1-1302/2

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Sénat de Belgique

SESSION DE 1998-1999

30 MARS 1999


Projet de loi relative à la discipline professionnelle des experts-comptables et des conseils fiscaux


RAPPORT

FAIT AU NOM DE LA COMMISSION DES FINANCES ET DES AFFAIRES ÉCONOMIQUES PAR M. WEYTS


SOMMAIRE


  1. Introduction du président
  2. Exposé introductif du ministre de l'Agriculture et des Petites et Moyennes Entreprises
  3. Discussion générale
  4. Discussion des articles et votes
  5. Annexe : auditions
    1. Point de vue de l'Institut belge des conseils fiscaux
    2. Point de vue des autres instituts professionnels : l'Institut des experts-comptables, l'Institut des réviseurs d'entreprises et l'Institut professionnel des comptables
    3. Point de vue de l'Ordre national des avocats
    4. Point de vue de la Fédération des entreprises de Belgique
    5. Point de vue de la NCMV
    6. Point de vue de la Fédération nationale des Unions de Classes moyennes
    7. Point de vue du Liberaal Verbond voor Zelfstandigen
    8. Point de vue des bureaux d'audit
    9. Point de vue de l'administration fiscale
    10. Échange de vues

La commission a examiné le présent projet au cours de ses réunions des 25 et 30 mars 1999. Cependant, il convient de tenir compte aussi des auditions préalables qui ont été tenues en 1996.

1. INTRODUCTION DU PRÉSIDENT

Le président explique que le Sénat n'a pas évoqué le projet de loi relative aux professions comptables et fiscales (nº 1-1314) étant donné les demandes instantes des professionnels concernés, qui en sont satisfaits. Par contre, le projet de loi relative à la discipline professionnelle des experts-comptables et des conseils fiscaux est du bicaméralisme obligatoire et doit être examiné par le Sénat.

Le président fait également observer que la commission a toujours attaché beaucoup d'intérêt à la problématique des professions comptables et fiscales. Lorsque les premières demandes en réglementation de la profession ont été introduites, la commission a tenu des auditions avec les demandeurs concernés. Le texte de ces auditions a été annexé au rapport de façon à avoir une vision complète de la matière.

Ces auditions ont eu lieu le 6 mars, le 3 avril, le 22 mai et le 5 juin 1996.

Au cours de ces auditions, les invités suivants ont pu développer leur point de vue :

­ M. Krockaert président de l'Institut des experts-comptables;

­ M. Behets, président de l'Institut des réviseurs d'entreprises;

­ M. Limme, président de l'Institut professionnel des comptables;

­ MM. Maeckelbergh et Lambrechts, coprésidents de l'Institut belge des conseils fiscaux;

­ MM. Lagae et Afschrift, représentants de l'Ordre national des avocats;

­ M. Minne, Managing Partner de Coopers & Lybrand;

­ M. Vantieghem, Managing Partner de Arthur Andersen & Cº;

­ M. Keutgen, administrateur, secrétaire général de la Fédération des entreprises de Belgique;

­ M. Peeters, secrétaire général du NCMV;

­ M. Colin, secrétaire général de la Fédération nationale des Unions de Classes moyennes;

­ M. Carpentier, directeur du « Liberaal Verbond voor Zelfstandigen »;

­ M. Van Wemmel, vice-président du « Liberaal Verbond voor Bedrijfsrevisoren, Accountants en Belastingconsulenten »;

­ M. Coppens, directeur général de l'administration de l'Inspection spéciale des impôts.

Ces auditions ont été organisées à la suite de la requête en réglementation (parue au Moniteur belge du 8 mars 1996) déposée par l'Institut belge des conseils fiscaux.

Cette requête se base sur la loi-cadre du 1er mars 1976 réglementant la protection du titre professionnel et l'exercice des professions intellectuelles prestataires de services, dite « loi-Verhaegen ».

Ce n'est toutefois pas la première fois que l'on tente de réglementer la profession de conseil fiscal. En 1969, M. Baeskens avait déjà déposé une proposition de loi visant à instaurer un Ordre des conseils fiscaux. Entre 1976 et 1979, il y a eu différentes tentatives (toutes fondées sur la loi-cadre « Verhaegen ») d'organiser légalement la profession de conseil fiscal. En 1982, M. Claes a déposé une proposition de loi visant à réformer le révisorat, alors qu'en 1984-1985, M. Wauthy a déposé une proposition de loi organisant la profession de conseil fiscal. Par ailleurs, la secrétaire d'État Mme De Meester a déposé un projet de loi au cours des années 1987-1989.

La requête du 8 mars 1996 n'est pas la première requête présentée par l'Institut belge des conseils fiscaux. L'IBC avait déjà déposé trois requêtes au cabinet du ministre ayant les PME dans ses attributions.

Ni les tentatives précitées, ni aucune autre tentative n'ont donné lieu, jusqu'à présent, à un agrément.

2. EXPOSÉ INTRODUCTIF DU MINISTRE DE L'AGRICULTURE ET DES PETITES ET MOYENNES ENTREPRISES

Par ces deux projets, le gouvernement vise trois objectifs fondamentaux : organiser la profession fiscale, encourager l'intégration des instituts au sein desquels les professions économiques sont organisées et encourager les entreprises débutantes (starters) à consulter des conseillers compétents.

L'organisation de la profession fiscale par l'élaboration de règles déontologiques et le contrôle des professions concernées aboutira à une meilleure protection du contribuable et, plus particulièrement, à de meilleurs rapports entre celui-ci et les administrations fiscales.

Au lieu de créer un nouvel institut, la réglementation de cette profession telle que proposée par le gouvernement tient compte de l'existence de deux instituts regroupant déjà des personnes qualifiées exerçant d'importantes activités fiscales. Il s'agit de l'Institut des Experts-Comptables et de l'Institut professionnel des Comptables.

Il est dès lors proposé, à la suite d'une concertation préalable avec ces instituts et l'association professionnelle des conseils fiscaux, de reconnaître à la profession fiscale une protection du titre, à deux niveaux de formation différents, d'une part celui de conseil fiscal dont les titulaires seraient intégrés dans l'Institut des Experts-Comptables appelé à devenir l'Institut des Experts-Comptables et des Conseils fiscaux et, d'autre part, celui de comptable agréé qui a poursuivi une spécialisation en fiscalité, le comptable-fiscaliste agréé, pour lesquel une liste distincte serait prévue à l'Institut professionnel des Comptables, qui deviendrait l'Institut professionnel des Comptables et Fiscalistes agréés.

Le projet proposé par le gouvernement n'a pas pour effet de créer un monopole quelconque. Il a en effet été considéré qu'une protection du titre et la surveillance y attachée peuvent offrir au contribuable des garanties suffisantes. Par ailleurs, d'autres professions, dotées de réglementations spécifiques, ainsi que d'autres prestataires de services sont également actifs dans le domaine fiscal.

L'intégration des titulaires de ces nouveaux titres légaux dans des instituts existants a pour conséquence que le texte du projet de loi relative aux professions comptables et fiscales (nº 1-1314) a pu s'inspirer en grande partie des dispositions légales et réglementaires organisant ces instituts.

Ainsi, les diplômes actuels des candidats experts-comptables tels qu'ils sont fixés dans les arrêtés royaux des 22 novembre 1990 et 8 août 1997 demeureront d'application dans le cadre de la nouvelle réglementation. De même, les diplômes, par exemple délivrés par les établissements d'enseignement agréés par les communautés relatifs aux sciences fiscales, et ceux par exemple délivrés par l'École supérieure de fiscalité seront également joints à cette liste afin de tenir compte de la présente législation.

Dans ce contexte, la composition de la commission de stage sera notamment modifiée afin de permettre l'élargissement aux conseils fiscaux, tandis qu'une adaptation de l'examen d'accès au stage sera opérée, sans pour autant déroger à la 8e directive du Conseil européen de 1984. Cela signifie concrètement que des matières telles que la comptabilité générale, le droit comptable, le droit fiscal ­ concernant par exemple la procédure fiscale et les droits de succession ­, la déontologie, le droit des sociétés et plus spécifiquement des matières telles que les missions spéciales, l'auditing et le contrôle interne entreront toujours en ligne de compte.

Bien sûr, les conseils fiscaux qui exercent aujourd'hui la profession doivent être admis au sein du nouvel Institut des Experts-Comptables et des Conseils fiscaux. À cette fin, une commission d'agrément sera créée. Elle sera composée paritairement de conseils fiscaux et d'experts-comptables, et présidée par un des magistrats présidant actuellement la chambre disciplinaire à l'Institut des Experts-Comptables. Cette commission exercera ses activités pendant une période aussi courte que possible dont la durée sera fixée par arrêté royal. En effet, nous avons tous intérêt à ce que la période de transition soit la plus courte possible.

Le projet de loi relative à la discipline professionnelle des experts-comptables et des conseils fiscaux trouve sa justification dans le fait que la compétence de la Cour de cassation et la procédure devant cette Cour concernent une matière visée à l'article 77, alinéa 1er , 3º, de la Constitution. Pour des raisons de cohérence, il a été choisi de reprendre dans ce projet toute la procédure disciplinaire.

Le deuxième objectif poursuivi par le gouvernement consiste à formaliser le rapprochement qui existe entre l'Institut des Experts-Comptables et l'Institut des Reviseurs d'Entreprises et à l'étendre à l'Institut professionnel des Comptables dans la perspective, à terme, de la réunion des instituts.

C'est à ce titre qu'est consacrée légalement l'existence d'un Comité interinstituts, organe de concertation au sein duquel les représentants des instituts pourraient notamment discuter de matières communes et préparer des points de vue communs.

L'extension des compétences du Conseil supérieur du Revisorat d'entreprises et de l'Expertise comptable ­ appelé ultérieurement le Conseil supérieur des professions économiques ­ aux conseils fiscaux, comptables agréés et comptables-fiscalistes en est aussi un exemple.

Enfin, en vue d'augmenter les chances de survie des entreprises débutantes, le projet de loi relatif aux professions comptables et fiscales prévoit pour celles-ci la possibilité de faire gratuitement appel à l'assistance d'un stagiaire expert-comptable ou d'un stagiaire comptable placé sous la surveillance d'un maître de stage afin d'établir ainsi un plan financier et de bénéficier d'une première consultation gratuite des conseils fiscaux et des comptables externes ainsi que des comptables et comptables-fiscalistes agréés. Les instituts existants sont ainsi responsabilisés dans cette matière.

Ces projets mettent fin à une vieille querelle sur le statut des conseillers fiscaux. D'une part, les experts-comptables et les conseils fiscaux sont regroupés; d'autre part, les professions comptables et fiscales sont également regroupées, ce qui permet une plus grande transparence dans les services fiscaux, sans pour autant provoquer de rupture entre les professions comptables et fiscales. Celui qui en sa qualité d'entrepreneur indépendant, de simple citoyen ou d'acteur économique veut faire appel à un conseiller fiscal ou comptable aura la certitude qu'il s'adresse à une personne possédant effectivement les connaissances et l'exprérience fiscales ou comptables suffisantes pour accorder une consultation de qualité

3. DISCUSSION GÉNÉRALE

Un membre demande au ministre sous quelle forme le Conseil d'État a été consulté.

Le ministre répond qu'initialement un seul avant-projet de loi a été soumis pour avis au Conseil d'État, mais, suite à l'avis rendu par ce dernier, le projet de loi a été scindé en deux; le premier projet réglant des matières visées à l'article 78 de la Constitution, le deuxième réglant des matières visées à l'article 77 de la Constitution.

Le membre se demande s'il est opportun de ne prévoir qu'un seul institut professionnel pour toutes les professions comptables et fiscales, vu la différence qualitative des différentes formations professionnelles. Un comptable n'a pas les mêmes aptitudes qu'un réviseur d'entreprises ou qu'un réviseur de banques.

Le ministre explique que la création d'un seul institut a été décidée en concertation avec les professionnels concernés. Pourtant, il est clair que, même si toutes les professions comptables et fiscales vont se retrouver dans le même institut, cela n'exclut pas des différences de niveaux dans l'institut. Par exemple, il est évident qu'un réviseur d'entreprises n'est pas mis au même niveau qu'un comptable agréé.

Le ministre souligne toutefois que certaines règles peuvent être harmonisées, comme dans le domaine de la déontologie. Il faut harmoniser tout ce qui peut l'être en gardant la différence entre les différents niveaux.

Selon un autre membre, la nécessité d'une reconnaissance du titre de conseil fiscal est apparue lorsque, dans le cadre du projet de loi initial relatif à la réforme de la procédure fiscale, la représentation du contribuable devant la commission du contentieux a été réglée de telle manière qu'il ne pouvait se faire assister que par des conseils fiscaux agréés.

Cette disposition ne figure toutefois pas dans les textes tels qu'ils ont été déposés par le ministre des Finances et votés par la Chambre et le Sénat. Dès lors, la nécessité de la reconnaissance légale du titre professionnel de conseil fiscal n'existe plus.

L'intervenant n'est pas convaincu de la nécessité de réglementer quand même la profession de conseil fiscal et encore moins de la nécessité de prévoir deux catégories, à savoir une catégorie pour les plus qualifiés et une pour les moins qualifiés. Ce développement est même déplorable, dans la mesure où il créera finalement une énorme confusion pour le consommateur, qui ne saura plus où s'adresser.

La reconnaissance entraînera également une augmentation du coût des prestations. Il est évident que ces professions devront payer des cotisations à des corporations, lesquelles cotisations seront répercutées dans le prix et facturées au consommateur.

Il résulte, en outre, du protocole entre les deux institutions que, pour obtenir l'agrément, l'intéressé devra être répertorié soit comme expert-comptable, soit comme comptable, si bien que les personnes qui ne font partie d'aucune de ces deux catégories resteront sur le carreau.

Bref, l'on a manqué l'occasion en élaborant le projet de loi en question d'aborder cette problématique d'une manière plus rationnelle.

L'intervenant suivant se réfère au projet de loi relative à l'organisation judiciaire en matière fiscale (nº 1-967) et au projet de loi relative au contentieux en matière fiscale (nº 1-966).

Même si le législateur a éliminé le monopole d'une catégorie déterminée de conseils ­ ce qui est une bonne chose ­, il a cependant inséré un dispositif important. En effet, un élément très positif pour les professions comptables et fiscales est que le contribuable a le droit de se faire assister d'un professionnel de la comptabilité dans les procédures devant le tribunal de première instance ou la cour d'appel. Le juge pouvait toujours l'autoriser, mais actuellement le dispositif rappelle au juge ­ pour autant que cela soit nécessaire ­ que le contribuable peut se faire assister, sur sa demande, par un expert comptable ou un conseil fiscal qui a participé à l'élaboration de sa comptabilité ou qui l'a contrôlée ou certifiée. Ceci crée aussi des conditions plus équitables en faveur du contribuable.

Par conséquent, les projets de loi sur la procédure fiscale complètent fort bien les deux projets de lois relatives aux professions comptables et fiscales.

Le ministre ajoute qu'à l'heure actuelle, pour ainsi dire n'importe qui peut s'installer comme conseiller fiscal, même sans avoir aucune formation ni aucune expérience dans le domaine en question et sans être titulaire d'aucun diplôme ni certificat. Le problème en question doit être examiné en détail.

Le projet de loi opte pour plus de transparence et évite que l'on doive créer une catégorie professionnelle, ce qui générerait des frais supplémentaires inutiles. C'est pourquoi l'on a choisi de grouper ces professions, malgré la différence de niveau en termes de formation et d'expérience.

Le ministre estime que le projet à l'examen est un projet équilibré qui répond aux aspirations de tous les acteurs de la vie économique (consommateurs, citoyens, entrepreneurs indépendants et sociétés) comme à celles des titulaires de la profession concernée. Le ministre rappelle qu'une vaste concertation a été organisée avec les divers instituts professionnels qui représentent quand même un groupe de quelque 16 000 personnes.

4. DISCUSSION DES ARTICLES ET VOTES

Articles 1er à 9

Ces articles n'appellent aucune observation et sont adoptés par 7 voix et 1 abstention.

Article 10

Un membre remarque que cet article prévoit que le Roi détermine la date d'entrée en vigueur des dispositions de la présente loi. Cette disposition est extrêmement vague. Il pourra se faire que le Roi ne décide jamais de mettre en vigueur une loi, ce qui fait qu'une branche du pouvoir exécutif paralyse le pouvoir législatif. Quelles sont les intentions du ministre pour le déroulement de la mise en oeuvre de ces nouvelles dispositions ?

Le ministre estime que la question est pertinente. La problématique a été concertée avec tout le secteur et le ministre a l'intention de prendre toutes les dispositions nécessaires le plus vite possible, afin de finaliser la procédure avant le début du mois de mai 1999.

L'article 10 est adopté par 6 voix et 2 abstentions.


L'ensemble du projet de loi a été adopté par 7 voix et 1 abstention.

Le présent rapport a été approuvé à l'unanimité des 8 membres présents.

Le rapporteur,
Johan WEYTS.
Le président,
Paul HATRY.

TEXTE ADOPTÉ PAR LA COMMISSION


Voir le doc. nº 1-1302/3

5. ANNEXE : AUDITIONS


A. Point de vue de l'Institut belge
des conseils fiscaux

Exposé de MM. Lambrechts
et Maeckelbergh, coprésidents de l'IBC

1. Qu'est-ce que l'IBC ?

Aperçu historique

L'Institut belge des conseils fiscaux (IBC) est une ASBL, qui a été constituée le 1er juin 1951, c'est-à-dire alors qu'aucune profession prestataire de services du secteur économique (réviseur d'entreprises, expert-comptable ou comptable) n'était réglementée.

