1-1166/2

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Sénat de Belgique

SESSION DE 1998-1999

23 MARS 1999


Projet de loi portant approbation de l'accord de coopération entre l'État fédéral et la Communauté flamande relatif à la guidance et au traitement d'auteurs d'infractions à caractère sexuel

Projet de loi portant assentiment de l'accord de coopération entre l'État fédéral et la Région wallonne relatif à la guidance et au traitement d'auteurs d'infractions à caractère sexuel


RAPPORT

FAIT AU NOM DE LA COMMISSION DE LA JUSTICE PAR MME MERCHIERS


La commission de la Justice a examiné le présent projet de loi ainsi que le projet portant assentiment à l'accord de coopération entre l'État fédéral et la Région wallonne relatif à la guidance et au traitement d'auteurs d'infractions à caractère sexuel (doc. Sénat, nº 1-1230/1) au cours de ses réunions des 3, 10 et 23 mars 1999.

I. EXPOSÉ INTRODUCTIF DU MINISTRE DE LA JUSTICE

Les projets de loi à l'examen visent à donner force de loi aux accords de coopération entre l'État fédéral et la Communauté flamande ainsi qu'entre l'État fédéral et la Région wallone en matière de guidance et de traitement d'auteurs d'abus sexuels.

Étant donné que ces accords de coopération grèvent les partenaires et qu'ils peuvent, par ailleurs, lier individuellement des ressortissants belges, l'approbation est formellement exigée.

L'approbation de ces projets de loi permettra à la justice de développer une approche globale, cohérente et coordonnée de l'abus sexuel dans notre pays et ce, en collaboration avec les responsables de la politique en matière de santé et de bien-être.

Une collaboration entre la justice et les services d'aide est indispensable si nous voulons, dans la mesure du possible, éviter ou du moins limiter la récidive de l'abus sexuel et toute nouvelle victimisation. Ce point a été amplement discuté dans le cadre des travaux parlementaires préalables à la loi du 13 avril 1995, qui est à l'origine des négociations en vue de la conclusion d'un accord de coopération. La commission d'enquête parlementaire Dutroux-Nihoul et consorts avait elle aussi recommandé d'établir formellement un partenariat entre la justice et les services d'aide, afin d'harmoniser les différentes compétences et responsabilités.

La coopération entre les services judiciaires et les services de guidance et de traitement n'est en soi évidemment pas nouvelle, mais à la lumière de la loi du 13 avril 1995 et de l'exprérience acquise dans les dossiers Dutroux, Derochette et autres, une formalisation juridique de cette coopération ainsi qu'une structuration précise des modalités de concertation et de coopération sont plus que souhaitables.

Les accords de coopération sont le résultat de deux années de négociations avec les responsables politiques flamands et wallons en matière de santé et de bien-être ainsi qu'avec les différents secteurs qui assumeront un rôle sur le terrain dans le cadre de la réalisation de ces accords.

Quel est l'enjeu de ces accords de coopération ?

La finalité consite à dégager une approche globale, cohérente et coordonnée à l'égard de la problématique de l'abus sexuel, afin d'en éviter autant que possible la récidive et toute nouvelle victimisation.

Le terme « global » renvoie à l'importance qu'il y a à aborder cette problématique selon une « politique à double orientation ».

La protection de la société exige que l'on sanctionne adéquatement les auteurs d'abus sexuels, et les initiatives législatives qui s'imposaient à cet égard ont été prises.

Mais les études scientifiques et l'expérience nous apprennent que ni le risque d'être pris, ni la sanction (même lourde) ne suffisent en soi à prévenir la récidive en matière d'abus sexuels, du fait qu'il y a souvent à la base des problèmes complexes nécessitant une aide spécialisée. Or, les auteurs qui sont conscients d'avoir un problème et demandent spontanément à être aidés, constituent l'exception. L'intervention judiciaire ou la menace d'une intervention judiciaire est souvent (au départ) le seul élément qui peut inciter les intéressés à se soumettre à une thérapie.

Une politique plus efficace passe donc par un partenariat, une articulation entre l'intervention répressive des services judiciaires et celle des services chargés du bien-être et de la santé qui, depuis la réforme de l'État, relèvent de la compétence des communautés.

Cette conjugaison de l'aspect répressif et de l'aspect de traitement/guidance est indiquée non seulement à l'égard des auteurs d'abus sexuels commis sur des mineurs, mais pour toutes les formes d'abus sexuels et tous les délinquants sexuels dont la justice est saisie, qu'ils fassent l'objet d'une peine ou d'une mesure ambulatoire ou résidentielle. C'est pourquoi la définition du champ d'application des accords de coopération, à l'article 2, est large. L'autorité judiciaire qui souhaite recueillir un avis spécialisé sur un suspect ou une personne en période de probation, un condamné ou une personne internée, ou qui estime qu'une guidance ou un traitement par un service spécialisé s'impose pourra invoquer cet accord pour ce qui est de la coopération avec les services en question.

La coopération se veut aussi facteur de cohérence : les problèmes sous-jacents que connaissent les auteurs d'agressions sexuelles ne datent pas de l'époque de l'intervention judiciaire et il est rare que celle-ci les résolve. Si l'on veut augmenter les chances de succès d'un traitement, il faut garantir au maximum la continuité et la qualité de la guidance tant avant que pendant et après l'intervention judiciaire en question. D'où, une fois de plus, la nécessité d'un partenariat entre la justice et les secteurs de soins.

Les accords conclus garantissent aussi une approche coordonnée du problème : l'approche judiciaire et celle de la guidance ou du traitement sont désormais structurellement articulées. Il y avait certes déjà ici et là une coopération informelle sur le terrain. Mais la pratique a mis en évidence la nécessité de formaliser les accords de concertation et de coopération ainsi que la communication réciproque des informations comme des éléments indispensables pour que de part et d'autre on puisse remplir adéquatement sa mission. Et c'est ce à quoi l'accord de coopération tend à répondre en circonscrivant les positions et les rôles, les missions et les responsabilités des divers partenaires concernés et en clarifiant le contenu aussi bien que les modalités de l'échange d'informations et de la coopération.

On a demandé l'avis de la Commission de la protection de la vie privée et on a répondu à ses observations dans l'exposé des motifs des accords de coopération. On a également demandé l'avis de l'Ordre des médecins sur l'échange d'informations éventuellement couvertes par le secret professionnel. On a tenu compte de cet avis pour rédiger l'article 9, 3º, des accords de coopération (rapport à adresser par les équipes spécialisées aux services de la justice).

Quels sont les moyens mis en oeuvre pour réaliser cette politique globale et cohérente ?

Le département de la Justice développe des équipes psychosociales spécialisées en matière de délinquance sexuelle, au sein de onze établissements pénitentiaires et établissements ou sections de défense sociale : quatre en Flandre (à savoir à Hoogstraten, Leuven-Centraal, Merksplas et Brugge) et sept en Wallonie (à savoir à Andenne, Jamioulx, Marneffe, Lantin, Mons, Paifve et Saint-Hubert).

Ces équipes psychosociales ont pour mission de formuler des avis spécialisés en matière de libération anticipée, à partir d'une évaluation scientifique et pluridisciplinaire des cas d'abus sexuel.

En outre, ces équipes seront chargées de mettre en oeuvre, dès la détention, un programme « préthérapeutique », afin de motiver et de préparer les auteurs de délits sexuels à la guidance et au traitement extrapénitentiaire proprement dit. À cette fin, ces équipes psychosociales ont été et seront encore renforcées, elles bénéficient d'une formation spécifique et ont obtenu des outils de travail (matériel de « testing » et manuel de prise en charge préthérapeutique, réalisé sous la direction de deux professeurs d'université).

Ensuite, le département de la Justice a renforcé le nombre d'assistants de justice chargés de la tutelle sociale et du contrôle du respect des conditions liées à toute mesure ou peine ambulatoire. Ils sont appelés à coordonner les suivis des abuseurs sexuels et à coopérer avec les centres spécialisés qui se chargeront de la guidance ou du traitement axés sur la problématique même.

Enfin, le département de la Justice s'engage à subventionner trois centres d'appui : un centre rattaché à l'hôpital universitaire d'Anvers, à savoir « het Universitair Forensisch Centrum », un centre situé à Tournai, à savoir l'Unité Pilote de Psychopathologie Légale, et un centre situé à Bruxelles, qui sera prochainement créé dans le cadre de l'accord de coopération négocié actuellement avec la Région de Bruxelles-Capitale.

Ces trois centres sont appelés à collaborer étroitement, lors de l'exécution de leur mission globale d'encadrement ­ qui se décompose en missions d'avis, de consulation, de documentation, de formation permanente, d'appui scientifique et de recherche au profit de tous les partenaires ­ et à contribuer ainsi à la réalisation des objectifs contenus dans ces accords de coopération.

Le ministre précise qu'à l'origine, on envisageait de créer deux centres d'appui, l'un en région linguistique néerlandophone et l'autre dans la région de langue française. En 1995, l'ancien ministre de la Justice à subventionné l'UFC à Anvers et le CRASC à Bruxelles, soit à peu près parallèlement à l'élaboration de la loi du 13 avril 1995. Son successeur a dû élaborer un plan d'exécution et c'est alors qu'est née l'idée d'organiser l'accompagnement et le traitement des délinquants sexuels au niveau national, en collaboration avec les communautés, et de prévoir deux centres d'appui qui aideraient à la fois les services pénitentiaires, les services de la justice et les services externes de la communauté. L'UFC et le CRASC rempliraient cette mission d'appui, pour autant qu'ils soient agréés par les services qu'ils étaient censés appuyer, notamment ceux des communautés.

Il est apparu lors des négociations que pour diverses raisons, la Région wallonne et la Région de Bruxelles-Capitale n'étaient disposées à collaborer avec le CRASC (cf. II. Note du CRASC + III. Réponse du ministre).

Quel est la contribution des communautés et des régions à ces accords ?

