2-185/1

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Sénat de Belgique

SESSION DE 1999-2000

24 NOVEMBRE 1999


Proposition de loi réglementant l'implantation d'établissements pratiquant le commerce du sexe (1)

(Déposée par M. Vincent Van Quickenborne)


DÉVELOPPEMENTS


La prostitution et le commerce du sexe se situent actuellement dans une zone d'ombre soumise à de nombreuses interdictions mais où règne cependant une grande permissivité de fait. C'est une situation qui se prête idéalement à l'éclosion et au développement de pratiques coupables. Le commerce des êtres humains, les pratiques frauduleuses, la vente et l'usage de drogues, l'escroquerie, l'étiolement des valeurs sociales y sont monnaie courante.

Concernant le commerce du sexe, toute pensée abolitionniste (non concrétisée !) est socialement dépassée. La première mission du législateur est de contribuer à l'organisation de la société. Dans cette optique, la proposition de loi qui vous est soumise vise à soustraire une partie du secteur du commerce du sexe de la zone d'ombre dans laquelle il se trouve, pour la réglementer et pour protéger les personnes.

La loi proposée oblige les exploitants des établissements en question à être titulaires d'une licence d'exploitation. Cette licence ne peut être obtenue que par des personnes majeures ayant la nationalité d'un des États membres de l'Union européenne et domiciliées dans notre pays. Ces personnes doivent, en outre, se soumettre à une enquête de moralité et sont liées par les conclusions de celle-ci.

La loi proposée règle également le statut professionnel et social des personnes qui offrent les services en question, contient une série de dispositions relatives aux conditions de travail, à la sécurité et à la santé des intéressés, et définit la manière dont les services en question peuvent être fournis. Enfin, elle modifie une série de mesures pénales.

L'efficacité de l'ensemble de la réglementation qu'elle prévoit ne peut être assurée que grâce à un contrôle effectif et soutenu, qui doit commencer au niveau local. Cette réglementation implique la création d'un Conseil pour le secteur du commerce du sexe, qui soit investi de compétences suffisantes pour qu'il puisse forcer le respect des dispositions légales.

COMMENTAIRE DES ARTICLES

Article 2

Cet article définit le secteur du commerce du sexe et les services offerts. Le secteur du commerce du sexe est défini de la manière la plus large, étant entendu que l'on tient compte des évolutions qu'il pourrait connaître et des nouvelles activités qu'il pourrait déployer.

Article 3

Pour veiller au respect des dispositions de la loi proposée, l'on crée un Conseil pour le secteur du commerce du sexe. Ce conseil peut retirer les licences d'exploitation. Il peut également fournir des avis dans des matières concernant ledit secteur.

Article 4

Les personnes qui, dans ledit secteur, mettent à la disposition du public des locaux nécessaires à l'exercice des activités en question doivent être titulaires d'une licence d'exploitation. Cet article définit une série de conditions spécifiques en plus des règles applicables, notamment en ce qui concerne le registre du commerce.

Il s'agit notamment des conditions suivantes : être majeur, avoir la nationalité d'un des États membres de l'Union européenne et être domicilié dans notre pays ou posséder une autorisation de séjour, se soumettre à un examen médical et à un examen d'aptitude. Le Roi est chargé de préciser les conditions.

Pour prévenir la création de chaînes d'établissements et la dispersion géographique incontrôlée des activités, il est prévu qu'une personne ne peut être titulaire que d'une seule licence d'exploitation valable dans un seul arrondissement judiciaire.

Article 5

L'infrastructure en question ne peut être mise à la disposition de personnes qui se livrent à la prostitution en indépendant que dans le cadre d'un contrat type. Le Roi fixe les conditions auxquelles doit satisfaire ce contrat type. Parmi ces conditions figure notamment l'obligation, pour les personnes qui offrent des services dans le cadre de la prostitution, de se soumettre à des contrôles réguliers visant, notamment, à vérifier le respect des règles d'hygiène, l'état sanitaire, le respect des critères en matière d'espace vital, la protection contre l'incendie, les assurances, les dispositifs d'alarme, les issues de secours, etc.

Article 6

Aguicher la clientèle ou offrir, dans le cadre du commerce du sexe, de tels services ne peut pas se faire dans un contexte dégradant pour le corps humain ou portant atteinte à la moralité publique.

Le Conseil pour le secteur du commerce du sexe établit un code relatif aux offres de services et à la publicité en la matière. Il peut se baser, pour ce faire, sur la déontologie du jury « Pratiques loyales ».

Article 7

Toute infraction aux dispositions de la loi proposée est punie du retrait de la licence d'exploitation entraînant l'interdiction de redevenir titulaire d'une telle licence.

Articles 8 à 10

Les interdictions prévues par la loi pénale et par la loi du 6 mai 1965 portant approbation de la Convention de New York pour la répression de la traite des être humains et de l'exploitation de la prostitution d'autrui et par le Protocole final, signés le 21 mars 1950 à New York, sont adaptées en vue de l'insertion, dans le droit belge, des dispositions de la loi proposée.

Vincent VAN QUICKENBORNE.

PROPOSITION DE LOI


Article 1er

La présente loi règle une matière visée à l'article 78 de la Constitution.

Art. 2

Pour l'application de la présente loi, l'on entend par :

« secteur du commerce du sexe » : le secteur d'activité axé principalement sur la prestation à des tiers de services liés au sexe.

