1-966/11

1-966/11

Sénat de Belgique

SESSION DE 1998-1999

14 JANVIER 1999


Projet de loi relative au contentieux en matière fiscale


Procédure d'évocation


Projet de loi relative à l'organisation judiciaire en matière fiscale


RAPPORT

FAIT AU NOM DE LA COMMISSION DES FINANCES ET DES AFFAIRES ÉCONOMIQUES PAR MM. COENE ET SANTKIN


SOMMAIRE


  1. Introduction des rapporteurs
  2. Auditions
    1. Exposé de J. F. Cats, président de l'Institut des réviseurs d'entreprises
    2. Exposé de MM. Deleenheer et Vanderstichelen, respectivement président et directeur général de l'Institut des experts-comptables
    3. Exposé de M. Thierry Afschrift, professeur à l'Université Libre de Bruxelles, avocat au barreau de Bruxelles, conseiller suppléant à la cour d'appel de Bruxelles
    4. Exposé de M. André Bailleux, avocat, professeur au Fucam (Mons) et chroniqueur fiscal de La Libre Belgique
    5. Exposé de M. Jan Van Dijck, rédacteur en chef de la revue fiscale « Le fiscologue » et chroniqueur fiscal de l'hebdomadaire « Trends/Tendances »
    6. Exposé de M. Victor Dauginet, avocat et professeur extraordinaire UIA
    7. Exposé de M. Jean-Pierre Bours, avocat, maître de conférences à l'Université de Liège et chargé de cours aux HEC Liège
    8. Exposé de M. François Izzi, expert comptable et président de la Ligue francophone du Syndicat national des contribuables asbl
    9. Exposé de maître Marc Dassesse, avocat, expert fiscal
    10. Audition du Conseil de l'Ordre du barreau de Bruxelles
  3. Discussion générale
  4. Discussion des amendements au projet de loi relative au contentieux en matière fiscale
  5. Discussion des articles du projet de loi relative à l'organisation judiciaire en matière fiscale
  6. Votes finals
    Annexes

I. INTRODUCTION DES RAPPORTEURS

Les deux projets de loi à l'examen ont accompli un périple long et difficile.

Ces deux projets qui ont été transmis au Sénat le 29 avril 1998 ont en effet été sévèrement critiqués par les milieux professionnels concernés.

La commission a donc jugé utile de leur consacrer une série d'auditions. Celles-ci ont eu lieu les 3, 4, 9 et 24 juin 1998.

À la suite de ces auditions, des sénateurs de l'opposition et de la majorité ont déposé une petite centaine d'amendements (cf. doc. Sénat, nºs 1-966/2 à 6 et nºs 1-967/2 à 6).

Le gouvernement n'est pas resté insensible aux sévères critiques dont les deux projets ont fait l'objet sur de nombreux points. Le nouveau ministre des Finances a donc annoncé, le 7 juillet 1998, en commission, que le gouvernement allait déposer lui aussi des amendements inspirés, d'une part, par les auditions organisées par la commission et, d'autre part, par l'arrêt nº 67/98 du 10 juin 1998 de la Cour d'abitrage (arrêt « R. Walgraffe »).

Les amendements du gouvernement, pour l'essentiel repris dans les documents nºs 966/7 (nouveau document) et 967/7 du Sénat, ont été déposés le 23 novembre 1998.

Vu leur caractère fondamentalement novateur, parce que le gouvernement a largement tenu compte, dans ceux-ci, des préoccupations qui avaient été exprimées au sein de la commission et devant elle par les personnes auditionnées, les sénateurs ont accepté de retirer la plupart des amendements qu'ils avaient déposés avant ceux du gouvernement. Par ailleurs, ils ont déposé des (sous-)amendements nouveaux (cf. doc. Sénat, nºs 1-966/8 et 9 et nºs 1-967/8 et 9) qui constituent pour l'essentiel une réaction aux amendements du gouvernement.


II. AUDITIONS

1. Exposé de J.F. Cats, président de l'Institut des réviseurs d'entreprises

Je voudrais d'abord vous remercier d'avoir bien voulu nous associer à vos travaux de réforme de la procédure contentieuse en matière fiscale. Pour l'essentiel, je me référerai aux déclarations des représentants de l'Institut des experts-comptables en me contentant de formuler quelques observations d'intérêt général.

Comme je le soulignerai dans un instant, le réviseur d'entreprises n'est pas appelé à intervenir en cette qualité dans les procédures fiscales contentieuses. Ma présence ici se justifie sans doute par le fait que, dans la préparation du projet de loi soumis à votre analyse, une discussion est intervenue sur le rôle et l'organisation des professions comptables en matière fiscale.

Elle peut également se justifier par la nécessité de préciser le rôle et les fonctions du commissaire-réviseur qui est d'attester l'image fidèle qui se dégage des comptes annuels, en ce compris les rubriques traduisant les obligations fiscales de l'entreprise. En effet, comme le soulignait la Commission des finances et du budget de la Chambre, le 15 avril dernier, on peut partir du constat que les éléments à contrôler sont à puiser dans la comptabilité de l'entreprise en général et plus particulièrement dans le compte de résultat : chiffre d'affaires, bénéfice, rémunérations, impôt sur le résultat, etc. Les comptes annuels sont annexés à la déclaration ISoc et sont ainsi directement en possession des agents chargés du contrôle.

J'évoquerai brièvement trois aspects particuliers :

­ l'organisation des professions comptables et fiscales;

­ le rôle du commissaire-réviseur face aux obligations fiscales de l'entreprise;

­ les relations entre comptabilité et fiscalité.

1. Organisation des professions comptables et fiscales

Le rapport de la Commission des finances et du budget de la Chambre fait état de la déclaration du ministre des Finances selon laquelle le Conseil des ministres a approuvé un projet de loi relatif aux professions comptables, dans le but de réglementer et de protéger les titres de conseil fiscal et de comptable fiscaliste agréé dans une perspective d'unification des Instituts des professions économiques et fiscales. Le ministre soulignait que ce projet laissait au contribuable une totale liberté de choix de son mandataire, sous réserve du monopole de plaidoirie que le Code judiciaire reconnaît aux avocats.

Le Conseil de l'Institut des réviseurs d'entreprises est d'avis que le projet de loi auquel se référait le ministre doit être considéré comme positif à plusieurs égards. Tout d'abord, il reconnaît que le conseil fiscal est une activité professionnelle traditionnelle des experts comptables et des comptables dans notre pays. Même si les avocats bénéficient du monopole de plaidoirie devant les cours et tribunaux de l'Ordre judiciaire, les entreprises et les particuliers confient le plus souvent la défense de leurs intérêts devant les administrations fiscales à des professionnels de la comptabilité. Il est utile que cette compétence soit reconnue par l'usage d'un titre professionnel protégé.

À cet égard, je voudrais appuyer l'observation de mes collègues experts comptables selon laquelle il faudrait que ce projet de loi soumis à votre examen permette au contribuable de se faire représenter au tribunal par un avocat, spécialiste de la procédure ou, en procédure écrite, par son expert comptable ou comptable. Il serait également utile de prévoir expressément que l'avocat peut décider de se faire assister devant le tribunal, par l'expert comptable ou le comptable de son client.

Par ailleurs, le Conseil de l'Institut des réviseurs d'entreprises défend l'idée d'un rapprochement entre cet institut et l'Institut des experts-comptables dans le meilleur délai possible. Dès 1985, le législateur a considéré que les experts comptables et les réviseurs d'entreprises devaient avoir une formation de niveau équivalent dans des domaines comptables, économiques, juridiques et financiers. C'est davantage par le coeur de leurs activités que ces professionnels se caractérisent. En particulier, la fonction principale et spécialisée du réviseur d'entreprises doit être la certification des informations comptables et financières dans un but d'intérêt général. Il nous paraît clair aujourd'hui que le rapprochement entre les professions d'expert comptable et de réviseur d'entreprises devra déboucher à terme sur le rapprochement des institutions. Les présidents des deux instituts ont signé en 1996 un protocole en ce sens. Nous veillerons à la bonne fin de cet engagement.

2. Rôle du commissaire-reviseur face aux obligations fiscales de l'entreprise

Conformément au droit des sociétés qui organise cette fonction, le commissaire-reviseur a pour mission de contrôler la situation financière de la société, ses comptes annuels et la régularité au regard du droit des sociétés et des statuts, des opérations à constater dans les comptes annuels. Cette définition de l'article 64 des lois coordonnées sur les sociétés commerciales fait apparaître clairement que le législateur n'a pas donné au commissaire-réviseur la responsabilité de contrôler la régularité des opérations de l'entreprise au regard du droit fiscal.

Toutefois, les comptes annuels ne peuvent donner une image fidèle du patrimoine ou des résultats de l'entreprise lorsque celle-ci n'a pas correctement traduit ses obligations fiscales dans les comptes. En particulier, si la dette fiscale a été sous-estimée, le passif de la société est sous-évalué et l'image donnée aux actionnaires et aux tiers par les comptes annuels ne peut être considérée comme fidèle. Il appartient dès lors au commissaire-reviseur de vérifier si l'entreprise a correctement évalué la charge de ses obligations fiscales.

Son objectif est de s'assurer que le lecteur des comptes annuels ne sera pas trompé par une présentation manifestement incorrecte des obligations fiscales de l'entreprise dans les comptes annuels. Pour effectuer ces vérifications, le commissaire-reviseur doit avoir une connaissance de base suffisante de la fiscalité mais il n'est pas prévu qu'il se spécialise dans cette matière. Il pourra, comme le prévoient les normes de révision de l'Institut des réviseurs d'entreprises, recourir aux travaux d'un spécialiste.

Dans le contexte actuel de la formation et de l'organisation des reviseurs d'entreprises, il paraît difficile, voire impossible, d'exiger de leur part un avis explicite sur le respect des obligations fiscales. Cet avis porterait sur l'interprétation de la loi fiscale, domaine dans lequel il n'est pas prévu qu'il acquière des compétences spécialisées.

Je tiens cependant à souligner que le Conseil de l'Institut des Réviseurs d'Entreprises adoptera cette semaine encore une recommandation relative aux fraudes et actes illégaux dont je me permets de citer brièvement un passage :

« Lorsque le reviseur arrive à la conclusion qu'un acte illégal s'est produit, qu'il a une influence significative sur les comptes annuels et qu'il n'a pas été correctement traité dans ces comptes annuels, il doit établir un rapport avec réserve ou émettre une opinion négative.

Lorsque l'irrégularité est identifiée, juridiquement établie et importante, le reviseur qui ne peut acquérir la conviction que les dirigeants de l'entreprise adopteront dans l'avenir une attitude respectueuse de la loi devra préférer présenter sa démission motivée dans le respect de l'article 64quinquies in fine , des lois coordonnées sur les sociétés commerciales. »

Cette approche devra s'appliquer à toute forme d'acte illégal, en ce compris ceux qui découlent d'une mauvaise application de la loi fiscale.

3. Relations entre comptabilité et fiscalité

Dans le troisième volet de cette intervention, je souhaiterais vous faire part d'une inquiétude sur l'évolution parallèle de la comptabilité et de la fiscalité.

Je rappelais en introduction l'extrait du rapport de la commission des Finances et du Budget de la Chambre selon lequel les éléments à contrôler sont à puiser dans la comptabilité de l'entreprise. Ceci est évidemment exact mais il ne faudrait pas en tirer des conclusions fausses.

La comptabilité n'est pas établie principalement dans le but de servir d'outil à la taxation des revenus. La comptabilité doit être avant toute chose un outil de gestion au service de la décision économique de l'entrepreneur et de ceux qui lui fournissent les moyens nécessaires à son entreprise. Dans notre pays, trop souvent, la comptabilité est influencée de façon déterminante par des considérations d'ordre fiscal. Plus récemment, le législateur a même considéré qu'il appartenait à l'administration de déterminer ce qui est économiquement justifié. Une telle évolution est regrettable car elle enlève à l'outil comptable une partie de l'objectivité à laquelle les différents utilisateurs des comptes annuels devraient avoir droit. De plus, dans le contexte européen, ceci gêne la comparabilité des états financiers et le développement de normes harmonisées.

La procédure contentieuse est susceptible d'accroître le risque de s'éloigner des principes généraux de l'image fidèle. Les aspects de pure procédure et l'approche exclusivement juridique de problèmes économiques risquent d'être privilégiés par les juridictions. Dès lors, je partage l'espoir du ministre des Finances, exprimé à la Chambre, que la procédure nouvelle n'alourdisse pas le contentieux judiciaire.

Il serait cependant dommage que le législateur poursuive cet objectif de dissuasion du recours aux tribunaux par des moyens extrêmes. Nous considérons comme telle la proposition selon laquelle le contrôleur est censé rejeter une réclamation par le simple écoulement du délai. L'état de droit est mieux servi par la motivation des décisions et par la rapidité des procédures contentieuses.

Discussion

1. Concernant l'organisation des professions comptables et fiscales, le président déclare que la Commission a déjà procédé à l'audition des professions concernées, notamment les réviseurs d'entreprise, les experts comptables, les comptables, ainsi que les conseils fiscaux, défenseurs de la création d'un quatrième institut professionnel.

Il y a environ sept ou huit mois, un texte de compromis a été proposé mais qui semble ne pas satisfaire toutes les professions en cause. Quel est le cheminement de ce dossier dans les mois à venir ?

Le représentant du ministre répond qu'effectivement un projet de loi a été élaboré sous l'égide du ministre des Classes moyennes et du ministre des Affaires économiques. Vu qu'il s'agit de la réglementation d'une profession libérale, il n'y a pas eu de présentation par le ministre des Finances pour ce projet. Le projet a été approuvé en première lecture au Conseil des ministres le 25 juillet 1997. Actuellement, il est examiné par le Conseil d'État.

On n'a jamais fait un lien direct entre l'actuel projet de réforme de la procédure fiscale et cet avant-projet, bien que les deux projets soient liés en termes de logique fonctionnelle. En effet, l'expert comptable, le comptable ou le conseil fiscal sont, dans la phase administrative, le plus souvent les mandataires du contribuable.

Un commissaire croît cependant que le ministre des Finances, sans être le ministre responsable de cette législation, est à l'origine du déclenchement du mouvement, soutenu quelque peu par l'association des conseils fiscaux qui souhaitent obtenir la reconnaissance officielle de leur profession, puisque le problème de la représentation du contribuable devant les différentes instances se pose actuellement en des termes nouveaux par rapport à la situation antérieure.

L'intervenant demande dans quel délai le Conseil d'État donnera son avis sur l'avant-projet de loi en question. Vu la dissolution du Parlement au cours du mois de mars 1999, il est temps que le Conseil rende son avis de sorte que le projet puisse encore être discuté au Parlement pendant la législature actuelle.

Le représentant du ministre admet qu'historiquement, le ministère des Finances est impliqué dans l'élaboration de cet avant-projet de loi, puisque le premier projet date effectivement de l'époque où M. Geens était ministre des Finances.

Jusqu'en 1995, l'idée était d'organiser la seule profession de conseil fiscal par une loi et sous l'égide du ministère des Finances. En 1995, l'on est arrivé à une autre conception, plus globale, en tenant compte des autres professionnels de la fiscalité et de la comptabilité, les notaires et avocats. La réglementation était alors conçue dans le cadre de la loi-cadre du 1er mars 1976 réglementant la protection du titre professionnel et l'exercice des professions intellectuelles prestataires de services (la loi Verhaegen), qui permet de réglementer une profession au niveau du ministère des Classes moyennes. Le problème est que cette procédure impliquait la création d'un quatrième institut avec un champ d'activité spécifique par rapport aux trois instituts existants.

Le dernier stade est l'élaboration d'un projet de loi, qui est actuellement soumis pour avis au Conseil d'État.

En ce qui concerne le délai dans lequel le Conseil d'État va se prononcer, le représentant du ministre explique que le Conseil d'État fixe lui-même son calendrier. En fait, ce dernier connaît trois délais : le délai de trois jours, le délai d'un mois et l'avis sans délai. Un avis dans les trois jours présente un grand inconvénient, notamment que l'avis n'est qu'un avis formel qui ne se prononce pas quand au fond du projet. La demande d'un avis dans le mois doit être justifiée. À partir du moment où les prémisses de l'actuel projet se trouvent dans les années 1970, il est difficile de prétendre qu'il y a actuellement une quelconque urgence. Toutefois, le représentant du ministre croit que l'on pourrait, par une nouvelle délibération du Conseil des ministres, invoquer l'urgence pour les motifs indiqués par le président et demander un délai d'un mois pour que le Conseil d'État finalise son avis.

Une commissaire ne croit pas que ceci soit une bonne idée. L'intervenante est convaincue que les ministres sont au courant du problème du délai.

Le représentant du ministre explique qu'il est plus difficile pour un ministre de provoquer une délibération du Conseil des ministres de sa propre initiative vis-à-vis d'un collège dont il attend une délibération. Le fait que la commission souhaite prendre connaissance du projet rapidement, aide le ministre dans sa démarche auprès du Conseil des ministres et du Conseil d'État.

Un commissaire se demande si, dans les circonstances actuelles, réglementer la profession de conseiller fiscal a encore un sens, puisque le projet de loi en discussion suit une autre piste qui rend cette réglementation superflue. En effet, il est clair que le monopole de plaidoirie est confié aux avocats. Chaque avocat est libre de se faire conseiller par n'importe qui. En fait, le projet de loi en discussion rend l'autre projet superflu.

L'intervenant souligne qu'il n'était d'ailleurs pas non plus partisan d'une réglementation complémentaire.

Selon le représentant du ministre la réponse est plus nuancée. Lors de la discussion du projet de loi relative au contentieux en matière fiscale à la Chambre, certains députés ont indiqué qu'il fallait faire une distinction entre la représentation et l'assistance. Il y a une ouverture de la part du ministre des Finances, appuyé par le ministre de la Justice, pour permettre une assistance.

L'idée des parlementaires est de dire que la connaissance du dossier d'un point de vue comptable relève des connaissances de l'expert comptable. Il est utile qu'il assiste l'avocat qui a plutôt une connaissance juridique et procédurale. Pour qu'il puisse effectivement prendre la parole à l'audience, il est souhaitable que la loi soit complétée au niveau de l'article 728 du Code judiciaire afin de permettre une assistance à côté de la représentation ou, si le contribuable comparaît en personne, qu'il puisse être assisté par l'expert comptable, sans qu'il y ait nécessairement un avocat. Le monopole de plaidoirie vaut tant que le contribuable ne comparaît pas en personne. Un amendement déposé par M. Olaerts allait dans ce sens. Le ministre a estimé qu'il s'agissait d'un amendement techniquement intéressant et il a laissé l'évaluation de cet amendement à la sagesse de la commission des Finances du Sénat.

2. Concernant le rôle du commissaire-reviseur face aux obligations fiscales de l'entreprise, un commissaire fait observer que, jusqu'à présent, les reviseurs qui devaient attester des comptes dans les circonstances visées par la nouvelle disposition, se comportaient comme un ver de terre qu'on découpait en morceaux et se tortillaient de toutes les façons pour émettre une certification sans dire qu'ils n'appréciaient pas la façon dont les comptes étaient tenus. Après l'entrée en vigueur du présent projet de loi, la situation sera très claire puisqu'une sanction est prévue et le réviseur ne peut plus se contenter de faire un exercice purement littéraire pour dissimuler le fait qu'il n'est pas d'accord. Il devra donc démissioner ou ne pas certifier.

M. Cats répond qu'il doit établir un rapport avec réserve ou émettre une opinion négative. Si, le cas échéant, il n'y a pas de correction, il doit remettre sa démission motivée.

M. Cats tient à attirer l'attention de la commission sur une modification importante intervenue dans la présentation du rapport du commissaire reviseur. Les rapports émis depuis 1998 sont largement clarifiés puisqu'ils sont actuellement conformes aux normes internationales de certification. Selon ces normes, le rapport comprend trois parties : la partie principale à savoir la certification, avec réserve ou sans réserve, ou l'abstention, et une partie complémentaire qui est la partie d'information, qui n'affecte pas la certification des comptes.

M. Olivier voit une différence entre deux aspects qui doivent être clairement distingués : la certification de l'image fidèle des comptes annuels et une « attestation » du respect de la législation que certains ont parfois recommandée.

Si un avis est donné sur les comptes annuels et sur l'image fidèle qui doit en résulter, il est possible que certaines interprétations de la loi, qui peuvent être controversées, ne donnent pas lieu à des réserves ou des observations de la part du commissaire reviseur. Son objectif n'est pas de dire si la loi a été bien ou mal interpretée, puisqu'il n'est pas spécialiste dans ce domaine.

Par contre, le reviseur devra faire des réserves dans l'hypothèse où un risque fiscal existe et peut être clairement identifié. Si ce risque fiscal n'est pas mentionné dans les comptes annuels, de sorte que le lecteur puisse éventuellement être induit en erreur, le reviseur devra effectivement faire des réserves.

Un membre demande si l'idée de la certification de la qualité de la comptabilité et du sérieux de la déclaration fiscale, qui provient du ministère des Finances, a été abondonnée.

Le représentant du ministre explique que l'idée de la certification fiscale n'est pas une demande émanant du ministère des Finances, mais a été introduite par un des ministres qui a présenté le projet de loi. La note introduite par l'IRE est très claire : l'on ne doit pas donner une certification fiscale sur l'application de la loi, mais quand le réviseur constate que la loi fiscale a manifestement été transgressée ou qu'il constate qu'il y a un problème qui n'est pas une simple question d'interprétation de la loi, mais bien de transgression de la loi ­ qu'elle soit d'ailleurs fiscale ou pénale ­, il doit alors formuler une observation. Celle-ci suppose du courage de la part du réviseur d'entreprise. Ce que l'IRE est en train de mettre en place correspondra exactement à ce souhait.

Une commissaire s'étonne des propos de M. Cats sur la formation des réviseurs d'entreprise et le fait qu'ils n'acquièrent pas des compétences spécialisées concernant les devoirs fiscaux des entreprises.

M. Cats explique que le stage de réviseur d'entreprise est un stage de trois ans après les études supérieures ou universitaires. Au cours de ce stage, une formation pratique importante est suivie d'examens.

Dans son exposé, M. Cats a voulu exprimer que le centre de l'activité d'un réviseur d'entreprise est la certification des informations économiques et financières des entreprises, ce qui ne requiert pas une spécialisation en matière fiscale, mais bien une formation de base importante en matière fiscale, et non une connaissance de spécialiste. En effet, nous ne pouvons pas envisager l'exercice de la profession de réviseur sans une bonne connaissance en matière de fiscalité pour l'exercice du contrôle.

Un membre estime que ceci n'empêche qu'à l'intérieur des deux instituts, il y aura cependant une spécialisation en matière fiscale pour certains membres des instituts.

M. Cats explique qu'à cet effet, l'Institut des réviseurs d'entreprise soutient le projet et les initiatives de l'Institut des experts comptables.

Un commissaire estime que les choses sont présentées d'une manière extrêmement formaliste.

Il est évident que si l'on évalue l'exactitude du mode d'enregistrement des opérations, cela implique aussi, automatiquement et sans la moindre restriction, l'observation correcte des réglementations fiscales. Dès lors, le réviseur d'entreprises vérifie donc évidemment si les lois fiscales ont été appliquées correctement ou non.

S'il peut éventuellement y avoir des opinions équivoques sur l'application de la législation fiscale, il faut au moins attirer l'attention sur ce point et le réviseur d'entreprises ne peut pas échapper à cette responsabilité.

En résumé, une certification des comptes couvre tous les aspects et toutes les composantes des comptes, ce qui n'exclut pas qu'un réviseur d'entreprises puisse ne pas avoir connaissance de tous les détails de la législation fiscale, mais il peut alors se faire assister par des experts qui ont, quant à eux, les connaissances nécessaires. Cela ne réduit donc en rien sa responsabilité en la matière.

Le représentant du ministre répond que l'on attend d'un réviseur une connaissance de l'impôt des sociétés, mais il n'est pas normal de requérir de la part d'un réviseur d'avoir une connaissance encyclopédique de la fiscalité, y compris dans des aspects qui sortent de sa pratique normale. Toutefois, il doit connaître les conséquences fiscales d'un acte ou d'une opération sur laquelle il a émis son avis.

Le réviseur n'est pas le contrôleur fiscal. Comme l'application de toute loi connaît une certaine marge, le contrôleur travaille dans les marges de la loi et essaye d'appliquer celle-ci au profit de l'État. Professionnellement un reviseur ou un expert comptable n'est pas un adjoint du contrôleur fiscal.

M. Olivier répond à la question d'un membre que le commissaire-réviseur n'a jamais accepté l'obligation de vérifier si les comptes annuels sont exacts ou non. La Commission européenne a, elle aussi, défendu ce point de vue dans un avis récent. Le commissaire-réviseur doit néanmoins se faire une idée de l'exactitude des comptes annuels, c'est-à-dire examiner si celui qui se fonde sur les comptes annuels pour prendre une décision économique ne risque pas d'être abusé dans sa décision.

Si un problème de marge d'interprétation se pose fiscalement, il est quasiment impossible, pour le réviseur, de déterminer si la loi est appliquée correctement ou non. Cela vaut d'ailleurs aussi en ce qui concerne la législation sur l'environnement et bon nombre d'autres législations qui sont également sanctionnées sur le plan pénal.

Un commissaire ajoute que, si la loi fiscale était une discipline de science exacte, on pourrait le demander du réviseur, mais il faut se rendre compte que la loi fiscale fait partie des sciences humaines et donc est une matière faillible. Avant que la Cour de Cassation se soit prononcée sur une interprétation qui en principe ne devrait plus changer, mais qui change tout de même parfois, toutes les interprétations sont possibles. Tant le réviseur d'entreprise que l'expert comptable sont parfaitement pardonnables s'ils acceptent une interprétation en faveur de l'entreprise, même si l'administration a une autre interprétation du même texte. À ce stade, le réviseur n'a pas de responsabilité et il est obligé de certifier des comptes qui reposent peut-être sur une interprétation qui sera démentie 5 ans plus tard par la Cour de Cassation.

Selon un membre, il est évident que lorsqu'un réviseur certifie un compte annuel, alors qu'il est parfaitement au courant d'un litige avec l'administration fiscale qui affecte sensiblement la rentabilité de l'entreprise en question, il ne peut pas se soustraire à ses responsabilités en prétendant que le problème ne relève pas de sa compétence. L'interprétation des résultats sera fonction de l'appréciation du litige existant avec l'administration fiscale. Si celui-ci ne doit pas être mentionné, l'intervenant se pose des questions sur la raison d'être des réviseurs d'entreprises.

Un autre commissaire estime que chaque réviseur d'entreprise doit agir conformément à sa conscience.

Le préopinant ne partage pas cet avis. Lorsqu'une profession déterminée a des privilèges, elle a aussi certaines obligations.

Dans une situation de fait, l'appréciation du réviseur n'a donc pas grand-chose à voir avec un jugement en honneur et conscience.

M. Olivier dit pouvoir se rallier au point de vue de l'intervenant. Il trouve lui aussi que lorsqu'un litige grave entre l'administration fiscale et l'entreprise risque de mettre en péril la situation financière de cette dernière, le commissaire-réviseur doit en faire état dans son rapport.

Il y a toutefois une grande différence entre une telle situation, qui peut influer sur la décision économique de l'utilisateur, et une déclaration selon laquelle toutes les obligations fiscales des entreprises ont été respectées correctement. Le principe de la matérialité est l'un des principes essentiels à appliquer lors du contrôle des comptes annuels.

3. Concernant les relations entre la comptabilité et la fiscalité et la proposition selon laquelle le directeur est censé rejeter une réclamation par le simple écoulement du délai, un commissaire estime qu'il ne faut pas non plus arriver au résultat selon lequel le directeur est censé accepter une réclamation par le simple écoulement du délai. L'un et l'autre ne se justifient pas du tout. Ce sont des solutions extrêmes qui résultent d'une mauvaise administration et qui ne sont pas acceptables.

Ensuite, l'intervenant fait observer que l'on peut faire une comptabilité distincte pour l'économie de l'entreprise et pour la fiscalité de l'entreprise.

Pendant toute une période, sur une créance bancaire on n'admettait l'amortissement dans la comptabilité de la banque que si le débiteur était littéralement en faillite. Le fait que des indices très clairs indiquaient qu'il était sur le point d'être en situation impossible pour rembourser sa dette, ne suffisait pas. Il est évident que la banque doit cependant se garder de confondre le refus de l'administration fiscale d'amortir cette créance avec un résultat positif. En d'autres termes, on ne peut pas distribuer des dividendes sur base d'une créance contestable qui est pratiquement perdue.

On doit faire deux comptabilités.

Le représentant du ministre partage pour l'essentiel ce point de vue sur l'existence de deux bilans, un bilan comptable et un bilan fiscal. Le problème en pratique est que le bilan fiscal est « occulte ».

Prenons les exemples suivants :

­ un rejet d'amortissement (l'administration estime que le bien doit être amorti en dix ans alors que comptablement, l'entreprise a pris comme durée d'utilisation cinq ans);

­ une sous-évaluation d'actif (exemple un nom, une marque qui « vaut » quelque chose et qu'une filiale reçoit de la maison-mère).

C'est par le biais de la déclaration à l'Isoc que le bilan comptable est corrigé et cette correction est apportée dans le résultat fiscal.

Pour l'actionnaire, cette situation fiscale est « inconnue » et ceci pose tout particulièrement problème lors du rachat d'une entreprise.

Selon M. Cats, ceci est tout le débat de la liaison de la comptabilité avec la fiscalité et les objectifs de la comptabilité. L'Institut des réviseurs d'entreprises pense que, bien que la comptabilité soit avant tout un outil de gestion qui doit servir la décision économique, il est un des outils de la taxation. L'Institut des réviseurs d'entreprises tente de défendre qu'il ne doit pas y avoir trop de divergences entre la comptabilité et la fiscalité, entre les dispositions comptables et fiscales.

M. Olivier ajoute qu'il faut bien reconnaître que dans la pratique quotidienne à laquelle les réviseurs sont confrontés dans les entreprises, certains aspects de la loi ont des aspects psychologiques considérables. Ainsi, lorsque le législateur a décidé de supprimer la déductibilité des réductions de valeurs sur participation, la position des commissaires réviseurs pour faire accepter aux entreprises de telles réductions de valeur, est devenue plus difficile.

Un point plus délicat qui peut parfois poser des problèmes techniques à l'existence de plusieurs bilans, est l'interprétation donnée parfois par l'administration en fonction des règles du droit fiscal au principe d'annualité de l'impôt. Pour certaines opérations comptables dans certains exercices, on ne peut pas en tirer les conséquences fiscales dans un autre exercice, ce qui pose des problèmes techniques considérables.


2. Exposé de MM. Deleenheer et Vanderstichelen, respectivement président et directeur général de l'Institut des experts-comptables

1. Information du contribuable

Ni la législation actuelle, ni le projet de réforme n'obligent l'Administration à répondre avant l'enrôlement au contribuable qui a fait valoir ses remarques à la suite d'une demande de renseignements, d'un avis de rectification ou d'imposition d'office.

L'information obligatoire du contribuable au stade de l'établissement de la cotisation serait de nature à diminuer le volume des réclamations. Pareille information relève du principe de bonne justice.

Constat

Aucune disposition légale n'oblige actuellement le fonctionnaire taxateur à répondre au contribuable qui a fait valoir ses remarques à la suite d'une demande de renseignements, d'un avis de rectification ou d'un avis d'imposition d'office.

Proposition

L'information obligatoire du contribuable au stade de l'établissement de la cotisation est de nature à diminuer le volume des réclamations.

Commentaires

Aucune disposition légale n'oblige actuellement le fonctionnaire taxateur à répondre au contribuable qui a fait valoir ses remarques à la suite d'une demande de renseignements, d'un avis de rectification ou d'imposition d'office, de telle manière qu'à la réception de son avertissement extrait de rôle, le contribuable n'est, en règle générale, pas en mesure de reconstituer la base imposable rectifiée.

Dans le cadre de l'égalité des droits et suivant le principe voulu par le législateur d'une bonne justice, il est indispensable que cette obligation d'information soit imposée au fonctionnaire taxateur. Ceci aurait pour effet, le cas échéant, d'éviter des réclamations pléthoriques en raison d'une insuffisance d'information du contribuable.

2. Griefs nouveaux au stade de la réclamation ­ CIR

Selon le projet de réforme, l'Administration peut compléter son dossier durant toute la procédure de réclamation alors que le contribuable ne dispose que d'un délai de 12 mois à partir de la réception de sa réclamation pour introduire des griefs nouveaux, ceci sans connaître les arguments éventuellement réunis ultérieurement par l'Administration.

Ce délai de 12 mois devrait être supprimé.

Constat

L'Administration peut compléter son dossier durant toute la procédure de réclamation alors que le contribuable ne dispose que d'un délai de 12 mois à partir de la réception de sa réclamation pour introduire des griefs nouveaux.

Proposition

Le contribuable doit pouvoir introduire des griefs nouveaux au-delà des 12 mois, mais le directeur doit pouvoir mettre fin à l'introduction de griefs « tardifs » et « intempestifs ».

Commentaires

Dans le cadre de la procédure encore en vigueur, le contribuable a le droit de compléter sa réclamation en présentant des griefs nouveaux formulés par écrit aussi longtemps que le directeur n'a pas rendu sa décision.

Telle qu'elle a été votée à la Chambre, la nouvelle procédure prévoit que le contribuable ne disposera plus que d'un délai de 12 mois, à partir de la réception de la réclamation pour introduire des griefs nouveaux, sans que ce délai puisse toutefois jamais être inférieur à trente jours à partir du moment où l'auteur de la demande a été entendu ou a pu consulter les pièces. L'Administration, par contre, n'est limitée par aucun délai pour compléter le dossier ouvert à la suite de la réclamation par des arguments ou de pièces nouvelles susceptibles d'être opposés au contribuable.

En toute équité juridique, le contribuable devrait également disposer d'un délai illimité, c'est-à-dire tant que la décision n'est pas rendue, pour compléter sa réclamation par des pièces ou arguments nouveaux.

Pour éviter que certains contribuables n'abusent de leur droit d'introduire des griefs nouveaux en les introduisant trop tardivement, il suffirait de permettre au directeur de fixer une dernière échéance pour l'introduction des griefs par le contribuable ou d'autoriser le directeur à ne pas devoir tenir compte des griefs nouveaux introduits dans les six mois qui précèdent sa décision.

3. Griefs nouveaux au stade du tribunal de 1 re instance ­ CIR

Le projet de réforme prévoit que le contribuable doit impérativement introduire ses griefs nouveaux dans l'acte introductif d'instance et justifier pourquoi il ne les a pas invoqués dans sa réclamation.

Cette limitation du droit de défense du contribuable devrait être supprimée.

Constat

Alors qu'il ne peut consulter l'état de son dossier complété par l'Administration au stade de la réclamation, le contribuable devrait impérativement introduire ses griefs nouveaux dans l'acte introductif d'instance et justifier pourquoi il ne les a pas invoqués dans sa réclamation.

Propositions

a) Le contribuable doit conserver le droit d'introduire des griefs nouveaux après l'acte introductif d'instance.

b) Le contribuable devrait pouvoir consulter l'ensemble du dossier dès décision du directeur et même avant l'acte introductif d'instance.

Commentaires

Au stade actuel du projet de loi, c'est uniquement dans l'acte introductif d'instance que le contribuable pourrait soumettre au juge des griefs qu'il n'a pas formulés dans sa réclamation, et pour autant qu'il justifie les raisons pour lesquelles il n'a pas invoqué ces griefs nouveaux au cours de la phase administrative.

En limitant pour le contribuable la possibilité d'introduire des griefs nouveaux au seul acte introductif d'instance, les auteurs du projet ont oublié que le directeur n'aura désormais plus aucun pouvoir juridictionnel et qu'il est dès lors souhaitable qu'au premier degré de juridiction (tribunal de première instance), une véritable procédure contradictoire soit mise en place. Il serait inacceptable de limiter ainsi le droit d'introduire ses griefs nouveaux.

4. Réclamation ­ Décision ­ CIR

a) Dans le projet de réforme, après 18 mois le directeur peut être mis en demeure de statuer; s'il ne s'exécute pas et motive cette absence de décision dans les six mois de la mise en demeure, la décision est censée être négative et peut faire l'objet d'un recours en justice; la décision est censée être positive si l'absence de décision n'est pas motivée. Les experts-comptables craignent que les motifs de non-décision soient aisés à invoquer et puissent provoquer de nombreux recours au Conseil d'État parallèlement aux recours devant les tribunaux de première instance.

b) Dans le projet de loi relatif à l'organisation judiciaire en matière fiscale, le dernier alinéa de l'article 1385 decies prévoit que si le directeur mis en demeure après 18 mois ne statue pas ou ne motive pas son absence de décision, l'imposition sera annulée. L'annulation d'une imposition pour violation d'une règle autre que la prescription permet à l'Administration de réimposer. Nous supposons qu'il s'agit d'une erreur de terminologie et que l'on a voulu dire « dégrevé ».

Rien ne justifie une absence de décision du directeur. L'Administration devrait être obligée de prendre une décision et ne pas être autorisée à se retrancher derrière une motivation d'absence de décision. Même si un délai complémentaire doit lui être octroyé, le directeur doit confirmer ou infirmer la taxation. Il s'agit d'un droit élémentaire pour le citoyen; l'Administration doit prendre ses responsabilités. Il serait trop facile de l'autoriser à ne pas décider en renvoyant le dossier à la justice.

Constat 1

Dans le projet de réforme, après 18 mois le directeur peut être mis en demeure de statuer; s'il ne s'exécute pas et motive cette absence de décision dans les six mois de la mise en demeure, la décision est censée être négative et peut faire l'objet d'un recours en justice; la décision est censée être positive si l'absence de décision n'est pas motivée. Les experts-comptables craignent que les motifs de non-décision soient aisés à invoquer et puissent provoquer de nombreux recours au Conseil d'État parallèlement aux recours devant les tribunaux de première instance.

Proposition

Rien ne justifie que le directeur s'abstienne de toute décision. L'Administration devrait être obligée de prendre une décision et ne pas être autorisée à se retrancher derrière une motivation d'absence de décision. Même si un délai complémentaire doit lui être octroyé, le directeur doit confirmer ou infirmer la taxation. Il s'agit d'un droit élémentaire pour le citoyen; l'Administration doit prendre ses responsabilités. Il serait trop facile de l'autoriser à ne pas décider en renvoyant le dossier à la justice.

La réclamation n'est plus un recours devant une juridiction, mais devient un filtre pour réduire le contentieux et offre au contribuable le droit de faire revoir la décision du fonctionnaire taxateur par l'un de ses collègues qui confirmera ou infirmera l'imposition c'est-à-dire qui vérifiera, par exemple, si son collègue a commis une erreur de fait ou d'interprétation. Elle permettra également un contrôle des fonctionnaires taxateurs par leurs supérieurs. Dans de nombreux cas, la procédure administrative permettra au contribuable (personne physique ou personne morale) d'éviter les coûts importants d'une procédure devant les tribunaux.

Constat 2

Dans le projet de loi relatif à l'organisation judiciaire en matière fiscale, le dernier alinéa de l'article 1385decies prévoit que si le directeur mis en demeure après 18 mois ne statue pas ou ne motive pas son absence de décision, l'imposition sera annulée. L'annulation d'une imposition pour violation d'une règle autre que la prescription permet à l'Administration de réimposer.

Proposition

Nous supposons qu'il s'agit d'une erreur de terminologie et que l'on a voulu parler d'imposition « dégrevée ».

Commentaires

Selon le projet actuel, si le directeur régional n'a pas rendu sa décision dans un délai de 18 mois, il est prévu que le contribuable puisse le mettre en demeure de statuer dans un dernier délai de six mois à compter de la date de la mise en demeure. En pratique, le directeur a trois possibilités :

a) Soit il statue dans les délais;

b) Soit, il ne statue pas dans les délais, mais il explique pourquoi il n'a pas pu rendre une décision motivée. Dans ce cas, la réclamation est présumée rejetée et le contribuable peut alors s'adresser au tribunal. Si l'Administration veut éviter l'annulation de l'imposition visée, il lui suffit donc de motiver l'absence de décision dans les délais;

c) Soit, il ne statue pas dans les délais et ne donne aucune explication à son absence de décision, auquel cas, la réclamation est présumée accueillie et l'imposition, en ce compris les additionnels, les accroissements et les amendes administratives, est annulée dans la mesure où elle était contestée.

La possibilité a) ne pose évidemment aucun problème.

La possibilité b) : plutôt que de permettre à l'Administration d'utiliser cette disposition, il nous paraît préférable, afin de mettre dans tous les cas le réclamant en possession d'une décision motivée, de permettre au directeur, pour de justes motifs à apprécier par son Administration, de solliciter un délai supplémentaire d'une durée maximale de 12 mois à l'issue duquel il serait tenu de rendre une décision motivée. Pendant ce délai prolongé, il va de soi que le contribuable devrait également disposer d'un délai raisonnable lui permettant d'introduire toute pièce ou grief nouveaux. Rien ne peut justifier une absence de décision de l'Administration. Il faut obliger l'Administration à prendre la responsabilité de confirmer ou d'infirmer l'imposition faite par le fonctionnaire taxateur.

Il serait trop aisé de l'autoriser à ne pas décider en renvoyant l'affaire en justice. Ajoutons que le renvoi de l'affaire en justice obligera de toute manière l'Administration à analyser le dossier en profondeur. Exigeons dès lors une décision.

La possibilité c) : l'annulation d'une imposition pour violation d'une règle autre que la prescription permet à l'Administration de réimposer (article 355 CIR 92). Nous supposons qu'il s'agit là d'une erreur de terminologie et qu'il faut lire « dégrevée » et non « annulée ».

5. Réclamation et suspension des intérêts de retard ­ CIR

La nouvelle règle est floue et particulièrement inéquitable si le contribuable, soit d'initiative, soit par omission, ne met pas le directeur en demeure de statuer dans un dernier délai de six mois.

Il serait préférable de rétablir les dispositions actuelles qui prévoient la suspension des intérêts de retard au-delà des dix-huit mois suivant l'introduction de la réclamation.

Constat

La nouvelle règle est floue et particulièrement inéquitable si le contribuable, soit d'initiative, soit par omission ne met pas le directeur en demeure de statuer dans un dernier délai de six mois.

Proposition

Il serait préférable de rétablir les dispositions actuelles qui prévoient la suspension des intérêts de retard au-delà des dix-huit mois suivant l'introduction de la réclamation pour ne pas dissuader le contribuable qui ne dispose pas de moyens financiers suffisants, de recourir à la procédure administrative de réclamation.

Commentaires

Dans son état actuel, le projet de loi relatif au contentieux en matière fiscale dispose qu'à défaut de notification de la décision dans les six mois de la mise en demeure, les intérêts de retard à l'égard de la partie de la cotisation contestée seraient suspendus pendant une période allant jusqu'au premier du mois qui suit celui au cours duquel le directeur des contributions aurait dû rendre au plus tard sa décision, consécutivement à la mise en demeure. À lire par ailleurs le texte en projet de l'article 414, § 2 du CIR 92, il n'est pas évident de savoir si les intérêts de retard sont suspendus à partir du 1er du mois suivant l'introduction de la réclamation ou le 1er du mois suivant la mise en demeure.

Il serait légitime de rétablir les dispositions actuelles qui prévoient la suspension des intérêts de retard pendant une période commençant le premier du mois qui suit celui de l'expiration du délai de dix-huit mois suivant l'introduction de la réclamation. Ce ne serait qu'à l'expiration de ce délai de dix-huit mois que les intérêts seraient suspendus, et ce pour toute la période que s'accordera le directeur pour statuer sur la réclamation.

Il convient ici d'être attentif au fait que si le contribuable, soit d'initiative soit par omission, ne met pas le directeur en demeure de statuer dans un dernier délai de six mois, ledit directeur dispose d'un délai illimité pour rendre sa décision.

Il est dès lors particulièrement équitable, notamment à l'égard du contribuable qui ne dispose pas de moyens financiers suffisants, de ne pas infliger au contribuable des intérêts de retard pendant la période excédant les dix-huit premiers mois de l'examen de la réclamation.

6. Amendes administratives ­ CIR et Code TVA

À une solution simple et peu coûteuse, la modération des pénalités par l'Administration au cours de la réclamation ou par le ministre des Finances en vertu de son droit de grâce, le projet de loi substitue le recours obligatoire devant les tribunaux.

Il faudrait maintenir le droit de grâce.

Constat

À une solution simple et peu coûteuse, la modération des pénalités par l'Administration ou par le ministre des Finances en vertu de son droit de grâce, le projet de loi substitue le recours obligatoire devant les tribunaux.

Proposition

Maintenir le droit de grâce.

Commentaires

Selon le projet voté à la Chambre, le texte du CIR disposera que les pénalités ne pourront plus être contestées que par la voie normale devant les tribunaux, de sorte que le pouvoir de grâce dont dispose actuellement le ministre des Finances disparaîtra.

Outre qu'il s'agit, en l'occurrence, de supprimer une disposition simple et peu coûteuse, de telles dispositions empêcheraient l'Administration d'accorder la remise des accroissements qui auraient été appliqués mal à propos ou avec une rigueur excessive par le fonctionnaire taxateur. À l'évidence, toute possibilité d'accord à l'amiable avec l'Administration se verrait ainsi exclue, ce qui, d'une manière certaine, alourdira le contentieux judiciaire. Dans ce cadre, les juges seraient strictement tenus d'appliquer les tarifs prévus par la loi, de sorte que toute forme de modération eu égard à la collaboration du contribuable au redressement de sa situation fiscale ne serait plus envisageable, ni en cours de réclamation, ni par application du droit de grâce du ministre des Finances.

7. Représentation du contribuable ­ CIR, Code TVA et Code judiciaire

Devant les tribunaux de première instance, l'Administration sera représentée par un fonctionnaire alors que le contribuable devra obligatoirement recourir à l'assistance d'un avocat.

Il faudrait permettre au contribuable de se faire représenter au tribunal par un avocat (spécialiste de la procédure) ou en procédure écrite par son expert-comptable ou comptable. L'avocat pourrait également décider de se faire assister devant le tribunal par l'expert-comptable ou comptable de son client.

Constat

Devant les tribunaux de première instance, l'Administration serait représentée par un fonctionnaire de la taxation alors que le contribuable devrait obligatoirement recourir à un avocat.

Proposition

Permettre au contribuable de se faire représenter au tribunal par un avocat (spécialiste de la procédure) ou en procédure écrite par son expert-comptable ou comptable. L'avocat pourrait également décider de se faire assister devant le tribunal par l'expert-comptable ou comptable de son client.

Commentaires

Sans vouloir faire obstacle aux dispositions de l'article 440 du Code judiciaire, il convient d'être attentif au fait que le juge fiscal sera généralement appelé à trancher le litige en présence d'un fonctionnaire dont les connaissances pointues en techniques fiscale et comptable ne sont plus à démontrer et d'un avocat, souvent plus au fait des règles de procédure, et sans doute peu au courant des subtilités qu'une pratique quotidienne des législations comptable et fiscale permet d'acquérir. À la réflexion, comment ne pas craindre qu'il puisse être impressionné par la technicité de l'argumentation administrative alors que le contribuable doit se faire représenter par un spécialiste de la procédure.

Puisque l'Administration ne doit pas nécessairement être représentée par un avocat, nous estimons que le contribuable, soucieux de ne pas alourdir les charges qu'il devra exposer en cours de procédure judiciaire, qui aurait choisi de se défendre sans le concours d'un avocat, doit pouvoir se faire assister par un expert-comptable ou un comptable agréé.

En pareil cas, il serait souhaitable de recourir à la procédure écrite prévue par l'article 755 du Code judiciaire, ce qui aurait pour effet d'éviter l'encombrement des prétoires.

Par ailleurs, l'avocat du contribuable pourrait décider de se faire assister devant le juge par l'expert-comptable ou comptable de son client.

8. Procédure et TVA ­ Code TVA

1. Alors que le but de la réforme est d'harmoniser la procédure relative aux différents impôts, pourquoi avoir conservé en impôt sur les revenus un titre exécutoire liminaire (le rôle inscrit au départ de la procédure, c-à-d avant toute réclamation) et en TVA un titre exécutoire final (la contrainte délivrée par un receveur à l'expiration de la procédure de réclamation) ?

Il eût été préférable d'harmoniser les procédures de réclamation en TVA et en impôts sur les revenus et de choisir les mêmes titres exécutoires.

2. Le projet de réforme prévoit que l'action en recouvrement de la TVA en faveur de l'Administration se prescrit par 3 ans. Ce délai de 3 ans pourra aisément être porté à 7 ans en faveur de l'Administration, beaucoup plus difficilement à 5 ans (l'Administration doit démontrer qu'il y a eu dol spécial).

Il est paradoxal de constater que le délai de 7 ans (un seul élément probant venu à la connaissance de l'Administration ­ article 81bis , § 1, alinéa 3, 3º) de prescription de l'action en recouvrement sera bien plus facile à obtenir que le délai de 5 ans pour lequel l'Administration devra démontrer le dol spécial (intention frauduleuse ou dessein de nuire ­ article 81bis , § 1er , alinéa 2).

3. Selon le projet, l'action en restitution de la TVA en faveur du contribuable se prescrira par 3 ans (au lieu de 5 ans actuellement). Ce délai ne pourra en aucun cas être prolongé.

Pour assurer la neutralité de la TVA telle que définie en droit communautaire, l'action en restitution de la T.V.A. en faveur du contribuable devrait être prescrite dans les mêmes délais (3 ans ­ 5 ans ­ 7 ans) que ceux appliqués en l'espèce pour l'action en recouvrement.

3bis . Les articles 81bis et 82bis en projet font courir des délais de recouvrement du remboursement à partir du moment où l'action en recouvrement des taxes exigibles ne peut pas encore être exercée pour une partie de ces taxes.

Les périodes concernées ne devraient courir qu'après l'année civile au cours de laquelle est née l'obligation d'acquitter la taxe, les intérêts et amendes fiscales.

4. La rectification d'une déclaration TVA ne donnera pas lieu à un enrôlement mais donnera lieu en fin de procédure à une contrainte (titre exécutoire final établi par le receveur) qui interrompra la prescription et fera courir un nouveau délai de 5 ans.

Actuellement, lorsque l'Administration craint que ce dernier délai n'expire, elle offre à l'assujetti la possibilité de renoncer au temps couru de la prescription sans obliger l'assujetti à devoir engager directement les frais d'une procédure judiciaire.

L'Administration entend-elle maintenir cette possibilité ?

5. Alors qu'en matière d'impôt sur les revenus, la procédure de réclamation (phase administrative) est définie par le CIR, le projet de réforme est muet quant à la procédure de réclamation en TVA au niveau administratif.