Au départ de sa compétence en matière de politique de soins et d'aide aux personnes, la Communauté flamande a créé huit réseaux ambulatoires de soins de santé mentale qui ont organisé et continueront à développer une spécialisation d'« aide aux auteurs », orientée en particulier vers les auteurs d'abus sexuels. Dans un certain nombre de cas, il sera souhaitable d'associer activement ces thérapeutes à la préparation du plan de reclassement, et ce déjà pendant la peine privative de liberté (ou du moins dans sa phase finale). L'accord de collaboration ne règle toutefois que leur engagement dans le cadre de la guidance ambulatoire post-carcérale. Cinq centres d'aide sociale, répartis sur l'ensemble du territoire flamand, ont en outre accepté cette mission spécialisée.

Le ministre se réjouit de cet engagement du secteur de l'aide sociale, car le problème sexuel n'est pas un problème isolé et les auteurs d'abus sexuels sont souvent aussi des personnes défavorisées dans leur vie personnelle et leur vie sociale. Du fait de son accessibilité, l'aide sociale générale peut donc jouer un rôle important en vue de garantir l'accès de ces personnes aux institutions sociales et aux services de base (enseignement et formation, emploi et travail, soins de santé préventifs et curatifs...).

Dans le cadre de ses compétences en matière de politique de santé, la Région wallonne s'est également engagée de manière concrète dans cette coopération. Ainsi, deux centres hospitaliers disposant d'une unité de sexologie se chargeront, au besoin, du traitement résidentiel de l'abuseur sexuel dans le cadre d'une mesure judiciaire ambulatoire et après l'exécution d'une mesure ou d'une peine privative de liberté.

Ensuite, au sein des services de santé mentale, neuf équipes prendront en charge la guidance et le suivi thérapeutique spécialisés des abuseurs sexuels, qui se voient contraints de suivre un traitement à titre de mesure judiciaire ambulatoire.

Signalons que le réseau des équipes de santé spécialisées compte également deux centres psycho-medico-sociaux reconnus par la Communauté germanophone.

La liste (avec les adresses et les numéros de téléphone) des services psycho-sociaux intrapénitentiaires, des centres d'appui, des centres de santé mentale et des centres d'aide générale auxquels les auteurs d'abus sexuel peuvent s'adresser, est jointe à l'accord de coopération. Les annexes à l'accord reproduisent également un modèle de convention écrite consignant les accords de coopération conclus entre les partenaires.

Les accords de collaboration esquissent un partenariat formel qui doit évidemment encore être concrétisé dans la pratique. Je crois cependant que les accords offrent un cadre approprié pour une collaboration effective, systématique et optimale sur le terrain.

L'application de l'accord donnera lieu à un suivi et à une évaluation par une commission d'accompagnement où siégeront des représentants désignés par les ministres concernés.

II. NOTE TRANSMISE AUX MEMBRES DE LA COMMISSION DE LA JUSTICE

Le 1er mars 1999, M. Gazan, directeur du CRASC, a fait parvenir la note suivante aux membres de la commission de la Justice :

Dans un courrier du 14 juillet 1994, le CRASC avait spontanément saisi le ministre de la Justice d'une série de propositions d'organisation de la prise en charge des délinquants sexuels. Un membre de la commission de la Justice du Sénat ayant récemment demandé communication de ce courrier, copie du document lui a été transmise.

Ce courrier est à la base de nombreux points qui figurent actuellement dans les accords de coopération (principe d'un protocole, création de nouveaux centres, nécessité de centres de référence, accès au dossier judiciaire, nécessité de rapports de contrôle externe sur le suivi du délinquant en traitement, modalités de ce rapport, technique légistique pour rendre possible l'information sur les risques réels de passage à l'acte sans la rendre obligatoire, nécessité de valider des tests spécifiques pour la Belgique, etc.). Le CRASC est donc le père spirituel de nombre de points fondamentaux contenus dans les accords de coopération.

C'est avec plaisir que ce centre a communiqué son expérience et ses connaissances scientifiques à l'élaboration des accords. Le fait cependant qu'à l'approche de l'objectif final (la conclusion des accords), un changement d'aiguillage a modifié l'approche pluridisciplinaire fondée sur un modèle de clinique criminologique en un modèle « santé », a changé la donne du tout au tout. En écartant le CRASC, centre bilingue, comme centre d'appui du côté néerlandophone (avec l'UFC) et francophone, on a non seulement transformé le résultat de sa collaboration spontanée en pillage éhonté de son savoir-faire organisationnel mais aussi écarté la vision de l'abus sexuel sous l'angle de l'abus du pouvoir en provoquant une fusion totale entre la notion juridique de l'abus sexuel et celui de la santé mentale. Nous avons affirmé, et osons encore le faire dans le cadre de la nouvelle culture politique, que le basculement de la prise en charge criminologique vers la prise en charge médicale n'est pas basé sur un rationnel mais bien sur la satisfaction d'intérêts partisans alors que le CRASC n'est aucunement engagé sur le plan politique. Nous le dénonçons d'autant plus fort que ce basculement pervertit tout le système proposé par le CRASC, notamment dans le domaine de la confiance à avoir à l'égard des soignants et plus globalement du respect des droits de l'homme, y compris du délinquant. Le chef d'orchestre du système de prise en charge (le centre d'appui) qui doit être pluridisciplinaire par excellence et dans la « salle de la Justice », se trouve désormais dans une autre pièce (la santé).

La position du CRASC ne l'empêche pas de prendre du recul par rapport à sa mise à mort annoncée puisqu'en vertu de la loi sur la protection de la vie privée, le fait de n'être plus subsidié l'empêchera de pouvoir encore traiter les données relatives à la vie sexuelle et donc les délinquants sexuels. S'il ne compte pas mourir en se taisant, il reste cependant par-dessus tout attaché aux valeurs de rationalité qui sont les siennes, de sorte que l'exposé qui suit est certes très critique mais néanmoins basé sur des éléments à vocation objectivante qu'il peut à tout moment justifier, ne souhaitant pas que sa conduite soit assimilée à celle attendue d'un « amant éconduit » qui permettrait d'écarter d'un revers de manche son intervention.

En particulier, le CRASC regrette que les accords soient déjà appliqués sur le terrain depuis plusieurs mois, confinant les institutions démocratiques dans un rôle de simple avaliseur.

Commentaire sur les accords de coopération de la Communauté flamande et de la Région wallonne concernant la guidance et le traitement d'auteurs d'infractions à caractère sexuel

I. Le contexte

Un modèle suranné

Ainsi que le décrivent plusieurs auteurs (1), trois modèles d'approche de la prise en charge des délinquants dangereux se sont historiquement succédés. Le premier est le modèle clinique des années 30 à 65 qui s'en remettait à la médecine. Dans nombre de pays sont apparues à ce moment des lois prenant en considération la « personnalité criminelle ». Notre loi de défense sociale n'est qu'un exemple parmi d'autres de ce courant qui a parcouru le monde occidental. À l'époque, on croyait pouvoir « guérir » le délinquant.

Le second courant apparu vers la fin des années 60 est le courant « justice » qui se rebelle contre la mainmise médicale considérée comme donnant à imaginer plus que ce qu'elle peut faire. Le principe de la peine pour ce que l'on a fait, pas pour ce qu'on risque éventuellement de faire est réaffirmé.

Le troisième courant est né au début des années 90. C'est le courant de protection communautaire. Il a fait son deuil de la « guérison » et refuse le fatalisme de l'approche juridique qui libère des personnes socialement dangereuses. Ce courant actuel est complexe et table sur la gestion du comportement criminel (« no cure but control »). Il fait intervenir dans la prise en charge même, des données actuarielles (2), se donne des objectifs limités (la prévention de la récidive) et mesure scientifiquement les changements intervenus.

En élevant des centres de santé au rang de centre d'appui, le modèle retenu dans les accords de coopération est un retour à l'ancien modèle clinique. Soit ces centres de santé font leur métier, c'est-à-dire « guérir », veiller à l'épanouissement de leurs délinquants arbitrairement devenus « patients », et le modèle est dépassé, soit ils s'engagent dans la perspective actuelle de protection communautaire mais dans ce cas, ils outrepassent leur domaine de compétence, la gestion de la prévention de la récidive n'impliquant qu'incidemment la santé. Il est significatif de constater combien dans les pays les plus en pointe dans le domaine de la délinquance sexuelle (Canada, Royaume-Uni, USA), c'est la clinique de la gestion qui l'emporte très largement sur l'approche de type « santé mentale ».

Un modèle déresponsabilisant

Le « tout à la santé », comme le fait en particulier l'accord de coopération wallon qui ne recourt à d'autres spécialistes que pour les circonscrire dans ce modèle à emprise médicale, fait fi de la considération selon laquelle l'abus sexuel est surtout un abus de pouvoir. En cas de récidive, le délinquant dans une structure de type santé se considère comme non fautif puisqu'en réalité c'est le « psy » qui n'a simplement pas encore réussi à le guérir. Dans son étude présentée lors du congrès du NOTA à Cambridge, le Dr Alexander s'est intéressé au contexte d'intervention de la prise en charge. Le modèle que veulent faire retenir les accords de coopération est le modèle le moins efficient (annexe 1) : les délinquants sexuels subissant un traitement spécialisé en milieu hospitalier récidivent plus que ceux qui, également hospitalisés, n'ont pas subi un traitement spécifique pour leur problématique sexuelle.

Un modèle non théorisé

La loi fait une distinction entre guidance et traitement. Les accords de coopération ne prennent pas cette distinction en considération car leurs auteurs n'ont pas voulu comprendre sa portée (et donc les conséquences qui en découlent: annexe 2). La distinction entre guidance et traitement a été théorisée pour la première fois par le CRASC au cours du congrès qu'il a co-organisé avec l'ULB, les 12 et 13 janvier 1995, sur le thème de la pédophilie. L'exposé sur la distinction guidance-traitement a été effectué à cette occasion en présence du ministre de la Justice de l'époque qui y a marqué un vif intérêt, empruntant d'ailleurs l'ouvrage de référence du conférencier. Lorsqu'il a été question, en commission de la Justice du Sénat, d'imposer le traitement aux libérés conditionnels, le minitre a lui-même insisté, dans le prolongement du colloque organisé moins de trois mois plus tôt, pour que cette distinction soit inscrite dans la loi. Le CRASC s'estime dès lors autorisé à veiller à ce que la distinction, reproduite à présent dans plusieurs lois, garde sa signification pleine et entière.