Membres

L'Institut comprend 10 associations professionnelles provinciales qui, ensemble, comptent actuellement plus de 2 500 membres. Ces membres n'ont été reconnus comme conseil fiscal que sur la base d'une sélection sévère et après avoir attesté leurs connaissances en droit fiscal.

Eu égard à l'ancienneté de l'Institut, il va sans dire que, après un certain temps, de nombreux membres ont vu leurs activités professionnelles être réglementées légalement, ce qui les a obligés à adhérer à d'autres instituts dans le but de protéger l'exercice desdites activités : par exemple l'Institut des réviseurs d'entreprises, (IRE, 1953), l'Institut des experts-comptables (IEC, 1985) ou l'Institut professionnel des comptables (IPC, 1992).

Activités

L'IBC fonctionne de façon harmonieuse depuis plusieurs années, grâce à sa structure organique qui est composée d'un conseil national, de deux chambres, une néerlandophone et une francophone, de groupes de travail, et qui assure de nombreuses activités de formation permanente organisées soit au niveau national, soit par les 10 associations professionnelles provinciales. Celles-ci travaillent selon des règles strictes, de sorte que les conditions d'adhésion, les stages et la déontologie que doivent respecter les membres adhérents sont garantis dans toutes les provinces.

Rôle de porte-parole représentatif

Enfin, il est essentiel de souligner le rôle de l'IBC en tant que porte-parole représentatif des conseils fiscaux auprès des établissements publics en Belgique, et, dans le domaine de la vie associative européenne, son rôle de porte-parole représentatif des conseils fiscaux auprès de la Confédération fiscale européenne (CFE), à laquelle adhèrent 23 pays européens.

Sur le plan national, le rôle de l'IBC en tant qu'interlocuteur représentatif peut être décrit comme suit :

­ L'IBC a toujours été reconnu par le Gouvernement comme étant le seul porte-parole représentatif des conseils fiscaux. C'est ainsi que, depuis 1973, l'Institut a collaboré à la rédaction de six projets et propositions de loi visant à réglementer la profession de conseil fiscal;

­ L'IBC représente la profession de conseil fiscal à la Chambre interfédérale nº 18 du Conseil supérieur des Classes moyennes;

­ Le commissariat général du Gouvernement auprès de l'Institut royal des élites du travail de Belgique a chargé l'IBC d'organiser les promotions des lauréats du travail, secteur « conseils fiscaux ».

Sur le plan international, l'IBC a créé en 1959 la Confédération fiscale européenne (CFE). L'IBC y joue encore un rôle très actif, tant au niveau du conseil d'administration que des différents groupes de travail. De plus, l'IBC représente la CFE, soit les conseils fiscaux de l'ensemble de l'Europe, au Secrétariat européen des professions libres et intellectuelles (SEPLIS).

2. En quoi consiste la profession de conseil fiscal ? Qui l'exerce en Belgique ?

Les activités professionnelles du conseil fiscal :

­ donner des avis dans toutes matières fiscales;

­ assister les contribuables dans l'accomplissement de leurs obligations fiscales;

­ représenter les contribuables auprès de l'administration fiscale;

­ défendre les droits des contribuables devant toutes les administrations et toutes les juridictions compétentes en matières fiscales.

Il semble indiqué, à cet égard, de souligner la particularité de la profession de conseil fiscal par rapport aux professions de réviseur d'entreprises, d'expert-comptable ou de comptable. Cette profession consiste à représenter le contribuable et à défendre ses droits auprès des administrations fiscales. Ce rôle de représentant et de défenseur est en fait analogue à celui des avocats.

Il est impossible de donner une réponse simple à la question de savoir qui, en Belgique, exerce la profession de conseil fiscal. Pourquoi ?

La profession de conseil fisal a un fondement juridique, puisqu'elle concerne l'application du droit fiscal. De plus, dans la plupart des cas, le conseil fiscal exerce également ses activités dans les autres branches juridiques ainsi que dans les domaines relevant des sciences financières er économiques.

C'est pourquoi un « véritable » conseil fiscal ne peut exercer sa profession de façon correcte que s'il conseille ses clients en tenant compte de tous les aspects des problèmes qui lui sont soumis. Aussi la plupart des personnes qui exercent la profession de conseil fiscal à titre principal (c'est-à-dire des conseils indépendants ou des employés dans des associations, des associés et des collaborateurs de bureaux spécialisés regroupant des conseils fiscaux ainsi qu'un nombre limité d'avocats spécialisés en droit fiscal) s'occupent-elles non seulement des éléments juridiques des problèmes fiscaux, mais également de leurs aspects financiers et comptables. Nombreux sont les conseils fiscaux qui exercent ces activités à titre principal.

Du reste, des professionnels de divers secteurs exercent la profession de conseil fiscal à titre accessoire, eu égard aux implications financières et comptables du droit fiscal; ce sont surtout des réviseurs d'entreprises, des experts-comptables et des comptables. Dans la mesure où les problèmes soulevés concernent leur activité principale, ils sont également chargés de représenter leurs clients et de défendre leurs droits.

Enfin, les notaires et les avocats donnent également des avis de nature fiscale, même si leur profession principale ne consiste pas à traiter de questions de droit fiscal.

En résumé, l'on peut affirmer que la profession de conseil fiscal ­ la « fonction » ­ est exercée soit à titre principal, soit à titre accessoire par des cabinets spécialisés, des employés d'associations, des avocats, des réviseurs d'entreprises, des experts-comptables, des comptables et des notaires. Il est dès lors tout à fait exclu de réduire la profession de conseil fiscal à un secteur d'autres professions déjà réglementées.

3. Faut-il réglementer la profession de conseil fiscal en Belgique ? Dans l'affirmative, de quelle façon faut-il la structurer ?

Il faut tout d'abord constater que la profession de conseil fiscal est généralement reconnue dans différents pays tant en Europe qu'à l'extérieur de celle-ci. Aux Pays-Bas et en Irlande, cette profession est extrêmement bien structurée. En Allemagne, en France, en Autriche, en Suisse, en Tchéquie et en Slovaquie, la profession est en outre réglementée dans un cadre légal.

Nous attirons plus spécifiquement l'attention sur le fait que la Confédération fiscale européenne (CFE) a décidé de créer un Institut européen de conseils fiscaux. Le siège de cet institut sera situé soit à Bruxelles, à condition que la Belgique réglemente la profession de conseil fiscal, soit à Strasbourg, puisque la France l'a déjà réglementée.

Faut-il réglementer la profession de conseil fiscal en Belgique ?

Il faut répondre à cette question en pensant à l'intérêt commun.

Eu égard à l'impact de la fiscalité sur l'économie et sur le patrimoine privé des personnes physiques, et à la complexité sans cesse croissante du droit fiscal, l'on ne peut nier qu'une réglementation réfléchie de la profession de conseil fiscal contribuera de façon considérable au bien-être commun et à la sécurité juridique dans notre société. Dans un État de droit, le citoyen doit en effet pouvoir faire appel, facilement et sans ambiguïté, à des personnes qualifiées, pouvant déterminer le niveau légitime des cotisations fiscales qu'il doit aux pouvoirs publics et pouvant également, si nécessaire, l'assister et le défendre auprès des administrations fiscales.

Un cadre légal s'impose plus particulièrement pour les raisons suivantes ­ telles qu'invoquées d'ailleurs dans la requête que l'IBC a présentée dans le cadre de la loi du 1er mars 1976 réglementant la protection du titre professionnel et l'exercice de professions intellectuelles prestataires de services :

­ les contribuables doivent avoir la garantie qu'ils peuvent compter sur un service de qualité de la part du conseil auquel ils font appel en matière fiscale. Ce dernier doit, quant à lui, répondre à des conditions de moralité et disposer de l'expertise nécessaire pour remplir sa tâche comme il se doit.

À cet égard, l'organisation de la profession et la réglementation du port du titre professionnel de conseil fiscal représenteront pour les contribuables une garantie contre les abus et l'usurpation injuste de ce titre;

­ le degré de difficulté du droit fiscal et les multiples modifications de la réglementation fiscale entraînent souvent pour les contribuables la nécessité d'une assistance spécialisée et permanente pour appliquer correctement les dispositions de droit fiscal, pour accomplir leurs nombreuses obligations administratives, pour introduire éventuellement des réclamations ou déposer des recours auprès des instances administratives ou judiciaires.

Ces services nécessitent une compétence spécifique qui doit porter non seulement sur la réglementation, mais également sur la procédure afin d'améliorer la qualité des relations entre les contribuables et les administrations fiscales, plus particulièrement pour le contentieux et les formalités administratives;

­ l'organisation de la profession de conseil fiscal est également ressentie comme une nécessité au sein des administrations fiscales, parce que le conseil fiscal est considéré comme un interlocuteur objectif et autorisé dont l'expertise est liée à une connaissance approfondie de la fiscalité;

­ enfin, le projet de loi modifiant la procédure en matière de contentieux fiscal a pour conséquence que les contribuables ne pourront être représentés en première instance, auprès des nouvelles structures chargées de l'examen du contentieux fiscal, que par des avocats ou des conseils fiscaux qui rempliront les conditions prévues en application de la loi du 1er mars 1976.

Structure

En conséquence, eu égard à ces motifs d'intérêt général, à l'urgence due à la réforme de la procédure et au fait que la profession de conseil fiscal est exercée, soit à titre principal, soit à titre accessoire, par de nombreuses personnes disposant de différentes compétences, il convient d'arrêter une réglementation qui tienne compte des objectifs suivants :

­ il convient de prendre une série de mesures s'appliquant à toute personne qui exerce la profession de conseil fiscal, soit à titre principal, soit à titre accessoire; cette personne doit disposer d'une formation juridique et/ou économique;

­ il convient de permettre aux conseils fiscaux, qui exercent leur profession à titre principal, de représenter leurs clients et de défendre leurs dossiers auprès des administrations fiscales, y compris au premier niveau de la procédure contentieuse; cet objectif-ci concerne la liberté individuelle d'exercer une profession existante;

­ il convient de permettre à ceux qui exercent la profession de conseil fiscal à titre accessoire ­ parce que leur profession principale touche à certains aspects du droit fiscal (comme les experts-comptables et les comptables) ­ de continuer à exercer leur profession, s'il est possible, à cet égard, de donner aux clients des garanties en matière de compétence.

Nous pensons que la meilleure façon d'atteindre ces objectifs à court terme est de créer un Institut professionnel des conseils fiscaux de Belgique, afin d'y regrouper toutes les personnes qui exercent la profession de conseil fiscal. Il est d'ailleurs impossible d'instituer pareille association au sein des instituts existants, étant donné la diversité des formations pouvant mener à la profession de conseil fiscal.

Il s'impose en outre de définir quels sont les liens qui existent entre la profession de conseil fiscal, agréée légalement, et les autres professions déjà réglementées.

Afin de permettre, dans une phase transitoire, à tous les intéressés (y compris les agents fiscaux !) de se préparer avec soin et de s'habituer à l'application des nouvelles données concrètes et juridiques (réglementation du contentieux), la requête déposée prévoit des mesures transitoires souples (article 3).

Nous tenons enfin à rappeler que la Commission des Finances du Sénat, après avoir examiné le problème de la fraude fiscale en Belgique, a adopté, le 18 mai 1994, une résolution, dans laquelle on peut lire :

« Il y a lieu d'élaborer un statut légal pour tous les conseillers fiscaux, lequel prévoit, notamment, des critères d'aptitude professionnelle et des critères de responsabilité. »

Cette résolution a été adoptée par le Sénat lors de la séance plénière du 9 juin 1994.

B. Point de vue des autres instituts professionnels :
l'Institut des experts-comptables,
l'Institut des réviseurs d'entreprises
et l'Institut professionnel des comptables

Exposé de M. Krockaert,
Président de l'Institut des Experts-comptables

Voici plusieurs mois, le ministre des Finances a exprimé le souci de canaliser l'exercice de la profession de conseiller fiscal en dehors des membres des trois instituts reconnus, qui peuvent exercer les missions comptables et fiscales en vertu de la loi.

Le problème a pris de l'acuité lorsque, dans l'avant-projet de loi portant réforme de la procédure fiscale, s'est posée la question de la représentation du contribuable devant la nouvelle juridiction fiscale.

Jusqu'à présent, les avocats, sur base des dispositions de l'article 440 du Code judiciaire, avaient seuls le droit de représenter le contribuable se pourvoyant en réclamation devant cette nouvelle juridiction, tout comme devant la Cour d'appel ou la Cour de cassation.

Dans l'avant-projet a été introduite la notion selon laquelle le conseiller fiscal, profession non encore reconnue, exercée à titre divers, pourra exercer, lui aussi, ce droit de représentation du contribuable devant les juridictions.

Dès lors se pose aux professions regroupées par les trois instituts représentés aujourd'hui (l'Institut des réviseurs d'entreprises, l'Institut des experts-comptables et l'Institut professionnel des comptables) la question de l'exercice de ce droit devant la nouvelle juridiction.

Cette question n'a pas été immédiatement résolue puisque les conseillers fiscaux regroupés en une ASBL l'Institut belge des conseils fiscaux, ont constaté qu'on les écartait de cette mission de représentation alors qu'ils exerçaient ce droit de tout temps, puisque l'introduction des réclamations devant le directeur régional était une mission qui leur était habituelle.

Après plusieurs réunions, l'Institut des réviseurs d'entreprises et l'Institut des experts-comptables ont fait, le 15 décembre 1995, une déclaration commune.

Ce texte est le suivant :

« En ce qui concerne l'organisation par la loi d'une procédure fiscale nouvelle impliquant l'existence d'un double niveau de juridiction, les présidents réaffirment que les professions économiques ne peuvent pas se voir interdire la représentation des contribuables devant le premier niveau de juridiction. Dans la mesure où les pouvoirs publics considèrent que pareille mission implique l'inscription sur le tableau d'une ou de plusieurs professions libérales reconnues, ils suggèrent que l'Institut des experts-comptables constitue en son sein une structure d'accueil appropriée. »

Ceci, pour éviter la création d'un quatrième institut à une époque où les professions se concentrent. Puisque l'Institut des réviseurs d'entreprises et l'Institut des experts-comptables ont entrepris des travaux de cohésion, d'harmonisation, de leur profession, qui tendent, à terme, à aboutir à un institut unique.

Dans ces conditions, la création d'un quatrième institut paraissait incohérente.

Le ministre des Finances, le 27 janvier 1996, a assisté à un séminaire organisé par une des associations professionnelles régionales des trois instituts, à Charleroi, où on lui a posé la question suivante :

« Trouvez-vous normal qu'on parle de créer un quatrième organisme uniquement pour les experts fiscaux, qui détiendraient un monopole pour la représentation devant les administrations fiscales et comment, dès lors, un expert-comptable pourrait-il conseiller une société si on l'empêche de donner des conseils fiscaux ? »

La réponse du ministre fut la suivante :

« Cela, je peux vous dire qu'il n'en est pas question. Je ne veux pas aller dans un système où on obligerait une entreprise et surtout une petite entreprise, à devoir appeler des personnes différentes et donc à les payer pour la comptabilité, pour le conseil fiscal, etc. Non, je peux vous dire que c'est tout à fait exclu en ce qui me concerne. Autre chose est de savoir s'il faut, à côté des trois instituts existants, encore créer un quatrième institut. A priori , cela ne me paraît pas indispensable. Il y a une demande de reconnaissance du titre de conseiller fiscal et de réglementation d'accès à la profession introduite auprès du ministre des Classes moyennes. Je pense qu'il serait utile d'organiser la profession parce que vous savez bien qu'il y a des gens qui s'intitulent « conseillers fiscaux » et qui font beaucoup de tort parce qu'ils ne sont pas compétents. Je pense qu'il faut organiser la profession et ne pas permettre à n'importe qui de se proclamer conseiller fiscal; c'est cela l'organisation de la profession. Cela doit-il déboucher nécessairement sur la création d'un quatrième institut ? Je n'en suis pas convaincu, mais je souhaiterais que les gens essaient de se mettre d'accord et c'est pour cela que j'ai renvoyé à une concertation entre les différentes professions pour essayer de se mettre d'accord sur ce point. »

Ce qui a été fait. Et grâce à l'intervention de M. de Béthune, membre du cabinet du ministre des Classes moyennes, la requête initiale de l'ASBL Institut des conseillers fiscaux, a été largement modifiée, en ce sens qu'elle admet formellement que les trois professions existantes, au moins pour les membres inscrits aux tableaux de ces instituts, à la date du 2 avril 1996, pourraient également bénéficier de ce droit de représentation du contribuable devant la nouvelle juridiction fiscale.

Ceci, bien entendu, sous réserve d'approbation de cette disposition par le Parlement.

M. Krockaert remercie M. de Béthune d'avoir mené ces négociations parfois fort difficiles, qui ont abouti à une nouvelle négociation qui doit être menée entre les quatre parties intéressés sous la direction du président du Conseil supérieur du révisorat d'entreprises et de l'expertise comptable.

M. Krockaert déclare que son institut, pour des raisons de cohérence, défendra la thèse selon laquelle il est préférable de ne pas créer de quatrième institut. Un organe de plus ne pourra que semer la confusion chez le consommateur.

Exposé de M. Behets,
président de l'Institut des réviseurs d'entreprises

M. Behets se rallie entièrement à ce qu'a dit M. Krockaert, ainsi qu'à son analyse, et n'a donc rien à y ajouter.

À l'intention de la commission, il précise que l'orientation que prennent les professions économiques en Belgique s'articule sur la réglementation des directives européennes. Il n'existe d'ailleurs en Europe aucun pays où ces professions soient cloisonnées. Il n'y a donc aucune raison pour la Belgique d'aller à contre-courant.

D'autre part, il est convaincu lorsqu'on parle d'organisation de la profession fiscale, qu'étant donné l'évolution particulièrement rapide et complexe de la législation fiscale, il faudra être très attentif à la formation, la qualité et la compétence de ceux qui y seraient confrontés.