Dans le cadre de la réforme de l'Administration, la procédure administrative souple en vigueur actuellement sera-t-elle maintenue ? Nous savons que les contrôles TVA et contributions directes seront exercés conjointement. Qu'en sera-t-il du déroulement de la procédure administrative ? La procédure resterat-elle inchangée ? L'avis de régularisation (TVA) et l'avis de rectification (contributions directes) seront-ils adressés conjointement pour ne pas « induire » le contribuable en erreur ? La réclamation en TVA se fera-t-elle auprès du même directeur régional (compétent pour les deux impôts) ?

Pour la TVA, sera-til possible de délivrer la contrainte alors que le litige n'a pas encore été réglé en contribution directe ? Une harmonisation minimale et une information seraient à tout le moins souhaitable puisque rien n'est codifié en TVA.

Constat

1. Alors que le but de la réforme est d'harmoniser la procédure relative aux différents impôts, pourquoi avoir conservé en impôt sur les revenus un titre exécutoire liminaire (le rôle : inscription de la dette au départ de la procédure, c'est-à-dire avant toute réclamation) et en TVA un titre exécutoire final (la contrainte délivrée par un receveur à l'expiration de la procédure de réclamation) ?

2. Le projet de réforme prévoit que l'action en recouvrement de la TVA en faveur de l'administration se prescrit par trois ans mais ce délai de trois ans pourra aisément être porté à sept ans en faveur de l'administration, beaucoup plus difficilement à cinq ans (l'administration doit démontrer qu'il y a eu dol spécial).

3. Selon le projet, l'action en restitution de la TVA en faveur du contribuable se prescrira par trois ans (au lieu de cinq ans actuellement). Ce délai ne pourra en aucun cas être prolongé.

3bis . Les articles 81bis et 82bis en projet font courir des délais de restitution à partir d'un moment où l'action en recouvrement des taxes exigibles ne peut pas encore être exercée pour une partie de ces taxes.

4. La rectification d'une déclaration TVA ne donnera pas lieu à un enrôlement mais donnera lieu en fin de procédure à une contrainte (titre exécutoire final établi par le receveur) qui interrompra la prescription et fera courir un nouveau délai de cinq ans.

5. Alors qu'en matière d'impôt sur les revenus, la procédure de réclamation (phase administrative) est définie par le CIR, le projet de réforme est muet quant à la procédure de réclamation en TVA au niveau administratif.

Propositions et interrogations

1. Il eût été préférable d'harmoniser les procédures de réclamation en TVA et en impôts sur les revenus et de choisir les mêmes titres exécutoires.

2. Il est paradoxal de constater que le délai de sept ans (un seul élément probant venu à la connaissance de l'administration ­ article 81bis , § 1er , alinéa 3, 3º) de prescription de l'action en recouvrement sera bien plus facile à obtenir que le délai de cinq ans pour lequel l'administration devra démontrer le dol spécial (intention frauduleuse ou dessein de nuire ­ article 81bis , § 1er , alinéa 2).

3. Pour assurer la neutralité de la TVA telle que définie en droit communautaire, l'action en restitution de la TVA en faveur du contribuable devrait être prescrite dans les mêmes délais (trois ans ­ cinq ans ­ sept ans) que ceux appliqués en l'espèce pour l'action en recouvrement.

3bis . Les périodes concernées ne devraient courir qu'après l'année civile au cours de laquelle est née l'obligation d'acquitter la taxe, les intérêts et amendes fiscales.

4. La rectification d'une déclaration TVA ne donnera pas lieu à un enrôlement mais donnera lieu en fin de procédure à une contrainte (titre exécutoire final établi par le receveur) qui interrompra la prescription et fera courir un nouveau délai de cinq ans.

Actuellement, lorsque l'administration craint que ce dernier délai n'expire, elle offre à l'assujetti la possibilité de renoncer au temps couru de la prescription sans devoir engager directement les frais d'une procédure judiciaire.

L'administration entend-elle maintenir cette possibilité ?

5. Dans le cadre de la réforme de l'administration, la procédure administrative souple décrite ci-dessous et en vigueur actuellement sera-t-elle maintenue ? Nous savons que les contrôles TVA et contributions directes seront exercés conjointement. Qu'en sera-t-il du déroulement de la procédure administrative ? La procédure administrative en TVA restera-t-elle inchangée ? L'avis de régularisation (TVA) et l'avis de rectification (contributions directes) seront-ils adressés conjointement pour ne pas « induire » le contribuable en erreur ? La réclamation en TVA se ferat-elle auprès du même directeur régional (compétent pour les deux impôts) ? Pour la TVA, sera-t-il possible de délivrer la contrainte alors que le litige n'a pas encore été réglé en contribution directe ? Une harmonisation minimale et une information seraient à tout le moins souhaitables puisque rien n'est codifié en TVA.

Commentaires

Rappel de la procédure en vigueur actuellement

1. Procédure administrative (souple)

Le Code de TVA prévoit, en son article 66, une procédure de taxation d'office.

En l'absence de taxation d'office, l'assujetti qui fait l'objet d'un contrôle peut recevoir un avis de régularisation lorsque le contrôle n'est pas d'accord avec les éléments déclarés.

L'assujetti marque ou non son accord.

L'administration et l'assujetti s'échangent leurs arguments.

La procédure administrative est souple et non figée dans un code, ce qui a pour effet d'éviter de nombreux litiges en justice.

Voici les différents stades possibles dans le cadre de la procédure administrative :

­ le contrôleur de la TVA :

­ le directeur régional de la TVA qui peut être saisi soit par l'assujetti soit par le contrôleur (le directeur régional est aidé par un inspecteur du contentieux qui lui remet un rapport après avoir éventuellement entendu l'assujetti);

­ l'administration centrale de la TVA qui peut être saisie soit par l'assujetti soit par l'un des dix directeurs régionaux (notons que le contrôleur ne peut pas saisir directement l'administration centrale, celle-ci ne peut être saisie que par le directeur régional du contrôleur) (lorsque l'administration centrale est saisie par un assujetti, elle évoque le dossier via le directeur régional et ne prend pas directement contact avec le contrôleur);

­ le ministre des Finances (lorsque le ministre des Finances est saisi directement par un assujetti, il transmet en principe le dossier à l'administration centrale pour obtenir de celle-ci une proposition de décision. Le ministre est lié par cette proposition (aucune exemption et aucune exonération d'impôts ne peuvent avoir lieu que par le fait d'une loi).

2. Procédure judiciaire

Si à l'issue de cette procédure administrative, l'assujetti est d'accord avec la position de l'administration, il procède au paiement.

Si à l'issue de cette procédure administrative, il y a désaccord et non paiement, l'administration établit une contrainte notifiée par pli recommandé à la poste (article 85, § 1er du Code TVA) ou par exploit d'huissier de justice avec commandement de payer (article 85, § 3) (laquelle interrompt la prescription et fait courir un nouveau délai de cinq ans).

L'assujetti peut alors faire opposition à la contrainte devant le tribunal de première instance (tribunal civil).

La décision du tribunal de première instance peut être contestée devant la Cour d'appel.

L'ultime recours a lieu devant la Cour de cassation.

Projet de réforme

Le projet de réforme de la procédure fiscale ne modifie pas la souplesse laissée à la procédure administrative en matière TVA.

La réforme porte essentiellement sur les délais de forclusion et de prescription de l'action en recouvrement et de l'action en restitution :

­ l'action en recouvrement se prescrit en principe à l'expiration de la troisième année civile (précédemment 5 ans) qui suit celle durant laquelle la cause d'exigibilité est intervenue (article 81bis en projet);

* ces 3 ans deviennent 5 ans lorsqu'il y a eu intention frauduleuse ou dessein de nuire.

* ces 3 ans deviennent 7 ans :

­ lorsque des renseignements viennent de l'étranger;

­ lorsqu'une action judiciaire fait apparaître des omissions de déclaration ou des infractions en matière de déduction;

­ lorsque des éléments probants font apparaître une omission de déclaration ou des infractions en matière de déduction.

­ l'action en restitution en faveur du contribuable (article 82bis en projet) se prescrit par trois ans (au lieu de 5 ans actuellement).

Propositions et interrogations

1. Alors que le but de la réforme est d'harmoniser la procédure relative aux différents impôts, pourquoi avoir conservé en impôt sur les revenus un titre exécutoire liminaire (le rôle inscrit et l'extrait délivré au départ de la procédure, c'est-à-dire avant toute réclamation) et en TVA un titre exécutoire final (la contrainte délivrée par un receveur à l'expiration de la procédure de réclamation) ?

2. Article 81bis, § 1er , alinéa 3, 3º

Dès que des éléments probants viennent à la connaissance de l'administration, celle-ci disposera de 7 ans pour recouvrer la TVA sur des opérations non déclarées ou la TVA déduite par erreur (même de bonne foi !). Ceci revient à dire qu'en fait l'administration ne dispose pas de trois ans pour recouvrer mais bien de sept ans. Est-ce vraiment l'objectif de la réforme ?

Il est paradoxal de constater que dans certains cas le délai de sept ans laissé à l'administration pour exercer l'action en recouvrement sera bien plus facile à obtenir que le délai de cinq ans pour lequel l'administration devra démontrer le dol spécial (intention frauduleuse ou dessein de nuire ­ article 81bis , § 1er , alinéa 2).

3. Le projet de texte prévoit la possibilité pour l'administration d'agir en recouvrement dans des délais de trois, cinq ou sept ans selon le cas alors que la possibilité pour le contribuable d'agir en restitution (par le biais de sa déclaration en exerçant son droit à déduction ou par demande ou par action en justice) est en toute hypothèse fixé à maximum trois ans.

Grâce au mécanisme des déductions, la TVA frappe, en définitive, le prix final d'un bien ou d'un service d'une charge égale quel que soit le nombre des opérations qui précèdent la livraison au consommateur final. Le droit communautaire confère ainsi à la TVA sa neutralité : grâce au droit à déduction (ou à restitution), le circuit de production et de commercialisation peut se construire selon des impératifs purement économiques. À prix final égal, TVA égale, quelle que soit la longueur du circuit.

Ce principe de neutralité est respecté jusqu'à ce jour dans le Code de la TVA belge grâce au fait que le délai de l'action en recouvrement de l'administration (actuellement de cinq ans ­ article 81 du Code de la TVA) est le même que celui de l'action en restitution pour le contribuable (actuellement 5 ans ­ article 82 du Code TVA).

Ainsi si un supplément de TVA est recouvré par l'administration dans le délai de cinq ans, l'assujetti ayant droit à déduction peut toujours obtenir restitution (déduction) de la TVA dans ce même délai de cinq ans.

Deux exemples pour illustrer les effets du projet de réforme :

Exemple 1

Le 30 janvier 2000, un assujetti A vend à un assujetti B, ayant droit à déduction, un bien en appliquant erronément le taux de TVA de 6 % (au lieu de 21 %). Selon l'article 81bis du projet, si l'administration démontre qu'il y a dol spécial, elle peut réclamer le supplément de TVA (21 % moins 6 %) jusqu'au 31 décembre 2005 (expiration de la cinquième année qui suit l'année 2000 où est intervenue la cause d'exigibilité).

L'administration réclame ce supplément de TVA en 2005.

En application du principe de neutralité, B devrait pouvoir déduire la TVA complémentaire.

Malheureusement, l'action en restitution de B (et donc son droit à déduction) est éteinte depuis le 31 décembre 2004 (article 82bis en projet). La TVA sera économiquement perçue non seulement au stade final (consommation) mais également au stade A-B (distributeurs ou producteurs).

Exemple 2

Le 30 janvier 2000, un assujetti belge A vend des biens à B, assujetti allemand, qui revend à C, assujetti allemand. Supposons que C s'occupe du transport.

A croit (en toute bonne foi) pouvoir facturer sans TVA à B car les biens quittent la Belgique à destination d'un autre État membre de l'Union européenne (A croit effectuer une livraison intracommunautaire).

En 2008, le contrôleur de A remarque que C s'occupait du transport ce qui avait pour conséquence que A devait réclamer la TVA à B et c'est B qui effectuait une livraison intracommunautaire au départ de la Belgique.

B est solidairement responsable de la TVA qui ne lui a pas été réclamée par A.

La TVA sur l'opération A-B est bien due en Belgique et B avait le droit de récupérer (déduire) entièrement cette TVA. Malheureusement, l'action en restitution de B est éteinte depuis le 31 décembre 2004 (article 82bis en projet).

La TVA sera économiquement perçue non seulement au stade final (consommation) mais également au stade A-B (distributeurs ou producteurs).

3bis . L'article 81bis dont est proposée l'insertion dans le Code de la TVA fait courir, selon le cas, une période de trois, cinq ou sept années civiles après l'année durant laquelle est intervenue la cause d'exigibilité de la taxe, des intérêts et des amendes fiscales.

La disposition proposée fait courir cette période à partir d'un moment où l'action en recouvrement des taxes exigibles avant ce moment ne peut pas encore être exercée pour une partie de ces taxes. En effet, si les articles 17, 22, 24 et 25septies du Code de la TVA déterminent le moment où la taxe devient exigible, le délai dans lequel la taxe doit être acquittée au Trésor est, toutefois, déterminé par l'article 53, alinéa 1er , 4º, du même Code pour les livraisons de biens, les prestations de services, les importations de biens avec report de perception et les acquisitions intracommunautaires de biens effectuées par les assujettis ordinaires (c'est-à-dire les assujettis avec droit à déduction).

Voyez en ce qui concerne le fait générateur et l'exigibilité le « Nouveau Guide Pratique de la TVA 1997-1998 », Éditions Institut des Experts-Comptables, pages 79 à 82.

En vertu de l'article 18 de l'arrêté royal nº 1, ce délai expire le vingtième jour du mois qui suit la période à laquelle se rapporte la déclaration au dépôt de laquelle ces assujettis sont tenus.

Cette déclaration mentionne les opérations pour lesquelles la taxe est devenue exigible durant la période à laquelle elle se rapporte. L'action en recouvrement qui peut être entreprise à ce moment ne porte que sur le montant net que fait apparaître la déclaration périodique déposée par l'assujetti.

Ce montant à verser à l'État correspond au total des taxes qui sont devenues exigibles au cours de la période de déclaration considérée en vertu des articles 17, 22, 24 et 25septies du Code de la TVA, augmenté le cas échéant des régularisations que l'assujetti est tenu d'effectuer en faveur de l'État, et diminué du montant des déductions que l'assujetti est en droit d'opérer, ainsi que du montant des restitutions et des régularisations en sa faveur auxquelles il peut prétendre.

La période trois, cinq ou sept années civiles dont question à l'alinéa précédent devrait donc courir après l'année civile au cours de laquelle est née l'obligation d'acquitter la taxe, les intérêts et amendes fiscales.

À ce propos, l'attention est attirée sur les conclusions de l'avocat général M. Jean Mischo présentées le 19 mai 1998 dans l'affaire C-85/97, Société financière d'investissement SPRL (SFI) contre l'État belge (demande de décision préjudicielle formée par le tribunal de première instance de Liège). Les points 4 à 8 des conclusions précitées rencontrent la situation évoquée par le présent point. Doit être mise en exergue la dernière phrase du point nº 8 : « Cette absence de concordance entre ce qui est exigible et ce qui doit être versé interdit, à la fois sur le plan des concepts et sur celui de la procédure fiscale, que l'on confonde exigibilité et point de départ du délai de prescription. »

Il va de soi que si l'article 81bis est adapté selon la suggestion proposée ci-dessus, la même adaptation devrait être faite pour l'action en restitution prévue à l'article 82bis en projet.

4. La rectification d'une déclaration TVA ne donnera pas lieu à un enrôlement mais donnera lieu en fin de procédure à une contrainte (titre exécutoire final établi par le receveur) qui interrompra la prescription et fera courir un nouveau délai de cinq ans.

Actuellement, lorsque l'administration craint que ce dernier délai n'expire, elle offre à l'assujetti la possibilité de renoncer au temps couru de la prescription sans devoir engager directement les frais d'une procédure judiciaire.

L'administration entend-elle maintenir cette possibilité ?

5. Dans le cadre de la réforme de l'administration, la procédure administrative souple décrite ci-dessus et en vigueur actuellement sera-t-elle maintenue ? Nous savons que les contrôles TVA et contributions directes seront exercés conjointement. Qu'en sera-t-il du déroulement de la procédure administrative ? La procédure restera-t-elle inchangée ? L'avis de régularisation (TVA) et l'avis de rectification (contributions directes) seront-ils adressés conjointement pour ne pas « induire » le contribuable en erreur ? La réclamation en TVA se fera-t-elle auprès du même directeur régional (compétent pour les deux impôts) ?

Pour la TVA, sera-t-il possible de délivrer la contrainte alors que le litige n'a pas encore été réglé en contribution directe ?

Une harmonisation minimale et une information seraient à tout le moins souhaitable. Rien n'est codifié en la matière.

Discussion

1. Concernant l'information du contribuable, M. Vanderstichelen explique qu'il est très difficile pour un contribuable de vérifier si l'administration fiscale a tenu compte des montants de la déclaration. Prenons l'exemple des revenus immobiliers. À la déclaration des impôts des personnes physiques, le contribuable doit introduire non pas le revenu cadastral indexé, mais bien le revenu cadastral de base, non indexé. Sur la note de calcul, on ne voit alors pas le rapprochement direct entre le montant déclaré et le montant repris sur l'avertissement extrait de rôle.

Le représentant du ministre fait observer que l'idée est que l'administration devrait répondre aux observations formulées par le contribuable sur un avis de rectification. Effectivement, il n'y a pas de règle qui impose formellement, mais c'est un principe de bonne administration. La mise en place de cellules contentieuses devrait normalement avoir pour effet qu'à l'avenir une réponse soit donnée.

Cette obligation n'a pas été reprise dans la loi parce que tout non-respect d'une formalité est susceptible d'entraîner la nullité de la cotisation. En effet, une telle obligation risque d'entraîner le fait que l'on ne discute plus des griefs de droit ou de fait relatifs au supplément d'imposition, mais que l'on se concentre de nouveau sur un vice de forme qui oblige à recommencer la procédure de taxation.

Selon le représentant du ministre, le ministre des Finances a l'intention de prescrire, par circulaire administrative, une obligation de répondre au contribuable, mais ceci n'a pas été formalisé dans la loi pour les raisons ci-avant indiquées. Toutefois, un tel point de vue pourra être revu en fonction de l'expérience.

2. En ce qui concerne les griefs nouveaux au stade de la réclamation, le représentant du ministre ne voit pas de problème. Comme l'Institut des experts comptables propose que le directeur ne doive pas tenir compte des griefs nouveaux introduits les six derniers mois qui précèdent sa décision, cela revient en fait à soutenir que le contribuable ne dispose que de douze mois pour introduire ses griefs nouveaux.

M. Vanderstichelen répond que le représentant du ministre part de l'idée que le contribuable mettra son directeur en demeure, alors qu'il n'est pas obligé de le faire. S'il ne met pas son directeur en demeure, la procédure sera très longue.

Le représentant du ministre admet que la mise en demeure est effectivement facultative. Si celle-ci est rendue obligatoire, on pourrait brusquer les choses pendant que le contribuable et le directeur sont en train de négocier une solution. Le projet de loi ne donne pas un caractère automatique à la mise en demeure dans le but de garder une certaine souplesse et un certain équilibre. L'orateur souligne que le contribuable a toujours un mois à partir du moment où il a été entendu ou a consulté son dossier pour introduire des griefs nouveaux. Il y a quand même une souplesse.

3. Concernant les griefs nouveaux au stade du tribunal de première instance, le président demande quelle est la raison pour laquelle le contribuable devrait pouvoir consulter l'ensemble du dossier dès la décision du directeur. Nous sommes dans une société où on vise de plus en plus la transparence.

Le représentant du ministre estime qu'il faut faire une distinction entre les griefs de fait et les griefs de droit. Pour les griefs de droit, le texte légal ne prévoit aucune limitation dans le temps pour l'introduction des griefs nouveaux. Pour les griefs de fait, il y a une limitation, à savoir le premier acte introductif de l'instance, c'est à dire la requête contradictoire au niveau du tribunal de première instance. En effet, on veut que la consultation du dossier et la discussion sur les éléments de fait qui sont ceux qui intéressent principalement l'expert comptable aient lieu de manière obligatoire devant l'administration.

M. Vanderstichelen demande s'il est envisagé dans le texte que le contribuable puisse reconsulter l'ensemble de son dossier entre la décision du directeur et l'introduction en justice. Si un contribuable hésite à aller en justice et à exposer les frais d'une procédure judiciaire, peut-il aller revoir le dossier auparavant ?

Le représentant du ministre souligne qu'un contribuable a le droit de consulter son dossier devant le directeur des contributions. Le dossier doit être transmis au greffe du tribunal dès que la requête est introduite. Avant d'introduire la requête, le contribuable a toujours le droit de reconsulter le dossier de taxation sur base de la loi de 1994 sur la publicité des actes administratifs.

À la demande de M. Vanderstichelen, le représentant du ministre explique qu'aucun délai n'est prévu pour introduire une action devant le tribunal de première instance. Comme le directeur des contributions n'est plus saisi, le dossier retourne au contrôleur auquel le contribuable doit s'adresser pour pouvoir consulter le dossier.

4. En ce qui concerne les réclamations, le président fait observer que c'est un des points les plus controversés : la longueur du délai, le fait qu'il faut attendre 18 mois avant de pouvoir à son tour mettre l'administration en demeure de donner une réponse, la nature des motivations parce que l'administration sera tentée de répondre qu'elle n'a pas le temps (ou pas assez de fonctionnaires ou que le dossier est trop complexe ... qui sont des motivations valables de ne pas émettre d'avis). En d'autres termes, c'est un nid à procès sur lequel la commission doit se prononcer.

Selon le représentant du ministre, le problème invoqué par l'Institut des experts comptables du Conseil d'État ne peut pas se poser. La saisine d'une juridiction de l'ordre judiciaire rend incompétent le Conseil d'État. En plus, le nouvel article du Code judiciaire est rédigé de manière très large en parlant de « contestation relative à l'application des lois fiscales » de telle sorte que ce qui était actuellement de la compétence du Conseil d'État, lui échappera.

Le représentant du ministre cite l'exemple d'une contestation liée à une révision spéciale ou une révision extraordinaire du revenu cadastral, qui échappera dorénavant à la compétence du Conseil de l'État.

Un commissaire fait observer qu'un acte administratif qui ne sera pas conforme à la loi, peut toujours être invoqué devant le Conseil d'État.

M. Vanderstichelen fait ensuite observer que l'on n'est pas en phase juridictionnelle, mais encore en phase administrative.

Le représentant du ministre se réfère au texte de M. Deleenheer : « Les experts-comptables craignent que les motifs de non-décision soient aisés à invoquer et puissent provoquer de nombreux recours au Conseil d'État, parallèlement aux recours devant les tribunaux de première instance ». Ceci est impossible : on ne peut pas aller devant le Conseil d'État plutôt que d'introduire l'affaire devant le tribunal de première instance.

Un membre estime que si un contribuable a mis en demeure son contrôleur, il peut s'adresser au Conseil d'État pendant la période où il n'a pas introduit un recours devant le tribunal de première instance.

Si le contribuable estime qu'un article d'un arrêté royal n'est pas conforme à la loi, il peut déposer une requête en annulation devant le Conseil d'État.

Le représentant du ministre admet que cette thèse reste possible : le Conseil d'État a toujours le droit de vérifier si le règlement est conforme à la loi. Cette contestation a un autre objet.

Le préopinant fait observer que l'imposition peut être mise en cause si l'arrêté royal sur base duquel l'imposition est établie est annulé par le Conseil d'État.

Le représentant du ministre ajoute que l'arrêté attaqué devant le Conseil d'État disparaît de l'ordre juridique s'il est annulé.

Sur le point 4, B, il admet que le mot « annulé » doit être remplacé par le terme « dégrevé » pour éviter la possibilité de réenrôler en boucle comme le permet l'article 355. En cas de vice de forme, l'administration peut réimposer sans limitation du nombre successif de réenrôlements. Il vaut mieux essayer d'éviter d'alimenter l'article 355 par un nouveau moyen que serait le non-respect d'une obligation.

Un membre estime que l'administration ne peut se prévaloir de sa propre faute.

5. Concernant les réclamations et suspensions des intérêts de retard, le président demande si M. Vanderstichelen préfère l'automatisme à l'obligation de mettre en demeure. A-t-il le sentiment que le contribuable a peur de mettre en demeure son directeur des contributions ?

M. Vanderstichelen estime que le contribuable se trouve dans une position délicate. Certains contribuables ne le feront en tout cas pas. S'ils ne le font pas, ils ont intérêt à ne pas être pauvres. Seul le contribuable qui a de l'argent devant lui va pouvoir le faire. Les pauvres ne pourront pas courir le risque de laisser courir les intérêts.

Le président ajoute que l'État a l'éternité devant lui, le contribuable pas.

Selon le représentant du ministre, la suspension des intérêts de retard commence à courir à partir du premier jour du mois qui suit le mois au cours duquel le directeur des contributions directes a été mis en demeure de statuer et s'arrête au premier jour du mois qui suit celui-ci. Le délai maximum est de six mois, et peut être ramené à trois mois si le directeur statue.

D'autres formules plus intéressantes sont possibles, mais la formule choisie est en fait une forme de compromis qui a été adopté à l'occasion de la rédaction du projet.

Le système que propose l'Institut des experts comptables est plus automatique et présente certains avantages dans l'hypothèse où il n'y a pas de mise en demeure.

En ce qui concerne le « petit » contribuable, le représentant du ministre indique que celui-ci a la possibilité d'introduire une demande de remise ou de modération des intérêts de retard. C'est une décision directoriale, qui est le plus souvent introduite en même temps que la demande de remise ou de modération des amendes. De telles demandes sont fréquentes.

6. Concernant les amendes administratives, le représentant du ministre estime que le droit de grâce est maintenu à partir du moment où l'arrêté du régent du 18 mars 1831 n'est pas abrogé. Le ministre des Finances, ou son délégué, a toujours la possibilité de remettre ou de modérer les amendes.

L'arrêté du régent a été légalisé dans les 5 codes (TVA, droits de succession, d'enregistrement, timbres et taxes assimilées au timbre). Actuellement, le droit de grâce est supprimé dans ces 5 codes, mais il reste cependant en vigueur par l'arrêté du régent.

Le président estime que le fait que le droit de grâce a été abrogé dans les 5 codes, même s'il subsiste par l'arrêté du régent, montre quand même une certaine volonté de la part du législateur. En effet, beaucoup de sa portée pratique sera enlevée. En plus, le ministre n'aime pas l'appliquer.

Le représentant du ministre prend un ensemble tiré du Code de la route. Si un conducteur qui a commis une contravention au Code de la route accepte une amende transactionnelle après laquelle il n'y a plus moyen de porter le litige devant le tribunal de police, la seule issue pour obtenir une remise de l'amende est de demander au ministre de la Justice la grâce royale. En matière fiscale, c'est exactement la même chose, sauf que l'exercice du droit de grâce a été délégué par le Roi au ministre des Finances.

La discussion qui a eu lieu lors de la soumission du projet pour avis au Conseil d'État, avait pour but de déterminer la nature exacte de l'amende fiscale. L'amende fiscale peut revêtir deux caractéristiques, à savoir être une contrepartie financière pour l'État du fait du non-respect d'une formalité (on a encaissé trop tard ou difficilement un impôt) et être une pénalité qui sanctionne une contravention à la loi. Dans ce cas, il s'agit plutôt d'une amende pénale. Le Conseil d'État considère enfin que seule une instance de pleine juridiction a le droit de se prononcer sur l'amende en terme d'examen de sa légalité et de son opportunité.

7. À propos du septième point de l'exposé de M. Deleenheer, la représentation, le président demande si les frais d'avocat sont déductibles.

M. Deleenheer répond par l'affirmative.

Le représentant du ministre voit une erreur dans l'article du Code judiciaire concernant la représentation. Il est évident qu'un fonctionnaire ne représente pas le ministre des Finances ou l'État. Un fonctionnaire est un organe de l'État, pas son mandataire.

Comme le ministre l'a indiqué à la Chambre, l'assistance peut faire l'objet d'un amendement : cette assistance pourrait se faire en direct (la personne du contribuable) ou par représentation dans le cas de la représentation par un avocat (un mandat).

L'intervenant du ministre cite l'exemple d'une requête en matière fiscale portée devant le Conseil d'État où l'État belge comparaît en principe en la personne du ministre des Finances. Mais par un arrêté ministériel, il désigne les fonctionnaires du service juridique du département pour comparaître « à sa place ».

8. Concernant la procédure de la TVA, cinq observations ont été formulées.

La première observation concerne le titre exécutoire.

Le représentant du ministre admet qu'il est exact qu'en matière d'impôt sur les revenus, le titre exécutoire est formé avant le litige et, en matière de TVA, le titre est formé après l'examen de la situation fiscale.

Cette situation se complique encore plus à partir du moment où il n'y a pas deux procédures distinctes, mais bien trois. En fait, il y a trois groupes d'impôts : le premier, les contributions directes; le second la TVA, l'enregistrement, les successions, les taxes assimilées au timbre et les timbres et, le troisième, les douanes, les accises et les écotaxes.

Il existe autant de points communs entre les groupes douanes et accises et TVA qu'entre la TVA et les impôts sur les revenus. Le problème est que le contrôle ne se fait pas de la même façon. Il y a connexité entre le groupe TVA et le groupe contributions directes à partir du moment où il s'agit d'un contrôle dans l'entreprise sur base de la comptabilité. Par contre, dans le cas d'un contrôle à la frontière, par exemple à Zaventem ou à Anvers, on contrôle à la fois tout ce qui est douane et tout ce qui est TVA, vu qu'il s'agit de livraisons de biens qui peuvent être internes à l'Union européenne ou qui peuvent être de véritables exportations-importations.

Cette problématique fait l'objet d'un projet de loi actuellement soumis pour avis au Conseil d'État par lequel la procédure en matière de douane et accises est revue fondamentalement.

Concernant la deuxième observation, la prescription du délai de l'action en recouvrement de la TVA, le représentant du ministre n'est pas sûr qu'il est si facile, comme prétend l'Institut des experts-comptables, de porter le délai à sept ans. En plus, il ne faut pas oublier qu'il n'y a pas de pouvoir d'investigation dans les sept ans, mais seulement dans les cinq ans.

Pour porter le délai à sept ans, il faut un élément probant. Si cet élément probant arrive après les trois ans, vous n'avez plus de pouvoir d'investigation au niveau de l'entreprise.

M. Vanderstichelen répond que ce genre de choses va se produire très fréquemment en matière d'intra-communautaire.

Le représentant du ministre répond qu'il faudra qu'il y ait un échange d'information venant d'une administration étrangère.

M. Vanderstichelen rétorque que l'on a réglé tous les échanges entre les administrations des différents pays.

Le représentant du ministre conteste le fait que l'administration obtiendra facilement le délai de 7 ans, compte tenu de ce qu'on n'emploie pas le délai de 5 ans du fait qu'il n'y a pas de pouvoir d'investigation.

En ce qui concerne la troisième observation, l'action en restitution de la TVA en faveur du contribuable qui se prescrira par 3 ans (au lieu de 5 ans actuellement), un membre estime qu'il suffirait de mettre dans le Code que l'amende égale au montant ne peut pas se déduire. À ce moment, le résultat financier est exactement le même. Le souhait de M. Vanderstichelen est un peu formel.

M. Vanderstichelen explique que deux sommes vont être réclamées : l'amende et la TVA. Si on rectifie au niveau de l'amende, on ne paye qu'une seule fois.

Le représentant du ministre conteste l'analyse faite par M. Deleenheer et M. Vanderstichelen concernant les délais de recouvrement. Il y a une distinction entre, d'une part, le dies a quo (le point de départ de l'action de recouvrement) et, d'autre part, le dies ad quem (le point d'arrivée de l'action en recouvrement). Dans le premier article on dit que l'action en recouvrement naît du jour où l'action naît; en fait à partir du moment où non seulement le fait générateur a eu lieu, mais aussi ou le délai de paiement est expiré.

Exemple en matière de TVA : une opération a lieu au cours du mois de janvier et le délai de paiement expire au 20 février. L'action en recouvrement ne peut naître qu'à partir du 20 février et pas au cours du mois de janvier quand la livraison a eu lieu.

Le but de cet article est de calquer le point d'arrivée des délais entre la TVA et l'impôt sur les revenus. Afin d'y arriver, on travaille par année civile. Le même raisonnement vaut pour l'entrée en vigueur.

Il n'y a donc aucune erreur dans le texte déposé par le ministre des Finances.

M. Vanderstichelen explique qu'il a discuté avec les fonctionnaires de l'administration centrale de la TVA et que ceux-ci ne sont pas du même avis. Cela vaut la peine de soulever le problème.

Concernant la cinquième observation, l'organisation de la procédure de réclamation en matière de TVA, le représentant du ministre explique que, dans l'état actuel des choses et jusqu'à nouvel ordre le ministre prévoit que la procédure sera réglée par une circulaire, ce qui n'est peut-être pas la meilleure façon de faire.


3. Exposé de M. Thierry Afschrift, professeur à l'Université Libre de Bruxelles, avocat au barreau de Bruxelles, conseiller suppléant à la cour d'appel de Bruxelles

AVIS CRITIQUE SUR CERTAINS ASPECTS DES PROJETS DE RÉFORME DE LA PROCÉDURE FISCALE

I. Introduction

Le contribuable et l'administration fiscale sont confrontés, au stade contentieux, à un litige de nature très ordinaire : celui de la justification ou non de la demande de l'administration fiscale tendant au paiement d'un impôt ou d'un complément d'impôt, c'est-à-dire d'une somme d'argent.

Au stade préalable au contentieux, la circonstance qu'il s'agisse d'un impôt, et non d'une dette civile, a certaines conséquences : d'une part, le contribuable est tenu à des obligations que n'a pas un débiteur ordinaire [déclarer ses revenus, répondre à des questions ..., le tout sous la contrainte et sous peine de sanctions (1)], et d'autre part, en contrepartie, l'administration fiscale est tenue d'obligations supplémentaires, tenant à son rôle de service public (délai de prescription plus bref (2), respect du principe de bonne administration, principe de modération ...).

Ces particularités n'existent plus au niveau contentieux, où la seule question qui se pose est de savoir si la dette est due ou non.

Il n'y a pas de raison, à ce stade, de déroger aux règles de droit commun, qui régissent toutes les procédures judiciaires.

En tout cas, dès le moment où il a été décidé, conformément au choix laissé par la Constitution, de déclarer les tribunaux judiciaires comme compétents (3), il n'existe aucune particularité propre aux rapports entre les contribuables et les autorités fiscales, qui justifie qu'il soit dérogé aux règles normales de la procédure.

Le ministre des Finances a lui-même émis d'ailleurs cette opinion en commission de la Chambre, lors de la discussion des projets de réforme de la procédure fiscale contentieuse et de l'organisation judiciaire en matière fiscale qui feront l'objet du présent exposé.

En tout cas, il ne peut s'expliquer que le contribuable soit placé, dans un litige l'opposant à une administration publique, dans une situation moins favorable qu'il ne l'est lorsqu'il est en litige avec n'importe quel particulier, ou avec l'État lui-même agissant autrement que comme taxateur.

Il faut à cet égard relever que le contribuable se trouve déjà en situation d'infériorité; en effet, par comparaison aux autres procédures, alors qu'il est débiteur, il est tenu d'introduire lui-même l'action, en raison du privilège du préalable et du privilège de l'exécution d'office dont dispose l'administration en tant que puissance publique (4).

Cet énorme avantage procédural devrait être le seul si l'on ne veut pas créer une disproportion abusive entre les parties.

La présente étude a pour objet d'analyser les projets de loi relatifs au contentieux en matière fiscale ainsi qu'à l'organisation judiciaire en matière fiscale, tels qu'adoptés par la commission des finances et du budget (5) de la Chambre des représentants, le 9 avril 1998.

II. La Convention européenne des droits de l'homme et le droit fiscal

Une jurisprudence constante de la Cour de cassation belge considère que les règles de la convention européenne des droits de l'homme (et particulièrement son article 6) ne sont pas, comme telles, applicables en matière fiscale (6).

La doctrine a, souvent sévèrement, critiqué cette jurisprudence (7).

Une telle jurisprudence résulte en effet d'une interprétation erronée du terme « civil », comprise comme signifiant « de droit privé », et que l'on oppose donc à tort aux termes « droits politiques »(8).

Or, il résulte de l'analyse des travaux des comités de rédaction de la commission des droits de l'homme, que la volonté a toujours été d'accorder une portée large au terme « civil ».

La restriction apportée à l'article 6 semble tout à fait incompatible avec l'objet de cette disposition qui vise à protéger, de la manière la plus large, les individus contre les autorités étatiques (9).

Quoi qu'il en soit, compte tenu de cette jurisprudence, un code de procédure fiscale respectant les droits de la défense devrait commencer par édicter par voie législative les droits qui ne sont actuellement pas reconnus sur la base de la convention.

On suppose, à tout le moins, que l'intention du législateur n'est pas de s'opposer à ce que les contribuables, contrairement à tous les autres débiteurs éventuels d'une dette quelconque, aient le droit d'être jugés par un tribunal indépendant et impartial, dans le cadre de l'égalité des armes (10), au sens de l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme.

De plus, l'accès à la justice est une liberté publique en droit belge; elle est la contrepartie à l'interdiction de se faire justice à soi-même (11).

III. Recours administratif obligatoire

Les critiques contre la procédure actuelle de réclamation devant le Directeur régional des contributions portent sur l'absence d'impartialité de ce directeur, et sur la lenteur excessive des procédures, qui dépassent de très loin celle de l'arriéré judiciaire. Dans l'état actuel des pratiques administratives, il est fréquent qu'une décision soit rendue après cinq ou six années, le contribuable, contrairement à ce qui se passe devant les tribunaux, ne dispose d'aucun moyen de procédure efficace pour obliger le directeur à statuer.

Cette situation doit être comparée avec celle des pays voisins : soit la réclamation y est inconnue, soit elle y trouve sa vraie place de laisser un dernier délai aux supérieurs hiérarchiques d'un taxateur pour corriger une erreur de celui-ci. Elle implique des délais raisonnables (6 mois en France, 8 jours en Espagne) et des sanctions si le retard est excessif (procédure de déni de justice en Suisse).

Dans le système préconisé, on rend obligatoire le recours préalable à cette même réclamation, qui toutefois ne donnerait plus lieu à une décision de caractère juridictionnel (12).

Le texte adopté par la commission des finances et du budget de la Chambre des représentants, modifie, en effet, le code judiciaire en insérant un chapitre XXIV, contenant les articles 1385decies à 1385undecies.

Le texte adopté par la commission de l'article 1385undecies dispose que « contre l'administration fiscale, et dans les contestations visées à l'article 569, alinéa 1er , 32º, l'action n'est admise que si le demandeur a introduit préalablement le recours administratif organisé par ou en vertu de la loi et qu'il a été statué sur ce recours » (13).

Sur le plan pratique, la possibilité de recourir à une décision administrative pour annuler une cotisation peut se justifier par le fait que de nombreuses taxations justifient un nouveau débat, souvent sur le plan du fait, avec l'administration et peuvent donner lieu à des règlements amiables (14).

Le meilleur exemple en est la procédure actuellement existante en matière de TVA, où l'assujetti peut choisir, soit d'introduire directement son action devant le tribunal de première instance (opposition à contrainte), soit de déférer le litige au directeur de la TVA.

L'accès à la justice est totalement ouvert au contribuable, qui n'est soumis à aucune condition préalable de recours administratif. De plus, ni l'action judiciaire, ni les pouvoirs du juge ne sont limités par la conduite que le contribuable a pu avoir lorsqu'il discutait avec l'administration (15).

L'existence d'un « filtre administratif » évite à de nombreux contribuables de devoir recourir nécessairement à la procédure judiciaire et à un coût supplémentaire (16).

Cela ne permet toutefois pas d'expliquer que le projet de loi ait rendu ce recours obligatoire.

Il arrive en effet, relativement fréquemment, que, d'emblée, le contribuable sait que le directeur régional ne lui donnera pas gain de cause parce qu'il est lié par des directives administratives.

Ainsi, si un litige porte sur une question de droit, et si le réclamant ne partage pas l'avis exposé par l'administration fiscale dans des circulaires, il est certain que le directeur suivra ces circulaires et le recours à ce directeur, qui sera quand même suivi d'un recours devant le tribunal de première instance, correspond à une perte de temps pour les deux parties.

L'avis de la section de législation du Conseil d'État souligne à juste titre que « quant au contentieux des impôts directs, si l'on considère que la loi peut, en application de l'article 145 de la Constitution, en retirer la connaissance aux tribunaux civils, et qu'elle peut donc, tout en leur confiant ce contentieux, en aménager la procédure, encore faut-il que cette altération ne vienne pas blesser l'essentiel du droit à la juridiction (17). Il est notamment nécessaire pour cette raison que le tribunal, saisi de la contestation, ne se voie pas imposer une procédure telle qu'elle rompt l'égalité entre les parties au procès (18). »

Aussi, pour toutes les raisons exposées (19), il paraît essentiel (20) de laisser au contribuable le choix quant au recours direct aux tribunaux judiciaires, dans une optique de saine administration.

Concrètement, en rendant la réclamation obligatoire, on aboutit aux conséquences suivantes :

­ on prive de l'accès à la justice, les contribuables pendant des années, situation qui n'existe à propos d'aucun autre type de litiges;

­ on concourt à créer un arriéré colossal (une procédure administrative notoirement lente et deux degrés de juridiction) dans le contentieux; les revenus de l'an 2000 seront contrôlés en 2003, la réclamation sera tranchée en 2008 et les deux degrés de juridiction seront épuisés en 2014 ... s'il n'y a pas pourvoi en cassation;

­ on restitue de facto au directeur « juge et partie » les pouvoirs de premier juge qu'il a actuellement puisque pendant plusieurs années on ne pourra faire appel qu'à lui pour régler les litiges. En fait, à part créer deux degrés de juridiction judiciaire, on ne change plus rien de significatif à la situation actuelle;

­ on s'écarte, sans aucune raison, en matière fiscale, de la procédure normalement suivie en d'autres matières.

IV. Griefs nouveaux

Le projet devient particulièrement inadmissible du point de vue des droits de l'homme lorsqu'il prévoit qu'aucun moyen nouveau ne pourra être introduit dans le cadre de la procédure judiciaire, si ce n'est dans l'acte introductif d'instance.

L'article 1385undecies, alinéa 3, du Code judiciaire adopté par la commission de la chambre prévoit en effet que « dans l'acte introductif d'instance, le requérant peut également soumettre au juge des griefs qui n'ont pas été formulés dans son recours administratif. Toutefois, il doit justifier pourquoi ceux-ci n'ont pas été invoqués au cours de la procédure administrative. Hormis les griefs formulés dans son recours administratif ou dans l'acte introductif d'instance, le requérant ne peut formuler d'autres griefs que pour autant qu'ils invoquent une contravention à la loi ou une violation des formes de procédure prescrites à peine de nullité ou qu'ils aient trait à des sanctions administratives (21). »

Bien plus, avant même d'entamer la procédure judiciaire, la liberté de défense du contribuable est déjà entravée, puisque l'article 372 du CIR fixera, pour l'introduction de nouveaux griefs, un délai de 12 mois après la réception de la réclamation, ou de 30 jours après l'examen du dossier administratif.

Il faut savoir que les avis de rectification de la déclaration sont en général particulièrement peu motivés, et ne permettent pas au contribuable de se fixer une idée précise des motifs pour lesquels la taxation a lieu.

Au stade de la réclamation, le contribuable n'a qu'une possibilité, sur demande, d'obtenir communication du dossier (22). S'il est mal conseillé à ce stade, il peut omettre de faire cette demande (cette omission est très fréquente), et, au stade où il devra introduire un recours contre la décision du directeur, il n'aura donc eu aucun accès au dossier.

Même lorsqu'il aura eu accès au dossier au stade de la procédure devant le directeur, il ne connaîtra pas l'entièreté de celui-ci, notamment parce que les rapports des inspecteurs, qui peuvent être des pièces importantes, sont nécessairement postérieurs à la consultation du dossier par le contribuable.

Il est inadmissible, dans le cadre d'une procédure contradictoire, que les griefs émis contre une partie doivent l'être à un moment où cette partie ne connaît pas encore le dossier de l'adversaire.

En obligeant le contribuable à émettre des nouveaux griefs à un moment où il n'a pas encore la communication du dossier judiciaire de l'administration, on manque d'une manière particulièrement grave au caractère contradictoire des débats.

« L'élément fondamental du droit à un procès équitable est l'exigence que chacune des parties, c'est-à-dire tant le demandeur que le défendeur, dispose de possibilités suffisantes, équivalentes et adéquates, de prendre position sur les points de droit et de fait, et que l'une des parties ne soit pas défavorisée par rapport à l'autre » (23).

Ce principe a été qualifié par la jurisprudence de Strasbourg de « principe de l'égalité des armes » (24).

Le droit à un procès équitable, même si l'on considère que l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme n'est pas applicable, ne demeure pas moins un principe inhérent à tout système judiciaire démocratique, et devrait ainsi être assuré à tout contribuable belge.

La situation s'est même sérieusement aggravée par rapport à celle qui se présente actuellement, où, en degré d'appel, un délai de 60 jours est laissé au contribuable pour émettre des griefs nouveaux, parce qu'au moins pendant ce délai de 60 jours, il peut prendre connaissance du dossier complet de l'administration fiscale.

Le commentaire des articles du projet à la chambre croit expliquer cette restriction en exposant que « ce système perdrait cependant son sens si le contribuable pouvait adresser à l'administration un seul grief et soumettre ultérieurement d'autres griefs au pouvoir judiciaire. Cette possibilité doit, dès lors, être limitée conformément au système des « nouveaux griefs » pouvant être invoqués devant la cour d'appel après la décision du directeur, tel qu'il est applicable aujourd'hui de manière satisfaisante en matière de contributions directes (articles 377, deuxième alinéa, du CIR 92). Conformément à la jurisprudence en la matière, il ne sera dès lors pas possible de soumettre au juge des contestations de fait qui n'auraient pas été signalées à l'instance de recours administrative » (25).

La section de législation du Conseil d'État, a fortement critiqué cette restriction d'introduire des griefs nouveaux dans son avis sur le projet de loi.

Il faut relever que le texte de l'article 1385undecies soumis au Conseil d'État ne prévoyait pas la possibilité d'invoquer de nouveaux griefs dans l'acte introductif d'instance. Malgré cette circonstance, les critiques du Conseil d'État restent pleinement d'application.

Le principal reproche du Conseil d'État est que « la conséquence ultime est donc que le juge est ainsi privé du pouvoir qui est normalement le sien d'appliquer d'office à un litige fiscal toutes les lois qui le concernent même si elles sont d'ordre public. Comme l'a récemment rappelé la Cour de cassation dans son arrêt du 12 janvier 1996 (JT 1996, p. 260), « en soulevant d'office des griefs que le contribuable ne pouvait invoquer lui-même... et en annulant l'imposition sur cette base, la cour d'appel viole... l'article 377, alinéa 2, du CIR 92 » (26).

Le Conseil d'État expose également que, même si le nouvel article (tel qu'il lui a été soumis) reprend les termes de l'actuel article 377, alinéa 2, du CIR 92, sa portée est totalement différente. Cet article « produit un effet sur l'ampleur du litige, les droits du demandeur et les pouvoirs du juge, dès la première instance judiciaire.

C'est le droit même du contribuable de soumettre à un juge la contestation qui l'oppose à l'administration qui est, pour l'ensemble de la phase judiciaire et dès le départ de celle-ci, altéré par l'attitude que le contribuable a pu prendre lorsqu'il discutait avec l'administration pendant la phase purement administrative nécessairement préalable à toute instance judiciaire... Dans le projet, ce texte met en question le droit même à l'action judiciaire; il ne restreint pas seulement l'objet d'une voie de recours, il entame l'accès à la justice » (27).

La section de législation du Conseil d'État invoque également une rupture de l'égalité entre les parties au procès, et ce, dès la première instance. « Le tribunal peut, en effet, relever d'office tout ce qui est de nature à justifier l'imposition querellée car, en le faisant, il ne la conteste pas et n'élargit donc pas le débat; mais, en revanche, il ne peut pas soulever des griefs nouveaux que le contribuable ne pourrait soulever car, si le tribunal le faisait, il élargirait de sa propre initiative, par des contestations nouvelles, les limites de la saisine » (28).

Le Conseil d'État avait déjà insisté dans son avis du 28 septembre 1967, dans lequel il admettait que le système de juridiction en matière fiscale puisse n'avoir qu'un degré, sur la circonstance « qu'il importe de veiller à ce qu'il offre aux parties toutes les garanties de défense de leurs droits... Si, la Cour d'appel est compétente tant en premier qu'en dernier ressort, il faut notamment que les parties puissent déférer à sa juridiction l'ensemble du litige, sans être limitées dans leur action par la phase administrative qui l'a précédée » (29).

L'avis du Conseil d'État fait également état d'un arrêt de la Cour de justice des Communautés européennes, interrogée sur la question de savoir si l'article 75 du projet pouvait être appliqué par un juge belge (30).

La Cour de justice a répondu que « le droit communautaire s'oppose à l'application d'une règle de procédure nationale qui, dans les conditions telles que celles de la procédure en cause en l'espèce au principal, interdit au juge national, saisi dans le cadre de sa compétence, d'apprécier d'office la compatibilité d'un acte de droit interne avec une disposition de droit communautaire, lorsque cette dernière n'a pas été invoquée dans un certain délai par le justiciable ».

La Cour considère également que l'impossibilité pour les juridictions de soulever d'office de tels moyens, ne peut être raisonnablement justifié par des principes tels que celui de la sécurité juridique ou celui du bon déroulement de la procédure.

Les critiques soulevées par le Conseil d'État n'ont été suivies par le gouvernement et la Chambre, qu'en ce qui concerne les sanctions administratives en matière fiscale. Et ce, parce que celles-ci constituent pour la Cour européenne des droits de l'homme une peine assimilée à une sanction pénale sur l'opportunité de laquelle le juge doit conserver une appréciation de pleine juridiction (31).

« Par contre, le droit de s'adresser au juge en matière fiscale ne doit pas être à ce point étendu qu'il permette au juge de se saisir d'office de toute contestation d'ordre juridique ... qui pourrait lui être soumise. Le droit d'accès à un juge n'est en conséquence pas toujours un droit absolu; les limitations sont admises pour autant qu'elles n'atteignent pas l'essence même de ce droit. De même il n'est pas exigé en droit que toute personne se défende, il suffit qu'elle puisse se défendre » (32).

