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16 MARS 1999
Le ministre des Affaires étrangères souligne l'importance du projet de loi à l'examen pour notre pays, et particulièrement pour la région côtière, tout d'abord en raison de l'aspect relatif à la pêche.
Avant d'aborder le contenu du projet de loi, le ministre souhaite fournir aux membres des informations sur la base juridique qu'il a choisie, en concertation avec d'autres ministres :
Le projet de loi à l'examen contient principalement des éléments qui relèvent de l'article 78 de la Constitution. Par ailleurs, il contient aussi certaines dispositions qui relèvent de l'article 77 de la Constitution. Le Conseil d'État l'a d'ailleurs fait remarquer dans son avis.
Les éléments, peu nombreux, qui relèvent de l'article 77 de la Constitution sont très éparpillés dans le texte (ils figurent en partie aux articles 7, 9, 12, 15, 18, 23 et dans l'ensemble des articles 51 à 54).
Si on scindait le texte en deux projets de loi, on le morcellerait et on compliquerait nettement les choses, pour les rédacteurs comme pour les justiciables. Ils devraient lire les deux lois conjointement. À une époque où de nombreuses voix s'élèvent en faveur d'une simplification de l'arsenal législatif considérable auquel citoyens et autorités sont confrontés, et pour la raison susvisée, le ministre a choisi de conserver le texte dans son intégralité et de le faire examiner de manière bicamérale dans sa totalité.
Le ministre fournit ensuite des explications sur le contenu du projet de loi :
1. La loi en projet porte exécution de l'importante Convention sur le droit de la mer, signée à Montego Bay en 1982, qui n'a pu être exécutée jusqu'à ce que soit signé, en 1994, un accord complémentaire sur l'exploitation des ressources des fonds marins. Grâce au fait que, dès 1994, le département des Affaires étrangères a entrepris d'élaborer le projet de loi d'exécution, en étroite collaboration avec les départements de l'Environnement, des Affaires économiques, de la Pêche, etc., le Parlement peut entamer dès à présent l'examen de ce projet. Le projet à l'examen n'est donc pas la traduction d'un objectif politique, mais vise uniquement à étoffer un arsenal législatif existant, déjà applicable à la mer, et à en étendre le champ d'application territorial.
2. Les chapitres I et II définissent la ZEE et son régime juridique. Comme on le sait, il s'agit d'une zone spéciale, située entre la haute mer et la mer territoriale, sur laquelle la Belgique ne pourra faire valoir aucune souveraineté, mais bien certains droits spécifiques conformément à la Convention sur le droit de la mer. C'est ainsi que naissent de nouveaux droits de contrôle, par exemple en ce qui concerne les infractions en matière de pêche ou les infractions en matière de rejets commises par des navires. Outre la simplification qu'elle permet sur le plan légistique, cette ZEE présente l'avantage de coïncider exactement avec le plateau continental de la Belgique, délimité par des accords conclus avec la France, la Grande-Bretagne et les Pays-Bas et ratifiés au cours de la première moitié des années nonante.
3. Si le chapitre consacré à la pêche (le chapitre III) est le plus long, c'est simplement parce que c'est en cette matière que l'arsenal législatif existant, qui doit à présent être minutieusement adapté, était le plus vaste. L'importante loi du 12 avril 1957 en vue de la conservation des ressources biologiques de la mer est étendue à la haute mer, à la ZEE et à la mer territoriale. Deuxièmement, le projet de loi à l'examen fait coïncider le champ d'application de la loi du 10 octobre 1978 portant établissement d'une zone de pêche de la Belgique avec les limites de la ZEE. Troisièmement, il limite le champ d'application d'une loi de 1891 relative à la pêche maritime exclusivement aux eaux territoriales. Plus important que ce réaménagement est le fait que l'on modernise et renforce toutes les dispositions pénales et toutes les dispositions en matière de contrôle concernées.
4. Le chapitre suivant (IV) redéfinit l'objet de la loi de 1969 sur le plateau continental. D'une part, on la dépoussière en quelque sorte, en en retirant les dispositions relatives à l'exploitation des ressources naturelles vivantes du fond marin et en les insérant dans la législation sur la pêche. D'autre part, on élargit sa portée, en lui adjoignant le régime juridique de la Convention sur le droit de la mer, qui confère à la Belgique certains droits en matière de pose de câbles et de pipelines, et en étendant son champ d'application à la mer territoriale. Des dispositions pénales ont en outre été insérées dans la loi pour sanctionner tout non-respect de ses dispositions.
5. Le chapitre V se base sur les droits que la Convention sur le droit de la mer garantit à la Belgique en matière d'îles artificielles. On s'est inspiré, par souci de simplicité légistique, de la loi de 1969 relative au plateau continental, qui contenait déjà des dispositions en la matière. Étant donné que les dispositions concernées ne portent que sur les îles artificielles ayant pour objet l'exploitation des ressources non vivantes, il y avait lieu d'étendre le champ d'application afin que les futures îles artificielles à éoliennes puissent également bénéficier de ce régime.
6. Le chapitre VI instaure un régime juridique entièrement nouveau, qui contrairement à ceux des chapitres précités, ne peut être rattaché à aucun texte légal en vigueur en Belgique. Il concerne le contrôle de la recherche scientifique menée par des navires étrangers dans la mer territoriale et la ZEE. Cette recherche sera dorénavant soumise au consentement du ministre des Affaires étrangères, qui consultera à cette fin tous les ministres concernés. Il sera possible de suspendre ce consentement, mais ce chapitre n'est évidemment pas assorti de dispositions pénales.