De façon laconique, nous rappelerons donc que l'on distingue entre guidance, traitement et thérapie. Les deux premiers se situent dans le cadre d'une prise en charge à contexte coercitif et sont orientés vers l'apprentissage de l'évitement de la récidive. La guidance (cf. le mot « guide »), comporte essentiellement un programme d'apprentissage aux méthodes pour ne pas récidiver et veille à leur utilisation effective. Le traitement se distingue de la guidance dans la mesure où la personne y impliquée fait spontanément siens les objectifs de la guidance, s'y investissant spontanément, livrant par elle-même des éléments qui lui sont propres et qui vont faciliter le travail entrepris. Le traitement, malgré la richesse de l'alliance thérapeutique qu'il offre comme « plus » à la guidance et sa proximité avec la « thérapie », se distingue cependant de celle-ci car étant inscrit dans un cadre coercitif qui a pour effet de changer radicalement la donne (possibilité de feindre l'investissement spontané). La thérapie est, au contraire, dénuée de coercition à relent judiciaire. En distinguant le groupe « guidance-traitement » du groupe « thérapie », on peut développer un ensemble de droits et d'obligations propres à la spécificité de ce groupe au niveau du suivi sous contrainte (donc fédéral) : obligation d'un rapport, secret limité, accès au dossier judiciaire, circonspection, etc. en veillant au développement d'un cadre théorique et juridique respectueux des droits de l'homme. Au contraire, la thérapie étant par essence de l'ordre de la demande, il convient qu'elle se développe sans hantise du judiciaire dans le cadre de la confiance au sein des centres relevant des communautés et régions et n'ayant pas (hors l'état de nécessité et la non-assistance à personne en danger) à rendre compte à la Justice.

C'est cette théorisation précise née de la pratique du terrain qui fait connaître le CRASC au niveau international et qui lui vaut d'être tant sollicité dans les congrès et universités étrangers. Les accords de coopération, en ne distinguant pas les concepts qu'ils sont chargés de mettre en oeuvre (puisque c'est dans la loi), les mêlent de telle façon que les centres de santé sont amenés à oublier toute différence alors que des droits et obligations spécifiques y sont rattachés.

Un modèle dangereux

La très grande majorité des délinquants amenés à suivre une guidance ou un traitement spécialisés ont été reconnus responsables de leurs actes. Leur enfermement dans un modèle de type « santé » est une atteinte à leur dignité. Il est ainsi particulièrement révélateur de constater que le président du centre d'appui de l'accord de coopération wallon est en réalité le médecin-directeur du centre de défense sociale de Tournai. À quoi sert-il de faire une distinction entre délinquants responsables et irresponsables s'ils se retrouvent ensuite dans le même type d'établissement ? Sachant que la maladie doit atténuer la faute, quelle légitimité y a-t-il à punir pleinement au titre de responsable puis à considérer comme malade pour pouvoir mieux contrôler le délinquant ?

Confrontée aux lois d'assignation médicale des délinquants sexuels, l'American Psychiatric Association, forte de plus de soixante mille membres, a, en juillet 1998, officiellement décrété comme contraire à l'éthique, l'introduction de ces lois qui « établissent une définition non médicale de ce qui est censé être une condition clinique, sans égard aux connaissances scientifiques et cliniques. Ce faisant, les législateurs ont utilisé le placement psychiatrique à des fins sociétales non médicales qui ne peuvent être publiquement avouées. (...) Cela représente une utilisation inacceptable de la psychiatrie » (3).

Le législateur belge qui a réussi à éviter ce piège est aujourd'hui amené à y tomber puisqu'après avoir refusé de considérer qu'il y a un juste recouvrement entre la délinquance sexuelle et la santé mentale, il lui est demandé d'accepter, par les accords de coopération, une gestion exclusivement médicale de la problématique (les deux centres d'appui sont des centres de santé et tous les centres wallons de prise en charge sont des centres du secteur de la santé).

Davantage, alors que l'article 4 du décret wallon du 4 avril 1996 relatif aux centres de santé mentale fait état de la nécessité d'une « demande » de la personne qui consulte, l'accord de coopération en fait fi, assimilant, pour s'en occuper, l'acceptation d'un suivi pour bénéficier d'une libération conditionnelle à une demande. Mutatis mutandis , cela reviendrait à considérer que la personne qui accepte dans le cadre judiciaire une « visite domiciliaire », l'aurait en réalité demandée!

Dans le même ordre d'idées, et de manière symptomatique quant au mythe sur lequel fonctionne l'accord, le projet de contrat joint à l'accord de coopération francophone est signé par l'auteur de l'abus sexuel concerné au titre de « bénéficiaire du traitement ». À l'instar du violeur qui s'imagine persuader son thérapeute « qu'elle était consentante » et l'avoir violée « pour son bien », le ministre de la Justice s'imagine persuader l'abuseur que le traitement est demandé par lui et est fait « pour son bien ». Car en effet, qui est le bénéficiaire de la guidance et du traitement ? La société, pas le délinquant! Freindre d'imaginer que ce qui est bien pour l'un est automatiquement bien pour l'autre est destiné à apaiser les mauvaise conscience de ce que le traitement est effectué dans un cadre de contrainte. De grâce, acceptons de considérer que le cadre contraignant existe et qu'il n'y a pas de demande (et donc que le « bénéficiaire du soin » n'est pas le délinquant) mais bien une « acceptation » de traitement. En échange, en raison de ce cadre contraignant, qu'on définisse des règles de déontologie spécialement adaptées. Ces règles essentielles font totalement défaut dans les accords.

Un modèle lacunaire

Les accords insistent plus sur la recherche de la protection des centres en s'appesantissant sur la limitation de leur responsabilité, décrite à justre titre comme obligation de moyens, que sur le bon émaillage et les exigences d'une bonne prise en charge. Quid du violeur qui téléphone à 3 heures du matin pour prévenir qu'il risque de passer à l'acte ? Aucune permanence n'étant exigée, il tombera sur un répondeur lui demandant de laisser le message ou, au mieux, sur un infirmier de garde d'un hôptial qui ne saura quoi répondre. Quid si, malgré la concertation prévue, personne n'accepte de prendre un cas en charge ? L'accord n'enjoint même pas aux centres d'appui de l'accepter d'office, de sorte que l'on risque de voir une catégorie de délinquants sexuels végéter d'un centre à l'autre, n'y restant que le temps d'en être exclu avant de recommencer ailleurs et atteindre la fin de la mesure de suivi sans être entrés en traitement ...

Quid de la probation prétorienne « oubliée » ? Quid du phénomène nouveau de la thérapie proactive consécutive aux recherches proactives?

II. Le droit

Les accords apparaissent comme contraires aux droits de l'homme

En n'offrant que des institutions de prise en charge dans le cadre de la santé, l'accord wallon envoie les négateurs absolus, reconnus comme disposant de leurs facultés mentales et déclarant n'avoir pas de problématique particulière, dans le secteur des soins. On doit douter du respect, dans ce cas, de la convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Si l'approche avait été effectivement pluridisciplinaire (non sous le couvert de la santé), des programmes spécifiques à ce type de population pourraient être développés en termes d'apprentissage à effectuer (guidance). Par l'application de l'accord, on en arrivera à appliquer, dans un contexte de contrainte, des soins à une personne qui a été déclarée responsable et qui aura refusé d'être considérée comme souffrante. Aucune voie de sortie n'est prévue pour la prise en charge dans un centre qui ne soit pas de santé (sauf dans l'accord de coopération flamand, mais seulement pour les infractions mineures).

En ce qui concerne les personnes en attente de jugement (loi détention préventive) mais devant faire l'objet d'un suivi, les accords de coopération les assimilent sans autre forme de procès aux autres délinquants avérés. Aucune exception ou réserve quant aux mentions contenues dans le rapport à adresser aux autorités n'est prévue, alors que ces personnes sont présumées innocentes. Le modèle « santé » étant peu habitué à travailler dans le contexte légal, les dérapages seront inévitables. En outre, le fait que la présence d'un juriste n'est pas exigée dans les centres spécialisés rend les atteintes aux droits encore plus vraisemblables.

Des accords inconstitutionnels

­ La loi distingue guidance et traitement. Les accords de coopération essaient d'ignorer cette distinction. Or, tant qu'une loi à majorité spéciale n'aura pas été votée, les matières non expressément attribuées aux communautés et régions resteront de la compétence du fédéral. Puisque la guidance a été distinguée du traitement, il convient de lui donner une signification différente de celle du traitement. À l'instar de « l'aide médicale urgente » qui, pour la Cour d'arbitrage (arrêt nº 47/95 du 6 juin 1995), se distingue de « l'aide médicale » et ne saurait, en raison de sa spécificité, être assimilée à l'aide médicale classique restant donc de compétence fédérale, la guidance ne peut être assimilée au traitement et, n'ayant pas été explicitement attribuée aux entités fédérées, reste de la compétence fédérale. Donner l'assentiment au projet de loi mènera les accords de coopération directement à la Cour d'arbitrage.

­ L'exécution des décisions judiciaires relève de l'État fédéral. Il n'est pas légal que cet État fédéral paie des entités fédérées pour effectuer son propre travail, les compétences étant d'attribution. La guidance et le traitement des délinquants sexuels dans le contexte coercitif relève dès lors soit d'organismes d'exécution des décisions judiciaires (à l'instar des services de probation anglais), soit d'organismes spécialisés privés étant attachés par contrat à l'État fédéral pour exercer la finalité précise relevant de cet État fédéral (exemple contrats de sécurité, contrat avec le CASC, etc.). La jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme en matière d'intrusion permise dans la sphère de la vie privée est en ce sens (4).