Ces arguments ne sont pas convainquants, dans la mesure où dans nombre de cas, le contribuable verra en réalité son droit d'introduire des griefs nouveaux réduit à néant.

De plus, il n'y a aucune raison, en matière fiscale, de déroger à la règle générale, valable dans tous les litiges tranchés par les tribunaux judiciaires, qui permet à toute partie d'invoquer de nouveaux moyens à tout moment de la procédure, tant qu'elle est encore en droit de déposer des conclusions, et ce même pour la première fois en degré d'appel. L'article 807 du Code judiciaire permet même aux parties de former des demandes nouvelles en degré d'appel, pourvu qu'elles soient fondées sur des faits invoqués dans l'acte introductif d'instance.

Il s'est agi là d'un des points positifs les plus importants de la réforme de la procédure civile en 1967. Quelle fantastique marche arrière, pour le contentieux fiscal, que de décider exactement l'inverse.

On voit mal ce qui justifierait qu'il en soit autrement sous prétexte que l'autre partie est l'administration fiscale.

Un déséquilibre particulièrement grave est ainsi créé, dans le cadre d'un débat judiciaire, entre les deux parties en présence. Ce déséquilibre est unique dans les pays civilisés. Tous les pays voisins, qu'ils aient choisi la voie de la procédure judiciaire ou celle de juridictions administratives, permettent sans limitation l'utilisation de moyens nouveaux à tous les stades de la procédure, à la seule exception de la Cour de cassation ou du Conseil d'État.

L'obligation faite au contribuable qui use du modeste droit d'introduire des griefs nouveaux dans l'acte introductif d'instance, d'encore justifier des motifs pour lesquels ceux-ci sont introduits « si tardivement », démontre, de la part des auteurs du projet, une volonté manifeste de porter atteinte aux droits de la défense : il n'y a aucune justification à demander à une partie pourquoi elle invoque un moyen plus tôt ou plus tard; le plus souvent, elle ne le fait plus tard que parce qu'elle a été mal conseillée au stade préalable.

Il faut d'ailleurs relever qu'au stade de la réclamation, le contribuable se défend souvent seul, ou fait appel à des conseillers non juristes, et qu'il est dès lors logique que, très souvent, des moyens de droit soient invoqués pour la première fois devant le tribunal de première instance, lorsque le contribuable aura fait appel à un avocat.

Il n'est pas respectueux des droits de la défense d'obliger une partie, qui n'a souvent pas connu la procédure préalable, et qui n'a le plus souvent pas pris connaissance du dossier de la contestation au stade de la réclamation, à émettre des griefs nouveaux avant qu'elle ait pu consulter le dossier.

D'une manière générale, la limitation du droit d'invoquer des griefs nouveaux revient simplement à augmenter le nombre de litiges dans lesquels l'administration aura gain de cause, simplement parce que des griefs auront été émis tardivement alors que ceux-ci auraient été fondés.

En d'autres termes, le projet de loi a pour effet, sinon pour but, de faire en sorte que l'administration ait gain de cause plus souvent qu'elle ne devrait l'avoir sur la base d'une simple application de la loi (33). Le projet, dans l'état où il se trouve, crée ainsi, sciemment, volontairement, au bénéfice du fisc des situations injustes où des contribuables se verront condamnés à payer des impôts qu'ils ne devaient pas, simplement parce qu'ils n'ont pas connu au bon moment le motif pour lequel il devait leur être reconnu gain de cause. C'est là l'exact contraire de la justice fiscale.

V. Droit à un jugement dans un délai raisonnable

La Convention européenne des droits de l'homme garantit également le droit à toute personne « d'être entendue dans un délai raisonnable » (article 6 CEDH) (34).

Du point de vue du droit à un jugement dans un délai raisonnable, la procédure ne paraît pas non plus organisée d'une manière adéquate.

La réclamation n'est en effet manifestement pas conçue comme une simple révision de la taxation, qui, dans le cadre d'un simple examen par le pouvoir hiérarchique, devrait pouvoir se faire à bref délai, soit dans deux ou trois mois.

La procédure fiscale est fortement modifiée, et alourdie, par les deux projets de loi adoptés à la Chambre des représentants.

L'article 4 du projet relatif à l'organisation judiciaire en matière fiscale, confère au tribunal de première instance une compétence supplémentaire, celle de connaître du recours introduit par un contribuable contre une décision du directeur régional en matière d'impôts directs (35).

L'article 8 du même projet prévoit que le directeur régional a 18 mois pour rendre sa décision sur la réclamation introduite par le contribuable. À ce terme, si aucune décision n'a été rendue, le contribuable peut mettre en demeure l'autorité administrative de rendre une décision. « Si, en dépit de la mise en demeure conformément à l'article 1385undecies , alinéa 2, l'autorité administrative s'abstient de statuer, elle motive cette absence de décision par lettre recommandée à la poste dans les six mois de la mise en demeure, faute de quoi le recours administratif est censé accueilli et l'imposition, en ce compris les additionnels, les accroissements et les amendes, sont annulés dans la mesure où elle était contestée. »

En allouant au directeur un délai de 18 mois, pouvant être prolongé de 6 mois après une mise en demeure, qui le plus souvent, ne sera pas introduite par le contribuable (par peur de représailles administratives) on réinstitue, sous une forme à peine différente, la procédure de la réclamation existante.

En d'autres termes, et sous réserve de la transformation purement formelle des pouvoirs du directeur, qui cessent d'être juridictionnels, on se borne à introduire, entre la décision du directeur et le recours en appel, une procédure supplémentaire devant le tribunal de première instance.

La longueur des procédures fiscales est déjà particulièrement importante, en raison des délais excessifs donnés, en l'absence de toute procédure formelle organisée, au traitement des réclamations par les directeurs régionaux. L'adjonction d'une instance judiciaire supplémentaire, le tribunal de première instance, risque encore de retarder sensiblement l'issue de ces procédures.

Plusieurs amendements avaient pour objet de réduire les délais accordés au directeur (36).

Ces amendements relèvent en effet qu'« une telle formule, outre qu'elle multiplie les démarches de procédure, n'est pas de nature à limiter le volume du contentieux judiciaire, l'administration n'étant pas encouragée à statuer dans les délais prévus. Elle rompt l'égalité qu'on prétend par ailleurs instaurer entre l'administration et le contribuable. On remarquera de surcroît que le projet est contraire à ce qui est communément admis en matière fiscale, à savoir qu'en l'absence de décision, celle-ci est censée positive (37) ».

De même, « il s'indique, eu égard à la sécurité juridique, de réduire les délais et de rendre la décision obligatoire, faute de quoi la procédure administrative de réclamation peut s'avérer inutile, vexatoire et/ou arbitraire (38) ».

Le droit d'accès aux tribunaux est retardé d'une manière démesurée par l'obligation d'introduire un recours administratif.

De plus, les délais alloués à l'organe chargé de trancher ces recours administratifs sont manifestement excessifs, et les sanctions du non-respect de ce délai ont le tort de se retourner contre le contribuable, qui, en introduisant une mise en demeure, n'obtiendra, à l'expiration d'un délai de 6 mois, qu'un rejet implicite de sa réclamation, sauf si l'autorité administrative ne prend pas la peine de motiver cette absence de décision. Dans ce dernier cas, cette ultime abstention profitera au contribuable qui verra son recours administratif accueilli et l'imposition contestée annulée.

La faute commise par l'administration en ne tranchant pas un litige dans un délai d'au moins deux ans, entraînera donc une sanction pour le contribuable, ce qui est un nouvel indice de la partialité systématique des auteurs du projet.

Thierry AFSCHRIFT (39)


NOTE RELATIVE À LA REPRÉSENTATION DES PARTIES EN JUSTICE

I. RAISON D'ÊTRE DU MONOPOLE DE REPRÉSENTATION EN JUSTICE DES AVOCATS

La loi actuelle, applicable à tous les domaines, prévoit une double règle :

­ sauf exception rarissime, toute personne a toujours le droit de se défendre elle-même en justice;

­ sauf de très rares exceptions, si elle décide de ne pas se défendre elle-même, elle ne peut être défendue que par un avocat.

Cette règle prévoit donc davantage qu'un simple « monopole de la plaidoirie », mais un monopole s'étendant à toute la représentation en justice, et ce pour les avocats.

Il ne s'agit pas là d'un privilège réservé aux avocats. Une tendance croissante va, dans l'ensemble des professions, vers un système d'accès à la profession, ne permettant l'exercice d'activités qu'à des personnes reconnues comme bénéficiant de la formation et de l'expérience requises pour exercer une activité au bénéfice de tiers.

Ainsi, non seulement les notaires, mais aussi, dans le domaine des professions intellectuelles, les réviseurs d'entreprises, les experts comptables, les comptables, bénéficient en vertu de la loi de certains monopoles. Ceci se justifie dans l'intérêt de leurs clients, parce que ces professionnels ont incontestablement les qualités requises pour exercer des activités, d'ordre comptable, pour lesquelles ce monopole est reconnu, et parce que leurs activités sont régies par une déontologie et surveillées par des organes disciplinaires créés par la loi.

Dans d'autres professions, moins organisées, des monopoles sont aussi organisés, au profit, par exemple, des restaurateurs, des coiffeurs, ou de certains spécialistes du bâtiment.

Les avocats ne sont donc nullement favorisés lorsque, pour une partie de leurs activités, celle qui consiste à représenter les personnes en justice, la loi leur attribue l'exclusivité de la représentation de leurs clients.

Si les avocats ont été choisis à cet effet, comme représentants exclusifs en justice, c'est parce qu'ils offrent à leurs clients et à la justice en général trois types de garanties :

­ ce sont toujours, nécessairement, des docteurs ou des licenciés en droit; or, les débats devant les cours et tribunaux portent sur l'application de la loi à des cas d'espèce; la moindre des exigences que l'on puisse avoir à l'égard des personnes qui s'adressent aux juges pour défendre leurs clients est qu'ils aient une connaissance du droit;

­ la formation juridique des avocats est complétée par un stage, organisé par la loi, leur donnant, d'une part, une formation pratique, sous l'autorité de patrons expérimentés, à la défense des personnes en justice, et d'autre part, des cours de formation judiciaire, qui viennent compléter l'enseignement donné à cet égard à l'université;

­ ils travaillent dans le cadre de règles déontologiques éprouvées, forgées avec compétence et sérieux au cours des siècles, et qui comportent notamment des règles précises quant à la loyauté, envers le client, envers l'adversaire et envers les cours et tribunaux, qui doit présider au débat judiciaire.

Ces trois caractéristiques ont valu aux avocats d'être qualifiés par le Code judiciaire d'auxiliaires de la justice. Par leurs activités, ils aident en effet non seulement le justiciable à se défendre, mais ils apportent un concours important à la justice elle-même, parce que, parmi les arguments des parties, ils n'exposent au juge que ceux qu'ils considèrent comme pertinents, le font d'une manière intelligible, dans le cadre de règles de procédure qu'ils connaissent, et apportent ainsi un élément essentiel permettant d'abréger les débats, et donc d'accélérer le cours de la justice, tout en en améliorant la qualité.

Il faut constater qu'aucune autre profession ne réunit ces qualités, propres à l'exercice de la défense en justice. Il n'est requis d'aucune des professions comptables, en particulier, d'être nécessairement des licenciés en droit, et donc d'avoir les connaissances juridiques nécessaires pour défendre quelqu'un dans un débat judiciaire, portant sur l'application de règles de droit. Si ces professions organisent, fort méritoirement, un stage portant sur les activités relevant de leurs compétences, celui-ci n'a évidemment rien à voir avec la représentation des parties en justice. Et si elles disposent elles aussi de règles déontologiques tout à fait estimables, celles-ci ne portent en rien sur le comportement des parties dans une procédure en justice.

II. Y A-T-IL DES RAISONS DE DÉROGER À CETTE RÈGLE EN MATIÈRE FISCALE ?

Les litiges fiscaux n'ont, en soi, rien de différent par rapport aux autres, quant à leur nature. Ainsi que je l'ai exposé par ailleurs, ils se résument toujours à la question de savoir si c'est ou non conformément à la loi qu'une partie, en l'occurrence l'administration fiscale, réclame le paiement d'une somme d'argent, à une autre partie.

C'est dans la loi fiscale, c'est-à-dire dans une partie du droit, qu'il faut trouver la solution à ces litiges, et il est dès lors indispensable que, comme d'ailleurs les juges, les personnes représentant les parties soient nécessairement des juristes.

C'est à tort qu'on viendrait invoquer une particulière technicité du droit fiscal, qui justifierait que des non-juristes aient accès aux tribunaux. Si le droit fiscal est complexe, il n'en demeure pas moins une branche du droit, et la jurisprudence a eu de nombreuses occasions de constater qu'en réalité le droit fiscal s'appuie sur de nombreuses autres branches du droit, dont les notions sont utilisées par la loi fiscale, ou auxquelles le juge est amené à se référer dans le cadre d'un litige fiscal.

Est-il concevable de traiter certains problèmes d'impôts des sociétés, sans connaître au préalable les règles régissant le droit des sociétés ? Peut-on exposer sérieusement les caractéristiques d'un droit d'emphytéose, contrat abondamment utilisé pour des raisons fiscales, sans connaître le régime des droits réels, et la loi de 1824 régissant en particulier le contrat d'emphytéose ? Dans un simple litige portant sur la déduction de rentes alimentaires, est-il possible d'intervenir efficacement si l'on ne sait pas quelles sont les parties pour lesquelles le droit civil prévoit des obligations alimentaires, alors que la loi fiscale se borne à se référer au droit civil en la matière ?

Les règles de droit fiscal elles-mêmes font l'objet d'interprétations, suivant des règles qui régissent l'ensemble du droit, et qui ne s'apprennent que dans une faculté de droit.

Il faut ici encore constater que les avocats, et eux seuls, disposent de la formation juridique nécessaire, non seulement quant aux règles de procédure applicables, mais quant aux règles de fond : pour défendre quelqu'un dans un litige fiscal, il faut connaître le droit fiscal, et on ne peut connaître le droit fiscal que si l'on a étudié le droit dans son ensemble.

Sans doute, dans certains litiges, il pourra apparaître que la compréhension d'écritures comptables passées par une société, serait utile à la solution du litige. Il s'agit-là du domaine du fait.

Les avocats ont l'habitude de défendre des litiges présentant, outre des aspects juridiques, des aspects portant sur des éléments de fait. Ainsi, ils peuvent être amenés à intervenir dans des litiges de droit de la construction, ou de responsabilité médicale. Personne ne leur a demandé, pour autant, d'être des experts en architecture ou en médecine, ou d'être assistés à la barre par des architectes ou des médecins.

La formation des avocats implique la capacité d'extraire d'un dossier de fait les éléments générateurs des droits qu'ils invoquent, dans le débat juridique, à l'appui de l'argumentation des parties qu'ils défendent.

Lorsque, exceptionnellement, le débat, ne peut être tranché par le juge, qui lui aussi est un juriste, sans recours à l'expertise, il arrive, alors, que, devant l'expert, l'avocat soit assisté par un conseiller technique. Il n'arrive jamais, dans ces domaines éminemment techniques, que les conseillers techniques aient accès à la barre : devant les cours et tribunaux, les éléments de fait sont discutés du point de vue du droit de la preuve, et sont exposés aux juristes que sont les juges, par d'autres juristes, que sont les avocats.

Il serait pour le moins paradoxal que la loi autorise la représentation en justice par des non-juristes dans la matière fiscale, qui est sans doute celle où les questions techniques sont les moins éloignées des connaissances des avocats. Si des études de droit ne comportent pas de cours d'architecture ou de médecine, ils comportent en revanche une formation très sérieuse en comptabilité, qui permet pratiquement toujours aux juges et avocats de résoudre les problèmes fiscaux sans devoir recourir à l'expertise comptable.

Il est rarissime qu'un juge fiscal se voie amener à désigner un expert.

Il n'y a donc absolument rien, dans le contentieux fiscal, qui justifie qu'il soit dérogé au monopole de la représentation en justice dévolue, en toutes autres matières, aux avocats.

Il a été exposé ci-dessus que l'intervention de l'avocat ne profite pas seulement aux clients, mais à la justice dans son ensemble, en évitant que des questions non pertinentes, sur le plan juridique, encombrent les débats judiciaires. C'est la raison pour laquelle il n'est pas utile de prévoir, en cette matière, la possibilité de l'assistance d'avocats par des experts, alors que le Code judiciaire n'a rien prévu de tel dans des matières autrement plus techniques et autrement plus éloignées des préoccupations habituelles des juristes.

Il n'est pareillement pas justifié de déroger au monopole de la représentation en justice dans le cadre de la « procédure écrite ». Ainsi qu'il a été exposé ci-dessus, ce n'est pas seulement pour la plaidoirie, mais pour l'ensemble de la représentation en justice, que les avocats apportent, à leurs clients et à la justice elle-même, des garanties qu'aucune autre profession ne peut offrir. Le fait que la procédure soit écrite, ne change rien au fait qu'il est utile et souhaitable, tant pour les contribuables que pour la justice, que les arguments soient exposés par des juristes formés à la procédure judiciaire. Il faut d'ailleurs constater que la procédure écrite est extrêmement rare, parce qu'il est apparu à la quasi-totalité des magistrats que, loin de leur faire gagner du temps, elle augmente sensiblement la durée des délibérés et, empêchant le juge d'interroger les parties, multiplie les cas de réouverture des débats et donc les retards.


4. Exposé de M. André Bailleux, avocat, professeur au Fucam (Mons) et chroniqueur fiscal de La Libre Belgique

Suppression de la commission fiscale (art. 347 et 348 CIR 92) et du comité consultatif (art. 349 et 350 CIR 92)

Articles 13 à 16 du projet nº 966/1

Articles 22 à 32 du projet de loi relative au
contentieux en matière fiscale

Le recours administratif

Le recours administratif (réclamation et demande de dégrèvement) est présenté comme un « filtre » permettant de régler un grand nombre de litiges en évitant qu'ils n'encombrent les tribunaux de première instance.

La manière dont ce recours est organisé soulève à mon avis plusieurs objections. Je n'en cite que trois.

1. Son caractère obligatoire

Lorsque le litige porte sur des questions de droit, le passage obligé par la réclamation constitue (déjà actuellement) une perte de temps totalement inutile : le directeur régional devra suivre l'avis de son administration.

N'y a-t-il pas moyen d'améliorer cette situation ?

On sait que tout dossier litigieux devra passer, avant taxation, par le stade du « règlement administratif du contentieux » : l'enrôlement n'aura lieu qu'avec l'autorisation du directeur régional (voy. rapport commission des Finances de la Chambre, p. 19). Or, c'est devant ce même directeur régional que la réclamation sera adressée ! Le directeur régional sera donc invité à réexaminer une taxation sur laquelle il aura déjà donné son accord.

Ne pourrait-on pas décider qu'après le stade du règlement administratif du contentieux, le redevable soit dispensé de passer par la réclamation lorsque le dossier fait apparaître que la thèse de l'administration s'appuie sur une interprétation qui fait l'objet d'instructions que ses agents sont tenus de suivre sous peine de sanctions disciplinaires (circulaires, Com IR, décisions TVA, autres commentaires officiels).

Discussion

Un commissaire rappelle que l'argument principal donné par le ministre des Finances pour justifier le recours administratif a été de dire que c'est pour éviter que les tribunaux de première instance ne soient encombrés de réclamations fantaisistes. C'est une réponse à une exigence du ministre de la Justice prenant en compte l'arriéré judiciaire.

M. Bailleux fait remarquer que le réglement administratif du contentieux devrait servir à cette fin. Par conséquent, il ne voit pas l'intérêt de retourner devant un recours administratif. Il est évident que s'il s'agit par exemple d'un problème de frais généraux, a priori, le contribuable ne sollicitera pas un avocat à demander une procédure judiciaire. Dans de pareils cas, il commencera par un recours administratif. C'est le caractère obligatoire du recours administratif qui est totalement anormal.

Le préopinant fait valoir que d'aucuns ont prétendu qu'en réalité un contribuable procédurie fait parfois appel au recours administratif précisément pour que l'on ne tranche pas son cas et qu'il puisse faire traîner les affaires le plus longtemps possible. Par conséquent, le recours administratif serait de nature non pas à agir uniquement contre les contribuables, mais dans certains cas, cela les favoriserait en leur permettant d'allonger eux-mêmes les délais pour ne pas être sanctionné par une décision qui leur serait défavorable.

M. Bailleux affirme que cela est exact. Toutefois, si le recours administratif était facultatif, de toute façon, le contribuable aurait le choix d'y faire appel. Si le recours administratif est obligatoire, on aide le contribuable à allonger les délais.

2. La « mise en demeure »

Pourquoi contraindre le réclamant à ce formalisme ? Le simple écoulement du temps ne devrait-il pas suffire ?

3. L'interdiction de griefs nouveaux dans la procédure judiciaire

Voir les commentaires du Conseil d'État. Cette interdiction doit être supprimée. Voir aussi la jurisprudence de la Cour de justice.

4. L'allongement des délais de taxation

L'article 354, alinéa 4, subsiste : en cas de réclamation, le délai d'imposition de trois ans est prolongé de douze mois. La fonction juridictionnelle du directeur ayant disparu, le « recours » administratif risque de se transformer en un allongement de la période de taxation. Dans le même temps, le directeur est de facto dispensé de prendre une décision puisque, dans ce cas, et après mise en demeure, la réclamation est rejetée. Le directeur ne va-t-il pas devenir un super-taxateur ?

Le passage obligé par le « recours » administratif sera surtout le passage obligé par un réexamen de tout le dossier.

Discussion

Un membre demande à M. Bailleux s'il ne craint pas que si à la suite d'une carence, d'une absence d'actions de l'administration, une réclamation est censée être acceptée, cela n'ouvre la porte toute grande à une corruption sans corruption. En d'autres termes, si le directeur régional ne tranche pas et si la procédure prévoit qu'à l'issue d'une absence de décision de l'administration, la réclamation est acceptée, l'administration, dans certains cas où des sommes considérables sont en jeu, risque de laisser s'écouler le délai sans que l'on puisse reprocher quoi que ce soit à cette administration qui pourrait invoquer qu'elle n'a pas eu le temps, qu'elle n'a pas eu les moyens matériels à sa disposition pour trancher, etc. Le résultat est alors favorable au contribuable.

M. Bailleux, en ce qui le concerne, ne critique pas le fait qu'à la fin du délai, s'il n'y a pas de réponse, c'est la position de l'administration qui l'emporte. Il pense que le recours administratif représente d'une certaine manière, un allongement des délais de taxation. L'article 354, CIR 92, stipule qu'à partir du moment où une réclamation est introduite, le délai de taxation est prolongé de 12 mois. Or, cet article est maintenu. Ceci implique que, de toute façon, à partir du moment où le contribuable introduit un recours administratif, le directeur régional a la possibilité de renvoyer le dossier au contrôle s'il y constate des choses anormales du point de vue de la taxation et le contrôle dispose de nouveau de 12 mois pour retaxer. Dans la mesure où le rôle du directeur régional est changé et est devenu un rôle purement administratif, on ne voit vraiment pas pourquoi il ne profiterait pas de ce délai. Cela veut dire que le recours administratif risque très fort d'être purement et simplement un allongement du délai de taxation, c'est-à-dire une période pendant laquelle l'administration aura la possibilité de revoir intégralement le dossier en sa faveur, sachant que, si elle prend trop de temps, et qu'on la met en demeure dés que les 6 mois sont écoulés, de toute façon, la réclamation sera rejetée. M. Bailleux pense donc que c'est une raison supplémentaire pour rejeter le caractère obligatoire du passage au recours administratif. Que ce recours existe, cela paraît normal, mais que ce recours soit obligatoire, cela paraît excessif.

En ce qui concerne l'utilisation de griefs nouveaux dans la procédure judiciaire, M.Bailleux rappelle que la Cour de Justice a déjà pris une décision en 1995, un arrêt dans lequel elle condamnait cette idée des griefs nouveaux qui existent déjà aujourd'hui en disant qu'il n'est pas acceptable qu'un état interdise à quelqu'un, à quelque moment que ce soit de la procédure, de faire appel à des arguments de droit européen qui pourraient avoir un impact sur la taxation.

M. Bailleux croit que l'idée des griefs nouveaux est une idée très ancienne qui date de l'époque où l'impôt était censitaire et où, par conséquent, le droit de vote du contribuable était lié à l'impôt qu'il payait. Il y avait donc une obligation d'aller vite pour savoir exactement quels étaient les impôts dûs. Quand il y avait un litige, il fallait donc que les griefs soient introduits dans des délais rapides. M. Bailleux ne voit pas très bien comment cela peut encore se justifier.

M. Bailleux aborde un autre aspect du projet. Il rappelle qu'un contribuable, qui fait l'objet d'un avis rectificatif, quand il est en discussion avec son contrôleur, peut faire appel à une commission fiscale ou à un comité consultatif (pour les professions couvertes par le secret professionnel). Le fait de faire appel à la commission fiscale à une incidence quant à la charge de la preuve.

Les commissions fiscales sont des organes mixtes, c'est-à-dire composées d'un inspecteur des contributions et de délégués de professions indépendantes.

Leur rôle est de donner un avis sur le dossier fiscal d'un contribuable lorsque celui-ci a donné son désaccord sur un avis de rectification.

Les comités consultatifs ont un rôle semblable mais sont destinés aux contribuables liés par un secret professionnel.

Le projet de loi propose de supprimer ces deux organes au motif qu'ils sont tombés en désuétude.

C'est, à mon avis, une erreur.

1. Qu'on le veuille ou non, le contrôle des lois fiscales se fait chez les indépendants par des non-indépendants.

Il en résulte inévitablement des malentendus, des appréciations subjectives, parfois des rancoeurs (« tous des fraudeurs »...) contre lesquels le contribuable indépendant ne peut se défendre qu'en portant sa réclamation ou son recours devant... d'autres non-indépendants.

Les commissions fiscales ont donc une réelle utilité lorsqu'il s'agit d'apprécier si une comptabilité est « régulière » (cas très fréquent de fragilisation fiscale des indépendants), d'apprécier la pertinence ou le caractère réellement professionnel de certaines charges (comment améliorer son chiffre d'affaires et augmenter l'emploi sans des dépenses de représentation parfois importantes), d'apprécier le taux d'un amortissement, etc.

Il y va de la qualité des relations entre le contribuable et le fisc et de la confiance que le contribuable accorde au système fiscal.

Les supprimer sous prétexte que ces organes ne fonctionnent pas est une erreur.

Il vaut mieux se demander pourquoi ils ne fonctionnent pas.

2. Si les commissions fiscales ne fonctionnent pas, c'est pour des raisons évidentes, liées à la manière dont elles sont organisées. Voici les principales :

Première raison : l'Administration est totalement libre de ne pas soumettre un dossier à l'avis de la commission fiscale même si le contribuable le demande. Elle n'a aucune obligation de le faire. Pourquoi dès lors le ferait-elle, alors qu'elle y court le risque d'aggraver son dossier ?

Deuxième raison : le rôle de la commission fiscale n'est que de donner un « avis ». La portée de cet avis est très limitée puisqu'il porte sur la charge de le preuve : si l'avis donne raison au contribuable, l'administration se trouve dans la même situation qu'auparavant puisque, sauf taxation d'office, elle a la charge de la preuve. Si l'avis donne tort au contribuable, celui-ci aura une charge de la preuve aggravée. Le contribuable est donc le seul à prendre un risque. Pourquoi demanderait-il l'intervention de la commission fiscale ?

Troisième raison : la commission fiscale est présidée par l'Inspecteur des contributions du ressort du contribuable et est composée d'indépendants du même ressort, c'est-à-dire qui dépendent, pour leur dossier fiscal, du même inspecteur !

Cette composition ne favorise évidemment pas la liberté d'esprit et d'expression...

On se demande, dans ces conditions, comment les commissions fiscales ont pu néanmoins survivre dans certaines régions !

Il apparaît au contraire que, réorganisées, les commissions fiscales pourraient être un lieu de débat démocratique particulièrement vivifiant.

3. L'idée d'associer des représentants du monde de l'industrie et du commerce à l'exercice de responsabilités collectives n'est nullement originale. Le tribunal de commerce connaît les juges consulaires. Il est donc parfaitement admis que l'oeuvre de justice soit partiellement assurée par des représentants du monde des affaires et du commerce qui, mieux que quiconque, en connaissent les coutumes.

Pourquoi ce qui est vrai sur le plan de la justice ne le serait-il pas sur le plan fiscal ?

4. À cet égard, la présidente du tribunal de commerce, Mme Spiritus, a fait savoir ­ et elle m'a autorisé à le répéter devant vous ­ qu'elle était prête à envisager que le contentieux en matière de TVA et d'impôt des sociétés notamment soit confié aux tribunaux de commerce.

L'avantage serait double.

D'une part, ces tribunaux ne sont pas débordés actuellement. Il ne serait donc pas nécessaire d'engager un grand nombre de magistrats « spécialisés ».

D'autre part, les entreprises s'y défendraient précisément face à un tribunal composé notamment de juges consulaires.

Cette (r)évolution irait dans le prolongement du maintien et de la réorganisation des commissions fiscales.

Discussion

Un commissaire ajoute qu'une quatrième raison pour laquelle les commissions fiscales sont tombées en désuétude, se trouve dans le fait que les contribuables ne savent pas comment sont composées ces commissions. Ils ne savent pas qu'en réalité, il y a des indépendants qui y siègent.

M. Bailleux fait valoir que toute la question est de savoir si l'idée de la commission fiscale, c'est-à-dire d'un débat démocratique qui peut avoir lieu sur un dossier fiscal entre un contribuable et ses pairs mais sous contrôle de l'administration, est une idée utile. Personnellement, M. Bailleux croit que oui.


5. Exposé de M. Jan Van Dijck, rédacteur en chef de la revue fiscale « Le fiscologue » et chroniqueur fiscal de l'hebdomadaire « Trends/Tendances »

NOUVELLE PROCÉDURE FISCALE

elle sert les intérêts de tous, excepté ceux du contribuable

La réforme de la procédure fiscale telle qu'elle est envisagée dans le cadre des deux projets de loi à l'examen est-elle une bonne chose (doc. Chambre, 1997-1998, nºs 1341 et 1342) ?

La réponse à cette question dépend de la manière dont on considère le problème.

Les deux projets de loi contiennent indéniablement des éléments qui représentent une amélioration par rapport à la procédure existante. Nous songeons notamment au droit de réclamation dont dispose la personne à laquelle on demande de remplir les obligations fiscales de son conjoint, d'une part, et au délai dans lequel le directeur régional doit se prononcer sur une réclamation, d'autre part.

Les deux projets de loi contiennent également des éléments critiquables, comme les nouveaux délais de prescription en matière de TVA et la question du délai dont on disposera pour porter un litige devant les nouveaux tribunaux fiscaux de première instance.

Il ne sera toutefois pas question, dans la présente note, des critiques qui peuvent être émises contre certains éléments de la réforme envisagée de la procédure fiscale. Cet aspect-là de la question a été traité notamment dans le dossier que le Tijdschrift voor Fiscaal Recht a consacré à la réforme de la procédure fiscale, dont un exemplaire a été remis aux membres de la commission des Finances du Sénat, selon certaines informations.

La présente note ne contient pas non plus une critique détaillée de la réforme, car il y a lieu, avant tout de se demander si le concept fondamental de la réforme permet d'obtenir le résultat que le fisc et les contribuables sont en droit d'attendre d'une réforme de la procédure ? Dans la négative, une critique détaillée est inutile et il faut remettre la réforme sur le métier.

La mise au point de la réforme de la procédure fiscale est devenue un travail de longue haleine. Elle dure depuis dix ans. Ceux qui en ont suivi l'évolution en tant qu'observateurs, sont obligés de constater que la réforme envisagée est devenue de plus en plus modeste au fil du temps. S'il était question initialement de projets très ambitieux visant à l'élaboration d'un code de procédure fiscale unique, la réforme qui est envisagée maintenant changera peu de choses.

La seule réforme digne de ce nom est celle qui prévoit l'installation des tribunaux fiscaux de première instance et le transfert, du directeur régional auxdits tribunaux spécialisés, du règlement des litiges fiscaux « en première instance » (en ce qui concerne l'impôt sur les revenus).

Tel est le coeur de la réforme. Les autres changements sont secondaires en ce sens qu'ils n'entraînent aucune modification fondamentale de la procédure fiscale, c'est-à-dire des règles régissant l'application formelle du droit fiscal matériel et assurant le respect des droits et des obligations en la matière, et qu'ils ne touchent qu'à une série de règlements disparates qui pourraient tout aussi bien faire l'objet d'un projet de loi portant des « dispositions fiscales diverses ».

Impôts directs et TVA

En considérant l'essence même de la réforme de la procédure fiscale, on constate que les deux lois en projet ne correspondent absolument pas à l'objectif défini, qui est d'uniformiser la procédure. Ce serait une bonne chose pour le fisc (puisque l'on entend manifestement faire en sorte que les fonctionnaires des contributions directes et leurs collègues de la TVA puissent effectuer davantage de contrôles ensemble et assurer ensemble l'occupation des centres de contrôle). La procédure uniforme présenterait également un avantage pour le contribuable en ce sens que l'uniformité peut apporter plus de clarté.

Quant à la question de savoir quelle procédure doit être alignée sur quelle autre (la procédure en matière de TVA sur celle relative aux impôts directs ou ­ inversement ­ celle applicable aux impôts directs sur celle applicable en matière de TVA), l'on n'a manifestement pas encore pu y répondre. En effet, l'on ne trouve plus aucune uniformité dans les deux lois en projet. Sous prétexte d'uniformiser davantage, l'on a certes, adapté les délais de prescription en matière de TVA, mais ils ne correspondent toujours pas aux délais applicables pour ce qui est des contributions directes. Il n'y a manifestement pas d'uniformité non plus en ce qui concerne les droits que peut exercer l'Administration au cours des délais de prescription adaptés.

Pour le reste, les deux procédures existantes, à savoir la procédure applicable en matière de contributions directes et celle qui l'est en matière de TVA, restent fondamentalement distinctes et différentes. Il n'y a donc pas de réforme sur ce plan et les deux projets de loi sont par conséquent inutiles.

Litiges en matière d'impôts sur les revenus

Comme on l'a déjà indiqué, la seule réforme fondamentale qui a été opérée concerne les impôts sur les revenus et consiste à transférer le règlement des litiges « en première instance » aux nouveaux tribunaux fiscaux de première instance. La procédure de réclamation est maintenue (après avoir été légèrement adaptée), mais la décision du directeur régional n'est plus assimilée à un jugement.

Faut-il se réjouir de cette réforme ou les deux projets de loi sont-ils également inutiles de ce point de vue-là ?

Une fois encore, tout dépend de la manière dont on voit les choses. Si l'on considère que la réforme envisagée est la seule qui soit réalisable actuellement, l'on peut s'en satisfaire, à condition de faire preuve d'un certain sens de la « Realpolitik ».

Mais, c'est impossible, dès le moment où l'on constate que la réforme proposée ne constituerait pas un progrès pour les contribuables mais une régression. Or, il y a tout lieu de craindre que la deuxième hypothèse est la bonne. En effet, l'on ne touche pas au fil conducteur de la procédure applicable en cas de litige fiscal (en matière d'impôts directs) dans la procédure de réclamation en vigueur, il y a régulièrement des problèmes à cet égard.

Les procédures relatives à l'avis de rectification (qui précède l'enrôlement) et à la procédure de réclamation (qui suit l'enrôlement) sont maintenues également. Cependant, force est de constater que si, dans la situation actuelle, la décision du directeur régional est assimilée à un jugement « en première instance », la procédure judiciaire ne pourrait être engagée, dans le cadre du système proposé qu'après sa décision, c'est-à-dire à partir du moment où le tribunal de première instance aura été saisi de l'affaire; le contribuable disposerait conséquemment d'une possibilité de recours devant la cour d'appel.

La réforme proposée se résume donc ni plus ni moins à l'ajout, dans la procédure, d'une étape par laquelle le contribuable devrait en tout cas passer pour pouvoir obtenir satisfaction.

L'on pourrait à la rigueur justifier l'ajout d'une telle étape si elle améliorait les possibilités dont le contribuable dispose pour préserver ses droits. Il obtient, certes, l'assurance que sa cause sera examinée « en première instance » par un « vrai juge » offrant toutes les garanties d'indépendance et d'impartialité (dans la procédure de réclamation en vigueur, il y a régulièrement des problèmes à cet égard).

Mais, l'inconvénient vient de ce que le justiciable devrait s'adresser à une instance supplémentaire : à une procédure en un temps (réclamation), viendrait se substituer une procédure en deux temps (réclamation et tribunal de première instance). Il en résultera inévitablement un allongement de la procédure dans bien des cas, sinon dans la plupart. La réforme devrait également entraîner un accroissement du coût de la procédure (toute étape supplémentaire augmente les coûts; en outre, les avocats ont en principe le monopole de la plaidoirie au sein des tribunaux de première instance).

L'évolution des projets de réforme en question ­ l'on n'envisage plus que l'ajout d'une étape dans la procédure ­ mène au constat négatif que l'on n'envisage manifestement pas une réforme privilégiant les intérêts du contribuable, mais simplement une réforme dans l'élaboration de laquelle les intérêts de tous les groupes professionnels concernés (fonctionnaires, experts-comptables, comptables, avocats, etc.) ont probablement joué un rôle extrêmement important, fut-il indirect.

Cette évolution donne en effet sérieusement à penser que le status-quo (de fait), avec ajout d'une étape dans la procédure signifie en réalité qu'on a voulu ménager la chèvre et le chou pour tous les groupes professionnels concernés avec pour conséquence ­ peut-être non voulue et inconsciente ­ que la réforme tourne au détriment du contribuable. Cette conclusion est étayée par la genèse de la réforme.

­ Les premiers projets de réforme prévoyaient un règlement administratif des litiges dans le cadre duquel le contribuable avait l'occasion de formuler ses remarques à l'administration et de les faire examiner par la hiérarchie soit avant l'enrôlement, en déposant une requête « d'examen hiérarchique » soit après l'enrôlement par le biais d'une procédure de révision hiérarchique en fait, l'une et l'autre possibilité reviennent à donner une nouvelle forme à la procédure de rectification existante (avec l'avis de rectification, etc.), pour en faire le coeur du règlement administratif du litige.

­ Ces mêmes projets prévoyaient également de transformer la procédure de réclamation existante (qui est juridictionnelle) en une procédure judiciaire à part entière, avec des tribunaux administratifs spéciaux au sein desquels siégeraient les directeurs régionaux en fonction.

­ L'on a proposé ­ pour ce qui est des représentants des contribuables ­ de réserver l'accès à ces tribunaux administratifs spéciaux aux personnes qui peuvent justifier d'une compétence particulière dans le domaine du droit fiscal.

­ Cette dernière proposition a déclenché une véritable « guerre » entre les groupes professionnels concernés : conseillers fiscaux, experts-comptables et comptables ont tous revendiqué le droit de représen

ter le contribuable devant ces tribunaux, tandis que les avocats ont invoqué le monopole de la plaidoirie.

­ À la suite notamment des critiques du Conseil d'État, les projets de création de tribunaux administratifs spéciaux ont finalement été abandonnés; l'on propose maintenant de transférer au pouvoir judiciaire le traitement « en première instance » des litiges en matière d'impôts directs. Pour ce faire, l'on créerait des tribunaux spéciaux de première instance dans lesquels siégeraient des juges qui, du moins dans une première phase, seraient recrutés prioritairement parmi les fonctionnaires du fisc (vraisemblablement parmi les directeurs régionaux existants). Pour ce qui est du règlement des litiges dans la phase administrative, l'on continue à considérer qu'il faut donner au contribuable une possibilité de défendre ses droits vis-à-vis de l'administration (cela fait une étape de procédure).

­ Le problème de la représentation du contribuable au sein des nouveaux tribunaux fiscaux de première instance subsiste; les avocats invoquent le monopole de la plaidoirie. Bien des conseillers fiscaux craignent d'être les dindons de la réforme et certains préfèreraient devenir avocats.

­ Dernière phase : suppression du traitement de faveur accordé aux agents du fisc; la fonction du « juge fiscal » près des tribunaux fiscaux de première instance sera ouverte à tous; l'on supprime également le règlement administratif des litiges qui avait été proposé et on laisse les choses en l'état, ce qui revient à maintenir la procédure de rectification existante et la procédure de réclamation ­ celle-ci perdrait cependant son caractère juridictionnel. Rien ne change, ce qui a indirectement pour conséquence que chacun peut continuer à exercer sa profession dans le domaine qui lui est familier : les directeurs régionaux continuent à se prononcer sur les réclamations comme ils ont eu l'habitude de le faire jusqu'ici (ils doivent cependant le faire dans le cadre administratif et hiérarchique ordinaire et respecter un certain délai); tous les autres acteurs (conseillers fiscaux, experts-comptables, comptables, etc.) conservent le droit de représenter le contribuable « en réclamation ».

­ Tous les acteurs professionnels qui interviennent dans la procédure fiscale sont ainsi satisfaits : on consolide la situation existante et l'on ajoute simplement à la procédure, en vue de garantir au contribuable un examen juridictionnel à part entière de ses griefs en première instance.

­ Le résultat final, c'est que l'on élargit encore le champ d'activité des professionnels de la fiscalité : l'étape procédurale supplémentaire paraît être réservée aux avocats, mais il ressort de l'examen des pro

jets de loi à la Chambre que les autres catégories professionnelles revendiquent elles aussi une part du nouveau champ d'activité.

Dans ces conditions, la question se pose de savoir quels sont les avantages que le contribuable tirerait de la réforme proposée. À première vue, il n'y en a aucun. C'est une raison suffisante pour la rejeter. Cela ne veut pas dire qu'il ne faut rien changer, mais les modifications que l'on apporterait dans la procédure devraient servir, non pas les intérêts des groupes professionnels, mais ­ avant tout ­ l'intérêt bien compris du contribuable justiciable. Or, ce justiciable a simplement besoin d'un examen simple, succinct, efficace et peu coûteux de ses griefs, dans un cadre administratif et ­ en cas de besoin ­ dans un cadre juridictionnel dans lequel il puisse jouir de la garantie que sa cause sera traitée en toute indépendance et impartialité.

Qu'est-ce qui constituerait une bonne réforme ? C'est aux politiques qu'il appartient de trouver la réponse à cette question en évitant tout ce qui donnerait aux groupes professionnels concernés (fonctionnaires, experts-comptables, comptables, avocats, etc.) une trop grande influence dans le processus décisionnel. Une réforme de la procédure fiscale qui servirait d'abord l'intérêt du contribuable nécessiterait sans doute une « concertation octopartite » fiscale.


6. Exposé de M. Victor Dauginet, avocat et professeur extraordinaire UIA

La réforme de la procédure applicable en matière de contentieux fiscal est jugée nécessaire depuis longtemps. C'est pourquoi toute initiative législative sérieuse dans le sens d'une réforme est louable. Toutefois, les projets de loi qui ont été déposés au Sénat ne rencontrent absolument pas les aspirations des praticiens du contentieux fiscal. Si l'on instaurait une nouvelle procédure fiscale qui serait fondée sur les textes adoptés à la Chambre, l'on serait même confronté à une perte d'efficacité sur de nombreux points. La nouvelle procédure fiscale ne permettrait pas d'appliquer le principe fondamental de l'imposition sur la base de la situation réelle. En outre, elle entraînerait dans bien des cas, de par sa lourdeur, des conséquences économiques néfastes ­ non inévitables ­ pour les entreprises. L'on élabore une procédure qui n'est nullement fondée sur le souci de rendre plus juste et d'accélérer la fixation de l'impôt et sa perception ainsi que le règlement des litiges ni sur celui d'améliorer la protection juridique du contribuable. En évitant les thèmes controversés ou, plus simplement, les questions techniques difficiles et en s'attaquant de manière inappropriée à une série de problèmes pratiques, l'on a fait un monstre juridique du projet de réforme qui était très ambitieux autrefois.

L'on a toutefois réalisé des progrès dans certains domaines. Le fait que l'on confie les litiges en matière fiscale aux tribunaux ordinaires au sein desquels est applicable le droit de procédure éprouvé du Code judiciaire, entre autre, représente une amélioration fondamentale.

Par conséquent, il suffirait d'apporter aux projets de loi en question, quelques modifications essentielles à l'amélioration de la position du contribuable, à une meilleure fixation de l'impôt, et à l'accélération de sa perception ainsi qu'à l'amélioration de l'efficacité en la matière. Une procédure qui fonctionne bien suppose qu'on n'établisse pas de titre avant mûre réflexion. La procédure qui précède l'enrôlement de l'impôt doit être améliorée, comme cela a d'ailleurs été prévu dans un projet de loi antérieur. Une fois qu'un titre a été établi, le contribuable doit avoir accès à un tribunal qui garantisse le respect des droits à la défense et qui ne le limite pas dans ses possibilités de développer des arguments. La procédure doit en outre revêtir un caractère définitif et écarter toute possibilité de réimposition. Le juge doit également pouvoir apprécier la gravité des fautes de procédure en fonction de leurs conséquences pour ce qui est de la fixation de l'impôt et de la mesure dans laquelle elles portent atteinte aux droits du contribuable. Seule une telle procédure pourra bénéficier de la confiance des contribuables. Seule une telle procédure remplit les critères modernes qu'impose une procédure équitable et qui assurent un équilibre entre les intérêts de la communauté et les droits de l'individu. Seule une telle procédure permettra d'atteindre l'objectif fondamental de l'imposition en fonction des situations réelles et de la capacité contributive des individus. Seule une telle procédure serait suffisamment rapide pour pouvoir garantir la perception effective des impôts établis.

Le long chemin vers le juge

Le défaut principal et le plus critiqué dans les milieux professionnels des lois en projet réside dans la longeur du chemin que le justiciable doit parcourir pour arriver au juge. Selon les projets actuels, l'Administration dispose une fois qu'un titre exécutoire a été établi, d'un délai de deux ans pour vérifier si l'impôt en question a été enrôlé correctement. Dans ce délai, le justiciable n'en devra pas moins assumer tous les effets néfastes de l'imposition (par exemple, du fait que les intérêts de retard commencent à courir et que l'obligation d'inscrire l'impôt au bilan se solde souvent par l'annulation de crédits et la faillite), et ce, sans disposer d'aucun moyen de recours devant un juge impartial et objectif. C'est incompréhensible et l'on ne connaît rien de pareil dans aucun autre système de droit. Une telle situation empêcherait le respect des exigences liées au principe d'une bonne administration du droit à laquelle la Belgique s'est engagée dans le cadre de traités internationaux.

L'on peut atteindre l'objectif visé ­ qui est d'éviter un afflux de litiges simples devant les tribunaux ­ de manière plus efficace en prévoyant une procédure mieux élaborée et plus courte applicable avant l'établissement de l'impôt et fournissant à l'agent-taxateur même le pouvoir d'établir un impôt après mûre réflexion et en concertation avec son supérieur hiérarchique. Une fois que l'administration a pris position en établissant un titre exécutoire, le contribuable doit pouvoir former un recours contre sa décision devant un juge objectif et impartial. C'est d'ailleurs ce qui avait été prévu plus ou moins dans le cadre d'un projet de loi antérieur, mais on a jeté le bébé avec l'eau du bain après que le Conseil d'État eût formulé des objections concernant la mise en oeuvre pratique du système.

La procédure pourrait se présenter comme suit : l'administration envoie un avis de rectification dans lequel elle justifie les modifications qu'elle envisage d'apporter. Après une réponse motivée du contribuable, le taxateur réexamine son point de vue et communique ses conclusions. Le contribuable qui persiste dans son opposition peut adresser une réclamation motivée au supérieur hiérarchique du taxateur, qui élabore une proposition de décision. À sa demande, le contribuable peut prendre connaissance de cette proposition ainsi que des autres pièces du dossier. Il pourra, également à sa demande, commenter ou faire commenter son point de vue oralement. Après cela, une décision définitive est prise, qui vaut établissement de l'impôt.

Cette procédure présente un avantage supplémentaire considérable, en ce sens que le fait que l'impôt ne soit établi qu'après mûre réflexion doit inspirer davantage confiance aux contribuables qui seront dès lors moins enclin à s'adresser aux tribunaux. Cette procédure présente un autre avantage non négligeable en ce sens que la foule d'agents qui sont bloqués actuellement dans les services qui s'occupent du traitement des réclamations pourront être détachés à l'avenir dans les services d'imposition. L'on pourra assurer, grâce à cela, et ce, sans accroître les moyens, un meilleur établissement et une meilleure perception des impôts. Les contrôles seront plus approfondis et les impositions plus équitables.

Entraves pour la défense

­ Règlement applicable en ce qui concerne les griefs nouveaux

Les lois en projet limitent gravement et de manière inacceptable la possibilité, pour le contribuable, de formuler des griefs nouveaux pendant et après la phase administrative.

La procédure doit permettre d'assurer la pleine application du droit matériel, et ce, dans tous ses aspects. Le but du régime fiscal doit être d'assurer une perception de l'impôt en fonction de la capacité contributive du contribuable et de sa situation réelle. Le fait que le contribuable soit limité dans l'exercice de ses droits, et notamment, dans celui de ne pas payer plus d'impôts qu'il ne doit est inadmissible dans un État de droit. L'État n'a aucun intérêt à tromper les citoyens en limitant leurs possibilités de développer des arguments en vue de démontrer le caractère érroné de l'impôt. L'avantage pécuniaire que l'État retirerait directement d'une telle attitude ne pourrait jamais compenser l'injustice que le contribuable aurait à subir et l'incompréhension, la méfiance et le mécontentement des justiciables que cette manière de procéder entraînerait. Le montant de l'impôt serait fixé, non pas en fonction de la situation réelle, mais en fonction de la vigilance du contribuable (et, donc, dans une certaine mesure, de la qualité de ses conseillers et de la renumération qu'il leur verserait).

Le règlement concernant les nouveaux griefs viole le principe de l'égalité des parties au procès (voir l'avis du Conseil d'État, p. 46), puisque les arguments en faveur de l'impôt contesté sont examinés de plein droit, mais pas les arguments a contrario. Le principe selon lequel la législation fiscale est d'« ordre public », prend ainsi un caractère très étrange : la législation fiscale est d'ordre public lorsqu'elle est invoquée en défaveur du contribuable, mais elle ne l'est plus lorsque le contribuable souhaite se défendre. Le Conseil d'État a fait observer à juste titre que l'on finit par limiter gravement les possibilités pour le juge d'exercer sa mission et par soustraire une part, parfois importante, voire décisive, d'un litige fiscal au pouvoir judiciaire (p. 41). Le Conseil d'État déclare : « Le tribunal ne pouvant pas soulever d'office les griefs que le demandeur n'a pas ou n'aurait pas pu soulever lui-même, est finalement mis hors d'état d'annuler des cotisations illégales quand bien même leur illégalité, leur contrariété à des lois d'ordre public, est certaine » (p. 42).

