2-150/1

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Sénat de Belgique

SESSION DE 1999-2000

10 NOVEMBRE 1999


Proposition de loi spéciale modifiant la loi spéciale du 8 août 1980 de réformes institutionnelles

(Déposée par MM. Ludwig Caluwé et Luc Van den Brande)


DÉVELOPPEMENTS


Dans tout État fédéral, l'organisation politique interne est du ressort des États fédérés. En République fédérale d'Allemagne, chaque Land possède sa propre loi communale. En outre, le champ d'action actuel des communes et des provinces relève essentiellement de la compétence des communautés et des régions, si bien qu'il est logique que celles-ci définissent également les structures organiques des communes et des provinces. Tout cela a été souligné dans le rapport fait par les professeurs Maes (KUL), De Bruyker (ULB) et De Rynck (Hogeschool Gand ­ UFSIA Anvers) pour la commission sénatoriale qui a évalué les structures de l'État fédéral au cours de la précédente législature (1).

Notre structure étatique paraît aujourd'hui avoir atteint un niveau de maturité suffisant pour que nous puissions franchir ce pas en Belgique également.

Une révision de la Constitution n'est pas nécessaire

Point n'est besoin pour cela de modifier préalablement la Constitution. Lorsque celle-ci dispose, comme à l'article 162 et à l'article 41, qu'une matière doit être réglée par la loi, cela ne signifie pas que seul le législateur fédéral est compétent en la matière, mais bien qu'il doit s'agir d'une norme légale élaborée par le Parlement fédéral ou par les assemblées régionales ou communautaires. C'est là un principe général qui s'applique certainement aux articles qui ont été inscrits dans la Constitution avant qu'il ne soit question des comunautés et des régions. Le constituant de 1831 était dans l'impossibilité de prévoir que, de nombreuses années plus tard, nous instituerions des communautés et des régions. Mais ce principe vaut aussi pour les articles de la Constitution qui ont été insérés ou modifiés après l'avènement des communautés et des régions. Nous pensons aux articles 8 et 41, pour lesquels il a été dit explicitement, lors de la discussion parlementaire qui a précédé leur modification au cours de la législature écoulée, qu'une éventuelle régionalisation de la loi communale aurait pour effet que par la formule constitutionnelle « la loi détermine » il y aurait lieu d'entendre dorénavant « le décret détermine », sans que ces articles doivent être révisés pour leur part.

Certes, il est interdit au législateur décrétal de s'approprier des compétences que la Constitution a attribuées au législateur fédéral. Toutefois, cette interdiction ne découle pas de la Constitution elle-même, mais de l'article 19 de la loi spéciale. Le législateur peut y déroger par une loi spéciale. Il l'a d'ailleurs déjà fait à plusieurs reprises. C'est ainsi qu'il est possible, par exemple, d'élaborer par décret des procédures d'expropriation, bien que l'article 16 de la Constitution dispose que cette question est réglée par la loi. L'article 79 de la loi spéciale a, effectivement, créé la possibilité de régler des expropriations par décret par dérogation à l'article 19 de la même loi spéciale.

Autre exemple : l'article 11 de la loi spéciale permet d'élaborer des dispositions pénales par décret, alors même que la Constitution en fait une compétence du législateur. Du reste, la Cour d'arbitrage aussi a confirmé en 1987 que les matières que la Constitution confie au législateur, peuvent être attribuées au législateur décrétal par la loi spéciale (2).

C'est aussi le raisonnement suivi par M. Coenraets, l'expert consulté par le Sénat pour l'évaluation de la réforme de l'État au cours de la précédente législature. Il a lui aussi estimé possible de régler cette question par une loi spéciale, à la seule condition de préciser expressément que l'on déroge à l'article 19 de la loi spéciale (3).

Un bloc de compétences homogène

On peut reprocher à la répartition réalisée lors des phases précédentes de la réforme de l'État d'avoir constitué des blocs de compétences manquant d'homogéniété. Trop souvent, les transferts de compétences ont été assortis d'exceptions qui en entravent fréquemment l'exercice effectif. C'est pourquoi la présente proposition opte pour un transfert aussi homogène que possible, aux régions, des compétences relatives aux institutions communales et provinciale. Les matières relevant de la loi dite de pacification sont dès lors confiées, elles aussi, aux régions. L'exception à la compétence des communautés en matière de CPAS prévue par la loi de pacification est également transférée.