Il ne faut pas perdre de vue qu'en matière de déontologie, il faut établir des règles spécifiques à ces professions, allant de pair avec des conditions d'accès à la profession de haut niveau. Il est également essentiel de maintenir une interpénétration entre ces différentes professions. La fiscalité ne peut se concevoir isolément, sans le support des autres.

Tout cela ne peut être mieux réalisé que par les instituts existants.

En conclusion, la profession de conseiller fiscal doit être considérée non pas dans le contexte belge, mais dans le contexte européen.

M. Cats, vice-président de l'Institut des réviseurs d'entreprise, souligne que, depuis 1953, l'Institut des réviseurs d'entreprises, ainsi que celui des experts-comptables, ont développé des règles de déontologie particulièrement strictes et instauré des contrôles des activités de leurs membres. Les commissions de discipline et d'appel sont composées d'éminents magistrats du pays.

De ce fait, on peut considérer qu'elles font partie des professions les plus organisées, les plus réglementées du pays.

Exposé de M. Limme, président de
l'Institut professionnel des comptables

Le président marque lui aussi son accord avec ce qu'ont exposé les précédents intervenants.

L'IPC a soutenu tout d'abord le projet de requête déposé par l'Association nationale des comptables de Belgique. En synthèse, elle souhaitait l'intégration des conseillers fiscaux à l'Institut professionnel des comptables. Cela avec l'accord des deux autres instituts puisque cette option semblait permettre sans trop de difficultés d'arriver à une solution.

À la demande du ministre des Classes moyennes, l'ANCB a suspendu provisoirement la publication de cette requête pour permettre la discussion et empêcher que paraissent, au même moment, deux requêtes contradictoires.

Tout s'est déroulé en parfaite concertation avec les présidents des deux autres instituts.

M. Limme confirme que M. de Béthune fut l'artisan du début de solution qui en est résulté.

M. Ledent, vice-président de l'Institut professionnel des comptables, souligne que la requête introduite par l'ANCB est bien suspendue provisoirement pour permettre la négociation.

M. de Béthune expose à la commission l'état actuel du dossier.

Suite à la modification de la requête déposée par l'IBC, et à la suspension de celle de l'ANCB, le ministre des PME a pris deux décisions :

1. La première requête étant recevable, elle a été envoyée au Moniteur belge pour être publiée à brève échéance. Cela signifie que la procédure de concertation et d'avis prévue par la loi Verhaegen sera mise en oeuvre et que, dans les soixante jours qui suivront cette publication, on connaîtra les réactions soulevées par cette requête.

2. La seconde était de demander aux différents présidents des trois instituts et de l'IBC de se réunir en un groupe de travail qui devrait permettre une négociation constructive entre les quatre parties concernées. Cette procédure de concertation devrait se dérouler en parallèle avec la procédure formelle d'avis et de concertation organisée par la loi Verhaegen. Cela permettra, d'ici soixante jours, de refaire le point du dossier et de voir dans quelle direction la solution définitive devra être recherchée.

C. Point de vue de l'Ordre national des avocats

Exposé de Maîtres Lagae et Afschrift

Introduction

En ce qui concerne la requête en réglementation du titre professionnel et de l'exercice de la profession de conseil fiscal, ainsi que la représentation du contribuable devant les juridictions, une résolution a été adoptée le 14 mars 1996 par l'assemblée générale de l'Ordre national.

Les intervenants souhaitent toutefois au préalable, faire deux observations.

Ce n'est pas la première fois que l'on tente, par la requête publiée au Moniteur belge du 8 mars 1996, de réglementer la profession de conseil fiscal. Déjà en 1969 et en 1973, des propositions de loi ont été déposées dans ce sens. Depuis, le Gouvernement a pris différentes initiatives à cet égard. C'est ainsi qu'en 1980 il a élaboré un avant-projet de loi simultanément à l'élaboration de la législation concernant le révisorat d'entreprises. Au cours de la période de 1987-1989, le secrétaire d'État, Mme De Meester, a rédigé un projet de loi. Aucune de ces tentatives, ni aucune autre, n'a abouti à une reconnaissance de la profession.

L'IBC essaie désormais d'atteindre son objectif par une autre voie, à savoir sur la base de la loi Verhaegen. Pourquoi ? Probablement parce que cette loi ne nécessite pas d'intervention du législateur, c'est-à-dire du Parlement. Il est vrai que l'arrêté royal reconnaissant et réglementant une profession sur la base de la loi Verhaegen ne nécessite que la signature d'un seul ministre, à savoir le ministre des Classes moyennes, et ne doit pas faire l'objet d'une discussion préalable en Conseil des ministres.

La deuxième observation concerne le calendrier de la dernière requête de l'IBC visant à réglementer le titre professionnel et l'exercice de la profession de conseil fiscal. En effet, l'avant-projet de loi modifiant la procédure fiscale prévoit l'instauration de commissions du contentieux fiscal et pose la question de la représentation des contribuables devant ces commissions. Une fois le titre professionnel de conseil fiscal agréé, l'IBC espère que les conseils fiscaux se verront octroyer le droit de représenter les contribuables devant ces commissions.

I. Réglementation du titre professionnel et exercice
de la profession de conseil fiscal

L'Ordre des avocats estime qu'il n'y a aucune raison d'agréer et de réglementer la profession de conseil fiscal.

A. Les différentes activités énumérées dans la requête comme étant exercées par les conseils fiscaux sont en réalité exercées par différents groupes de personnes. Il n'existe pas de groupe socio-économique exerçant ces différentes activités :

1. « Donner des avis en toutes matières fiscales. » Il s'agit ici en fait d'une consultation de « droit fiscal », c'est-à-dire une activité qui suppose nécessairement que l'on dispose de connaissances juridiques. D'ailleurs, ces connaissances ne portent pas toujours sur le seul droit fiscal : pour pouvoir donner un avis clair, il faut également avoir des connaissances dans d'autres domaines juridiques, comme le droit des sociétés, le droit civil (droit contractuel, droit successoral, etc.) ou le droit comptable. L'Ordre des avocats ne voit pas pourquoi le fait de donner des avis en droit fiscal devrait faire l'objet d'une réglementation, alors qu'il n'y a pas de réglementation pour les avis juridiques en général.

2. « Assister les contribuables dans l'accomplissement de leurs obligations fiscales ». L'on vise ici surtout l'aide apportée en matière de déclaration des revenus et l'accomplissement de certaines formalités. Ce sont essentiellement des experts-comptables et des comptables qui exercent ce type d'activité.

3. « Représenter les contribuables auprès de l'administration fiscale », c'est-à-dire au stade de la taxation. Ce sont également les experts-comptables et les comptables qui exercent généralement cette activité.

4. « Défendre les droits des contribuables », notamment devant les instances judiciaires. Ce sont les avocats qui se chargent actuellement de cette défense, lesquels exercent une activité protégée légalement.

Force est donc de constater que certaines activités visées par le projet de réglementation ont un caractère comptable, tandis que d'autres sont purement juridiques. Il n'est dès lors pas justifié de confier l'exercice de ces activités divergentes à un groupe de personnes déterminées, qui ne disposeront en général pas des qualifications nécessaires pour exercer ces différentes activités.

B. La majorité des personnes qui s'appellent « conseil fiscal » exercent d'autres activités.

La plupart des membres de l'IBC exercent déjà, en réalité, une profession organisée, à savoir expert-comptable, comptable ou réviseur d'entreprises, et sont affiliés à un autre institut (IRE, IEC ou l'IPC).

Seuls quelques centaines de membres de l'IBC n'adhèrent pas à un autre institut.

Il serait inacceptable qu'une personne puisse exercer deux professions organisées différentes. C'est pourtant ce que l'IBC vise expressément, mais ce que les membres du Barreau estiment inacceptable.

C. Pour autant que nous le sachions, le titre de conseil fiscal n'est réglementé que dans deux pays de l'Union européenne, à savoir en Allemagne et en Autriche.

La plupart des pays n'ont aucunement réglementé les activités de consultation fiscale (notamment le Danemark, le Royaume-Uni, l'Irlande, l'Italie, les Pays-Bas, le Portugal et la Suède).

Quant aux pays qui eux ont élaboré une réglementation, ils ont préféré réserver cette activité aux titulaires de professions existantes (par exemple les experts-comptables, les comptables, les avocats, les notaires) (notamment la France, le Luxembourg, la Norvège). En Allemagne et en Autriche également, où le titre est réglementé, d'autres professionnels peuvent aussi exercer cette activité fiscale (à savoir les avocats, les experts-comptables, les comptables).

Il résulte dès lors d'une étude comparative des différents pays européens que ce sont les membres de différentes professions qui, en cas de réglementation, défendent les intérêts des contribuables dans tous les pays. Dans aucun pays, même pas en Allemagne et en Autriche, on n'a confié la défense du contribuable à une profession autonome.

II. La représentation du contribuable
dans les contentieux fiscaux

La situation actuelle

1. Au stade de la taxation, le contribuable peut soit agir lui-même, soit se faire représenter par un mandataire de son choix.

Il fait généralement appel aux services d'un comptable ou d'un expert-comptable.

2. Également au stade de la réclamation, le contribuable peut agir lui-même ou par l'intermédiaire d'un mandataire de son choix, tant dans le cadre de la procédure écrite que lorsqu'il demande à être entendu par le directeur régional des contributions.

Pour le moment, la procédure en réclamation est une procédure non organisée, dont l'arbitrage est confié au directeur régional des contributions, lequel, comme on l'a souvent souligné, est en même temps juge et partie.

Bien que la jurisprudence belge ait reconnu le caractère judiciaire des décisions directoriales, un arrêt récent de la Cour de justice européenne (concernant la procédure similaire qui existe au grand-duché de Luxembourg) a décidé que le directeur n'est pas une instance judiciaire.

La procédure devant le directeur ne ressemble aucunement à celle qu'il faut suivre devant une juridiction judiciaire ou administrative. Cette procédure ne prévoit pas de plaidoyer, pas d'interrogatoire du contribuable par le directeur régional lui-même (il est uniquement prévu qu'un délégué du directeur puisse entendre le contribuable), pas de débat contradictoire (le contribuable n'est jamais entendu en présence de l'agent taxateur), et ne permet qu'une très faible protection des droits de la défense.

Le directeur doit régler un nombre impressionnant de différends, qui concernent soit des questions de fait (diminution du précompte immobilier, discussions relatives aux frais professionnels ...), soit des questions juridiques.

Selon le cas, le contribuable fait appel à un comptable ou à un expert-comptable si le différend porte sur des problèmes concrets; il fait appel à un avocat s'il concerne des questions juridiques.

3. Un différend concernant les impôts indirects relève par contre de la compétence du tribunal de première instance. Dans ce cas, le contribuable peut soit agir lui-même, soit faire appel à un mandataire, qui doit nécessairement être avocat. Dans presque tous les cas, le contribuable fait appel à un avocat.

4. Devant la cour d'appel, laquelle connaît en appel des recours introduits contre les décisions des directeurs régionaux des contributions ou des recours introduits contre des décisions du tribunal de première instance, le contribuable peut soit agir lui-même, soit faire appel aux services d'un mandataire, qui doit nécessairement être avocat.

5. Devant la Cour de cassation, le contribuable peut, dans des affaires concernant les impôts directs, soit agir lui-même, soit se faire représenter par un mandataire, qui doit nécessairement être avocat.

Dans des affaires concernant les impôts indirects, le contribuable doit obligatoirement être représenté par un avocat à la Cour de cassation.

Le projet de loi modifiant la procédure fiscale

Le projet de loi modifiant la procédure fiscale vise, en ce qui concerne les recours, à standardiser les procédures existantes relatives aux impôts directs et aux impôts indirects, et à les soumettre toutes deux, en première instance, à l'arbitrage d'une seule et même juridiction, appelée « commission du contentieux fiscal ». L'on pourra interjeter appel contre les décisions de celle-ci devant la cour d'appel.

Dans le cadre de cette réforme, l'on a prévu un important « filtre », afin d'éviter que les juges fiscaux, qui ne sont pas nombreux, ne soient confrontés à un déferlement de dizaines de milliers de réclamations. C'est pourquoi, dans une première phase, le directeur se prononcera, avant tout recours, sur l'absence d'accord du contribuables, à propos de l'imposition projetée par les contrôleurs des contributions.

Le but est d'éliminer la plupart des différends qui ne concernent que des questions de chiffres ou des problèmes comptables. En d'autres termes, seuls les véritables différends portant sur des questions juridiques seraient portés devant les juges fiscaux.

Le projet du ministre des Finances vise à accorder aux contribuables qui s'adresseront au nouveau tribunal administratif, à savoir les juges fiscaux, des droits similaires en matière de défense à ceux dont ils disposent devant les instances judiciaires ordinaires.

Il y a lieu de se demander si les moyens nécessaires pour ce faire seront réellement disponibles, si l'on songe que l'on a prévu de confier systématiquement la fonction de juge fiscal à des agents de l'administration, ce qui n'est pas la meilleure façon de garantir l'impartialité que l'on peut attendre d'une juridiction indépendante.

Il faut toutefois remarquer que l'objectif est de renforcer la mission juridictionnelle du juge fiscal, qui se prononce sur les réclamations.

Jusqu'à présent, le ministre a dit sa volonté de respecter le monopole, prévu à l'article 440 du Code judiciaire, qu'ont les avocats de plaider devant les tribunaux.

La représentation devant le juge fiscal

L'article 440 du Code judiciaire attribue aux avocats le monopole de la représentation, sauf lorsqu'une partie au procès souhaite assurer sa propre défense.

En soi, ce monopole n'a rien d'extraordinaire. En Belgique, un grand nombre de professions disposent d'un monopole. C'est le cas notamment des comptables et des experts-comptables, en ce qui concerne la tenue de la comptabilité, des experts-comptables en ce qui concerne l'établissement des comptes annuels, des réviseurs d'entreprises en ce qui concerne leurs missions de réviseur, des médecins, des pharmaciens, des kinésithérapeutes et de tous les autres praticiens d'une profession médicale, du notaire en ce qui concerne l'établissement d'actes propres à sa fonction et de toutes les professions soumises à des conditions d'accès, chacune en ce qui la concerne. Il y a actuellement une cinquantaine de professions différentes, disposant toutes d'un monopole.

Le seul monopole dont bénéficient les avocats est celui de plaider.

Rien ne justifie que l'on porte atteinte à ce principe en ce qui concerne le contentieux fiscal, lequel relèvera de la compétence des juges fiscaux, et ce, notamment, pour les raisons suivantes :

1. Le contentieux fiscal porte sur des questions juridiques; or, le droit fiscal ne constitue qu'une branche du droit. Il est donc logique que les parties intervenantes (juges fiscaux et avocats) soient des juristes. Ce ne sera pas nécessairement le cas des conseils fiscaux qui, s'ils sont agréés sur la base du projet existant ne seront des juristes que pour un faible pourcentage.

2. À la lumière des intentions du ministre des Finances, les différends que les juges fiscaux devront régler seront assez importants et porteront dans la plupart des cas sur des questions de principe, et donc sur des questions juridiques. L'objectif est en effet que les questions moins importantes, c'est-à-dire les problèmes concrets, soient réglées au cours d'une procédure précontentieuse par le directeur de la taxation, lequel reprendra dans un certain sens la tâche remplie actuellement, dans le cadre de ces différends, par le directeur régional des contributions.

3. Si l'objectif est de créer un véritable tribunal, il faudra prévoir une procédure devant les juges fiscaux comparable à celle qui existe pour les autres tribunaux administratifs. Il est dans l'intérêt tant du justiciable que d'une bonne administration de la justice que les personnes qui agissent devant ces tribunaux soient compétentes en matière de procédure. Nous ne pouvons à cet égard faire une distinction entre la procédure fiscale et les autres procédures, en raison de la similarité des principes applicables à n'importe quel tribunal (respect des droits de la défense, organisation de la procédure). Seuls les avocats ont de l'expérience en la matière.

4. Il n'existe aucune particularité du droit fiscal nécessitant une connaissance spéciale dont les avocats ne disposeraient pas. Il n'apparaît dès lors pas clairement comment l'on pourrait prétendre que les avocats ne comprendraient pas certaines considérations techniques particulières, alors que dans des matières bien plus techniques que le droit fiscal, différends portant sur le droit relatif aux marchés publics, sur l'informatique ou sur de simples problèmes locatifs, les avocats continuent à avoir le monopole de la plaidoirie, ce qui oblige le justiciable à faire appel à eux s'il ne souhaite pas assurer sa propre défense.

5. Des juges fiscaux se verront octroyer, d'une part, des compétences (en matière d'impôts indirects) qui sont actuellement dévolues aux tribunaux de première instance et pour lesquelles les avocats ont le monopole de la représentation. Ils régleront, d'autre part, des différends qui sont actuellement du ressort des directeurs et pour lesquels les avocats n'ont pas le monopole de la représentation. Toutefois, le cadre voulu par le ministre et le type de procédure envisagée ressemblent beaucoup plus aux procédures intentées devant les instances judiciaires qu'aux procédures administratives engagées devant le directeur des contributions, lequel joue plutôt le rôle de chef de corps qui vérifie les travaux de ses subalternes.

D. Position de la Fédération
des entreprises de Belgique

Exposé de M. Keutgen, administrateur,
secrétaire général de la FEB

I. Présentation de la FEB

En tant qu'organisation patronale interprofessionnelle, la Fédération des entreprises de Belgique représente 48 fédérations sectorielles qui regroupent des dizaines de milliers d'entreprises. Elle compte parmi ses membres des grandes entreprises et des petites et moyennes entreprises.