À cet égard, la nouvelle procédure constitue une régression grave par rapport à la situation actuelle. Actuellement, tous les griefs sans limitation peuvent être soumis au juge de première instance (le directeur régional), et celui-ci peut examiner d'office les griefs ou les moyens auxquels le contribuable n'a pas songé. La nouvelle procédure quant à elle limiterait l'accès au juge . Au demeurant, quoi qu'il en soit de sa compatibilité avec la Constitution, il ne serait pas peu paradoxal qu'une réforme entreprise pour réserver aux tribunaux ordinaires la connaissance de l'ensemble du contentieux judiciaire en matière d'impôts directs comme indirects, ait pour résultat qu'à aucun moment du procès, ni en première instance ni en appel, le contribuable ne puisse encore soumettre le litige fiscal dans son ensemble à un véritable juge capable d'y appliquer toutes les dispositions légales d'ordre public que l'imposition engage (Conseil d'État, pp. 46-47). Le Conseil d'État fait aussi référence à l'avis qu'il a rendu le 28 septembre 1967 sur un projet de loi modifiant la procédure relative aux litiges en matière d'impôts directs dans lequel il soulignait qu'il importait de veiller à ce que ce projet offre aux parties toutes les garanties nécessaires de défense de leurs droits. « Il faut notamment que les parties puissent déférer à sa juridiction l'ensemble du litige, sans être limitées dans leur action par la phase administrative qui l'a précédé ».

Pour justifier ce règlement insensé, l'on invoque des considérations pratiques futiles au sujet de l'afflux d'affaires dans les tribunaux. Il est incompréhensible que l'on subordonne la justice à des considérations pratiques et les craintes de problèmes pratiques qui sont formulées sont sans fondement. Le contribuable a intérêt lui aussi et lui surtout, à ce que ses problèmes fiscaux trouvent rapidement une solution. En outre, l'on peut imaginer des sanctions moins lourdes, comme celle qui consisterait à refuser l'octroi d'intérêts de réparation dans le cas où des griefs seraient invoqués tardivement.

Comme le Code judiciaire prévoit déjà des limites à l'élargissement des actions, il n'est pas nécessaire de prévoir une réglementation spéciale.

­ Présentation du dossier administratif intégral

C'est sans doute involontairement qu'on a supprimé l'obligation pour l'Administration de soumettre l'ensemble de son dossier au tribunal. L'on ne saurait justifier une violation aussi grave des droits de la défense. La nature des rapports entre l'autorité et le justiciable et les principes fondamentaux que toute autorité doit respecter commande le maintien de cette obligation.

Délai de prescription de sept ans généralisé en matière de TVA ?

Les projets de loi visent à instaurer un délai de prescription spécial de sept ans pour une série de cas spécifiques, notamment pour les cas où l'administration a connaissance d'éléments ayant force probante concernant des actes imposables non déclarés et des déductions illégitimes. Dans ces cas, la TVA peut être réclamée pendant un délai de sept ans. L'on ne fait aucune distinction entre les diverses manières dont l'administration a pu prendre connaissance de ces éléments. Il faut en conclure que les données mises à jour dans le cadre d'une enquête, ­ qui n'est toujours soumise à aucun délai en matière de TVA ­ peuvent elles aussi être considérées comme des données ayant force probante. Contrairement à l'objectif déclaré (le délai de prescription normal devrait être fixé à trois ans), le délai de sept ans deviendrait la règle au lieu d'être l'exception. Cette disparité entre l'objectif et la définition doit être supprimée.

L'on pourrait résoudre le problème en prévoyant des délais d'enquête contraignants en matière de TVA, comme en matière d'impôts sur les revenus. L'avantage serait que les centres de contrôle polyvalents ne rencontreraient plus de difficultés dans la réalisation des contrôles qui sont toutefois soumis à des délais pour une forme donnée d'impôts, mais non pour d'autres formes d'impôts. Ces absurdités entraîneront bien des problèmes de procédure. Il en résultera quantité d'impositions injustes et beaucoup d'annulations et d'exonérations d'impôts matériellement justifiés.

Qui plus est, le délai de prescription est prorogé. L'on ne voit pas très bien ce que cela signifie pour ce qui est des prescriptions qui ont déjà eu lieu : le bénéfice de la prescription est-il maintenu ? Le fait qu'il y ait une raison d'introduire un délai plus long en matière de prescription justifie-t-il suffisamment un supplément d'impôts concernant d'autres aspects ? Il convient, pour la sécurité juridique de clarifier les choses à cet égard dans la formulation des futures dispositions légales.

De plus, l'on ne trouve guère de trace de l'harmonisation des délais d'imposition en matière d'impôts sur les revenus et des délais en matière de TVA. Il y a à cet égard une trop grande différence de nature entre les délais d'extinction et les délais de prescription (qui peuvent être étendus).

La réimposition comme inégalité injustifiée

De par la procédure de réimposition, certaines procédures fiscales peuvent s'étendre en pratique sur une période de plus de 20 ans, ce qui n'est intéressant pour personne, ni pour le contribuable, ni pour l'État belge.

La procédure de la réimposition est aberrante et elle doit être supprimée. Elle donne au fisc la possibilité de rétablir des impôts qui se sont avérés établis en violation des formes de procédure au terme d'une procédure litigieuse. La solution réside dans l'annulation automatique en cas de fautes de procédure.

Une procédure moderne doit privilégier le respect des formes de procédure qui présentent des garanties pour les justiciables. Cela ne signifie nullement qu'il faille un système d'annulation automatique. Il faut laisser au juge le pouvoir d'apprécier la gravité du préjudice subi par le justiciable et les conséquences de la violation des prescriptions de forme.

Possibilité de progrès

Dans la procédure fiscale actuelle, ces litiges qui ont une influence sur les exercices d'imposition ultérieurs (pertes transférables, éléments récurrents de la base imposable, etc.) soulèvent un problème important. L'on pourrait profiter de l'occasion pour atténuer les effets néfastes (alourdissement et ralentissement de la procédure) qu'entraîne l'obligation d'introduire constamment de nouvelles réclamations et accorder au juge le pouvoir d'ordonner des adaptations pour ce qui est des impositions qui peuvent être influencées par sa décision.

Pour M. Dauginet, le problème que soulèvent les cas où deux procédures parallèles coexistent, à savoir, d'une part, une procédure pénale et, d'autre part, une procédure fiscale et administrative, est un des grands problèmes auxquels on n'a pas encore trouvé de solution. Il se pose du fait que la législation fiscale et administrative oblige le contribuable à parler, alors que la législation pénale, elle l'autorise à garder le silence. Pour le moment, l'on n'y trouve aucune solution. Le législateur devrait intervenir, À l'étranger, on a déjà enregistré des progrès en la matière.

La double répression est un autre problème auquel on n'a pas encore pu remédier. En droit fiscal, l'on est confronté à une énorme accumulation de peines. Il y a d'abord l'amende administrative. Pour ce qui est de la TVA, elle s'élève à 200 % du montant de l'impôt non versé. La jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme considère que cette amende très élevée est une sanction pénale. Ensuite, le contribuable peut encore faire l'objet de poursuites, il peut se voir infliger une peine de prison, et il peut être condamné à payer une amende pénale. Par ailleurs, les biens qui font l'objet d'une fraude fiscale pourront être confisqués. Il y a aussi la législation contre le blanchiment d'argent. Toutes ces conséquences sont nettement exagérées. Comme d'autres pays, la Belgique devrait faire un choix entre d'une part, des poursuites pénales, auquel cas le contribuable sera soumis à la procédure pénale sous tous ces aspects (il aura le droit de se taire, il pourra se justifier comme il se doit devant le juge pénal et il se verra infliger la peine prévue par le droit pénal, mais pas la sanction administrative, etc.) et d'autre part, des poursuites administratives, auquel cas l'administration devra s'abstenir d'encore déposer plainte auprès du parquet sur la base de l'article 29 du Code d'instruction criminelle et d'ouvrir ainsi une procédure parallèle.

La loi en projet ne règle pas non plus la question de la sécurité juridique. Chez nos voisins, par exemple en France, les contrôles ou les surveillances de l'administration donnent lieu à un débat contradictoire. Lorsque ce débat débouche sur un accord, celui-ci est approuvé et signé par les deux parties, ce qui met définitivement un terme aux contrôles relatifs à une période donnée, de sorte que le contribuable peut affirmer sans inquiétude que sa situation fiscale est réglée.

Qu'est-ce que le projet de loi supprime à tort ? En matière de TVA, l'on a considéré à raison que la décision définitive sur la réduction de l'amende (200 % en principe) appartient en principe au tribunal. M. Dauginet partage cet avis. Dans cette optique, l'on prive toutefois le ministre des Finances du pouvoir d'accorder lui-même des réductions au préalable. M. Dauginet estime que c'est une erreur. À son avis, le pouvoir du ministre de remettre ou de réduire substantiellement les amendes permet précisément de prévenir bien des litiges et, partant, d'affaires judiciaires.


7. Exposé de M. Jean-Pierre Bours, avocat, maître de conférences à l'Université de Liège et chargé de cours aux HEC Liège

QUELQUES RÉFLEXIONS SUR LES PROJETS DE LOIS RELATIFS (i) au contentieux en matière fiscale et (ii) à l'organisation judiciaire en matière fiscale

Abréviations utilisées :

Projet 1 = projet de loi relatif au contentieux en matière fiscale

Projet 2 = projet de loi relatif à l'organisation judiciaire en matière fiscale

CJ = Code judiciaire

CIR = Code des Impôts sur les revenus

1. Insertion dans le CJ de dispositions qui devraient se trouver dans le CIR (art. 8 du projet 2)

Alors que plusieurs modifications aux dispositions du CIR relatives aux « recours administratifs » (réclamations devant le directeur régional des contributions) sont proposées par le projet 1, les dispositions relatives au délai imparti au directeur pour statuer ne figureront pas dans le CIR mais dans le CJ (art. 1385decies et undecies CJ-art. 8 du projet 2).

Ceci est inadéquat, dans la mesure où les articles 1385decies et undecies , de par leur place dans le CJ, ont une portée générale, alors que la disposition impartissant au directeur un délai pour statuer ne concerne que le seul CIR : il n'existe à ce jour aucune autre procédure légalement réglementée de recours administratif en matière d'impôts indirects (TVA, droits d'enregistrement, droits de succession, droits de douane, etc.).

Les articles 1385decies et undecies nouveaux CJ doivent donc être « nettoyés » des dispositions qu'ils contiennent, relatives à la matière des impôts sur les revenus, celles-ci devant être insérées à un emplacement adéquat, c'est-à-dire dans le CIR lui-même.

Les modifications suivantes sont en conséquence suggérées :

a) L'alinéa 4 de l'article 1385decies CJ (à supposer qu'il doivent être maintenu - infra) doit être réécrit et transféré dans le projet 1 pour être introduit dans l'article 375 CIR.

b) L'alinéa 2 de l'article 1385undecies CJ (à supposer qu'il doive être maintenu - infra) doit également être réécrit pour être transféré dans le projet 1 aux fins d'introduction dans le même article 375 CIR.

2. Délai imparti au directeur des contributions pour statuer (art. 8 du projet 2)

Préciser que l'absence de décision du directeur vaut décision de rejet est une prime donnée à l'inertie; c'est, de surcroît, contraire au principe de « bonne administration », plusieurs fois rappelé par la Cour de cassation. Pourquoi imposer au contribuable d'introduire un recours administratif devant le directeur, si celui-ci conserve la faculté de ne pas se prononcer, et qu'il lui est imparti deux ans... pour ne rien faire ! Si on veut empêcher l'arriéré judiciaire de croître en prévoyant un filtre administratif, faisons donc en sorte que celui-ci soit efficace.

Mais préciser, comme on l'a fait sur amendement à la Chambre, que le directeur peut motiver son absence de décision et que son inertie n'est préjudiciable à l'administration que si elle n'est pas motivée, c'est encore bien pire, surtout si l'on sait que, dans cette dernière hypothèse, l'impôt contesté est annulé, et qu'en application de l'article 355 CIR, l'administration peut alors réimposer...

Par ailleurs, que faut-il entendre par « motiver » ? Suffira-t-il pour le directeur de préciser qu'il a manqué de temps, d'informations ou de moyens ? Ceci risque de susciter un contentieux nouveau.

Relevons les deux absurdités complémentaires suivantes :

a) Si le directeur décide d'annuler l'impôt contesté, il reste loisible au contribuable de soumettre le litige aux tribunaux (pour solliciter un dégrèvement plutôt qu'une annulation).

Il est précisé dans l'article 355 CIR réécrit que l'administration dispose de trois mois pour réimposer, le délai courant à partir de la date « à laquelle la décision du directeur des contributions ou du fonctionnaire délégué par lui n'est plus susceptible de recours en justice ».

Cette disposition n'a aucun sens. Aucun délai n'est en effet imparti au contribuable pour introduire un recours en justice, de sorte que le délai imparti à l'administration pour réimposer ne commencera jamais à courir, l'administration disposant donc, pour ce faire, d'un délai illimité...

b) Une observation similaire peut être faite lorsque le directeur ne statue pas dans le délai et ne motive pas les raisons pour lesquelles il n'a pas statué.

Dans cette hypothèse, cette absence de décision doit être assimilée à une décision favorable, entraînant annulation de l'impôt.

L'administration dispose, dans cette hypothèse, pour réimposer, d'un délai exprimé dans les termes suivants : « dans les trois mois de la date à laquelle la décision du directeur des contributions ou du fonctionnaire délégué par lui n'est plus susceptible de recours en justice ».

Or :

­ par hypothèse, il n'y a pas eu décision;

­ le point de départ est donc, non un événement mais un « non-événement »; on peut d'ailleurs se demander comment le receveur, chargé du recouvrement de l'impôt, va être informé de l'annulation de celui-ci puisque, par définition même, il n'y a pas eu décision, le directeur n'ayant rien fait;

­ enfin, le délai de trois mois ne va recommencer à courir que lorsque cette « décision » (qui n'en est pas une) est devenue définitive. Or, elle ne le deviendra jamais, puisque le contribuable ne se voit impartir lui-même aucun délai pour se pourvoir en justice !

Il est proposé de remplacer les textes en question par les textes suivants :

Article 375, § 3, CIR

« La décision doit être rendue dans les douze mois de la réception de la réclamation visée à l'article 371 ou, en cas d'introduction d'un grief nouveau ou de la production de pièces nouvelles, dans les douze mois de la réception de ces pièces ou de ce grief. S'il n'a pas été statué dans ce délai, l'impôt contesté est dégrevé. »

Article 410, 4 e alinéa, CIR

« L'imposition contestée, en principal, additionnels et accroissements, augmentée des intérêts et des frais y afférents, devient irrécouvrable pour cause de dégrèvement s'il n'a pas été statué à son encontre dans les délais de l'article 375, § 3, CIR. »

On observera par ailleurs qu'à partir du moment où le directeur est obligé de statuer dans le délai, la disposition de l'article 414, § 2 (suspension des intérêts ­ article 41 du projet 1) n'est plus nécessaire.

3. Suppression de l'article 355, CIR (article 19 du projet 1)

Cet article n'a plus aucune raison d'être (voir J.P. Bours, La réimposition, L'Écho, 23 décembre 1997).

Son maintien aurait d'ailleurs pour effet d'accroître l'arriéré judiciaire, dans la mesure où de nombreux litiges ne surgissent que parce qu'après annulation, l'administration a réimposé, et que le contribuable saisit à nouveau les juridictions compétentes pour faire statuer sur cet impôt nouveau.

Il est d'ailleurs peu souhaitable de maintenir dans le Code des impôts sur les revenus une disposition créant une discrimination entre les contribuables passibles de l'impôt sur les revenus (l'administration disposant ici de la possibilité de réimposer après annulation) et les contribuables passibles d'impôts indirects (l'administration ne disposant pas de la faculté de réimposition). Cette discrimination pourrait interpeller la Cour d'arbitrage.

Il est donc proposé de supprimer l'article 355 CIR.

On pourrait imaginer que cette suppression soit combinée avec un alignement général des délais de prescription et une simplification du système (voir l'article 50 du projet 1).

Il est en effet peu souhaitable de laisser subsister trois délais distincts de prescription (3, 5 et 7 ans). Si l'administration dispose, par exemple, pour enrôler, d'un délai unifié de quatre ans, qui serait le même en matière d'impôts sur les revenus et d'impôts indirects, elle serait peu fondée à demander de pouvoir réimposer en cas d'annulation. Le délai qui lui serait imparti pour enrôler lui donnerait des garanties suffisantes pour que le nécessaire soit fait dans les délais sans risque de violation de procédure.

4. Suppression de l'article 92 du Code de la TVA (article 58 du projet 1)

Cet article est à l'origine d'un contentieux important, dont ont été saisies tant la Cour d'arbitrage que la Cour de cassation.

Il existe, ici aussi, une discrimination entre les contribuables passibles d'impôts sur les revenus et les contribuables passibles de TVA, les seconds seuls pouvant se voir réclamer consignation des fonds en cas d'appel, ce qui est contraire au principe du libre accès de tous aux tribunaux et à celui du double degré de juridiction.

Dans l'hypothèse où l'administration a le sentiment qu'un contribuable frappe d'appel une décision prononcée en matière de TVA dans le but exclusif de gagner du temps, il lui est loisible :

­ de demander une fixation à bref délai par application des articles 747 et 751 du Code judiciaire;

­ de solliciter condamnation de l'appelant au paiement d'une indemnité pour appel téméraire et vexatoire;

­ de solliciter condamnation de l'appelant au paiement d'une amende pour fol appel (article 1072bis du Code judiciaire).

L'article 92, alinéa 2, du Code de la TVA doit être abrogé.

5. Les « griefs nouveaux »

A. Le nouvel article 372 CIR (article 28 du projet 1) impose au contribuable de présenter ses griefs nouveaux dans un délai de 12 mois à partir de la date de réception de la réclamation.

Cette modification de l'article 372 est évidemment justifiée par le fait qu'à l'avenir, le directeur régional des contributions se verra impartir un délai pour statuer, de sorte qu'il n'est pas souhaitable qu'il soit saisi de griefs nouveaux à l'extrême limite de ce délai.

Cette disposition est néanmoins regrettable, puisqu'elle est de nature à empêcher un redevable de faire valoir certains de ses droits si, dans sa réclamation initiale, il a omis de formuler un grief et s'il oublie de le formuler dans les délais précisés dans l'article ci-dessus, par exemple parce qu'il n'est pas conseillé.

Il est suggéré de réécrire l'article 375 CIR comme ci-dessus point 2.

B. Par ailleurs, l'article 1385undecies du Code judiciaire (article 8 du projet 2) réglemente la matière de l'introduction de griefs nouveaux devant les tribunaux.

Il n'est pas souhaitable de limiter le droit d'un contribuable de soumettre au tribunal l'ensemble du litige concernant une imposition.

Il n'y a sur ce point aucune raison de ne pas se référer au prescrit de l'article 807 du Code judiciaire qui contient une disposition spécifique en la matière : « La demande dont le juge est saisi peut être étendue ou modifiée, si les conclusions nouvelles, contradictoirement prises, sont fondées sur un fait ou un acte invoqués dans la citation, même si leur qualification juridique est différente. »

Le tribunal connaît d'un litige en matière d'impôts et, à ce titre, a le droit de connaître de l'ensemble du litige. Ceci s'impose d'autant plus que la matière est d'ordre public. Rappelons les critiques formulées sur ce point par le Conseil d'État et l'avis qu'il a exprimé à nouveau à ce sujet en date du 12 février 1998 (Chambre, 1342/7 - 97/98).

6. Quelques observations quant au monopole de plaidoirie des avocats

Pas plus qu'un avocat ne prétend remplir les déclarations de ses clients, les aider à calculer le montant de leur revenu brut, les conseiller quant au montant des charges professionnelles qu'ils peuvent déduire, les aider à dresser à titre préventif un projet de situation indiciaire ou les assister lors d'un contrôle, il ne se justifie de permettre à un conseiller fiscal ou un expert-comptable de plaider.

La plaidoirie est une science, exigeant à la fois synthèse, rigueur, sens de l'argumentation et du développement juridique.

Cette science s'apprend pendant les études de droit, et il ne se justifie pas d'autoriser ceux qui n'ont pas mené à bien semblables études de pratiquer l'art de la plaidoirie.

Il serait d'ailleurs peu compatible avec le souci de ne pas accroître l'arriéré judiciaire d'autoriser de nombreux non-praticiens de cet art à représenter les justiciables devant les tribunaux.

À ceci s'ajoutent des considérations à caractère déontologique. La déontologie de l'avocat contient des dispositions spécifiquement adaptées au comportement qu'il faut avoir dans les prétoires.

Rien ne doit donc être changé à la situation actuelle, en vertu de laquelle le conseiller fiscal ou le comptable assistent le contribuable pendant la phase pré-contentieuse, l'avocat intervenant ensuite si le justiciable, qui peut par ailleurs se défendre seul, en formule le souhait.

Voir aussi :

1. D'étranges divergences. Article paru dans L'Écho du 27 janvier 1998.

2. La réforme de la procédure fiscale. Article paru dans L'Écho du 26 mai 1998.

8. Exposé de M. François Izzi, Expert comptable et président de la Ligue francophone du Syndicat national des contribuables asbl

Le projet a subi des rectifications allant dans le sens souhaité par les contribuables (recours hiérarchique abandonné, délai de clôture d'une réclamation raccourci, etc.) nous permettant d'être dans les grandes lignes favorables au projet. Nous sommes ainsi favorables à la nouvelle phase en justice, qui permettra un débat contradictoire, à l'inverse de maintenant; le délai de 18 mois est aussi une amélioration par rapport à maintenant. Toutefois il reste deux aspects que l'on souhaite voir rectifiés et améliorés, car ils sont vraiment anti-démocratiques et à l'encontre du contribuable, deux aspects dont nous avons déjà fait part à maintes reprises en communiqué de presse et au ministre :

1) L'avis de rectification envoyé par un agent en début de phase contentieuse, fait l'objet d'une réponse dans les 30 jours de la part du contribuable lorsqu'il n'est pas d'accord avec les rectifications. Or la plupart du temps l'agent n'en tient pas compte, ne répond pas à la réponse, et envoie la note de calcul d'impôt rectifiée sur base de ces éléments fondés ou non. Le contribuable a alors comme seul recours l'introduction d'une réclamation auprès du directeur, et l'agent n'est plus concerné, avec toute la suite de la procédure connue, et l'accroissement souvent décrié de l'arriéré.

Nous souhaitons qu'il soit imposé au minimum à l'agent de répondre à la réponse du contribuable et ce avec des éléments fondés et qu'en outre, si le désaccord persiste, il soit laissé la possibilité au contribuable de s'adresser à une commission fiscale décrite au second point ci-après. Ceci aura l'avantage de diminuer les litiges en réclamations ou devant les juridictions.

2) La commission fiscale précitée et déjà visée à l'article 347 du Code actuellement (mais qui n'est, dans la pratique, pas en activité) serait, suivant le projet, supprimée, enlevant ainsi les seules possibilités démocratiques pour le contribuable que ses arguments soient examinés par un groupe objectif.

Nous voulons donc que cette commission soit non seulement maintenue mais améliorée dans sa composition (pas de dominance de l'administration et représentation de divers corps de la société par leur spécialiste) afin qu'elle soit pour le contribuable un recours possible avant réclamation s'il n'est pas d'accord avec l'avis de rectification envoyé par un agent. Un grand nombre de contribuables se rallieront ainsi à l'avis de cette commission et ne déposeront pas de réclamations, avec tous les effets positifs pour l'administration; de plus les agents seront moins enclins à rectifier avec légèreté.

Discussion

Le ministre annonce que ses services examinent actuellement les notes remises par les personnes que la commission a déjà auditionnées. Il reconnait que ces personnes font autorité en matière de droit comptable et de droit fiscal.

Le ministre s'appuie sur l'exposé de M. Van Dyck pour résumer en deux points les objectifs poursuivis par la réforme de la procédure fiscale :

1. C'est, d'une part, permettre l'organisation de contrôles conjoints de l'entreprise par les contributions et la TVA. Cet objectif est réalisé, pour l'essentiel, d'une part par la constitution des nouveaux centres de contrôle et, d'autre part, dans le projet, par une harmonisation des délais de prescription en matière de TVA, et des délais d'imposition des contributions directes.

2. Le second objectif de la réforme est de transférer au pouvoir judiciaire le contentieux juridictionnel actuellement traité par le directeur des contributions. Ce transfert est justifié par le souci d'assurer au contribuable le traitement du litige qui l'oppose à l'administration, par un juge impartial et indépendant.

Cela n'implique pas la disparition du recours administratif. Dans une première phase, subsiste le contentieux administratif, pour lequel le projet introduit des délais.

Le délai de 18 mois est suivi d'une mise en demeure qui donne encore six mois au maximum. Pour le ministre, cette mesure constitue un progrès par rapport à la situation actuelle, où il n'y a pas de délais. Actuellement, l'on constate que, parfois, après plusieurs années, il n'y a toujours pas de décision du directeur des contributions sur une réclamation.

À la remarque du président que toutes les personnes auditionnées qualifiaient ce délai de deux ans de trop long, le ministre rétorque que tel n'est pas l'avis de l'administration.

Le ministre fait remarquer que la mission première de l'administration fiscale est de faire payer l'impôt juste. Il importe de garder un équilibre dans cette question. Cela n'empêche pas que l'administration doive veiller à entretenir de bonnes relations avec les contribuables. Dans un certain nombre de cas difficiles, il est clair qu'imposer un délai trop court rend impossible pour l'administration un bon travail. La plupart des dossiers sont déjà actuellement traités dans l'année. Pour les autres cas, il n'y a pas de délais. Par conséquent, du point de vue du contribuable, c'est un progrès d'avoir fixé un délai qui est au maximum de deux ans. Ensuite, le contribuable a le droit de porter le litige devant le juge.

Le président rappelle que le délai de deux ans a été critiqué quasiment par toutes les personnes auditionnées par cette commission. Il est vrai que la commission n'a pas entendu l'administration. L'intervenant considère toutefois que le ministre en est dans une large mesure le porte-parole et peut donc réagir aux critiques sur les délais.

Un deuxième grief assez général, qui est ressorti des auditions, concerne l'impossibilité pour un litige en matière fiscale de faire état d'éléments nouveaux qui interviendraient en cours de procédure alors que, d'une façon générale, en matière civile ou en matière pénale, on peut toujours le faire, y compris pour demander une révision ou pour revoir complètement une condamnation qui est intervenue par exemple sur le plan pénal.

Le ministre considère toutefois que sur ce plan également, le projet constitue un progrès par rapport à la situation actuelle puisque maintenant l'on peut, dans l'acte introductif d'instance, invoquer des griefs nouveaux qui n'avaient pas été soumis dans la phase administrative.

Le président explique que ce que l'on reproche surtout, c'est qu'en fait, en matière de procédure fiscale, le projet innove (sic) à l'égard d'un Code judiciaire approuvé par le législateur il y a une trentaine d'années. Or, ce Code judiciaire, en matière de procédure civile, a toujours été considéré dès l'origine comme étant un modèle pour d'autres pays. Il s'agit de la réforme inspirée par le bâtonnier Van Reepinghen.

Le ministre précise qu'il est évident que les griefs de droit peuvent toujours être invoqués. Ce sont de nouveaux griefs de fait que l'on ne peut pas invoquer au-delà de l'acte introductif d'instance. L'intention est d'éviter dans la pratique, la technique utilisée par certains experts fiscaux qui, à dessein, n'invoquent pas un certain nombre d'éléments de fait en faveur de leurs clients et se les réservent pour une phase ultérieure de la procédure.

Un membre estime qu'en déposant le projet de loi en question, l'on a raté l'occasion de réformer la procédure fiscale dans un sens positif, c'est-à-dire dans le sens du développement d'un climat positif qui générerait un plus grand civisme fiscal. L'intervenant estime que le message du projet de loi va dans le sens contraire. En effet, la procédure fiscale devient plus longue, plus compliquée et plus onéreuse. Les droits de l'administration sont renforcés au détriment de ceux du citoyen. Dans les cas où l'administration aura omis de répondre dans le délai de deux ans, le contribuable restera dans l'incertitude. C'est lui d'ailleurs qui doit prendre l'initiative de signaler à l'administration qu'elle ne fait pas son travail. Il devra lui adresser une mise en demeure qui rendra plus délicate encore la position de faiblesse dans laquelle le contribuable se trouve vis-à-vis de son contrôleur.

Le membre regrette que l'on ait manqué cette occasion et il craint que la réforme envisagée ne fasse plus de tort que de bien. Il est convaincu qu'il faudra très vite une nouvelle réforme fiscale qui permette d'obtenir un résultat plus acceptable.

Le ministre souligne qu'il ne partage absolument pas cette opinion. Il répète que, d'après lui, le projet s'efforce de réaliser un équilibre entre les préoccupations légitimes des contribuables et celles de l'administration. Le contribuable a le droit d'être traité de manière correcte. Dans cette optique, le fait que désormais le contribuable puisse porter sa réclamation en première instance devant le pouvoir judiciaire, avec la possibilité ensuite d'aller devant la cour d'appel, constitue un progrès important. Par conséquent, sur le plan des possibilités de recours du contribuable, ce projet constitue un progrès incontestable. Il est vrai toutefois qu'en même temps, il y a le souci de ne pas complètement désarmer l'administration fiscale et de lui permettre d'accomplir sa tâche, qui est d'assurer, dans toute la mesure du possible, le paiement de l'impôt dû. Le projet vise donc à trouver un équilibre juste. Le ministre croit que les lignes directrices répondent bien à cette double préoccupation.

Il ajoute que le projet n'est certainement pas parfait et que lors de la discussion des articles, l'on peut encore réfléchir et ajuster l'un ou l'autre point.

Un commissaire fait observer que les experts fiscaux jugent que le délai dont dispose l'administration est trop long, dans une procédure où cette instance n'est intercalée que pour permettre d'éviter la multiplication des conflits devant les tribunaux. Pratiquement personne n'est convaincu qu'il faille deux ans. L'argumentation est basée d'une part sur le fait qu'il y a des éléments factuels qui peuvent trouver leur solution dans la discussion entre le contrôleur et le contribuable. Cette discussion peut avoir lieu dans un délai plus court. D'autre part, il y a des cas où ce sont des principes qui sont en cause (une circulaire, une directive donnée par le ministre à son administration, etc.). Dans ce cas de figure, l'administration est totalement liée. Là, il est totalement superflu de prévoir un délai puisque, de toute façon, il faudra que les tribunaux interviennent pour trancher le litige. Par conséquent, pour ces deux catégories de litiges, ce délai de recours administratif de 18 mois suivi par un délai de 6 mois avec possibilité de mise en demeure dont on doute de l'utilité, est au centre de la controverse.

En ce qui concerne le deuxième grief général, auquel le ministre a répondu, que le contribuable peut toujours faire valoir des moyens nouveaux en droit, mais pas des faits nouveaux, le commissaire rétorque que l'on ne peut pas ériger la pratique des contribuables les plus rusés et les plus mal intentionnés comme étant la généralité pour ensuite conformer la procédure que l'on oppose à tous les citoyens, sur base de la procédure destinée aux pires d'entre eux.

Un membre déclare qu'il est vrai que la loi en projet représente un progrès pour le contribuable en ce sens qu'il dispose désormais du droit d'introduire un recours auprès d'un juge indépendant. Il estime toutefois que le contribuable doit payer très cher ce progrès. La procédure devient en effet plus longue; le contribuable doit mettre en demeure son propre contrôleur. Il doit en outre attendre deux ans, même si le litige porte sur une différence d'interprétation de la législation fiscale à propos de laquelle le contrôleur ne peut conclure lui-même aucun accord et qui devra faire l'objet d'une décision du tribunal à l'issue de la période de deux ans.

Le commissaire estime par conséquent que l'on ne peut absolument pas dire que, dans cette situation, il y a un équilibre entre les droits du contribuable et ceux de l'administration fiscale. Les citoyens ont déjà le sentiment de se trouver en position de faiblesse. Le projet de loi ne changera rien à cela, au contraire. Il ne va certainement pas promouvoir le civisme fiscal.

Un autre commissaire cite l'exemple esquissé par Maître Th. Afschrift dans son commentaire sur les conséquences d'un recours administratif obligatoire. Les revenus de l'an 2000 seront contrôlés en 2003, la réclamation sera tranchée en 2008 et les deux degrés de juridiction seront épuisés en 2014, s'il n'y a pas pourvoi en cassation.

Le ministre répond que tel est malheureusement déjà le cas dans l'état actuel des choses. Il répète que, même si le délai est considéré comme trop long, le fait de fixer ce délai constitue un progrès par rapport à la situation actuelle où aucun délai n'est prévu et où le contribuable doit attendre parfois 5 à 8 ans avant que le directeur des contributions ne se prononce sur sa réclamation.

Le préopinant estime toutefois qu'il est quand même inconcevable qu'un contribuable, quelle que soit sa qualité, ne connaisse pas avant 14 ans le sort définitif de sa situation fiscale.

Le ministre réplique que c'est précisément parce qu'il juge cette situation anormale, qu'il a déposé un projet de loi qui impose un délai. Le projet prévoit même que si, après la mise en demeure, le directeur des contributions ne s'est pas prononcé, la requête est supposée acceptée.

Le même commissaire fait valoir que pour les entreprises et en particulier pour des investisseurs étrangers qui n'ont pas le statut de centre de coordination, le fait qu'il y ait des litiges avec l'administration des Contributions qui se répètent année après année et qui, 10 ans après la première imposition, ne connaissent toujours pas la décision de l'administration et ses conséquences sur le résultat de leurs filiales, est incompréhensible et grotesque. De telles pratiques, répercutées à l'étranger, font la risée de notre pays.

Un autre membre estime que le projet renforce encore la mauvaise réputation que la Belgique a en ce domaine.

Il reproche au ministre de maintenir un recours administratif obligatoire qui souvent ne se justifie pas.

Le ministre craint que si, par exemple pour des litiges sur une interprétation de la législation fiscale, l'on passait directement devant les tribunaux et ce, sans filtre administratif, l'arriéré judiciaire monterait en flèche.

Le commissaire estime que le contribuable, puisque cela lui coûte pas mal d'argent, n'ira pas au tribunal sans un bon dossier. Il ajoute que le délai de deux ans ne change rien au nombre de litiges qui vont devant les tribunaux.

Le ministre fait observer que le membre part de l'idée que, même si le contribuable a raison, le directeur lui donnera tort. Il ajoute que des magistrats se plaignent de ce que l'on utilise aujourd'hui le recours devant la cour d'appel même dans des cas où le contribuable sait parfaitement qu'il n'obtiendra pas gain de cause, mais simplement pour faire prolonger le litige sans qu'il doive payer.


Le ministre ne comprend pas pourquoi le membre s'obstine à soutenir que tous les cas simples qui aujourd'hui sont réglés dans l'année, ne le seraient plus après l'adoption du projet. Dans la pratique, plus de 80 % des réclamations sont traitées dans l'année. Il ne faut pas oublier non plus que c'est l'agent qui a établi la taxation qui devra la défendre devant le tribunal. Cette personne, quand le contribuable a raison, a donc tout intérêt à le reconnaître rapidement. Pour les moins de 20 % de cas qui ne sont pas tranchés par le directeur des contributions dans l'année, il n'y a aujourd'hui aucun délai, ce qui entraîne des situations tout à fait inadmissibles. Le fait d'imposer un délai de deux ans constitue un progrès incontestable.

Un commissaire souligne qu'il existe quand même un esprit de corps qui règne au sein des agents de l'administration des Finances et qu'il est tout à fait exceptionnel que le directeur des contributions prenne position contre l'agent-taxateur. Or, ces dernières années, le ministère des Finances a embauché pas mal de jeunes agents. Il n'est que normal que ceux-ci commettent des erreurs. Et au niveau des supérieurs hiérarchiques, l'on a peur de les contredire.

Le ministre réplique que ce ne sont pas ces supérieurs qui traitent les réclamations. Dans la pratique, la réclamation est examinée par l'inspecteur du contentieux et le contribuable peut avoir une discussion avec cet inspecteur. Heureusement, il y a beaucoup de litiges qui sont réglés à ce stade. Dans ces cas, le contribuable ne doit pas aller en recours devant la cour d'appel.

En pratique, le contribuable introduit une réclamation écrite auprès du directeur des contributions. Toutefois, le contribuable ou son avocat demandent à rencontrer l'inspecteur du contentieux qui traite le dossier.

Le préopinant compare la situation du contribuable avec celle de Dreyfus devant l'armée française. Selon le membre, l'esprit de corps au ministère des Finances n'est pas toujours favorable à une appréciation objective de la situation d'un contribuable. Le commissaire estime aussi que, d'une façon générale, le projet de loi ne donne pas l'impression d'aller à l'encontre de cette situation qui est psychologiquement et concrètement défavorable au contribuable.

Un autre membre estime qu'il faudrait se demander si l'on améliore suffisamment la situation du contribuable. Il signale qu'il n'est question nulle part, dans le projet de loi, d'un droit du contribuable d'être entendu par l'agent taxateur.

Le ministre répond que ce droit est régi par l'article 374, alinéa trois, du CIR 92, que le projet ne vise pas à modifier.


9. Exposé de Maître Marc Dassesse, avocat, expert fiscal

I. Observations communes aux deux projets : compétence fiscale des régions et des communautés ­implications

Exemple : Contestation en matière de remise du précompte immobilier pour improductivité.

Un fonctionnaire de l'État fédéral est amené à statuer sur un litige dont l'issue intéresse non pas l'État fédéral, mais exclusivement la Région concernée. Ce fonctionnaire fédéral doit appliquer, pour ce faire, une réglementation qui relève exclusivement du pouvoir régional. En cas de litige porté devant le pouvoir judiciaire aboutissant, à la fin de la procédure, à un pourvoi devant la Cour de cassation, ce pourvoi doit être obligatoirement introduit par un officier ministériel de l'État fédéral, à savoir un des quinze avocats à la Cour de cassation. Mêmes remarques en ce qui concerne les communautés.

II. Projet de loi relative au contentieux en matière fiscale, nº 1-966/1

II.1. Modification du régime de dénonciation des mécanismes particuliers par la Commission bancaire et extension de ce régime à l'Office de contrôle des assurances (cf. article 9 du projet).

L'obligation de dénonciation au ministère des Finances peut avoir pour conséquence la faillite de l'établissement de crédit concerné suite à l'enrôlement de l'impôt, des accroissements et des amendes par le ministère des Finances (cf. affaire Belgocentrale). Ceci vaut tant pour la Commission bancaire et financière que pour l'Office de contrôle des assurances, dans la mesure où celui-ci est compétent pour le crédit hypothécaire octroyé par les banques.

C'est précisément le souci de préserver la stabilité des établissements de crédit concernés qui est invoqué pour justifier la compétence actuelle de la CBF dans le domaine des mécanismes particuliers.

Se pose, dès lors, la question de savoir si la disposition de l'espèce ne doit pas être préalablement soumise en projet par le gouvernement belge à la Banque centrale européenne. Comparer la procédure de consultation récemment suivie à propos de la législation concernant la lutte contre le blanchiment (cf. décision du Conseil nº 93/717/CE, Journal Officiel nº L332 du 31 décembre 1993, p. 14 et doc. Chambre, nº 1335/2, 1997-1998, pp. 1 à 3).

II.2. Le conjoint (sauf dans un régime de séparation de biens pure et simple) reste exposé au risque de voir recouvrer sur ses biens non seulement les impôts dus par l'autre époux (éventuellement séparé de fait), mais également les accroissements et les amendes. Comparer avec le récent arrêt de la Cour des droits de l'homme dans une affaire intéressant la Suisse : on ne peut pas tenir les héritiers pour responsables d'une infraction fiscale commise par le défunt (arrêté AP, MP et TP contre Suisse du 29 août 1997).

II.3. Raccourcissement du délai dont dispose l'assujetti pour réclamer la restitution d'une TVA payée indûment (cf. article 52 du projet).

Si l'administration bénéficie, dans certaines hypothèses, d'un délai de recouvrement de cinq ans, voire de sept ans, ne convient-il pas, dans les mêmes hypothèses, d'accorder au contribuable le droit de réclamer, pour sa part, le remboursement de la totalité des taxes éventuellement acquittées à tort, au regard du droit communautaire, pendant le même délai de cinq ans ou de sept ans ?

Même remarque pour le délai de déduction (réglé par arrêté royal) qui sera également, sans doute, ramené de cinq ans à trois ans.

II.4. Obligation de consignation en cas d'appel en matière de TVA (article 58 du projet).

L'assujetti risque de voir son recours déclaré irrecevable si la juridiction saisie n'a pas statué dans les trois mois sur le recours contre la demande de consignation. Or, l'assujetti n'est en rien responsable d'un tel retard.

II.5. Un élément préoccupant que le projet de loi laisse inchangé. Aujourd'hui, lorsqu'il y a un litige qui surgit entre l'administration de la TVA et l'assujetti, l'administration émet une « contrainte ». Dans ce cas, d'office, il y a un accroissement de minimum 10 %. Cette amende est très dissuasive pour permettre à un contribuable de faire valoir ses droits. Ce problème pourrait peut-être être réglé avec un amendement au projet de loi nº 1-966/1.

III. Projet de loi relative à l'organisation judiciaire en matière fiscale, nº 1-967/1

III.1. Compétence territoriale du juge (cf . article 6).

Rien n'est prévu pour l'hypothèse où le litige relatif à l'application d'une loi fiscale surgit (par exemple) entre deux entreprises, en l'abscence, par conséquent, de toute intervention d'un service d'imposition.

III.2. Droit de soulever des griefs nouveaux (article 8).

La disposition en cause va à l'encontre de la jurisprudence de la Cour de Justice des Communautés européennes (cf . commentaire arrêt Peterbroeck, Van Campenhout & Cie c./État belge dans un article paru dans L'Écho du vendredi 19 janvier 1996) :

« Le droit communautaire s'oppose à l'application d'une règle de procédure nationale [qui dans les conditions prévues par la législation belge] interdit au juge national ... d'apprécier d'office la compatibilité d'un acte de droit interne avec une disposition communautaire, lorsque ce dernier n'a pas été invoqué dans un certain délai par le justiciable. »

L'interdiction d'invoquer des éléments de fait nouveaux, après l'introduction du recours judiciaire, paraît peu compatible avec cette jurisprudence. C'est spécialement le cas en matière de TVA, où il y a une aggravation considérable de la situation de l'assujetti.


10. Audition du Conseil de l'Ordre du barreau de Bruxelles

Le Sénat est actuellement saisi d'un projet de réforme du Code judiciaire dans le cadre de la création des chambres fiscales au sein des tribunaux de première instance.

À l'examen du projet de loi relatif à l'organisation judiciaire en matière fiscale, adopté par la Chambre des représentants, l'on constate que l'article 728 du Code judiciaire fera l'objet d'un § 2bis rédigé comme suit :

« Devant le tribunal de première instance, le ministre des Finances peut se faire représenter par un fonctionnaire qu'il désigne, dans les contestations visées à l'article 569, alinéa 1er , 32º. »

Un amendement tendrait également à la modification de l'article 728 du Code judiciaire par l'ajout d'un § 3 libellé comme suit :

« Le conseil de la partie requérante et en l'absence de conseil, la partie requérante pourront solliciter la présence et l'assistance de l'expert-comptable du requérant tout au long de la procédure devant les tribunaux de première instance et devant la cour d'appel. L'exercice de ce droit n'est pas lié à l'autorisation préalable du juge de la cause. »

Le barreau souhaite faire valoir des objections à ces deux projets de représentation :

1. Représentation du ministre des Finances par des fonctionnaires.

Conformément aux règles de droit, confirmées par la doctrine et la Cour de cassation, tout fonctionnaire dûment habilité par l'autorité compétente à « représenter » l'État est en réalité organe de l'État. C'est l'État qui s'exprime par son intermédiaire.

Dès lors, le fonctionnaire, dûment habilité au regard des règles du droit administratif, comparaîtrait devant les nouvelles chambres fiscales du tribunal de première instance en tant qu'organe de l'État.

C'est donc une partie en personne (cette notion recouvrant personnes physiques et morales suivant un arrêt de la Cour de cassation du 10 mai 1972, Pasicrisie , p. 866) qui comparaîtrait.

Cette hypothèse est déjà visée par l'article 728, § 1er , actuel du Code judiciaire qui dispose que :

« Lors de l'introduction de la cause et ultérieurement, les parties sont tenues de comparaître en personne ou par avocat. »

Le barreau estime en conséquence que la modification serait donc sans objet, sauf à considérer que l'État limite son droit de comparaître en personne au premier degré de juridiction et qu'en degré d'appel, il sera représenté par un avocat. Le libellé de l'article 728, § 2bis , devrait alors être autre.


L'on peut par ailleurs se poser la question de l'intérêt de la défense de l'État par son fonctionnaire, particulièrement s'il a traité le dossier litigieux.

En effet, l'indépendance nécessaire à la défense peut faire défaut, ce qui est le cas pour tout justiciable dont l'implication personnelle dans le litige constitue tant un obstacle à la sérénité du débat, qu'à la qualité de la défense.

Il est souvent préférable d'en référer à un professionnel, qui naturellement exercera le rôle de premier juge, et tentera au préalable la recherche d'une solution non contentieuse, ces missions étant inscrites dans les règles déontologiques des avocats.

La question ressort toutefois de l'opportunité qui doit être appréciée par les autorités administratives compétentes et le ministre en premier lieu.

2. Assistance des justiciables ou de leur conseil par l'expert-comptable du requérant

L'amendement tend à faire prendre la parole à l'expert-comptable du requérant, à l'audience, sans autorisation préalable, et sans que le domaine de son intervention ne soit circonscrit, dans les litiges de nature fiscale.

Il est utile de rappeler que, suivant l'article 78 de la loi du 21 février 1985, la profession d'expert-comptable se définit comme suit :

« Les activités d'expert-comptable consistent à exécuter dans les entreprises privées, les organismes publics ou pour compte de toute personne ou de tout organisme intéressé, les missions suivantes :

1º la vérification et le redressement de tous documents comptables;

2º l'expertise, tant privée que judiciaire, dans le domaine de l'organisation comptable des entreprises ...;

3º l'organisation des services comptables et administratifs des entreprises et les activités de conseil en matière d'organisation comptable et administrative des entreprises;

4º les activités d'organisation et de tenue de la comptabilité de tiers;

5º les activités de conseil en matière de fiscalité, pour autant qu'elles ne soient pas exercées à titre principal ou fassent partie par leur nature [de la vérification et du redressement de tous documents comptables]. »

L'activité de l'expert-comptable, légalement définie, est manifestement étrangère à l'assistance en justice et le seul domaine du conseil en matière fiscale est circonscrit à l'accessoire ou à l'activité de vérification et de redressement des documents comptables.

Par contre, l'expert-comptable est certainement indispensable lorsqu'il exerce sa profession : celle d'un excellent spécialiste, habilité à dresser les comptes et seul compétent, dans certaines conditions, pour les certifier.

Son rôle d'homme des chiffres et de spécialiste de l'application des règles issues du droit comptable est incontestable, mais ce rôle, essentiel dans la vie économique, est situé avant la phase judiciaire.

En réalité, une fois que le procès a commencé, l'expert-comptable pourrait être un conseiller technique de son client.

À ce titre, il est bien entendu que le justiciable peut, si cela rencontre son intérêt, s'adjoindre un conseiller technique afin de faire valoir la position du spécialiste de son choix, et donc de son expert-comptable.

Ceci est vrai en toute matière, et particulièrement dans les matières précisément techniques, nous pensons par exemple aux conflits en matière de construction ou en matière de responsabilité médicale.

Jamais les médecins ou les architectes n'ont cependant soutenu qu'ils devaient intervenir à l'audience. Par contre, ils font part de leurs avis et ceux-ci sont invoqués par les avocats dans le cadre global de la défense de leur client.

Ainsi, l'avis d'un expert-comptable peut bien entendu être déposé sous forme de rapport au cours d'une procédure, et les écrits de procédure (conclusions notamment) s'y référeront en fonction des besoins de la défense du justiciable. Dans ces conditions, le juge sera tenu de répondre aux moyens soulevés, en vertu de son obligation de motivation, imposée en premier lieu par la Constitution.

Par ailleurs, en cas de difficulté, de contrariété entre experts, ou pour toute autre raison, l'expert-comptable pourrait être entendu ­ dans le domaine de sa compétence ­ par le juge, à la demande de ce dernier ou à la demande des parties.

Il s'en déduit, que dans l'état actuel des règles de procédure et du droit en général, le justiciable, s'il l'estime nécessaire, peut toujours demander l'aide d'un conseiller technique, expert-comptable, dans le cadre de sa défense.

Il n'y a dès lors pas lieu de modifier le Code judiciaire sur ce point.

Il convient toutefois de noter qu'à ce jour, il est tout à fait exceptionnel que la cour d'appel désigne des experts-comptables, en matière fiscale, et l'on peut affirmer que les cas où des experts-comptables sont entendus en qualité de conseillers techniques, dans le cadre de leurs compétences, sont rarissimes sinon nuls.

Cette réalité est justifiée par le fait que le débat noué devant les juridictions ne porte pas sur des questions de techniques comptables, mais sur des questions juridiques.

C'est d'ailleurs pour cette raison que la plupart des nouveaux conseillers suppléants à la cour d'appel, destinés à siéger dans les chambres fiscales, ont été nommés parmi des avocats fiscalistes.


L'amendement tend en réalité à permettre à l'expert-comptable de prendre la parole en toute matière, tout comme un avocat assisterait son client.

Ceci est excessif, essentiellement dans le souci de la protection du justiciable.

Sous l'angle de l'accès à la profession, cet amendement est incompatible avec les règles actuelles.

En effet, le débat qui se nouera devant les cours et tribunaux est un débat judiciaire, portant sur l'application, à partir de cas ponctuels, des règles de droit relatives à la procédure et au fond du litige.

Les avocats (ayant accompli 5 années de droit à l'université, licenciés ou docteurs en droit, ayant accompli un stage de 3 années au sein du barreau) remplissent les conditions légales d'accès à la profession pour la défense du justiciable devant les cours et tribunaux.

Les experts-comptables ne présentent pas ces qualifications requises pour assurer l'assistance judiciaire de leurs clients : ils ne sont ni juristes ni spécialistes de la procédure, dans un débat où les règles procédurales sont complexes et où la question fondamentale posée au juge est une question de droit.

Or, le contentieux fiscal recouvre de nombreuses branches du droit : la loi fiscale dispose elle-même que toutes les situations qu'elle ne définit pas, sont régies par le droit commun : droit civil, commercial, des sociétés, etc.

