2-187/1

2-187/1

Sénat de Belgique

SESSION DE 1999-2000

24 NOVEMBRE 1999


Proposition de loi complétant les articles 203 et 205 du Code civil relatifs à l'obligation de fournir des aliments (1)

(Déposée par M. Vincent Van Quickenborne)


DÉVELOPPEMENTS


L'article 203, § 1er , du Code civil dispose que les père et mère sont tenus d'assumer, à proportion de leurs facultés, l'hébergement, l'entretien, la surveillance, l'éducation et la formation de leurs enfants. Si la formation n'est pas achevée, l'obligation se poursuit après la majorité de l'enfant.

L'article 205 du Code civil dispose par ailleurs que les enfants doivent des aliments à leurs père et mère et autres ascendants qui sont dans le besoin.

Ce n'est qu'en cas de déchéance totale de l'autorité parentale, prononcée en vertu de l'article 33 de la loi du 8 avril 1965 relative à la protection de la jeunesse, que l'enfant est délié de l'obligation qui lui est faite par l'article 205 du Code civil de fournir des aliments à ses parents qui sont dans le besoin.

La pratique montre toutefois que cette protection de l'enfant à l'égard de l'article 205 du Code civil est souvent insuffisante.

Ainsi, des parents n'ayant pas satisfait eux-mêmes aux obligations imposées par l'article 203 du Code civil peuvent malgré tout réclamer des aliments à leur(s) enfant(s) sur la base dudit article 205. En d'autres termes, des parents qui manquent gravement à leurs devoirs pour ce qui est de l'hébergement, de l'entretien, de la surveillance, de l'éducation et de la formation de leur(s) enfant(s) n'en conservent pas moins le droit d'exiger que leur(s) enfant(s) leur fournisse(nt) bel et bien des aliments.

Cette situation peut même se produire lorsque des enfants sont placés dans des centres d'accueil peu après leur naissance ou pendant leur minorité et n'ont plus ou guère de contact avec leurs parents naturels pendant une période illimitée.

Le fait que les parents nécessiteux ont droit au minimum de moyens d'existence ne change rien au problème. L'obligation de fournir des aliments ne présuppose pas que celui qui les réclame soit dans le besoin. Le besoin est une notion relative (Cass., 4 février 1980, Pas., 1980, I, 649; Arresten van Cassatie, 1979-1980, 656).

L'obligation pour l'enfant de fournir des aliments à ses parents n'est pas limitée dans le temps et ne prend pas fin non plus avec son mariage. Si l'enfant peut justifier qu'il n'est pas en mesure de payer une pension alimentaire, le tribunal pourra, eu égard des circonstances, ordonner qu'il recevra ses parents dans sa demeure et qu'il les y nourrira et entretiendra.

Aucun article ne défend ni ne garantit les droits de l'enfant lorsque, sur la base de l'article 205 du Code civil, les parents invoquent l'obligation de fournir des aliments alors qu'eux-mêmes ne se sont pas conformés à l'article 203 dudit Code.

C'est la raison pour laquelle nous proposons de compléter l'article 205 du Code civil par la disposition suivante :

« Le juge pourra toutefois accorder une dispense totale ou partielle de l'obligation de fournir des aliments lorsqu'il s'avère que celui qui les réclame n'a pas lui-même rempli ses obligations à l'égard de celui qui en est débiteur. »

Il ne faut toutefois pas non plus perdre de vue la situation inverse. En se fondant sur l'article 207 du Code civil disposant que l'obligation de l'article 205 est réciproque, l'enfant peut, à raison de ses besoins, réclamer une pension alimentaire proportionnelle aux ressources de celui qui en est débiteur.

Cette situation peut se présenter nonobstant le fait que l'enfant s'est rendu coupable d'actes criminels ou passibles de poursuites pénales au détriment de ses parents ou qu'il a lui-même rompu unilatéralement tout contact pendant une période illimitée.

Nous proposons, dès lors, de compléter l'article 203, § 1er , du Code civil par la disposition suivante :

« Le juge pourra toutefois accorder une dispense totale ou partielle de l'obligation de fournir des aliments lorsqu'il s'avère que l'enfant majeur a commis des faits passibles de poursuites pénales au détriment de celui qui est débiteur des aliments ou qu'il a rompu unilatéralement tout contact durant des années. »

Vincent VAN QUICKENBORNE.

PROPOSITION DE LOI


Article 1er

La présente loi règle une matière visée à l'article 78 de la Constitution.

Art. 2

L'article 203, § 1er , du Code civil est complété par un troisième alinéa, rédigé comme suit :

« Le juge pourra toutefois accorder une dispense totale ou partielle de l'obligation de fournir des aliments lorsqu'il s'avère que l'enfant majeur a commis des faits passibles de poursuites pénales au détriment de celui qui est débiteur des aliments ou qu'il a rompu unilatéralement tout contact durant des années. »

Art. 3

L'article 205 du même Code est complété par un deuxième alinéa, libellé comme suit :

« Le juge pourra toutefois accorder une dispense totale ou partielle de l'obligation de fournir des aliments lorsqu'il s'avère que celui qui les réclame n'a pas lui-même rempli ses obligations à l'égard de celui qui en est débiteur. »

Vincent VAN QUICKENBORNE.

(1) La présente proposition de loi a déjà été déposée au Sénat le 7 décembre 1995, sous le numéro 1-198/1 ­ 1995/1996.