Par service lié au sexe, l'on entend notamment :

1º le téléphone rose : tout numéro de téléphone accessible au public, auquel l'on offre des services liés au sexe;

2º la boutique du sexe : tout local accessible à des acheteurs ou à des spectateurs, où sont offerts principalement des articles liés au sexe;

3º cinéma X : tout local accessible au public ou à des membres, où ont lieu principalement des projections, notamment de diapositives et/ou de films érotiques ou pornographiques;

4º sex-club : tout local accessible au public ou à des membres, où ont lieu des représentations de nature érotique, avec ou autrement qu'avec projection de dias et/ou de films.

5º salle d'automates du sexe : tout local accessible au public ou à des membres, où ont lieu des représentations de nature érotique à l'aide d'automates.

« personnes qui offrent des services dans le secteur du commerce du sexe » : les personnes qui exercent des activités dans ce secteur, personnellement, en tant qu'ayants droit ou en tant que propriétaires ou gérants d'établissements pratiquant le commerce du sexe.

« établissement » : un bâtiment, un véhicule, une embarcation ou un local, ou une partie de ceux-ci.

Art. 3

Le Conseil pour le secteur du commerce du sexe (« Le Conseil ») procède à des enquêtes, soit d'office, soit à la suite d'une plainte écrite, motivée et signée. Toute personne physique ou morale peut lui adresser une plainte relative aux dispositions des articles 3 à 5 de la présente loi. Le Conseil fournit des avis relatifs aux problèmes du secteur du commerce du sexe.

Le Roi fixe la composition et le fonctionnement du Conseil. Au sein du Conseil siègent, outre des représentants du secteur en question, au moins un représentant de la police judiciaire, un représentant de l'Inspection du travail et un représentant de l'Inspection de la Santé.

Art. 4

Seul le titulaire d'une licence d'exploitation est autorisé à offrir des services dans le secteur du commerce du sexe.

Le Roi règle les modalités, la forme et les conditions de la délivrance de la licence d'exploitation.

Ces conditions impliquent notamment que seules peuvent obtenir une licence d'exploitation, les personnes majeures ayant la nationalité d'un des États membres de l'Union européenne, domiciliées en Belgique et ayant subi un examen d'aptitude.

Art. 5

Le Roi définit :

a) le contrat type et les conditions de recrutement de personnes en vue desdits services;

b) la nature de la mise à disposition des personnes qui exercent la prostitution en indépendant de l'infrastructure en question;

c) les conditions concernant notamment la santé, la sécurité et la liberté des personnes qui exercent la prostitution.

Art. 6

La publicité pour les services relatifs au sexe et l'offre de ces services doivent respecter la dignité de l'acte sexuel. Le Conseil dresse un code en la matière et y définit les conditions à respecter.

Art. 7

Toute infraction aux articles 3 et 5 est punie du retrait de la licence d'exploitation emportant l'interdiction de redevenir titulaire d'une licence.

Art. 8

L'article 380bis du Code pénal est remplacé par les dispositions suivantes :

« Article 380bis. ­ Sera puni d'un emprisonnement d'un an à cinq ans et d'une amende de 100 francs à 500 francs ou d'un multiple de ces peines, quiconque aura offert, contre rémunération, des services dans le secteur du commerce du sexe, à moins qu'il ne l'ait fait conformément à la loi du ... réglementant l'implantation des établissements pratiquant le commerce du sexe et en respectant les conditions qui y sont définies.

La tentative d'infraction sera punie d'un emprisonnement d'un an à cinq ans et d'une amende de 36 francs à 3 000 francs ou d'un multiple de ces peines. »

Art. 9

L'article 380quater du même Code est remplacé par les dispositions suivantes :

« Article 380quater. ­ Sera puni d'un emprisonnement d'un mois à 1 an et d'une amende de 100 francs à 1 000 francs ou d'un multiple de ces peines, quiconque aura provoqué des mineurs à se livrer à la prostitution par paroles, gestes ou signes.

Sera puni d'un emprisonnement d'un mois à un an et d'une amende de 100 francs à 1 000 francs ou d'un multiple de ces peines, quiconque aura par un moyen quelconque de publicité fait connaître qu'il se livre à la prostitution, qu'il facilite la prostitution d'autrui ou qu'il désire entrer en relations avec une personne se livrant a la prostitution sur une base professionnelle, à moins qu'il ne l'ait fait conformément à la loi du ... réglementant l'implantation des établissements pratiquant le commerce du sexe et en respectant les conditions qui y sont définies. »

Art. 10

L'article unique de la loi du 6 mai 1965 portant approbation de la Convention pour la répression de la traite des êtres humains et de l'exploitation de la prostitution d'autrui et le Protocole final, signés le 21 mars 1950 à New-York, est remplacé comme suit :

« Article unique. ­ La Convention pour la répression de la traite des êtres humains et de l'exploitation de la prostitution d'autrui et le Protocole final, signés le 21 mars 1950 à New-York, aura plein effet, à l'exception des articles 1er et 2, auxquels des dérogations seront possibles dans la mesure où elles serviront à améliorer les conditions de vie et la protection des personnes offrant des services dans le cadre de la prostitution. »

Vincent VAN QUICKENBORNE.

(1) La présente proposition de loi a déjà été déposée au Sénat le 13 juillet 1995, sous le numéro 1-81/1 ­ SE 1995.