­ En désignant nommément dans les accords, même sous forme d'acte détachable, une énumération de centres d'appui et de prise en charge des abuseurs sexuels sans avoir préalablement procédé à un appel sans discrimination aux services aptes à exercer cette tâche, le principe de l'égalité entre tous les Belges a été bafoué et conduira à nouveau les accords devant la Cour d'arbitrage.

Des accords inégaux

Le gouvernement fédéral n'est présentement pas capable de présenter un accord de coopération pour la Région de Bruxelles-Capitale. Il est de commune renommée que la polémique bat son plein entre centres de santé mentale sur la question de leur participation à l'exécution des lois pénales. Il nous paraît d'ailleurs indispensable de donner assentiment aux projets en même temps puisqu'à défaut, les délinquants sexuels bruxellois ne seront pas traités de la même façon que leurs homologues du nord et du sud du pays, ce qui ne peut être le cas dans le système fédéral d'exécution des peines.

Les accords wallons et flamands présentent des disparités majeures dont l'essentielle est le « tout à la santé » du côté wallon qui n'offre aucun espace propre à la guidance par rapport au traitement et nie la différence établie dans la loi du 13 avril 1995.

Les distinctions eu égard aux exigences du rapport à remettre à la justice font que francophones et néerlandophones ne sont pas logés à la même enseigne alors que le contexte de la justice est fédéral.

Des accords illégaux

1) Au regard de la loi sur la protection de la vie privée.

L'article 4, 1º, des deux projets de coopération est manifestement illégal.

Parmi les informations nécessaires à la réalisation d'une guidance ou traitement du délinquant sexuel, figurent assurément des informations d'ordre judicaire, donc « sensibles » au sens de la loi sur la protection de la vie privée du 11 décembre 1998. L'exposé des motifs au regard de l'article 4 est d'ailleurs explicite à cet égard : « Les équipes psychosociales spécialisées, l'assistant de justice et les équipes de santé spécialisées et la personne concernée se concertent afin de déterminer quelles informations nécessaires doivent être communiqués pour réaliser la guidance ou le traitement de la personne concernée. Il peut s'agir de la décision de l'autorité judiciaire ordonnant le traitement, de l'exposé des faits, de l'extrait du casier judiciaire, de l'enquête de moralité, de l'expertise psychiatrique et de pièces du dossier judiciaire significatives... ».

Or, que dit la loi du 11 décembre 1998 relative à la protection de la vie privée ? En son article 8, § 1er , la loi précise : « Le traitement de données à caractère personnel relatives à des litiges soumis aux cours et tribunaux ainsi qu'aux juridictions administratives, à des suspicions, des poursuites ou des condamnations ayant trait à des infractions, ou à des sanctions administratives ou des mesures de sûreté est interdit ». Or, aucune dérogation n'existe au bénéfice des centres visés dans les accords de coopération.

Il faut savoir que l'ancien article 8 de la loi relative à la protection de la vie privée du 8 décembre 1992 prévoyait la même interdiction mais avait prévu au § 5 de laisser la porte ouverte à une exception concrétisée par l'arrêté royal nº 17 du 21 novembre 1996 (Moniteur belge du 11.12.1996) qui prévoit explicitement que le traitement de ces données sensibles aux conditions y décrites puisse s'effectuer dans les centres spécialisés dans la guidance et le traitement des délinquants sexuels.

Cette possibilité de dégoration n'existant plus dans la nouvelle loi (par simple oubli croyons-nous), le CRASC a signalé cette erreur par omission au ministre de la Justice par courrier daté du 18 novembre 1998. Aucune réponse n'a été apportée à cette lettre.

Indépendamment de ce qui précède, il nous paraît important que préalablement à leur adoption, les accords en projet soient soumis pour avis à la Commission de la protection de la vie privée (art. 29, § 1er , de la loi offrant cette faculté aux Chambres législatives). En effet, même si une possibilité de dérogation existe, la question de l'autorisation du traitement de données sensibles relatives à la vie sexuelle pose problème lorsqu'il s'agit de centres de santé. Il paraît en effet discutable de considérer qu'une guidance orientée vers la prévention de la récidive puisse être assimilée à l'exception prévue au § 2, j , du nouvel article 6 de la loi de 1992, qui vise la médecine préventive, les diagnostics médicaux et l'administration de soins ou de traitement « dans l'intérêt de la personne concernée » (alors qu'ici il s'agit de l'intérêt de la société). La question de l'obtention d'une autorisation spéciale sur la base de l'article 6, § 3, de la loi de 1992 se pose dès lors eu égard à cette finalité spécifique qui n'est pas par essence médicale.

2) Au regard de la loi sur la libération conditionnelle.

Dans son courrier du 14 juillet 1994 adressé au ministre de la Justice, le CRASC avait précisé ce qui suit : « Le fait que toute infraction sexuelle, au contraire d'autres infractions, emporte qu'il y a victime, implique que la société a son mot à dire par rapport à la thérapie et doit pouvoir se faire rendre des comptes par l'exercice d'un contrôle externe. Nous estimons que fait partie de ce contrôle externe le taux de fréquentation, l'implication dans le processus thérapeutique. Dans une mesure à déterminer, il en irait de même d'un avis motivé sur la dangerosité du sujet » (pour rappel, ce courrier faisait suite à une grave récidive en partie prévisible).

La question de la dangerosité que nous envisagions d'aborder avec prudence mais sans tabou a, à juste titre, fait l'objet de longues discussions au Parlement lors de l'examen du projet de loi sur la libération conditionnelle pour aboutir finalement à un accord en permettant, selon la technique d'exception à l'article 458 du Code pénal (secret professionnel) également proposée initialement par le CRASC dans sa lettre de juillet 1994, d'autoriser le service compétent à, notamment, « informer le ministre des difficultés survenues dans son exécution » (la guidance ou traitement).

Il convient donc de retenir, en ce domaine délicat, qu'il y a :

1. possibilité (« est habilité ») mais non obligation;

2. utilisation des termes « difficultés survenues dans son exécution ».

Or, que disent les accords ?

Que le rapport aborde :

(...) 5º les situations de danger social grave comportant un risque sérieux pour les tiers. (Accord Nl 1-1166);

(...) 4º les situations comportant un risque sérieux pour les tiers. (Accord Fr 1-1230).

Il ne saurait être admis que dans le cadre de l'exécution d'une loi pénale fédérale (libération conditionnelle), on introduise des politiques différentes selon les communautés ou régions en ne prévoyant pas les mêmes exigences de contenu du rapport à remettre à l'État fédéral. Ainsi, un délinquant wallon est plus vite susceptible d'être dénoncé qu'un néerlandophone.

La suggestion du CRASC dans sa lettre de juillet 1994 au sujet d'une mention relative à l'implication dans le traitement a été reprise dans l'accord avec la Communauté flamande (« 4º la mesure dans laquelle l'intéressé fournit des efforts afin de mettre à profit les sessions de guidance ») mais pas dans l'accord avec la Wallonie. Cela crée à nouveau une disparité.

Il est d'autre part évident qu'on ne saurait non plus accepter que par le biais des accords de coopération on détourne, en ce qu'elle leur est applicable, la formulation retenue dans la loi sur la libération conditionnelle. Il est donc essentiel que les termes de la loi soient reproduits dans les accords et non leur interprétation plus ou moins extensive, même si les accords débordent du cas de la libération conditionnelle (principe du plus petit commun dénominateur).

Enfin, il n'est pas non plus acceptable que l'obligation d'information sur ces points qui n'existe pas dans la loi soit dès lors introduite via les accords qui ne sauraient avoir comme objectif de corriger la loi et d'obtenir ainsi ce qui n'a pas été obtenu au Parlement.

3) Au regard de la loi du 13 avril 1995 relative aux abus sexuels sur mineurs.

Cette loi a introduit l'exigence d'un avis émanant d'un « service spécialisé dans la guidance ou le traitement des délinquants sexuels » (voir article 5 de la loi sur la libération conditionnelle du 31 mai 1888). Cette loi impose également leur suivi sous la forme d'« une guidance ou un traitement » sous-entendu (pour éviter la répétition) dans un service spécialisé pour délinquants sexuels. La question de la problématique sexuelle dans le cadre de la justice étant délicate à maints égards, il avait été veillé à s'assurer qu'une équipe pluridisciplinaire la prenne en charge plutôt qu'un individu isolé.

Un article assez sibyllin des accords, l'article 11, prépare cependant le terrain à une interprétation extensive de cette guidance légale, en prévoyant la faculté sous certaines conditions de « confier la guidance ou le traitement (...) à un thérapeute individuel qui puisse apporter la preuve de la spécialisation indispensable ». Associé à l'article (également illégal) des accords permettant l'accès à des données judiciaires, on aura ainsi communication de données sensibles à un quidam. Cette disposition est d'autant moins compréhensible que si le recours à un spécialiste d'une discipline particulière s'imposait, rien n'empêcherait légalement que le service spécialisé s'adjoigne le concours au cas par cas de cette personne sachant que la prise en charge globale continue à être effectuée par le service qui garde la responsabilité de la gestion du cas. Il n'appartient en outre pas à des accords de coopération d'ajouter à la loi.

4) Au regard de la loi relative à la protection de la personne des malades mentaux

L'article 2, alinéa 2 de cette loi est on ne peut plus clair : « L'inadaptation aux valeurs morales, sociales, religieuses, politiques ou autres ne peut être en soi considérée comme une maladie mentale ».

En envoyant les déviants sexuels jugés responsables de leurs actes dans des centre de santé mentale, on assimile illégalement leur abus de pouvoir à une problématique de l'ordre de la maladie mentale. La Cour de cassation a eu récemment à rappeler cette interdiction au ministère public dans un arrêt du 22 octobre 1998 dont le journal « Le Soir » des 24-25 décembre 1998 a résumé l'arrêt sous le titre « Les psys ne sont pas des subsituts des policiers » en précisant que « la Cour de cassation rappelle finalement un principe démocratique trop souvent oublié : il ne faut pas confondre trouble de l'ordre public avec trouble psychique ». À nouveau, si l'accord wallon permettait la prise en charge dans des structures non exclusivement de type santé et si un centre d'appui était inscrit dans une logique non « santé mentale », la loi pourrait être respectée. Ce n'est pas le cas par l'assentiment à ces accords de coopération en projet. Pour rappel, le président du centre d'appui wallon est le directeur de l'établissement de défense sociale de Tournai et l'American Psychiatric Association (cf. supra) considère la dérive menant à la prise en charge des délinquants sexuels non malades mentaux dans des centres de santé comme contraire à l'éthique.