II. Quel est l'intérêt de la FEB dans le présent débat ?

La FEB est concernée par la problématique de la reconnaissance éventuelle de la profession de « conseil fiscal » pour deux raisons.

D'une part, ses membres sont des consommateurs de services. Dans le marché concurrentiel actuel, ils doivent avoir un libre accès à des services de qualité qui sont fournis par des prestataires compétents. D'autre part, certains membres fournissent eux-mêmes ces services. D'autres ont créé leur propre département de fiscalistes. Pour les uns comme pour les autres, il est essentiel que l'on ne vienne pas entraver les activités de leur personnel.

III. Libre accès à un service de qualité

La fiscalité est une matière particulièrement étendue et complexe. Il suffit, pour s'en rendre compte, de dresser l'inventaire des multiples taxes et impôts fédéraux, communautaires, régionaux et locaux, sans oublier les mesures qualifiées, pour des raisons souvent budgétaires, de cotisations, droits ou redevances, souvent pour des raisons budgétaires. De plus, pour une économie qui est fortement axée sur l'exportation et la mondialisation des marchés, on ne peut pas négliger l'importance des réglementations fiscales supranationales et internationales. Les entreprises doivent impérativement connaître et comprendre ces techniques, qui sont souvent complexes. En effet, la fiscalité intervient dans un très grand nombre d'aspects de la vie des entreprises et les décisions ou les opérations de ces dernières ont presque toujours une incidence fiscale.

Dans ce labyrinthe des réglementations, les entreprises ont besoin d'un fil d'Ariane. Selon les cas, elles font appel aux services d'experts-comptables, de comptables, de reviseurs, d'agents en douane, de notaires, de juristes d'entreprise, d'avocats et, bien entendu, de fiscalistes.

Le recours à ces professionnels n'est utile que s'ils sont compétents. Ce n'est qu'à cette condition que leur intervention a un sens pour le chef de l'entreprise.

Une reconnaissance des titres basée sur des diplômes spécifiques pourrait être un moyen efficace pour séparer le bon grain de l'ivraie.

Dans cette perspective la FEB ne s'oppose donc pas à ce que l'on reconnaisse le titre de « conseil fiscal » en tant que garant d'un label de qualité. Elle n'est cependant pas demanderesse en la matière.

La FEB croit toutefois que ce souci légitime de la qualité n'est pas une raison suffisante pour instaurer un monopole en faveur des conseils fiscaux, en dressant une liste des actes ou d'opérations pour lesquels ils seraient exclusivement compétents..

Il est, dès lors, nécessaire de veiller à ce que les entreprises restent libres de choisir leur professsionnel. Cette exigence est d'autant plus fondée que la fiscalité recouvre des activités diverses déjà exercées par d'autres professions comme celle d'expert-comptable, de comptables, de notaires, d'avocats et de réviseurs, et qu'il existe une interaction entre ces professions, d'une part, et celle de conseil fiscal, d'autre part.

Par ailleurs, il ne peut s'agir de créer de nouvelles obligations pour les entreprises en leur imposant de faire appel à une nouvelle catégorie de professionnels, à savoir celle des conseils fiscaux. On ne peut pas non plus introduire, comme certains l'ont envisagé, une certification fiscale du bilan sous le prétexte de donner aux entreprises ainsi qu'à l'administration une meilleure garantie de conformité à la législation fiscale.

Une telle situation entraînerait des charges et des coûts supplémentaires injustifiés pour les entreprises.

IV. Protection des services internes des entreprises

L'omniprésence de la fiscalité a amené les entreprises à relever le défi. Certaines d'entre elles ont choisi d'engager des spécialistes sous contrat d'emploi.

Les grandes entreprises en général et les groupes en particulier se sont ainsi dotés de leur propre service fiscal. Ces services occupent des spécialistes sous contrat d'emploi qui traitent toutes les questions fiscales liées aux activités non seulement de l'entreprise mais également du groupe dont elle fait partie; dans certains cas, ils conseillent et représentent leur société ou le groupe. En faisant appel à ces spécialistes internes, les entreprises réalisent des économies tout en bénéficiant des conseils de personnes qui en connaissent les finalités, les caractéristiques et la culture et sont, de ce fait, à même de choisir les meilleures solutions.

D'autres entreprises répondent aux attentes de leurs clients potentiels en faisant appel à une équipe d'experts ­ sous contrat d'emploi ­ dans les différentes disciplines. Dans le domaine fiscal, on peut citer l'exemple des secrétariats sociaux qui déchargent les employeurs qui y font appel, des formalités et calculs fiscaux et parafiscaux liés aux salaires et appointements.

Tous ces salariés ont été recrutés en raison de leurs compétences dans le domaine fiscal. Reconnaître le titre de « conseil fiscal », sans le conférer aux personnes occupées sous contrat d'emploi, les léserait dès lors gravement et dévaloriserait leur fonction. En outre, le fait d'octroyer un monopole aux conseils fiscaux indépendants empêcherait tout simplement ces personnes de remplir les tâches pour lesquelles elles ont précisément été engagées.

Le fait d'autoriser également les fiscalistes sous contrat d'emploi à porter le titre de conseil fiscal ne signifie pas que les détenteurs de ce titre doivent jouir du monopole d'exercice de cette profession. Instaurer un tel monopole serait, en effet, totalement inadmissible en raison, d'une part, du lien de subordination qui existe entre le chef d'entreprise et son fiscaliste interne et, d'autre part, des conflits qu'il risque de susciter.

S'il est logique qu'un prestataire de services assume la responsabilité des actes qu'il pose pour compte de tiers, cela ne l'est pas nécessairement lorsqu'il fournit les mêmes services à un employeur auquel il est lié par un contrat d'emploi, car dans cette situation il ne jouit pas de la même indépendance. Il doit conseiller le chef d'entreprise, mais c'est ce dernier qui prend la décision finale et en assume la responsabilité.

Accorder un monopole d'exercice de la profession aux conseils fiscaux internes signifie que ceux-ci pourront, du fait de la responsabilité personnelle que suppose un tel monopole, s'opposer aux décisions de leur employeur, ce qui est incompatible avec le lien de subordination contractuel qui les unit à ce dernier.

Un exemple des problèmes engendrés par la reconnaissance d'une profession exercée à titre exclusivement indépendant et à laquelle est lié un monopole, est préfiguré par la situation actuelle des comptables. Comme la profession de comptable est à la fois reconnue et protégée et jouit en outre d'un monopole, la loi interdit à un comptable occupé sous contrat de travail d'offrir ses services à des tiers autres que l'entreprise qui l'occupe; la loi lui interdit également d'acquérir le titre de comptable, car il n'exerce pas une profession indépendante. À ce jour, cette situation n'a heureusement pas encore donné lieu à des litiges. Cette situation n'a heureusement jusqu'à présent entrainé aucun litige : les difficultés sont pour la plupart résolues par la présence dans l'entreprise d'un expert comptable, dont la professsion également réglementée, peut être exercée sous contrat d'emploi et qui porte la responsabilité des prestations fournies à des tiers.

La FEB estime donc que si l'on décide de reconnaître le titre de conseil fiscal, cette reconnaissance doit être étendue à tous les fiscalistes, qu'ils exercent leur fonction sous contrat d'emploi ou non.

Elle estime en outre que cette reconnaissance, si elle est nécessaire, doit uniquement servir d'indication de compétence et ne peut en aucun cas conférer un monopole.

V. La requête de l'Institut belge des conseils fiscaux

Bien qu'elle ne soit pas l'objet du présent débat relatif à l'opportunité de réglementer la profession de conseil fiscal, la requête introduite par l'IBC, et qui doit être examinée dans une autre encainte, mérite quelques considérations en raison du lien étroit qu''elle présente avec ce débat.

La requête en question est fondée sur la loi-cadre du 1er mars 1976 réglementant la protection du titre professionnel et l'exercice des professions intellectuelles prestataires de services. Cette réglementation crée la possibilité de reconnaître des professions indépendantes. Or, l'on sait que la profession de conseil fiscal est souvent exercée dans le cadre d'un contrat d'emploi. Le cadre choisi pour une reconnaissance de la profession est, dès lors, inappropriée puisqu'il ne vise pas l'ensemble de celle-ci.

La requête définit les critères d'octroi du titre, qui consistent par exemple en un cycle de formation de 600 heures sur la fiscalité. Or, les programmes de la plupart des universités belges ne satisfont pas à cette exigence. Une telle inadéquation qui confine au privilège pour l'un ou l'autre institut spécialisé est totalement inadmissible.

De plus, la requête octroie aux conseils fiscaux indépendants un monopole professionnel auquel ne peuvent accéder, ne fût-ce que temporairement, les personnes qui exercent actuellement une activité de fiscaliste dans le cadre d'un contrat d'emploi. Un tel privilège suscite des réserves sérieuses.

Il faut y ajouter que ce monopole d'exercice de la profession est contraire aux arrêtés de reconnaissance des centres de coordination qui, en vertu de l'arrêté royal nº 187 relatif à la création de centres de coordination, ont choisi d'exercer cette activité fiscale au profit de toutes les sociétés du groupe dont ils font partie. En effet, cet arrêté royal dispose qu'un centre de coordination peut, au profit de sociétés du groupe, se charger de la centralisation des travaux comptables et administratifs, des opérations financières et de l'assurance et de la réassurance ainsi que de toute activité ayant un caractère préparatoire ou auxiliaire; le Roi définit ce qu'il y a lieu d'entendre par ces notions dans les individuels arrêtés d'agréation. Parmi les activités considérées comme admises figurent la tenue de la comptabilité, la rédaction des déclarations et la représentation fiscale.

Enfin, en liasion avec la réforme en cours des procédures fiscales, la requête attribue un monopole de représentation aux conseils fiscaux reconnus. Sur ce point, il faut faire la clarté. Tout comme les avocats, qui jouissent du monopole de la plaidoirie en vertu des dispositions du Code judiciaire, le conseil fiscal ne saurait recevoir un monopole de représentation qu'en vertu d'une loi et non d'un arrêté royal d'exécution de la loi-cadre du 1er mars 1976.

Pour ces raisons, la FEB est d'avis qu'on ne peut donner suite à cette requête. Elle a communiqué son opposition au ministre des Classes moyennes et de l'Agriculture.

VI. Conclusion

La FEB ne s'oppose pas à ce que l'on reconnaisse le titre de « conseil fiscal »; il s'agit en l'occurrence d'un souhait légitime des spécialistes en la matière et la reconnaissance pourrait, dans une certaine mesure, constituer un label de qualité.

Elle estime cependant que :

­ si la reconnaissance est jugée nécessaire, elle doit s'inscrire dans un cadre suffisamment large pour englober toutes les personnes qui exercent actuellement cette profession et ce, quel que soit leur statut;

­ ladite reconnaissance ne peut aller de pair avec un monopole d'exercice de la profession ou de représentation, la différence devait se faire au niveau de la qualité des services et non sur la base d'une protection quelconque;

­ la reconnaissance ne peut servir de prétexte pour créer un nouvel organisme de contrôle qui contribuerait à alourdir les charges des entreprises.

E. Point de vue de la NCMV

Exposé de M. Peeters,
Secrétaire général de la NCMV

I. Historique

I.1. Réviseur d'entreprises et expert-comptable

L'Institut des réviseurs d'entreprises a été créé par la loi du 22 juillet 1953. La notion de « réviseur », elle, avait fait son apparition cinq ans plus tôt dans la loi du 20 septembre 1948 portant organisation de l'économie, qui octroie au conseil d'entreprise la compétence de désigner un réviseur. Le réviseur devait veiller à l'exactitude des informations relatives à l'entreprise qui étaient communiquées au conseil d'entreprise.

En 1953, le législateur a également fait obligation aux sociétés « publiques » de désigner au moins un commissaire ayant la qualité de réviseur. Dans ce cas, le réviseur était plutôt considéré comme un organe de la société et non comme canal d'informations pour le conseil d'entreprise. Il va de soi que cette manière de voir les choses a beaucoup déçu les syndicats, qui ont vu dans le commissaire un « chien de garde » chargé de veiller sur les informations communiquées par la direction de l'entreprise.

L'avis rendu par le Conseil central de l'économie le 12 juillet 1972 a été un facteur décisif dans la réforme du révisorat d'entreprise. Cet avis a presque sonné le glas de l'Institut dans la forme qu'il revêtait à l'époque. L'IRE n'était manifestement pas parvenu à satisfaire les espoirs élevés que l'on avait placés en lui. On lui reprochait notamment une attitude corporatiste.

Cet avis a provoqué un revirement total. L'IRE de l'époque a élaboré des normes de contrôle, introduit une procédure disciplinaire et organisé la formation permanente.

Sous l'impulsion de l'évolution au niveau européen ­ au milieu des années '70 la réforme du droit des sociétés est au centre de l'actualité en Europe ­, le gouvernement a compris qu'une réforme du révisorat était inévitable. Alors que le gouvernement séchait sur la manière dont il fallait réformer cette profession, l'IRE et le Collège national des experts-comptables de Belgique unissaient leurs forces afin d'obtenir une protection du titre d'expert-comptable.

Le gouvernement a adopté en juillet 1981 un projet de loi qui visait une réforme approfondie du révisorat. Détail piquant, un des six chapitres du projet de loi était (déjà) consacré à la protection du titre d'expert en matières fiscales et à l'organisation de la profession. Un autre chapitre était intitulé « Conseil supérieur du révisorat d'entreprises et de la profession d'expert-comptable et d'expert en matières fiscales ».

En dernière minute, le gouvernement a retiré du projet de loi le chapitre relatif aux conseils fiscaux.

Le projet de loi a été adopté par la Chambre le 25 juin 1984 et par le Sénat le 14 février 1985. Depuis cette date, les réviseurs et les experts-comptables ont une double raison de fêter la St-Valentin. La loi du 21 février 1985 relative à la réforme du révisorat d'entreprises a été publiée au Moniteur belge le 28 février 1985.

Si l'on veut un dialogue fructueux entre les partenaires sociaux au sein de l'entreprise, il faut s'assurer avant tout de ce que les informations relatives à l'entreprise dont disposent les deux parties reflètent fidèlement la réalité. C'est pourquoi la réforme du révisorat d'entreprises est très importante en Belgique.

La réforme a en outre associé l'expert-comptable au traitement des informations susvisées. En instaurant une protection légale du titre d'expert comptable et en créant l'IEC, la loi de 1985 a largement satisfait les nombreuses organisations professionnelles qui, pendant des années, avaient lutté pour atteindre cet objectif.

Alors que le législateur ne leur avait initialement consacré qu'un chapitre inséré dans une loi dont le titre fait référence aux seuls réviseurs, les experts-comptables sont parvenus à se tailler une place à part entière dans le traitement des informations financières et économiques. Aujourd'hui, plus d'un dirigeant de PME considère « son » expert-comptable comme le confesseur de son entreprise...

La loi susvisée a attribué un rôle important au Conseil supérieur du révisorat d'entreprises : on attendait en effet de cet organe de contrôle qu'il donne la réponse à une série de questions angoissantes concernant la profession.

I.2. Comptable

L'Association nationale des comptables de Belgique a, en qualité d'association professionnelle des comptables, introduit une requête basée sur la loi-cadre (dite loi « Verhaegen ») du 1er mars 1976 réglementant la protection du titre professionnel et l'exercice des professions intellectuelles prestataires de services. Cette requête a été publiée au Moniteur belge du 5 août 1987. Après les avis des 19 novembre 1987 et 25 avril 1991 du Conseil supérieur des classes moyennes, ainsi que l'avis du Conseil d'État, cette requête a donné lieu à l'arrêté royal du 19 mai 1992 protégeant le titre professionnel et l'exercice de la profession de comptable.

L'Institut professionnel des comptables est devenu opérationnel le 1er juin 1993. Cet institut a les mêmes missions que les deux autres instituts du secteur : il réglemente les stages, veille sur la déontologie, assure la défense et l'accompagnement de la profession, etc.

I.3. Conseil fiscal

L'on a lancé dans le passé de nombreuses initiatives visant à réglementer la profession de conseil fiscal.

Voici les principales d'entre elles :

­ 1969 : Proposition de loi Baeskens

Proposition de loi relative à la création d'un Ordre des conseils fiscaux.

­ 1976-1979 : On relève au cours de cette période plusieurs tentatives de réglementer la profession de conseil fiscal sur la base de la loi-cadre du 1er mars 1976 réglementant la protection du titre professionnel et l'exercice des professions intellectuelles prestataires de services.

­ 1979 : Nouvelle initiative du ministre des Finances Gaston Geens, laquelle fait suite au discours qu'il a tenu à l'occasion du vingtième anniversaire de la Fiscale Hogeschool de Bruxelles.

­ 1982 : Proposition de loi Willy Claes

Proposition de loi relative à la réforme du révisorat.

­ 1984 : Proposition Wauthy

Proposition de loi portant organisation de la profession de conseil fiscal.

­ 1985 : Proposition de loi Wauthy

Proposition de loi portant organisation de la profession de conseil fiscal.

­ 1989 : Avant-projet de loi de la secrétaire d'État Wivina Demeester.

De nouvelles initiatives sont actuellement en préparation. Les positions adoptées par les différents groupes professionnels concernés par ces initiatives sont, cette fois encore, très contrastées. L'on doute en outre de la nécessité d'une telle réglementation.

C'est l'article 24 du projet de loi sur le Code de procédure fiscale, réglant la représentation du contribuable, qui a fait monter la pression. Le Gouvernement a amendé ce projet de loi pour permettre également aux conseils fiscaux reconnus (les avocats le pouvaient déjà) d'entrer en ligne de compte pour la représentation du contribuable. La reconnaissance des conseils fiscaux devrait s'effectuer par le biais de la loi Verhaegen, qui a déjà conféré un statut légal aux comptables.

