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Sénat de Belgique

SESSION DE 1998-1999

20 AVRIL 1999


Proposition de loi relative à la fourniture au réseau public de courant électrique, produit à partir des sources d'énergie renouvelables


RAPPORT

FAIT AU NOM DE LA COMMISSION DES FINANCES ET DES AFFAIRES ÉCONOMIQUES PAR M. WEYTS


La commission a consacré plusieurs réunions à la discussion de la présente proposition de loi, à savoir le 31 janvier 1996, le 8 janvier et le 5 février 1997, les 20, 23 et 30 mars et le 20 avril 1999.

Le 5 février 1997, une audition a été organisée avec la participation de :

­ M. J.-P. Lemmens, d'Electrabel, expert en Techniques énergétiques et Innovation, sur la politique et le plan d'action du comité de gestion des entreprises d'électricité sur les énergies renouvelables;

­ M. Herremans, secrétaire général du Comité de contrôle de l'électricité et du gaz;

­ M. F. Delourme, secrétaire général adjoint du Comité de contrôle de l'électricité et du gaz;

­ M. E. Verheggehen, d'Electrabel, service Tarification et Études;

­ M. P. Radanne, directeur de l'Institut d'évaluation des stratégies sur l'énergie et l'environnement en Europe (INESTENE).

Ces auditions sont reprises en annexe du rapport.

1. EXPOSÉ INTRODUCTIF DE L'AUTEUR PRINCIPAL DE LA PROPOSITION

Mises à part quelques modifications, la présente proposition de loi reprend le texte qui a déjà été déposé au Sénat le 14 avril 1994, sous le numéro 1058-1 (1993-1994). Lors de la discussion de cette proposition en Commission, des auditions ont été organisées avec le Comité de contrôle du gaz et de l'électricité. À la suite du dépôt de cette proposition, le Comité a fait une recommandation et on a demandé de retirer la proposition de loi, ce que l'auteur n'a pas voulu faire.

En effet, la proposition de loi a été redéposée parce que le fait de substituer à une proposition de loi une recommandation du Comité de contrôle du gaz et de l'électricité en matière tarifaire, n'est pas suffisamment satisfaisant.

La proposition de loi à l'examen est d'actualité puisque le débat sur le plan d'équipement d'électricité, même s'il est déjà bien avancé, reste ouvert.

Les décisions gouvernementales déjà prises contiennent une série d'indications sur la tarification. Le ministre compétent a exprimé le souhait d'agir au niveau de la tarification afin de promouvoir les économies d'énergie. S'il y a une volonté politique d'agir sur la tarification, elle doit être examinée et discutée par le pouvoir législatif. En effet, la tarification est un outil d'orientation politique. Dès lors, l'auteur de la proposition a maintenu sa volonté de redéposer la proposition de loi. Il vaut mieux que l'obligation d'achat par les grandes sociétés d'électricité, ainsi que les conditions tarifaires, soient inscrites dans la loi.

L'interventante fait référence à l'audition de M. Attali du 17 janvier 1996. Pendant cette audition, il a été fait état de certains problèmes pratiquement insolubles liés à la problématique des déchets nucléaires, qui entraîne la problématique de la prolifération. À la même occasion, il a été fait état de l'effet de serre.

Pour répondre aux deux arguments développés par M. Attali, c'est-à-dire la problématique des déchets nucléaires avec son danger de prolifération et les dangers soulevés par l'effet de serre (catastrophes naturelles), nous devons agir sur les politiques énergétiques et les remettre en question.

Les gisements d'économie d'énergie sont importants. Ces gisements sont de l'ordre de 30 à 50 % dans les pays occidentaux. L'intervenante est d'avis qu'il faut que les gisements d'économie d'énergie s'accompagnent d'une montée en puissance des énergies renouvelables.

De toute manière, lors de la conférence de Rio, la Belgique a pris certains engagements. Nous devons prendre les décisions politiques pour y arriver. L'Europe a pris l'engagement qu'en 2010, 5 % de l'énergie seraient produits à partir des sources renouvelables. Nous sommes tenus par cet engagement.