En résumé, le principe de protocoles de coopération entre l'État fédéral et les communautés et régions est une nécessité dans la perspective d'une appréhension globale et cohérente de la problématique de l'abus sexuel. Cette idée avait été avancée dans notre courrier susmentionné de juillet 1994 au ministre de la Justice. Ces accords ne peuvent cependant aboutir à une gestion commune de tâches dévolues à l'État fédéral mais bien à une coordination entre gestionnaire de tâches exclusivement attribuées aux entités fédérales et gestionnaires de tâches exclusivement attribuées aux entités fédéres. Les accords en projet s'écartent radicalement de ce principe constitutionnel.

Ce « mixing » créée l'ambiguïté et amène des organismes de santé à devenir des collaborateurs de la justice, ce qui pourrait être facilement évité en intégrant des équipes pluridisciplinaires « justice » dans les services d'exécution des peines, la pratique proprement médicale s'y exerçant en qualité d'« acte détachable » au sein d'entités orientées vers la prévention de la récidive. À défaut de suivre cette voie, il y a « pollution » du système de la santé par des impératifs de Justice et les conséquences en termes de confiance au thérapeute ont été encore dernièrement dénoncées par le propre conseiller du ministre de la Justice, à savoir le conseiller général du service de la politique criminelle de son département dans son tout récent rapport 1997-1998, faisant état (p. 61) de ce que « les impératifs de la relation thérapeutique doivent se plier à des contraintes étrangères à sa logique propre, tandis que s'exprime une forme de méfiance à l'endroit du secteur psychosocial qui a pourtant aussi sa déontologie ».

En tant que Chambre de réflexion, il nous paraît nécessaire que le Sénat n'approuve pas dans la hâte du contexte des élections ces accords de coopération dans la mesure où, outre les illégalités manifestes, ils comportent les germes d'une insécurisation fondamentale des rapports du citoyen au monde de la santé alors qu'une voie médiane existe. Nous soumettons dans le contexte de cette réflexion que nous espérons voir être menée, notre propre théorisation qui nous vaut l'honneur d'être invités, ce mois-ci encore, par les départements français et italien de la Justice qui ont marqué un grand intérêt à notre thèse. Nous souhaiterions, dans notre propre pays, également que nos thèses puissent faire l'objet d'une légitime considération sous forme de débat public.

III. REPONSE DU MINISTRE DE LA JUSTICE

Le ministre dépose la note suivante, en réponse à la note du CRASC du 1er mars 1999.

Concerne : accords de coopération en matière de guidance et de traitement d'auteurs d'abus sexuels ­ réponse à la note du 1er mars 1999 du CRASC.

1. Origines des accords de coopération

Les accords de coopération en matière de guidance et de traitement d'auteurs d'abus sexuels trouvent leur origine dans la loi du 13 avril 1995, qui a été adoptée au cours de la précédente législature. Cette loi exige l'avis d'un service spécialisé en matière de guidance et de traitement de délinquants sexuels et ce, dans le cadre de la libération conditionnelle de détenus et de la libération à l'épreuve d'internés (article 6-8). La libération conditionnelle d'un détenu est subordonnée à la condition qu'il suive une guidance ou un traitement (article 7) (pour les internés bénéficiant d'une libération à l'épreuve, la tutelle médicale sociale constitue une obligation imposée par l'article 20 de la loi du 1er juillet 1964).

Au moment où la loi précitée a été adoptée, 2 centres spécialisés étaient subventionnés par le ministère de la Justice, à savoir l'Universitair Forensisch Centrum (UFC) à Anvers ainsi que le Centre de Recherche-Action en Sexologie et Criminologie (CRASC) à Bruxelles.

Vu la proportion de délinquants sexuels dans la population carcérale (11 % en mars 1996 ­ 15 % en mars 1998) ainsi que dans le cadre des guidances judiciaires ambulantes (7 % en mars 1998), il était évident que ces 2 centres étaient insuffisants et qu'une offre à l'échelon national devait être développée pour pouvoir répondre aux besoins en matière d'avis spécialisé et de guidance/traitement.

Au cours des discussions parlementaires relatives à la loi du 13 avril 1995, la possibilité ou la nécessité d'un accord de coopération avec les communautés avaient été abordées : un accord de coopération devrait préciser la manière de collaborer avec les institutions qui relèvent de la compétence des communautés et qui sont actives dans le domaine post-pénitentiaire ainsi que les aspects financiers de cette coopération (rapport du Sénat 1348/2 ­ 1994/1995, page 35).

Dans un rapport d'évaluation du cabinet de la Justice du 13 juin 1995 relatif à l'accueil des victimes d'abus sexuel, le développement ­ sur la base de structures déjà disponibles ­ d'un réseau au niveau national pour la délivrance d'avis et la guidance/traitement était présenté comme modèle et il était suggéré d'attribuer aux deux centres spécialisés susmentionnés, le CFU et le CRASC, le rôle de centres de référence.

2. Vers une coopération avec les communautés/régions : motifs et objectifs

Au cours de l'automne 1996, le ministre de la Justice de l'époque, Stefaan De Clerck, entamait des négociations avec les communautés et les régions afin de développer, en étroite concertation, une approche globale, cohérente et coordonnée des auteurs d'abus sexuels.

Cette option se fondait et se fonde toujours sur les arguments suivants :

­ la répartition des pouvoirs telle qu'établie dans la loi spéciale de réforme des institutions du 8 août 1980-88 (en particulier l'article 5) : les communautés sont (notamment) compétentes pour la politique en matière de soins, la politique en matière familiale en ce compris toutes les formes d'aide et d'assistance aux familles et aux enfants, la politique en matière de bien-être social, l'aide sociale aux détenus en vue de leur réinsertion sociale.

La loi de réforme des institutions n'exclut pas les justiciables de la politique en matière de santé et de l'aide aux justiciables, qui relèvent de la compétence des communautés et régions. La réglementation relative à la reconnaissance et au subventionnement des services sociaux assurant la guidance et le traitement de personnes se trouvant dans des situations problématiques, n'exclut pas non plus les justiciables.

Le fait que l'assistance/guidance ou le traitement est imposé par une instance judiciaire ne porte pas préjudice à la compétence dont disposent les communautés et les régions d'accorder des soins et une aide à ces personnes.

­ la nécessité d'une approche globale de la problématique, ce qui renvoie à l'importance d'une politique à deux voies : « peines-surveillance-contrôle » doivent aller de pair avec « aide-guidance-traitement », afin d'éviter autant que possible la récidive de l'abus sexuel et de protéger autant que possible les victimes potentielles.

Il relève de la mission et de la responsabilité de la Justice de sanctionner de manière appropriée les auteurs de délits sexuels, d'établir des limites à leur comportement, de confirmer les normes et de protéger la société. Or, les connaissances et les expériences scientifiques nous apprennent que ni la probabilité, ni une peine (même lourde) ne suffisent en soi pour prévenir la récidive de l'abus sexuel : en effet, à l'origine se trouvent généralement des problèmes complexes, parfois même une pathologie sérieuse qui nécessite une guidance ou un traitement spécialisé. Les auteurs qui réalisent qu'ils ont un problème et qui sollicitent spontanément une aide, constituent cependant une exception. Souvent, (la menace de) l'intervention judiciaire constitue la seule motivation pour entamer une thérapie.

Dès lors, une politique plus efficace en la matière requiert un partenariat entre, d'une part, les services judiciaires, chargés de l'approche pénale, du contrôle et de la surveillance sociale et, d'autre part, les services spécialisés en matière de bien-être et de santé disposant du savoir-faire en ce qui concerne la guidance et le traitement axés sur le problème. En même temps, une telle coopération permet une séparation fonctionnelle entre la surveillance et le contrôle (mission judiciaire), d'une part, et la guidance et le traitement psycho-social (mission des services de bien-être et de santé), d'autre part : l'on évite ainsi des conflits de rôle chez les personnes chargées de la guidance ainsi qu'une confusion d'idées dans le chef du client/patient.

­ la nécessité d'une approche cohérente permettant de garantir autant que possible la continuité et la qualité de la guidance, que ce soit avant, pendant ou après l'intervention judiciaire. En effet, dans les cas d'agresseurs sexuels, les problèmes sous-jacents ne commencent pas au moment de l'intervention judiciaire et n'y trouvent pas pour autant une solution, si ce n'est que très rarement. L'intervention judiciaire ne peut dès lors pas être en rupture avec la guidance ou le traitement qui aurait, le cas échéant, été entamé ou qui doit être poursuivi par un service d'assistance ou de santé.

­ la recommandation de la commission d'enquête parlementaire Dutroux, Nihoul et consorts, consistant à développer un partenariat formel entre la justice et les services d'aide, tant dans le cadre de la loi relative à la libération conditionnelle que de la loi de défense sociale (5). Une formalisation de la coopération (qui existait déjà ci et là) entre la justice et les secteurs d'aide permet d'harmoniser de manière structurelle les deux approches et de développer, de cette manière, une approche coordonnée de la problématique.

Les négociations avec la Communauté flamande, représentée par les départements de l'Assistance sociale et de la Politique de santé ont été entamées le 29 mars 1996 et finalisées le 8 juillet 1997. Le 17 février 1999, le Parlement flamand a voté le décret portant approbation de l'accord de coopération, signé par les ministres concernés le 8 octobre 1998.

Les négociations avec la Région wallonne ­ département Santé ­ ont démarré le 24 juin 1996 et ce, jusqu'à la moitié de l'année 1998 et ont connu une longue interruption dans la période de mars à septembre 1997. L'accord de coopération a également été signé le 8 octobre 1998 par les ministres concernés et sera normalement approuvé par voie décrétale le 17 mars prochain.