L'article 24 de ce projet de loi dispose que :

« Les articles 440, 728, §§ 1er et 4 et 758 du Code judiciaire sont applicables pour la représentation devant la commission du contentieux fiscal et le collège des présidents.

Le Roi peut, par arrêté délibéré en Conseil des ministres, déroger à l'alinéa précédent en faveur des conseils fiscaux remplissant les conditions fixées en application de la loi du 1er mars 1976 réglementant la protection du titre professionnel et l'exercice des professions intellectuelles prestataires de services. »

La reconnaissance doit impérativement être demandée par le biais d'une requête émanant d'une association professionnelle reconnue par le Conseil supérieur des Classes moyennes. L'Institut belge des conseils fiscaux, entre autres, appartient à cette catégorie. Cet institut a déjà introduit trois requêtes au cabinet du ministre des PME. La première a été jugée insatisfaisante et la deuxième requête ­ une version adaptée de la première ­ a été annulée par la troisième.

Les comptables ont eux aussi avancé leurs pions et ils ont soumis au ministre leur propre proposition relative aux conseils fiscaux. Ils estiment en effet que, dans le cadre des missions qu'ils accomplissent pour leurs clients, ils s'occupent constamment de questions fiscales. Ils affirment par ailleurs qu'il est impossible d'être un bon conseil fiscal, si on ne connaît pas la comptabilité. La requête de l'ANCB est basée sur le lien étroit qui existe entre ces deux disciplines.

Dans la requête qu'elle a introduite auprès du ministre, le 22 décembre 1995, l'ANCB demande que l'on étende la reconnaissance de la profession à ceux qui « s'occupent » (sic) de fiscalité. Les comptables aimeraient que la réglementation qui les concerne dispose également qu'ils exercent les activités suivantes : donner des avis en matières fiscales, assister les contribuables dans l'accomplissement de leurs obligations fiscales, représenter les contribuables auprès de l'administration fiscale et défendre leurs droits auprès des instances compétentes en matière de fiscalité. Pour appuyer leur requête, ils avancent que le ministre même a déclaré, en réponse à une question parlmentaire, que « le comptable indépendant peut donner des avis en matières fiscales. Cette activité découle de l'exercice de la profession de comptable agréé IPC ».

Dans un premier temps, la requête de l'ANCB a été accueillie favorablement par l'IEC et l'IRE, ce qui, compte tenu du fait que les professions représentées par ces deux associations sont elles aussi directement concernées par ce débat, est étonnant.

Après une table ronde avec les instituts concernés qui s'est tenue à la fin du mois de février 1996, l'IBC a introduit une troisième requête et l'IPC a retiré la sienne. La requête définitive de l'IBC a été publiée au Moniteur belge du 8 mars 1996. Le ministre des PME aurait reçu une masse de réactions écrites à cette requête. Celle-ci a entretemps été transmise, avec les réactions, au Conseil supérieur des Classes moyennes.

Les questions que ce dossier soulève ne sont pas simples à résoudre :

­ qui est « conseil fiscal » ? L'expert-comptable, le réviseur, l'avocat, le notaire, le comptable, le courtier en assurances ou le banquier ? Se pourrait-il que les avis en matières fiscales constituent plutôt un aspect de chacune de ces professions, de sorte que les modalités d'une réglementation éventuelle ­ pour autant que celle-ci soit possible et/ou souhaitable ­ seraient très difficile à déterminer ?

­ dans la phase litigieuse, le contribuable doit-il être représenté par un juriste, ou peut-il également l'être par un non-juriste qui possède de solides connaissances fiscales ?

­ dans le feuilleton de l'élaboration de la réglementation de la profession de conseil fiscal, il importe également de savoir si le fisc pourra siéger dans la Commission d'agrément qui déterminera qui est admis à la profession; dans l'affirmative, le fisc sera en effet dans une position qui lui permettra de choisir ses futurs adversaires;

­ est-il nécessaire de créer un quatrième institut ou peut-on rattacher les conseils fiscaux à l'un des instituts existants, à savoir l'IEC, l'IRE ou l'IPC ?

Cette dernière question nous amène à un autre problème épineux, qui soulève actuellement de vives controverses au sein des groupes professionnels concernés. La question qui se pose en effet est de savoir dans quelle mesure on peut encore justifier l'existence de trois, voire bientôt de quatre, instituts indépendants qui représentent des professions apparentées.

II. Un seul institut ?

Le 12 juin 1995, les présidents de l'IEC et de l'IRE ont signé une déclaration d'intention conjointe dans laquelle ils affirment « mener, sous la tutelle et avec la collaboration du Conseil supérieur du révisorat d'entreprises et de l'expertise comptable, une politique de synergie et de rapprochement dans le respect d'une déontologie commune stricte ».

À cette occasion, l'IEC et l'IRE ont déclaré qu'ils étaient favorables à la création d'une section « conseils fiscaux », au sein de l'IEC, d'une part, et à l'établissement de contacts bilatéraux entre les deux instituts. Ils ont également affirmé qu'ils examineraient les possibilités de resserrer leurs liens avec l'IPC, le troisième institut professionnel.

Dans son avis du 23 octobre 1995, le Conseil supérieur du révisorat d'entreprises et de l'expertise comptable déclare que : « Il serait effectivement préférable que les quatre professions concernées puissent être regroupées au sein d'un institut unique organisé sur une base paritaire; l'évolution de ces professions pourrait ainsi être coordonnée, sous la compétence du conseil supérieur, dans une perspective de complémentarité et en tenant compte des particularités de chaque institut. »

III. L'entreprise ­ le client

Sans « recalibrage » du droit comptable belge et à défaut d'une définition précise de la profession de conseil fiscal, la modernisation de la profession d'expert-comptable est vouée à l'échec. Il faudrait en outre beaucoup plus tenir compte de l'entreprise-client. Les experts-comptables sont au service de l'entreprise, qu'ils soient experts-comptables externes, réviseurs d'entreprises, conseils fiscaux ou comptables indépendants.

La réforme envisagée (un institut unique ?) ne peut par conséquent être décidée dans le dos des entreprises. Il serait par exemple insensé de nommer un commissaire-reviseur dans une entreprise familiale, où l'administration et l'actionnariat se confondent.

À cela, il faut ajouter que, s'ils sont louables, les projets visant à reconnaître la profession de conseil fiscal ne suffisent pas. Les conseils fiscaux agréés s'orienteront surtout vers le traitement des litiges, et l'on continuera à avoir besoin d'experts-comptables pour donner des avis fiscaux. Là aussi, le débat doit être élargi aux entreprises-clientes. En effet, une PME ne saurait se permettre de faire appel à trois ou quatre experts, ce qui serait inefficace en plus d'être trop cher.

F. Point de vue de la Fédération nationale
des Unions des Classes moyennes

Exposé de M. P. Colin, Serétaire général
de la Fédération nationale des Unions de Classes moyennes

M. Colin rappelle que le cadre de la discussion est la loi Verhaegen.

L'exposé ne donnera pas une solution toute faite à la problématique, mais quelques éléments de réflexion.

Un premier élément à considérer est que, quelles que soient les réglementations dans notre pays à l'égard d'une profession, il a toujours été clair que nous ne pouvons la réglementer que si elle est basée sur des compétences. Ces compétences devaient pouvoir être raisonnablement obtenues soit en suivant des cours organisés par les pouvoirs publics, soit par l'expérience professionnelle.

Dans le cas de la profession de conseil fiscal, l'expérience professionnelle seule ne peut pas être retenue.

Le deuxième élément à considérer est qu'il faut être assuré que ladite profession va pouvoir faire face à la demande dans des conditions de prix raisonnable. Par conséquent, on ne peut pas mettre en place une profession réglementée si l'offre de services n'est pas suffisante, ce qui se traduirait inévitablement par une augmentation des coûts et, finalement, par une insuffisance de l'offre réelle de services aux entreprises qui en ont besoin.

Ceci est particulièrement important pour les PME car elles n'ont pas les moyens de mettre en place des services internes contrairement aux grands groupes des centres de coordinations. Elles sont habituées à sous-traiter un certain nombre de tâches à caractère administratif.

Troisièmement, il faut toujours veiller à maintenir une approche relativement multidisciplinaire pour les professions de conseillers économique, financier, juridique, en matière de PME, pour des raisons à la fois de temps et de coûts.

Une PME doit pouvoir faire confiance à une personne, à un conseiller. La multiplication des conseillers est une source de difficultés et de perte de temps et les moyens financiers ne le permettent pas.

Une réglementation des conseils fiscaux qui aurait pour effet de retirer aux experts-comptables, aux comptables, aux réviseurs d'entreprises, la possibilité de faire de la fiscalité, est totalement contre-indiquée.

Il est normal qu'un comptable ou expert-comptable fasse, dans la foulée des comptes annuels, la déclaration fiscale. Le comptable ou l'expert-comptable n'est pour autant pas un expert fiscal car ces professions ne sont pas organisées pour donner des conseils fiscaux. Donc, il faut essayer de faire la répartition du champ de compétences entre les uns et les autres.

Un autre élément de réflexion porte sur l'assurance que, dans le respect de la loi, le chef d'entreprise aura affaire à un conseiller fiscal et pas à un inquisiteur fiscal car il ne conviendrait pas que, demain, dans le cadre de la réforme du code de procédure fiscale, on réussisse à faire payer par l'entreprise le contrôle de sa propre comptabilité, de sa propre situation fiscale.

Enfin, M. Colin se demande comment définir une activité professionnelle.

On peut énumérer tout ce qui se fait dans une profession. Par cette technique, on constatera que plus d'une profession fait au moins l'un ou l'autre des aspects énumérés. Dans le cas des conseillers fiscaux, il est clair qu'on touchera aux comptables, experts-comptables, réviseurs d'entreprises, avocats, notaires et toute une série d'autres personnes qui professionnellement sont amenées à donner des informations pour une partie de leur activité.

Mieux vaut définir une profession en droit par l'une de ses caractéristiques. De facto, une caractéristique entraînera la compétence pour une série d'autres choses sans qu'il y ait de problèmes pour la réglementation de la profession.

La question est donc de savoir quelle est la spécificité particulière d'un conseil fiscal. Par conséquent, les autres professions pourraient continuer à faire ce qui n'est pas expressément reconnu dans le cadre de leurs activités normales et accessoires.

Les PME sont demanderesses de professionnels qui soient compétents. Il faut savoir où s'arrête la responsabilité du comptable et la responsabilité d'un autre professionnel. Ceci impliquera que les professionnels de la comptabilité eux-mêmes sachent jusqu'où va réellement leur compétence professionnelle.

L'arrêté royal qui approuve la requête n'a pas le pouvoir de donner, par exemple, un pouvoir de représentation devant quelque juridiction que ce soit ou un monopole. À la réglementation actuelle envisagée dans le cadre de la loi Verhaegen, manque en effet un élément considérable et fondamental qui est peut-être le plus pertinent pour définir la profession de conseiller fiscal.

Certains aspect plus particuliers ont été invoqués. L'appellation de conseil fiscal est portée par de multiples personnes, y compris par des personnes salariées qui exercent ce métier en toute compétenc. La question est de pouvoir identifier ces personnes-là. Il est donc possible de trouver pour une profession nouvelle réglementée une appellation qui permette l'utilisation de l'appellation générique dans un autre cadre.

Par exemple : les comptables qui sont membres de l'Institut professionnel des comptables, portent le titre de « comptable-IPC » Ceci éviterait de croire qu'on ne doit pas réglementer une profession en termes de compétences et en termes de protection du titre parce qu'on priverait des salariés d'une appellation déterminée.

En ce qui concerne les centres de coordination, M. Colin souligne que la définition de ces centres a essentiellement un caractère économique et fiscal. Elle n'a pas pour but de définir l'exercice d'une activité professionnelle. On peut envisager une solution, c'est-à-dire que le centre de coordination n'a pas de clientèle externe puisque la clientèle est fortement définie par les liens du groupe.

Ces questions ne sont pas de nature à mener à un refus ou une acceptation définitive de la réglementation.

M. Colin termine en soulignant la nécessité pour les PME de disposer de professionnels compétents et de ne pas être exposées à s'adresser à des personnes qui n'ont pas cette compétence. Ceci est à la fois l'intérêt de l'administration fiscale et du contribuable.

G. Point de vue du Liberaal Verbond voor Zelfstandigen

Exposé de M. Carpentier,
directeur du Liberaal Verbond voor Zelfstandigen

L'introduction de la requête en réglementation du titre professionnel et de l'exercice de la profession de conseil fiscal a amené le Liberaal Verbond voor Zelfstandigen (LVZ) à soumettre une série de questions à des indépendants, des PME et des professionnels qui donnent déjà des avis en matières fiscales.

Le LVZ a aussi pris une position qu'il a défendue. Cette position comprend deux éléments.

Le LVZ demande tout d'abord une approche multidisciplinaire. L'approche multidisciplinaire n'est-elle pas la meilleure à adopter en ce qui concerne les avis en matières fiscales pour les PME et les indépendants ?

Le LVZ pense que fiscalité et comptabilité sont deux matières qui sont liées et qu'il est impossible de traiter séparément. Un grand nombre de questions fiscales ont automatiquement une incidence sur la comptabilité et inversement.

La quasi-totalité des organisations des Classes moyennes demandent depuis longtemps que l'on simplifie les formalités administratives. Les indépendants et les PME ont aussi besoin d'un accompagnement cohérent dans le domaine des avis en matières fiscales : un conseiller unique doit donner, de manière cohérente, des avis sur les différents aspects.

Le LVZ plaide donc pour que les avis soient donnés d'une manière intégrée.

Le deuxième point porte sur le coût de la réglementation envisagée. Si l'on opte pour la dispersion des tâches entre divers instituts, les indépendants et les PME risquent fort d'être confrontés à des coûts supplémentaires.

Il ne faut pas sous-estimer les sommes importantes que les indépendants et les dirigeants de PME doivent dépenser pour obtenir des avis qui leur permettront de se retrouver dans l'écheveau complexe de la réglementation et de la législation actuelle : impôts, comptabilité, législation sociale, réglementation relative à l'environnement, ...

Pour les indépendants et les PME qui ne disposent pas de personnel spécialisé et qui sont contraints de faire appel à des conseillers extérieurs, ces avis ne sont pas bon marché. En créant un nouvel institut qui détiendra peut-être un monopole en matière de conseils fiscaux, on court un risque réel d'imposer un coût supplémentaire aux indépendants.

C'est la raison pour laquelle le LVZ n'est pas favorable à la requête susvisée.

Les praticiens eux-mêmes ont également souligné une série d'éléments importants. Ils seront commentés par M. Van Wemmel.

Exposé de M. J. Van Wemmel, vice-président du LBAB
(Liberaal Verbond voor Bedrijfsrevisoren,
Accountants en Belastingconsulenten)

Lors de la réforme du révisorat d'entreprises (loi du 21 février 1985), le législateur a procédé à la création de l'Institut des experts-comptables (IEC) qui est venu s'ajouter à l'Institut des réviseurs d'entreprises. La loi du 21 février 1985 dispose, en son article 78, dernier alinéa, que l'expert-comptable est l'expert en matière de fiscalité.

Le réviseur d'entreprises certifie les comptes annuels des grandes entreprises. L'expert-comptable atteste les comptes annuels des petites entreprises qui ne sont pas soumises aux dispositions de l'article 12. Il est impossible d'établir des comptes annuels sans connaître les matières fiscales. L'impôt est le dernier élément à prendre en compte pour pouvoir déterminer le bénéfice qui a été réalisé à la fin de l'exercice. La certification de l'expert-comptable ou celle du réviseur d'entreprises fixe la base imposable.

Dans la pratique, on constate que ces deux professions sont de plus en plus appréciées et que leurs attestations gagnent en crédibilité, y compris aux yeux de l'administration fiscale.

Pour ce qui est des conseils fiscaux, M. Van Wemmel signale que cette problématique ne concerne que quelques centaines de personnes qui, à l'époque de la réforme, soit n'ont pas jugé nécessaire de s'affilier, soit n'ont pas veillé à devenir expert-comptable ou réviseur d'entreprises. Ces personnes réclament aujourd'hui un nouvel institut, alors qu'il en existe déjà deux.

Les experts-comptables et les réviseurs d'entreprises (ainsi que les comptables), sont des professionnels, y compris en matières fiscales, puisque les trois-quarts d'entre eux tirent 90 p.c. de leurs revenus des avis qu'ils rendent en matière de fiscalité.

La législation fiscale belge est très complexe. Si, demain, les conseils fiscaux devenaient omniscients dans tous les domaines de cette législation (impôt des personnes physiques, impôt des sociétés, droits d'enregistrement, TVA, et autres domaines) ils deviendraient des techniciens purs. On ne peut pas imaginer qu'un conseil fiscal puisse être versé dans tous les domaines. Il en va de même pour les avocats : un avocat polyvalent serait en fait une mauvaise chose.

Même les réviseurs d'entreprises sont spécialisés : il y a ainsi les réviseurs du secteur bancaire, les réviseurs agréés par les compagnies d'assurances, etc. Il en va de même pour les experts-comptables : certains d'entre eux sont spécialisés dans les matières fiscales, tandis que d'autres le sont dans la législation sur les sociétés ou le droit comptable.

H. Point de vue des bureaux d'audit

Exposé de M. Minne, Managing Partner chez Coopers et Lybrand et de M. Vantieghem, Managing Partner chez Arthur Andersen & Co

La Commission des Finances et des Affaires économiques a désiré connaître le point de vue des bureaux d'audit concernant la réglementation de la profession de conseil fiscal.