L'intervenante se réfère à son exposé des motifs de la proposition de loi à l'examen. Dans d'autres pays européens, comme le Danemark et l'Allemagne, des législations similaires ont été adoptées. La présente proposition de loi est inspirée par une proposition allemande où on a imposé par la législation une obligation d'achat et un tarif qui soit à la fois aussi un tarif incitatif à la promotion des énergies renouvelables. Avec de telles législations, on a vu augmenter le parc de production en énergie renouvelable. Ceci vaut également pour le Portugal.

Tractebel utilise ce genre de législation pour s'implanter dans des pays où elles existent. Une série d'articles de presse ont fait état de la stratégie énergétique de Tractebel aux États-Unis et au Canada, où Tractebel se pose comme le promoteur de l'électricité verte. Il est fort de constater que ce que nous souhaitons voir réaliser en Belgique se fasse outre Atlantique. Effectivement, Tractebel s'est introduit comme producteur indépendant sur les marchés d'outre-Atlantique (ce qu'il ne peut pas faire en Belgique, vu son monopole de la production !).

Paradoxalement, les politiques sont complètement opposées selon que Tractebel est producteur indépendant ou qu'il exerce le monopole. Tractebel est en train de prouver que l'avenir est aux économies d'énergie, à l'indépendance des producteurs et à l'utilisation maximale des énergies renouvelables. Tractebel ajoute d'ailleurs que cette stratégie d'électricité verte n'est possible que si le contexte législatif est favorable.

Aux États-Unis, la loi (PURPA) oblige les distributeurs publics d'électricité à acheter la production de « petits producteurs » à un prix convenu d'avance, ce qui est l'esprit de la proposition à l'examen.

L'enjeu est extrêmement important : faire monter la capacité d'énergie renouvelable dans notre pays. À côté de l'énergie éolienne et de l'énergie solaire thermique, il y a encore d'autres possibilités d'énergies renouvelables pour nos régions, par exemple le biogaz, qui peut être utilisé en synergie avec différentes activités, notamment avec l'activité agricole par la mise en place de cultures énergétiques.

Cette production énergétique pourrait solutionner une partie des problèmes des déchets ménagers via le processus de biométhanisation. Des articles de presse récents démontrent qu'à Liège, Electrabel commence à se rendre compte qu'il vaut mieux utiliser le biogaz que l'envoyer dans l'atmosphère.

En conclusion, l'intervenante donne encore un dernier argument : jouer sur l'énergie renouvelable permet d'augmenter la décentralisation des modes de production.

Elle renvoie aux tableaux et graphiques établis par le centre d'étude d'Écolo sur la production et la consommation d'électricité en 1994, par province (voir : annexe 1). La province de Liège, ainsi que la province de Flandre orientale, ont une production d'électricité de 300 % plus élevée que leur consommation. Par contre, dans les provinces de Luxembourg et de Namur, la capacité de production est presque réduite à zéro. Par la décentralisation, et notamment en jouant sur les énergies renouvelables, on pourrait essayer de rééquilibrer et décentraliser.

Ceci pourrait résoudre partiellement le problème du transport de l'électricité, c'est-à-dire au niveau du plan d'équipement actuel (les nouvelles lignes électriques à haute tension).

2. DISCUSSION GÉNÉRALE

Un membre soulève préalablement les trois points suivants :

1. L'auteur de la proposition déplore que ce n'est pas le législateur qui organise l'achat de l'énergie renouvelable mais que celui-ci est laissé aux soins de la concertation entre les secteurs de la production et de la distribution de l'électricité. Dans tous les domaines où les problèmes se posent en matière d'électricité, on a décidé ­ il y a une quarantaine d'années, en 1955 ­ de subordonner les décisions des électriciens à la concertation au sein du Comité de contrôle du gaz et de l'électricité. Ceci est une réalité qui doit être prise en considération. Des choses aussi importantes que l'équipement sont soumises au Comité de contrôle du gaz et de l'électricité et au Comité national de l'énergie.