La Communauté française ­ compétente en matière d'aide sociale aux détenus (sous l'angle de l'assistance) ­ a participé aux négociations en tant qu'observateur, mais n'a pas souhaité être partenaire dans la mesure où elle considère que la guidance et le traitement d'auteurs d'abus sexuels relèvent des soins de santé.

La Communauté germanophone s'est ralliée à l'accord de coopération avec la Région wallonne et a renforcé le réseau wallon de centres de guidance/traitement avec deux centres de santé mentale.

La Région de Bruxelles-Capitale, qui s'était jointe dans un premier temps aux négociations des deux communautés linguistiques, a opté au printemps 1997 pour un accord de coopération personnel avec la Justice et pour un Centre d'appui bruxellois. Les négociations en la matière sont actuellement en phase finale et l'accord sera normalement signé par les ministres concernés fin avril 1999.

3. Approche contradictoire des thèses défendues par le CRASC à la lumière des motifs et objectifs des accords de coopération

I. Le contexte

3.1. L'on n'a jamais nié que le CRASC ait joué un rôle de pionnier en matière de délinquance sexuelle : il a d'ailleurs été associé dès le départ aux travaux visant à aboutir à la conclusion d'accords de coopération. Le directeur du CRASC (généralement accompagné d'un collaborateur) a assisté à toutes les réunions de concertation avec la Communauté flamande ainsi qu'à au moins 5 réunions de concertation avec la Région wallonne entre le 24 juin 1996 et le mois de mars 1997. La reprise des négociations avec la Région wallonne au mois de septembre 1997 s'est déroulée en l'absence du CRASC dans la mesure où celui-ci n'avait pas été accepté comme centre d'appui par le partenaire wallon.

C'est également pour cette raison ­ le refus de la Région de Bruxelles-Capitale de collaborer avec le CRASC en tant que centre d'appui ­ que les représentants de ce centre ne furent pas invités à assister aux négociations avec la Région de Bruxelles-Capitale.

Le travail d'encadrement d'un tel centre dépend en effet de la volonté des communautés/régions ainsi que des personnes travaillant sur le terrain de l'accepter.

Ce rôle de pionnier joué par le CRASC ne lui permet cependant pas de s'approprier le monopole d'une idéologie ou d'un cadre conceptuel, ni d'accuser quiconque s'occupe de la problématique de l'abus sexuel de se livrer à un plagiat ou un pillage éhonté du savoir-faire organisationnel du CRASC.

3.2. L'affirmation selon laquelle il y aurait eu « changement de cap » dans la mesure où le « modèle criminologique » aurait, à l'approche de la finalisation des négociations, dû céder la place à un « modèle de santé » est totalement fantaisiste.

L'option retenue dès le départ était la volonté de mettre la loi du 13 avril 1995 en oeuvre à l'échelle nationale et ce, à partir d'une approche multidisciplinaire, en s'appuyant sur des structures existantes et en collaboration avec les communautés et les régions. Cette option a été menée à son terme.

Ce sont par contre les thèses défendues par le CRASC dans sa note à la commission du Sénat du 1er mars 1999 qui témoignent d'un réel « volte-face ». Ainsi, alors que le directeur du CRASC partageait, lors des négociations avec la Communauté flamande, les différentes options retenues, il a, au fil des négociations sur le volet francophone, modifié sa vision à propos de l'approche souhaitable face à la problématique et développé une définition tout à fait personnelle des concepts « guidance », « traitement » et « thérapie », parce qu'il sentait que les partenaires n'étaient pas disposés à reconnaître son centre comme centre d'appui et que son centre avait peu de chances d'être accepté comme centre de guidance et de traitement (= compétence des communautés et des régions).

3.3. Les termes « guidance-traitement-thérapie » ne sont en aucun cas des concepts univoques, ainsi qu'en témoigne le texte ci-joint, lequel est issu du vademecum pénologique élaboré par une équipe interuniversitaire de la KULeuven et de l'Université de Liège, à la demande du ministre de la Justice.

Quoi qu'il en soit, en associant les deux termes « guidance ou traitement », le législateur (loi du 13 avril 1995) a voulu éviter toute confusion et éventuellement aussi toute tension entre disciplines et méthodes.

Dans la note du CRASC déposée auprès de la commission de la Justice du Sénat, il semblerait qu'il laisse sous-entendre qu'il existe une différence fondamentale entre la guidance et le traitement, laquelle n'est pas sans conséquences au niveau de la législation, des droits de l'homme et de la répartition des compétences. À la page 4 de la note précitée, un troisième concept, à savoir celui de « thérapie » est introduit, ce qui permet au directeur du CRASC de délimiter clairement la répartition des compétences entre la Justice et les communautés : l'aspect « guidance/traitement » recouvrirait des méthodes d'intervention dans un cadre contraignant, lesquelles auraient pour objectif la prévention de la récidive et s'appuyeraient sur des programmes d'apprentissage, tandis que la thérapie serait dispensée sur une base totalement volontaire et relèverait des services des communautés. Dans ce cas, la distinction dite fondamentale entre la guidance et le traitement (pages 3-4 de la note) est cependant remise en question.

En établissant la distinction « guidance/traitement et thérapie », la direction du CRASC souhaite en réalité faire de sa méthode d'intervention (cognitivo-behaviouriste), basée sur la thérapie de comportement, un pilier distinct de l'approche criminelle de l'abus sexuel. Elle relègue toutes les autres méthodes d'intervention thérapeutique au domaine des soins de santé, lesquels seraient uniquement dispensés sur une base volontaire et n'auraient plus rien à voir avec la prévention de la récidive.

Ce raisonnement est faux dans la mesure où la thérapie est bel et bien également envisageable à l'intérieur d'un cadre judiciaire et où la prévention de la récidive ne constitue pas un aspect particulier propre au secteur judiciaire, mais bien une finalité et une approche auxquelles le secteur des soins de santé est familiarisé depuis de nombreuses années. Le modèle de prévention de la récidive adopté dans le domaine de la délinquance sexuelle est d'ailleurs inspiré des modèles psychiatriques appliqués à l'égard des alcooliques et des toxicomanes.

3.4. Les accords de coopération n'optent pas pour un « modèle médical » au détriment d'un modèle dit criminologique, ils s'expriment surtout en faveur d'une politique à deux voies et de la coopération, en se basant sur le point de vue que le care and control constitue la meilleure forme de prévention contre la récidive. Les centres de santé spécialisés dans le bien-être et/ou les soins de santé mentale associés dans la coopération ne sont pas des « centres de santé mentale » au sens strictement médical du terme, ce qui s'applique également aux centres d'encadrement : l'ensemble des services travaillent avec une équipe multidisciplinaire (médecins ­ psychologues ­ sexologues ­ criminologues ­ pédagogues ­ travailleurs sociaux ...), ce qui fait d'ailleurs partie des conditions contenues dans l'accord de coopération. En outre, ces centres font chaque fois partie d'un réseau de services en proposant un large éventail de ressources d'aide et de services sociaux (6).

3.5. Le choix du ministre de la Justice de conclure un accord de coopération avec les communautés et les régions ne constitue dès lors pas un moyen d'échapper à ses responsabilités. Dans le cadre d'une coopération, chaque partenaire apporte ses compétences et ses moyens afin de poursuivre une finalité commune. En effet, outre les objectifs spécifiques de chacun des partenaires (pour la Justice : l'application de la loi, la défense sociale, la prévention de la récidive; pour le secteur du bien-être et de la santé : la stimulation de l'épanouissement personnel harmonieux), la protection de victimes potentielles fait partie d'une finalité et d'une responsabilité communes reconnues par un des partenaires.

De cette manière, on évite également le développement d'un circuit de guidance ou de traitement parallèle au sein de la Justice : du point de vue professionnel et déontologique, il est indiqué de confier la guidance et le traitement à des équipes spécialisées, qui détermineront la méthode appropriée en fonction de la nature de la problématique et conformément à l'expérience clinique reconnue et aux conceptions scientifiques en la matière (pluralisme méthodique et liberté thérapeutique).

Ce modèle de coopération permet dès lors d'utiliser les personnes et les moyens disponibles de manière optimale et d'établir une distinction claire entre les positions et les rôles.

3.6. Le modèle de coopération est qualifié de dangereux car des délinquants déclarés responsables sont renvoyés vers des centres de santé mentale en vue d'un encadrement ou d'un traitement, et aboutissent ainsi dans des « établissements de santé » où se retrouvent également des délinquants déclarés irresponsables.

Des concepts juridiques et des termes appartenant aux domaines des sciences humaines et des soins de santé mentale sont ici employés de manière confuse. La responsabilité ou l'irresponsabilité sont des catégories juridiques qui ne constituent pas un critère décisif pour la guidance ou le traitement.

Le fait qu'une personne fait l'objet d'une guidance ou d'un traitement chez un psychiatre ou dans un centre de santé mentale ne permet pas de la qualifier de malade mental. L'utilisation des services d'un centre de ce type au profit d'une personne dite « responsable » ne doit pas être considérée comme un « usage inapproprié de la psychiatrie ».

Les centres travaillent la plupart du temps avec des patients sur une base volontaire, mais n'excluent aucunement l'assistance dans un cadre (juridique) contraignant lorsque celle-ci est (pour le moins) acceptée et qu'elle s'avère nécessaire afin d'aider la personne à se comporter de manière (sociale et individuelle) plus satisfaisante.

Dans sa note déposée auprès de la commission de la Justice du Sénat, le directeur du CRASC évoque le risque lié au fait que le médecin-directeur des Marronniers, un établissement de défense sociale à Tournai qui relève de la compétence de la Région wallonne (soins de santé), est également président du Conseil d'Administration du centre d'encadrement wallon UPPL.

À ce jour, aucun effet néfaste n'a été constaté.

Le secteur de la guidance et du traitement des auteurs d'infractions à caractère sexuel recèle d'autres cas d'incompatibilité de fonctions moins heureux. Ils ne rentrent toutefois pas dans le champ d'application des accords de coopération.

