1-1243/2 | 1-1243/2 |
21 AVRIL 1999
La commission de la Justice a examiné la présente proposition de loi lors de sa réunion du 21 avril 1999.
L'article 1446 du Code civil prévoit que lorsque le régime légal prend fin par le décès d'un des époux, le conjoint survivant peut se faire attribuer par préférence un des immeubles servant au logement familial et l'immeuble servant à l'exercice de sa profession.
L'article 1447 prévoit cette même règle d'attribution préferentielle en cas de divorce, de séparation de corps ou de séparation de biens. Chacun des époux peut, au cours des opérations de liquidation, demander au tribunal de faire appliquer à son profit des dispositions de l'article 1446.
Les époux qui sont mariés sous le régime de la séparation de biens ne peuvent pas demander l'application des articles 1446 et 1447.
Des raisons d'équité commandent que la faculté offerte par les articles 1446 et 1447 du Code civil soit ouverte aux époux mariés sous un régime de séparation de biens, dans la mesure où l'immeuble familial ou professionnel sur lequel porte la demande d'attribution est indivis entre les époux.
En cas de divorce, l'un des deux conjoints pourrait menacer l'autre conjoint de soumettre l'immeuble familial ou professionnel indivis aux aléas de la vente publique, si l'autre conjoint n'accepte pas les conditions de divorce qu'il impose.
L'attribution préférentielle permet de maintenir au sein de la famille l'immeuble qui lui a servi de logement. Il est important que l'épouse puisse continuer à vivre dans cet immeuble avec les enfants. D'autre part, l'attribution préférentielle permet d'attribuer à l'époux demandeur l'immeuble commun dans lequel il a exercé sa profession (par exemple un médecin qui exerce sa profession au domicile conjugal).
Il semble donc plus conforme à l'équité de prévoir la faculté d'attribution préférentielle en cas de dissolution du régime de séparation pure et simple, par décès ou par divorce, lorsque les biens sur lesquels porte la demande d'attribution préférentielle sont indivis entre les époux.
Un membre considère que la proposition de loi en discussion mérite d'être examinée avec attention, car il arrive que, lors d'une procédure en divorce, l'un des conjoints exerce un chantage en menaçant de procéder à la vente publique du logement familial.
Un autre membre demande des précisions sur l'utilité de l'article 1469bis proposé. En effet, l'article 1447 est déjà applicable dans le cadre du divorce.
L'auteur de la proposition de loi souligne que l'article 1447 du Code civil traite exclusivement de la liquidation du régime de la communauté de biens. L'attribution par priorité n'est donc applicable que si les conjoints sont mariés sous le régime légal de la communauté de biens. L'auteur considère que cette possibilité d'attribution par priorité doit également être étendue aux conjoints mariés sous le régime de la séparation de biens pure et simple, dans le cadre duquel les biens immobiliers sont souvent en indivision.
L'intervenant suivant considère que cette règle est déjà fréquemment appliquée dans la pratique, y compris lorsque le conjoints sont mariés sous le régime de la séparation de biens. Priorité est souvent donnée à celui qui exerce une profession dans l'immeuble ou à celui qui y habite encore avec les enfants. Ce partenaire peut généralement rester dans le logement.
L'auteur peut confirmer que cette mesure de priorité est généralement accordée en référé, lorsqu'une procédure en divorce est en cours. Au cours de la procédure de liquidation et lorsque les conjoints sont mariés sous le régime de la séparation de biens et qu'ils divorcent pour cause déterminée, l'immeuble indivis affecté au logement familial ou à un usage professionnel doit toutefois, dans l'état actuel de la législation être vendu publiquement. Par contre, en cas de mariage sous le régime légal de la communauté de biens, chacun des conjoints peut demander l'attribution par priorité. Le juge statue alors, dans le respect des intérêts sociaux et familiaux en jeu et du droit à l'indemnisation ou du droit d'ester en justice. Généralement, aucune procédure judiciaire n'est engagée dans la pratique; la valeur du bien immobilier est fixée d'un commun accord avec les notaires, après expertise. Les parties ne sont toutefois pas confrontées à la menace d'une vente publique et d'un chantage de la part du partenaire qui ne veut plus occuper le bien.
Le gouvernement déclare ne pas pouvoir soutenir la proposition de loi.
En effet, on peut supposer qu'après mûre réflexion, les partenaires, pleinement conscients des risques possibles, ont opté pour le régime de la séparation des biens.
En outre, il est possible de modifier le régime matrimonial au cours du mariage et de l'adapter à l'évolution des besoins. Les possibilités ont du reste été assouplies au cours de la présente législature.
Il faut de surcroît tenir compte des intérêts des éventuels créanciers, qui peuvent être lésés si le bâtiment mis en gage change de statut. Le bâtiment pourrait en effet perdre de sa valeur au cas où il ferait l'objet d'une éventuelle attribution par priorité.
Par ailleurs, le texte proposé ne limite pas clairement l'application des articles 1446 et 1447 aux immeubles indivis.
L'auteur souligne que l'objectif que poursuit sa proposition est limité.
Il s'agit uniquement d'un bien immobilier qui a été acquis par les deux parties. Il s'agit uniquement de l'immeuble conjugal. Il lui semble que le logement familial doit bénéficier d'une protection en cas de divorce, même si les conjoints sont mariés sous le régime de la séparation des biens.
Il ne faut pas non plus perdre de vue que les partenaires dont l'un exerce une activité indépendante optent souvent pour le régime de la séparation de biens. Toutefois, le logement familial est le plus souvent acquis après le mariage, si bien qu'il est indivis.
Il y a également des frais liés à une modification du régime matrimonial. La plupart des parties y renonceront, surtout si cette modification n'intervient que dans la perspective d'une éventuelle attribution par priorité.
Le ministre renvoie à l'article 215 du Code civil. Le logement familial est bien protégé tant que dure le mariage. Si l'une des parties exerce une activité professionnelle dans le logement, il est indubitable qu'elle prendra progressivement conscience des risques éventuels liés au statut du bien immobilier. C'est aussi la raison pour laquelle le législateur prévoit la possibilité d'adapter le régime matrimonial à l'évolution des besoins au cours du mariage. Les possibilités offertes semblent suffisamment souples. On peut maintenir la séparation de biens et n'introduire dans la communauté que le logement en question. Les articles 1446 et 1447 sont alors applicables, étant donné qu'ils concernent à la fois la communauté de biens conventionnelle et la communauté de biens légale.
Un commissaire a l'impression que la proposition trouve son origine dans l'existence de difficultés concrètes. Il ne serait peut-être pas mauvais de les illustrer avant de procéder au vote.
Il faudrait également examiner si la modification proposée n'a pas de retombées sur d'autres situations.
Un certain délai de réflexion paraît nécessaire.
Plusieurs membres abondent dans le même sens.
Mme Jeanmoye demande de procéder au vote sur sa proposition de loi.
L'article 1er est rejeté par 5 voix contre 5.
L'article 2 est rejeté par 5 voix contre 4 et 1 abstention.
L'ensemble de la proposition de loi a été rejeté par 5 voix contre 4 et 1 abstention.
Confiance a été faite au rapporteur pour la rédaction du présent rapport.
Le rapporteur,
André BOURGEOIS. |
Le 2e
vice-président,
Stephan GORIS. |