La seule exception que nous maintenons concerne la tutelle spécifique que l'autorité fédérale et l'autorité communautaire doivent pouvoir continuer d'exercer, dans les limites de leurs compétences, sur les communes et les provinces.

Organes territoriaux intracommunaux

Étant donné que les organes territoriaux intracommunaux définis à l'article 41 de la Constitution n'ont pas de personnalité juridique propre, mais doivent être considérés comme des institutions communales, il n'est pas nécessaire de mentionner séparément dans la loi spéciale le transfert de compétence pour ce qui les concerne. En transférant le pouvoir de légiférer à l'égard des communes, on transfère automatiquement aussi aux régions le pouvoir de régler tout ce qui touche aux organes territoriaux intracommunaux.

Communauté germanophone

Conformément au voeu exprimé par le Conseil de la Communauté germanophone le 28 septembre 1998, les compétences provinciales et communales pour la région de langue allemande sont confiées à la Communauté germanophone, et non à la Région wallonne.

Réglementation spéciale pour Bruxelles

En vue de sauvegarder les intérêts de la communauté la moins nombreuse, ces compétences ne peuvent être exercées dans la Région de Bruxelles-Capitale que par une majorité dans chacun des deux groupes linguistiques. Notre intention est de renforcer les garanties données actuellement à la minorité linguistique sur le plan communal dans la Région de Bruxelles-Capitale, avant le vote de la loi en projet.

Ludwig CALUWE.
Luc VAN DEN BRANDE.

PROPOSITION DE LOI SPÉCIALE


Article 1er

La présente loi règle une matière visée à l'article 77 de la Constitution.

Art. 2

L'article 5, § 1er , II, 2º, d) , de la loi spéciale du 8 août 1980 de réformes institutionnelles, remplacé par la loi spéciale du 8 août 1988, est abrogé.

Art. 3

L'article 6, § 1er , VIII, de la même loi spéciale, modifié par les lois spéciales des 8 août 1988 et 16 juillet 1993, est remplacé par les dispositions suivantes :

« VIII. En ce qui concerne les pouvoirs subordonnés :

1º L'organisation, la compétence, l'élection, la composition et le fonctionnement des institutions communales et provinciales;

2º L'organisation et l'exercice de la tutelle administrative sur les provinces, les communes et les agglomérations et fédérations de communes.

Par dérogation à ce qui précède,

a) l'autorité fédérale ou l'autorité communautaire est compétente pour la tutelle sur les actes des provinces, des communes et des agglomérations et fédérations de communes dans des matières pour lesquelles elles sont compétentes et pour lesquelles la loi ou le décret prévoit une tutelle spécifique;

b) la Communauté germanophone est compétente dans la région de langue allemande pour l'organisation, l'élection, la composition et le fonctionnement de la province et des communes ainsi que pour l'exercice de la tutelle administrative sur la province et les communes.

La Région de Bruxelles-Capitale ne peut adopter des ordonnances en ces matières qu'à la majorité de chaque groupe linguistique du Conseil de la Région de Bruxelles-Capitale. »

Art. 4

L'article 7 de la même loi spéciale, modifié par les lois spéciales des 8 août 1988 et 16 juillet 1993, est abrogé.

Ludwig CALUWE.
Luc VAN DEN BRANDE.

(1) Évaluation du fonctionnement des nouvelles structures fédérales, rapport fait au nom de la commission des Affaires institutionnelles par MM. Caluwé, Coene, Desmedt et Hotyat, doc. Sénat, nº 1333/1, 1998-1999, p. 259.

(2) Cour d'arbitrage, arrêt nº 44 du 23 décembre 1987.

(3) Évaluation du fonctionnement des nouvelles structures fédérales, rapport fait au nom de la commission des Affaires institutionnelles par MM. Caluwé, Coene, Desmedt et Hotyat, doc. Sénat, nº 1333/1, 1998-1999, p. 681.