2-314/1

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Sénat de Belgique

SESSION DE 1999-2000

27 JANVIER 2000


Proposition de résolution sur la mise en place d'une taxe sur les mouvements internationaux de capitaux

(Déposée par M. Philippe Mahoux et consorts)


DÉVELOPPEMENTS


Le Sénat,

A. considérant que la mondialisation financière débridée est susceptible d'aggraver l'insécurité économique et les inégalités sociales;

B. qu'elle risque de miner les institutions démocratiques et les États souverains en charge de l'intérêt général et de leur substituer des logiques strictement spéculatives exprimant les intérêts des seuls marchés financiers;

C. considérant que les critères survenues dans les économies de grands pays du sud-est asiatique (Corée, Thaïlande, Indonésie) et d'Amérique latine (Mexique, Brésil), sans parler de la Russie, ont montré les limites d'une régulation automatique du marché;

D. que ces crises dramatiques ont mis en évidence le rôle néfaste des mouvements de capitaux spéculatifs et l'incapacité des gouvernements nationaux comme des institutions internationales à réagir adéquatement à ces situations;

E. que la stabilisation de ces mouvements de capitaux est une condition d'un développement durable des économies émergentes et, a fortiori , des économies en retard de développement;

F. qu'il est urgent d'enrayer ces processus nuisibles en créant de nouveaux instruments de régulation et de contrôle, aux plans national, européen et international, afin d'enrayer le sentiment d'impuissance qui peut résulter d'une mondialisation non contrôlée;

G. considérant que la liberté totale de circulation des capitaux, les paradis fiscaux et l'explosion du volume des transactions spéculatives ont souvent contraint les États à une course pour attirer les plus gros investisseurs;

H. considérant que les transactions financières internationales représentent un montant quotidien de quelque 1 500 milliards de dollars sur les marchés des changes;

I. qu'une part importante de ce volume est orientée par la recherche d'un profit immédiat qui ne tient pas compte de l'état de la production et du commerce des biens et des services des pays concernés par ces transactions;

J. que cette évolution a pour conséquence un accroissement des seuls revenus du capital au détriment notamment de ceux du travail, mais aussi de la santé des économies des pays;

K. qu'un tel système favorise la généralisation de la précarité et l'extension de la pauvreté plutôt que l'amélioration générale du niveau de vie et l'accroissement du bien commun;

L. considérant que les seuls impératifs du profit induit par la spéculation financière contribuent à détériorer les conditions de travail, à étendre la zone d'influence de la sphère financière et à déséquilibrer les mécanismes de solidarité entre nations, peuples et générations;

M. considérant que la logique spéculative entraîne une aggravation des disparités entre pays riches et pays pauvres;

N. considérant que ce processus inégalitaire et destructeur doit être enrayé;

O. considérant que la proposition de l'économiste américain James Tobin, prix Nobel d'économie, de taxer les transactions spéculatives sur les marchés des devises, peut apporter une partie non négligeable de la réponse à ces problèmes;

P. que même fixée au taux extrêmement bas de 0,05 %, la « taxe Tobin » pourrait déjà jouer un rôle régulateur;

Q. que rapportée en effet aux volumes échangés, elle serait susceptible de rapporter plus de 100 milliards de dollars par an, collectés, pour l'essentiel, par les pays industrialisés;

R. que même si la taxe ne jouait pas ou pas suffisamment un rôle modérateur sur les marchés financiers, la somme ainsi récoltée pourrait être affectée aux organisations internationales, que ce soit en vue de mettre en place des mécanismes correcteurs ou de mener des actions de lutte contre les inégalités ou de promotion de l'éducation et de la santé publique, ou d'assurer la sécurité alimentaire et le développement durable;

S. considérant qu'à cette fin, il faut agir en commun au niveau européen comme au niveau international, en vue d'entraver les mécanismes purement spéculatifs et de sanctionner les paradis fiscaux;

T. considérant que certains parlements dans le monde se sont déjà prononcés en ce sens;

U. que cette proposition procède donc déjà d'un large mouvement et ne participe plus de l'utopie;

demande au gouvernement :

1. d'étudier la possibilité de mise en oeuvre, au niveau international, d'une taxe sur les mouvements de capitaux spéculatifs internationaux, visant à frapper d'un prélèvement toute transaction en devises étrangères;

2. de se concerter avec les autorités de l'Union européenne et les gouvernements des pays membres en vue de la mise en oeuvre de cette taxe;

3. de promouvoir au plan international la mise en place d'une telle taxe.

Philippe MAHOUX.
Francis POTY.
Jacques SANTKIN.