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M. Georges Dallemagne (PSC). - Lors de votre discours du 25 septembre à la tribune de l'assemblée générale des Nations unies, vous annonciez, monsieur le vice-premier ministre, que « nous, Belges, sommes instinctivement intéressés par le sort de l'Afrique centrale ».
Vous songiez dans ce même discours à un réel pacte de partenariat avec les pays d'Afrique centrale inspiré du pacte de stabilité pour les Balkans, tout en excluant au même moment la République démocratique du Congo et en particulier son Président Kabila, mettant en cause sa « méthode » et l'interdiction de détention de devises. Vous avez déclaré qu'il n'était plus un interlocuteur valable. Mais, en même temps, vous donniez l'impression de vouloir « raccrocher le wagon belge à la locomotive franco-britannique ». Vos collègues Cook et Védrine vous avaient en effet devancé de quelques longueurs. Vous arriviez de manière simultanée à n'entrevoir de politique africaine que dans le cadre européen et à pester contre une tentative de rapt de votre bébé africain - je cite Le Soir - par un complot suédo-néerlando-allemand...
Dans le cadre de cette politique dont je dois avouer qu'elle m'apparaît confuse, vous laissez soigneusement le Parlement de côté. Ainsi, vous n'avez toujours pas déposé à la Chambre le rapport trimestriel sur notre politique à l'égard de l'Afrique centrale, rapport qui avait été demandé durant la législature précédente par les libéraux. Pourriez-vous toutefois nous préciser les buts et éventuellement les résultats de la mission exploratoire - annoncée par la presse ce lundi - de quatre hauts fonctionnaires des Affaires étrangères auprès du gouvernement de M. Kabila, et ainsi éclairer le Parlement sur la nouvelle « grande politique africaine instinctive » menée par notre pays ?
M. Louis Michel, vice-premier ministre et ministre des Affaires étrangères. - Je voudrais d'abord émettre une considération. Peut-être est-ce une habitude au Sénat, mais il me paraît surprenant de poser une question orale d'une portée aussi générale. D'habitude, un tel développement trouve sa place dans une demande d'explications.
De voorzitter. - Mijnheer de vice-eerste minister, ik heb de heer Dallemagne hierop attent gemaakt. Het einde van de vraag is conform een mondelinge vraag, maar het opschrift niet.
M. Louis Michel, vice-premier ministre et ministre des Affaires étrangères. - Cette remarque n'est nullement un reproche. M. Dallemagne est un nouveau sénateur qui ignorait sans doute ces subtilités.
Je voudrais rappeler à M.Dallemagne que je suis ministre des Affaires étrangères depuis environ trois mois. Il est donc sévère de me reprocher de ne pas encore avoir présenté une note sur ma politique africaine. Vous conviendrez sans doute qu'une note sur pareille matière est importante et qu'il serait assez irresponsable pour un ministre qui vient de prendre ses fonctions de se lancer dans une note de politique africaine, sans aucune investigation, sans aucune démarche exploratoire, sans aucune recherche d'informations. Rassurez-vous, cette note de politique africaine viendra, plus que probablement dans les prochaines semaines.
Elle visera à réunir un consensus parlementaire suffisamment large parce que je pense intimement que les lignes de force de la politique des Affaires étrangères doivent être portées par la majorité mais aussi, si possible, par des courants importants de l'opposition. Ce débat sera donc ouvert.
Cela dit, j'ai essayé de cerner un certain nombre de vos préoccupations. J'ai effectivement affirmé à plusieurs reprises la volonté du gouvernement belge de placer la coopération avec l'Afrique centrale parmi les préoccupations prioritaires de son action. Il est vrai que mon discours à l'assemblée générale des Nations unies, en septembre dernier, y a fait une large référence. J'y ai publiquement énoncé l'idée de conclure ce que j'appelle un réel pacte de partenariat avec les pays d'Afrique centrale. Ce pacte devrait s'inscrire dans une véritable stratégie de collaboration volontaire et respectueuse de chacun des pays signataires, africains ou autres. Ce pacte devrait, par le soutien des grands organismes financiers, permettre de réactiver les outils économiques et de valoriser le développement social et démocratique des pays inscrits dans la dynamique du partenariat. Il implique toutefois que les pays de la région s'engagent sur la voie de la paix, ce qui signifie dans l'immédiat qu'ils s'engagent de bonne foi dans la mise en oeuvre des accords de Lusaka. Dans ce contexte, la Belgique entend jouer un rôle dynamique et de présence sur le terrain. Comme je l'avais annoncé, j`ai consacré les deux mois qui viennent de s'écouler à une large information par de très nombreux contacts personnels à Bruxelles et à New York et j'ai récemment envoyé de hauts fonctionnaires et des experts civils de l'Afrique centrale dans cette région en vue de la préparation d'une note sur la nouvelle politique que le gouvernement entend mener dans cette région. Cette note sera donc finalisée sur la base des conclusions qui seront tirées de la mission conduite par le secrétaire général de mon département. L'envoi de cette mission du secrétaire général est en lui-même déjà un signe de notre volonté d'engagement et d'initiative de la diplomatie belge en Afrique centrale, en particulier par rapport à la situation congolaise qui est évidemment importante par son influence sur la stabilité régionale et continentale. Un des éléments importants d'appréciation du goodwill congolais est indiscutablement le débat national. Je suis personnellement intimement convaincu que si, au Congo, le débat national ne se déclenche pas dans les conditions adéquates, ce pays pourra difficilement éviter une certaine forme d'isolement dramatique.