En outre, le procès exige une compétence particulière : celle d'un spécialiste du procès : seuls les avocats ont acquis cette spécialité, à travers une reconnaissance séculaire.

L'expert-comptable exercerait donc, en cas d'assistance judiciaire, son activité dans un domaine qui dépasse celui de son accès à la profession, mais encore empiéterait sur celui d'une autre profession.

Ceci revient à une dérégulation de l'assistance en justice, dès lors qu'implicitement, les critères minima d'accès à la profession ­ connaître le droit et la procédure ­ sont éradiqués.

En outre, cet amendement, s'il était admis, pourrait être considéré comme dérogeant au principe constitutionnel d'égalité, dès lors qu'il n'existerait plus de critère objectif définissant l'accès à la profession pour la défense en justice, de telle sorte que de nombreuses autres professions pourraient revendiquer le droit d'assistance en justice et introduire un recours devant la Cour d'arbitrage.

À l'heure où le législateur (souvent à l'initiative du gouvernement), dans l'intérêt des particuliers, réglemente l'accès à la profession dans tous les domaines de la vie économique, la proposition critiquée irait à contre-courant et ne rencontrera pas l'intérêt bien compris des justiciables.

Plus précisément sous l'angle de l'intérêt des justiciables, l'expert-comptable du requérant est celui qui aura personnellement dressé les comptes et/ou la déclaration fiscale à l'origine du conflit.

Imagine-t-on que l'intérêt du justiciable sera valablement rencontré si celui qui l'assiste se voit contraint de défendre son propre intérêt, qui est potentiellement en conflit avec celui de son client ?

Imagine-t-on l'expert-comptable expliquer au client qu'il assiste, qu'il a peut-être commis une faute ­ cause du litige ­ dans la phase pré-contentieuse, laquelle faute engage sa responsabilité professionnelle ?

Cette notion de conflit d'intérêt, est au centre de l'indépendance indispensable à la défense des justiciables.

En effet, les avocats ne défendent pas d'intérêt propre, mais celui de leur client. Et en cas de conflit d'intérêt, leurs règles professionnelles leur imposent de se déporter du dossier.

De même, les délégués syndicaux, admis à la représentation en justice devant les juridictions du travail, ne défendent pas leurs intérêts, mais ceux des affiliés.

Il n'existe par ailleurs pas de cas connus où des experts interviendraient dans une procédure lorsqu'ils sont liés à une des parties et sont, pour partie, à l'origine de la contestation : un des critères essentiels et préalables de tout expert est son indépendance.

L'expert-comptable sera en outre bien en peine, car il a participé activement à la phase préjudiciaire (établissement des comptes, des déclarations, discussions avec l'administration) d'assumer les deux tâches indispensables avant d'entamer une procédure : exercer le rôle de premier juge et tenter au préalable la recherche d'une solution non contentieuse, ces missions étant inscrites dans les règles déontologiques des avocats.

Ces tâches d'examen préalable du dossier et de tentative de conciliation ­ traditionnellement dévolues au barreau ­ constituent un filtre régulateur des procédures judiciaires. Ce filtre deviendra inexistant dans un contentieux où le contribuable prendra l'initiative de la procédure dans 100 % des cas.


En conclusion

On ne demande pas aux magistrats d'être des spécialistes de la médecine, de l'art de la construction ou de la technique comptable.

Les avocats ne doivent pas l'être non plus.

À vrai dire, l'essentiel c'est de comprendre ces choses (ce qui est essentiel, ­ au stade du procès ­ n'est pas tant de dresser un bilan, mais de le comprendre et de l'interpréter) pour les traiter dans un cadre juridique et judiciaire qu'ils ­ les juges et les avocats ­ maîtrisent.

Supprimer l'interface des avocats, c'est mettre les parties directement en présence, ce qui aboutira le plus souvent à favoriser l'issue contentieuse.

Déréguler le droit de représentation ou d'assistance en justice conduira, à l'heure des tentatives de résorption de l'arriéré judiciaire, à un accroissement des affaires introduites en justice.

Échange de vues

Le président déclare que les membres de cette commission, et surtout ceux qui sont aussi avocats, ont beaucoup apprécié l'exposé de Maître Baltus.

Maître Janssen, concernant l'État, considère important d'ajouter qu'un fonctionnaire, s'il est habilité en vertu des règles du droit administratif, exerce la puissance publique et donc est l'État lorsqu'il pose un acte. Quand le ministre se fait « représenter » en justice par un fonctionnaire, le fonctionnaire qui sera présent, comparaît pour l'État et c'est donc une comparution en personne de l'État.

Actuellement, le Code judiciaire dit qu'on comparait en personne ou par avocat. Par conséquent, le principe de la comparution du ministre ou de l'État par son fonctionnaire est déjà comprise. Le projet à l'étude, toutefois, prévoit que le fonctionnaire comparaîtrait uniquement devant le tribunal de première instance, ce qui sous-entend que devant la cour d'appel, il y aurait un avocat. Là, l'État serait représenté par un professionnel.

Cette question de la comparution de l'État en degré d'appel reste ouverte. S'agissant de l'assistance des justiciables par les experts-comptables, il y a un problème de dérégulation de la représentation en justice. Elle est basée sur le principe de l'accès à la profession. Le travail du législateur ces derniers temps a été de créer des accès à la profession dans de nombreux domaines de l'économie dans un souci de protection du particulier. Si les critères minima de représentation en justice, qui paraissent être de connaître le droit et connaître la procédure, ne sont plus des critères admis, dans la mesure où l'on accepte des experts-comptables, il n'y a plus de catégories objectives et dès lors, toute autre profession se verra sans doute ouvrir un recours devant la Cour d'arbitrage sur la base du principe constitutionnel de l'égalité.

Or, le système actuel s'est structuré au cours des siècles et l'on a ressenti la nécessité de professionnels pour la représentation en justice. On risque ici d'ouvrir une brèche qui permettrait une dérégulation totale. L'enjeu dépasse donc de loin la question fiscale. Bien entendu, ce recours devant la Cour d'arbitrage, d'après Maître Janssen, aurait beaucoup de chances d'aboutir dans la mesure où la catégorie ne serait plus objective.

Un autre argument est tiré des questions de conflits d'intérêt et d'indépendance. Le comptable a un rôle essentiel, en fonction d'ailleurs de sa qualification de spécialiste des chiffres. Il fait la comptabilité, il fait la déclaration fiscale, il discute souvent avec l'administration.

Lorsqu'il y a un procès, ce sont les actes qu'il aura personnellement posés qui seront en litige. Il n'existe pas de cas connus où celui qui défend un tiers est partie à la cause. Le grand principe de la défense en justice est l'indépendance par rapport à celui que l'on défend. C'est la raison pour laquelle un avocat ne défend évidemment pas son intérêt mais celui de son client et c'est la raison pour laquelle un avocat ne peut pas, notamment, exercer de commerce ou faire d'industrie. C'est la raison aussi pour laquelle un avocat qui a un conflit d'intérêt dans un litige a l'obligation déontologique de se retirer du litige.

En outre et enfin, M. Janssen rappelle que le comptable peut, bien entendu, intervenir en justice en tant que conseiller technique. Cela se fait d'ailleurs dans toutes les matières techniques actuellement. En matière médicale ou en matière de construction, cette pratique est quotidienne.

Des architectes ou des médecins remettent une note qui est mise dans le dossier de pièces. Les avocats s'y réfèrent dans leurs conclusions et le juge est obligé de rencontrer ces arguments techniques puisque la Constitution lui impose de rencontrer tous les arguments et de motiver son jugement. S'il y a nécessité d'entendre l'expert-comptable, le justiciable ou son avocat peut le demander au juge. Le juge a le pouvoir de s'y opposer, mais il devra à nouveau motiver son refus. Il y a donc de nombreuses garanties.

L'expert-comptable, par sa fonction, intervient avant le procès. Il joue un rôle essentiel dans l'économie. Actuellement, une société ne peut plus se passer d'un expert-comptable. Son rôle est donc prédominant mais c'est un rôle dans la vie active de la société. Lorsqu'il y a un procès, les faits sont évidemment figés avant le procès et le procès porte sur des questions de droit et de procédure qui ressortent, d'après M. Janssen, de l'accès à la profession des avocats.

Un membre estime que les orateurs ont bien illustré une excellente thèse. Il pense cependant que cette thèse peut être défendue sans trop noircir d'autres professions. De même qu'il y a des comptables salariés qui font effectivement la comptabilité de l'entreprise et qui peuvent être mis en cause devant un tribunal, il y a tout autant des experts-comptables de haute qualité, totalement indépendants qui peuvent apporter une contribution parfaitement valable et en toute indépendance à un débat devant un tribunal. Il ne faut pas confondre la mise en cause d'un employé d'entreprise qui doit justifier son erreur comptable devant le tribunal, d'une part, et un expert-comptable indépendant auquel l'on ne peut pas faire le reproche d'être partie aux fautes qui ont été commises par l'entreprise qui, d'autre part, doit justifier son dossier fiscal.

Maître Baltus craint de s'être mal exprimé. Il déclare avoir beaucoup de respect pour les experts-comptables. Il donne même des cours de procédure fiscale chez les experts-comptables. Toutefois, il doute qu'un expert-comptable renommé ait l'idée de remplacer un avocat devant une juridiction. Par contre, il viendra certainement assister l'avocat. Les avocats et les experts-comptables travaillent la main dans la main, mais chacun dans son domaine.

Un commissaire fait remarquer qu'il a été dit qu'un avocat qui ne croit pas dans une cause ne doit pas accepter de défendre le justiciable. Comment peut-il alors défendre quelqu'un dont il sait qu'il est coupable ?

Un autre membre estime pouvoir affirmer en toute objectivité que l'avocat représente et défend la partie. Il n'approuve pas l'acte, mais il assiste l'auteur de celui-ci. Il renvoie également à la pratique en matière d'accidents de roulage. En l'espèce également, l'on rend un jugement sur la base d'un rapport d'expertise. C'est possible dans tous les domaines, et donc également dans le domaine fiscal. Le principe fondamental est que l'avocat comparaît en droit, qu'il représente la partie, qu'il tente en toute objectivité d'assister le tribunal en tant que premier juge pour parvenir ensuite à une conclusion. Il est aidé en cela par des experts. La meilleur chose à faire pour le bon fonctionnement des procédures judiciaires est de ne rien changer. Il est prouvé depuis des siècles que le système est bon et qu'il offre des garanties d'objectivité.

À propos de l'adage « un avocat ne peut pas défendre une cause qui ne lui paraît pas juste en son âme et consience », maître Baltus craint que tout le monde pense à Dutroux. Même des criminels comme lui doivent avoir un avocat. L'avocat a même le devoir de défendre Dutroux. Cela n'implique pas qu'il défende ce que Dutroux a fait. Le rôle de l'avocat est de trouver des petites choses que l'on peut dire pour la défense de Dutroux. Il faut que quelqu'un les dise au juge parce que le juge pourra alors juger en pleine connaissance de cause.

Exposé du vice-premier ministre et ministre des Finances et du Commerce extérieur intervenu après les auditions

Il y a un point, déjà évoqué, qui est la longueur de la procédure contentieuse. J'ai souligné la fois dernière que le fait de fixer un délai endéans lequel le directeur des contributions doit se prononcer sur la réclamation est déjà un progrès sensible par rapport à la situation actuelle. Néanmoins j'ai noté que plusieurs membres ont estimé que 18 mois constituait encore un terme trop long, c'est un avis qui avait été exprimé par certains à la Chambre. J'avais répondu à la Chambre et je l'ai dit également dans cette commission que l'administration estime que, pour des cas plus difficiles, elle a besoin de ce délai plus long. Néanmoins, je dois reconnaître que les médiateurs fédéraux ont attiré mon attention sur le fait que, dans des pays voisins, les délais dans lesquels les directeurs doivent statuer sur les réclamations sont en général plus courts. Les médiateurs fédéraux estiment que les délais dans lesquels les directeurs statuent actuellement en Belgique ne sont plus compatibles avec un état de droit moderne, je cite. Je leur laisse la responsabilité de cette appréciation. Mais il est un fait objectif que si l'on compare tant avec la France qu'avec les Pays-Bas, 18 mois, même si je le répète c'est un progrès par rapport à la situation actuelle, 18 mois apparaît encore long par comparaison avec ces autres pays. Donc voilà un point où peut-être, si une majorité consensuelle se dégageait, on pourrait éventuellement adapter le texte.

Il y a un deuxième point qui est également un point délicat, c'est le problème des griefs, puisqu'on veut que le directeur rencontre tous les griefs invoqués. La conséquence c'est qu'on ne peut pas invoquer de nouveaux griefs, je parle bien de griefs de fait, lorsqu'on entame la procédure judiciaire. Il y a là en effet un point délicat, il faut le reconnaître. Donc la Chambre a modifié le projet initial du gouvernement, est déjà allée plus loin, en permettant d'invoquer des nouveaux griefs dans l'acte introductif d'instance. Je reconnais que là, du point de vue des principes juridiques, il y a en tous cas matière à réflexion, mais je rappelle que le souci que nous avions c'était de ne pas donner une prime à certains spécialistes qui, à dessein, gardent par devers eux un certain nombre de moyens pour en fait allonger la procédure.

Le troisième point sur lequel on peut réfléchir, est un point qui a été soulevé par plusieurs personnes que vous avez auditionnées. Elles ont rappelé, ce qui est incontestable, que l'enrôlement fait naître dans le chef de l'État un double privilège qui est le privilège du préalable et le privilège de l'exécution d'office. Et plusieurs des personnes que vous avez entendues considéraient qu'il était inadmissible que pour s'opposer au titre exécutoire le contribuable puisse s'adresser directement à un juge. Cela a été soulevé, me dit-on, par plusieurs des personnes que vous avez entendues. De nouveau, c'est vrai que par rapport aux principes juridiques généraux, c'est en tout cas curieux. Alors, on peut envisager à cet égard de faire la distinction entre le privilège du préalable, c'est-à dire la faculté de se donner à soi-même un titre exécutoire, qui serait maintenu d'une part, incontestablement, et le privilège de l'exécution d'office d'autre part. Je parle prudemment, mais j'essaie de voir quels sont les points sur lesquels on a spécialement attiré l'attention lors des auditions. Ceci est manifestement un point qui, sur le plan du droit, pose problème. Mais ma responsabilité comme ministre des Finances c'est aussi qu'on garde des moyens qui garantissent que les recettes rentrent effectivement.

Un autre point qui a retenu l'attention, ce sont les délais d'imposition. Le projet de réforme introduit pour la TVA, en matière de prescription, les délais d'imposition des contributions directes. Mais, la computation des délais de prescription en matière de TVA ne peut pas coller tout à fait avec les délais des contributions directes. Il y a aussi la question du passage du délai de trois à cinq ans. L'inquiétude du côté des administrations est que, dans les faits, on puisse rarement invoquer le passage au délai de cinq ans. Il y a peut-être matière à clarification, mais, dans l'autre sens, c'est l'administration qui souhaiterait qu'on soit plus clair sur les motifs qui peuvent justifier l'allongement de délai de trois à cinq ans.

Voilà les points sur lesquels il y a en tout cas matière à reflexion et, le cas échéant, à amélioration du texte.

Échange de vues

Un membre remercie le ministre de bien vouloir ouvrir la possibilité d'adapter les choses sur une série de points dont les auditions ont montré qu'ils soulèvent des difficultés. Il annonce des amendements qui viseront à concilier les divers points de vue de l'administration et des contribuables.

Un autre commissaire pose une question relative au délai de décision du directeur des contributions. Il fait remarquer que ce projet de loi introduit dans le Code judiciaire un chapitre relatif aux litiges concernant l'impôt, et notamment deux articles (1385decies et 1385undecies ) qui visent à régler la procédure de réclamation du contribuable auprès de l'administration fiscale. En effet, le contribuable ne peut entamer la procédure judiciaire qu'après avoir épuisé tous les recours administratifs (ce qui est, il faut le remarquer, déjà une amélioration par rapport à la situation actuelle où le directeur des contributions est une autorité juridictionnelle de première instance).

De la lecture de différents articles de presse concernant ce projet de loi et de l'avis de plusieurs collaborateurs de son groupe, l'intervenant estime qu'il est évident que l'article 1385decies n'est pas d'une transparence absolue et que les diverses interprétations sont possibles. Il semble dès lors opportun de demander une explication complémentaire à ce propos afin de bien comprendre le mécanisme actuel de la procédure et de pouvoir éventuellement modifier cet article dans un but de clarté.

À la lecture de cet article, il semble qu'on puisse schématiser les différentes possibilités comme suit :

1º) Le directeur des contributions prend une décision relative à la réclamation dans le délai de 18 mois qui lui est imparti.

2º) Si au terme des 18 mois, le contribuable n'introduit pas la mise en demeure, il n'y a plus de délai.

3º) Si le directeur ne répond pas à la réclamation dans le délai de 18 mois et si le contribuable introduit une mise en demeure de six mois au terme duquel le directeur s'abstient de statuer et « justifie » sa non-décision, alors la réclamation est considérée comme rejetée et les impôts restent dûs.

4º) Si le directeur ne répond pas à la réclamation dans le délai de 18 mois et si le contribuable introduit une mise en demeure de six mois au terme duquel le directeur s'abstient de statuer sans justifier sa non-décision, alors la réclamation est sensée accueillie et les impôts, additionnels et amendes sont dégrevés (et non annulés, après que nous ayons amendé le texte, conformément à un avis positif du ministre).

La question est donc de savoir si cette interprétation est correcte.

Si oui, il se pose d'autres questions.

Dans le deuxième cas, pas de mise en demeure du contribuable, on revient à la situation actuelle avec une impossibilité pour le contribuable d'introduire un recours en justice, puisqu'il faut, selon l'article 1385decies , qu'une copie de la décision contestée soit jointe à la requête. Il est d'ailleurs fort probable que le contribuable n'ose pas mettre en demeure le directeur des contributions et que donc le projet n'apporte aucune modification de fond à la situation actuelle.

Dans le troisième cas, mise en demeure et justification de non-décision du directeur (pas de temps, trop compliqué), cette non-décision permet-elle d'introduire un recours en justice ? La non-décision justifiée équivaut-elle à une décision de rejet ?

À propos de la deuxième possibilité, le ministre répond qu'effectivement, si au terme des 18 mois, le contribuable n'introduit pas la mise en demeure, il n'y a pas de délai. En d'autres mots, aussi longtemps qu'il n'y a pas de mise en demeure, il n'y a pas le délai de six mois dans lequel le directeur doit statuer. Cela correspond à la volonté du gouvernement. Les contribuables doivent d'abord attendre la fin de la procédure administrative avant de pouvoir aller devant le judiciaire.

Le ministre ne voit pas pourquoi le contribuable n'oserait pas mettre en demeure le directeur des contributions. Il s'agit de contribuables qui sont prêts à aller en justice contre celui-ci. Le ministre ne voit pas, si le contribuable est décidé d'aller en justice, pourquoi il hésiterait à adresser au directeur une lettre de mise en demeure. Et le ministre d'ajouter qu'un fonctionnaire trouvera tout à fait normal qu'on lui adresse une lettre de mise en demeure, qui n'est qu'une forme de rappel. Cette mise en demeure fait alors courir le délai de six mois. Si le directeur s'abstient de statuer mais justifie sa non-décision, alors, la réclamation sera considérée comme rejetée et les impôts restent dûs. Si le désaccord persiste, le contribuable peut introduire son action en justice.

Lorsque le directeur ne répond pas dans les six mois à la mise en demeure et ne justifie pas sa non-décision, la situation inverse se produit. La réclamation est acceptée et les impôts contestés ne sont pas dûs.

Le ministre rappelle que la question de savoir dans quel cas l'on considère que la réclamation est rejetée et dans quel cas elle est acceptée, a fait l'objet de longues discussions en commission des Finances de la Chambre. Il estime qu'il serait raisonnable de ne pas mettre la solution trouvée à la Chambre en question mais de se borner à discuter de la durée du premier délai, actuellement fixé à 18 mois.

Le ministre ajoute que, dans l'esprit du gouvernement, la durée de ce délai est en quelque sorte liée à la position que l'on pourrait prendre sur le délai d'imposition, c'est-à-dire la possibilité d'allonger le délai de trois ans à cinq ans en cas de fraude. Pour ces cas, l'administration insiste pour avoir la possibilité d'allonger le délai d'imposition.


Le président, en présence du nouveau ministre des Finances, fait le relevé des travaux de la commission relatifs à ces projets de loi. Il rappelle que M. Maystadt avait fait un petit inventaire des points qui, pour lui, donnent matière à réflexion. Sur certains points, M. Maystadt estimait que les deux projets de loi méritaient d'être amendés. La commission aimerait avoir un échange de vue avec le nouveau ministre avant de déposer des amendements, qui, dans la mesure du possible, devraient être des amendements qui réunissent un maximum de consensus.

Le ministre pense aussi que sur certains points, notamment techniques et juridiques, il y a matière à précision ou modification. Il a identifié quatre points à cet égard. Il pense que le mot « représentation » a été utilisé dans son sens commun et pas dans le sens juridique du mandat.

Le ministre indique ensuite que les quatre points auxquels il fait allusion sont ceux exposés par son prédécesseur. Il fera à leur propos procéder à un examen et espère arriver par amendement à une amélioration claire du texte à certains endroits-clés, lui permettent de penser que l'on se mettra assez rapidement d'accord sur les modifications qui seront proposées.

Le président estime que la notion de « représentation » est une question de terminologie et ne constitue pas l'essentiel des problèmes. Il y a eu des questions de fond beaucoup plus importantes comme, par exemple, la succession, d'une part, du délai de 18 mois pour instruire au premier degré par l'administration, ou, la mise en demeure pour un délai de six mois avant qu'nterviennent les tribunaux. Les délais en question sont, aux yeux de beaucoup, passablement longs et mériteraient d'être corrigés.

En second lieu, d'aucuns se sont plaints de l'impossibilité de faire état de nouveaux griefs.

Il y a le caractère obligatoire du recours administratif qui est considéré comme excessif et le droit à un jugement dans un délai raisonnable.

Il y a le problème du monopole de la représentation des avocats.

Il y a l'allongement des délais de taxation dans le contexe de l'alignement des impôts directs et de la TVA.

D'une façon générale, il y a des plaintes à propos de l'inégalité flagrante entre l'administration et le contribuable. Les formules qui permettent à l'administration de taxer, d'enrôler sans contestation possible, de se donner un titre exécutoire, de procéder par exemple à l'inscription une hypothèque sur les biens immobiliers du contribuable.

Parmi les critiques principales, il y a aussi l'insertion, dans le Code judiciaire, de dispositions qui devraient se trouver dans le CIR 92; le délai imparti au directeur des contributions pour statuer; la suppression de l'article 355 CIR 92; la suppression de l'article 92 Code TVA, etc.

La commission voudrait trouver à la fois une correction aux défauts techniques dans le texte transmis par la Chambre, mais aussi rétablir l'équilibre entre, d'une part, l'administration, et, d'autre part, le contribuable.

Un commissaire signale qu'il déposera des amendements sur base de l'exposé du ministre du 17 juin 1998.

Le président attire l'attention du nouveau ministre sur deux autres points :

Primo, dans une note que le professeur M. Dassesse a publiée et dont L'Écho s'est fait le reflet, ainsi que Trends/Tendances . Cette note concernait la consultation de la Commission européenne sur la compatibilité des tâches nouvelles confiées à la Commission bancaire et financière avec la nécessité de maintenir le caractère sain des banques en Belgique. M. Maystadt, à la Chambre des représentants, avait promis de consulter à ce sujet, la Commission européenne.

Le ministre remet copie de la correspondance échangée entre le cabinet des Finances et la Commission européenne. (voir annexe 1)

Secundo, en sa qualité de président de la commission des Finances du Sénat, M. Hatry a reçu une lettre émanant de l'Association des villes et communes de la Région de Bruxelles-Capitale. D'après cette association, la proposition émise par celle-ci reflète aussi l'opinion des communes tant de la Flandre que de la Wallonie.

Dans la lettre, l'on remet en cause des textes qui ont été votés et qui n'ont pas été très populaires non plus.

Le ministre annonce qu'il introduira des amendements qui seront rédigés en fonction des auditions et en fonction de l'arrêt de la Cour d'arbitrage nº 67/98 du 10 juin 1998.

Le ministre ajoute qu'évidemment, cet arrêt pose un problème tout à fait neuf.

Le président fait observer que L'Écho titrait « Fin de 50 ans d'obscurantisme ».

Le ministre déclare que par rapport au futur et par rapport au projet, cet arrêt n'est pas gênant. On peut dire qu'il anticipe l'évolution. Toutefois, il y a un énorme problème qui est lié au contentieux actuel. Il y aura une période de transition où un certain nombre de principes généraux de droit vont devoir trouver leur application.

Le ministre annonce que le gouvernement dispose d'un projet d'amendement qui en tient compte, mais dont le gouvernement doit encore vérifier la faisabilité. Et le ministre d'ajouter que l'administration a remarqué que rédiger un texte est une chose, faire en sorte que l'on puisse gérer un stock qui, aujourd'hui, est de 164 677 dossiers, est une autre chose.

Un commissaire estime que, dans un domaine comme celui-là, où le pénal et le civil se côtoient, il est évident que c'est le traitement le plus favorable à la personne en cause qui doit être appliqué. Par conséquent, si le gouvernement dépose un projet de loi, il peut certes prévoir des mesures transitoires. Toutefois, il a le sentiment que si le projet est plus favorable au contribuable, ce sera la nouvelle version qui devrait lui être appliquée pour le passé aussi.

D'après le ministre, il est clair qu'il s'agit ici d'une règle de procédure et qu'en vertu de l'article 3 du Code judiciaire, la loi s'applique immédiatement sauf à l'égard des actions déjà introduites devant les juridictions, sous réserve d'une disposition légale qui éteindrait l'application de la loi nouvelle aux procès en cours. C'est la marge étroite dans laquelle l'on se trouve ici parce que, pour l'avenir un double degré de juridiction est instauré et que pour le passé, en fonction de l'interprétation que l'on doit donner à l'arrêt de la Cour d'arbitrage avec une mission juridictionnelle qui est réservée à la cour d'appel et une mission confiée à l'administration qui est une mission administrative, l'on ne dispose que d'un degré d'instance, ce qui n'est guère compatible avec les principes généraux de droit en ce qui concerne l'égalité de traitement.

Le dispositif de l'arrêt de la Cour d'arbitrage dit ceci : « Si l'interprétation est que le directeur des contributions a une mission juridictionnelle, il est juge et partie », et par conséquent il y a une violation des articles 10 et 11 de la Constitution.

Si par contre, est retenue l'interprétation, ce que le ministre soutient, selon laquelle l'article 366 du CIR 92 organise un recours administratif devant une autorité administrative, dans ce cas, il n'y a pas violation des articles 10 et 11 de la Constitution. Ceci signifie que nous devons nous inscrire, pour le passé et pour le présent, dans une logique où nous sommes en présence, au premier degré, d'un recours de nature administrative et au deuxième degré, d'un recours juridictionnel tranché en premier et en dernier degré d'instance par la cour d'appel. Et donc, l'amendement que le gouvernement va proposer à cet égard tiendra compte de la nature que le ministre entend donner, pour le passé, à l'intervention du directeur des contributions, c'est-à-dire une décision d'ordre administratif. Et parce qu'il s'agit d'un acte administratif s'y appliquent les principes généraux et notamment l'obligation de statuer dans un délai raisonnable. Étant entendu que ce délai raisonnable, qui d'après le ministre est une notion évolutive en droit, devra s'apprécier au regard du délai qui sera fixé pour le futur à 18 mois plus demeure pour six mois, cela amène, pour les réclamations du passé, à la fois une modification de nature juridique de la décision directoriale et des conséquences qui sont les principes généraux s'attachant à ces actes de nature administrative. C'est-à-dire entre autres trouver une définition du délai raisonnable qui ne soit pas un délai raisonnable fondamentalement différent pour le futur et pour le passé.

Le président croit comprendre que le ministre, pour le contentieux du passé, entend appliquer pour le passé les délais qu'il prévoit aussi pour l'avenir. Cependant, le président attire l'attention du ministre sur le fait que toutes les auditions que la commission des Finances a tenues, se concentraient sur deux griefs relativement aux délais dans lesquels le directeur des contributions doit statuer. D'une part, le premier délai de 18 mois était déjà considéré comme étant beaucoup trop long et, d'autre part qu'il n'entraînait pas non plus une obligation, après les 24 mois, de trancher le litige, mais aussi qu'en pratique, il y aurait report de manière fréquente. En d'autres termes, il ne faut pas que ce soit un délai facultatif et dans l'intérêt de l'administration, il faut éviter de traîner parallèllement deux procédures, l'ancienne et la nouvelle, pendant encore des années. En outre, le caractère déséquilibré des positions respectives du contribuable et de l'administration a été souligné au cours des auditions. Si le ministre n'y porte pas remède au moins partiellement, il risque de se retrouver devant de nouvelles actions devant la Cour d'arbitrage. Et le risque existe de voir la Cour annuler pour tout ou partie la nouvelle procédure transitoire.

L'intervenant ajoute encore que des délais trop longs créent une situation d'insécurité totale tant dans le chef de l'État d'un point de vue budgétaire, que pour le contribuable.

Le président signale que, dans un article paru dans le journal L'Écho (d'il y a environ 10 jours), le professeur Dassesse a commenté la décision de la Cour d'arbitrage et a décrit de façon assez précise les faiblesses de la procédure actuelle. La lecture de cet article expose une réflexion intéressante pour savoir sur quels points du projet il importe de porter remède.

Le ministre déclare se trouver dans une situation relativement inconfortable. Il est incontestable que l'arrêt « R. Walgraffe » a amené une modification complète du contexte juridique dans lequel se situe le contentieux en matière fiscale. Dans le cadre des travaux menés au sein de la commission des Finances du Sénat et compte tenu dudit arrêt de la Cour d'arbitrage, le ministre a voulu que l'on revoie l'ensemble des dispositions organisant le contentieux dans une logique qui sépare très clairement le contentieux administratif, relevant du droit administratif, du contentieux devant les tribunaux relevant du droit judiciaire, étant donné qu'il n'y avait plus de doute quant au caractère non juridictionnel de la décision du directeur des contributions. La seconde préoccupation du ministre, qui résulte des travaux de la commission des Finances du Sénat et qui est partagée par tous les spécialistes de la fiscalité, est la volonté d'accélérer le déclenchement des différentes phases de la procédure contentieux, et tout particulièrement à l'égard de la phase administrative. Finalement, ce n'est que la concrétisation du principe de bonne administration en matière de contentieux administratif et de gestion de l'administration.

Le gouvernement délibérera en Conseil le jeudi 19 novembre 1998 sur les propositions formulées par le ministre des Finances en la matière. L'orientation que le ministre souhaite donner est une option pour des délais courts pour introduire le recours et des délais courts pour statuer. À défaut d'avoir statué dans un délai relativement court (dans la proposition du ministre : six mois), le contribuable a le droit de saisir les tribunaux. Le ministre estime que cela constitue une petite révolution dans notre approche du contentieux fiscal, puisque le souci est de veiller à ce que, tant l'administration que le contribuable puisse terminer dans un délai rapide la phase contentieuse administrative.

Le ministre y attache aussi une autre conséquence, sur laquelle il espère que le Conseil des ministres marquera son accord. L'on est en effet en présence d'un contentieux administratif, et que pour un premier examen, l'administration ne porte plus un jugement, chose qui échappe définitivement à l'administration, mais peut rectifier un certain nombre d'erreurs et répondre à certains arguments qui n'ont pas été soumis au taxateur. Le ministre pense qu'il faut loger le contentieux administratif au niveau des services de taxation. Deux autres possibilités étaient ouvertes : le loger au niveau de l'administration de recouvrement, ou créer une administration spéciale du contentieux. Certains défendaient cette dernière option dans une logique plus juridictionnelle qu'administrative. Le ministre répète sa préférence pour le choix de confier le contentieux aux services de taxation, parce que l'on peut aboutir ainsi à une plus grande rapidité, puisque c'est le service de taxation qui instruit la réclamation et qui dispose déjà du dossier du contribuable.

Le ministre déclare qu'il attache une importance très grande à ce que la phase contentieuse administrative se termine dans un délai très court. Cela permet au service de taxation, dès le moment où il établit la cotisation, de bien analyser tous les éléments de droit qu'il va appliquer. Taxer, c'est comparer une situation de fait à des éléments de droit et déjà réunir les éléments de conviction juridique qui peuvent permettre de jouer ce rôle de premier examen, à travers le contentieux administratif.

Quant aux délais, trois aspects sont liés. Délais courts pour introduire la réclamation, délais courts pour statuer et puis orientation vers le judiciaire à qui, en raison de son organisation, l'on demandera aussi de statuer dans des délais extrêmement courts. Le ministre croit que c'est dans l'intérêt de tout le monde de procéder ainsi. C'est d'abord l'intérêt du Trésor parce que, pour les gros litiges, les entreprises provisionnent des montants souvent importants. Or, ces provisions restent au bilan tant que le contentieux dure. La durée des procédures fait que ce phénomène nuit à l'intérêt du Trésor puisqu'il n'est pas payé. Les délais courts sont aussi dans l'intérêt du contribuable. Le ministre croit qu'il n'y a rien de pire qu'une situation dans laquelle le contribuable est placé sous une épée de Damoclès. Certes, les entreprises peuvent provisionner mais elles provisionnent pour un contentieux pour lequel elles connaissent le point de départ mais dont elles ignorent la fin. Portées au bilan, ces provisions fragilisent la situation financière à l'égard de tiers. Dans un certain nombre de cas, ces entreprises sont incapables de faire des investissements puisque les institutions financières sont réticentes à leur accorder les crédits nécessaires, tant que le montant exact de l'impôt dû à l'État n'est pas déterminé de manière définitive.

Le ministre affirme que l'idée de raccourcir le traitement du contentieux est bien accueillie parce qu'il est possible ainsi de s'orienter vers un système qui respecte tant les droits de l'administration, que ceux des citoyens, et, en ce qui concerne le contentieux très spécifique des entreprises, les droits des entreprises. Le ministre pense aussi que le fait que le taxateur soit chargé non seulement de son contentieux administratif, mais aussi de son suivi sur le plan judiciaire, et dans des délais courts, va amener les services de taxation à intégrer beaucoup plus rapidement les effets de la jurisprudence, à mesurer les conséquences de la taxation abusive et à essayer, dès la taxation, de l'établir de la façon la plus exacte possible. Le risque est qu'il pourrait maintenant y avoir, dans certains cas, un antagonisme entre services par lequel les services de taxation accuseraient les services du contentieux d'être incapables de défendre des taxations qu'ils ont établies. Une administration qui est largement visée lorsqu'on parle de ce phénomène, est l'ISI. Le ministre compte mettre enfin un terme à ce débat éternel de savoir si l'ISI taxe en dehors de la loi ou bien si ce sont les directeurs des services du contentieux qui, par après, n'arrivent pas à finaliser le travail réalisé par le taxateur.

Le ministre pense aussi avoir trouvé la solution à cette difficulté que l'on connaît lorsque le directeur des contributions est amené à statuer sur le contentieux. Actuellement, il doit soumettre à l'ISI sa proposition de décision lorsqu'elle tend à accueillir pour tout ou partie les griefs du contribuable, dans les nouvaux projets, ce sera l'ISI qui gérera son propre contentieux.

Sur le plan technique, le ministre a d'abord dû convaincre l'administration de cette véritable révolution culturelle dans la philosophie de la taxation. Il met en avant le fait que bien que nos pays voisins ne sont pas laxistes sur le plan de la fiscalité, au niveau des Pays-Bas, par exemple, le délai de traitement du contentieux est fixé à trois mois et en France, ils sont de six mois.

Le ministre croit que fixer un délai et attacher à son non-respect le droit d'introduire un recours devant les tribunaux, revient à donner un signal clair à l'administration en lui indiquant que ce qui est possible chez nos voisins l'est aussi chez nous. En ce qui concerne surtout le contentieux avec les contribuables-entreprises, le ministre pense que si la Belgique entre dans la zone euro, elle s'expose à une comparaison permanente de la qualité de ses services. Il est évident qu'un des critères pour décider d'un investissement sera certainement la sécurité juridique qui s'attache à une demande de ruling. Le ministre est frappé de ne pas encore avoir entendu une entreprise étrangère voulant investir se plaindre d'un excès de fiscalité dans tel pays ou dans tel autre. C'est un élément qui joue, sans être pour autant le problème principal.

Par contre, la question qui revient toujours, est de savoir quelle est la sécurité juridique du système en matière de contentieux notamment et en cas de difficultés en matière de fiscalité. Par conséquent, le ministre va essayer de développer une sécurité juridique. À l'entrée, c'est par un système de ruling que doit se développer la sécurité juridique. Il faut aussi une sécurité juridique à la sortie lorsqu'il y a un contentieux lié à des interprétations de textes qui peuvent diverger. Le ministre se réjouit de l'instauration d'un double degré de juridiction plus la cassation qui peuvent jouer. Il y aura un juge pour dire le droit. Le ministre ne considère jamais que le fisc est défait lorsque l'interprétation juridictionnelle diverge de l'interprétation administrative. On vit dans un état de droit et en accepter les conséquences. Le ministre pense qu'il est possible d'entrer dans cette logique qui est révolutionnaire en apparence, mais qui revient à considérer que l'état de droit prime les pratiques administratives.

Le ministre considère que le temps est un élément majeur en cas de négociation. Il a vu souvent dans des litiges des transactions forcées parce que la partie en situation de force menaçait l'autre d'un procès de très longue durée. Le ministre se sent obligé de faire en sorte que l'argument « temps » ne puisse plus être un argument de pression. Le ministre juge que la procédure fiscale est une des conditions préalables pour la restructuration de l'administration. Elle doit jouer son rôle : accélération des procédures, décision rapide par l'administration et puis, éventuellement, par les tribunaux pour régler l'interprétation de la loi, et, possibilité pour chacun de porter le litige devant le juge, sans se dire qu'il a un choix entre, d'une part, obtenir un résultat favorable sur le plan judiciaire dans les 10 ans, et, d'autre part, transiger à des montants plus bas. Le ministre juge que cette situation n'est bonne pour personne et certainement pas pour le Trésor.

Depuis le mois de juillet, le ministre a essayé de convaincre l'administration. Il croit qu'il est arrivé maintenant à un résultat en convaincant ses collègues du bien-fondé de ses propositions. Le ministre ajoute que pour le contentieux ancien, il propose de ne pas le soumettre aux nouvelles dispositions en ce qui concerne les délais. Il explique que dans la restructuration de l'administration, il veut que la procédure fiscale nouvelle soit appliquée avec une nouvelle mentalité. Pour lui, il est impossible de faire appliquer un texte aussi neuf par des personnes qui ont été habituées à vivre avec un contentieux qui suivant le rythme des normes de rendement leur imposés et ce n'est surtout pas possible étant donné l'arriéré actuel atteignant 170 000 dossiers.

À l'époque, quand l'on a installé les tribunaux du travail, à quelques exceptions près, ils ont commencé à zéro. On peut dire qu'une des raisons qui a amené le contentieux du travail à être un contentieux qui vit à un autre rythme que le contentieux civil a bien été le fait que l'on créait une nouvelle organisation par de nouveaux textes, avec de nouvelles compétences et des personnes qui travaillaient dans un esprit tout à fait neuf. Si l'on demandait à l'administration fiscale d'absorber 170 000 dossiers plus tous les nouveaux dossiers, il est certain que l'on arriverait à un blocage complet. Et le ministre de penser qu'il faut s'inscrire dans une logique où l'ancien contieux s'épuisera petit à petit avec un cadre « d'extinction ». Une des questions ouverte est de savoir si l'on fixe quand même des délais pour le traitement de l'ancien contentieux. Puis, est-ce qu'il faut attacher au non-respect de ces délais des conséquences juridiques ou est-ce qu' il s'agit de simples délais d'ordre ?

En tout cas, le ministre tient à séparer nettement les personnes chargées du nouveau contentieux de celles qui gèrent l'ancien contentieux.


Un commissaire pose trois questions. La première se rapporte aux délais que le ministre a annoncé pour les nouveaux dossiers. Tous les professionnels que cette commission a entendu lors des auditions ont déclaré que les délais prévus par le projet de loi initial étaient des délais trop longs. Maintenant, le ministre envisage de raccourcir les délais administratifs à six mois. Les experts-comptables craignaient que ce délai soit trop court. Pour sa part, le commissaire pense qu'en proposant, pour l'administration, des délais plus courts, le ministre a incontestablement répondu à un souci qui émerge des auditions et qui paraît, politiquement en tout cas, fondé. Personnellement, le membre a répondu à ces experts-comptables que, politiquement, il paraissait hautement souhaitable de raccourcir ces délais.

L'intervenant fait observer qu'un des amendements de M. Delcroix démontre qu'il est très difficile de discuter avec l'administration quand celle-ci a déjà formé un titre exécutoire et que, par conséquent, il se produit un renversement de la situation d'égalité dans laquelle doit se trouver l'administration et le contribuable. Le commissaire demande au ministre s'il tient compte de cette remarque dans ses propositions. Personnellement, l'intervenant trouve cette remarque d'autant plus sage que le délai est court. Il juge qu'il n'est pas dramatique qu'à ce moment, l'administration ne soit pas encore titulaire d'un titre exécutoire. Le membre apprécierait que le ministre en tienne compte.

Troisièmement, n'y a-t-il pas un risque que les contribuables ayant un dossier sous l'ancien système se pourvoient auprès de la Cour d'arbitrage ? Si l'administration n'a pas statué en qualité d'instance administrative mais comme instance juridictionnelle, les contribuables vont à coup sûr obtenir gain de cause.

L'ancien contentieux est estimé, selon un membre, à 100 milliards de francs et représente entre 160 et 180 000 dossiers. Dans le cadre de son activité d'avocat, il n'a pas encore eu l'occasion de plaider effectivement un seul dossier important. La prescription est interrompue chaque année, ce qui engendre des problèmes énormes notamment en cas de cession d'un commerce.

L'intervenant doute qu'il soit faisable de traiter les anciens dossiers selon l'ancien système, car alors on ne pourra pas mettre un terme à la misère du passé. L'arriéré judiciaire de la cour d'appel de Gand, par exemple, se compose à 95 % de dossiers fiscaux. Il faut savoir que l'on traite tout au plus trois dossiers par mois, soit une trentaine de dossiers par an, alors que l'on enregistre un arriéré de 17 000 dossiers de ce type. Il s'impose donc de trouver l'une ou l'autre méthode, pour clôturer définitivement ces dossiers. Les pouvoirs publics ne peuvent souffrir que les justiciables doivent attendre dix ou vingt ans avant de savoir à quoi s'en tenir. Il convient de lever cette insécurité juridique.

À propos de la volonté du ministre de raccourcir les délais, un sénateur rappelle que le projet de loi prévoit des prolongations au moins dans deux cas. Premièrement, lorsque l'administration dispose d'indices sérieux d'une intention frauduleuse et deuxièmement pour les dossiers suite à un échange d'informations ou de communications avec des administrations fiscales étrangères. Le sénateur demande ce que vont devenir ces dispositions après les amendements que le gouvernement compte déposer.

Concernant le raccourcissement des délais en matière de TVA, le ministre répète qu'il pense vraiment que cela s'impose. Il se dit conscient du fait que les professionnels sont un peu affolés à l'idée de devoir intenter leurs procédures plus rapidement. Le ministre estime toutefois que ces professionnels doivent s'adapter. Sur ce plan, il fait confiance aux diverses professions concernées. Si le ministre demande un effort à l'administration, il ne faut pas que le privé vienne dire qu'il est incapable de suivre.

En ce qui concerne le privilège du préalable, l'enrôlement, le ministre déclare que, d'une part, on est en présence d'un jugement par défaut puisque c'est un peu à cela que l'on assimile l'avertissement-extrait de rôle, et que, d'autre part, par le recours et une opposition est formée. Dans un premier temps, le ministre avait suivi le raisonnement suivant : pourquoi ne pas demander, puisque ce recours doit être motivé, que les personnes motivant leur recours, fixent ce qu'elles reconnaissent ou ce qu'elles ne reconnaissent pas et que, par cette voie, l'on arrive à la fixation de la partie de l'impôt incontestablement dû sur le montant de l'impôt enrôlé. Dans ce raisonnement, un délai court pour statuer sur la réclamation est une garantie. Cela présente toutefois des difficultés des deux côtés. D'abord le ministre ne peut pas demander que tous les moyens soient développés dans le cadre du recours administratif, puisque ce serait aller à l'encontre du principe de droit selon lequel on peut faire valoir des moyens nouveaux pour la première fois devant l'instance juridictionnelle. Donc, on va se retrouver avec un certain nombre de recours administratifs qui seront obscurs. Deuxièmement, toujours dans l'hypothèse d'un contentieux confié à un professionnel où le recours précisent exactement non seulement les moyens, mais aussi les montants qui sont en cause, le ministre croit que l'on va assister à une série de situations où il s'agira d'une lettre dont l'administration devra interpréter si c'est un recours, et qui donc ne sera pas autrement précise. C'est déjà le cas maintenant.

Dans la pratique, l'administration se demande souvent si une lettre constitue une simple récrimination ou bien un recours. Il faut dire que souvent l'administration considère que c'est un recours alors que le mot n'y figure pas. Cette pratique complique singulièrement les choses. L'administration veut donc maintenir un système par lequel elle peut fixer l'incontestablement dû. Toutefois, il est vrai qu'à partir du moment où l'on a réduit les délais, la fixation de l'incontestablement dû se fait de façon beaucoup plus raisonnable parce que le fait d'avoir ce jugement par défaut est exactement le même système que l'exécution provisoire. Les tribunaux commencent par statuer sur les exécutions provisoires en disant que, s'il y a un risque réel d'évasion, de fraude, de disparition, de création d'insolvabilité, il faut maintenir l'exécution provisoire. Par contre, si l'on voit d'emblée qu'il y a un problème de fond, justifié ou pas, l'incontestablement dû sera fixé d'autant plus bas, ou à zéro, que la procédure durera moins longtemps. Il est vrai que la mentalité de l'administration sera totalement différente par rapport à la situation où l'on se dit que ce contentieux administratif dure douze, quinze, vingt mois. Lorsque l'on est dans un délai beaucoup plus court, il est évident que l'on peut davantage fixer un incontestablement dû à un niveau bas pour ne pas exercer de pression anormale.

Le risque en ce qui concerne l'ancien contentieux a occupé les esprits pendant une bonne période. On a envisagé toutes les solutions avec le sentiment qu'effectivement la Cour d'arbitrage pourrait apprécier les choses différemment, en tenant compte de la masse de contentieux importante et des habitudes des directeurs des contributions. Pour le ministre, la voie moyenne est l'idée que l'on va donner aux personnes concernées par le vieux contentieux le double degré de juridiction. Sinon, il y aurait incontestablement conflit avec les articles 10 et 11 de la Constitution. Que deux personnes en contentieux avec l'administration aient, l'un, un recours juridictionnel à deux degrés, et l'autre, un recours juridictionnel à un degré, cela constitue certainement un traitement discriminatoire, qui n'est pas fondé. Sur cette première analyse, au niveau de l'administration, il y a un accord.

Pour le reste, l'effet de l'arrêt « R. Walgraffe » est immédiat. Cela veut dire que nous ne sommes plus en premier degré en présence d'un recours juridictionnel, c'est d'ailleurs la raison pour laquelle l'on accorde au contribuable deux degrés de juridiction. Toutefois, si le traitement de ce contentieux devient immédiatement une procédure purement administrative, le ministre croit qu'il n'est pas décent d'imposer un même délai. Le ministre est conscient qu'il court le risque que la cour d'arbitrage estime que cette notion de délai est tellement importante que l'on crée une discrimination qui n'est pas justifiée par des éléments objectifs. D'un autre côté, si l'on met 170 000 dossiers d'emblée dans le nouveau contentieux ce qui suscitera des difficultés. Et le ministre de penser qu'il y a quand même un certain nombre d'éléments qui justifient cette discrimination et qui la justifient d'autant mieux que nous ne sommes pas en présence d'une décision juridictionnelle. Le ministre ignore encore si l'on va fixer un délai pour le traitement de l'ancien contentieux. Pour lui, par rapport à l'ancien contentieux, il y a une règle qui paraît s'imposer et notamment la règle de la bonne administration. Cela n'implique pas que le vieux contentieux prendra 50 ou 60 ans. Il doit être traité dans des délais raisonnables, suivant le principe de bonne administration.

L'exemple de la cour d'appel de Gand affole un peu le ministre parce que, si on en est à trente décisions par an, qu'est-ce que ce sera, lorsqu'à l'avenir l'on va se trouver avec un contentieux de second degré judiciaire. Ce problème ressort de la responsabilité du ministre de la Justice et surtout du pouvoir judiciaire. Tout le système d'accélération préconisé repose aussi sur l'idée que la Justice étant dotée de moyens importants, doit pouvoir faire face à tout le contentieux lui déféré. Il faut vraiment que, du côté judiciaire, l'on se spécialise. On va déjà dans ce sens au premier degré puisque le ministre de la Justice a décidé que dans les épreuves de sélection des magistrats, les matières au choix comprendrait le droit fiscal. Le ministre des Finances pense qu'un certain nombre de fonctionnaires-juristes de son administration vont être tentés par cette profession. Il croit aussi, qu'en tout cas, il faut des juges qui connaissent la matière fiscale et qui soient aptes à rendre plus de 200 jugements par an. Par conséquent, tout repose sur la responsabilisation de chacun. Et donc, tout comme il est inconcevable que les professionnels de la comptabilité trouvent qu'un délai de six ou sept mois est trop court pour préparer leurs dossiers, le ministre trouve que du côté judiciaire, l'on ne peut pas vouloir continuer à un rythme hors du temps. Ce ne serait pas acceptable. Les parties auront les moyens (article 751 du Code judiciaire) de faire pression. Le ministre répète que les cours et tribunaux seront dotées de suffisamment de moyens humains pour pouvoir répondre à cette attente. Avec des spécialistes, la phase judiciaire doit fonctionner à un rythme plus rapide.

Le ministre considère que les prolongations des délais sont importantes pour l'ensemble du contentieux, qu'il soit dans sa phase judiciaire ou dans sa phase administrative. Le sentiment du ministre est qu'un principe général de droit doit s'appliquer et notamment que le pénal tient tout le reste (le civil) en état. Les propositions qui vont être faites vont porter sur deux cas. Le premier cas est celui où le dossier comporte des indices d'infraction pénale. Dans ce cas, il y aurait suspension des délais pour permettre à la procédure pénale de se dérouler. Le second cas de prolongation de délai est le cas de la taxation d'office. La taxation d'office amène le service taxateur à devoir statuer par définition en l'absence d'éléments. Si lors du recours, une série d'éléments sont apportés, demander que l'administration, qui doit disposer du temps nécessaire pour examiner les pièces, statue immédiatement, équivaut à lui imposer une obligation intenable. Il suffirait que chaque contribuable décide de se laisser taxer d'office pour retarder la communication et noyer l'administration. Dès lors, une prolongation de délai s'impose.