Après l'avis des Comités, le gouvernement prend une décision qui est ou non dans la ligne de l'avis rendu.

Le domaine de la tarification est la mission quasi quotidienne du Comité de contrôle du gaz et de l'électricité qui décide de l'affectation de la recette. Il faut bien se rendre compte que tout ne peut pas être réglé par la loi en Belgique. Une autre approche a été privilégiée dans les années '50. Cette approche poursuit encore son chemin actuellement.

2. Quant au monopole, le membre attire l'attention de la commission sur le fait que le monopole communal de distribution est à la base du monopole existant. Cette territorialité se trouve à l'origine des concessions des intercommunales pures ou mixtes et des régies qui ont été instaurées en Belgique. Ce n'est qu'en passant par l'autorité communale qu'en réalité un producteur d'électricité peut bénéficier du droit de distribuer le produit et, dans l'immense majorité des cas en association avec les communes.

En matière de production, il n'y a aucun monopole. La Commission européenne poursuit les gouvernements qui prévoient dans la législation ou dans les statuts de la société locale ou nationale de l'électricité, des dispositions qui accordent à celle-ci un monopole d'importation ou d'exportation, mais aussi un monopole de production.

Depuis 5-6 ans, la Commission européenne a commencé à élaborer des propositions qui permettent l'accès négocié des tiers au réseau. La notion du monopole ­ si elle existe ­ est une notion qui s'étend uniquement à la distribution, pas à la production, ni à l'importation, ni à l'exportation. Elle est le résultat de concessions communales qui ont été attribuées.

3. Selon le discours de l'auteur de la proposition de loi, la société Electrabel paraît un géant. Au niveau de la Belgique, une société paraît vite gigantesque. En réalité, Electrabel est six à sept fois inférieure en dimension à Électricité de France, même cinq fois inférieure à la société privée « Rheinische Westfälische Elektrizitätsgesellschaft ».

Un membre estime que la proposition de loi ne prend pas suffisamment en considération certains faits nouveaux, à savoir les recommandations émises par le Comité de contrôle de l'électricité et du gaz, la première sur la tarification des achats d'énergie électrique aux auto-producteurs et la deuxième, sur l'aide extra-tarifaire, au développement des énergies renouvelables.

Les électriciens considèrent qu'ils fournissent une contribution concrète et économiquement raisonnable à la problématique qu'évoque la présente proposition de loi. D'après eux, on peut constater que les aménagements tarifaires contiennent des assouplissements et des simplifications qui sont de nature à modifier complètement l'approche par rapport à l'ancienne tarification des achats d'énergie électrique aux auto-producteurs. D'autre part, un subside de 1 franc par kWh est donné en fait aux auto-producteurs pour les énergies renouvelables. Actuellement, le prix d'achat est de l'ordre de 2,30 francs par kWh pour ces électricités.

En dehors de ces deux recommandations appliquées par les producteurs, ceux-ci, au titre de distributeur, ont également inscrit ou vont inscrire une modification de leur règlement, en mentionnant dans ce règlement l'engagement d'acheter l'électricité renouvelable dans des conditions prévues par les recommandations du Comité de contrôle.

En examinant la proposition, la comparaison avec les pays voisins semble indiquer que les conditions offertes en Belgique se situent dans la ligne de celles des autres pays. Contrairement à la proposition, au Danemark, les frais de raccordement au réseau ne sont pas à charge du producteur-distributeur d'électricité, mais à charge de l'auto-producteur. Les frais de renforcement éventuel des réseaux sont à charge des distributeurs ­ comme dans la plupart des pays.

En ce qui concerne l'aménagement du tarif d'achat aux auto-producteurs, quatre modifications sont intervenues depuis janvier 1995 :

­ la suppression de la restriction qui concernait les volumes d'énergie rachetés en heures creuses (quels que soient le moment et la qualité des kwh, tous les kwh sont désormais achetés);

­ une rémunération de l'auto-producteur qui dépend moins de la fiabilité de ses fournitures, ce qui favorise surtout les petits auto-producteurs aux productions aléatoires;

­ une simplification qui permet de plus à l'auto-producteur d'estimer a priori la rémunération à laquelle il peut prétendre;

­ une rémunération supplémentaire pour les auto-producteurs qui livrent dans le réseau des distributeurs, ce qui permet de réduire les pertes en réseau.