Les bureaux d'audit appartiennent à une branche d'activité qui n'est pas définie avec précision; beaucoup d'entreprises procèdent à des « audits » ou des contrôles comptables, soit en qualité de membre d'une profession réglementée (comme c'est le cas pour les réviseurs d'entreprises), soit en qualité de conseiller. C'est pourquoi nous tenons à souligner que les soussignés agissent en tant que représentants des entreprises spécialisées dans les services fiscaux et en qualité de membres des organisations internationales que l'on a coutume de désigner par « Big Six » (1).

Le conseil fiscal : naissance d'une profession

En Belgique, beaucoup de personnes entrent en contact avec la fiscalité dans le cadre de leur profession. La fiscalité est parfois leur activité principale, mais elle constitue le plus souvent un aspect annexe de leurs tâches quotidiennes. L'avocat, le notaire spécialisé dans les questions immobilières et les successions ainsi que l'expert-comptable d'une P.M.E. sont tous confrontés à des questions fiscales. Et pourtant, la notion de conseil fiscal et les missions qu'il remplit pour le contribuable et les entreprises n'ont évolué que lentement.

À l'origine, les obligations fiscales étaient généralement remplies par le comptable ou un employé du service de la comptabilité. Le comptable remplissait les déclarations à l'impôt sur le revenu et à la T.V.A., il était présent lors des contrôles fiscaux et il préparait les réponses aux questionnaires envoyés par l'administration fiscale. Lorsque des problèmes se posaient quant à l'interprétation exacte de certains textes ou matières qui dépassaient les connaissances fiscales des collaborateurs de l'entreprise, l'on s'adressait généralement à un juriste (dans bien des cas l'on faisait appel à un avocat spécialisé dans la législation fiscale) pour obtenir la réponse.

Les modifications successives intervenues dans la législation fiscale, qui est devenue de plus en plus complexe, ont changé cet état de choses. Le dirigeant d'entreprise, le directeur financier ou le comptable éprouvaient les plus grandes difficultés à suivre ces modifications et, surtout, à recueillir, avant de prendre une décision, l'avis d'une personne qui maîtrise toutes les facettes de la problématique fiscale, c'est-à-dire les problèmes juridiques comme les questions purement comptables.

Le conseiller est donc progressivement devenu un véritable « centaure », avec une tête de juriste et le corps d'un comptable, qui s'occupe à temps plein des matières fiscales.

Le profil du conseil fiscal

Idéalement, le fiscaliste est à la fois un juriste parfait et un comptable parfait. Il doit être un juriste parfait, parce que la fiscalité découle du droit (faut-il rappeler que « aucun impôt au profit de l'État ne peut être établi que par une loi ») et que le fiscaliste doit être en mesure de comprendre et d'interpréter toutes les lois portant des dispositions fiscales et de les situer dans leur contexte juridique.

Il ne faudrait pas croire que la législation fiscale est totalement indépendante du reste du droit, bien au contraire : elle se fonde le plus souvent sur d'autres branches du droit telles que le droit civil, le droit commercial ou la législation sociale. L'impôt des sociétés est ainsi basé sur le droit comptable et les lois coordonnées sur les sociétés commerciales; pour comprendre le Code des droits de succession, il faut connaître les chapitres du Code civil qui traitent des successions, du régime matrimonial, etc.; pour maîtriser le Code des droits d'enregistrement, il faut des connaissances dans un grand nombre de domaines comme par exemple les lois coordonnées sur les sociétés commerciales (droit d'enregistrement proportionnel pour les constitutions de sociétés et les apports dans une société), la licitation (partage du patrimoine), les dons ou la cession de biens immobiliers.

Le fiscaliste idéal doit non seulement être un juriste hors pair, il doit aussi être un comptable parfait : comme nous l'avons déjà dit, certains domaines de la législation fiscale sont basés sur le droit comptable; par exemple, en matière d'impôt des sociétés, la primauté du droit comptable sur le droit fiscal (à quelques exceptions près) a été reconnue explicitement. C'est pourquoi le fiscaliste doit au moins posséder les connaissances nécessaires pour évaluer l'impact comptable de l'avis qu'il donne pour aider le contribuable à remplir ses obligations fiscales et comprendre les comptes annuels de celui-ci.

En réalité, un problème fiscal aura soit une nature essentiellement comptable, soit une nature plutôt juridique et c'est pourquoi il importe que le conseil fiscal idéal soit capable de comprendre tous les aspects de la problématique et des questions que le contribuable lui pose.

La mission du conseil fiscal

La mission de conseil fiscal se résume en trois grandes catégories d'objectifs :

1. Le conseil fiscal doit avant tout conseiller son client. Bien que cette mission aille de soi, il doit, pour bien la remplir, avoir un aperçu très large de toutes les conséquences fiscales possibles des décisions qu'il prend ou qu'il propose au client.

Les avis qui sont donnés par le conseil fiscal peuvent prendre la forme d'informations sur des questions très spécifiques ou, lorsque le client envisage une restructuration de ses activités en Belgique ou à l'étranger, déboucher sur un véritable planning fiscal. C'est précisément cette extension du rôle du conseil qui, comme nous l'avons déjà indiqué, a finalement donné lieu à la naissance de la profession et donné au conseil fiscal la possibilité de trouver sa place dans l'entreprise.

2. Le conseil fiscal a aussi pour mission d'aider le contribuable à remplir ses obligations fiscales, que ce soit en remplissant des déclarations à l'impôt sur les revenus, des déclarations à la TVA ou en vérifiant des avertissements-extraits de rôle, etc. L'interaction entre le droit et la comptabilité est particulièrement importante dans cette fonction.

3. Enfin, le conseil fiscal interviendra comme intermédiaire entre les administrations fiscales et le contribuable. Dans bien des cas, le conseil fiscal agira comme le mandataire du contribuable et il le représentera auprès des administrations fiscales à l'occasion d'un contrôle éventuel ou pour des négociations quelconques. Il défendra également les intérêts du contribuable en cas de litige.

Cette triple mission, ainsi que l'étendue et la nature mouvante de la matière traitée, nous donne à penser que le conseil fiscal doit se limiter à l'exercice de sa profession de fiscaliste. Pour peu que l'on veuille se consacrer sérieusement à cette profession, il est à notre avis difficile de se spécialiser dans d'autres domaines; l'érudit italien Pic de la Mirandole, qui se vantait d'être à l'aise dans tous les domaines, aurait incontestablement eu des difficultés à être un bon fiscaliste dans la Belgique d'aujourd'hui.

Le conseil fiscal dans les bureaux d'audit : approche globale

Les entreprises que nous représentons s'efforcent plus particulièrement de réaliser en Belgique la vision du conseil fiscal complet : tel que nous le voyons, le conseil fiscal assiste ses clients et les aide à remplir les formalités et à défendre leurs intérêts.

Cette approche globale de la fiscalité a intéressé de nombreux contribuables. D'après les statistiques publiées par le Financieel Economische Tijd du 24 novembre 1995, les entreprises spécialisées en fiscalité qui font partie des six organisations susmentionnées ont réalisé un chiffre d'affaires de plus de 3 milliards de francs et occupé quelque 600 fiscalistes à temps plein en 1995. Les fiscalistes ont été engagés soit sur une base indépendante, soit sous contrat de travail. Il va de soi que ce n'étaient pas des avocats; la plupart d'entre eux n'étaient ni expert-comptables, ni comptables.

Ces chiffres ne représentent bien entendu qu'une partie du marché du conseil fiscal. En effet, plusieurs autres entreprises ont adopté la même méthode de travail que nos organisations, mais nous ne disposons d'aucune statistique qui les concerne.

Réglementation de la profession

Cela fait plusieurs années que l'on avance des propositions visant à réglementer la profession de conseil fiscal. Il faut y voir la conséquence, d'une part, de l'intérêt pour le contribuable de pouvoir faire appel à des conseillers compétents et, d'autre part, du fait que l'administration fiscale a besoin de négocier avec des intermédiaires à la fois compétents et intègres.

Nous avons toujours pensé que les personnes qui doivent donner des avis en matière fiscale (avocats, notaires, experts-comptables, conseils fiscaux, etc.) sont, en règle générale, suffisamment compétentes dans leur domaine d'activité et que l'on peut faire confiance au marché pour éliminer les dilettantes éventuels ainsi que les personnes qui manquent d'éthique professionnelle.

C'est la raison pour laquelle nos organisations se sont jusqu'ici abstenues d'entrer dans le débat qui oppose les partisans et les adversaires d'une réglementation de la profession. Nous estimons, en effet, que tous les conseillers avaient leur rôle à jouer dans le domaine étendu et complexe du conseil fiscal.

La publication du projet de loi visant à modifier la procédure fiscale nous a contraints à revoir ce point de vue. Ce projet de loi prévoit en effet de nommer des « juges fiscaux » qui seraient amenés à traiter, en première instance, les réclamations des contribuables. Suivant les dispositions proposées, les contribuables devaient initialement s'adresser à un avocat pour se faire représenter auprès de ces juges; il a toutefois été précisé par la suite qu'ils pouvaient également se faire représenter par un « conseil fiscal », dès que cette profession aura été reconnue.

Il ressort clairement du profil que nous avons tracé du conseil fiscal, que ce dernier doit être à même d'exercer pleinement sa profession et, donc, de défendre les intérêts du contribuable, du moins au premier niveau de juridiction.

Partant de cette perspective, il nous paraît raisonnable de reconnaître la profession de conseil fiscal en mettant l'accent sur les différents niveaux de compétence professionnelle et sur la déontologie propres à cette profession.

I. Point de vue de l'administration fiscale

Exposé de M. Coppens, directeur général
de l'Inspection spéciale des impôts

M. Coppens confirme que la requête en réglementation du titre professionnel et de l'exercice de la profession de conseil fiscal, qui a été publiée au Moniteur belge du 8 mars 1996, ne constitue pas la première tentative visant à réglementer cette profession.

Dans le passé, il y a eu notamment l'avant-projet de loi Vandeputte en 1981, une proposition de loi de M. Willy Claes en 1982 et une proposition de loi de M. Wauthy en 1985 et 1986.

De même, la requête du 8 mars 1996 qui a été introduite par l'Institut belge des conseils fiscaux n'est pas la première qui émane de cet institut. L'IBC a déjà introduit trois requêtes au cabinet du ministre des PME.

Si l'on parvient cette fois à réglementer la profession de conseil fiscal, on aura achevé le troisème volet du triptyque de la réforme du révisorat. En effet, le titre professionnel et l'exercice de la profession de comptable ont été réglés en 1992 et le titre d'expert-comptable a été protégé par la loi de 1985. Dans ces conditions, pourquoi ne réglementerait-on pas la troisième profession, celle de conseil fiscal, sachant que l'activité des conseils fiscaux complète, dans une large mesure, celle des autres professions ?

La réglementation de la profession de conseil fiscal est importante pour chacune des trois parties concernées.

Les conseils fiscaux, qui sont les premiers intéressés, ont évidemment intérêt à ce que l'on organise leur profession. La réglementation de la profession constituerait en effet une protection contre les conseils malhonnêtes dont les clients sont en fait les principales victimes. Elle contribuera à la fois à améliorer la qualité technique du travail fourni et offrira des garanties sur le plan déontologique.

Les contribuables, qui forment la deuxième partie d'intéressés, pourront compter sur des mandataires professionnels compétents. La réglementation permettra de créer un cadre pour donner à ces conseils fiscaux la possibilité de suivre une formation permanente qui, dans la situation actuelle, relève de l'initiative personnelle. Les conseils fiscaux seront en outre tenus de respecter un code déontologique et ils pourront se voir infliger des sanctions disciplinaires.

Le fisc, troisième intéressé, a lui aussi intérêt à traiter avec des spcialistes compétents qui ont reçu une bonne formation technique.

M. Coppens souligne qu'une réglementation éventuelle de la profession ne signifie pas que le contribuale sera obligé de se faire aider, dans des rapports avec le fisc, par un conseil. Il va de soi que chaque contribuable conservera le droit de se défendre lui-même.

Dans l'éventualité où l'on déciderait de réglementer cette profession, la première question qui se posera est de savoir comment procéder. Cette première question est aussi une question de principe.

La loi Verhaegen donne au Roi la possibilité de reconnaître et de réglementer la profession de conseil fiscal sur la base d'un arrêté royal signé par un ministre, en l'occurrence le ministre des Classes moyennes. La profession peut également être reconnue et réglementée par une loi.

Personnellement, M. Coppens est d'avis qu'il existe une série d'arguments en faveur d'une réglementation sur la base d'une loi.

Tout d'abord, plusieurs autres professions sont d'ores et déjà réglées par la loi : celle d'avocat, de notaire, de réviseur d'entreprises, de comptable, etc. La profession de comptable, qui a été réglée par un arrêté royal dans le cadre de la loi Verhaegen, constitue l'unique exception à cette règle.

Le deuxième argument avancé par M. Coppens concerne les parallèles qui existent entre la profession de conseil fiscal et celle d'expert-comptable qui, elle, est réglée par la loi.

M. Coppens signale par ailleurs, à titre de troisième argument, qu'il y a eu, ces dernières années, plusieurs initiatives parlementaires tendant à réglementer cette profession, en dépit du fait que la loi Verhaegen existait déjà (elle date de 1976) et que, par conséquent, la profession pouvait être réglementée au moyen d'un arrêté royal.

Suivant le quatrième argument de M. Coppens, comme le Code des impôts sur les revenus contient une série de dispositions pénales relatives aux conseils fiscaux, l'on pourrait difficilement réglementer la profession de conseil fiscal par un arrêté royal sans associer le département des Finances à ladite réglementation.

Enfin, la procédure parlementaire garantit une objectivité plus grande qu'une réglementation par le biais d'un arrêté royal. En effet, la presse a fait état à plusieurs reprises des problèmes qu'a suscités le traitement des requêtes. Ces problèmes n'ont, à ce jour, toujours pas été résolus.

La deuxième question qu'il y a lieu de se poser concerne la portée d'une reconnaissance et d'une réglementation éventuelles de la profession de conseil fiscal. Doit-on simplement protéger le titre de conseil fiscal ou faut-il, en reconnaissant la profession, également créer un monopole ?

Les avis divergent beaucoup sur ce point et l'administration ne peut pas se permettre d'apporter une réponse à cette question. Il ressort de la réponse du ministre des Finances à une question parlementaire sur ce sujet que le gouvernement n'a pas l'intention de créer de nouveaux monopoles.

Personnellement, M. Coppens pense que les monopoles mènent à des situations dangereuses. Il faut d'ailleurs aussi tenir compte du problème du coût du monopole pour les utilisateurs (entreprises et contribuables).

La troisième question que pose M. Coppens concerne le problème de la responsabilité. Les conseils fiscaux doivent-ils assumer l'entière responsabilité pour l'aide et l'assistance qu'ils fournissent aux contribuables ? Il est un fait établi que les praticiens et les associations professionnelles des conseils fiscaux hésitent plutôt à assumer entièrement cette responsabilité.

On peut également se demander si les conseils fiscaux pourront invoquer le secret professionnel. Le fisc, quant à lui, est bien évidemment d'avis qu'il ne faudrait pas le permettre.

L'octroi du secret professionnel serait contraire à la logique de la lutte contre la fraude fiscale, alors même que l'on prend, dans le cadre de celle-ci, un grand nombre d'initiatives dans tous les domaines. Ne pas l'accorder serait un bon moyen de s'attaquer sérieusement à la fraude.

Sur le plan technique, il faut également déterminer si le titre de conseil fiscal doit être réservé aux seuls conseils fiscaux indépendants ou s'il peut également être attribué aux conseils qui travaillent dans le cadre d'un contrat de travail.

Pour M. Coppens, le titre devrait être attribué aux conseils fiscaux indépendants comme aux personnes occupées sous contrat de travail. Il va de soi que cette option ne facilite pas la tâche du législateur pour ce qui est de la formulation de la reconnaissance.

Le statut de conseil fiscal ne peut être limité aux seuls conseils indépendants. Beaucoup de grandes entreprises occupent d'ores et déjà des spécialistes qui ne cèdent en rien au conseil fiscal indépendant moyen.

M. Coppens conclut son exposé en répétant que l'administration est favorable à la reconnaissance de la profession de conseil fiscal.

En vue de faciliter quelque peu la formulation de la reconnaissance du titre professionnel et de l'exercice de la profession, il propose de rédiger les textes appropriés en faisant abstraction de la réglementation existante relative aux experts-comptables et aux comptables. Il propose également de permettre à ces derniers d'exercer également des tâches de conseil fiscal. Il déconseille donc de faire l'inverse.

Les entreprises ont besoin que l'on réglemente la profession de conseil fiscal.

Enfin, M. Coppens signale qu'en 1986 et 1987, il a consacré beaucoup de temps à l'élaboration d'un avant-projet de loi visant à réglementer le statut de conseil fiscal. Cet avant-projet n'a jamais vu le jour parce que le gouvernement a décidé à l'époque d'accorder la priorité au projet de loi de réforme de la procédure fiscale : la procédure fiscale devait être réformée avant que l'on ne réglemente la profession de conseil fiscal.

J. Échange de vues

Un membre de la commission voudrait savoir quelles sont les réglementations européennes minimales en cette matière.

M. Behets précise que les directives énoncent une série de critères et de règles auxquels doivent répondre et se conformer ceux qui exercent ces professions (formation, stage d'au moins 3 ans, déontologie).

Un membre s'informe sur la libre circulation des personnes et la reconnaissance des titres au sein des pays membres de la CE.

M. Behets répond que des équivalences existent, pour autant que l'intéressé puisse faire preuve de la connaissance de la législation nationale. Cependant quelques problèmes subsistent avec des instituts italiens et espagnols pour lesquels l'interprétation de la législation est moins évidente.

M. Krockaert ajoute qu'en tout état de cause, les obligations sont les mêmes partout, sur base des directives de la CE.

Un autre membre voudrait savoir sur quoi on se base pour décider de la nécessité de limiter l'accès à la profession de conseiller fiscal à trois ou quatre groupes professionnels.