En ce qui concerne la communication d'informations venant de l'étranger, le ministre souligne que l'on se situe dans une phase de recours. Donc les informations ont pu être éventuellement recueillies dans le cadre de la taxation. S'il y a indice de fraude, l'on tombe dans le premier cas, c'est-à-dire la suspension des délais. Pour le reste, il appartient au requérant d'apporter éventuellement, par la production de pièces venant de l'étranger, la preuve de la réclamation qu'il soutient. Dans ce cas, il s'agit d'une inversion de la charge de la preuve. Le ministre est bien conscient qu'il faudra prévoir des prolongations. Il estime toutefois qu'il faut les limiter parce qu'il ne faut pas non plus arriver à un système où l'on va automatiquement à la prolongation. Le ministre n'a pas voulu d'une mise en demeure pour obliger l'administration à statuer, mais que ce soit le recours juridictionnel qui soit la mise en demeure de statuer dans le cadre du recours administratif. Sur ce point, le ministre pense pouvoir obtenir l'accord du gouvernement étant donné qu'il est important que l'on ne fasse pas de l'exception la règle.


Le président fait valoir qu'il est probable que certains des amendements qui ont été introduits, auront perdu une partie de leur pertinence, dès lors que le gouvernement aura déposé les siens. Le président demande aux membres d'examiner leurs amendements par rapport à ceux introduits par le gouvernement et de retirer ceux qui ont perdu leur pertinence, quitte à en introduire d'autres.


Un sénateur fait remarquer, que dans le rapport de la Chambre, il est question de l'évaluation de l'ensemble des dispositifs une fois que les lois seront votées. Il est même fait référence à une décision du Conseil des ministres de février 1997, indiquant que l'on procéderait à cette évaluation un an après l'entrée en vigueur de la loi. Or, le sénateur n'a pas retrouvé dans le texte même du projet un article qui spécifie cette obligation d'évaluation. Est-ce qu'il s'agit simplement d'une décision politique qui n'engage que le gouvernement actuel ? Est-ce qu'il n'est pas envisagé d'introduire une disposition contraignante dans la loi même ? C'est la volonté explicite du législateur, qui se justifie d'autant plus qu'il s'agit d'une révolution dans la culture fiscale.

L'intervenant, à propos du contentieux ancien, est étonné d'entendre qu'il y a 170 000 dossiers en souffrance qui porteraient sur un contentieux d'environ 100 milliards de francs. Est-ce que le ministre peut confirmer ce montant ? Est-ce qu'il y a une typologie possible de ce contentieux ? Cela pourrait avoir un intérêt sur la législation future et en matière d'injonction à l'administration.

Le ministre se déclare favorable à une évaluation de la législation. Il renvoie à l'exemple du Canada, qui a un système où, tous les cinq ans, l'ensemble des textes législatifs fait l'objet d'une évaluation. La première conséquence en est que cela réduit le corpus législatif, ce qui permet de maintenir à dimension humaine l'ensemble de la législation.

Plus particulièrement, le ministre estime qu'il est contre-indiqué de stipuler dans un texte de loi qu'un dispositif n'est valable que pour un an ou qu'il sera revu dans un an. Le ministre se borne à réaffirmer qu'il y a une évaluation à réaliser puisqu'elle est indispensable. En ce qui concerne le nouveau contentieux, il est vrai que, si l'on fixe un délai, savoir quel pourcentage des dossiers auront été traités réellement dans ce délai, constitue une indication importante de l'efficacité de la législation. Pour ceux qui sont chargés d'exécuter la loi, c'est en même temps une manière de bien ordonner des indications. Le ministre est convaincu qu'un État ne survit que dans l'équilibre de ses pouvoirs. Par conséquent, le Parlement ne doit pas simplement avoir un droit d'interpeller mais doit aussi disposer d'un droit de regard et d'évaluation. Pour le ministre, l'évaluation préconisée correspond non seulement à une volonté politique mais à une volonté d'organisation administrative. En outre, le Parlement lui-même peut s'engager à procéder à cette évaluation.

En ce qui concerne le contentieux ancien, le ministre a été aussi effrayé que les membres de la commission. Il a commencé par faire la distinction entre le contentieux de moins de 18 mois, qu'il considère comme acceptable au niveau des délais, et le reste. Le ministre constate que le contentieux dont l'ancienneté est supérieure à 18 mois compte 67 836 dossiers, dont un nombre étonnant de 22 847 pour le seul précompte immobilier. Pour le ministre, le précompte immobilier est certainement une des matières où l'on dispose d'une grille d'évaluation et des instructions extrêmement précises et claires. Il y a là certainement un problème. Par contre, le ministre comprend bien qu'un contentieux peut durer lorsqu'on se trouve en présence de litiges en matière de QFIE, qui est extrêmement complexe. Ceci dit, pour le ministre, la complexité doit d'abord être démontrée au moment de la taxation. Le ministre a donc demandé un programme de résorption de l'arriéré à tous les directeurs des contributions par typologie de dossier.

En outre, dans les 67 836 dossiers du contentieux, il y a 28 258 dossiers qui concernent l'impôt des personnes physiques. Le ministre considère que cette proportion n'est pas normale. Il faut donc que le programme de résorption ait l'ambition de traiter ce contentieux dans des délais raisonnables. Au sens du ministre, il s'agit des frais professionnels, des déductions pour personnes à charge, etc. Bref, il s'agit de notions relativement simples.

Le ministre annonce qu'il va communiquer le plan de résorption et la manière dont sont justifiés les besoins nécessaires pour assurer cette résorption.

Indépendamment des sommes en jeu, l'on ne peut pas se satisfaire comme citoyen, d'un système qui laisse peser une incertitude anormale dans une matière qui touche tout le monde. Il faut alors en tirer comme conclusion que nous devons améliorer la formulation de notre législation.

Un commissaire croit que le problème du contentieux en matière de précompte immobilier provient du fait que les régions ont introduit de nouvelles règles relatives à la non-déductibilité en cas d'inoccupation et d'improductivité. Pour le commissaire, c'est là que gît la source de ce contentieux anormalement élevé. Il s'agit de mesures qui sont tellement rigoureuses qu'elles choquent le contribuable, à tel point qu'il introduit des recours, même quand la loi est claire.

Le président fait valoir que les amendements du gouvernement (doc. Sénat, nº 1-966/7 et nº 1-967/7) sont particulièrement fondamentaux et prie le ministre de les commenter.


Exposé du ministre des Finances après le dépôt des amendements gouvernementaux

Le ministre se réfère d'abord aux tableaux comparatifs qu'il a fait établir et qui reprennent, d'une part, la situation telle qu'elle est projetée à travers les amendements du gouvernement, et, d'autre part, la situation belge actuelle, la situation en France, aux Pays-Bas et au Grand-Duché de Luxembourg. Ces tableaux permettent d'obtenir une vision relativement large et de droit comparé entre ces différents pays.

La logique des amendements, inspirée des travaux de cette commission et de l'arrêt de la Cour d'arbitrage du 10 juin 1998, repose sur deux piliers essentiels.

Le premier pilier est la nature de l'intervention de l'administration. La décision prise par l'administration dans le cadre du recours administratif qui est formé, est une décision de contentieux administratif et non pas une décision juridictionnelle. C'est l'enseignement tiré de l'arrêt « R. Walgraffe ». Cette philosophie est tout à fait différente de celle tirée de la jurisprudence de la Cour de cassation. Elle entraîne une série de conséquences.

Le deuxième pilier de la série d'amendements concerne les délais. D'après le ministre, le temps est une donnée que l'administration fiscale doit absolument maîtriser. Personne n'a intérêt à ce que la phase contentieuse ne prenne un temps qui dépasse le raisonnable. Il faut que le contribuable puisse rapidement connaître quelle est la position de l'administration, d'abord, des cours et tribunaux, ensuite, à propos de la contestation qu'il formule. Dépasser un délai raisonnable n'est pas bon pour le trésor parce qu'il n'a aucun intérêt à voir pourrir un certain nombre de dossiers à travers le contentieux. Ce n'est pas bon non plus pour la sécurité juridique dans le pays qui suppose qu'entre le moment où une logique amène une taxation, et le moment où l'on sait que cette logique est soit approuvée par la jurisprudence, soit contestée et renversée par celle-ci, il y ait un temps extrêmement court qui se passe.

Le ministre ajoute que cette philosophie amène aussi un changement de comportement des agents taxateurs puisqu'ils devront, dès la préparation de leurs dossiers, intégrer un certain nombre de données essentielles pour pouvoir apprécier dans un délai raisonnable les éléments juridiques qu'ils ont mis en avant. En fait, taxer n'est autre que comparer une situation de fait aux normes juridiques qui lui sont applicables. C'est la conjonction des deux qui provoque l'acte de taxation.

Par conséquent, pour les services de taxation, le fait de disposer d'un dossier qui soit solide et argumenté, le fait de suivre la phase contentieuse et de défendre devant les tribunaux leurs propositions, revient à amener à établir dans la matière fiscale un respect strict de l'État de droit qui se traduit justement par cette confrontation du fait au droit. Le ministre pense que les mentalités vont profondément se modifier à partir du moment où les délais seront raccourcis.

Par ailleurs, le ministre des Finances s'est livré à une analyse comparative de ce qui se pratique dans les pays voisins. Le résultat l'a aidé à convaincre l'administration qu'il fallait s'adapter.

La conviction du ministre est qu'en matière de gestion de l'administration fiscale, la Belgique doit s'adapter par rapport à la situation européenne.

La proposition que le ministre formule constitue un compromis entre le régime hollandais et celui de la France, tenant compte d'éléments d'ordre culturel. L'administration ne peut pas soutenir que ce qui est possible aux Pays-Bas ou en France, ne le serait pas en Belgique. La Belgique ne peut, en la matière, s'inscrire en dehors de ce qui devient la norme. Et le ministre de penser que quand l'on évoque la concurrence fiscale dommageable, quand l'on compare l'action administrative entre pays, l'un des éléments d'appréciation est précisement le délai dans lequel l'administration doit se prononcer.

Le ministre reprend maintenant les différentes étapes.

1. Délai d'introduction de la réclamation

Par ses amendements, le gouvernement propose de réduire ce délai à 3 mois (au lieu de 6 dans le projet initial) à partir de la réception de l'avertissement-extrait de rôle. Le ministre déclare être convaincu que lorsqu'on critique la longueur des phases, ce que l'on demande à l'administration, l'on peut aussi le demander au contribuable. La situation est la suivante. Le contribuable reçoit son avertissement-extrait de rôle. Les contribuables peuvent être divisés en deux catégories. Il y a d'abord la catégorie des entreprises, qui savent le plus souvent dès le départ, qu'il y aura matière à contestation. Il n'y a là rien d'anormal. Exemple : apprécier les amortissements. En général, ce type de contribuables est entouré d'experts qui seront parfaitement capables de s'adapter aux nouveaux délais.

Le ministre établit les comparaisons suivantes. Si l'on tient compte de la doctrine qui considère que l'avertissement-extrait de rôle constitue un jugement par défaut, le délai pour l'opposition est d'un mois. Si l'on prend les délais de recours devant le Conseil d'État, c'est soixante jours. En droit fiscal, après la notification d'un revenu cadastral, la réclamation doit être introduite contre son montant dans les deux mois. Par conséquent, un délai de trois mois devrait suffir pour les conseillers des entreprises et des professions libérales d'autant que si le recours administratif est obligatoire, au niveau de la procédure, un principe fondamental de droit est suivi : des moyens qui n'ont pas été soulevés dans la phase administrative pourront l'être devant le juge puisque le principe de droit sera respecté suivant lequel l'on peut devant son juge (qui représente le pouvoir judiciaire) soulever pour la première fois tous moyens de droit et de fait.

Dans la deuxième catégorie de contribuables se trouvent les contribuables qui, en recevant leur avertissement-extrait de rôle, et la note de calcul qui lui est jointe, ne peuvent pas marquer leur accord. Exemple : le contribuable a oublié d'indiquer ou bien l'administration a oublié de tenir compte des enfants à charge.

Ce type de contentieux doit pouvoir se régler rapidement et de préférence dans la phase administrative. Toutefois, il est certain que celui qui reçoit son avertissement-extrait de rôle ne peut pas disposer d'une trop longue période pour décider s'il conteste ou non l'imposition mise à sa charge.

En raccourcissant à trois mois ce délai, cela permet de rapprocher fortement l'acte de taxation de sa contestation et donc de son analyse dans le cadre du contentieux administratif.

2. Décision directoriale

Lorsqu'un recours est introduit, le directeur du contentieux, dans la proposition du gouvernement, dispose d'un délai de 6 mois pour se prononcer. La question qui se posait est de savoir quelle est la conséquence attachée à l'expiration du délai sans qu'une décision intervienne. Le nécessaire doit être fait sur le plan interne administratif pour que la majorité des décisions intervienne dans le délai de 6 mois, mais, que se passera-t-il lorsque le délai de 6 mois est expiré sans qu'il y ait eu décision ? Sur ce point, le ministre s'est inspiré de la législation sur le divorce et notamment de la technique du « permis de citer ». Antérieurement, lorsqu'un divorce était demandé, il y avait 6 mois au terme duquel la personne qui avait demandé le divorce, pouvait, sans y être obligée, introduire une action en justice. Le permis de citer était délivré 6 mois après l'introduction de la requête. Les gens utilisaient ou non ce « permis de citer » suivant qu'ils étaient ou non en négociation avec une chance réelle d'aboutissement.

Dans le cas d'espèce, le ministre est convaincu qu'au bout des 6 mois, il y aura un certain nombre de contribuables qui, devant le silence de l'administration, se décideront à introduire immédiatement un recours judiciaire. Pour le ministre, il en va de la responsabilité du contribuable qui alors a des raisons pour initier la phase juridictionnelle en soumettant au juge le litige qui l'oppose à l'administration le jour où aucune solution ne semble se dégager.

Par contre, dans d'autres cas l'administration et le contribuable seront encore dans une phase de négociation laquelle peut durer plus de 6 mois parce que, par exemple, il y a des problèmes complexes.

Le ministre indique ne pas avoir voulu donner à l'administration le choix de s'accorder à elle-même une prolongation de délai. Toutefois, il est parfaitement possible que le contribuable considère qu'il est plus intéressant de ne pas aller en justice immédiatemment.Le système revient à donner à chacun la responsabilité d'activer ou non un dossier.

À l'expiration du délai de 6 mois, il y a une alternative. Ou bien, la décision directoriale est rendue, auquel cas le contribuable dispose de 3 mois pour porter son action devant le tribunal de première instance. À l'expiration de ces 3 mois et sans recours introduit la décision est définitive et le contribuable est forclos dans son action. Ou bien, il n'y a pas de décision directoriale. À la non-décision est attaché un seul effet de droit mais qui est important sur le plan du contrôle interne des administrations, à savoir la suspension des intérêts de retard à compter du sixième mois.

Pour le reste, tant que le contribuable ne dessaisit pas l'administration de son pouvoir de décision, elle peut décider. Toutefois, le contribuable, à tout moment, à partir du sixième mois, peut décider de s'adresser au pouvoir judiciaire.

Le principe est que s'il y a litige, le délai raisonnable qui marque les décisions de l'administration, doit jouer.

Il s'agit d'un délai d'ordre. Il y avait trois options possibles.

Première possibilité, copier la situation hollandaise dans laquelle non-décision dans le délai imparti par la loi équivaut à un rejet implicite du recours. Pour certains, les résultats en sont inacceptables parce que l'on tire de la non-décision un certain nombre d'effets négatifs qui ne sont pas nécessairement de mise. Par conséquent, ce n'est pas la solution idéale.

Deuxième possibilité : attacher à cette non-décision un effet positif. Le recours est accueilli lorsque l'administration n'a pas tranché endéans le délai. Le ministre s'oppose radicalement à ce système, qui risque de transformer l'administration des Finances en un lieu de corruption permanente. Lorsque l'expiration du délai approche, il y a de grands risques que quelque chose « arrive » au dossier.

En matière fiscale, l'écoulement d'un délai équivalant à l'accueil d'une réclamation, lorsque l'on sait ce qu'il faut y attacher au niveau de la jurisprudence, est inacceptable.

Troisième possibilité : l'expiration du délai n'équivaut ni à un accueil de la réclamation ni à son rejet. La non-décision de l'administration ouvre seulement le droit au contribuable de saisir le juge fiscal. Ce droit n'est pas susceptible de forclusion tant que l'administration n'a pas pris de décision. C'est la sanction logique de l'inaction administrative. Si le fisc veut rendre définitive la taxation, il doit décider et assumer les conséquences de la taxation qu'il a établi. Le gros avantage de ce système est qu'il permet au ministre d'exercer, à l'égard de l'administration, une certaine pression et de pratiquer une politique du « benchmarking ». Le contentieux sera logé au niveau des 48 centres de contrôle de l'administration de la fiscalité des entreprises et des revenus et des quatre directions régionales de l'administration de l'Inspection spéciale des impôts. Cette localisation déconcentrée permettra d'établir des comparaisons entre les contrôles. Ce sera simple. Si, par exemple, le centre de contrôle X statue pour 90 % des dossiers dont il est saisi dans les six mois et que le centre Y ne statue que pour 30 ou 40 %, il y a incontestablement un problème de performance. Ce système doit amener une gestion de l'administration à un haut degré de qualité intégrale. Un deuxième élément de la mesure de la performance constituera la comparaison entre les résultats judiciaires des différents centres de contrôle. Il sera possible de mesurer, pour l'ensemble des dossiers ayant fait l'objet d'un recours administratif, par centre de contrôle, le taux de confirmation des décisions par le judiciaire. Ainsi, l'on peut comparer les performances des différents centres.

Un troisième élément de comparaison peut être le pourcentage de dossiers dans lesquels le trésor est privé d'intérêts moratoires par l'écoulement du délai de 6 mois sans décision administrative.

Le ministre est convaincu que toutes les parties gagnent dans ce système. Le contribuable y gagne en sécurité. L'administration y gagne en accélérant la perception des droits qui deviennent définitifs plus rapidement, les contestations durant moins longtemps.

Dans la phase juridictionnelle, il y aura deux degrés de juridiction avec possibilité de développer des cmoyens nouveaux pour la première fois devant le juge fiscal. Le ministre estime que, du côté judiciaire, le même effort d'accélération des délais de traitement du contentieux fiscal doit être réalisé. Il doit être possible d'y arriver avec des magistrats spécialisés. À ce propos, le ministre rappelle que son collègue de la Justice a déjà intégré dans les matières au choix pour l'examen d'aptitude comme magistrat, le droit fiscal.

Les délais de déclenchement des différentes phases sont celles du Code judiciaire. Il s'agit du délai d'un mois à compter de la signification ou de la notification par pli judiciaire pour former le recours devant la cour d'appel. Après décision de la cour d'appel, il reste trois mois à compter de la signification ou de la notification par pli judiciaire pour introduire le recours devant la Cour de cassation. Cette logique de traitement constitue une accélération par rapport à la situation actuelle qui se rapproche des niveaux de performance des pays voisins.

Cette réforme distinguera cependant entre le contentieux ancien et le contentieux nouveau. Le ministre souligne qu'il ne s'agit pas de se désintéresser complètement du contentieux ancien compte tenu de la notion de délai raisonnable. Par ailleurs, les nouveaux services ne peuvent pas être chargés du contentieux ancien, ce qui les engorgerait avant de commencer. Le contentieux ancien constituera un contentieux d'extinction géré selon les anciennes procédures. La seule modification est que les anciennes réclamations bénéficieront du double degré de juridiction, comme les nouvelles réclamations. Sur ce plan, pour le ministre, il paraît impossible de créer, dans la phase judiciaire, une discrimination entre les réclamations suivant la date de leur introduction. Il s'agit certes d'un contentieux fiscal mais surtout d'une procédure judiciaire. L'article 3 du Code judiciaire veut qu'en matière judiciaire les lois de procédure soient d'application immédiate aux procès en cours sauf les exceptions prévues par la loi.

Un commissaire demande combien dans les 174 000 dossiers contentieux, bénéficieraient, n'étant pas devant la cour d'appel, de ce double degré de juridiction.

Le ministre répond qu'en moyenne, il y a 2 000 recours qui sont introduits annuellement auprès des cinq cours d'appel, en matière de contributions directes.

Discussion

Un membre félicite le ministre, parce qu'il a eu le courage politique de modifier, sur des points tout de même fondamentaux, un projet qui avait été adopté à la Chambre. L'intervenant estime aussi, personnellement, que le projet tel qu'il a été transmis par la Chambre des représentants avait été rédigé sur mesure par l'administration. Il n'empêche que celle-ci a des droits.

Le membre s'est senti renforcé dans ses convictions à la fois par les auditions organisées par la commission et par l'arrêt nº 67/98 du 10 juin 1998 de la Cour d'arbitrage. Il annonce qu'il retirera une partie des amendements qu'il a déposés.

Le même membre renvoie à un article du Financieel Economische Tijd de novembre 1998, dans lequel il est rapporté que le ministère des Finances souhaite limiter la charge le nombre de annuel d'affaires fiscales pour les tribunaux à 3 000 par an. Le ministre pourrait-il faire savoir sur quelle base il a avancé ce chiffre ?

D'autres manières de procéder sont possibles. C'est ainsi qu' un amendement a été déposé selon lequel un seul magistrat spécialisé par cour d'appel ne suffit pas. Le nombre de magistrats doit évidemment être fonction du nombre annuel de dossiers. Par ailleurs, l'on ne saurait exclure que le gouvernement ait fixé le nombre de juges en matière fiscale uniquement en fonction des possibilités budgétaires du département de la Justice. Il semble, à première vue, que ce soit une bonne manière de procéder. Il se pourrait, toutefois, qu'au bout d'un certain temps, le nombre de magistrats s'avère insuffisant, par exemple au cas où le nombre de dossiers à traiter n'est pas de 3 000 mais de 6 000 par an.

Partant du nombre actuel de recours introduits auprès des cours d'appel, le ministre explique que le chiffrage a été établi sur base de deux éléments. D'abord, l'on part des 2 000 recours annuels, et ensuite, vu le raccourcissement des délais, l'on a tablé sur une augmentation de 2 000 à 3 000 recours sur base annuelle.

Il y aura 28 juges fiscaux. 200 dossiers par an, par juge, paraît raisonnable notamment compte tenu de la spécialisation des magistrats, ce qui laisse un volant de 5 600 dossiers par an que, d'après le ministre, l'on ne dépassera pas. Il faut donc que l'on double le nombre de recours juridictionnels pour que l'on arrive à une situation dans laquelle les juges fiscaux ne pourraient pas dans l'année traiter tous les dossiers introduits auprès d'eux.

Une autre considération lui paraît essentielle. Il y a 25 ans, un des éléments qui faisait qu'il y avait peu d'arriéré judiciaire, était le fait qu'entre l'assignation ou le moment d'introduction d'une affaire en matière civile et le moment où le jugement intervenait, le laps de temps qui s'écoulait, n'excédait pas 5 ou 6 mois. Maintenant, un litige peut durer 10 ans et l'on spécule sur la durée du processus pour entamer un contentieux dont l'on ne supportera pas les conséquences lorsque le juge aura décidé longtemps après la citation en justice.

Donc, le fait qu'il y ait un raccourcissement des délais, amènera les contribuables à ne pas augmenter le nombre de recours et incitera les professionnels qui les entourent, à intégrer un délai bref dans le raisonnement d'opportunité quant à l'introduction d'une action judiciaire. Et le ministre de conclure que, dans un certain nombre d'affaires, comme par exemple devant le Conseil d'État, le conseil que les avocats donnent à leurs clients est un conseil qui tient compte de ce que l'on peut avec quatre chances sur cinq prévoir quel va être l'issue du procès d'autant mieux que le jugement est rapproché dans le temps. Si l'avocat sait que la décision tombera rapidement, il devra se justifier de son conseil auprès de son client et donc il ne tirera pas du recours un bénéfice pécunaire anormal en conseillant des recours hasardeux.

Un commissaire fait valoir que le ministre a parlé dans le nouveau régime de suspension et de remise des intérêts. Quid dans le régime du reliquat ?

Le ministre réplique qu'il ne change rien sur ce plan. Il y a là une suspension d'intérêts jusqu'à ce que l'administration décide, une fois dépassés les six mois à compter de l'introduction de la réclamation. Après 18 mois de suspension, les premiers six mois d'intérêts de retard sont également remis, ce qui est de nature à inciter l'administration à décider dans les deux ans au plus tard.

Un autre membre demande si l'on envisage, en cas de modification de l'imposition par l'administration, d'envoyer une note de calcul de la nouvelle taxation au contribuable, pour qu'il puisse contrôler plus facilement sur quels points l'administration a modifié l'imposition.

Le ministre explique que l'avis de rectification est la notification par l'administration du fait qu'elle veut changer certains éléments de la déclaration du contribuable. Normalement, l'avis de rectification fait l'objet d'une réponse du contribuable par laquelle il justifie ses observations. Par conséquent, on n'est pas arrivé à une situation qui est suffisamment figée pour qu'il y ait déjà possibilité d'envoyer d'une note de calcul. La note de calcul est toujours jointe à l'avertissement-extrait de rôle. À ce moment, le contribuable dispose des éléments chiffrés qui lui permettent, en principe, d'exprimer ses griefs par l'introduction d'une réclamation. C'est au moment de la réclamation et sur base du montant enrôlé avec la note de calcul, et, éventuellement lors de la discussion qui a lieu après l'avis de rectification que le contribuable motivera sa réclamation.

Un commissaire demande si, habituellement, lorsque le contribuable a marqué son désaccord par des observations sur l'avis de rectification, un courrier de l'administration lui indique la position de celle-ci en réaction aux observations qu'il a émises.

Le ministre rappelle que la restructuration des centres de contrôle prévoit la création en leur sein d'une section spécialisée chargée de traiter le « précontentieux ». L'idée à terme est qu'il y ait en tout cas une discussion au-delà de l'avis de rectification et des réponses aux observations que le contribuable formule sur cet avis. Il faut reconnaître que, dans certains cas, surtout quand les montants en jeu sont peu importants ou que l'on est assez avancé dans le délai d'imposition, il n'y a pas de réaction écrite de la part de l'administration aux observations que le contribuable a formulées dans sa réponse à l'avis de rectification. Dorénavant, l'objectif est qu'il y ait toujours une réponse dans le respect du principe de bonne administration.

Le préopinant demande si cette réponse de l'administration comprendra une explication et/ou une motivation.

Le ministre déclare que c'est précisément le but recherché par la création de cette section spéciale chargée de répondre « juridiquement » aux arguments du contribuable.

Un autre membre dit vouloir s'associer aux félicitations que son collègue a adressées au ministre. Le commissaire estime que la proposition du ministre facilitera énormément l'examen du projet puisqu'elle répond bien à une série d'objections formulées par la commission.

L'intervenant souhaite que l'on fournisse des précisions en ce qui concerne le cas où l'administration n'aurait pas statué sur une réclamation dans les six mois. Le ministre a déclaré qu'il n'avait pas voulu, en l'espèce, suivre l'exemple des Pays-Bas, où l'absence de décision en temps utile équivaut à un rejet de la réclamation. Le membre estime toutefois que, dans la mesure où les délais sont écourtés, pareille option pourrait quand même être intéressante. Le ministre pourrait-il préciser les raisons pour lesquelles il ne souhaite absolument pas s'engager dans pareille voie ?

Le ministre fait valoir qu'a priori, il préférait le système hollandais. Mais réflexion faite, il a préféré le « permis de citer », la non-décision au bout d'une période assez longue ayant beaucoup moins d'importance puisque le contribuable peut décider d'introduire un recours. Après 18 ou 24 mois, le fait qu'il n'y ait pas de décision montre qu'aucune des deux parties ne veut vraiment avancer. Cependant, le ministre préfère n'accorder à l'absence de aucune conséquence juridique. N'empêche que la piste hollandaise est tout à fait défendable au niveau des principes de droit administratif.

L'intervenant précédent demande s'il y a, selon le ministre, de risques de collusion entre les services des contributions et le contribuable en vue de faire traîner le dossier, qui resterait décision. L'on créerait ainsi un nouveau contentieux.

Le ministre estime éviter complètement ce risque, étant donné que c'est l'administration qui suit le contentieux judiciaire. C'est l'administration qui doit assumer devant le tribunal la défense de son absence de décision avec l'effet de déforcement de sa défense devant le juge fiscal. Cette raison, sauf circonstances exceptionnelles, va amener l'administration à prendre une décision et à bien la motiver pour mieux se défendre devant le juge.

Après avoir examiné les amendements du gouvernement, un membre s'est posé une question importante concernant la proposition du ministre. Cette question découle de l'obligation d'introduire d'abord une réclamation auprès de l'administration pour pouvoir en présenter une ensuite devant le tribunal. Ne crée-t-on pas ainsi le risque que les contribuables introduisent systématiquement une réclamation auprès de l'administration et se réservent ainsi la possibilité de s'adresser par la suite au tribunal au cas où ils n'obtiendraient pas satisfaction auprès de l'administration. En effet, le contribuable qui n'aura pas introduit de réclamation auprès de l'administration dans les trois mois de la date d'envoi de l'avertissement-extrait de rôle, ne pourra plus s'adresser au tribunal de première instance. Par conséquent, il est probable que tous les contribuables qui auront des doutes, même infimes, à propos de la légalité de la taxation, mise à leur charge introduiront systématiquement une réclamation par mesure de précaution. Ils pourront même avancer de nouveaux moyens devant le tribunal. Le système proposé risque donc de mener à une surcharge de l'administration, ce qui serait totalement contradictoire par rapport à l'objet du projet.

Un autre commissaire estime qu'à l'automaticité de la réclamation va répondre l'automaticité du refus. L'administration aura tendance à ne même plus examiner les réclamations. La procédure devant les tribunaux peut alors s'engager tout de suite. La question qui se pose est de savoir si ce risque est modifié par les amendements du gouvernement. Peut-être qu'en raccourcissant la procédure, l'on accordera moins de temps au contribuable pour introduire sa réclamation.

Selon l'intervenant précédent, ce n'est pas la durée des délais qui pose problème. La question est de savoir s'il est raisonnable de maintenir l'obligation d'introduire une réclamation auprès de l'administration, en tant que condition préalable à une action devant le tribunal de première instance. L'intervenant doute que le filtre que l'on a voulu installer en mettant en place la phase administrative de la procédure de réclamation permette de réduire considérablement le nombre d'affaires qui seront examinées finalement par le tribunal. Cet argument s'ajoute à celui du risque de surcharge des centres de contrôle.

L'autre commissaire croit comprendre que l'idée du préopinant est de ne pas subordonner le droit au recours aux tribunaux à l'obligation d'introduire au préalable une réclamation auprès de l'administration.

Le ministre déclare partir d'une logique qui repose sur la portée de l'enrôlement. D'après la doctrine, l'enrôlement est un jugement unilatéral, un jugement par défaut pris par l'administration. Par conséquent, l'idée est qu'il s'agit d'une décision qui est susceptible de recours. C'est un principe général. Le gouvernement a opté pour un recours administratif obligatoire pour deux raisons. D'abord, il faut établir un filtre. La preuve de l'utilité de ce filtre est qu'il y a déjà une différence entre le nombre de recours administratifs et le nombre beaucoup moins élevé de recours judiciaires. Ce phénomène s'explique évidemment en partie parce qu'actuellement, le recours judiciaire est porté au premier degré à la cour d'appel. Le ministre estime que si une décision administrative est contestée, il faut préalablement une autre décision administrative qui la réforme, modifie ou confirme.

Ce préalable administratif devra être introduit par une réclamation motivée. Le contribuable doit exprimer non seulement son désaccord avec l'imposition mise à sa charge mais aussi formuler un minimum d'arguments. Le ministre annonce que l'administration appréciera la motivation formelle du recours de manière souple. C'est d'ailleurs déjà le cas actuellement. Selon le ministre, ce recours administratif, par une première expression des motifs de désaccord, tout en respectant le principe de droit que les contribuables peuvent faire valoir pour la première fois des moyens devant le juge, est la meilleure réponse aux craintes exprimées sur l'encombrement administratif et judiciaire. D'après le ministre, le plus souvent, ce recours administratif fera l'objet d'un examen attentif susceptible d'amener des décisions de réformation basées sur les arguments développés par le contribuable. Une autre préoccupation du ministre est financière. D'après le ministre, pour une entreprise, le coût ne pose guère de problèmes. Il pense que dès le recours administratif, les entreprises seront assistées par des avocats, par des conseils fiscaux, etc. Par contre, le particulier qui, par exemple, découvre, à la lecture de sa note de calcul, qu'il a oublié de déclarer les charges liées à un emprunt hypothécaire, introduira aussi un recours. Dans un tel cas, le recours est simple, amène une décision facile et n'exige pas la présence de spécialistes.

Le ministre déclare que toute la logique de la procédure proposée a été de dire qu'il ne faut pas que ce recours administratif soit un frein parce qu'alors, l'on joue sur le temps pour imposer soit le retrait du recours, soit pour faire pression, ce que le ministre considère comme inopportun. C'est très mauvais d'abord pour le particulier qui reste préoccupé tant qu'il n'a pas obtenu une décision définitive. Pour les entreprises, la situation n'est guère meilleure. Il arrive parfois que pendant de longues périodes, s'étendant au-delà d'une dizaine d'années, des entreprises doivent provisionner des sommes importantes pour litige fiscal. Même si cette période est limitée à quelques années, c'est encore beaucoup trop. Le ministre est convaincu que pour l'État, la pire des choses est de laisser croire qu'il y a un retard de perception de l'ordre de 200 milliards de francs. En fait, seuls 19 milliards sont en récupération immédiate mais au-delà les sommes à recouvrer font l'objet de contestations. L'État est donc comme un créancier qui serait paralysé, non pas par des procédures judiciaires, mais par ses propres procédures.

Ceci n'enlève pas la nécessité de prévoir un filtre. En effet, celui-ci améliore certainement le traitement du dossier. C'est un premier banc d'essai dans une fonction contentieuse interne. Ce système permettra au ministre des Finances d'évaluer son administration par des comparaisons de service à service. Ce système aura donc un retentissement évident sur la qualité de la taxation. Plus le délai est court, plus le taxateur se trouve confronté aux conséquences juridiques de son intervention et mieux il va préparer ses décisions.

Au bout d'une période de 6 mois, le contribuable reçoit un « permis de citer », c'est-à-dire la possibilité de porter le litige qui l'oppose à l'administration devant les tribunaux. Le ministre plaide donc pour ne pas faire l'économie de ce passage administratif. Ce passage obligé sera utile pour dégager dans un certain nombre de cas des solutions. Puisque le recours doit être motivé, la décision administrative doit l'être aussi. Le recours administratif va donc faciliter le travail des tribunaux qui disposeront d'une première décision (la taxation) et d'une deuxième décision (la position du contentieux administratif). Puis, il y aura le débat judiciaire. Personnellement, pour le recours administratif, le ministre ne voit que des avantages à la condition que le préalable administratif soit bref. Cependant, une fois passé le délai de 6 mois, la non réaction du contribuable qui ne saisit pas le tribunal ne peut lui causer grief puisqu'il dispose du droit d'agir. En ce qui concerne l'administration, la sanction de la non décision sera la suspension des intérêts de retard et puis la perte des 6 premiers mois d'intérêts.

Un commissaire fait observer que le ministre concentre son argumentation sur l'hypothèse des erreurs matérielles dans les déclarations. Dans cette hypothèse, effectivement, le recours administratif est nécessaire. S'il s'agit d'une contestation en droit, la situation est un peu différente. N'empèche que, compte tenu de la nature même de l'enrôlement qui constitue un jugement par défaut, il faut qu'il y ait une possibilité de recours administratif.

Un autre membre dit ne pas souhaiter que le préalable administratif soit supprimé. Son argument concerne uniquement le fait que le contribuable doit avoir engagé ladite procédure s'il souhaite faire passer ensuite son dossier devant le tribunal. En raison, surtout, du caractère relativement court des délais, l'on risque de voir les contribuables qui craignent d'avoir le moindre problème déposer une réclamation par mesure de précaution et ne préparer leur dossier de manière approfondie que par la suite. N'est-il pas possible d'organiser les choses autrement ? L'intervenant évoque en l'occurrence la possibilité d'examiner par priorité les dossiers des contribuables qui ont introduit d'abord un recours administratif. Le membre continue donc à craindre que l'on abuse de la possibilité d'introduire à titre de précaution une réclamation.

Le préopinant répète que ce problème existe déjà dans la procédure actuelle.

Le ministre fait valoir que, dans ce cadre, la réduction du délai de réclamation constitue une réelle amélioration. Il ajoute qu'à sa connaissance, le préalable administratif existe dans tous les pays qui nous environnent (voir entre autres les tableaux comparatifs en annexe 2)


IV. DISCUSSION DES AMENDEMENTS AU PROJET DE LOI RELATIVE AU CONTENTIEUX EN MATIÈRE FISCALE

Article 8bis (nouveau)

M. Hotyat dépose un amendement nº 112, qui vise à :

« Insérer un article 8bis (nouveau), rédigé comme suit :

« Art. 8bis. ­ L'article 318, alinéa 1er , du même Code, doit être interprété comme suit :

« L'administration peut à l'égard des établissements de banque, de change, de crédit et d'épargne ­ comme à l'égard de tout contribuable ­ se prévaloir de l'ensemble des règles applicables en vertu des articles 315, 315bis et 316. Toutefois, par dérogation aux dispositions de l'article 317, elle n'est pas autorisée à recueillir dans les comptes, livres et documents de ces établissements des renseignements relatifs aux clients de ces établissements qui seront destinés à procéder à l'imposition de ceux-ci. »

Justification

Cet amendement a une portée interprétative.

À l'origine, en matière d'impôt sur les revenus, les moyens de contrôle et d'investigation du fisc à l'égard des banques et autres institutions financières étaient en principe illimités.

Les banques bénéficiaient toutefois d'une confiance coutumière et jouissaient malgré tout d'un « secret bancaire » de facto (à ce sujet, voir les travaux préparatoires de la loi du 20 novembre 1962 portant réforme du code des impôts sur les revenus; doc. parl. Chambre 61/62, nº 254/42; Sénat 61/62, nº 366).

Le passage d'une norme coutumière à une disposition légale formelle fut réalisé par l'adoption de l'article 34 de la loi du 8 août 1980 relative aux propositions budgétaires 1979-1980, et repris à l'actuel article 318, alinéa 1er , du CIR/92. Celui-ci dispose que :

« Par dérogation aux dispositions de l'article 317, et sans préjudice de l'application des articles 315, 315bis et 316, l'administration n'est pas autorisée à recueillir, dans les comptes, livres et documents des établissements de banque, de change, de crédit et d'épargne, des renseignements en vue de l'imposition de leurs clients. »

L'article 318, alinéa 1er , CIR/92 précise donc deux règles fondamentales. Tout d'abord, il confirme que les établissements de banque, de change, de crédit et d'épargne ne peuvent se soustraire aux dispositions des articles 315, 315bis et 316, relatifs aux obligations des contribuables en cas d'investigation et de contrôle durant la procédure d'imposition.

Par ailleurs, l'article en question déroge explicitement aux dispositions de l'article 317, CIR/92, dont il ressort que les renseignements recueillis chez un contribuable peuvent également être invoqués en vue de l'imposition des tiers, en interdisant expressément de recueillir auprès de ces établissements, à l'occasion d'une enquête effectuée sur la base des articles 315, 315bis ou 316, CIR/92, des renseignements en vue de l'imposition de leurs clients.

En se retranchant de façon restrictive derrière le verbe « recueillir » et en ignorant de surcroît totalement le contexte de la disposition notamment les mots « en vue de l'imposition de leurs clients », il est ainsi donné à l'article 318, alinéa 1er , CIR 92, une portée qui excède largement l'intention du législateur. En effet, le verbe « recueillir » ne peut en aucun cas être interprété dans le sens « prendre connaissance », l'article 318, alinéa 1er , CIR/92, constituant une dérogation explicite à l'article 317, alinéa 1er , CIR/92, et non une dérogation aux articles 315, 315bis et 316, comme le secteur en question le prétend.

L'accès à des données nominatives pour effectuer un contrôle efficace d'une institution financière est une nécessité. En effet, l'absence de données nominatives est de nature à obscurcir les circonstances réelles de certaines opérations, notamment, les liens unissant les opérations internes ne pourraient pas ou quasiment pas être établis.

Des documents nominatifs sont en particulier indispensables pour :

­ pouvoir apprécier si les règles en matière de précompte mobilier sont correctement appliquées;

­ pouvoir déceler l'existence éventuelle d'avantages anormaux ou bénévoles;

­ pouvoir contrôler le bien-fondé des réductions de valeur pour créances douteuses;

­ vérifier s'il ne se produit pas des cas pouvant donner lieu à l'application de l'article 318, alinéa 2, CIR/92.

En effet, l'article 318, CIR/92, vise à déceler, à l'occasion du contrôle de la situation fiscale d'une banque ou d'une institution financière, des cas individuels de fraude. Pour pouvoir atteindre cet objectif, il est nécessaire de disposer de documents nominatifs.

La lecture conjointe du premier et du second alinéa de l'article 318, CIR/92, montre ainsi à suffisance :

­ qu'il n'existe pas d'obstacle à ce que les agents taxateurs prennent connaissance de documents nominatifs lors du contrôle de la situation fiscale d'une banque ou d'une telle institution;

­ qu'il est formellement exclu que ces données puissent éventuellement être utilisées pour la taxation des clients de la banque ou de l'institution financière;

­ que ce n'est uniquement dans des circonstances clairement déterminées et moyennant le strict respect de conditions de fond et de forme, que des renseignements peuvent être recueillis auprès de ces établissements en vue de l'imposition de leurs clients.

En principe, il ne devrait donc exister aucun problème quant à l'application de cette disposition légale.

Cependant, de par l'attitude du secteur bancaire, la situation se présente toutefois autrement. Le présent amendement interprétatif vise par conséquent à permettre l'exacte application de l'article 318, CIR/92, en dissipant toute controverse à son sujet.

Puisque la justification de cet amendement n'est pas aisément résumable, l'auteur se limite à faire référence au document concerné. Il précise simplement que cet amendement vise à une interprétation de la disposition actuelle de l'article 318, alinéa 1er , du CIR 92, de façon à lever une interprétation restrictive qui est notamment celle des banques et à éviter à cet égard toute controverse. D'après le membre, il s'agit de remplacer une disposition existante par une autre qui a l'avantage d'être plus claire. Il souhaite connaître l'avis du ministre à ce sujet.

Un autre commissaire constate que l'amendement nº 112, d'après le texte déposé, remplace une disposition normative par une disposition interprétative, sans qu'il y ait encore de disposition normative !

Le préopinant ne partage pas ce point de vue. Le but est de remplacer une disposition normative par une autre qui, elle, est plus claire et précise la portée de la disposition existante. Dans la phrase liminaire de l'amendement, il convient de remplacer les mots « doit être interprété » par les mots « est remplacé ».

Le président demande à M. Hotyat de bien préciser s'il s'agit d'un texte qui doit figurer dans une circulaire comme interprétation ou s'il s'agit d'une substitution du texte de l'article 318, alinéa 1er , CIR 92, au quel cas, il convient de sous-amender son amendement.

Un membre estime que l'amendement crée une catégorie spéciale d'assujettis, tous soumis au contrôle de la Commission bancaire et financière. Ne convient-il pas alors de recueillir l'avis de ladite commisssion en la matière ?

De plus, étant donné l'existence de directives européennes bancaires, ne faut-il pas demander au préalable l'avis de la Commission européenne par la voie de notre représentation permanente ?

Un autre membre attire l'attention sur le fait que le projet de loi à l'examen vise à régler la procédure fiscale et non à lutter contre la fraude fiscale. Cet amendement n'a pas sa place dans la discussion. Dès lors, il invite les membres à le rejeter.

Un autre intervenant dit être lui aussi opposé à l'amendement, car il constitue la énième proposition tendant à imposer des obligations nouvelles aux banques belges. Il estime inacceptable que le législateur mette systématiquement des bâtons dans les roues des banques. Il ne reste déjà que trop peu de grandes institutions bancaires indépendantes en Belgique.

L'auteur souhaite que l'on n'accède pas à la suggestion d'un membre de demander l'avis de la CBF et de la Commission européenne, et ce pour éviter de retarder l'examen du projet de loi.

En second lieu, l'intervenant souligne que le projet de loi à l'étude contient toute une série de modifications au CIR 92, et il profite de la circonstance pour essayer d'aménager des dispositions qui, d'après lui, doivent l'être.

Le ministre déclare être prêt à discuter tout ce qui touche à la procédure fiscale contentieuse. Il fait valoir que l'amendement nº 112 touche l'article 318, CIR 92, qui se situe au « Chapitre III. Investigations et contrôle », qui, en soi, n'a aucun rapport avec la procédure fiscale contentieuse.

Le ministre ne voit pas l'utilité de consulter la CBF étant donné que le projet ne traite pas non plus le contrôle prudentiel. Il demande à la commission de se concentrer sur l'objectif poursuivi, à savoir un code de procédure fiscale moderne. Il rappelle que le gouvernement a même anticipé l'adoption du projet puisque le ministre de la Justice a confirmé qu'il procédera d'ici le 1er avril 1999 à la nomination de 28 juges spécialisés en matière fiscale.

Il serait regrettable de devoir retarder l'adoption des deux projets en s'attelant à d'autres modifications.

Le président estime que si la commission suit le ministre, il n'y a effectivement aucune raison de procéder à des consultations.

Un sénateur partage le souci du ministre qui ne veut pas retarder l'adoption du projet en discutant sur des points qui ne touchent pas vraiment à la procédure. D'un autre côté, il estime que l'amendement nº 112 a une certaine pertinence étant donné qu'il y a un lien entre les moyens dont dispose l'administration fiscale pour vérifier la situation des contribuables, d'une part, et le type de délai et d'arriéré, d'autre part. D'après le sénateur, le problème de l'arriéré et du contentieux vient notamment du fait qu'il y a des restrictions trop fortes dans les moyens de l'administration envers, par exemple, le secteur bancaire.

Articles 8ter et 8quater

M. Hotyat dépose les amendements nºs 113 et 114 :

« Insérer un article 8ter (nouveau), rédigé comme suit :

« Art. 8ter. ­ L'article 318, alinéa 2, du même Code est remplacé par le texte suivant :

« Si cependant, une enquête effectuée auprès d'un établissement visé à l'alinéa 1er ou auprès de tout autre contribuable, sur base des articles 315, 315bis et 316, a fait apparaître des éléments concrets permettant de présumer l'existence ou la préparation d'un mécanisme de fraude fiscale, le directeur général de l'administration qui a effectué l'enquête peut, avec l'accord conjoint de l'administrateur général des impôts et de l'administrateur général adjoint des impôts, prescrire à un fonctionnaire du grade d'inspecteur au moins, de relever dans les comptes, livres et documents de l'établissement, les renseignements permettant de compléter l'enquête et de déterminer les impôts dus par ce client. »

Justification

Il s'agit d'une disposition interprétative qui confirme la faculté ouverte à l'administration qui contrôle les impôts sur les revenus de procéder auprès des établissements de change et de crédit à une enquête complémentaire lorsque, quelle qu'en soit la provenance, elles disposent d'éléments concrets qui l'autorise à présumer l'existence ou la préparation d'un mécanisme de fraude fiscale déterminé dans le chef de ces établissements, ces renseignements complémentaires permettront une imposition correcte dans le chef du client de l'établissement de crédit.

Actuellement, en effet, certains établissements défendent une interprétation restrictive de cet article qui tend à considérer qu'il doit être lu en étroite corrélation avec le texte du § 1er limité à certains établissements, alors que le § 2 a une portée plus générale puisqu'il vise les éléments recueillis auprès de n'importe quel contribuable en application des articles 315, 315bis et 316.

« Insérer un article 8quater (nouveau), rédigé comme suit :

« Art. 8quater. ­ L'article 319bis, du même Code, doit être interprété comme suit :

« Les fonctionnaires chargés du recouvrement disposent de tous les pouvoirs d'investigation prévus par le présent code, y compris à l'égard des établissements visés à l'article 318 CIR 92 en vue d'établir la situation patrimoniale du débiteur pour assurer le recouvrement des impôts et des précomptes dus en principal et additionnels, des accroissements d'impôts et des amendes administratives, des intérêts et frais. »

Justification

Dans le cadre de leur mission de recouvrement, il importe de préciser que les agents de l'administration des Contributions directes ne peuvent se voir opposer certaines réserves à l'obligation de communication, lorsque les éléments qu'ils ont l'intention de recueillir visent à établir la situation patrimoniale d'un débiteur d'impôt, à l'exclusion de toute utilisation aux fins de détermination de l'imposition dans le chef dudit débiteur.

S'il importe que cet article 319bis ne puisse être utilisé afin de contourner le prescrit de l'article 318 CIR 92, il est tout aussi légitime que, dans le cadre de sa mission spécifique de recouvrement, l'administration des Contributions directes ne puisse se voir opposer par les établissements visés à l'article 318 CIR 92 un devoir de réserve non institué à cette fin.

L'auteur estime que puisque ces amendements relèvent de la même philosophie que son amendement nº 112, cela implique que le ministre ne souhaite pas les traiter actuellement. Il se demande toutefois, si, sur le fond, ses amendements sont acceptables aux yeux du gouvernement.

Le ministre répond que ces amendements peuvent très bien faire l'objet d'une proposition de loi distincte.

Eu égard au voeu exprimé par le gouvernement de se concentrer sur la réforme de la procédure fiscale afin d'aboutir rapidement, l'auteur retire ces amendements, ainsi que ses amendements nºs 112 à l'article 8bis et 115 à l'article 10bis . Il envisagera le dépôt d'une proposition de loi.

Article 9

À cet article, deux amendements sont maintenus. Il s'agit, d'une part, de l'amendement nº 103 de M. Delcroix et consorts (doc. Sénat, nº 1-966/8), et, d'autre part, de l'amendement nº 58 de M. Hatry (doc. Sénat, nº 1-966/6).

M. Delcroix attire l'attention sur le fait que l'amendement nº 103 et l'amendement nº 109 forment un tout. Il déclare que ces amendements découlent d'une concertation avec la Commission bancaire et financière (CBF). Au début de la discussion, M. Delcroix a déposé un amendement nº 10, dont la justification était très détaillée (voir doc. Sénat, nº 1-966/5). Il retire cet amendement au bénéfice des amendements nºs 103 et 109.