De plus, certaines considérations sont appliquées à la tarification des achats aux auto-producteurs. La rémunération est plus élevée selon le type d'auto-production (il y a quatre types d'auto-producteurs). La rémunération la plus élevée est octroyée aux auto-producteurs dont la production est inférieure à 10 000 kw, qui ont une énergie renouvelable ou récupérable ou combinée. S'il s'agit vraiment d'énergie renouvelable, une aide extra-tarifaire de 1 franc par kwh s'ajoute au tarif d'achat proprement dit.

Une membre se demande si ce plafond peu élevé ne mène pas à un émiettement formidable, difficile à manager, ce qui impliquera que cette énergie électrique deviendra très chère pour le consommateur.

L'intervenante est convaincue que l'énergie renouvelable est la voie à prendre pour l'avenir. Les énergies renouvelables ne remplaceront jamais d'autres sources d'énergie, mais faire un pas volontariste vers les énergies renouvelables pourrait déjà limiter les dégâts.

Une sénatrice ne conteste pas la concertation avec le Comité de contrôle de l'électricité et du gaz bien que les producteurs y soient bien représentés, voire majoritaires. La proposition de loi n'a pas pour but de substituer la loi au Comité de contrôle dans la gestion de la tarification, puisqu'une loi doit uniquement donner des orientations.

Les recommandations du Comité de contrôle sont relativement intéressantes; en tout cas, c'est mieux que ce qu'il y avait avant, puisque l'aide aux auto-producteurs était limitée à 0,5 francs, ce qui n'incitait personne à se lancer dans l'auto-production. Le but de la proposition de loi est également d'être une incitation au développement de telles unités.

En plus, l'intervenante prétend que le Comité de contrôle joue sur les mots : on dit qu'il faut de la tarification, puis, ce n'est plus une tarification mais une aide. Au niveau de la législation, on parle de tarification, pas d'aide, ce qui pose un problème de compétence.

Par rapport à son aide extra-tarifaire, le Comité de contrôle a décidé que l'aide est accordée jusque fin 1998. Une législation a au moins, vis-à-vis des auto-producteurs, un caractère plus sécurisant. Si on peut promouvoir ce genre d'énergie, il ne faut pas prendre une mesure pour deux ans qui devrait ensuite être évaluée avant d'être prolongée. Il est vrai que des investissements importants (qui jugera de cette importance ?) sont garantis pendant 10 ans, mais l'aide n'est pas suffisamment incitative pour qu'il y ait des investissements.

En ce qui concerne les monopoles, elle souligne que la présente proposition de loi est déjà adoucie sur ce sujet par rapport à la première version pour rencontrer les objections émises par le parti socialiste qui craint que les intercommunales perdraient des moyens.

S'il n'y a pas un monopole réel, il y a un monopole de fait. De toute façon, Electrabel s'oppose à l'accès des tiers au réseau.

La directive était à l'ordre du jour du dernier Conseil des ministres européens.

Un membre fait remarquer que pendant la réunion du 21 décembre 1995, deux propositions ont été débattues : d'une part, sur le système de l'acheteur unique (qui était la thèse que les Français accréditaient) et, d'autre part, sur l'accès des tiers au réseau.

La présidence espagnole escomptait faire approuver les deux formules. Devant l'hostilité de l'Allemagne et de la Grande-Bretagne d'ouvrir la perspective aux pays qui maintenaient le système de l'acheteur unique, la proposition n'a pas été adoptée. En effet, l'Allemagne et la Grande-Bretagne considéraient que ce système était discriminatoire à l'égard de leurs sociétés d'électricité qui auraient de grosses difficultés à pénétrer sur le marché français avec le système de l'acheteur unique. Celui-ci était cependant obligé, dans certaines circonstances, d'accepter d'importer et de transporter sur son réseau l'électricité qui s'offrait à la frontière à l'intention des consommateurs industriels. Les six mois de présidence italienne risquent d'être infructueux. On verra ce que donneront les présidences irlandaise et luxembourgeoise.

