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8 JANVIER 1999
Les effets néfastes du tabagisme ne sont plus à démontrer. La commission des Affaires sociales du Sénat s'est longuement penchée sur cette problématique durant plusieurs mois au cours des années 1997 et 1998. Dans le cadre de ces travaux, un certain nombre d'auditions ont été organisées et je me permettrai de reprendre en partie certains arguments développés par M. Vander Steichel, directeur de l'OEuvre belge du cancer et porte-parole de la Coalition nationale contre le tabac.
Beaucoup de gens continuent à sous-estimer les effets du tabagisme sur le taux de mortalité. Pour donner une idée de ces effets, il suffit de reprendre l'image utilisée par le président de l'Organisation mondiale de la santé il y a quelques années. Rien que dans le monde industrialisé, le nombre de décès causé chaque jour par le tabagisme correspond au nombre de morts que provoquerait l'écrasement au sol, sans survivant, de dix-neuf jumbo jets. Il va de soi que l'autorité prendrait des mesures si une telle catastrophe devait réellement se produire.
Pour ce qui est des statistiques concrètes, il est établi que, dans le monde industrialisé, trois millions de personnes meurent chaque année (six par minute) des effets du tabagisme. Les extrapolations qui ont été réalisées démontrent que soixante millions de personnes auront perdu la vie à cause du tabagisme au cours de la période 1959-2000; quarante millions d'entre elles se situent dans la catégorie d'âge de 35 à 69 ans.
Cette donnée signifie également que, sur le plan individuel, l'espérance de vie des fumeurs est sensiblement inférieure à celle des non-fumeurs. L'écart serait de 22 ans pour les fumeurs de la tranche d'âge en question.
Les chiffres pour la Belgique mettent également en évidence que, dans la catégorie des 35 à 69 ans, presque tous les cancers du poumon chez les hommes sont provoqués par le tabagisme. Celui-ci est à l'origine de 56 % de tous les cancers et de 30 % des décès dus à des maladies cardio-vasculaires.
Pour ce qui concerne les risques du tabagisme pour les personnes autres que le fumeur lui-même, M. Vander Steichel note qu'ils peuvent être constatés dès la naissance d'un enfant.
Les nuisances que le tabagisme de la mère représente pour l'enfant sont connues : risque accru de fausse-couche, naissance prématurée, mort subite, infections pulmonaires, ...
Des études ont également fait apparaître que le tabagisme du père peut lui-aussi entraîner des conséquences graves pour l'enfant. Ainsi, une étude de l'Université de Birmingham montre que le risque de cancer pendant l'enfance augmente de 3%si le père est un fumeur léger. Ce chiffre passe à 31 % pour les fumeurs modérés et à 42 % pour les fumeurs lourds.
Même pour les adultes qui ne fument pas, mais qui sont souvent en compagnie de fumeurs, les risques de développer un cancer du poumon sont considérables; ceux-ci augmentent en effet de 25 %. Le nombre de décès dus au tabagisme passif se situe en Europe entre 1 000 et 4 000 par an.
Parmi les instruments jugés indispensables par les organisations antitabac pour réduire le tabagisme de manière efficace, il convient de citer celui qui consiste à limiter de manière significative le nombre de lieux où il est autorisé de fumer, tant dans l'intérêt des fumeurs, que dans celui des non-fumeurs.
L'objectif n'est certainement pas de déclarer la guerre aux fumeurs, mais de limiter, dans l'intérêt de la santé publique, les conséquences négatives graves qui sont liées à la consommation du tabac.
L'arrêté royal du 15 mai 1990 portant interdiction de fumer dans certains lieux publics répond à cet objectif de manière intéressante puisqu'il stipule qu'il est interdit de fumer dans les lieux fermés et accessibles au public qui font partie des établissements ou bâtiments dans lesquels :
1º des prestations sont fournies au public, moyennant paiement ou non, en ce compris les lieux ou des denrées alimentaires et/ou des boissons sont présentées à la consommation (des espaces clairement délimités peuvent être réservés aux fumeurs sous certaines conditions);
2º des malades ou des personnes âgées sont accueillis ou soignés;
3º des soins de santé préventifs ou curatifs sont dispensés;
4º des enfants ou des jeunes en âge scolaire sont accueillis, logés ou soignés;
5º l'enseignement et/ou la formation professionnelle sont dispensés;
6º des spectacles sont donnés;
7º des expositions sont organisées;
8º des sports sont pratiqués.
