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14 JUILLET 1999
Depuis quelques années, la recherche en matière de génétique a engendré des résultats spectaculaires. Aujourd'hui, on peut notamment manipuler ou travailler des centaines de plantes afin qu'elles soient plus résistantes aux agressions diverses, qu'elles fournissent des fruits plus lourds ou plus facilement conservables.
Les produits transgéniques se retrouveront dans des produits aussi divers que les aliments pour bétail, les semoules pour bébés, la bière, le whisky, les cornflakes, les huiles, les margarines, le chocolat...
La biotechnologie pose cependant deux problèmes.
D'abord un problème de sécurité par rapport aux allergies que pourraient éventuellement provoquer des produits incorporant des molécules transgéniques. Ainsi lors des premières tentatives élaborées sur le soja, on avait utilisé un gène issu de la noix du Brésil (pour pallier sa déficience en méthionine, un acide aminé essentiel).
Les personnes allergiques à cette dernière ont également réagi au soja modifié. Si l'on a renoncé immédiatement à cette variété de soja, et si des tests d'allergénicité sont dès lors effectués pour chaque nouvelle espèce, la transmission des propriétés allergènes pose de nombreuses questions.
En effet, comment informer le consommateur qu'il doit absolument éviter de manger certains aliments car ils contiennent des gènes d'autres denrées auxquels il est allergique ?
« Et surtout, ajoute Nike Ruitbal, chercheuse à l'ESST (European interuniversity association on Society-Science and Technology, UCL), comment savoir s'ils peuvent être allergisants pour certaines personnes ? »
À l'heure actuelle, les tests sont réalisés en fonction des allergènes connus par comparaison de leurs séquences d'acides aminés. Mais peut-on être sûr de tous les connaître ?
D'autre part, les risques pour l'environnement sont réels. En effet, on peut craindre qu'une introduction artificielle dans une plante puisse contaminer des espèces voisines. Ainsi, le colza et la betterave cultivés selon un procédé transgénique, résistant aux herbicides, se croisent avec d'autres plantes et notamment des mauvaises herbes, renforçant de la sorte leurs résistances aux herbicides.
Le maïs transgénique, par exemple, contient trois gènes étrangers : un gène toxique pour la pyrale (insecte ravageur), un gène de tolérance à l'herbicide Basta, et un gène de résistance à un antibiotique (l'ampicilline). La culture de ce maïs mutant est désormais autorisée notamment en France.
Il est clair que ces avancées technologiques posent un problème d'information et de sensibilisation du consommateur.
En effet, la réaction du consommateur face à de tels produits a été analysée par le biais de sondages réalisés par la Commission européenne. Ceux-ci ont démontrés que seulement 30 % des Européens seraient prêts à acheter des fruits génétiquement modifiés. Ces chiffres sont à prendre avec précaution, car il existe de grandes différences de tendances entre les pays européens (70 % des Allemands refuseraient d'acheter des pommes de terre modifiées tandis que 60 % des Français l'accepteraient).
Un autre sondage commandé par la revue britannique Nature en 1996, se révélait même plus pessimiste puisque selon celui-ci, 85 % des consommateurs européens éviteraient les aliments transgéniques s'ils le pouvaient.
La biotechnologie est devenu un enjeu de société. L'alimentation et ses produits réclament une plus grande transparence.
Sans éviter le débat indispensable sur la mise sur le marché de produits issus de manipulation génétique; il est urgent que le consommateur puisse faire un choix entre les aliments qui lui sont proposés.
L'apport de propriétés nouvelles à certains aliments par transfert de gènes, doit donc être signalé clairement au consommateur.
La présente proposition de loi a pour objet l'obligation d'informer le consommateur de la présence dans les produits qu'il consomme de composants transgéniques.
Elle propose d'insérer dans la loi du 24 janvier 1977 relative à la protection de la santé des consommateurs en ce qui concerne les denrées alimentaires et les autres produits, un article 4bis qui impose au Roi de veiller à ce que tout produit contenant directement ou indirectement des substances génétiquement modifiées soit étiqueté de manière effective et concrète sur cette origine particulière de la denrée alimentaire.
Les produits contenant directement des substances génétiquement modifiées sont ceux dont la composition recèle des produits transgéniques. Les produits contenant indirectement ces substances sont ceux qui dans leur processus d'élaboration ont été mis en contact avec une matière d'origine transgénique (par exemple, les volailles élevées au maïs génétiquement modifié).
Il est également important de prévoir dans l'article veillant à cet étiquetage effectif des produits OGM (organisme génétiquement modifié) que le fabricant qui ne sépare pas les aliments transgéniques des autres (comme c'est le cas de la plupart des exportateurs originaires des États-Unis), ainsi que l'importateur et celui qui met sur le marché de tels produits, verra apposé sur son produit la mention OGM. De nombreux produits pré-conditionnés originaires des États-Unis contiennent des aliments transgéniques et d'autres qui ne le sont pas. Or, une fois le mélange effectué, il n'est plus possible de détecter la présence d'organismes génétiquement modifiés. C'est pourquoi nous proposons d'étendre la catégorie de produits visés à ceux susceptibles de contenir des organismes génétiquement modifiés.
Enfin, il est proposé de sanctionner les infractions aux dispositions du nouvel article 4bis , des peines prévues aux articles 13, 14 et 15 de la loi.
Philippe MAHOUX. |
Article premier
La présente loi règle une matière visée à l'article 78 de la Constitution.
Art. 2
Un article 4bis , libellé comme suit, est inséré dans la loi du 24 janvier 1977 relative à la protection de la santé des consommateurs en ce qui concerne les denrées alimentaires et les autres produits :
« Art. 4 bis . Le Roi, sur proposition du ministre qui a la santé publique dans ses attributions organise l'étiquetage des denrées composées ou susceptibles d'être composées d'éléments génétiquement modifiés, et des denrées qui dans leur processus d'élaboration ont été mises en contact ou sont susceptibles d'avoir été mises en contact avec des éléments génétiquement modifiés.
L'étiquetage renseigne, de façon claire et complète, l'origine du produit. Il comporte la mention : OGM (« contient des organismes génétiquement modifiés » ou « mis en contact avec des organismes génétiquement modifiés »). »
Art. 3
À l'article 13, 1º, de la même loi, modifié par la loi du 22 mars 1989, les mots « de l'article 4bis , » sont insérés entre les mots « de l'article 4, §§ 3 et 4, » et « de l'article 5, § 4 ».
Art. 4
À l'article 14 de la même loi, modifié par la loi du 22 mars 1989, les mots « de l'article 4bis , » sont insérés entre les mots « de l'article 4, § 4, » et « de l'article 6, § 1er ».
Art. 5
L'article 15, § 1er , de la même loi, modifié par la loi du 22 mars 1989, est complété par un 8º, rédigé comme suit :
« 8º des denrées alimentaires qui contiennent un des produits mentionnés à l'article 4bis et ne portent pas les mentions requises. »
Philippe MAHOUX. |
(1) La présente proposition de loi a déjà été déposée au Sénat le 14 janvier 1998, sous le numéro 1-842/1, 1997/1998.