Une sénatrice fait observer qu'il est intéressant de savoir que l'Allemagne dispose d'une législation nationale semblable, même plus favorable que les dispositions de la proposition de loi : on va jusqu'à payer 90 % du prix des énergies renouvelables. Une société plus importante qu'Electrabel l'a accepté.

Elle ne s'oppose pas à une concertation du Comité de contrôle, au contraire, mais elle estime qu'il faut une législation. On ne peut pas tout laisser au bon vouloir de cette instance au sein de laquelle les producteurs sont très fort représentés.

Un membre invoque que l'énergie renouvelable peut être achetée, pendant les heures d'utilisation et si c'est une énergie fiable, à 3,28 francs/Kwh, ce qui est un prix relativement satisfaisant, même si le niveau des prix payés est contesté par les électriciens.


Lors de la réunion du 8 janvier 1997, l'auteur principal de la proposition désire faire quelques commentaires complémentaires à propos des énergies renouvelables.

En Belgique, la production de l'électricité à partir des sources d'énergie renouvelables, représente moins de 1 % de la consommation primaire énergétique. Elle représente 1/5 de la contribution totale des énergies renouvelables, soit une part de 1,9 % de la demande totale d'électricité, alors que la moyenne européenne est de 9,8 %. Seule la Grande-Bretagne fait moins bien que nous, avec 1,4 %.

En Belgique, c'est la source d'énergie hydraulique qui est actuellement la plus exploitée.

Pour quelles raisons fait-on obstacle au développement de l'exploitation des énergies renouvelables, alors que l'Union européenne va sans doute demander, à l'horizon 2010, que 10 % de la production d'électricité provienne des énergies renouvelables ? Comment se fait-il qu'en Belgique ce secteur de production soit toujours aussi bas ?

Ces obstacles sont, certes, dus à l'absence d'évolution des mentalités. On croit toujours assez naïvement d'ailleurs, que l'énergie renouvelable c'est le solaire et qu'en Belgique il n'y a pas de soleil.

Il est vrai, et le ministre l'avait d'ailleurs souligné, qu'une action sur le prix de l'énergie est une des conditions essentielles au développement des énergies renouvelables. Cela passe donc par la tarification, qui est un moyen d'intégrer des coûts extérieurs. Or, en ce qui concerne les énergies renouvelables, il est très important de tenir compte des frais évités en matière d'environnement. Mais, au-delà même de cet aspect, la tarification peut favoriser l'une ou l'autre forme d'énergie, selon l'impulsion politique qu'on veut lui donner. En tout cas, il y a un an la tarification de l'électricité produite à partir de l'énergie renouvelable en Belgique, était telle qu'il était impossible que la filière se développe.

Il est vrai que le Comité de contrôle a préparé une autre proposition qui consiste à ajouter 1 franc de subside au prix d'achat, ce qui améliore les choses, mais est tout de même aléatoire, parce que cette proposition n'est liée à aucune législation. Elle est liée au bon vouloir du Comité de contrôle de l'électricité et du gaz et est instaurée pour une période se terminant fin 1998. Après cela on procéderait à une évaluation et si on ne constatait aucune amélioration, cette aide tarifaire serait supprimée.

Il est clair, quand on accorde à un secteur comme celui des énergies renouvelables, une aide pour une courte période, alors qu'on sait que pour amortir des investissements en ce domaine, il faut un minimum de 10 ans, qu'il est impossible que la filière se développe.

Il est intéressant de détailler les enjeux de la proposition. Il s'agit de l'obligation de rachat par les sociétés de distribution, qui doit se faire au lieu de production. Ceci est très important, car, que l'électricité soit livrée en haute ou en basse tension, c'est à ce niveau que, très souvent, les compagnies de distribution mettent des obstacles techniques tels, qu'il devient difficile pour les auto-producteurs d'être compétitifs. L'autre enjeu est qu'il s'agit d'électricité produite par des unités ne dépassant pas 10 Mégawatts. Pourquoi 10 MW ? Parce que les énergies renouvelables sont intéressantes en termes environnementaux lorsqu'elles sont décentralisées.