Ces amendements prévoient que la CBF n'est pas compétente en matière fiscale, mais qu'elle dénonce aux autorités judiciaires les mécanismes particuliers ayant pour but ou pour effet de favoriser la fraude fiscale dans le chef de tiers, mis en place par un établissement de crédit ou une entreprise d'investissement dont elle assure le contrôle, lorsqu'elle a connaissance du fait que ces mécanismes particuliers constituent, dans le chef de ces établissements ou entreprises mêmes, en tant qu'auteur, coauteur ou complice, un délit fiscal sanctionné pénalement.

M. Delcroix estime que l'on préserve ainsi l'objectif du projet de loi initial tout en respectant les directives européennes bancaires. Les dispositions en question permettent également à la CBF de coopérer dans des cas qui relèvent du droit pénal.

« Sous le A), le 1º est remplacé comme suit :

« 1º le § 5 est abrogé. »

Justification

Dans le cadre du projet de loi relatif au contentieux en matière fiscale, la Chambre des représentants a approuvé un amendement visant à modifier l'article 327, § 5, CIR 92. Sur la base du nouveau texte, la CBF et l'OCA ont l'obligation d'informer le ministre des Finances lorsque, à l'occasion du contrôle de ces établissements, ils constatent l'existence d'un mécanisme particulier ayant pour but ou pour effet d'encourager la fraude fiscale dans le chef de tiers.

Ce § 5 de l'article 327 a été rédigé comme suit :

« La Commission bancaire et financière informe immédiatement le ministre des Finances lorsqu'elle constate qu'un organisme dont elle assure le contrôle a mis en place un mécanisme particulier qui a pour but ou pour effet d'encourager la fraude fiscale dans le chef de tiers. »

Les services de la Commission européenne ont cependant, à cet égard, attiré l'attention sur le fait que le devoir d'information de la CBF, élargi au sens visé ci-dessus, est contraire à la première directive bancaire dans la mesure où il concerne des cas qui ne tombent pas sous l'emprise du droit pénal.

Voir aussi l'amendement nº 109 à l'article 82bis.

Le ministre confirme que l'abrogation de l'article 327, § 5, CIR 92, qui fait l'objet de l'amendement nº 103 trouve sa justification dans le remplacement de l'article 38bis de l'arrêté royal nº 185 du 9 juillet 1935, tel que proposé par l'amendement nº 109. Pour le ministre aussi, l'article 327, § 5, CIR 92, ne peut être abrogé que sous la condition de l'insertion d'un article 82bis (nouveau) dans le projet tel que proposé par l'amendement nº 109.

Le ministre confirme que la CBF a clairement fait connaître les objections qu'elle avait avec le libellé nouveau du § 5 de l'article 327, CIR 92, tel que modifié par le présent projet et ce en raison des obligations qu'elle assume à l'égard des autorités prudentielles des autres États membres de l'Union européenne, contrôle prudentiel qui va encore s'intensifier avec l'entrée dans la zone euro. Or, le texte tel qu'il était repris dans le projet de loi initial pourrait amener la CBF à ne plus pouvoir bénéficier du même accès aux informations que celui dont elle dispose actuellement à l'égard des autres autorités chargées du contrôle prudentiel au motif de l'automaticité de l'obligation pesant sur la CBF d'informer le fisc belge des délits fiscaux dont elle a eu connaissance par ses propres moyens ou par communication de la part d'une autre autorité de contrôle.

Le ministre répète que, toutefois, il ne pourrait accepter que l'article 327, § 5, soit abrogé sans plus. Il est patent que la CBF n'a pas une mission d'ordre fiscal mais elle se trouve, comme tous les organismes publics, dans la position où lorsqu'elle peut acquérir la connaissance d'un délit à travers l'exercice de sa fonction prudentielle, y compris d'un délit fiscal, il s'indique qu'elle doive dénoncer ce délit aux autorités judiciaires. Celles-ci sont chargées de la poursuite des infractions pénales en ce compris en matière fiscale. Il va de soi que les autorités judiciaires ont une obligation d'information à l'égard de l'administration fiscale lorsque le ministère public, à l'occasion de l'instruction d'une affaire pénale, acquiert la connaissance, sur base d'indices sérieux, d'une fraude en matière d'impôts sur les revenus.

Et le ministre d'ajouter que l'on passe ici par un double filtre : premièrement le filtre des autorités judiciaires et le ministre trouve qu'il est absolument indispensable que la CBF puisse, lorsqu'elle constate une infraction, la dénoncer au ministère public, et, deuxièmement, le filtre des parquets généraux vis-à-vis de l'administration fiscale lorsque le ministère public informe ou instruit une affaire qui relève de la violation de la loi fiscale à travers une infraction pénale.

M. Hatry introduit son amendement nº 58 :

« Supprimer le A), 1º. »

Justification

L'obligation nouvelle mise à charge de la Commission bancaire est difficilement acceptable. Les arguments qui s'opposent à semblable modification de l'article 327, § 5, CIR 92 sont aussi nombreux que pertinents :

a) En vertu de la deuxième directive bancaire, la Commission bancaire et financière ne peut pas divulguer les informations recueillies dans le cadre de sa mission, sauf en matière pénale où des exceptions peuvent exister. Le Conseil d'État qui a déjà eu l'occasion d'analyser ce problème faisait observer que la référence au droit pénal contenue dans la deuxième directive ne pouvait en aucun cas recevoir une interprétation extensive.

Or, tous les mécanismes particuliers ne constituent pas nécessairement des infractions au droit pénal et/ou fiscal.

En conséquence, en supprimant la condition de complicité et en élargissant le champ d'intervention de la Commission bancaire et financière, la modification proposée est incompatible avec le droit européen.

b) La nouvelle mission imposée à la Commission bancaire et financière est totalement inconciliable avec le rôle de cette dernière et le secret professionnel auquel elle est tenue.

c) Pareille modification est de nature à entamer la confiance qui doit exister entre les banques et l'organisme chargé du contrôle prudentiel.

d) La modification proposée risque également d'entraver fortement les rapports de la Commission bancaire et financière avec ses consoeurs étrangères qui, plus que probablement, seront réticentes à transmettre des informations.

e) Enfin, pareille mesure serait de nature à introduire une discrimination entre établissements de crédits belges et étrangers opérant en Belgique en libre prestation de services pouvant entraîner une distorsion de concurrence.

L'auteur estime que son amendement se situe dans le droit fil des amendements nºs 103 et 109 de M. Delcroix et consorts. Il annonce qu'il pourrait retirer son propre amendement.

Le ministre répète sa position selon laquelle, incontestablement, il y a un problème avec le texte actuel proposé par le projet puisque, est levé à l'égard du fisc le secret professionnel qui est l'apanage même de la CBF, ce qui est rappelé d'ailleurs par les directives européennes organisant le contrôle prudentiel. L'article 327, § 5, proposé par le projet, déroge à ce secret professionnel et risque donc d'exposer la CBF à un refus d'échange d'information de la part de ses homologues. Sur ce point, tout le monde est d'accord.

De plus, pour le ministre, il n'est pas possible d'accepter le maintien de la situation actuelle dans laquelle la CBF, qui est un organe du ministère des Finances, se voit interdire, par le secret professionnel qui lui est imposé, de dénoncer une infraction pénale qu'elle constate aux autorités judiciaires. Suivant le droit actuel, la CBF se trouve ainsi dans une situation qu'aucun organisme privé ne connaît puisque, notamment en cas de blanchiment d'argent, elle serait obligée de se taire et de ne pas dénoncer.

Par conséquent, le ministre déclare qu'il n'est pas opposé au système qui oblige la CBF à dénoncer le délit fiscal qu'elle découvre à l'occasion de l'exercice de son contrôle des établissements de crédit.

Un membre déclare qu'il partage entièrement l'avis du ministre conformément auquel il faudrait examiner conjointement ses amendements nos 103 et 109. Il souhaite que l'on vote d'abord sur son amendement nº 109 et ensuite sur l'amendement nº 103.

Un commissaire demande au ministre quels sont les mécanismes punissables.

Dans l'esprit du ministre, lorsqu'un mécanisme constitue une infraction à une disposition fiscale de droit pénal, il y a obligation pour la CBF de transmettre au parquet les éléments qu'il peut utiliser.

Un autre membre demande si la seule mise en projet par un établissement de crédit d'un schéma de régime fiscal favorable au contribuable deviendra punissable et dénonçable par la CBF.

Le ministre indique que cet examen n'entre pas dans la définition des mécanismes particuliers.

Un intervenant précédant demande si l'on vise effectivement la technique classique du prêt back to back .

Le ministre le confirme. Il s'agit d'un mécanisme particulier qui est repris dans la liste établie par la CBF des mécanismes particuliers.

L'amendement nº 103 de M. Delcroix et consorts est adopté à l'unanimité des 10 membres présents.

Dans ces conditions, M. Hatry retire son amendement nº 58.

Le gouvernement dépose un amendement nº 128 qui vise à faire subir au littéra B, le même traitement que celui qui a été réservé au littéra A par l'amendement nº 103. Le littéra B concerne l'Office de contrôle des assurances tandis que le littéra A concerne la Commission bancaire et financière.

L'amendement nº 128 du gouvernement est adopté à l'unanimité des 11 membres présents.

Article 10bis

Le gouvernement introduit un amendement nº 69 :

« Insérer un article 10bis (nouveau), libellé comme suit :

« Art. 10bis. ­ L'article 333, alinéa 2, du même Code, est complété par ce qui suit :

« et dans le délai prévu à l'article 354, alinéa 4. »

Justification

Le présent amendement vise à doter l'administration des pouvoirs d'investigation nécessaires, durant le prolongement du délai d'imposition prévu à l'article 354, alinéa 4, CIR 92, en projet (voir à ce propos l'amendement du gouvernement relatif à l'article 18 du projet).

Le ministre indique que ledit article 333 précise d'une part, que l'administration dispose de pouvoirs d'investigation et, d'autre part, détermine les délais dans lesquels elle peut les exercer. En principe, cela correspond aux délais extraordinaires de 3 ans ou de 5 ans. L'amendement vise à permettre à l'administration, dans l'hypothèse où une réclamation a été introduite, de bénéficier d'une prolongation de ses pouvoirs d'investigation. L'administration peut ainsi demander des renseignements au contribuable et investiguer dans les limites du nouveau délai d'imposition. Normalement, ce délai est de 3 ans. Ce délai peut être prolongé, à condition qu'il y ait une notification préalable, pour une période de 2 ans, ce qui amène à un délai de 5 ans. L'amendement propose que, lorsque le contribuable a déposé une réclamation, l'administration puisse disposer d'une prolongation du délai de trois ans. La justification de cette modification réside dans la faculté ainsi offerte à l'administration de mieux procéder à l'instruction de la réclamation par contrôle d'une série d'éléments de fait.

Un membre demande si cela implique que tout contribuable qui réclame se voit opposer immédiatement 5 ans d'investigations par l'administration.

Le ministre répond que tel n'est pas le cas. Dans le cadre de la réclamation, l'administration pourrait utiliser les pouvoirs d'investigation dont elle dispose actuellement pour établir l'impôt. Le délai total dont dispose l'administration dépend du moment où le contribuable a introduit sa réclamation.

Le préopinant demande ce qui se passe dans l'hypothèse où le contribuable introduit sa réclamation dans les 3 mois qui suivent une imposition d'office.

Le ministre répond qu'il y a d'abord la notification d'une imposition d'office et puis l'établissement d'une cotisation contre laquelle, dans les 3 mois, le contribuable introduit une réclamation. En cas de fraude, la période normale de 3 ans dont dispose l'administration pour effectuer ses investigations, moyennant notification préalable des indices de fraudes existantes, est prolongée de 2 ans. Si le contribuable a introduit sa réclamation suite à un contrôle qui a eu lieu au cours de la première période de 3 ans, le délai dans lequel l'administration peut procéder à des investigations est prolongé de 12 mois au maximum à compter du jour d'introduction de la réclamation. C'est donc un délai mobile qui dépend du moment où la réclamation est introduite.

Le membre demande quel fait générateur nouveau représente la réclamation dans la situation que le ministre vient d'exposer. D'après le membre, à l'heure actuelle, le fait de réclamer ou de ne pas réclamer n'allonge en aucune façon la période pendant laquelle l'administration peut investiguer. L'amendement nº 69 permet l'allongement du délai d'imposition (article 354) et du délai d'investigation (article 333) à l'égard de ce contribuable, pouvoir qui n'existe pas aujourd'hui en matière d'investigation.

D'après le ministre, il faut distinguer les différents aspects qui suivent. Il y a d'abord le fait que la réclamation doit faire l'objet d'une instruction. Pour instruire, il peut être nécessaire de disposer de pouvoirs d'investigation auprès du contribuable. L'instruction est confiée aux services du contentieux des directions régionales des contributions. Tant que la réclamation est en cours d'instruction, il est normal que l'inspecteur du contentieux bénéficie de pouvoirs d'investigation. Toutefois, depuis 1983 existe une disposition qui lui permet, parce que le directeur des contributions ne peut pas imposer de suppléments d'impôt en statuant sur une réclamation, de renvoyer le dossier au taxateur. L'amendement prévoit, pour rendre possible l'enrôlement d'un supplément d'impôt, de donner au taxateur des pouvoirs d'investigation qui lui permettent de découvrir et de justifier un supplément d'impôt.

Le président demande ce que l'amendement change par rapport à la situation actuelle.

Le ministre répond que l'amendement donne au taxateur des pouvoirs d'investigation, en cas de réclamation, dont il ne dispose pas aujourd'hui.

Le président conclut que l'amendement vise donc à augmenter les pouvoirs d'investigation de l'administration fiscale.

Un autre membre s'interroge sur l'utilité de modifier la procédure à un moment donné, en vue d'améliorer la sécurité juridique pour le contribuable, alors que l'on raccourcit les délais dans lesquels il peut introduire une réclamation et que l'on rallonge à ce point les délais que l'administration doit respecter, que les avantages nouveaux pour le contribuable s'en trouvent réduits à néant. On crée ainsi une insécurité juridique permanente, ce qui est contraire à l'objectif fondamental de la réforme de la procédure fiscale.

L'intervenant rappelle qu'il y a actuellement quelques 170 000 réclamations pendantes. Comme il y a une cinquantaine de jugements en matière fiscale par an, toutes cours d'appel confondues, le contentieux ne sera jamais résorbé. Par conséquent, il y a lieu de définir la nouvelle procédure de manière à éviter l'apparition d'un grand nombre de nouveaux litiges.

M. D'Hooghe dépose lui aussi un amendement (nº 8) qui tend à modifier l'article 333, CIR 92, en vigueur.

« Insérer un article 10bis (nouveau), libellé comme suit :

« Art. 10bis. ­ À l'article 333 du même Code sont apportées les modifications suivantes :

A) Au deuxième alinéa, les mots « prévu à l'article 354, alinéa 1er , » sont remplacés par les mots « prévu aux articles 354, premier et deuxième alinéas, et 358, § 1er , 1º, 2º, 3º et 4º, »;

B) Le troisième alinéa est supprimé. »

Justification

Dans la procédure actuelle, l'administration peut obtenir un délai d'investigation supplémentaire à la condition de notifier au préalable et par écrit au contribuable les indices précis qui nécessitent cette prorogation. Cette obligation est prescrite à peine de nullité de l'imposition.

Or, c'est précisément en effectuant des investigations supplémentaires que le fisc pourra recueillir des indices précis de fraude. La disposition ressemble donc fort à un cercle vicieux : ou bien l'administration commence par une investigation destinée à recueillir des indices précis de fraude, mais alors elle transgresse l'obligation d'informer préalablement le contribuable; ou bien, sur la base des informations sommaires qu'elle possède déjà, elle envoie un avis au contribuable pour l'informer de futurs actes d'investigation, auquel cas le contribuable répliquera que la notification préalable n'est pas suffisamment précise.

La proposition contenue dans le présent amendement vise donc à maintenir la distinction entre le délai d'imposition ordinaire et le délai prorogé, tout en supprimant le troisième alinéa de l'article 333 CIR, de telle sorte que l'obligation de notification préalable et précise d'indices de fraude n'ait plus pour conséquence de baîllonner de facto l'administration dans la lutte contre la fraude fiscale.

D'autre part, les pouvoirs d'investigation vaudront aussi en cas d'application de délais particuliers d'imposition. Actuellement, les délais particuliers d'imposition de l'article 358 CIR n'autorisent pas le fisc à effectuer des investigations supplémentaires. L'administration doit se contenter pour l'instant d'éléments résultant, par exemple, des renseignements venant de l'étranger et qui sont souvent insuffisamment spécifiés. Cela est dû au fait que l'article 333 CIR ne fait référence qu'à l'article 354 CIR, et non à l'article 358.

L'auteur de l'amendement déclare que celui-ci vise en partie les mêmes objectifs que l'amendement nº 69 du gouvernement. Il tend à attribuer des pouvoirs d'investigation durant les délais d'imposition spéciaux (prolongés). Il tend également à contraindre l'administration, dans les cas où elle souhaite obtenir un délai d'investigation supplémentaire, à communiquer des précisions concernant les éléments sur la base desquels elle souhaite obtenir la prorogation. Dans bien des cas, l'on se trouve, en l'espèce, dans un cercle vicieux. L'investigation est nulle dès lors que l'administration l'ouvre sans pouvoir fournir des précisions. Inversement, il est souvent nécessaire de poursuivre l'investigation pour obtenir ces indications détaillées. M. D'Hooghe souhaite dès lors que l'administration ait la possibilité de poursuivre ses investigations sans être tenue de communiquer spécifiquement ces éléments au préalable.

Un autre membre fait observer que, depuis quelques années, grâce à une initiative du sénateur honoraire M. Cerexhe, il existe une motivation obligatoire des décisions administratives. Cette loi a été votée à l'unanimité. Pour l'intervenant, ladite loi est également applicable en matière fiscale. Par conséquent, l'amendement nº 8 de M. D'Hooghe n'est pas nécessaire.

L'auteur de l'amendement précise qu'il se préoccupe uniquement du degré de précision des indices doit disposer l'administration.

L'amendement nº 8 de M. D'Hooghe est rejeté par 8 voix contre 1 et 2 abstentions.

L'amendement nº 124 de M. D'Hooghe est retiré.

L'amendement nº 69 du gouvernement est adopté à l'unanimité des 11 membres présents.

Article 13

À cet article, M. Hatry introduit un amendement nº 59, qui vise à :

« Supprimer cet article. »

Justification

Prétextant du peu de succès rencontré par la possibilité offerte au contribuable de soumettre sa contestation à une commission fiscale ou à un comité consultatif, le gouvernement procède à leur suppression par l'abrogation des articles 347 à 350 CIR 92.

Il conviendrait plutôt de mettre en oeuvre des mesures visant à l'amélioration des conditions de fonctionnement de cette commission et de ce comité à travers, notamment, une meilleure représentation en son sein.

Leur maintien, dans le cadre d'une révision de leur mode de fonctionnement, pourrait inciter le contribuable à s'y adresser, en confiance, en cas de différend et servir ainsi de filtre.

L'auteur rappelle que lors des auditions, les spécialistes ont déclaré que le contribuable, titulaire par exemple d'une profession libérale, est exposé à l'agressivité de fonctionnaires qui ne savent pas trop ce qu'est un indépendant. Les indépendants doivent pouvoir continuer à avoir recours à une commission composée de pairs, dont ils ignorent trop souvent l'existence. Le membre soutient que si le gouvernement informait convenablement les contribuables sur la composition de cette commission fiscale, il y aurait probablement plus de recours soumis à ladite commission.

Le ministre n'est pas convaincu de la pertinence de la justification de l'amendement nº 59. D'après lui, l'appréciation d'une situation fiscale est l'apanage de l'administration et, en cas de conflit persistant, d'une juridiction. Lorsque cette appréciation est confiée à une commission composée de pairs, les pairs se trouvent dans une situation impossible puisqu'ils doivent apprécier la situation fiscale de tiers et énoncer des principes dont ils pourraient être victimes le jour où ils seront soumis à leur jurisprudence. Le ministre est d'avis que les commissions fiscales n'ont pas donné de bons résultats, non seulement parce que les gens ignoraient leur existence, mais parce qu'elles ne font pas partie d'une vision normale des relations entre administration et particuliers.

L'auteur rappelle que la levée de l'immunité parlementaire, par exemple, a toujours été décidée par des parlementaires.

En d'autres termes, le ministre condamne implicitement une procédure qui a été acquise au sein du parlement et notamment le droit d'être jugé par ses pairs même à partir de suspicions.

L'amendement nº 59 de M. Hatry est rejeté par 9 voix contre 2.

Articles 14 à 16

À ces articles, M. Hatry dépose ses amendements nºs 60 à 62, qui visent également à :

« Art. 14

« Supprimer cet article. »

Justification

Voir justification à l'amendement nº 59.

« Art. 15

« Supprimer cet article. »

Justification

Voir justification à l'amendement nº 59.

« Art. 16

« Supprimer cet article. »

Justification

Voir justification à l'amendement nº 59.

L'auteur explique que ces amendements ont la même justification que l'amendement nº 59 à l'article 13.

Les amendements nºs 60 à 62 de M. Hatry sont rejetés par 9 voix contre 2.

Article 18

Le premier amendement à cet article est l'amendement nº 9 de M. D'Hooghe. Cet amendement est rédigé comme suit :

« Compléter les modifications proposées à l'article 354 du Code des impôts sur les revenus 1992 par un 1ºbis, libellé comme suit :

« 1ºbis. Le deuxième alinéa est complété par une deuxième phrase, rédigée comme suit :

« En cas d'absence de déclaration, il est irréfutablement présumé, pour l'application du présent article, que c'est dans une intention frauduleuse ou une intention de nuire. »

Justification

La prorogation du délai d'imposition prévue à cet alinéa 2 de l'article 354 suppose que l'administration puisse démontrer qu'il y avait dans le chef du contribuable une intention frauduleuse ou l'intention de nuire. Sous la pression, notamment, du principe de la légalité, la jurisprudence interprète cette disposition de manière très restrictive. La preuve de « fraude manifeste » qu'elle exige signifie que l'infraction à la loi doit aller de pair avec la preuve d'un élément intentionnel évident. La « négligence », l'« erreur matérielle » ou l'« inexactitude de bonne foi » sont très facilement admises comme excuses en cette matière. Il en résulte qu'en pratique, cette disposition est inutilisable dans la lutte contre la fraude fiscale.

L'auteur déclare que, dans le régime actuel, l'administration dispose d'un délai de 3 ans pour taxer les contribuables qui ont omis de déposer leur déclaration à l'impôt sur revenus. Pour pouvoir enrôler l'impôt, l'administration doit établir qu'il y a eu « fraude manifeste ». L'amendement part du principe que « l'oubli » ne peut être prouvé et tend à autoriser l'administration à enrôler l'impôt sans devoir apporter cette preuve.

Un commissaire demande à M. D'Hooghe ce qui lui arrivera, dans l'esprit de son amendement nº 9, au cas où il oublierait de déclarer, par exemple, son indemnité parlementaire dans sa déclaration à l'impôt sur les revenus.

L'auteur réplique que, dans ce cas, l'administration fiscale considérera simplement que l'intéressé n'a pas vraiment oublié de déclarer ses revenus et elle le taxera sur le montant de ceux-ci.

La présomption irréfutable de l'existence d'une intention frauduleuse ou d'une intention de nuire qui est proposée inquiète plusieurs membres.

L'auteur de l'amendement admet qu'il faudrait atténuer quelque peu la manière dont les choses sont formulées. Il envisage de déposer un nouvel amendement pour ce faire.

Le ministre déclare qu'il n'est pas favorable à l'amendement nº 9 parce qu'il estime qu'en cas de non-remise d'une déclaration, l'administration doit le plus vite possible, et en tout cas, dans le délai de 3 ans établir une imposition d'office puisqu'elle doit constater immédiatement l'absence de dépôt d'une déclaration. De plus, toute formalité non remplie est frappée d'une amende. Cette amende constitue une réaction légale beaucoup plus appropriée qu'une prolongation du délai d'imposition qui n'aura finalement comme seule conséquence que de favoriser une inaction plus longue de l'administration alors que la réaction la plus adéquate est d'envoyer au contribuable le plus rapidement possible un avis d'imposition d'office.

M. D'Hooghe retire son amendement nº 9.

M. Hatry introduit l'amendement nº 63 suivant :

« Compléter cet article par un 3º, libellé comme suit :

« 3º l'alinéa 4 est abrogé. »

Justification

1. L'article 354 du Code des impôts sur les revenus 1992 fixe les délais extraordinaires d'imposition en cas de déclaration tardive ou inexacte : le délai est en principe de trois ans à partir du 1er janvier de l'exercice d'imposition (alinéa 1er ); il est prolongé de deux ans en cas de fraude.

Le dernier alinéa de cet article, qui remonte à une loi du 11 avril 1983, dispose que lorsque le contribuable a introduit une réclamation dans le délai précité de trois ans, ce délai est prolongé jusqu'à la date de la décision du directeur, sans que cette prolongation puisse être supérieure à douze mois.

Cela signifie que si le contribuable introduit une réclamation contre une imposition, le délai d'imposition peut, en raison de cette réclamation, être porté de trois à quatre ans, en l'absence de toute fraude.

Comme l'écrit le professeur Kirkpatrick (« Réflexions sur les projets gouvernementaux de février 1997 concernant la réforme de la procédure fiscale », JT, 1997, pp. 209 et suivantes, spéc. nº 22, p. 214), cette règle est « totalement injustifiée et revient à réintroduire indirectement l'ancienne et détestable solution jurisprudentielle suivant laquelle le directeur qui statuerait sur une réclamation pouvait, même en dehors des délais d'imposition, établir par sa décision une nouvelle imposition ­ solution jurisprudentielle pourtant condamnée par la loi du 16 mars 1976 dont est issu l'article 375 du CIR ».

Cet article 375, maintenu par le projet, dispose que le directeur ne peut, dans sa décision, établir des suppléments d'impôts. Si, lors de l'instruction de la réclamation, il apparaît une insuffisance d'imposition, l'Administration peut certes établir des suppléments d'impôts, pour autant que les délais d'imposition prévus par la loi ne soient pas expirés.

2. L'abrogation du dernier alinéa de l'article 354 du CIR est particulièrement importante si, comme il est proposé dans des amendements au projet 967, on renonce à faire de la réclamation un préalable obligé de l'action en justice.

En ce cas, en effet, comme cela a été souligné dans la justification de l'amendement à l'article 8 du projet nº 967, les contribuables préféreront en général introduire une réclamation plutôt que saisir immédiatement le tribunal, pour autant qu'ils n'aient rien à y perdre. Or, le dernier alinéa de l'article 354 pénalise arbitrairement le contribuable qui introduit une réclamation. C'est ce frein injustifié que l'amendement tend à supprimer.

L'auteur ajoute qu'il suit la nouvelle proposition de procédure faite par le ministre dans la mesure où le membre a retiré son amendement concernant l'opposition à la procédure administrative contraignante et préalable.

En d'autres mots, l'auteur, s'il approuve le principe d'un préalable administratif obligatoire, n'admet pas que le seul fait d'introduire une réclamation entraîne une prolongation du délai d'imposition de 12 mois. Il estime qu'il s'agit d'une pénalisation injustifiée.

Le ministre ne peut pas accepter cet amendement.

Le gouvernement introduit alors un amendement nº 70, qui vise à :

« Compléter les modifications apportées à l'article 354, par un 3º, rédigé comme suit :

« 3º à l'alinéa 4, les mots « Lorsque le contribuable a introduit une réclamation conformément aux articles 366 à 373 » sont remplacés par les mots « Lorsque le contribuable ou le conjoint sur les biens duquel l'imposition est mise en recouvrement, a introduit une réclamation conformément aux articles 366 et 371. »

Justification

Le présent amendement vise à assurer la concordance avec la terminologie utilisée dans d'autres dispositions en projet (voir notamment l'article 366, CIR 92), ainsi que l'adaptation des références internes.

Le ministre précise que cet amendement est purement technique.

M. Jonckheer dépose l'amendement nº 126 suivant :

« À cet article, insérer un 1ºbis, libellé comme suit :

« 1ºbis. À l'alinéa 1er , les mots « trois ans » sont remplacés par les mots « cinq ans. »

Justification

L'allongement des délais d'imposition n'est pas en lui-même une chose souhaitable car celui-ci entraîne à la fois des effets négatifs en termes de sécurité du contribuable et en même temps n'est pas un indicateur positif des performances de l'administration fiscale. Toutefois l'appréciation d'un délai « raisonnable » doit être rapportée d'une part aux ressources dont dispose l'administration elle-même et d'autre part à sa capacité d'accès directe à l'information et à sa capacité directe de vérification indépendamment de celles fournies par le contribuable. Dans la mesure où des dispositions législatives nouvelles rencontrant ces objectifs ne trouvent pas de majorité au Parlement, l'allongement des délais apparaît comme un « second best ». En outre ce délai de 5 ans correspond à celui en vigueur en matière de TVA (article 81 du Code sur la TVA) que le gouvernement propose quant à lui de ramener à 3 ans (article 50 du projet instaurant un nouvel article 81bis ).

L'auteur fait valoir que même si l'amendement ne porte pas sur le coeur du projet, il reste pas moins qu'à l'occasion de ce projet, le gouvernement modifie l'article 81 du Code de la taxe sur la valeur ajoutée en réduisant le délai de prescription de 5 à 3 ans, alignant ainsi ce délai sur le délai d'imposition en vigueur pour les impôts sur les revenus, tel que défini à l'article 354. L'amendement nº 126 vise à inverser la démarche, c'est à dire à aligner le délai d'impôt en vigueur pour les impôts sur les revenus sur celui de la prescription en matiére de TVA et donc de porter le premier délai de 3 ans à 5 ans.

L'intervenant se réfère à la justification de son amendement. Il peut comprendre l'argumentation du ministre pour défendre la réduction des délais. Toutefois, tant que l'on reste dans le dispositif actuel et notamment dans le cadre évoqué dans l'amendement nº 112 de M. Hotyat, à savoir des dispositions particulièrement restrictives qui régissent la capacité qu'a l'administration de demander des informations au secteur bancaire, un allongement de délai peut se justifier.

À la question de savoir s'il entre dans les intentions de l'auteur de maintenir l'article 354, deuxième alinéa, il répond par l'affirmative.

Le président fait observer que cela implique que le délai d'imposition deviendrait 5 ans plus 2 ans, au lieu de 3 ans plus 2 ans.

Un membre estime que ces délais sont trop longs et vont donc à l'encontre de la sécurité juridique à laquelle doit tendre le présent projet de loi.

Le ministre expose la nécessité d'harmoniser le mode de computation des délais au delà de la simple durée des délais d'imposition et de prescription. On part de logiques différentes : en matiére de TVA, le calcul se fait sur 5 ans, mais de jour à jour. Le délai commence au jour où la déclaration mensuelle ou trimestrielle doit être déposée et s'étend alors sur 5 ans. Du côté de l'impôt sur les revenus, le délai, en principe, est de 3 ans, à compter du premier jour de l'exercice d'imposition.

La différence entre 3 ans et 5 ans, avec le dol exprimé ou l'intention frauduleuse, tient à l'alignement du délai de 5 ans sur le délai de prescription en matière pénale qui est lui aussi de 5 ans.

Le ministre déclare que l'intention a été de différencier les délais suivant qu'il y a ou non intention frauduleuse. S'il y a intention frauduleuse, il y a infraction à la loi pénale et il fallait aligner les délais sur la procédure pénale. Par ailleurs, l'article 358, CIR 92, permet, lorsque le jugement est devenu définitif, de procéder à l'imposition quel que soit le laps de temps qui s'est écoulé avant que le juge ne statue.

Le ministre conclut que l'amendement nº 126 de M. Jonckheer est conforme au principe d'harmonisation quant à la durée des délais mais pas quant au point de départ. Et le ministre d'ajouter que faire la distinction suivant qu'il y a ou non intention frauduleuse, et donc entre un délai d'imposition de 3 ans et de 5 ans, lui paraît être de bonne pratique.

L'auteur explique que son attention a été attirée sur le fait que dans une situation, même en l'absence de fraude, où les dossiers (surtout à l'impôt des sociétés) nécessitent une communication entre les administrations fiscales de deux ou de plusieurs états, le délai de 3 ans dont dispose l'administration pour imposer, paraît trop court.

Le ministre, pour ce cas de figure, se réfère à l'article 358, § 2, 2º, CIR 92, où l'on donne 12 mois pour enrôler dès que les éléments d'information ont été communiqués.

Le préopinant demande si le fait que les revenus n'ont pas été déclarés n'est pas assimilable à une situation de fraude.

Le ministre répète que l'administration, à partir du moment où elle a connaissance des faits, dispose de 12 mois pour enrôler. Elle peut pour ce faire remonter 5 années en arrière. De plus, l'année de revenu précède encore l'exercice d'imposition. Par conséquent, l'année des revenus plus les 5 ans, plus les 12 mois pour enrôler font 7 ans au total. C'est ainsi que l'on a calculé le délai de prescription en matière de TVA pour la même situation, lequel a été introduit par le présent projet et qui prévoit 7 ans.


M. Hatry rappelle que son amendement nº 63 vise à empêcher que l'administration puisse retaxer immédiatement le contribuable qui bénéficie d'une détaxation.

Le ministre n'est pas favorable à cet amendement. Il estime que l'amendement nº 70 du gouvernement permettra d'arriver au même résultat.

Suite à cette explication, M. Hatry retire son amendement nº 63.

L'amendement nº 126 de M. Jonckheer est rejeté par 10 voix contre 1.

L'amendement nº 70 du gouvernement est adopté à l'unanimité des 11 membres présents.

L'amendement nº 127 de MM. Delcroix et Weyts est adopté à l'unanimité des 11 membres présents.

Article 19

M. Coene retire son amendement nº 3 (voir doc. Sénat, nº 966/4). Le président rappelle que M. Delcroix a déjà retiré son amendement nº 19 (voir doc. Sénat, nº 966/5, p. 11).

L'amendement nº 71 du gouvernement tend à :

« Remplacer l'article 355 proposé par la disposition suivante :

« Art. 355. ­ Lorsqu'une imposition a été annulée pour n'avoir pas été établie conformément à une règle légale autre qu'une règle relative à la prescription, l'administration peut, même si le délai fixé pour l'établissement de la cotisation est alors écoulé, établir à charge du même redevable, une nouvelle cotisation en raison de tout ou partie des mêmes éléments d'imposition, dans les trois mois de la date à laquelle la décision du directeur des contributions ou du fonctionnaire délégué par lui n'est plus susceptible de recours en justice.

Lorsque l'imposition annulée a donné lieu à la restitution d'un précompte ou d'un versement anticipé, il est tenu compte de cette restitution lors de l'établissement de la nouvelle cotisation de remplacement. »

Justification

Quoiqu'il se bornait à adapter au contexte de la nouvelle procédure la règle actuellement applicable, le texte initialement proposé a fait l'objet de vives critiques dans le cadre des travaux préparatoires.

Le gouvernement propose dès lors de modifier ce texte, de manière à ce qu'une réimposition par l'administration ne puisse désormais plus intervenir qu'après la décision directoriale.

Le président demande en quoi l'article 355 proposé diffère de l'actuelle disposition.

Le ministre répond que l'actuel article 355 vise le cas d'annulation d'une cotisation prononcée par le directeur des contributions ou les cours et tribunaux. Jusqu'à présent, l'annulation de la cotisation permettait à l'administration de réenrôler, que ce soit au niveau du directeur des contributions ou au niveau de l'instance judiciaire. Dorénavant, ce pouvoir sera limité au seul niveau du directeur des contributions. Cette limitation vise à éviter des impositions en chaîne dès que le contribuable invoque un grief qui implique la nullité de la cotisation.

Le ministre déclare que l'amendement nº 71 du gouvernement forme un ensemble avec l'amendement nº 72 à l'article 20.

L'amendement nº 71 du gouvernement est adopté à l'unanimité des 10 membres présents.

Article 20

À cet article, l'amendement nº 72 du gouvernement vise à :

« Remplacer l'article 356 proposé par la disposition suivante :

« Art. 356. ­ Lorsqu'une décision du directeur des contributions ou du fonctionnaire délégué par lui fait l'objet d'un recours en justice, et que la juridiction saisie prononce la nullité totale ou partielle de l'imposition pour une cause autre que la prescription, l'administration peut même en dehors des délais prévus aux articles 353 et 354, soumettre à l'appréciation de la juridiction saisie qui statue sur cette demande, une cotisation subsidiaire à charge du même redevable et en raison de tout ou partie des mêmes éléments d'imposition que la cotisation initiale.

Lorsque l'imposition dont la nullité est prononcée par la juridiction, a donné lieu à la restitution d'un précompte ou d'un versement anticipé, il est tenu compte de cette restitution lors du calcul de la cotisation subsidiaire soumise à l'appréciation de la juridiction.

La cotisation subsidiaire n'est recouvrable ou remboursable qu'en exécution de la décision de la juridiction saisie.

Cette cotisation subsidiaire est soumise à la juridiction par requête signifiée au redevable; la requête est signifiée avec assignation à comparaître, lorsqu'il s'agit d'un redevable assimilé en vertu de l'article 357. »

Justification

Compte tenu de la limitation qu'il est proposé d'apporter au champ d'application de l'actuel article 355, CIR 92 (voir à ce propos l'amendement du gouvernement relatif à l'article 19 du projet), il y a lieu d'adapter le texte de l'article 356, CIR 92, de manière à faire clairement apparaître que la juridiction saisie est tenue de statuer sur la cotisation subsidiaire que l'administration peut soumettre à son appréciation.

Il convient en effet d'assurer le respect du principe de l'égalité des citoyens devant les charges publiques.

Dans la mesure où l'établissement d'une cotisation subsidiaire pourra désormais intervenir tant au stade du tribunal de première instance qu'à celui de la cour d'appel, il va par ailleurs de soi que la règle énoncée à l'alinéa 3 de la disposition en projet, ne vaut que pour un jugement ou arrêt, non susceptible d'opposition ou de recours.

Le ministre explique que le but poursuivi par cet amendement est d'accélérer la procédure. Que l'on soit devant le tribunal de première instance ou devant la cour d'appel, si le tribunal ou la cour considère que la cotisation est nulle, il ou elle rend un jugement interlocutoire. À ce moment-là, l'administration, plutôt que de recommencer la procédure à zéro en enrôlant une nouvelle cotisation, soumettra une cotisation subsidiaire à l'appréciation du tribunal. Le fil rouge de tous les amendements déposés par le gouvernement et provoquer une accélération maximale de la procédure de manière à ce que la cotisation devienne définitive le plus rapidement possible.

Un membre veut savoir si cette réimposition ne peut avoir lieu que si, étant dans les délais, le contribuable a épuisé tous les recours.

Le ministre répond que suivant les actuels articles 355 et 356 du CIR 92, le droit de réimposer une cotisation nulle vaut aussi bien au niveau de la décision directoriale que suite à un jugement. Si la cour déclare une cotisation nulle, l'administration peut réenrôler et si elle le fait le contribuable se retrouve au point de départ. Il doit alors réintroduire une réclamation et ensuite, s'il n'est pas d'accord avec la décision directoriale, introduire à nouveau un recours devant la cour d'appel. L'idée présente derrière les amendements est d'avancer de manière irréversible. Lorsque la juridiction saisie prononce la nullité de l'imposition, l'administration doit soumettre une cotisation subsidiaire à l'appréciation de la juridiction saisie du litige. L'idée est de créer vraiment un court-circuit pour accélérer la procédure et faire en sorte que la décision devienne définitive, soit pour, soit contre l'administration.

À la question du préopinant de savoir si le libellé des articles proposés n'est pas susceptible d'interprétations multiples, le ministre estime que ce n'est pas le cas. Il ajoute qu'il faut pour appliquer le nouvelle disposition que le juge considère que la cotisation est nulle en rendant un jugement interlocutoire. À ce moment, il invite l'administration à corriger son travail en introduisant une cotisation subsidiaire à son appréciation, ainsi il aura fait éliminer la nullité qui affecte la cotisation initiale. Finalement, ce système de « cliquets » permet d'aboutir à une décision qui est toujours plus rapidement définitive qu'avant. Par la cotisation subsidiaire, la nullité qui affectait la cotisation initiale est en quelque sorte purgée.

Le commissaire ajoute que cela n'empêche que la décision du juge est encore susceptible de recours.

Le ministre acquiesce, un appel ou un pourvoi en cassation reste ouvert.

Le président rappelle que M. Delcroix a retiré son amendement nº 20 (voir doc. Sénat, nº 966/5, p. 11).

L'amendement nº 72 du gouvernement est adopté à l'unanimité des 10 membres présents.

Articles 23 à 26

Les amendements nºs 11 à 14 de M. Delcroix sont retirés.

Article 27

L'amendement nº 15 de M. Delcroix (voir doc. Sénat, nº 966/5, p. 9) est retiré.

M. Delcroix dépose un amendement subsidiaire nº 26 à son amendement nº 15, qui est rédigé comme suit :

« À l'article 371 proposé, CIR 92, supprimer les mots « par lettre recommandée à la poste ou contre accusé de réception. »

Justification

L'article 27, remplaçant l'article 371 du CIR 92, tend à faire dépendre la recevabilité de la réclamation de son introduction par lettre recommandée à la poste ou contre accusé de réception.

Cette exigence n'a aucun sens, si ce n'est d'inscrire dans la loi une formalité superflue. Aujourd'hui déjà, le contribuable lui-même doit prouver qu'il a introduit la réclamation à temps. Un contribuable prudent et bien informé recourra donc toujours à la lettre recommandée ou avec accusé de réception.

Il est toutefois parfaitement superflu d'inscrire cela dans la loi. Cette obligation ne fera que sanctionner ceux qui, introduisant certes une réclamation en temps voulu, mais moins bien informés, oublient de le faire par lettre recommandée. Dans l'état du texte actuel, le directeur régional serait obligé de déclarer la déclaration irrecevable.

L'amendement a dès lors pour but de laisser au contribuable le loisir de s'organiser pour que sa réclamation soit reçue dans les délais, de la manière qu'il juge la meilleure. Il doit donc être possible que le contribuable dépose sa déclaration, qu'il l'expédie comme envoi ordinaire, qu'il la notifie par voie de huissier, qu'il l'expédie par un service de courrier, etc.

M. Delcroix explique que son amendement nº 26 tend à prévoir que les réclamations qui n'auraient pas été introduites par lettre recommandée à la poste ou contre accusé de réception ne seraient pas frappées d'irrecevabilité.

Selon l'auteur, un certain nombre de contribuables envoient leur réclamation par courrier ordinaire. Jusqu'à ce jour, l'administration admet la recevabilité des réclamations introduites par pli ordinaire à la poste. Or, la loi en projet oblige le fonctionnaire à rejeter pour cause d'irrecevabilité toute réclamation qui ne serait pas introduite par recommandé, ce qui serait préjudiciable surtout pour le contribuable mal informé ou mal conseillé.

Le ministre estime aussi que la sanction risque d'être trop grave et indique pouvoir souscrire à l'amendement nº 26.

L'amendement nº 26 de M. Delcroix est adopté à l'unanimité des 10 membres présents.

À cet article, le gouvernement introduit l'amendement nº 73 suivant :

« Dans l'article 371 proposé, remplacer les mots « six mois » par les mots « trois mois. »

Justification

Le présent amendement vise à réduire de six à trois mois le délai dans lequel les réclamations peuvent être introduites.

Le ministre explique que cet amendement fait partie de la philosophie même du projet puisque l'on y réduit un des délais.

L'amendement nº 73 du gouvernement est adopté à l'unanimité des 10 membres présents.

Article 28

Les amendements nºs 4 et 16, respectivement de M. Coene et de M. Delcroix, étant retirés, il ne subsiste plus que l'amendement nº 74 du gouvernement. Il vise à

« Remplacer l'article 372 proposé par la disposition suivante :

« Art. 372. ­ Aussi longtemps qu'une décision n'est pas intervenue, le redevable ou son conjoint sur les biens duquel l'imposition est mise en recouvrement , peut compléter sa réclamation initiale par des griefs nouveaux, libellés par écrit, même présentés en dehors des délais prévus à l'article 371. »

Cet amendement ne donne plus lieu à discussion. Il est adopté à l'unanimité des 10 membres présents.

Article 29

M. Delcroix a retiré son amendement nº 17 à cet article.

L'amendement nº 75 du gouvernement est libellé comme suit :

« Dans l'article 373 proposé, remplacer les mots « six mois » par les mots « trois mois. »

Justification

Même justification que pour l'amendement nº 73 relatif à l'article 27 du projet.

Cet amendement nº 75 du gouvernement est adopté à l'unanimité des 10 membres présents.

Article 30

M. Delcroix a aussi retiré son amendement nº 18 à cet article.

« M. Hatry introduit un amendement nº 104, qui vise à supprimer la 3º modification proposée. »

Justification

L'amendement du gouvernement est en retrait par rapport à la situation actuelle. En effet, dans le 3e alinéa de l'article 374 CIR actuel, le réclamant peut demander à être entendu et à obtenir communication des pièces du dossier à n'importe quel moment pendant l'instruction de la réclamation. L'amendement est moins favorable au contribuable puisqu'il exige que la demande soit faite dans la réclamation même. En outre, ledit amendement ne mentionne plus expressément la possibilité de prendre communication des pièces du dossier.

Le ministre précise que le contribuable conserve le droit de consulter son dossier fiscal auprès du service de taxation, droit qui lui est garanti par la loi sur la publicité des actes administratifs et dans les limites de celle-ci. C'est le droit commun qui s'applique en l'espèce.

Le ministre ajoute que la restriction que contient l'article 374, alinéa 3, proposé, s'inscrit dans la logique de la rapidité. Il ne peut cependant pas s'agir d'une audition « bidon ». À compter de l'audition, il reste 5 mois aux fonctionnaires pour se prononcer. Si l'on avait pas prévu que l'audition devait être demandé à l'introduction de la réclamation, les fonctionnaires auraient pu affirmer à ne pas s'être prononcés parce que l'audition avait été demandée trop tard par le contribuable.

L'auteur cite le cas d'un contribuable administrateur gérant d'une SPRL qui, n'ayant pas signé les annexes à la déclaration d'impôt, a été invité par l'administration à venir les signer dans un délai de 3 jours après le dépôt de la déclaration le 30 juillet, faute de quoi l'administration taxerait sur indices. Or, l'invitation est arrivée en pleine période de vacances d'été. Personnellement, pour faire pièce à ce genre de comportement abusif de l'adminsitration, il trouve qu'il faudrait ajouter les mots « au moins » après les mots « dans un délai de trente jours ». Le membre estime que l'on ne peut pas laisser à l'arbitraire ce délai. Le réclamant doit avoir le temps de préparer son dossier. Si le réclamant est invité à être entendu, par exemple, dans les 5 jours, il n'aura pas eu l'occasion de préparer son dossier, de faire appel à son avocat, à un expert-comptable, etc.

Un commissaire fait remarquer que ce raisonnement ne correspond pas à l'idée derrière le sous-amendement nº 104.

L'auteur explique que, parce qu'il comprend l'argument du ministre, il cherche maintenant une alternative à son amendement. Il pense pouvoir se raller à la disposition que propose le gouvernement pour l'article 374, troisième alinéa, à condition que l'on y ajoute in fine les mots « au moins ».

Le ministre reconnaît que l'expérience mentionnée ci-dessus est contrariante. Si l'on ajoute les mots « au moins », il faut faire attention à la situation où l'audition deviendrait une pure formalité ayant lieu quelques heures avant que l'administration ne prenne décision. Dans les termes de l'amendement du gouvernement, le réclamant, au moment où il rédige sa réclamation par laquelle il demande à être entendu, sait qu'il devra être présent dans les 30 jours qui suivent. Entretemps, il aura préparé l'ensemble des moyens de défense. Le ministre donnera des instructions précises à l'administration pour que cette audition ne soit pas une simple formalité. Le ministre craint que si l'on ajoute les mots « au moins », l'administration tardera à inviter le réclamant jusqu'à la dernière minute. Par contre, si l'on garde les mots « dans un délai de trente jours », le service contentieux n'a pas encore fait sa religion au moment où il entend le réclamant. Et donc, l'administration entend quelqu'un en temps utile qui lui donne une série d'arguments avant décision.

Le ministre estime que, par conséquent, il y a des avantages et des inconvénients aux deux propositions. Des abus peuvent se produire dans les deux cas. Le ministre pense cependant que l'amendement du gouvernement présente les meilleures garanties pour la sécurité juridique du contribuable.

Le préopinant réplique que cette sécurité est inexistante étant donné que l'administration peut, après avoir reçu la demande d'audition, inviter par exemple dans un délai de 3 jours, le réclamant.

Un membre se demande si l'on ne pourrait pas s'inspirer des délais définis dans le Code judiciaire. Les délais sont prorogés durant les vacances judiciaires. Il serait préférable de ne pas fixer d'audition des réclamants durant les mois de juillet et d'août.

Le ministre craint qu'un système pareil n'allonge trop les délais.

Un autre commissaire précise qu'il craint surtout qu'endéans le délai de trente jours, l'administration a le droit d'inviter le réclamant, par exemple, après deux jours. Le réclamant ne pourrait alors se préparer convenablement.

Le ministre s'engage à donner instruction que la convocation qu'adressera l'administration accorde un délai suffisant au contribuable pour se présenter et d'emblée lui propose le choix entre plusieurs dates à sa meilleure convenance.

Le gouvernement dépose un amendement nº 76 qui vise à :

« Remplacer cet article par la disposition suivante :

« Art. 30. ­ À l'article 374 du même Code, sont apportées les modifications suivantes :

A. à l'alinéa 1er , les mots « les articles 315 à 318, 322 à 330, 333 à 336, 339 à 343 et 346 à 350 » sont remplacés par les mots « les articles 315 à 319, 322 à 330, 333 à 336, 339 à 343 et 346 »;

B. à l'alinéa 2, les mots « établissements ou organismes de crédit et de l'Office des Chèques postaux » sont remplacés par les mots « établissements de crédit soumis à la loi du 22 mars 1993 relative au statut et au contrôle des établissements de crédit »;

C. l'alinéa 3 est remplacé par la disposition suivante :

« Si le réclamant en a fait la demande dans sa réclamation, il sera entendu. À cet effet, il sera invité à se présenter dans un délai de trente jours. »

Justification

Le présent amendement vise à distraire du Code des impôts sur les revenus une règle aujourd'hui contenue dans la loi du 11 avril 1994 relative à la publicité de l'administration. Il précise par ailleurs que lorsque le réclamant désire être entendu, il lui appartient de le demander dans sa réclamation.

