères objectifs, uniformes et arrêtés dès que la suspension du service militaire a été décidée.

Pour rappel, la loi n'a nullement instauré une dépénalisation de la désertion ou une amnestie pour ces infractions. Un classement aveugle et intégral des dossiers considérés créerait une discrimination arbitraire au regard de la loi pénale entre les personnes qui ont satisfait à leurs obligations au profit de la communauté et des personnes qui se sont consciemment soustraites à ces mêmes obligations.

2. Les accords octopartites prévoient la suppression des juridictions militaires. Les effectifs ont déjà été réduits au minimum.

3. a) Le niveau d'activité de la juridiction militaire, relatif à l'année 1997, a été publié comme suit dans la Revue de droit pénal et de criminologie (RDP, 1998, p. 1143) :

Durant l'année 1997, la juridiction militaire de première instance a assuré l'encadrement judiciaire des Forces armées avec un effectif de 12 magistrats et de 18 greffiers.

Ceux-ci ont été assistés par un service de police judiciaire composé de 28 gendarmes répartis à Bruxelles, Liège, Gand, Cologne et Béli-Monastir (Slavonie).

Cet effectif a traité, dans les trois rôles linguistiques nationaux, les infractions commises par les militaires tant en Belgique qu'à l'étranger, soit, de façon permanente, sur les territoires de la RFA et de l'ex-Yougoslavie et, de façon occasionnelle, en Espagne, en Italie, en France et en Grande-Bretagne.

Durant cette période, 7 927 dossiers répressifs ont été traités par la juridiction militaire.

Parmi d'autres décisions, 39 % de ces dossiers ont donné lieu à un classement sans suite; 7 % ont fait l'objet de poursuites devant le Conseil de guerre; 10 % ont été clôturés par transaction et 2 % a été renvoyé à la discipline de corps.

La ventilation de ces dossiers par type d'infraction s'est effectuée comme suit :

Nombre %
Infractions militaires 812 11
Roulage 3 293 44
Atteinte aux biens 1 059 14
Atteinte aux personnes 995 13
Stupéfiants 103 1
Moeurs et famille 354 5
Autres 899 12

Dans des conditions semblables, 6 975 dossiers répressifs ont été traités par la juridiction militaire au cours de l'année 1998.

Il est à relever que près de 40 % de ces procédures concernent des infractions commises hors du territoire belge.

b) La juridiction militaire ne connaît pas d'arriéré judiciaire.

Selon les années, les auditorats militaires clôturent 95 à 97 % des dossiers dont ils sont saisis dans les quatre mois de l'ouverture de ces dossiers.

4. Mes services sont activement occupés à préparer des textes en exécution des accords octopartites.

Le contentieux et le personnel actuels des juridictions militaires seront à terme intégrés dans d'autres juridictions.