Seule une loi permet d'imposer ces conditions. Et si on compare cette situation à celle d'autres pays, partout où il y a eu une obligation de rachat et où un prix correct est légalement fixé, la filière de l'énergie renouvelable s'est développée. C'est ce qui explique que la Belgique se trouve en queue du peloton européen avec 1,9 % d'électricité produite à partir d'énergies renouvelables, alors que la moyenne européenne est de 9,8 %.

En Allemagne, une loi a été votée en 1990, dont l'auteur de la proposition s'est d'ailleurs inspirée, bien que la présente proposition soit moins favorable que la précédente. Le Danemark dispose, lui aussi, d'une législation extrêmement favorable en ce domaine (obligation de rachat ­ prix équivalent à 85 % du prix de vente au consommateur). Lorsqu'il s'agit du soleil ou d'éoliennes, l'Allemagne paye 90 % de ce qui est facturé au consommateur et 75 % pour les autres sources. En Belgique on n'est nulle part.

Une troisième expérience très significative a été menée au Portugal, où existe également une telle législation (obligation d'achat et tarif lié au tarif public).

L'intervenante ajoute que même Tractebel, qui s'est installé aux États-Unis et au Canada ­, en tant que producteur indépendant d'énergie à partir de sources d'énergie renouvelables, a déclaré qu'une des conditions importantes à la réalisation de sa stratégie dans ces pays était l'existence d'un contexte législatif favorable.

L'auteur de la proposition insiste auprès du ministre et souhaite qu'il prenne cette proposition en considération et donne un avis favorable. Elle répète qu'il s'agit d'une proposition minimaliste et qu'il faudrait aller encore plus loin. Une solution encore plus simple pour promouvoir les énergies renouvelables serait, en effet, de donner aux producteurs d'énergies renouvelables un pourcentage de ce qui est facturé au consommateur.

Reprise de la discussion générale

Un membre souligne que tout le monde est fort intéressé par cette proposition, car il est toujours intéressant d'étudier les nouvelles techniques.

Dans les développements, à la page 7 du document, l'auteur de la proposition se réfère aux expériences faites en ce domaine par Tractebel au Canada et aux États-Unis. Tractebel en a également fait dans notre pays (cf. Zeebrugge). Or les résultats en furent nuls et tout a été revendu quelques mois plus tard. Ne serait-il pas utile que la commission entende un expert d'Electrabel pour connaître son avis sur l'alternative des sources d'énergie renouvelables dans notre pays ? En effet, certaines techniques peuvent par exemple s'avérer intéressantes au Maroc mais pas chez nous. Nous devons faire en sorte d'être bien approvisionnés en électricité, et ce au meilleur prix possible.

Un autre membre se réfère à l'article 2. On y parle de l'achat et de la rémunération de l'électricité produite au départ de sources d'énergies renouvelables. Mais ces sources ne sont définies nulle part. Il est énuméré à l'article 4, ce à quoi les dispositions de la présente loi ne s'appliquent pas. Il s'agit donc d'une définition négative. D'autre part, à l'article 3, 1º, on inclut les centrales hydrauliques, alors qu'à l'article 4 elles sont exclues. Qu'en est-il ?

Une deuxième remarque du même membre concerne l'article 3, 3º, qui comporte une définition du prix moyen du kilowattheure. L'intervenant n'a pas refait le calcul, mais l'auteur de la proposition est-elle sûre que pour ce prix moyen, qui est le prix auquel elle veut qu'on achète les sources d'énergie renouvelables, il y aura une production économiquement vendable, aux conditions définies par l'article 3, 3º ?