M. de Béthune souligne que personne ne conteste l'importance d'assurer la qualité de conseil fiscal. La complexité de notre système fiscal est telle que le risque d'erreur n'est pas négligeable. Dès l'instant où l'on s'inscrit dans une philosphie qui veut améliorer les conseils aux entreprises en général et aux PME en particulier, le rôle très important du conseil fiscal peut incontestablement être amélioré.

Un deuxième point est de savoir qui peut prodiguer ces conseils. Le ministre des PME a pris l'option très claire de respecter les droits acquis qui est à la base de la loi Verhaegen de 1976.

Plutôt que de créer un cloisonnement, il s'agira d'organiser et de permettre le respect des droits acquis et de l'amélioration du niveau des conseils fiscaux dans l'avenir au bénéfice des contribuables et des entreprises concernées. Il ne s'agit donc pas du tout de limiter la profession de conseil fiscal à un groupe restreint, mais de créer une dynamique d'amélioration.

Un autre membre de la commission explique que la requête en réglementation du titre professionnel et de l'exercice de la profession de conseil fiscal, reconnaît bien le fait que les avocats et les notaires, les réviseurs d'entreprises, membres de l'Institut des réviseurs d'entreprise, les experts comptables, membres de l'Institut d'experts comptables et les comptables, membres de l'Institut professionnel des comptables, peuvent exercer les activités professionnelles de conseil fiscal. Cependant, ce ne sont que ceux qui sont membres de l'Institut, qui peuvent se prévaloir du titre de conseil fiscal.

L'intervenant se demande si les professions représentées ne craignent pas de ne pas pouvoir porter ce titre puisque la double titularisation est exclue. Ne craint-on pas que dans l'esprit des utilisateurs de ces services, une préférence pour ceux qui portent le titre de conseil fiscal s'instaure en raison de la spécialisation qu'un tel titre fera en tout cas croire ?

M. Krockaert signale que les autres pays de la Communauté européenne ne connaissent pas de profession spécifique de conseil fiscal. La profession de « Steuerberat » existe en Allemagne, mais elle est principalement exercée par des experts-comptables. La France a autrefois reconnu le titre de « conseiller fiscal », mais elle l'a supprimé par la suite et cette profession est actuellement exercée, soit par un commissaire aux comptes, soit par un membre du barreau. On créerait donc en Belgique une fonction spécifique, ce qui risque de prêter à confusion. Au cas où l'on reconnaîtrait la profession de conseil fiscal, l'Institut des experts-comptables souhaite que l'on exclue la double affiliation et que chaque praticien reste tenu à sa propre déontologie stricte.

Le membre de la commission répète sa question : ne craint-on pas que les consommateurs ne s'adressent d'office aux conseillers fiscaux en pensant qu'ils sont spécialisés, de sorte qu'à un moment donné, malgré les efforts de conciliation, ces professions compteraient des personnalités à forte rivalité mais avec un avantage pour les conseillers fiscaux ?

Selon M. Krockaert, c'est la qualité des services qui doit principalement être considérée. Le titre de conseil fiscal n'est pas une étiquette qui amène le consommateur à s'adresser à l'un ou à l'autre professionnel. La promotion du titre peut créer un risque, mais l'Institut des experts-comptables redoute essentiellement la confusion de fonctions.

M. Behets est d'avis que le « risque » auquel le commissaire fait allusion se manifestera peut-être à terme. La confusion que créera l'existence de plusieurs spécialistes nuit au « consommateur » des services qui, en définitive, sera le perdant. Personnellement, il préfère nettement que l'on s'oriente vers des qualifications plutôt que vers des titres. Qualification étant synonyme de spécialisation. Dans les professions économiques, il y a des spécialistes chargés de l'assistance comptable et administrative, et d'autres spécialistes qui assurent l'audit et d'autres encore qui prodiguent des conseils en matière fiscale. On pourrait étendre la spécialisation à d'autres matières, telles que les conseils dans le domaine de l'environnement ou les avis en matière d'informatique. La question qui se pose est évidemment de savoir s'il faut également créer des cellules distinctes pour ces spécialisations (par exemple un institut pour l'environnement ou pour l'informatique).

Pour un autre intervenant, le présent débat est un problème de réglementation typiquement belge. Il n'est pas du tout prouvé qu'il soit nécessaire de créer une catégorie distincte (celle des conseils fiscaux). Les arguments avancés par M. de Bethune sont plutôt faibles : en effet, il ne s'agit pas en l'occurrence d'une catégorie de personnes qui se situent en bas de l'échelle sociale; les personnes visées n'ont pas besoin d'être protégées. La conclusion qu'il tire de cette audition est que les utilisateurs devront payer davantage pour un service cloisonné et réglementé qui ne sera soumis qu'à une concurrence limitée; ils seront donc les victimes d'une réglementation éventuelle de la profession. Or, actuellement, ces services sont prestés de manière beaucoup plus simple et ce, sans trop de tracasseries administratives.

Il ajoute que, dans la situation actuelle, ces services peuvent également être obtenus dans le cadre d'autres activités telles que le révisorat d'entreprises ou la comptabilité. Dans le cas d'une réglementation, l'utilisateur serait obligé de payer deux fois (une fois pour le comptable et une fois pour le conseil fiscal) pour obtenir des services qui lui sont aujourd'hui fournis par une seule personne.

Pour se convaincre de l'absence de nécessité d'introduire une telle réglementation, il suffit de considérer l'exemple des pays qui nous entourent. Ce n'est pas parce que notre législation est complexe qu'il est indispensable de réglementer la profession de conseil fiscal. Il serait préférable que les pouvoirs publics simplifient leur propre législation fiscale.

M. Limme répond qu'actuellement, la situation entre les différentes professions n'est déjà pas très claire pour certains des utilisateurs des services des membres de l'Institut professionnel des comptables. Dans le futur, un problème va se créer : il va y avoir des conseils fiscaux, et puis il y aura des comptables, experts-comptables et des réviseurs. Certains pourront représenter le contribuable devant les juridictions, d'autres pas. Comment fera-t-on la distinction ?

Un membre fait observer que parmi les activités que peuvent exercer les futurs membres de l'Institut professionnel des conseils fiscaux, trois activités ne requièrent aucune agréation.

L'activité professionnelle du conseil fiscal est décrite comme suit (art. 4 de la requête) :

1. donner des avis en toutes matières fiscales;

2. assister les contribuables dans l'accomplissement de leurs obligations fiscales;

3. représenter les contribuables auprès de l'administration fiscale;

4. défendre les droits des contribuables devant toutes les administrations et toutes les juridictions compétentes en matières fiscales; pour le cas où seuls les avocats ont le droit de plaider ou de représenter les parties devant la juridiction, sauf les exceptions prévues par la loi, les conseils fiscaux agiront de concert avec les avocats exerçant ou habilités à exercer leur activité auprès des juridictions saisies;

5. exercer toute activité complémentaire à l'exercice des activités visées au sub 1 à 4, à l'exception des activités purement comptables.

Ensuite, l'intervenant rappelle le projet de loi sur la procédure fiscale, que personne ne connaît dans sa version définitive puisque l'avant-projet est toujours au Conseil d'État.

Les Instituts vont devoir organiser des examens. En principe, on devrait faire la distinction entre ceux qui auront la qualification et ceux qui ne l'auront pas.

L'article 5 de la requête prévoit que pour être inscrit au tableau des titulaires de la profession, il faut remplir le critère de qualification, qui est d'être porteur d'un des diplômes suivants, reprenant une spécialisation comprenant un programme d'au moins 600 heures de cours de fiscalité :

­ licencié en droit;

­ licencié en sciences économiques appliquées;

­ licencié en sciences commerciales.

Si le programme ne comprenait pas 600 heures de cours de fiscalité, ces mêmes diplômes devraient être complétés par un diplôme universitaire délivré après une année d'étude au moins ou d'un certificat d'une formation complémentaire de niveau universitaire de deux années d'études au moins, qui, ensemble, attestent la connaissance d'un certain nombre de matières déterminées par le Roi. Enfin, les porteurs d'un diplôme de gradué en fiscalité ou d'un certificat équivalent auront aussi les qualifications nécessaires.

Un intervenant se demande si l'Institut des comptables exigera des conditions similaires pour ses membres ou si, en dehors du diplôme, une quatrième voie d'accès est organisée (par exemple par des examens internes).

M. Limme explique que ces diplômes sont également requis pour devenir membre de l'Institut professionnel des comptables. Un licencié en sciences économiques peut donc commencer le stage. Le diplôme de graduat-économie est également reconnu. L'IBC a fait une demande qui est incluse dans la requête de supprimer certains diplômes pour relever le niveau à atteindre, au minimum le graduat.

L'IBC compte également imposer aux membres ­ si le projet de loi sur la réforme de la procédure fiscale est adopté ­ une mise à jour importante dans le cadre de cette réforme, afin que les membres soient parfaitement au courant de la nouvelle procédure.

M. Limme souligne dans la requête des conseils fiscaux l'article 4, point 5, où les conseils fiscaux reconnaissent ne pas faire des activités purement comptables. Le monopole du comptable a été fixé dans le cadre de l'arrêté royal du 19 mai 1992.

Le même membre fait observer que la question sera de savoir ce qui est purement comptable et qui n'a pas d'impact fiscal. Toute inscription comptable peut avoir des conséquences fiscales.

Indépendamment de la question de savoir comment il y a lieu d'organiser la profession de conseil fiscal (faut-il le faire dans le cadre des institutions existantes ou faut-il créer une nouvelle institution ?), un autre membre demande ce qu'il en est de la compétence de ces conseils dans le cas de contestations éventuelles avec l'administration fiscale. A-t-on défini cette compétence ?

M. Behets souligne que cette compétence sera définie, dans ses grandes lignes, dans le Code de procédure fiscale, qui doit encore être adopté par le Parlement.

M. de Bethune confirme que ce Code déterminera qui peut représenter le contribuable auprès de telle ou telle instance. Dans ce dossier, le fameux article 440, qui dispose que les avocats et les conseils fiscaux, dont la profession a été réglementée sur la base de la loi Verhaegen, sont habilités à représenter leurs clients auprès des nouveaux tribunaux compétents en matière de procédure fiscale, est le seul élément dont il faut tenir compte. Les conseils fiscaux et les avocats pourront représenter le contribuable dans les affaires que ces tribunaux traiteront en première instance (c'est-à-dire le niveau qui correspond au rôle que joue actuellement le directeur régional).

En précisant que l'on vise les conseils fiscaux qui font l'objet d'une réglementation basée sur la loi Verhaegen, le gouvernement déclare implicitement qu'il respecte la philosophie des droits acquis inhérente à cette loi. C'est pour cette raison que la requête des conseils fiscaux fait référence aux experts-comptables, aux comptables et aux reviseurs établis, qui pourront faire valoir leurs droits acquis et ce, y compris auprès des nouveaux tribunaux fiscaux de première instance.

M. Krockaert souhaite faire quelques remarques sur le caractère rationnel et la cohérence de la réglementation envisagée. La requête des conseils fiscaux affirme que l'organisation de la profession de conseil fiscal est également ressentie comme une nécessité au sein des administrations fiscales, en qualité d'interlocuteur objectif et autorisé, dont l'expertise est liée à une connaissance approfondie de la fiscalité. Cette affirmation ne fait qu'accroître la confusion. M. Krockaert se réfère à une citation de M. Gillard, directeur général de l'I.S.I. : « avoir la plus profonde estime pour la profession d'expert comptable et y confirmer la qualité des rapports entre l'administration et les experts comptables ». Cette citation démontre que les professions de comptable, d'expert-comptable, de réviseur d'entreprises, ainsi que l'administration, collaborent effectivement en matière de fiscalité.

Un membre revient sur sa question déjà posée à l'Institut professionnel des comptables et la pose aux deux autres Instituts : pour l'avenir, va-t-on organiser des examens d'admissibilité en matière fiscale à l'égard des affiliés : ceux qui ont réussi et ceux qui n'ont pas réussi l'examen de conseil fiscal ? Ceux qui, sans pouvoir porter le titre de conseil fiscal, vont peut-être porter le titre de « réviseur d'entreprises, spécialiste fiscalité » ou « expert-comptable, spécialiste fiscalité ».

M. Krockaert déclare que si la requête en réglementation du titre professionnel et de l'exercice de la profession de conseil fiscal est acceptée par le ministre compétent, l'Institut des experts-comptables souhaite que chacune des professions existantes ne porte pas le double titre d'expert comptable ou de réviseur d'entreprises, reconnu en fiscalité. Ce serait superfétatoire. L'Institut souhaite également qu'il n'y ait pas de possibilité de double appartenance pour éviter des situations absurdes.

Le membre estime qu'il serait dès lors nécessaire d'adapter les conditions générales d'admissibilité à l'Institut tant des experts-comptables que des réviseurs d'entreprises en y insérant plus de fiscalité. Si l'on ne veut pas faire de ségrégation, ils seront amenés à augmenter la spécialisation fiscale de tous les affiliés.

M. Krockaert explique que 80 p.c. des séminaires professionnels de l'Institut (qui sont d'ailleurs de haut niveau) sont dirigés vers le droit fiscal et vers le droit des sociétés. L'évolution législative est suivie de très près par les professions qui imposent ce devoir de formation permanente à tous leurs membres.

Le membre conclut que pour M. Krockaert le quatrième Institut n'est pas nécessaire.

M. Krockaert répond que l'Institut des experts-comptables ne veut pas s'opposer d'une manière corporatiste à une volonté parlementaire, mais l'Institut exprime toutefois ses réserves et son point de vue à cet égard.

M. Behets déclare que l'exposé de M. Krockaert indique que les professions d'expert-comptable et de réviseur d'entreprises sont complémentaires. On constate dans la pratique que les experts-comptables s'occupent principalement de questions fiscales, tandis que les reviseurs d'entreprises se chargent essentiellement de la certification des comptes annuels et accomplissent les tâches de reviseurs d'entreprises et les missions spéciales qui sont énumérées dans les lois coordonnées sur les sociétés. Les reviseurs d'entreprises sont également confrontés régulièrement aux matières fiscales. Par exemple, le reviseur qui certifie des comptes annuels devra, à tout le moins, se prononcer sur les provisions fiscales qui ont été constituées, ce qui suppose une certaine connaissance de la législation fiscale. Le fait que l'expert-comptable se concentre sur la fiscalité, tandis que le réviseur d'entreprises s'oriente davantage vers l'audit, illustre clairement le caractère complémentaire de ces deux professions, qui ont quantité de points communs qui pourront éventuellement être précisés, mais les possibilités, elles existent en tout cas.

En ce qui concerne la formation, M. Behets souligne la bonne réputation dont jouissent les examens de réviseurs d'entreprises. Il y a les examens d'entrée, les examens pour les première, deuxième et troisième années et l'examen d'aptitude. Il ne serait pas judicieux d'ajouter un nouvel examen à cette liste, comme l'exige le critère de la formation fiscale. Il serait préférable de contrôler les qualifications dans le cadre des instituts existants.

Un commissaire est d'avis que l'instauration de la nouvelle procédure fiscale sert de prétexte pour démontrer la nécessité de réglementer la profession de conseil fiscal. On pourrait très bien définir la procédure fiscale autrement, en dressant une liste des professions qui entrent en considération pour assister le contribuable.

Il n'est en outre pas du tout utile de protéger ou de définir la profession de conseil fiscal. Le présent débat montre de plus en plus clairement que cette réglementation est totalement superflue.

M. de Béthune conteste ce raisonnement. L'introduction du nouveau Code de procédure fiscale ne sert pas de prétexte pour réglementer la profession de conseil fiscal. Il existe cependant un rapport entre l'instauration des nouveaux tribunaux administratifs fiscaux de première instance, d'une part, et la profession de conseil fiscal, d'autre part. La question qui se pose est de savoir si les personnes qui, aujourd'hui, assistent le contribuable dans le cadre d'une procédure auprès du directeur général, pourront remplir cette même fonction en première instance après l'adoption du projet de loi relatif à la réforme de la procédure fiscale.

Le préopinant demande sur quoi l'on se base pour contester le fait qu'il ne serait plus possible de fournir cette assistance.

M. de Béthune souhaite maintenir la possibilité de fournir une assistance. Il se réfère aux dispositions transitoires que l'Institut des conseils fiscaux a incluses dans sa requête et qui comprennent la reconnaissance des droits acquis.

La loi Verhaegen prévoit une telle procédure, de sorte que tous les intéressés disposent de suffisamment de temps pour émettre leur avis. Après une période donnée et lorsqu'il aura pris connaissance de tous les avis, le ministre prendra sa décision. La loi Verhaegen prévoit même que la fédération qui a introduit la requête a le droit, après écoulement de cette même période, de modifier sa requête unilatéralement, en tenant compte des observations qui ont été faites.

Cette procédure est actuellement en cours et l'on verra plus clair dans ce dossier dans quelques mois. Le problème est plus complexe qu'il n'y paraît à première vue.

L'intervenant croit au contraire que le problème est très simple : le Code de procédure fiscale sert de prétexte pour créer un précédent. On part de l'idée que l'on va réglementer la profession. Sinon, le Code contiendrait déjà des dispositions à ce sujet. Dans la situation actuelle, un avocat peut déjà se faire aider par des experts de toutes sortes. Il en va de même tout au long de la procédure fiscale sans qu'il ne soit nécessaire de définir exactement qui sont ces experts. La réglementation proposée est donc totalement superflue.

Un autre membre estime que cette critique peut être formulée lors de la discussion du projet de loi sur le code de procédure fiscale puisque ce projet crée en fait le problème. Si les avocats avaient le monopole de la représentation devant les tribunaux fiscaux administratifs, il faudrait admettre que la spécialité fiscale est telle qu'il n'est pas possible de représenter le contribuable. Ils devront toujours se faire assister par des experts. À ce stade, la reconnaissance de la profession ne serait pas nécessaire.