3.7. L'accord de coopération présenterait des lacunes : aucune obligation d'enregistrement pour les centres, aucun service de garde, répartition géographique insuffisante,...

Les lacunes mentionnées sont toutefois assez dépourvues de nuances. La répartition géographique des centres de guidance et de traitement en Flandre et en Wallonie peut certainement être qualifiée de première étape assez satisfaisante. L'enregistrement révélera dans quelles régions l'offre et la demande ne sont pas équilibrées.

Le refus ou l'interruption d'une guidance fait l'objet d'une concertation entre les partenaires et la continuité nécessaire dans la guidance est garantie (article 10). La balance entre la surveillance/le contrôle d'une part, la guidance et le traitement d'autre part, évoluera dans un sens ou dans un autre, selon (l'évolution de) la personne et, au cas où la guidance aura atteint ses limites, la Justice devra prendre ses responsabilités.

Par ailleurs, les accords de coopération, qui sont peu à peu mis en pratique, sont évalués par les comités de guidance (article 12) afin d'en découvrir les qualités et les lacunes.

Chaque ministre devra, en fonction de sa compétence, prendre les mesures nécessaires afin de combler des lacunes éventuelles et, au besoin, d'adapter les accords.

3.8. Dans la note qui a été soumise aux membres, on déplore le fait que l'accord de coopération soit déjà mis en pratique et que les institutions démocratiques soient uniquement appelées à le ratifier.

Il convient ici de souligner que la coopération sur le terrain existait déjà bien avant la conclusion de cet accord formel et que même le recours à un engagement de moyens n'est en soi pas une nouveauté. Les accords visent cependant à formaliser, à systématiser et à structurer la coopération entre le secteur judiciaire et les services d'assistance, afin d'en généraliser les avantages et d'offrir un maximum de garanties à l'ensemble des partenaires.

II. En droit

3.9. Contradiction entre les accords et les droits de l'homme ?

­ La prétendue contradiction entre les accords et les droits de l'homme, invoquée par le directeur du CRASC repose sur les distinctions qu'il opère entre guidance, traitement et thérapie et sur les conclusions qu'il en tire.

Nous renvoyons donc aux arguments avancés ci-dessus.

­ Les accords de coopération mettraient sur le même pied des délinquants et des personnes contre lesquelles il n'y a pas de preuve de culpabilité et seraient par conséquent contraires aux droits de l'homme.

Il faut noter que les accords de coopération n'imposent en rien des obligations aux autorités judiciaires. Ils règlent uniquement les modalités de coopération entre les services qui dépendent de la Justice, les centres de santé spécialisés dans le bien-être et les centres de santé mentale sur le terrain, dans le cadre d'un accompagnement et d'un traitement qui est imposé par une autorité judiciaire sur base de l'une ou l'autre législation.

3.10. Non-conformité des accords par rapport aux dispositions constitutionnelles ?

­ Le CRASC rappelle la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme (arrêt Kopp contre la Suisse du 25 mars 1998).

D'un côté, il est toujours périlleux d'utiliser cette dernière en la sortant de son contexte (transposer un arrêt concernant la problématique des écoutes téléphoniques à celle du traitement et la guidance des auteurs d'infractions à caractère sexuel).

D'un autre côté, vu la sensibilité de la matière du traitement de délinquants sexuels, en quoi faudrait-il préférer un engagement entre des organismes spécialisés privés et l'État fédéral reposant sur un contrat plutôt qu'un engagement reposant sur un accord de coopération ayant force de loi et définissant concomitamment les missions de chacune des catégories de ces organismes privés ?

Est-il question de discrimination ?

Les listes des centres d'aide sociale et des centres de santé mentale qui sont repris dans les accords de coopération, ont été proposés au ministre de la Justice par les ministres compétents en matière d'aide sociale et de la Santé.

À l'élaboration de ces listes se rattache des négociations ayant trait au domaine d'application pour lequel chaque secteur a été interrogé quant à sa disponibilité à oeuvrer avec les délinquants sexuels dans le cadre de mesures judiciaires ainsi qu'à développer une expertise dans cette matière.

3.11. Inégalité des accords ?

La préparation de l'accord de coopération entre l'État fédéral et la Région de Bruxelles-Capitale est en phase finale et l'accord de coopération devrait être conclu à la fin du moins d'avril.

Les différences de libellé des accords entre le projet conclu avec la Région wallone et le projet concernant la Communauté flamande sont essentiellement rédactionnelles. La ratio legis et la structure de ces projets (et à terme du projet à conclure avec la Région de Bruxelles-Capitale) correspondent.

Ainsi, outre des remarques purement formelles, les différences principales entre l'accord conclu avec la Communauté flamande et l'accord conclu avec la Région wallone tiennent :

­ d'une part, au fait que les centres et institutions communautaires flamandes sont rattachés à la fois au département de la Santé (ministère flamand des Finances, du Budget et de la Santé) mais également au département de l'Aide sociale (ministère flamand de la Culture, de la Famille et de l'Aide sociale) alors que les institutions de la Région wallonne dépendent du seul ministère de la Santé (Action sociale, Logement et la Santé);

­ et, d'autre part, au fait que les équipes spécialisées engagées dans l'accord sont uniquement ambulatoires en Communauté flamande (cependant, on constate que dans la pratique, trois établissements psychiatriques traitent effectivement les délinquants sexuels) alors que la Région wallonne comptera deux équipes résidentielles en plus des neuf autres ambulatoires.

Dans l'élaboration d'un réseau de centres aptes à s'occuper d'auteurs de délits sexuels, il fallait forcément partir de la réalité propre à chaque région. En outre, il ne serait possible de faire droit aux observations du CRASC à ce sujet, qu'en ignorant la raison d'être d'un accord de coopération, à savoir un instrument d'échange et de coordination reposant sur « l'idée d'égalité des partenaires au sein de l'État fédéral »(7).

Par conséquent, dès le moment où les différentes collectivités politiques désirant coopérer se voient reconnaître cette égalité, comment l'une de celles-ci (en l'espèce, l'État fédéral) pourrait-elle exercer des pressions sur les autres (les entités fédérées) afin d'imposer une rédaction qui ne correspond pas à leur sensibilité propre ou une coordination qui ne respecte pas leur structure propre?

3.12. Les accords de coopération sont-ils illégaux

1) au regard de la loi sur la protection de la vie privée?

Il est vrai que les différents acteurs institués par les accords de coopération vont être amenés à traiter des données « judiciaires » à caractère personnel visées à l'article 8 de la loi privée. Il est également vrai, sur la base de l'article 8, § 1er , de la loi relative à la protection de la vie privée (dans sa version du 11 décembre 1998), que le traitement de telles données est interdit. Mais à la différence du régime de protection des données en vigueur sous l'égide de la loi du 8 décembre 1992, le régime actuel a intégré des exceptions à cette interdiction directement dans le texte de la loi et non pas dans un système d'arrêté royaux d'exécution.

Certes, l'exception antérieurement mentionnée à l'article 2, 2º, de l'arrêté royal nº 8 du 7 février 1995 n'a pas été reprise. Elle autorisait en effet des associations dotées de la personnalité juridique ou des établissements d'utilité publique, désignés nominativement par arrêté royal et agréés et subventionnés par les autorités publiques, à traiter des données « judiciaires » à caractère personnel lorsque leur objet statuaire principal concernait « l'évaluation, la guidance et le traitement des personnes dont le comportement sexuel peut être qualifié d'infraction ».

Actuellement, le régime d'exceptions dont peuvent se prévaloir les différents acteurs de la coopération, repose sur deux dérogations prévues à l'article 8, § 2, de la loi sur la protection de la vie privée :

­ à l'article 8, § 2, b) : le traitement est permis lorsqu'il est nécessaire à la réalisation de finalités fixées par ou en vertu d'une loi, d'un décret ou d'une ordonnance.

Or, en conséquence de l'assentiment des différentes assemblées, l'accord de coopération aura force de loi, de décret ou d'ordonnance;

­ à l'article 8, § 2, a) : le traitement autorisé sous le contrôle d'une autorité publique lorsque ce traitement est nécessaire à l'exercice de ses tâches.

Les équipes psychosociales spécialisées (rattachées aux établissements pénitentiaires) et, sans doute dans une moindre mesure, les assistants de justice (oeuvrant au sein des maisons de justice) rentrent dans le champ de cette exception.

On ne peut donc manifestement pas conclure à l'existence de dérogations « au bénéfice des centres visés dans les accords de coopération ».


Les projets d'accords de coopération ont été soumis à l'avis de la commission de protection de la vie privée lorsqu'était encore en vigueur la loi vie privée dans son régime du 8 décembre 1992. D'autres avis de la commission seront demandés dans le futur.

En effet, conformément à l'article 6, § 3, de la loi sur la protection de la vie privée, le traitement de données à caractère personnel concernant la vie sexuelle ­ également réputées « données sensibles » ­ n'est autorisé que s'il est effectué par une association dotée de la personnalité juridique ou un établissement d'utilité publique dont l'objet statutaire principal est l'évaluation, la guidance et le traitement de personnes dont le comportement sexuel peut être qualifié d'infraction et qui est agréé et subventionné par les autorités publiques compétentes en vue de la réalisation de cet objet statutaire. Or, cette autorisation est octroyée spécifiquement (cas par cas), par arrêté royal délibéré en Conseil des ministres et après avis de la Commission de la protection de la vie privée. Cette dernière aura donc, à près de vingt reprises, l'occasion de prendre une attitude sur le type d'autorisation et le type de traitement.

2. Dans le cadre de la loi du 5 mars 1998 relative à la libération conditionnelle

À ce propos, on renvoie à l'article 7, dernier alinéa, lequel prévoit une mission de rapportage ainsi qu'un droit d'information accordé à la personne ou au service qui assure une mission de guidance ou de traitement en cas d'interruption de la guidance/traitement ou de difficultés dans son exécution.