Enfin, à l'article 5, l'intervenant suppose que le § 2 contient une erreur. L'auteur veut sans doute dire à l'article 6 et non 5 ? À moins que le § 2 renvoie au § 3 du même article ? Dans ce cas, le prix d'achat n'est fixé que par le ministre des Affaires économiques, qui déclare, quant à lui, que le résultat brut des électriciens ne peut être affecté. Cela veut-il dire qu'un kilowatt produit est acheté par les électriciens à 5 francs, qu'ils y appliquent leur marge normale et que cela s'incorpore dans le courant globalement produit par les sociétés d'électricité à 5 francs ?

Une membre voudrait savoir si ce sont donc bien les sociétés distributrices d'électricité qui devraient se charger d'acheter le matériel permettant d'inclure des petites productions d'électricité dans leur propre production. Elle s'interroge dans ce cas sur la nécessité d'indiquer une production minimale.

Un autre membre ajoute qu'il faut bien se souvenir aussi que les équipements de moulins à vent qui avaient été réalisés à la côte belge, n'ont pas été d'une rentabilité économique suffisante. Il se demande même s'il n'y a pas eu de faillite.

Une sénatrice estime que l'article 3 contient une série de définitions. Ce qui est défini dans le 1º de cet article constitue le concept de la biomasse. Il est exact qu'une chose ne se trouve pas dans cette proposition de loi, et c'est volontaire, parce que cela nécessite une proposition de loi distincte, il s'agit de la tarification qu'il faudrait appliquer au secteur de la cogénération.

Quant au prix moyen, ce que souhaite l'auteur de la proposition est la simplification du calcul. En effet, le calcul du prix du kWh rétribué est extrêmement compliqué. La proposition serait de travailler à partir du prix global moyen et d'établir un prix constant qui serait payé au producteur. Dans la proposition du Comité de contrôle, la société de distribution payerait 2 francs à l'auto-producteur, alors qu'elle revend à 4 francs au consommateur. Or dans la proposition de l'intervenante, on arriverait dans tous les cas de figure à au moins 2,5 francs.

D'ailleurs un amendement, calqué sur la proposition allemande, est préparé, qui permettrait d'atteindre 3,5 francs de rémunération. Ce qui serait certainement beaucoup plus encourageant pour la filière. Bien entendu, ce calcul doit être effectué par le département des Affaires économiques.

En résumé, ce sera établi en fonction d'une obligation de rachat et à un prix d'achat qui restera constant et lié au prix du marché.

En ce qui concerne l'achat au lieu même de production, la raison en est la suivante. La production se fait en haute ou en basse tension. Cela nécessite donc un transformateur dont le coût est élevé. Dès lors, les sociétés de distribution mettent des contraintes techniques telles qu'il devient impossible pour un auto-producteur d'en financer la technologie, surtout si on lui paye trop peu l'électricité qu'il produit.

La proposition prévoit donc que le coût des contraintes techniques doit être pris en charge par les sociétés de distribution.

Pour expliquer la limitation à 10 mégawatts, l'intervenante précise que c'est en vue d'obtenir une production décentralisée, ce qui est indispensable en matière de renouvelable.

Cela permet, en outre, d'inclure toutes les centrales hydroélectriques actuelles.


La commission décide d'organiser des auditions avec des experts d'Electrabel et du Comité du contrôle du gaz et de l'électricité, ainsi qu'avec M. Radanne (les auditions sont jointes en annexe du présent rapport ­ voir : annexes 2 à 6).

3. DISCUSSION DES AMENDEMENTS

Lors de la réunion du 23 mars 1999, le président propose de joindre la proposition de loi au projet de loi relative à l'organisation du marché de l'électricité (nº 1-1308).

En vue d'améliorer la proposition de loi, Mme Dardenne dépose deux amendements en vue de faire en sorte que la tarification soit supérieure à ce qu'elle est actuellement.

L'auteur déclare avoir maintenu sa proposition, bien qu'en 1995 le Comité de contrôle qui devait rendre un avis ait proposé une bonification d'1 franc sur la tarification des énergies renouvelables. Depuis on est même passé à 2 francs. L'intervenante estime que ses amendements permettent d'augmenter encore cette tarification. Elle souhaiterait que cette nouvelle tarification favorise une politique volontariste en matière d'énergies renouvelables, comme c'est déjà le cas dans d'autres pays.

