2-304/1

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Sénat de Belgique

SESSION DE 1999-2000

20 JANVIER 2000


Proposition de loi complétant l'article 72, premier alinéa, de la nouvelle loi communale en ce qui concerne les incompatibilités

(Déposée par M. Frans Lozie et Mme Jacinta De Roeck)


DÉVELOPPEMENTS


Le problème de l'instauration d'une incompatibilité entre un mandat parlementaire et un mandat exécutif au niveau communal n'est pas nouveau. Divers parlements du pays en ont déjà débattu et l'on a déposé des propositions de loi ou de décret qui, jusqu'à présent, n'ont pas eu de résultats concrets.

L'idée qui sous-tend ces propositions est qu'il n'est guère compatible avec notre régime de droit qu'un bourgmestre, qui agit non seulement en tant que chef de sa commune mais aussi comme représentant du gouvernement, puisse, en sa qualité de parlementaire, contrôler son pouvoir de tutelle ­ en l'espèce, le membre du gouvernement ayant l'intérieur dans ses attributions ­ et lui demander des comptes sur sa politique. Inutile de dire que, dans ces conditions, le contrôle de l'administration centrale n'est plus ce qu'il doit être.

De plus, pareil cumul risque d'engendrer une confusion d'intérêts, qui peut se manifester tant dans l'action législative que dans les contacts avec l'administration.

On peut tenir le même raisonnement en ce qui concerne la fonction d'échevin, d'autant plus que, dans le cadre de la « cogestion », le collège des bourgmestre et échevins est de plus en plus souvent associé à la politique des autorités supérieures, dont ce collège est devenu l'organe exécutif ou consultatif.

Il ressort toutefois de recherches politologiques effectuées par le Centre universitaire du Limbourg que la plupart des personnes concernées justifient l'exercice de la double fonction de bourgmestre et de parlementaire par des arguments matériels. Le meilleur statut social et financier du parlementaire serait nécessaire pour pouvoir continuer à exercer la fonction accaparante, mais mal rémunérée, de bourgmestre.

Le pouvoir fédéral a répondu à cette préoccupation par la loi du 4 mai 1999 visant à améliorer le statut pécuniaire et social des mandataires locaux, qui entrera en vigueur lors du prochain renouvellement des conseils communaux et revalorise considérablement le statut pécuniaire et social des bourgmestres et échevins.

Tout d'abord, ceux-ci percevront une rémunération plus élevée, ainsi qu'un pécule de vacances et une prime de fin d'année. En deuxième lieu, les communes devront veiller à assurer une couverture sociale aux bourgmestres et échevins qui ne sont pas protégés par un autre statut social ou professionnel. Enfin, la pension des mandataires sera, elle aussi, majorée.

Certains arguments que l'on peut invoquer contre le cumul sont plutôt d'ordre pratique :

Le motif le plus important est la constatation qu'un mandat exécutif local doit être considéré de plus en plus comme une occupation à part entière. Les attentes placées dans les communes et les qualités de professionnalisme exigées de la gestion politique locale se sont développées à un point tel qu'elles occupent plus que convenablement l'activité journalière des politiciens investis d'un mandat exécutif. Les mandataires locaux interrogés sur leur emploi du temps font état des pressions croissantes exercées sur eux pour qu'ils soient davantage disponibles et consacrent une part accrue de leur temps de travail à leur mandat local.

Le mandat parlementaire doit être revalorisé, ce qui implique qu'il s'agit là aussi d'une occupation à temps plus que complet. Tous les citoyens sont en droit d'attendre de leurs parlementaires qu'ils prennent leur fonction à coeur. Il ne sert non plus à rien de renforcer l'organisation des conseils élus si les parlementaires ne peuvent se consacrer pleinement à leur mandat. Davantage de débats professionnels, de réunions de commission et de contrôles, cela exige plus de temps. La question est de savoir comment combiner encore pratiquement et qualitativement cette fonction avec un mandat exécutif local, sans négliger une des deux fonctions, voire les deux.

D'autres arguments concernent plutôt les principes et ont trait aux comptes à rendre et aux responsabilités, y compris entre les niveaux de pouvoir.

Le cumul d'un mandat exécutif local et d'un mandat parlementaire entraîne une confusion des rôles et un mélange équivoque des responsabilités dans l'administration des affaires intérieures. Sur ce dernier point, il faut se rappeler que les règlements internes des partis n'autorisent le cumul que pour les bourgmestres et échevins de petites communes, de sorte que les intérêts de celles-ci pèsent trop lourdement sur la prise de décision.

Le cumul privilégie certaines communes dans leurs contacts avec les pouvoirs provinciaux, régionaux et fédéraux et désavantage les communes qui ne disposent pas, temporairement ou durablement, de mandataires communaux « cumulants ».

Le cumul concentre le pouvoir dans les mains de quelques-uns, personnalise à l'excès la bataille électorale communale au détriment du débat sur les choix politiques locaux à faire et transforme parfois les communes en arènes où s'affrontent des considérations électoralistes qui n'ont rien à voir avec les intérêts de la commune.

Le cumul aboutit à une confusion d'intérêts entre les divers niveaux de pouvoir. Que l'on pense par exemple aux parlementaires (cumulants) qui siègent dans les intercommunales, avec la conséquence que les intérêts communaux sont souvent confondus avec les programmes politiques arrêtés au niveau central et auxquels les communes et les intercommunales servent de remorque.

La présente proposition entend dès lors instaurer une incompatibilité absolue entre la fonction de bourgmestre ou d'échevin et tout mandat parlementaire, qu'il s'agisse de la Chambre des représentants, du Sénat, des conseils de communauté et de région, du Conseil de la Région de Bruxelles-Capitale ou du Parlement européen.

Frans LOZIE.
Jacinta DE ROECK.

PROPOSITION DE LOI


Article 1er

La présente loi règle une matière visée à l'article 78 de la Constitution.

Art. 2

L'article 72, alinéa 1er , de la nouvelle loi communale est complété par la disposition suivante :

« 6º les membres de la Chambre des représentants, du Sénat, des conseils de communauté et de région, du Conseil de la Région de Bruxelles-Capitale et du Parlement européen. »

Art. 3

La présente loi entre en vigueur le 1er janvier 2001.

Frans LOZIE.
Jacinta DE ROECK.