2-324/1

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Sénat de Belgique

SESSION DE 1999-2000

2 FÉVRIER 2000


Proposition de loi modifiant l'article 2, § 1er , de la loi du 19 juillet 1991 relative aux registres de la population et aux cartes d'identité et modifiant la loi du 8 août 1983 organisant un registre national des personnes physiques

(Déposée par Mme Anne-Marie Lizin et consorts)


DÉVELOPPEMENTS


Depuis de nombreuses années, des femmes marocaines immigrées dans notre pays ont été répudiées par leur mari. Celles-ci doivent toujours en supporter les conséquences dans la vie de tous les jours c'est-à-dire d'être humiliées lorsqu'elles doivent exhiber leur document d'identité grevé de la mention « répudiée ».

Jusqu'à ce jour, l'État belge n'a pris aucune position qui pourrait empêcher cette situation. Il n'existe pas de politique générale et intégrée au niveau fédéral pour faire face à cette problématique.

Tout au plus, certains dossiers qui sont traités au cas par cas aboutissent à un refus de reconnaître la répudiation, le juge estimant que cet acte est contraire à l'ordre public belge ou encore décidant que c'est le lieu de résidence principale qui doit être pris en considération et non plus la nationalité, vu la longue période de résidence dans notre pays.

Dans les circonstances actuelles, il n'est plus acceptable que la femme soit considérée comme un sujet sans droit ou encore de permettre à l'autorité d'exposer cette femme à une humiliation résultant de l'inscription d'une mention discriminatoire sur des documents officiels d'identité.

En effet, à la différence du divorce judiciaire demandé par la femme, qui est limitativement prévu par la loi, aucun motif n'est exigé de l'époux qui répudie. Il s'agit là d'un pouvoir absolument discrétionnaire de répudier. En outre, la déclaration peut émaner soit de l'époux, soit même d'un mandataire qu'il désigne à cet effet.

Au Maroc, depuis la réforme de certains articles de la « Mudawwana » en 1993, la répudiation ne sera enregistrée par les « adoul » qu'après autorisation du juge et tentative de conciliation effectuée par celui-ci. Il est à noter que si, pour une raison quelconque, l'épouse ne recevait pas la convocation qui lui était adressée afin de se présenter à la séance de conciliation, il serait passé outre à sa présence, dans le cas où le mari maintiendrait sa décision de répudier. Sur ce point encore, le déséquilibre de l'autorité se fait sentir.

En effet, même si certains articles du Code marocain ont été modifiés pour tendre vers un équilibre entre les deux époux, dans la pratique, la répudiation reste toujours une décision unilatérale de la part du mari.

Alors, face à la problématique de la répudiation, totalement contraire au respect de la dignité humaine, il faut absolument que nous puissions faire un premier pas pour réfuter toute reconnaissance de répudiation, en interdisant toute mention de répudiation sur tout document d'identité.

Si nous prenons l'exemple du texte de la « coordination circulaire » du 2 avril 1984 ­ circulaire relative aux cartes d'identité (d')étranger, aux cartes de séjour de ressortissant d'un État membre de la CE, aux certificats d'inscription au registre des étrangers, attestations d'immatriculation et films de protection des titres de séjour, quant à la procédure de leur délivrance aux ayants droit, ainsi qu'à la fourniture de leurs formules aux communes et aux modalités de contrôle ­ nous pouvons y trouver, au paragraphe 5.2.4, la description de l'état civil : état de célibataire, marié, veuf, séparé, divorcé. Toutes ces descriptions sont inscrites sans qu'aucune mention particulière ne soit faite. Or, lorsqu'il s'agit d'un mariage dissous par répudiation, il est utilisé pour chacun des deux époux le mot répudiation. Cette mention particulière devrait être considérée en droit belge comme inacceptable dans des documents émanant d'une autorité, tels que la carte d'identité d'un étranger.

COMMENTAIRE DE L'ARTICLE

La procédure de la répudiation, ainsi que toutes les conséquences qui en découlent, restent quelque chose d'outrageant pour la femme. C'est sur une de ces résultantes directes que nous voulons agir en demandant l'interdiction de toute mention particulière sur une carte d'identité d'étranger.

Ainsi la proposition vise à rendre toute la dignité à la ressortissante étrangère victime de cette procédure.

Anne-Marie LIZIN.

PROPOSITION DE LOI


Article 1er

La présente loi règle une matière visée à l'article 78 de la Constitution.

Art. 2

L'article 2, alinéa 1er , de la loi du 19 juillet 1991 relative aux registres de la population et aux cartes d'identité et modifiant la loi du 8 août 1983 organisant un registre national des personnes physiques est complété comme suit :

« Sans préjudice de ce qui précède, tout document d'identité délivré sur base d'une inscription au registre national ne peut en aucun cas faire mention de la répudiation. »

Anne-Marie LIZIN.
Paul WILLE.
Christine CORNET d'ELZIUS.
Marie NAGY.
Frans LOZIE.
Mohamed DAIF.
Jean-François ISTASSE.
Marie-José LALOY.