L'amendement nº 1 a pour objet de :

« Remplacer le 3º de cet article par le texte suivant :

« prix moyen du kilowatt/heure : la moyenne du montant facturé au kW/h par les distributeurs d'électricité pour la vente aux utilisateurs en basse tension, redevance comprise. »

Justification

Nous considérons qu'il faut se référer au prix global (redevance comprise) pour calculer le prix moyen du kilowatt qui doit servir de base à la tarification proposée. On évite ainsi le risque que les sociétés de distribution d'électricité ne diminuent le montant du prix unitaire de vente en compensant par une augmentation de la redevance.

C'est le tarif appliqué aux utilisateurs basse tension qui sert de référence pour le prix moyen : c'est en effet le tarif le plus élevé.

L'objectif de favoriser la production d'électricité à partir de sources d'énergie renouvelables est donc bien rencontré.

L'amendement nº 2 tend à :

« Remplacer cet article par les dispositions suivantes :

« La rémunération s'élève au minimum à 90 % du prix moyen au kW/h défini à l'article 3 pour l'éolien et le solaire (quelle que soit la puissance installée dans les limites de l'article 4); à 75 % pour toute autre production d'une puissance installée allant jusqu'à 1 MW (mégawatt) et à 65 % pour les puissances supérieures à 1 MW (mégawatt). »

Justification

La formule retenue par l'amendement présente deux aspects positifs :

1. Une simplification du calcul de la rémunération accordée à l'auto-producteur. Par ailleurs, cette formule a l'avantage d'intégrer le coût du transport de l'énergie, puisqu'en favorisant la production locale et décentralisée d'énergie, on évite le coût du transport.

2. L'assurance d'un prix suffisamment élevé et stable (non lié aux pointes) pour le producteur, ce qui permet d'obtenir un retour correct sur l'investissement, plus rapide aussi, et qui est une condition nécessaire si l'on veut voir se développer significativement la production d'électricité à partir de sources d'énergie renouvelables.

Le ministre déclare que cette proposition s'inscrit dans un contexte légal qui est en pleine modification, que la directive est transposée et crée de nouvelles structures, de nouveaux modes d'organisation et un rôle accru de la commission de régulation.

Pour le reste, la technicité de ces propositions s'écarte d'un principe de bonne gestion. D'ailleurs ce genre de dispositions techniques ne doit pas se retrouver dans la loi. Ce genre de détails doit être réglé par les organes de régulation mis en place par l'exécutif, à charge pour eux de rendre compte au Parlement des modalités d'application de ces dispositions.

Le ministre estime que les préoccupations de l'auteur des amendements sont largement rencontrées par le nouveau dispositif proposé dans la transposition de la directive.

La sénatrice persiste à croire que non et que tout va mieux lorsqu'on le dit clairement. Elle estime que le moyen qu'elle propose est simple et non d'une technicité compliquée, d'autant plus qu'il est utilisé dans beaucoup d'autres pays.

L'intervenante rappelle que nous sommes, en Belgique à une production d'électricité d'à peine 1,5 % à partir des renouvelables et qu'en 2010 nous devrons arriver à au moins 10 % conformément aux dispositions européennes en la matière.

Elle aimerait que le ministre lui donne une justification basée sur des arguments plus circonstanciés pour lui expliquer pourquoi le fait de changer de système rend sa proposition sans objet.

4. VOTES

Les amendements nºs 1 et 2 sont rejetés par 6 voix contre 1 et 2 abstentions.

La commission décide par 6 voix contre 1 et 2 abstentions que la proposition est devenue sans objet, suite à l'adoption du projet de loi relative à l'organisation du marché de l'électricité (voir doc. 1-1308/4).

Le présent rapport est approuvé à l'unanimité des 8 membres présents.

Le rapporteur,
Johan WEYTS.
Le président,
Paul HATRY.