Le secrétaire général a éclairé ses interlocuteurs, en particulier le président Kabila, sur les principes et les lignes directrices de la politique que je veux mener: respect des droits de l'homme, démocratisation et relèvement économique et social de la région par le biais d'un pacte entre l'Europe et l'Afrique centrale, dont la finalité est de remplacer dans la région la logique de confrontation par une logique de coopération. La Belgique agit dans ce dossier en concertation avec plusieurs partenaires européens qui sont, comme nous, particulièrement préoccupés par la situation en Afrique centrale, à savoir le Royaume-Uni, la France et les Pays-Bas, lesquels se montrent assez récemment intéressés; l'Allemagne et le Portugal s'ouvrent également à cette perspective. Les contacts nécessaires sont aujourd'hui en cours.
Cette approche européenne commune s'est d'ailleurs manifestée sur mon initiative lundi dernier au conseil Affaires générales et par la déclaration présidentielle qui a été adoptée. À propos de la volonté européenne de soutenir financièrement la mise en oeuvre de l'accord de Lusaka, en particulier la commission militaire conjointe créée par cet accord sur le plan national, je proposerai également au conseil de ministres d'approuver une contribution financière à cette commission. Je rappellerai également que la Belgique met cinq officiers de liaison à la disposition des Nations unies dans le cadre de cet accord.
En ce qui concerne les mesures économiques prises par les autorités congolaises, il va de soi que celles-ci sont prises dans le cadre de la souveraineté de la République démocratique du Congo.
Il n'en reste pas moins vrai que si ces mesures sont de nature à inquiéter les investisseurs potentiels en République démocratique du Congo, on peut, me semble-t-il, dans le cadre d'un dialogue franc, prévenir ces mêmes autorités des réactions de ces investisseurs.
Je tiens à ouvrir ici une parenthèse car vous avez abondamment cité Le Soir. Il est aussi de tradition parlementaire que lorsqu'on cite un journal, on cite de façon précise ce qui est entre guillemets et par ailleurs les commentaires personnels du journaliste ou le reflet d'ambiance qui appartient à celui-ci. Cela aussi fait partie de la pratique parlementaire. Je crois que vous finirez par l'apprendre et si vous n'y parvenez pas, on vous aidera à le comprendre.
Mme Magdeleine Willame-Boonen (PSC). - C'est de l'arrogance !
M. Louis Michel, vice-premier ministre et ministre des Affaires étrangères.- ce n'est pas de l'arrogance, madame Willame, c'est une mise au point. Quand on se mêle de donner des leçons, je supporte assez mal qu'on rapporte des propos et que l'on tienne des jugements de valeur assez douteux, qui ne sont pas de manière précise ceux prononcés par la personne incriminée ! Je trouve cela assez vexant.
Mme Magdeleine Willame-Boonen (PSC). - Vous devriez être au-dessus de cela, monsieur le ministre.
M. Louis Michel, vice-premier ministre et ministre des Affaires étrangères. - En ce qui concerne le rapport sur l'Afrique centrale, le gouvernement précédent avait accepté, à la suite des travaux de la commission d'enquête du Sénat sur le Rwanda, de faire régulièrement un rapport sur la politique belge dans la région. Cette pratique devra être poursuivie au regard de la nouvelle politique africaine qui sera approuvée par le Parlement. Je puis donc rassurer l'honorable membre, cette note viendra quand je disposerai de tous les éléments me permettant de vous présenter un projet, lequel sera d'ailleurs un projet à "casser" par le Parlement. En effet, je le répète, je souhaite associer le Parlement, le plus largement possible, non seulement à cette politique africaine mais également de manière général à la politique internationale du gouvernement.
M. Georges Dallemagne (PSC). - Jusqu'à présent, mes interventions ont été très brèves et je ferai en sorte qu'elles le restent. Je remercie le vice-premier ministre de sa réponse. J'essayerai pour ma part de rester courtois. Je me félicite d'avoir reçu des précisions sur la question des droits de l'homme. Je dois avouer que je n'avais pas eu ces précisions jusqu'à présent. Selon les informations que j'avais reçues sur la visite au Congo, il avait surtout été question de problèmes monétaires et financiers.
Je me félicite de cette préoccupation quant aux droits de l'homme mais je continue à m'interroger sur l'opportunité d'une telle mission auprès de M. Kabila qui est responsable d'une série de méfaits pour le moins graves comme les massacres de dizaines de milliers de Hutus dans les forêts de l'Est du Congo, comme des pogroms antitutsis à Kinshasa , comme la mise à l'écart de la démocratie au Congo, comme la confiscation du pouvoir, et j'en passe... Je continue à m'interroger sur l'opportunité de cette mission et d'un partenariat avec ce personnage. Je pense qu'il est important d'accélérer les initiatives prises par la société civile congolaise mais aussi belge. Nous devons favoriser un partenariat de société civile à société civile.
Vous disiez vouloir focaliser la coopération en Afrique centrale sur la restauration du pouvoir judiciaire et de la justice. Il y a des ONG extrêmement actives dans ce domaine qui attendent depuis des mois un appui du gouvernement pour mettre en oeuvre les initiatives prises. Je concède volontiers que vous n'en êtes pas le seul responsable. J'aimerais que l'on prête une plus grande attention à ces initiatives et que l'on favorise le dialogue et le partenariat entre les sociétés civiles.