Dans le cadre d'une question orale adressée au ministre des transports en date du 15 janvier 1998, je souhaitais savoir si l'espace réservé aux fumeurs dans les nouvelles voitures de la SNCB était conforme à la législation. En effet, cet espace n'est pas séparé de manière nette de celui prévu pour les personnes qui ne fument pas, de sorte que les non-fumeurs sont contraints de supporter un tabagisme passif. Le fait de fumer dans ces voitures ne constituait-il pas une infraction à l'arrêté royal du 15 mai 1990 ?
Monsieur le ministre m'a alors précisé que le matériel roulant de la SNCB n'entrait pas dans le champ d'application de l'arrêté précité; il m'a également signifié que des dispositifs d'extraction de fumée et de ventilation équipant les nouvelles voitures assuraient aux voyageurs non-fumeurs une protection efficace contre le tabagisme passif.
De nombreux voyageurs ne partagent pas cet avis et je reçois régulièrement des plaintes à ce propos. J'ai constaté personnellement le bien fondé de leurs réclamations.
Pour ce qui concerne l'ancien matériel de la SNCB, si des compartiments bien distincts sont prévus pour séparer fumeurs et non-fumeurs, des problèmes subsistent cependant. En effet, les compartiments réservés aux non-fumeurs sont souvent fréquentés par des fumeurs ne supportant pas de voyager dans les compartiments enfumés qui leur sont pourtant réservés. En conclusion, les espaces « fumeurs » sont souvent sous occupés, alors que les autres débordent de voyageurs.
Constatons que, si le nombre de places « fumeurs » est très limité dans les deuxième classes, il représente parfois 40 % dans les premières classes.
Par ailleurs, il faut bien admettre que les « les non-fumeurs » sont incommodés du fait de :
passer de compartiments « non-fumeurs » à d'autres espaces « non-fumeurs » nécessite souvent de passer par des compartiments « fumeurs »;
l'ouverture conjuguée des portes intérieures avec les portes extérieures engendre un brassage général de l'air pollué dans tous les compartiments.
En outre, nous constatons que les contrôleurs sont contraints, dans l'exercice de leur fonction, de respirer chaque jour les fumées des nombreux voyageurs.
Il me semble aussi incohérent d'autoriser de fumer dans les voitures des chemins de fer alors que la loi interdit cette pratique dans les hals (généralement très grands) de nos gares.
La présente proposition de loi se fixe pour objectif d'interdire de fumer dans les trains des services intérieurs (1) afin de lutter contre les habitudes tabagiques et de préserver non seulement la santé, mais aussi le confort de tout un chacun.
Si cette disposition venait à être adoptée, il reste à souhaiter que les pays voisins prennent des mesures analogues sur leur territoire afin que les services internationaux soient soumis aux mêmes règles.
Francis POTY. |
Article premier
La présente loi règle une matière visée à l'article 78 de la Constitution.
Art. 2
Il est interdit de fumer du tabac, des produits à base de tabac ou des produits similaires dans les voitures des chemins de fer des services intérieurs belges (départ et arrivée sur le territoire du pays).
Art. 3
Au plus tard le premier jour d'entrée en vigueur de la loi, les gestionnaires des lieux où il est interdit de fumer selon les dispositions de la présente loi, apposeront dans ces lieux plusieurs signaux d'interdiction de fumer, de manière telle que toute personne présente puisse en prendre connaissance. Les cendriers seront mis hors service dans les trois mois qui suivent la date d'entrée en vigueur de la loi.
Art. 4
Les infractions aux dispositions de l'article 2 sont recherchées, poursuivies et punies conformément à la loi du 24 janvier 1977 relative à la protection de la santé des consommateurs en ce qui concerne les denrées alimentaires et les autres produits, modifiée par la loi du 22 mars 1989.
Art. 5
La présente loi entre en vigueur le premier jour du troisième mois qui suit celui de sa publication au Moniteur belge .
Francis POTY. Bea CANTILLON. Francy VAN DER WILDT. Philippe CHARLIER. Jean-Marie HAPPART. |
(1) départs et arrivées sur le territoire belge.