7. Le chapitre VII renvoie en fait purement et simplement à la loi sur la protection du milieu marin que la Chambre a votée le 10 décembre dernier. Le vote de cette loi a amené la Chambre à insister pour que le projet de loi à l'examen soit déposé rapidement.
8. Il ressort du chapitre VIII que la Convention sur le droit de la mer a également des implications pour notre législation en matière de douanes, de fiscalité, de santé et d'immigration. Ce chapitre crée, au sein de la ZEE, une « zone contiguë » à la mer territoriale, d'une largeur de 12 milles, qui sera soumise au contrôle de la Belgique. Il modifie en outre la législation sur les douanes et accises en vue d'adapter les « rayons des douanes ». C'est ainsi qu'il prévoit que le rayon des douanes occupe notamment une zone s'étendant vers l'intérieur du pays sur une largeur de 5 kilomètres à partir de la ligne de marée basse.
9. Il a même fallu adapter le Code judiciaire, étant donné qu'il est possible que certains litiges civils surgissent dans la ZEE. Aussi l'avant-dernier chapitre contient-il une série de dispositions modificatives concernant les huissiers de justice, les juges des saisies et les tribunaux de première instance.
10. Enfin, le chapitre X contient les dispositions pénales afférentes aux chapitres du projet de loi à l'examen qui ne les a pas empruntées à des dispositions légales existantes. Il s'agit des chapitres IV et V, qui concernent respectivement le plateau continental et les îles.
Une erreur de composition s'est glissée dans la référence aux chapitres V et VI figurant dans la phrase liminaire de l'article 55; il s'agit en fait des chapitres IV et V.
On notera que ce chapitre instaure l'obligation de verser 20 % des amendes à un fonds pour la protection de l'environnement marin.
Comme la loi résulte en réalité d'une compilation de textes très techniques provenant de secteurs politiques différents, des fonctionnaires des divers départements concernés sont présents pour répondre à d'éventuelles questions. Le gouvernement a déposé un court amendement à finalité de corrigendum, qui a été approuvé par la Chambre. Le texte soumis au Sénat est la version amendée par la Chambre.
Un membre souhaite poser une question concernant le chapitre VIII, qui est consacré aux contrôles douaniers, fiscaux, sanitaires et d'immigration.
Le ministre répond qu'elle est déjà réglée dans nos eaux territoriales, mais pas dans les eaux internationales. À présent, certaines parties de ces eaux sont divisées en zones économiques exclusives qui correspondent géographiquement au plateau continental. L'on étend à présent les compétences en vigueur dans les eaux territoriales à la zone économique exclusive. Auparavant, c'était la législation internationale qui était applicable dans cette zone; dès que le Parlement aura adopté le présent projet, elle sera remplacée par la loi belge.
Un membre constate que nous allons adapter notre législation à cette nouvelle zone. Est-elle clairement délimitée ?
Le ministre répond que dans les années 1990, la Belgique a conclu avec la France, le Royaume-Uni et les Pays-Bas des accords de délimitation du plateau continental et comme le plateau continental correspond à la zone économique exclusive, nous savons précisément quelles sont les limites de cette zone. Les coordonnées exactes figurent à l'article 3.
Le membre dit vouloir poser une question plus technique au ministre. La convention de Montego Bay sur le droit de la mer est-elle déjà en vigueur ?
Le ministre répond que le Parlement l'a ratifiée l'année dernière, que notre pays a déposé son acte de ratification le 13 novembre 1998, mais que le texte n'a pas encore été publié au Moniteur belge .
Un autre intervenant aborde la question du contrôle. Il estime que nos patrouilles ne sont pas assez rapides pour intervenir dans la zone en question.
Le ministre réplique que la marine est actuellement la seule à avoir des navires suffisamment rapides pour intervenir. Une concertation est en cours entre tous les départements fédéraux concernés et la Région flamande, qui possède également des bateaux, sur l'application de la loi en projet.
L'une des questions à régler est celle de savoir si l'on va investir dans la flotte existante et qui va s'en charger.
Un membre demande quel est le type de navires dont on a besoin.
Le ministre répond que l'on a besoin de ce que l'on appelle des navires de service, comme le Belgica. Il faudra donc soit optimaliser les bâtiments existants et améliorer les heures de mise à disposition, soit en acheter de nouveaux. La concertation porte notamment sur cette alternative.
Un autre membre demande si la gendarmerie est compétente pour les missions de police dans la zone économique exclusive.
Le ministre répond que la compétence en matière de police maritime a été transférée à la gendarmerie. Celle-ci examine en ce moment la manière d'exécuter ces missions. Elle envisage une coopération avec la marine.
Un membre estime que ces missions relèvent de la marine car celle-ci a une expérience internationale.
Le ministre souscrit au point de vue du membre.
Les articles 1er à 62 ainsi que l'ensemble du projet de loi ont été adoptés à l'unanimité des huit membres présents.
Confiance a été faite au rapporteur pour la rédaction du présent rapport.
Le rapporteur,
André BOURGEOIS. |
Le président,
Valère VAUTMANS. |