Dans les accords de coopération, les partenaires ont voulu spécifier le contenu du rapportage, précisément parce que ces accords concernent la guidance ou le traitement des délinquants sexuels (alors que la loi relative à la libération conditionnelle concerne tous les types de personnes libérées sous conditions à qui la commission impose une guidance ou un traitement). Les partenaires estimaient à l'unanimité qu'outre les aspects formels de la guidance/traitement (dates de rendez-vous, absences injustifiées, interruption), il convient également de mentionner des situations présentant un risque sérieux pour des tiers.

La loi relative à la libération conditionnelle n'est dès lors aucunement sapée, mais en ce qui concerne le rapportage, un pas supplémentaire a été accompli avec l'accord de toutes les parties.

En ce qui concerne à ce propos les divergences entre l'accord de coopération flamand et l'accord de coopération wallon :

­ la formulation néerlandaise plus explicite « situaties van acute sociale gevaarlijkheid met ernstig risico voor derden » équivaut en fait à une tautologie : toute situation comportant un risque grave pour des tiers représente a fortiori un danger social. Le concept de « dangerosité sociale » suscite cependant la réticence du partenaire wallon, ce qui explique la différence de terminologie utilisée sur ce point;

­ alors que les centres de guidance/traitement flamands s'avèrent disposés à faire part, dans leurs rapports, des efforts fournis par la personne concernée pour mettre les sessions de guidance utilement à profit, un même engagement n'a pu être obtenu de la part du partenaire wallon. Cela s'explique par la tradition psychanalytique du côté francophone.

La participation active de la personne à sa guidance/son traitement est ­ selon l'ensemble des experts ­ très significative.

Cette différence n'est cependant pas illégale, dans la mesure où les entités fédérées interviennent comme partenaires autonomes dans la conclusion d'accords de coopération.

3) Dans le cadre de la loi du 13 avril 1995 relative aux abus sexuels à l'égard de mineurs

La guidance ou le traitement confié(e) à un service spécialisé en matière de délinquance sexuelle peut effectivement être transféré(e) à un thérapeute individuel (art. 11).

On peut recourir à cette possibilité, qui veut tenir compte de l'opportunité de reprendre un éventuel traitement antérieur, uniquement moyennant une raison motivée, à condition que le thérapeute puisse justifier de la spécialisation nécessaire et moyennant un accord écrit de l'autorité compétente. En effet, les informations sensibles ne peuvent certainement pas être communiquées à « n'importe qui », et il va de soi que le thérapeute qui reprend la guidance est lié par les termes de l'accord de coopération.

4) Dans le cadre de la loi relative à la protection des personnes contre les malades mentaux

En ce qui concerne l'assimilation des centres de santé mentale avec des « centres de santé fonctionnant uniquement selon un modèle médical », et l'assimilation d'une personne en guidance auprès d'un centre de ce type avec un malade mental, nous renvoyons à l'argumentation ci-dessus.

En résumé

Le porte-parole du CRASC déclare que le principe des accords de coopération entre l'État fédéral et les communautés et régions est nécessaire pour pouvoir aborder la problématique de l'abus sexuel de manière globale et cohérente. Il estime cependant que les accords de coopération actuels contiennent une confusion inacceptable en ce qui concerne les compétences et les responsabilités, compromettant la déontologie propre au secteur médico-psycho-social ainsi que la relation de confiance thérapeutique. Il plaide enfin en faveur de son modèle théorique, selon lequel la prévention de la récidive de l'abus sexuel demeure une matière exclusivement judiciaire, et qu'il ne peut dès lors aucunement être question d'accords de coopération, dont il défend toutefois le principe. L'affirmation susmentionnée est incorrecte.

Les accords de coopération sont le fruit de plus de 2 années de négociations entre la Justice et les partenaires flamands et wallons, dans le cadre desquelles l'exercice des compétences et des responsabilités respectives en vue de la réalisation d'une finalité commune, fait l'objet d'accords soigneusement évalués, où le domaine de compétence propre à chacun a été respecté au maximum.

Moyennant approbation par les chambres législatives, l'accord obtiendra force de loi. La portée de cet accord est évidemment limitée au domaine spécifique auquel il se rapporte. L'accord de coopération ne vise dès lors pas à compléter ou à adapter une loi existante, mais constitue une réalité sui generis a sein d'un état fédéral.

IV. OBSERVATIONS DES MEMBRES

Un membre demande quelles sont les différences entre le centre d'appui flamand et le centre d'appui francophone.

Le ministre précise que rien ne distingue ces deux centres d'appui pour ce qui est des tâches qui leur sont assignées. La seule différence, c'est que le centre d'appui flamand travaille en principe pour les services établis en Communauté flamande et les services néerlandophones à Bruxelles, tandis que le centre d'appui wallon est destiné à la Communauté française (à l'exclusion de Bruxelles). Il y a une différence statutaire. L'UFC dépend de l'université d'Anvers et l'UUPL est une ASBL. L'UPPL n'a pas d'équipe thérapeutique et joue en fait un rôle d'interface entre les services thérapeutiques et les services de la Justice. L'UFC traite elle-même certains délinquants sexuels.

Un membre suppose, lorsqu'on parle de la Région de Bruxelles-Capitale, que l'on vise la COCOF, compétente en matière de santé depuis les accords de la Saint-Quentin.

Le ministre répond qu'en ce qui concerne les concertations avec Bruxelles-Capitale, ce sont la COCOF et la COCOM qui y participent. Six cabinets ministériels participent aux discussions. En effet, non seulement le secteur de la santé, mais aussi celui de l'aide sociale y sont impliqués.

Pour ce qui concerne les délinquants sexuels néerlandophones bruxellois, ils seront en principe orientés vers deux centres de santé mentale reconnus par la Communauté flamande. Ces deux centres sont engagés dans l'accord de coopération avec la Flandre et s'orientent vers le centre d'appui d'Anvers.

Cependant, les centres eux-mêmes se sont déclarés d'accord pour collaborer avec le centre d'appui qui sera organisé à Bruxelles.

Entre la COCOF et la COCOM, une sorte de convention de collaboration sera conclue. Ces deux institutions conclueront un accord de coopération avec la Justice.

La coopération avec les néerlandophones se fera plutôt sur une base informelle et volontaire. C'est un choix qui s'opère sur le terrain, et non un choix politique du ministre de la Santé de la Communauté flamande. Le but est de mener, sur le terrain, une politique cohérente à l'égard des francophones et des néerlandophones de Bruxelles.

Un membre se réjouit que des accords de coopération soient conclus entre les régions et les services fédéraux en la matière. Il se réjouit surtout de voir la complémentarité entre, d'une part, la politique pénale et, d'autre part, la politique de santé et d'aide aux personnes, qui relève de la compétence des communautés.

Le texte paraît aussi mettre un peu d'ordre dans l'ensemble des institutions et des compétences en matière de suivi et de guidance ou de traitement imposés à certaines personnes.

La conclusion d'accords de coopération et l'organisation à intervalles réguliers d'une concertation entre les communautés et les services fédéraux constituent en la matière une nécessité absolue, surtout si l'on veut pouvoir s'adapter en permanence aux besoins qui se manifestent à un moment donné dans la société.

L'intervenante appelle de ses voeux la signature d'accords de coopération similaires en matière d'aide spéciale à la jeunesse.

De son côté, un autre commissaire déplore qu'un accord n'ait pu être conclu en même temps avec les trois régions du pays.

Le ministre répète que cela n'a pas été possible, mais que l'accord avec la Région de Bruxelles-Capitale devrait être conclu prochainement.

V. VOTES

Les articles et l'ensemble des projets de loi ont été adoptés par 7 voix et 1 abstention.

Le présent rapport a été approuvé à l'unanimité des 9 membres présents.

La rapporteuse,
Nadia MERCHIERS.
Le président.
Roger LALLEMAND.

(1) Pretunik M., Les modèles de dangerosité : Analyse des lois et pratiques relatives aux délinquants dangereux dans divers pays. Ed. Solliciteur général du Canada. 1994, Kinzig J., Preventives Measures for Dangerous Recidivists. In European Journal of Crime, Criminal Law and Criminal Justice, sept. 98, Henham R., Protectives Sentences, Ethics Rights and Sentencing Policy. International Journal of Sociology of Law, 25, 1997. Hebenton B. and Thomas T. Sexual Offenders in the Community. Reflections ont Problems of Law, Community and Risk Management in the USA, England and Wales International Journal of the Sociology of Law, 24, 1997.

(2) Hanson K. and Bussière M., Les prédicteurs de la récidive chez les délinquants sexuels : une méta-analyse , 1996. Ed. Solliciteur général du Canada; Gendreau P. et coll., Les techniques efficaces de prévision de la récidive chez les délinquants adultes. 1996. Ed. Solliciteur général du Canada. Doren D., Predicting Recidivism, Moving Towards an Actuarial Process. ATSA Congress 1998; Hanson K. and Harris A. Les prédicteurs dynamiques de la récidive sexuelle , 1998, Ed. Solliciteur général du Canada. Boer D. et coll., Professionnal Guidelines for Assessing Risk of Sexual Violence .

(3) Traduction libre, Task Force Report on Sexually Dangerous Offenders , approved by the Board of Trustees, p. 113.

(4) Arrêt « Kopp contre Suisse » du 25 mars 1998. L'arrêt qui concernait des écoutes téléphoniques, interdit que la mise à exécution des actes d'intrusion dans la vie privée soit mise en oeuvre par un autre type d'organisme (PTT) que celui qui l'ordonne (Justice). Appliqué au cas des délinquants sexuels, cela signifie que ce sont les organismes du cadre justice qui doivent mettre en oeuvre les mesures de traitement adaptées à la prévention de la récidive en procédant aux recrutements en leur sein.

(5) Documents parlementaires, Chambre, session ordinaire, 1996-1997, nº 713/6, pp. 180 et suivantes.

(6) Tel est certainement le cas en Communauté flamande, où une politique intégrée de la santé et du bien-être se développe par le biais d'un accroissement du nombre de tâches confiées aux centres.

(7) Delpérée, F., Droit constitutionnel. Les données constitutionnelles , Larcier, 1987, t. I, nº 247, p. 451.