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1er OCTOBRE 1999
Le Sénat,
A. Considérant le degré d'ouverture important de l'économie belge et donc l'intérêt de favoriser et d'encourager les échanges commerciaux internationaux;
B. Considérant, en ce sens, qu'il est indispensable d'adopter une attitude volontariste dans le débat international en affirmant nos priorités;
C. Considérant toutefois que la mondialisation provoque ou aggrave des problèmes importants que ce soit en matière de droits de l'homme, de droits sociaux, de culture, d'environnement, d'éthique ou de protection des consommateurs;
D. Considérant que l'inégalité dans la répartition des richesses plonge une grande partie de la population mondiale dans une misère intolérable;
E. Considérant les principes directeurs figurant dans les déclarations gouvernementales et en particulier le constant souci des principes du développement durable;
F. Considérant que l'enjeu démocratique fondamental de la globalisation de l'économie mondiale et des futures négociations sur le commerce international implique une participation aux débats des assemblées parlementaires et de la société civile;
G. Considérant que le marché ne peut régler seul les problèmes liés à une économie mondialisée;
demande au gouvernement de défendre les priorités suivantes lors du Millennium Round qui s'ouvrira le 30 novembre 1999 à Seattle :
1. Toute libéralisation accrue de l'économie mondiale doit impérativement garantir le respect des normes fondamentales en matière sociale, environnementale, de protection des droits de l'homme et de protection du consommateur. À cet effet, il s'impose notamment de garantir un contrôle efficace et plus démocratique des mécanismes financiers et économiques;
2. Dans le même ordre d'idées, toute libéralisation accrue de l'économie mondiale doit contribuer à réduire la différence de développement socio-économique entre les pays riches et les pays pauvres. La lutte contre l'extrême pauvreté doit constituer une priorité. Cela impose que soient admis des systèmes préférentiels qui favorisent l'émergence des pays en développement;
3. Pour répartir plus justement les bénéfices de la croissance économique, les normes fondamentales du travail doivent jouer un rôle plus essentiel. Il faut ici que l'Organisation mondiale de commerce (OMC) adopte une attitude plus volontariste, en inscrivant son action dans le respect des droits sociaux fondamentaux reconnus par l'Organisation internationale du travail (OIT) (interdiction du travail des enfants, liberté syndicale, droit d'organisation et de négociation collective, non-discrimination dans l'emploi et égalité de rémunération, âge minimal au travail, et interdiction du travail forcé). Par ailleurs, un rôle d'observateur devrait être octroyé à l'OIT au sein de l'OMC;
4. Une régulation est tout autant indispensable dans le domaine environnemental. Il convient à ce titre de respecter les principes fondamentaux du développement durable. Les négociations du Millennium Round devront notamment s'inspirer des conclusions des conférences de Rio et Kyoto;
5. La mise en oeuvre de ce cadre normatif ne doit pas être considérée comme une entrave au développement des pays en développement. Au contraire, il s'agit d'opposer un cadre juridique à une libéralisation débridée qui ne permet pas la prise en compte des intérêts des plus faibles;
6. La diversité et la richesse culturelle de l'humanité doivent être préservées. Il ne faut pas nier la dimension culturelle de l'audiovisuel. Ce dernier secteur doit rester exclu du régime standard de libéralisation des services;
7. En ce qui concerne le commerce des services en général, une libéralisation accrue ne peut porter en aucun cas atteinte à des secteurs qui portent une reconnaissance universelle de l'égalité entre les êtres humains : il s'agit notamment des soins de santé et de l'éducation au sens large, en ce compris la recherche scientifique. À cet égard, le brevetage du vivant ne peut en aucun cas être confisqué par les mécanismes mondiaux du marché;
8. Pour protéger le consommateur, les autorités nationales doivent être en mesure de mettre en oeuvre largement le principe de précaution, si elles l'estiment nécessaire. La mise en oeuvre de ce principe se doit d'être démocratique. Définir ce qu'est le risque socialement acceptable doit être l'affaire de tous et pas seulement des experts. À cet effet, l'information la plus complète des consommateurs doit être garantie;
9. En matière agricole, il convient de préserver le modèle agricole européen qui place l'être humain au centre de sa démarche et privilégie une agriculture familiale, respectueuse de l'environnement et durable. Seul ce modèle assure la sécurité de l'approvisionnement et la qualité des produits;
10. Quant à la négociation d'un nouvel accord multilatéral sur les investissements, il sera considéré comme inacceptable que les acquis politiques sociaux, environnementaux et culturels soient démantelés au nom de la liberté d'investir;
11. D'une façon générale, à l'approche ultra-libérale de la globalisation, sans aucune préoccupation d'ordre social et environnemental, il faut opposer une approche responsable qui, en tenant compte de la diversité des facteurs régionaux et du tissu social des différentes sociétés, contribuera à l'amélioration globale de l'économie et du bien-être social, ainsi qu'à la préservation de l'environnement. Cette approche responsable exige que le processus de globalisation soit réglé par des mesures politiques.
Philippe MAHOUX. Anne-Marie LIZIN. Jean-François ISTASSE. Marie-José LALOY. Ludwig SIQUET. |