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Sénat de Belgique

Annales parlementaires

JEUDI 14 OCTOBRE 1999 - SÉANCE DE L'APRÈS-MIDI

(Suite)

Question orale de M. Philippe Mahoux au ministre de la Justice sur «les ressortissants rwandais faisant l »objet d »une enquête en Belgique sur leur participation supposée dans le génocide du Rwanda» (n° 2-3)

M. Philippe Mahoux (PS). - Permettez-moi de vous interroger, comme je l'ai déjà fait avec vos prédécesseurs, sur l'évolution des dossiers judiciaires de ressortissants rwandais vivant en Belgique et présumés génocidaires.

Vous n'êtes pas sans savoir, Monsieur le ministre, que dans le cadre de l'enquête de la Commission Rwanda, nous avions été fortement surpris par le retard apporté par le parquet, et ce pour des raisons objectives ou subjectives, dans le traitement de dossiers dont l'instruction paraissait selon nos informations terminées.

J'aimerais connaître les informations dont vous disposez en ce qui concerne le suivi du traitement judiciaire des dossiers de génocidaires rwandais présumés, vivant en Belgique. Les dossiers concernés figurent dans notre rapport et sont également mentionnés dans les réponses apportées par vos prédécesseurs, dont nous avons pu prendre connaissance.

Je pense que, dans le respect du secret de l'instruction, le Parlement est en droit d'obtenir des informations sur le suivi judiciaire que le parquet de Bruxelles réserve à ces dossiers, notamment au vu des conclusions de la Commission d'enquête parlementaire.

Votre prédécesseur nous avait annoncé des renvois, éventuellement en Cour d'assises. Qu'en est-il ? Il est primordial d'obtenir des réponses claires à cette question pour le bien des relations belgo-rwandaises, mais surtout pour rompre avec ce que l'on a déjà maintes fois qualifié de « culture d'impunité ». Les événements en termes d'accueil d'étrangers que nous vivons actuellement doivent nous faire prendre en considération la présence, sur notre territoire, d'individus présumés génocidaires. Pour le peuple rwandais et pour les familles des dix paracommandos assassinés à Kigali, il est important que nous obtenions des réponses à ces questions.

Par ailleurs, monsieur le ministre, pouvez-vous apporter des informations au Parlement sur la demande d'extradition introduite par la Belgique au niveau de la Tanzanie en ce qui concerne le major N'Tuyaga qui, le 7 avril 1994, a « accompagné » les paras de la maison de la première ministre de l'époque jusqu'au camp Kigali où ils ont été assassinés.

M. Mark Verwilghen, ministre de la Justice. - Après la Commission parlementaire sur le Rwanda, la question posée par M. Mahoux me semble tout à fait pertinente.

Dès mon entrée en fonction en juillet, je me suis occupé du dossier Rwanda. En effet, comme vous, j'avais lu dans la presse qu'un procès pouvait débuter au mois de septembre de cette année.

Le 26 août 1999, à la question tant orale qu'écrite que je lui avais posée le 29 juillet dernier, le Procureur général de Bruxelles m'a informé que le procès contre trois personnes aurait lieu au cours de cette année judiciaire. Cependant, il n'a pas pu m'indiquer une date plus précise compte tenu de l'agenda particulier des sessions de la Cour d'assises de Bruxelles et du règlement de procédures qui devait encore intervenir en cette matière.

Les poursuites en Belgique concernent, à l'heure actuelle, onze dossiers à l'instruction et vingt dossiers à l'information. En outre, trois dossiers devraient être soumis à l'appréciation de la Cour d'assises de Bruxelles avant la fin de l'année judiciaire, voire avant la fin l'année civile.

Deux procédures distinctes ont été ouvertes à l'égard de plusieurs ressortissants rwandais. Il convient de joindre ces procédures étant donné que les faits criminels reprochés à trois ressortissants rwandais se sont déroulés au même endroit. Le procureur général demandera la jonction des instructions en vue d'engager un seul procès d'assises, et ce pour de strictes raisons d'économie de procédure.

Enfin, je tiens à rappeler que, dès 1996, la justice belge a transféré plusieurs dossiers au tribunal pénal international, notamment ceux de MM. Bagosora et Ruggiu, ainsi que le procureur général près la Cour d'appel de Bruxelles l'a mentionné récemment dans sa mercuriale à l'occasion du début de l'année judiciaire. Il a précisé qu'il mettrait tout en oeuvre pour que les procédures relatives au drame du Rwanda dont Bruxelles est chargée aboutissent.

En conclusion, je puis vous assurer que les accusés seront jugés et les coupables punis. Je voudrais encore attirer l'attention sur le fait que le statut de réfugié politique en Belgique ne met pas la personne qui en bénéficie à l'abri d'éventuelles poursuites judiciaires, d'autant que la justice belge est pleinement compétente pour sanctionner les crimes de génocide, les crimes de guerre et les crimes contre l'humanité, même s'ils ont été commis en dehors du territoire belge.

M. Philippe Mahoux (PS). - Je remercie le ministre pour sa réponse, en saluant au passage la célérité avec laquelle il a interrogé le procureur général de Bruxelles.

Quant au fond, je crois que la réponse donnée par ce dernier est quasiment identique à celles fournies aux deux questions orales que j'avais posées sous la législature précédente.

Bref, si je puis marquer ma satisfaction par rapport à la démarche accomplie par le ministre, je reste par contre sur ma faim en ce qui concerne le contenu de son intervention. En effet, cette lenteur, qui ne tient pas seulement à un problème de procédure , continue à me paraître tout à fait anormale. Je souhaiterais qu'une évolution significative se produise car je ne comprends pas pourquoi il est tellement malaisé d'obtenir une décision, quelle qu'elle soit, de la Chambre du conseil au terme de l'instruction. À cet égard, je redoute effectivement que le facteur temps ne soit utilisé à des fins suspectes.

Quoi qu'il en soit, je ne mets évidemment pas en doute la bonne volonté du ministre dans ce dossier en dépit de mon constat concernant les réponses communiquées par le procureur général de Bruxelles.

M. Mark Verwilghen, ministre de la Justice. - J'ai eu le même sentiment que M. Mahoux en lisant la réponse du Parquet général. Le problème se situe non seulement au niveau de la lenteur mais également au niveau d'un manque d'éléments précis, pourtant indispensables dans ce cas.

J'ai donc demandé au Procureur général de me fournir des explications précises en matière de lieu et de date, de même que sur les questions posées.

Par ailleurs, je comprends parfaitement que des réglementations doivent encore intervenir en ce qui concerne les procédures, aussi bien au niveau de la chambre du Conseil que de la chambre des mises en accusation, puisqu'il s'agit de renvoi devant les Cours d'assises.

Le sentiment exprimé par M. Mahoux est également le mien et je veillerai à obtenir une réponse plus claire.