Un membre se réfère au projet des conseils fiscaux qui semblent raisonner comme si la Belgique est une île au milieu du Pacifique en ce sens que la Belgique ne fait manifestement pas partie de l'Europe.

L'article 2 de la requête stipule que « Nul ne peut exercer en qualité d'indépendant, à titre principal ou accessoire, la profession de conseil fiscal ou porter le titre professionnel de conseil fiscal stagiaire, s'il n'est inscrit au tableau des titulaires tenu par l'Institut ou si, étant établi à l'étranger, il n'a obtenu l'autorisation d'exercer occasionnellement cette profession. »

Ceci signifie qu'un étranger qui veut faire du conseil fiscal en Belgique a besoin d'une autorisation en Belgique, alors qu'il y a la liberté d'établissement. Les prestations de services sont déjà libérées pour des organisations à l'étranger. Quel genre d'autorisation sera-t-elle prévue ?

M. de Béthune estime qu'une telle disposition est difficilement praticable. Dans un bon nombre de professions, il y a des problèmes pour respecter les dispositions de libre-échange et de libre circulation et faire en sorte qu'on n'aboutisse pas à l'inverse, notamment à une discrimination. Ce problème mérite étude.

Selon le membre, jusqu'en 1993, la libre prestation des services n'était pas aussi garantie qu'elle l'est depuis. Au fond, seules les demandes d'application de la loi Verhaegen qui se sont produites depuis 1993, tombent dans une situation toute nouvelle. Un arrêté d'exécution organisant une profession qui sera adoptée, doit tenir compte du fait que la libre prestation des services en provenance de l'étranger communautaire doit être garantie.

M. Vanderstichelen donne lecture d'une récente étude faite de façon neutre par la Fédération européenne des experts-comptables qui regroupe tant les experts-comptables que ceux qui pratiquent la fiscalité dans les différents pays de l'Union européenne.

Cette étude porte sur la réglementation du conseil fiscal dans 14 pays et elle peut être résumée comme suit : sur 14 pays analysés, une majorité 8 sur 14 ­ sans compter la Belgique ­ ne réglemente pas l'activité de conseil fiscal. Parmi la minorité de 6 pays qui la réglemente, seuls 2 pays, l'Allemagne et l'Autriche, ont créé une catégorie particulière de profession libérale. Ils appellent cette profession « Steuerberat », conseiller fiscal et comptable. Ce n'est pas un conseil fiscal pur, mais un conseil fiscal qui fait en même temps toute l'activité comptable des PME. Le titre est effectivement uniquement fiscal, mais la description de ses activités concerne essentiellement les activités de ce qu'on reconnaît en Belgique aux comptables et aux experts-comptables.

Nous constatons que même dans ces pays, le rôle du conseil fiscal et comptable est comparable à celui de l'expert-comptable en Belgique. La loi allemande confie au « Steuerberat » des missions extrêmement larges : l'ensemble des domaines fiscaux et également l'assistance et les conseils en matière comptable, l'établissement de documents financiers, etc. Ni en Allemagne, ni en Autriche, le conseil ne dispose d'un monopole quelconque, ni de privilèges plus importants que ceux reconnus aux autres professions pouvant représenter les contribuables.

Une autre question qui a été soulevée est de savoir comment nous allons éventuellement pouvoir filtrer les professionnels qui peuvent exercer leurs activités dans d'autres pays où il n'y a pas de réglementation.

Sur la question de la discrimination négative au détriment des Belges, un membre fait observer que si la profession est réglementée en Belgique, nous créerons à l'intérieur de la Belgique une restriction qui ne jouera pas au départ d'Amsterdam, de Paris, de Cologne ou de Londres.

Pour rejoindre la question de la déontologie, M. Vanderstichelen explique que la Fédération a constaté que dans aucun pays, il n'existe une déontologie spécifique relative à l'activité de conseil fiscal. Ce sont les règles générales de déontologie relatives aux professions reconnues qui sont d'application.

Un membre souligne le caractère hautement corporatiste de certaines exigences, comme celle qui consiste à demander que le conseil fiscal reconnu ait suivi un enseignement de 600 heures de fiscalité. L'intervenant se demande si une telle exigence ne sera pas considérée, au niveau européen, comme une restriction inadmissible à l'exercice d'une profession indépendante en Belgique. Il est un fait que peu d'instituts spécialisés en Belgique offrent un cycle de cours comprenant 600 heures de fiscalité. La même chose doit être vraie dans les pays qui nous entourent. Cette exigence ne sera-t-elle pas considérée comme une restriction qui peut mener à une action en justice par la Commission européenne ?

M. Keutgen ne croit pas qu'une telle exigence puisse donner lieu à un recours devant la Cour de justice dans la mesure où, d'une part, la profession, actuellement, ne fait pas l'objet d'une harmonisation au plan européen et où, d'autre part, il n'y a pas de discrimination liée à la nationalité. L'avantage n'est pas créé au profit de tous les fiscalistes belges, puisque certains se trouveront exclus, n'ayant pas suivi les 600 heures de fiscalité. Il n'y a qu'un ou deux instituts, spécialisés en matière fiscale, qui prévoient 600 heures de fiscalité.

À propos de la question de savoir si la création d'un troisième institut professionnel comportant un monopole de fait, un autre membre se demande si les comptables ou experts-comptables qui donnent actuellement des conseils fiscaux, ne pourront donc plus jouer ce rôle à l'avenir.

M. Keutgen explique que, selon la requête introduite par l'Institut des Conseils fiscaux, les comptables qui sont inscrits à l'Institut à la date du 2 avril 1996, pourront continuer à exercer la fonction de conseil fiscal. Les autres, c'est-à-dire les comptables inscrits après cette date, ne le pourront pas.

Un membre ajoute qu'on ne porte pas atteinte à leur droit d'exercer la fonction, mais que cette disposition n'est que transitoire et qu'à terme, cela deviendra un monopole.

Un autre intervenant souhaite savoir si la requête des conseils fiscaux prévoit également que les avocats seraient obligés de se faire assister par un conseil fiscal pour plaider une affaire devant les cours ou les tribunaux.

M. Keutgen souligne qu'on ne porte pas atteinte au monopole de la plaidoirie (article 440 du Code judiciaire). Actuellement, les avocats n'ont pas le monopole de la consultation, mais bien le monopole de la plaidoirie. Toutefois, un problème peut se poser à moyen terme si on revoit toutes les procédures fiscales. On pourrait éventuellement songer à ce que seuls les conseils fiscaux puissent représenter un particulier ou une entreprise vis-à-vis de l'administration fiscale.

M. Balthazart ajoute que suivant la requête déposée, les conseils fiscaux demandent à partager ce monopole et à pouvoir assister les avocats dans la représentation devant les tribunaux. Sur ce point, l'Ordre national des avocats a été très clair : les avocats ne souhaitent pas partager leur monopole de plaidoirie devant les juridictions.

Pour un commissaire, il est compréhensible et évident que les conseils fiscaux ont eux-mêmes intérêt à ce que leur profession soit réglementée. Néanmoins, l'on ne peut pas en dire autant des contribuables. Ont-ils réellement intérêt à ce que la profession de conseil fiscal soit réglementée ?

M. Coppens a un argument favorable : la protection contre les conseils malhonnêtes. Le commissaire se demande si les conseils malhonnêtes ne seront pas éliminés automatiquement du marché par les entreprises et les autres « utilisateurs ».

En ce qui concerne le deuxième argument, à savoir l'avantage du recyclage permanent, l'intervenante souligne que ce recyclage est déjà indispensable actuellement et qu'il concerne également les comptables et les experts-comptables. S'agit-il vraiment d'un argument spécifique aux conseils fiscaux ? Ne s'applique-t-il pas à tous ?

L'intervenante n'est pas opposée a priori à la réglementation de la profession de conseil fiscal, mais elle demande si l'on n'exagère pas quelque peu. Les experts-comptables et les comptables ne peuvent-ils pas également pratiquer la fiscalité ? Les grandes entreprises emploient probablement leurs propres conseils fiscaux, néanmoins, pour les petites entreprises, l'on peut se demander à juste titre s'il ne suffirait pas de faire appel à un comptable et expert-comptable.

M. Coppens explique que, lorsqu'il propose d'inverser les choses et de rédiger d'abord le texte concernant les conseils fiscaux et d'adapter ensuite les textes applicables aux deux autres professions, il s'agit purement d'une question de formulation. Les experts-comptables et les comptables veulent pratiquer la fiscalité. La question est de savoir quelle proportion de leur travail cette dernière peut représenter : 10 p.c., 25 p.c., ... ? La profession de conseil fiscal est complémentaire : les conseils fiscaux font de l'expertise comptable, de la comptabilité, et vice-versa : les experts-comptables et les comptables pratiquent la fiscalité. Si ces deux professions sont déjà réglementées, pourquoi pas la troisième ?

L'on objecte que l'on va ainsi créer une ènième profession réglementée, et peut-être un nouvel institut, mais l'on peut alors se demander pourquoi les comptables et les experts-comptables s'opposent à une réglementation de la profession de conseil fiscal. Une profession n'exclut pas l'autre. D'ailleurs, en ce qui concerne les instituts, M. Coppens estime qu'il ne serait pas mauvais d'assainir ceux qui existent et ceux qui seront éventuellement créés.

Quant à la remarque selon laquelle les conseils fiscaux incompétents seront automatiquement éliminés du marché, M. Coppens indique que cette élimination ne se fera que lorsque ces derniers auront, à quelques reprises, mal conseillé leurs clients, ce qui risque de coûter cher à ces derniers. Imaginez qu'un contrôleur des contributions envoie un avis de rectification à un contribuable, qui le transmet à son conseil fiscal. Le conseil fiscal oublie de réagir dans les délais. L'imposition est ainsi confirmée et il reviendra au contribuable et non à l'administration d'assumer la charge de la preuve pour que le fisc en revienne à la déclaration originelle ! Contre une profession réglementée, il est possible de porter plainte, et le conseil peut être appelé à se justifier devant son ordre des conseils fiscaux. Acutellement, les possibilités d'action sont limitées ­ sinon inexistantes. Après un certain temps, le bruit courra que le conseil fiscal en question n'est pas très compétent, mais dans l'intervalle le mal aura été fait.

En ce qui concerne le recyclage permanent, M. Coppens fait remarquer qu'il est actuellement laissé à l'initiative privée des écoles, des instituts supérieurs etc., alors qu'après réglementation, le recyclage sera organisé de manière officielle.

Un autre commissaire soulève le problème de la portée d'une éventuelle reconnaissance du titre professionnel. Protège-t-on uniquement la profession ou la reconnaissance implique-t-elle également l'octroi d'un monopole ? L'intervenant s'étonne que M. Coppens n'ait pas fait référence à cet égard aux avocats, étant donné que certains, dans la profession, craignent que l'ensemble du domaine de conseil fiscal ne passe aux mains des avocats qui bénéficieraient alors d'un monopole auprès des nouveaux tribunaux administratifs qui seraient créés.

Concernant la question de savoir s'il est nécessaire de créer un nouvel institut, l'intervenant se demande s'il ne serait pas possible d'organiser la profession dans le cadre des instituts actuels et en lui appliquant les mêmes normes de qualité.

M. Coppens estime que la législation sur les experts-comptables et la réglementation relative aux comptables peuvent servir d'exemple pour l'élaboration de la nouvelle réglementation concernant les conseils fiscaux.

L'intervenant n'est pas favorable à la création d'un nombre croissant de nouveaux instituts, ne fût-ce que pour limiter les coûts. L'on pourrait créer un institut pour les conseils fiscaux, un pour les experts-comptables et un pour les comptables, concentrés en un seul organe contenant trois sections, où l'on appliquerait les mêmes règles déontologiques aux trois professions, éventuellement moyennant quelques petites adaptations.

La question de l'octroi d'un monopole aux avocats pour le traitement du contentieux devant les nouveaux tribunaux administratifs à créer relève en réalité du domaine de la réforme de la procédure fiscale.

Dans une première version de l'avant-projet de loi portant le Code de procédure fiscale, l'on avait en effet octroyé un monopole aux avocats, mais dans la version corrigée, ce monopole a été étendu aux conseils fiscaux. À présent, ces derniers peuvent également plaider une affaire devant la Commission du contentieux fiscal (= tribunal administratif qui connaît des réclamations contre le montant de l'imposition). Un recours peut être introduit à la cour d'appel contre une décision de ce tribunal administratif.

À une question d'un membre, M. Coppens répond que dans un premier temps, ces commissions du contentieux seront en effet composées de fonctionnaires. Ces fonctionnaires deviendront des magistrats et ne pourront plus, statutairement, réintégrer l'administration.

Un commissaire a des questions à poser concernant l'indépendance de ces « juges ». Ils n'agiront jamais contre leur collègue, le directeur régional. Les autres membres de la magistrature ne les considéreront jamais comme leurs égaux, tandis que dans le domaine administratif ils n'auront plus aucun avenir.

M. Coppens n'est pas d'accord. Il y a suffisamment de candidats au sein de l'administration pour assumer la fonction de juge d'un tribunal administratif, d'autant plus que ces fonctionnaires seront nommés magistrats, en bénéficiant des émoluments d'un magistrat du tribunal de première instance.

Un autre membre déclare que les PME font souvent appel à des conseillers salariés de leur organisation professionnelle qui peuvent intervenir pour les affiliés de leur organisation. Ils n'ont pas le statut d'indépendant, mais d'employé. Il faut prévoir que ces conseillers fiscaux puissent aussi intervenir à certains stades de la procédure.

M. Coppens souligne que le fait d'organiser la profession de conseil fiscal n'entraîne pas l'obligation de faire appel à un conseiller pour la défense du contribuable devant le fisc. Le seul objectif des signataires de la requête est de faire réglementer la profession.

Un autre intervenant estime que la crainte des PME d'assister à la formation d'un monopole et à un alourdissement financier, surtout pour les petites et moyennes entreprises est justifiée.

M. Coppens explique que l'administration ne prend pas position sur ce problème. Quant à lui, il estime que les monopoles sont toujours très dangereux d'un point de vue économique.

Un commissaire revient sur le problème de la responsabilité des conseils fiscaux et sur la question de savoir si le conseil fiscal doit être intégralement responsable de la déclaration. Comment va-t-on régler la responsabilité des conseils ayant le statut d'employé ? Qui de l'administrateur d'une société qui emploie le conseil fiscal ou du conseil fiscal lui-même, qui a rédigé la déclaration, sera tenu pour responsable ?

En ce qui concerne le secret professionnel, M. Coppens a plaidé pour que l'on ne reconnaisse pas aux conseils fiscaux le droit au secret professionnel, et a fait référence à cet égard à la lutte contre la fraude fiscale. L'intervenant comprend cette position, mais soulève néanmoins, un certain nombre d'autres aspects qui méritent également que l'on s'y attache : quel est le client qui ouvrira sa comptabilité à un conseil fiscal s'il sait que son conseil pourra être contraint de transmettre à l'administration des données confidentielles dont il dispose. N'est-il pas possible de trouver ici un équilibre ?

M. Coppens fait référence à certains milieux qui suggèrent de lever le secret bancaire sans tenir compte de toutes les conséquences qu'implique cette suggestion. Cette attitude de se situe sur la même ligne que la non-reconnaissance du secret professionnel.

M. Coppens est conscient des inconvénients qu'implique cette thèse pour ceux qui se trouvent opposés à l'administration : si chaque conseil fiscal est obligé de parler et ne peut se réfugier derrière le secret professionnel, tous se retrouvent sur un pied d'égalité !

L'intervenant renvoie à d'autres éléments en la matière :

­ le ministère public a l'obligation légale de signaler au fisc les indices de fraude;

­ la Commission bancaire et financière est tenue de signaler tous les mécanismes frauduleux au sein des institutions financières;

­ les institutions financières doivent signaler l'ensemble des cas d'opérations de blanchiement à la cellule pour le traitement de l'information financière. Il s'agit d'opérations d'un montant minimal de 10 000 ECU (400 000 francs).

En demandant de ne pas reconnaître le secret professionnel pour les conseils fiscaux, va-t-on beaucoup plus loin que ces réglementations ?

Le même membre souligne qu'il se pourrait que les contribuables préfèrent recourir à un conseil fiscal étranger qui n'est pas lié par la loi belge, ce qui porterait préjudice au marché belge.

Un autre membre souligne que le simple fait d'échanger 10 000 Ecus au guichet d'une banque n'a pas automatiquement comme conséquence que l'employé de la banque doit avertir la cellule. Ce n'est que si l'employé a le sentiment que l'origine des fonds est douteuse qu'il doit avertir la cellule.

Concernant la responsabilité des personnes sous contrat de travail qui sont reconnues comme conseil fiscal, M. Coppens concède que la détermination de cette responsabilité pose des difficultés. Normalement, l'employeur assume la responsabilité en lieu et place de l'employé sous contrat de travail. Si l'on déroge à cette règle, la dérogation elle-même doit être inscrite dans la loi sur les conseils fiscaux.

Un autre membre souligne que l'application de la loi Verhaegen entraîne des conséquences pour d'autres départements ministériels plus importants que le département des Classes moyennes.

Un membre conclut que la profession de conseil fiscal est la profession qui aura le plus d'avenir dans notre pays.


(1) Dans l'ordre alphabétique, il s'agit des entreprises suivantes : Arthur Andersen & Co, Coopers & Lybrand, Deloitte & Touch, Ernst & Young, KMPG, Price Waterhouse & Co. Le présent document reflète donc l'opinion des fiscalistes de ces six organisations.