Outre les adaptations de référence déjà apportées dans le projet initial, il est proposé de désormais aussi reprendre l'article 319, CIR 92, dans la liste des articles énumérés à l'article 374, alinéa 1 er , CIR 92, et d'adapter la terminologie utilisée dans l'article à l'évolution de la législation.

M. Hatry rappelle que son amendement nº 104 traite de la communication des pièces du dossier et du fait d'être entendu. L'amendement nº 76 du gouvernement est moins favorable au contribuable que le texte initial et cet amendement vise à rétablir le texte du projet en supprimant la troisième modification à l'article 374, CIR 92.

Le ministre reste attaché à l'amendement nº 76 parce qu'il pense qu'en termes d'organisation, c'est la meilleure garantie pour le contribuable d'être entendu dans un délai utile avant que l'administration n'arrête sa position.

L'amendement nº 104 de M. Hatry est rejeté par 8 voix contre 2.

L'amendement nº 76 du gouvernement est adopté par 8 voix contre 2.

Article 31

Les amendements nºs 27 et 37 de M. Delcroix, ainsi que les amendements nºs 64 et 65 de M. Hatry, sont retirés.

L'amendement nº 57 de M. D'Hooghe est également retiré.

À cet article, il ne reste donc plus que l'amendement nº 77 du gouvernement, libellé comme suit :

« Remplacer l'article 375 proposé par la disposition suivante :

« Art. 375. ­ § 1er . Le directeur des contributions ou le fonctionnaire délégué par lui, statue, en tant qu'autorité administrative, par décision motivée sur les griefs formulés par le redevable ou par son conjoint sur les biens duquel l'imposition est mise en recouvrement.

La décision est notifiée par lettre recommandée à la poste. Cette décision est irrévocable à défaut d'intentement d'une action auprès du tribunal de première instance, dans le délai fixé par l'article 1385undecies du Code judiciaire.

§ 2. Il ne lui est pas permis d'établir, par sa décision, un supplément d'imposition ou de réaliser la compensation entre un dégrèvement reconnu justifié et une insuffisance d'imposition qui aurait été constatée. »

Justification

Comme la décision prise par le directeur régional ne présente plus un caractère juridictionnel, elle n'a bien sûr plus autorité de chose jugée.

S'agissant d'une décision administrative, elle acquiert force de chose décidée et devient irrévocable, à défaut d'introduction d'un recours en justice ou en cas de rejet d'un tel recours.

Le présent amendement vise à le préciser.

Le ministre explique que l'amendement nº 77 tire les conséquences de l'arrêt R. Walgraffe sur le caractère nécessairement administratif de la décision directoriale.

Il n'y a pas de commentaires à cet amendement.

L'amendement nº 77 du gouvernement est adopté à l'unanimité des 10 membres présents.

Article 32

M. Delcroix retire ses amendements nºs 21 et 28.

En ce qui concerne son amendement nº 21, M. Delcroix fait observer que suivant le projet, le directeur des contributions ne dispose plus d'aucune compétence juridictionnelle. Il n'est dès lors plus réputé avoir épuisé sa compétence en décidant sur le fond. L'auteur considère par conséquent que son amendement nº 30 se justifie encore. Il souhaite connaître l'avis du ministre à ce sujet.

Suivant le ministre, l'objet de l'article consiste à dire pour droit que la décision directoriale a une portée administrative, et, comme acte administratif, elle devient définitive à défaut de recours. Donner au directeur une possibilité de revenir sur sa décision revient à créer l'insécurité juridique. Seul le juge peut réformer la décision du directeur.

Le ministre estime important de bien marquer, c'est d'ailleurs un principe de droit administratif, qu'un acte administratif (comme le rôle) ne peut être retiré alors qu'un recours a été introduit qui désaissit l'administration en tant qu'autorité administrative. Si le directeur veut « changer » sa décision, il doit le signaler au juge et c'est au juge de réformer la décision initiale. À personne d'autre. Mais rien n'empêche les parties de déposer des conclusions d'accord.

Un commissaire fait remarquer que l'amendement nº 78 du gouvernement n'exclut pas la formule préconisée par l'amendement nº 30. En d'autres mots, l'amendement nº 30 n'est pas absolument nécessaire.

Le ministre explique que, si le contribuable n'est pas d'accord avec la décision directoriale, il doit porter le litige qui l'oppose à l'administration devant le judiciaire et non pas introduire une demande de reconsidération sous forme d'une demande de dégrèvement.

C'est ce que signifie les termes « chose décidée », il faut aller devant le juge et non pas retourner devant la même personne. Le directeur peut cependant admettre devant le juge que sa décision n'était pas justifiée en droit ou en fait.

Un membre en conclut que la procédure est univoque et ne peut pas être parallèle.

Suite à cette explication, M. Delcroix retire son amendement nº 30.

M. Hatry retire son amendement nº 66.

Article 33

Les amendements nºs 22 de M. Delcroix (voir doc. Sénat, nº 1-966/5) et 67 de M. Hatry (voir doc. Sénat, nº 1-966/6) sont retirés.

À cet article, le gouvernement a déposé son amendement nº 78 visant à :

« Compléter la section II, proposée, par un article 378, nouveau, rédigé comme suit :

« Art. 378. ­ Le pourvoi en cassation est introduit par requête contenant, à peine de nullité, un exposé sommaire des moyens et l'indication des lois violées. La requête peut être signée et déposée pour le demandeur par un avocat. »

Justification

Le présent amendement prévoit que la procédure de pourvoi en cassation peut, comme c'est déjà actuellement le cas en matière d'impôts sur les revenus, être initiée sans l'intervention directe d'un avocat à la Cour de cassation.

Le ministre admet qu'il y a parmi les avocats à la Cour de cassation de très grands avocats fiscalistes mais rappelle qu'il y a pour tout le pays seulement 20 avocats de cassation.

Un membre fait valoir que faute de cet amendement, l'on créerait un supermonopole.

Le ministre ajoute que c'est cela l'objet de l'amendement nº 78.

L'amendement nº 78 du gouvernement est adopté à l'unanimité des 10 membres présents.

Article 35

L'amendement nº 23 de M. Delcroix (voir doc. Sénat, nº 1-966/5) est retiré.

M. Hatry dépose un amendement nº 105, libellé comme suit :

« À l'article 409 proposé apporter les modifications suivantes :

« A) Supprimer les mots « de voies d'exécution »;

« B) Compléter l'article par un second alinéa, libellé comme suit :

« Pour l'application du présent article et de l'article suivant, l'action en justice s'étend à la première instance, à l'instance d'appel et à l'instance en cassation. Le délai d'appel et le délai d'introduction d'un pourvoi en cassation sont suspensifs. »

Justification

L'article 409 du CIR vise, à l'évidence, les saisies conservatoires. La référence faite aux voies d'exécution ne s'indique donc pas puisque cette dernière n'est pas une mesure « destinée à garantir le recouvrement » mais une mesure tendant au recouvrement pur et simple.

L'article 409, combiné avec l'article 410, reconnaît un certain effet suspensif à la réclamation et à l'action en justice : en dépit du fait que l'État dispose d'un titre exécutoire, le rôle, il ne peut exiger le paiement dans la mesure où l'impôt est contesté, mais tout au plus procéder à des mesures conservatoires. Il convient dès lors de préciser que cet effet suspensif de l'action en justice s'étend à l'instance d'appel, à l'instance en cassation éventuelle, et même aux délais d'appel et de cassation, comme le prévoit l'article 33 du projet en matière de pourvoi en cassation.

L'auteur renvoie à la faillite Van Coillie d'Ostende qui est un des précédents qui l'amènent à suggérer que l'on essaie au moins de suivre l'idée derrière son amendement.

Le ministre rappelle que l'article 377 du CIR 92, dans sa nouvelle rédaction, (voir l'article 33 du projet) prévoit que « les délais d'opposition, d'appel et de cassation, ainsi que l'opposition, l'appel et le pourvoi en cassation sont suspentifs de l'exécution de la décision de justice ».

Il explique ensuite que les articles 409 et 411 proposés, tendent à bien répartir les mesures dans leur ordre naturel avec d'abord les mesures conservatoires (article 409). Le ministre pense qu'elles sont indispensables, dans certains cas, pour éviter les risques de « disparition » des garanties dont l'État peut disposer pour assurer le paiement de sa créance. Il convient à ce propos de ne pas traiter plus mal l'État que les autres créanciers. L'article 410 vise l'incontestablement dû, puisqu'à ce moment, il ne s'agit plus d'une saisie conservatoire mais d'une saisie exécution, limitée à concurrence de ce qui est incontestablement dû. L'article 411, deuxième alinéa, stipule que toutes les actions en justice sont suspensives tant en première instance qu'en appel et en cassation et que sont concernés tant le titre exécutoire que les mesures conservatoires et les mesures d'exécution.

Le ministre estime en conséquence que les préoccupations que formule l'amendement nº 105 sont déjà rencontrées par les articles 35 à 37 du projet; lesquels tendent à clarifier les dispositions concernées du CIR 92.

Le préopinant constate que le texte de l'article 409 CIR 92, tel que proposé par l'article 35 du projet, vise non seulement des mesures conservatoires mais aussi « de voies d'exécution ou de toutes autres mesures destinées à en garantir le recouvrement ».

Le ministre signale que l'article 410 nouveau limite l'exécution en stipulant : « Toutefois, en cas de réclamation, ..., est considérée comme une dette liquide et certaine (et donc pouvant permettre une voie d'exécution autre que conservatoire) ... le montant de l'impôt dû sur les revenus déclarés... ».

Le même membre part de l'hypothèse suivante : une contestation portant, par exemple, sur 80 % de l'imposition, ne donnera pas droit à l'exécution de ces 80 %, mais uniquement à des mesures conservatoires sur 80 % de l'imposition.

Le ministre confirme que tel est le cas. Si la cotisation est de 100 et si le contribuable a introduit une réclamation où il conteste 80, les 20 correspondant à ce qu'il a déclaré, des mesures d'exécution peuvent être prises sur les 20 et les 80 ne peuvent faire l'objet que de mesures conservatoires. Mais, il n'y a qu'une seule cotisation pour couvrir les 100 (article 411). L'article 377 prévoit qu'à la fois, l'action en justice, l'introduction en justice ou la décision judiciaire sont suspensifs dans les conditions prévues à cet article. Les effets varient suivant le droit commun selon que l'on est en appel ou en cassation. L'article 377 parce qu'il vise tout, rend toute démarche en justice suspensive de l'exécution (mais pas des mesures conservatoires !).

À la lumière de ces explications, M. Hatry retire son amendement nº 105.

Article 36

L'amendement nº 24 de M. Delcroix (voir Doc. Sénat, nº 966/5, p. 12) est retiré.

Article 41

Les amendements nº 2 de M. Weyts, nº 5 de M. Coene, nºs 25 et 29 de M. Delcroix sont retirés.

Le gouvernement retire son amendement nº 79 (doc. Sénat, nº 1-966/7) en faveur de son amendement nº 111, libellé comme suit :

« Remplacer le 2º par la disposition suivante :

« 2º le § 2 est remplacé par la disposition suivante :

« § 2. À défaut de notification de la décision visée à l'article 375, § 1er , dans les six mois de la date de la réception de la réclamation, l'intérêt de retard prévu au § 1er n'est pas dû sur la partie de la cotisation qui excède le montant déterminé conformément à l'article 410, pendant la période commençant au premier du mois qui suit celui de l'expiration du délai de six mois et allant jusqu'à la fin du mois de l'introduction de la demande conformément à l'article 1385undecies du Code judiciaire et, en l'absence d'une telle demande, jusqu'à la fin du mois au cours duquel la décision précitée a été notifiée. »

Justification

La suspension de l'intérêt de retard sur la partie de la cotisation considérée, en vertu de l'article 410, comme une dette certaine et liquide a pour objet de ne pas pénaliser le contribuable du fait que l'administration n'a pas pris de décision.

La date de départ de la suspension est ainsi ramenée du premier jour du 19e mois qui suit l'introduction de la réclamation au premier jour du 7e mois qui suit la date de réception de la réclamation.

La justification de la suspension disparaît aussitôt que l'autorité administrative a notifié une décision ou dès que le contribuable, avant la date de la notification de la décision, a introduit une demande conformément à l'article 1385undecies du Code judiciaire.

Le ministre explique que l'amendement nº 111 impose à l'administration de prendre une décision pour que des intérêts de retard soient dûs par le contribuable.

M. Hatry retire son amendement nº 106 en faveur de l'amendement nº 111 du gouvernement. Ce dernier amendement est adopté à l'unanimité des 10 membres présents.

Article 43

À cet article, le gouvernement propose l'amendement nº 80, libellé comme suit :

« À l'article 419, alinéa 1er , proposé, sont apporteés les modifications suivantes :

A) remplacer le 2º, proposé, par la disposition suivante :

« 2º lorsque le remboursement résulte de la remise ou de la modération d'une amende ou d'un accroissement, accordée à titre de mesure de grâce; »

B) dans le 3º, proposé, insérer les mots « ou à l'article 353 », entre les mots « à l'article 359 » et les mots « a expiré »;

C) compléter l'alinéa proposé par un 5º, rédigé comme suit :

« 5º en cas de remboursement de versements anticipés, en application de l'article 376, § 4. »

Justification

Contrairement à ce qui avait été envisagé dans un premier temps (voir doc. Chambre, nº 1341-1/1, 97/98, p. 10), il n'entre plus dans les intentions du gouvernement de proposer l'abrogation partielle du texte de l'article 9 de l'arrêté du régent du 18 mars 1831.

Il convient dès lors d'adapter le texte de l'article 419, en projet, du Code des impôts sur les revenus 1992, de manière à faire clairement apparaître qu'aucun intérêt moratoire n'est alloué lorsqu'un remboursement résulte de la remise ou de la modération d'une amende ou d'un accroissement, à titre de mesure de grâce.

Le présent amendement précise par ailleurs certaines références et prévoit expressément qu'aucun intérêt moratoire n'est alloué lorsqu'un contribuable obtient la restitution d'un versement anticipé non encore imputé sur l'impôt dû.

Pour un commissaire, cet amendement paraît assez logique.

L'amendement nº 107 de M. Hatry tend à modifier l'article 419, alinéa 1er , proposé, encore sur un autre point :

« Dans l'article 419 proposé, au premier alinéa, remplacer le 4º par la disposition suivante :

« 4º en cas de remboursement de précompte mobilier indu au redevable visé à l'article 261 ou de précompte professionnel indu au redevable visé à l'article 270, au plus tard à l'expiration du mois de l'introduction de la réclamation tendant au remboursement ou, à défaut de réclamation, de l'action en justice. »

Justification

Le projet réforme de manière excellente la matière des intérêts moratoires dus par l'État en cas de remboursement de sommes payées indûment.

En matière de précompte mobilier et de précompte professionnel, on comprend mal cependant la distinction faite par le texte proposé de l'article 419 du CIR 1992 entre les hypothèses suivantes :

­ un excédent de précompte professionnel ou de précompte mobilier est remboursé au bénéficiaire des revenus après l'expiration du délai ordinaire d'imposition : en ce cas, d'après le projet, l'État doit des intérêts moratoires (article 419, 3º);

­ des sommes versées à titre de précompte mobilier ou de précompte professionnel sont remboursées au redevable de ces précomptes : en ce cas, d'après le projet, il n'est dû aucun intérêt moratoire (article 419, 4º).

L'exposé des motifs ne fournit aucune justification de cette distinction.

D'après le dernier état de la jurisprudence de la Cour de cassation, des intérêts de retard sont dus par l'État en cas de remboursement au redevable d'un précompte dans le cas où celui-ci a été enrôlé (Cass., 19 janvier 1996, Bull. Cass., nº 43), mais non lorsqu'il a été payé spontanément.

Que le précompte mobilier ou professionnel indu ait été enrôlé ou payé spontanément, l'amendement propose que des intérêts de retard soient dus en cas de restitution au redevable à partir de l'expiration du mois de l'introduction de la réclamation de celui-ci ou, à défaut de réclamation, à partir de l'expiration du mois de l'introduction de l'action en justice.

L'auteur se réfère aux hypothèses développées dans la justification.

Dans le cas du premier tiret, il s'agit d'une erreur dans le chef de l'administration. Dans le second cas, il s'agit d'un contribuable qui a payé trop de versements anticipés. Le contribuable peut payer un précompte mobilier et puis introduire une réclamation parce qu'il estimait ne pas être débiteur du précompte mobilier qu'il à payé sur les revenus. C'est par exemple un résident étranger qui subit une retenue de précompte mobilier sur des titres belges et ensuite, via le débiteur, fait introduire une demande de restitution. Le membre suppose que, dans un tel cas, il n'y aura pas d'intérêt moratoire.

Le ministre souligne qu'il n'y a même pas d'enrôlement.

L'auteur de l'amendement répète qu'il est important d'établir clairement la distinction entre le situation où l'État doit des intérêts moratoires (article 419, 3º) et les cas où il n'est dû aucun intérêt moratoire (article 419, 4º).

Le ministre explique qu'en principe, lorsque le paiement est spontané, et qu'il y a ensuite une restitution, il n'y a pas matière à intérêts. De même, en cas de remise d'amendes ou d'accroissement d'impôt.

M. Hatry retire son amendement nº 107.

L'amendement nº 80 du gouvernement est adopté à l'unanimité des 10 membres présents.

Article 45

M. Delcroix déclare qu'il retire ses amendements nº 38 et suivants (voir doc. Sénat, nº 1-966/5).

Il souhaite cependant poser encore une question. Il croit savoir que, dans la pratique actuelle, l'administration accorde fréquemment des remises ou des modérations des amendes qu'elle a infligées.

Si cette possibilité devait maintenant disparaître, n'y a-t-il pas un risque que beaucoup plus de contribuables s'adressent au tribunal ?

Le ministre explique qu'il importe de distinguer les deux procédures. Lorsque l'on conteste la légalité de l'impôt et donc des amendes qui sont infligées parce que l'infraction ne correspond pas à la graduation prévue dans l'arrêté d'exécution du CIR 92, par exemple, il n'y a pas de fraude, ou, autre exemple, c'est la première infraction et non la seconde, etc., il s'agit d'un problème de légalité de l'amende qui a été infligée.

Ensuite, il y a les recours gracieux auxquels le commissaire a fait allusion. Là, ce n'est pas la légalité de l'amende qui est contestée, mais bien son opportunité, soit objective, soit subjective. Si l'on était en matière pénale, le droit de grâce appartiendrait constitutionnellement au Roi. En matière fiscale, c'est le ministre des Finances qui, à titre gracieux, peut remettre (fixer) l'amende à zéro ou la modérer (la diminuer).

En matière d'impôts sur les revenus, ce pouvoir est exercé par le ministre d'après les propositions qui lui sont formulées par l'administration. En ce qui concerne les impôts indirects, le ministre a traditionnellement délégué sa compétence au directeur général de l'administration de la TVA, de l'enregistrement et des domaines qui, lui-même, sous-délègue. La délégation peut descendre jusqu'au directeur régional.

En pratique, le recours gracieux n'est traité qu'à partir du moment où la décision est définitive en ce qui concerne la légalité de l'amende, ce qui est normal puisqu'il s'agit d'un droit de grâce.

Article 45bis

L'amendement nº 39 de M. Delcroix (voir doc. Sénat, 1-966/5, p. 22) est retiré.

À cet article, le gouvernement introduit un amendement nº 81, qui vise à :

« Insérer un article 45bis (nouveau), rédigé comme suit :

« Art. 45bis. ­ L'article 462, alinéa unique, du même Code, est abrogé. »

Justification

Le présent projet tend à renforcer l'application des règles du droit commun en matière fiscale.

Dans cette optique, il est proposé d'en revenir à une application pure et simple du principe selon lequel « le pénal tient le civil en état ».

Le ministre précise que cet amendement exprime la volonté d'aligner le droit fiscal sur les règles du droit commun.

La suppression de l'article 462, CIR 92, signifie que le principe général que « le pénal tient le civil en état » devient applicable aussi en matière fiscale. Ceci permet au juge de trancher d'abord et de régler une des difficultés auxquelles l'on se heurte régulièrement et notamment que le juge pénal ne prend pas de décision en argumentant qu'il attend qu'il soit statué au fiscal. Or, la décision directoriale a beaucoup plus de force lorsqu'elle peut s'appuyer sur le jugement au pénal qui aurait déclaré la fraude établie.

À la question de M. Delcroix de savoir si cela peut signifier que le juge pénal doit malgré tout se prononcer sur les litiges fiscaux, le ministre répond par l'affirmative. Le membre demande si le juge pénal est à même de le faire.

Le préopinant désire encore savoir si le contribuable qui conclut une transaction avec le fisc, par exemple à propos d'un impôt antérieur non payé, qui se voit infliger une amende, etc., peut encore être poursuivi au pénal.

Un autre membre pense que oui sauf en cas de prescription.

Le préopinant note toutefois que, dans certains jugements, le juge a indiqué que, bien qu'il y ait eu un délit pénal, il ne désirait plus statuer, dès lors qu'un accord avait déjà été conclu avec l'administration fiscale.

Le ministre confirme que l'État ne peut pas se constituer partie civile puiqu'il a été indemnisé. Toutefois, il peut dénoncer l'infraction pénale qu'il a constaté.

Un membre souhaite savoir si le juge au pénal peut poser une question préjudicielle au juge fiscal.

Le ministre répond qu'il ne s'agit pas alors d'une question préjudicielle. Dans le cas précité, il y a suspension de la procédure pénale lorsqu'il faut préalablement trancher une question de droit civil, et, ici, plus particulièrement de droit fiscal qui se révèle indispensable pour pouvoir se prononcer au pénal.

Le préopinant conclut que la mise en question de terminologie mise à part, le juge pénal peut poser une question au juge fiscal.

Le ministre confirme que c'est possible lorsque l'infraction est un élément dont l'appréciation appartient au juge civil.

Le commissaire estime que cette procédure pourrait s'appliquer aussi aux procédures qui ont une composante fiscale.

Le ministre répond par l'affirmative tout en ajoutant qu'il connaît peu de cas d'application d'une situation pareille.

Un autre membre revient sur le jugement du tribunal d'Ypres dans lequel le juge fait référence à l'accord passé avec l'administration fiscale pour clôturer le dossier. Dans le dossier de la KB Lux aussi, le fisc tente de conclure avec plusieurs intéressés une transaction prévoyant le paiement d'une amende en échange de l'abandon des poursuites pénales. Le fisc peut-il agir de la sorte ?

Le ministre estime que dans le cas cité par l'intervenant, la logique est différente. Le juge pénal n'est pas tenu par le règlement intervenu au niveau fiscal puisqu'il s'agit d'une infraction instantanée qui est consommée.

M. Hotyat introduit un amendement nº 116, qui vise également à

« Insérer un article 45bis (nouveau), rédigé comme suit :

« Art. 45bis. ­ À l'article 462 du même Code, les mots « le juge saisi de l'action publique doit » sont remplacés par les mots « le juge saisi de l'action publique peut. »

Justification

Dans le cadre du projet de loi portant réforme des impôts (doc. parl. Chambre, 61/62, nº 264/1), on pouvait consulter en annexe II les rapports de la commission d'étude de la répression pénale de la fraude fiscale et l'appréciation à laquelle celle-ci était arrivée pour ce qui concerne les relations entre procédure fiscale et procédure pénale. Déjà à l'époque, la problématique de la lutte contre la fraude fiscale était aiguë et il fut décidé, pour des raisons relatives à l'efficacité et à la rapidité de la réponse à donner à un tel phénomène, d'offrir la faculté au juge pénal de surseoir à statuer sur l'action publique dont il était saisi lorsqu'à son estime une solution à un litige fiscal devait lui permettre de se prononcer sur la prévention dont il avait l'examen.

Lors de l'adoption de la loi du 4 août 1986, dite charte du contribuable, il fut décidé, pour des motifs tirés d'une nécessaire cohérence des décisions fiscales et pénales, ainsi que pour assurer la sécurité juridique du contribuable, de remplacer le terme « peut » par le terme « doit » (doc. 310, Chambre, 85/86, nº 1). Ce changement de vocable a eu un effet pratique immédiat, la suspension systématique des procès pénaux menés dans le domaine de la fraude fiscale, ainsi qu'une interprétation extensive de la nature des contestations fiscales emportant la surséance à statuer.

Si certains soutiennent que cette modification a eu pour effet de sécuriser le contribuable, on peut lui reprocher diverses conséquences :

1. l'usage à effet dilatoire de cette exception de surséance.

2. compte tenu de la longueur des délais pour clôturer la procédure fiscale, mais aussi les instructions en matière financières (exemple : appel aux experts), la condamnation pénale éventuelle intervient de nombreuses années après les faits et, dans ce cas, peut être inopportune.

3. la tentation, légitime, d'arriver à un accord au niveau de l'administration fiscale empêche la poursuite de l'action pénale, faute de vider la contestation.

Bref, un ensemble de conséquences qui rend inopportun, caduque, l'impact dissuasif qu'une condamnation pénale comporte.

On remarque que ces conséquences ne sont présentes que dans les mécanismes de fraude de grande envergure, ou associés dans des mécanismes complexes liés au grand banditisme. Ce sont évidemment ces phénomènes qu'il convient d'appréhender en remplaçant le terme « doit » par le terme « peut ».

Cette modification augmentera le pouvoir d'appréciation du juge pénal et, en ce qui concerne la politique criminelle à mener par les parquets, pourrait faire l'objet d'une directive du collège des procureurs généraux.

Le ministre souligne que le projet de loi va beaucoup plus loin que cet amendement. Par conséquent, il considère que l'amendement nº 116 est inutile. Le changement du mot « doit » par le mot « peut » a eu pour effet la suspension systématique des procès pénaux menés en matière de fraude fiscale. L'amendement nº 81 prévoit par contre la suppression complète de l'article 462, CIR 92, ce qui implique que normalement, sauf exception, le juge répressif doit statuer. Les actions publiques seront menées à leur fin. C'est lié à l'article 358 puisque, de toute façon, lorsque le jugement a été rendu, le ministère des Finances peut encore enrôler l'impôt sur la base de ce qui a été découvert dans le cadre de l'action répressive. Par analogie, ce commentaire vaut aussi pour les amendements nos 117, 119 et 122 de M. Hotyat, qui portent sur les autres codes fiscaux.

Compte tenu de la portée de l'amendement nº 81 du gouvernement et des commentaires du ministre, M. Hotyat retire ses amendements nos 116, 117, 119 et 122.

Un commissaire rappelle que le ministre de la Justice va nommer 28 juges spécialisés en matière fiscale aux tribunaux civils parce que la compétence fiscale n'y est pas aujourd'hui adéquatement représentée. Est-ce qu'il n'y a pas un risque que les juges pénaux demandent systématiquement des avis aux juges spécialisés en matière fiscale pour la qualification des actes qui se trouvent portés devant le juge pénal ? Est-ce qu'il n'est donc pas un peu illusoire d'installer ici la primauté du pénal alors que là, il n'y aura pas de juges spécialisés en matière fiscale ? La « demande préjudicielle » risque d'être la règle plutôt que l'exception.

Le ministre ne le croit pas. En ce qui concerne les tribunaux de première instance, l'on est sur le point de nommer 28 juges spécialisés. On ne se limitera pas nécessairement à ce nombre. De plus, au niveau des parquets, on commence à voir apparaître des sections « Ecofin », où une formation spéciale est donnée. Il y a maintenant des juges d'instruction spécialisés en la matière. Le ministre espère que l'on disposera de juges du fond qui maîtrisent correctement des notions fiscales dans l'application du droit pénal. Il y a donc une évolution qualitative au niveau des magistrats. Le ministre déclare qu'il y a de très gros progrès et des formations importantes qui sont données en la matière.

De plus, la question préjudicielle n'est jamais qu'une notion extrêmement restreinte. En matière civile, par exemple, c'est très rare. Un exemple peut être la bigamie ou la violation du domicile lorsqu'il y a une contestation sur la propriété. Il est alors impossible pour le juge pénal de trancher avant de recevoir la réponse à sa question préjudicielle.

L'amendement nº 81 du gouvernement est adopté à l'unanimité des 10 membres présents.

Article 45ter

L'amendement nº 40 de M. Delcroix (voir doc. Sénat, nº 966/5, p. 22) est retiré.

Article 47

Le ministre déclare que l'amendement nº 82 du gouvernement est d'ordre purement technique. Il vise à :

« Remplacer cet article par la disposition suivante :

« À l'article 2, alinéa 1er , du Code des taxes assimilées aux impôts sur les revenus, coordonné par l'arrêté royal du 23 novembre 1965, et remplacé par l'article 1er de l'arrêté royal du 29 mars 1994, les mots « les articles 297 et 298, 300 à 302, 337, 354 à 359, 365 à 367, 370 à 392 » sont remplacés par les mots « les articles 298, 300 à 302, 307, 337, 354 à 359, 365 à 378. »

Justification

Les références que le projet proposé fait aux dispositions du Code des impôts sur les revenus 1992 sont adaptées en fonction des amendements déposés.

Il est par ailleurs proposé de ne plus se référer à l'article 297, tel que modifié par l'article 5 du projet, et à l'article 304, parce que ces dispositions ne présentent pas d'intérêt en matière de taxes assimilées aux impôts sur les revenus.

Il est par contre proposé d'ajouter à la liste l'article 307, tel que modifié par l'article 8 du projet, car cet article peut également s'appliquer en matière de taxes assimilées aux impôts sur les revenus.

L'amendement nº 82 du gouvernement est adopté à l'unanimité des 10 membres présents.

Article 48bis

M. Coene dépose un amendement nº 6 (doc. Sénat, nº 966/4), rédigé comme suit :

« Insérer un article 48bis (nouveau), libellé comme suit :

« Art. 48bis. ­ Un article 65bis, libellé comme suit, est inséré dans le Code de la taxe sur la valeur ajoutée :

« Art. 65bis. ­ Les dispositions des articles 346 à 350 du Code des impôts sur les revenus 1992, relatives à la rectification de la déclaration, s'appliquent à la taxe sur la valeur ajoutée. »

Justification

L'article 346 du Code des impôts sur les revenus 1992 dispose que lorsque l'administration estime devoir rectifier les revenus et les autres éléments que le contribuable a mentionnés dans sa déclaration, elle fait connaître à celui-ci, par lettre recommandée à la poste, les revenus et les autres éléments qu'elle se propose de substituer à ceux qui ont été déclarés ou admis par écrit, en indiquant les motifs qui lui paraissent justifier la rectification.

Cette procédure d'envoi d'un avis de rectification n'existe pas en matière de TVA. C'est pourquoi il est proposé d'instaurer une procédure analogue pour cette taxe.

L'auteur renvoie à la justification de son amendement.

Le ministre est d'avis que la préoccupation que poursuit cet amendement est tout à fait légitime et louable. Effectivement, il est souhaitable que l'on organise par la loi un recours administratif pour les cinq impôts dont l'application dépend de l'administration de la TVA, de l'enregistrement et des domaines, à savoir, la TVA, les droits d'enregistrement, les droits de succession, les droits de timbres et les taxes assimilées aux timbres. Bien entendu, le système préconisé par l'amendement nº 6 est un procédé expéditif qui a l'avantage de la simplicité. Il n'empêche qu'une partie des problèmes ne sont pas résolus pour autant, étant donné que l'amendement devrait aussi toucher à l'ensemble des règles liées au contentieux généré suite à un contrôle.

Le ministre est en conséquence partisan de la formalisation d'un recours administratif pour ces cinq impôts. Le Conseil des ministres a chargé l'administration de rédiger un projet de loi qui introduit un recours administratif pour lesdits impôts. Par ailleurs, en ce qui concerne les impôts dont l'application est confiée à l'administration des douanes et accises, il existe déjà un projet de loi approuvé au Conseil des ministres et sur lequel l'avis du Conseil d'État est attendu dans les prochains jours.

Le président constate que l'on prépare un projet de loi pour chaque catégorie d'impôts indirects. Cela risque d'être un travail de longue haleine.

Le ministre indique que c'est techniquement inévitable parce que les règles de procédure varient par groupe d'impôts. Il y en a trois. D'abord, celui qui comprend les impôts dont l'application est confiée à l'administration. Puis, il y a le groupe TVA qui dépend de l'Administration de l'enregistrement et des domaines. Enfin, il y a le groupe douanes et accises.

Dans la première catégorie, le droit d'imposer est lié à un système de forclusion. Cela implique que l'imposition doit être établie avant l'expiration des délais dit d'imposition et la dette d'impôt n'existe que s'il y a eu enrôlement dans les délais. En matière de TVA, il y a un système de prescription et la dette d'impôt naît de plein droit, mais un recouvrement forcé ne peut être mis en oeuvre s'il y a prescription. En matière de douanes et d'accises, il y a un système mixte qui est à la fois un système de forclusion et un système de prescription. Par conséquent, les dispositions doivent chaque fois être adaptées en fonction de l'économie de l'impôt. Il y aura donc trois projets de loi distincts.

Il est impossible d'uniformiser entièrement la procédure applicable pour les trois groupes d'impôts.

Le ministre fait valoir que le Conseil d'État a conclu dans un avis relatif au Code de procédure fiscale qu'une harmonisation complète de la procédure en matière d'impôts est impossible parce qu'il y a des éléments propres à chaque impôt qui font que les diversités qui existent actuellement ne sont pas le fruit d'une volonté de diverger, ne sont pas une complication véritable mais bien une contrainte liée à la nature de chaque impôt. La diversité est essentiellement liée au fait générateur de l'impôt. En matière d'impôts directs, pour qu'il y ait une créance, un enrôlement est requis. Le fait générateur de l'impôt dans les impôts indirects est en général un fait à partir duquel la dette d'impôt naît spontanément sans intervention de l'administration alors qu'en impôts directs, il faut qu'elle forme un titre qui est le rôle. En matière de douanes, la situation est encore un peu plus complexe puisque là, c'est la contrainte qui permet le recouvrement forcé de l'impôt laquelle doit être formée à l'intérieur d'un délai de forclusion.

L'auteur de l'amendement nº 6 ne comprend pas bien le lien entre cette explication et sa demande visant à instaurer un avis de rectification en matière de TVA. Pourquoi cela ne serait-il pas possible ?

Le ministre explique que l'amendement introduit par l'intervenant a une portée limitée à une phase seulement de la procédure contentieuse, laquelle est initiée en impôts sur les revenus par un avis de rectification. En matière de TVA, l'on emploie les termes de relevé de régularisation sans que le code de TVA n'organise légalement la procédure d'envoi de ce relevé ni le délai dans lequel l'assujetti doit répondre (il est en pratique fixé à 20 jours). Quant à la question de savoir si c'est une bonne chose de formaliser légalement ce relevé de régularisation, le ministre estime que ce n'est pas toujours évident car toute faute de procédure permet au contribuable de demander d'annuler la cotisation. En effet, si l'on prévoit dans une disposition légale que le délai est d'un mois, et si ce délai n'est pas respecté parce que l'on n'a pas envoyé un avis de rectification préalablement à une correction de la situation imposable du contribuable, c'est une cause de nullité de la procédure.

L'amendement nº 117 de M. Hotyat (voir doc. Sénat, nº 966/8, p. 11) a été retiré.

M. Delcroix retire son amendement nº 42 en faveur de l'amendement nº 83 du gouvernement, libellé comme suit :

« Insérer un article 48bis (nouveau), rédigé comme suit :

« Art. 48bis. ­ L'article 74, § 4, du même Code est abrogé. »

Justification

Voir la justification à l'amendement proposant l'insertion d'un article 45bis (nouveau).

L'amendement nº 6 de M. Coene est rejeté par 8 voix contre 2.

M. Delcroix redemande au ministre son avis sur l'amendement nº 42. L'auteur continue à s'interroger sur le rapport entre l'action pénale et l'amende administrative. Selon l'intervenant, ce problème est également lié au principe du « non bis in idem » qui peut se traduire par des jugements dans lesquels le juge considérera que l'on ne peut en fait être sanctionné deux fois pour les mêmes faits.

Le ministre est disposé à réexaminer ce problème, mais dans une perspective plus large. Il demande que l'on n'adopte pas cet amendement.

M. Delcroix retire son amendement nº 42 en demandant expressément au ministre de se pencher sur cette problématique afin d'assurer une plus grande sécurité juridique.

L'amendement nº 83 du gouvernement est adopté à l'unanimité des 10 membres présents.

Article 48ter

M. Delcroix maintient son amendement nº 43, qui est libellé comme suit :

« Insérer un article 48ter (nouveau), libellé comme suit :

« Art. 48ter. ­ À l'article 73bis du même Code est ajouté, avant l'actuel premier alinéa, un premier alinéa nouveau, libellé comme suit :

« Est punie d'un emprisonnement de huit jours à deux ans et d'une amende de 10 000 à 500 000 francs ou d'une de ces peines seulement, la personne qui, dans une intention frauduleuse ou dans le but de nuire, enfreint les dispositions du présent Code ou des arrêtés pris en exécution de celui-ci. »

Justification

Voir la justification donnée à l'amendement nº 38.

Le ministre rappelle son explication sur le recours gracieux.

M. Delcroix retire dès lors son amendement nº 43.

Articles 49 et 50

M. Delcroix dépose un amendement nº 31 à l'article 49, qui tend à supprimer cet article.

Justification

Les articles 49 à 53 du projet nº 966/1 s'efforcent d'aligner les délais de prescription en matière de TVA sur les délais d'imposition en matière de contributions directes. Le délai de prescription ordinaire de cinq ans applicable en matière de TVA est supprimé et remplacé par les délais de trois, cinq et sept ans.

Ce soi-disant alignement des délais de prescription est vivement et unanimement critiqué par tous les fiscalistes consultés.

Ces critiques concernent notamment :

­ le fait que le délai de prescription peut être interrompu, alors qu'un délai d'imposition en matière de contributions directes ne le peut pas; il s'en suit que si la prescription est interrompue en matière de TVA, les délais ne seront jamais parallèles;

­ le fait que le délai de sept ans en matière de TVA équivaut de facto à un délai perpétuel, puisque le délai d'investigation en matière de TVA reste en principe illimité, contrairement à ce qui se passe en matière de contributions directes;

­ le fait que l'on introduit en matière de TVA une disposition (avertissement préalable de l'emploi du délai de prescription prorogé) qui annonce en matière de contributions directes la prorogation du délai d'investigation et n'a rien à faire avec la prorogation des délais d'imposition.

L'auteur fait référence ici aux auditions au cours desquelles les experts fiscaux ont assez fortement critiqué l'alignement des délais de prescription pour le contribuable sur ceux auxquels est soumise l'administration, car il n'y aura pas d'alignement dans les faits.

M. Hatry estime que cet amendement va de pair avec son amendement nº 108, libellé comme suit :

« Au § 1er de l'article 81bis proposé, supprimer le troisième alinéa. »

Justification

Une prescription de 7 ans est exorbitante. Pour s'en convaincre, il suffit de voir que la première hypothèse envisagée, à laquelle le délai de 7 ans serait applicable, n'implique même pas une quelconque intention frauduleuse. Or, pour les taxes éludées avec une intention frauduleuse ou à dessein de nuire, la prescription n'est que de 5 années en vertu de l'alinéa 2 de l'article 81bis.

Il y a donc lieu de supprimer cette prescription exorbitante de 7 années.

Le ministre explique qu'en réalité, au niveau des impôts sur les revenus, le passage d'un délai de forclusion de 5 à 7 ans, ne vaut que pour des cas très particuliers où l'action judiciaire fait apparaître que des opérations imposables n'ont pas été déclarées ou que les déductions de la taxe ont été opérées en violation de dispositions légales et réglementaires sur base de renseignements tiré d'un contrôle effectué dans un autre État membre de l'Union européenne. C'est dans ces cas assez exceptionnels, qui demandent un alourdissement important des opérations de contrôle que l'on demande la prolongation. Par identité à ce que l'on a fait au niveau du CIR 92, le ministre demande que l'on maintienne le délai.

M. Delcroix déclare que, dans ces circonstances, il retirera également ses amendements nºs 31 et 32 à l'article 50.

M. Hatry déclare maintenir son amendement nº 108. Il est rejeté par 8 voix contre 2.

Articles 51 à 53

Étant donné que ses amendements nºs 33 à 35 ont la même portée que son amendement nº 31, M. Delcroix les retire également.

Article 54

M. Delcroix retire son amendement nº 41 (voir doc. Sénat, nº 966/5, p. 23).

Article 55

M. D'Hooghe dépose un amendement nº 125, rédigé comme suit :

« À l'article 55 proposé, supprimer les mots « et de manière précise. »

Justification

Le présent amendement tend à mettre les règles applicables aux investigations dans les affaires de TVA en concordance avec celles que l'amendement à l'article 10bis (sous-amendement à l'amendement nº 69 du gouvernement) prévoit pour les investigations en matière d'impôts sur les revenus. La disposition qu'envisage d'insérer le projet est en effet rédigée dans l'optique d'un parallélisme entre les deux délais et procédures.

L'auteur souligne que l'objectif de cet amendement concernant le Code de la taxe sur la valeur ajoutée est identique à celui de son amendement nº 124 à l'article 10bis , qui concerne le Code des impôts sur les revenus 1992.

M. D'Hooghe retire son amendement nº 125.

Article 58

L'amendement 7 de M. Coene est rédigé comme suit :

« Remplacer cet article par le texte suivant :

« Art. 58. ­ L'article 92 du même code est abrogé. »

Justification

L'article 92 du Code de la TVA dispose qu'en cas d'opposition à la contrainte, le redevable peut, sur la poursuite de l'administration qui a la taxe sur la valeur ajoutée dans ses attributions, être condamné, selon la procédure de référé, à fournir soit un versement provisionnel, soit un cautionnement.

Dans le cas où l'opposition à contrainte a été rejetée, aucun recours contre la décision judiciaire ne peut être valablement introduit, si le montant des sommes dues n'est pas consigné dans les deux mois de la demande que le fonctionnaire compétent notifie au redevable sous pli recommandé à la poste.

En vertu de la disposition proposée, le receveur ne pourra plus exiger la consignation de la taxe contestée que s'il le juge nécessaire eu égard aux données concrètes du dossier, en ce compris la situation financière du débiteur.

Il est toutefois indiqué de supprimer cette possibilité de consignation, étant donné que celle-ci n'existe pas en matière de contributions directes.

Le ministre explique que dans la nouvelle rédaction du texte de l'article 92, tel que proposé par le projet, il a été tenu compte de la jurisprudence qui s'est développée en la matière et d'un arrêt de la Cour d'arbitrage. L'article 92, actuellement en vigueur, est lié au fait que les garanties pour le receveur des contributions, d'une part, et pour le receveur de la TVA, d'autre part, sont assez différentes. En matière d'impôts directs, il y a un titre qui est exécutoire et son exécution n'est suspendue que par la partie de la cotisation qui excède l'incontestablement dû. En matière de TVA, l'opposition à la contrainte empêche l'exécution forcée de la dette d'impôt pour laquelle un titre exécutoire a été formé. Par conséquent, le receveur ne peut, en principe, que prendre des mesures purement conservatoires. L'article 92 prévu à l'article 58 du projet est une manière de garantir, dans l'hypothèse où l'on fait appel, le paiement de la dette d'impôt contestée par le moyen d'une consignation.

Initialement, le projet envisagait d'aligner les règles en TVA sur celles des contributions directes. Finalement, cette idée a été abandonnée. Il a été décidé de maintenir un article 92 pour tenir compte des moindres garanties dont dispose le ministère des Finances pour le recouvrement de la TVA. Cette consignation n'a toutefois pas été imposée dès la première instance, parce qu'à ce stade, une telle obligation aurait constitué un frein important à l'accès au judiciaire, ce qui sur le plan des principes de droit n'est pas admissible.

En dépit de cette explication, l'auteur de l'amendement nº 7 maintient sa proposition de réaliser l'alignement.

L'amendement nº 7 de M. Coene est rejeté par 8 voix contre 2.

Article 59

À cet article, le gouvernement dépose un amendement nº 84, qui vise à :

« Remplacer cet article par la disposition suivante :

« Art. 59. ­ Un article 92bis, rédigé comme suit, est inséré dans le même Code :

« Art. 92bis. ­ Les délais d'opposition, d'appel et de cassation, ainsi que l'opposition, l'appel et le pouvoir en cassation sont suspensifs de l'exécution de la décision de justice. »

Justification

La numérotation nouvelle à laquelle l'amendement procède dans le Code répond à l'introduction d'une disposition supplémentaire par déplacement à l'article 92bis de la disposition prévue à l'article 93 tel que déja modifié par le projet de loi.

Le ministre explique qu'il s'agit de la transposition en TVA de la disposition déjà prévue en matière d'impôts sur les revenus.

Un membre estime que l'amendement est en faveur du contribuable.

L'amendement nº 84 du gouvernement est adopté à l'unanimité des 10 membres présents.

Article 59bis

Le gouvernement introduit un amendement nº 85 qui, d'après le ministre, vise la même chose que l'amendement nº 78 à l'article 33. Il est libellé comme suit :

« L'article 93 du même Code est remplacé par la disposition suivante :

« Art. 93. ­ Le pourvoi en cassation est introduit par requête contenant, à peine de nullité, un exposé sommaire des moyens et l'indication des lois violées. La requête peut être signée et déposée, pour le demandeur, par un avocat. »

Justification

L'amendement tend à mettre le Code de la TVA en concordance avec le Code des impôts sur les revenus 1992. La disposition nouvelle prévoit notamment la faculté que la procédure devant la Cour de cassation puisse être initiée sans intervention directe d'un avocat près cette Cour.

M. Hotyat dépose son amendement nº 118 :

« Insérer un article 59bis (nouveau), rédigé comme suit :

« Art. 59bis. ­ À l'article 93quaterdecies, du même Code, il est inséré un § 4, rédigé comme suit :

« § 4. Les officiers du ministère public près les cours et tribunaux qui sont saisis d'une affaire pénale dont l'examen fait apparaître des indices sérieux de fraude en matière de taxe sur la valeur ajoutée, en informeront le ministre des Finances, après avoir obtenu l'autorisation expresse du procureur général ou de l'auditeur général. »

Justification

Ce § 4 est le pendant de l'article 327, § 4, CIR 1992, qui prévoit une procédure d'information similaire dans le domaine des impôts directs.

Le domaine de la TVA n'étant pas exempt de la mise en place de mécanismes frauduleux (1), il s'indique d'introduire dans le Code de la TVA une disposition identique à celle applicable en impôts directs.

Cette disposition permet d'assurer la cohérence au niveau fiscal des démarches et actions menées au niveau judiciaire.

L'auteur explique que par analogie avec l'article 327, § 4, CIR 92, cet amendement prévoit ici une procédure d'information en matière de TVA identique à celle existant dans le domaine des impôts directs.

Le ministre pense que cet amendement est inutile. Dans la mesure où, lors de la discussion du projet portant des dispositions fiscales et d'autres (doc. Chambre nº 1608/8 ­ 97/98, p. 57), le ministre a précisé que, pour tous les impôts, et pas seulement pour les impôts sur les revenus, le ministère public est tenu de l'informer des infractions pénalement repréhensibles au regard des lois fiscales et aux arrêtés pris en leur exécution qu'il a constaté dans des affaires pénales dont l'examen fait apparaître des indices sérieux de fraude fiscale. Par conséquent, l'obligation que vise à introduire l'amendement nº 118, existe déjà.

À la suite de cette explication, M. Hotyat retire son amendement nº 118.

L'amendement nº 85 du gouvernement est adopté à l'unanimité des 10 membres présents.

Article 60

M. Delcroix retire son amendement nº 44 (voir le doc. Sénat nº 966/5, p. 24), qui s'inscrit dans la ligne de son amendement nº 38, précédemment retiré.

Article 60bis

Le gouvernement dépose un amendement nº 86 visant à :

« Insérer un article 60bis (nouveau), rédigé comme suit :

« Art. 60bis. ­ L'article 207septies, § 4, du même Code est abrogé. »

Justification

Voir la justification à l'amendement nº 81 proposant l'insertion d'un article 45bis (nouveau).

Étant donné que l'amendement nº 86 du gouvernement lui donne satisfaction, M. Hotyat retire son amendement nº 119 (voir doc. Sénat, nº 966/8, p. 12).

L'amendement nº 86 du gouvernement est adopté à l'unanimité des 10 membres présents.

Article 61

Pour les mêmes raisons que celles évoquées pour l'amendement nº 44, M. Delcroix retire son amendement nº 45 (voir doc. Sénat, nº 966/5, p. 24).

Article 65

Le gouvernement dépose l'amendement nº 87 suivant :

« Remplacer le texte de l'article 65 comme suit :

« Art. 65. ­ Un article 225bis, rédigé comme suit, est inséré dans le même Code :

« Art. 225bis. ­ Les délais d'opposition, d'appel et de cassation, ainsi que l'opposition, l'appel et le pourvoi en cassation sont suspensifs de l'exécution de la décision de justice. »

Justification

Cette disposition a été insérée dans le projet à la Chambre des représentants, par l'amendement nº 93 du gouvernement (doc. Chambre, nº 1341/15, 97/98). Dans le texte adopté en séance plénière de la Chambre et transmis au Sénat, cet amendement est devenu l'article 65. La disposition concernée a cependant été inscrite par erreur dans l'article 225, alinéa 2, du Code des droits d'enregistrement, d'hypothèque et de greffe, étant donné que cet article ne traite que des voies de recours offertes aux notaires et aux huissiers de justice qui ont fait, pour les parties, l'avance des droits et des amendes. Cet article doit subsister dans sa forme actuelle. La disposition concernant la suspension de l'exécution de la décision de justice est par conséquent inscrite dans un nouvel article 225bis du Code précité.

Le ministre explique que l'amendement vise à introduire dans le Code des droits d'enregistrement, d'hypothèque et de greffe une disposition analogue à celle proposée par l'amendement nº 84 pour le Code de la taxe sur la valeur ajoutée.

L'amendement nº 87 du gouvernement est adopté à l'unanimité des 10 membres présents.

Article 65bis

L'amendement nº 46 de M. Delcroix est retiré.

Le gouvernement introduit un amendement nº 88, libellé comme suit :

« Un article 225ter, rédigé comme suit, est inséré dans le même Code.

« Art. 225ter. ­ Le pourvoi en cassation est introduit par requête contenant, à peine de nullité, un exposé sommaire des moyens et l'indication des lois violées. La requête peut être signée et déposée, pour le demandeur, par un avocat. »

Justification

L'amendement tend à mettre le Code des droits d'enregistrement, d'hypothèque et de greffe en concordance avec le Code des impôts sur les revenus 1992. La disposition nouvelle prévoit notamment la faculté que la procédure devant la Cour de cassation puisse être initiée sans intervention directe d'un avocat près cette Cour.

Le président fait valoir que cet amendement a la même portée que les amendements nºs 33 et 85.

Pour l'explication du retrait de son amendement nº 120 (voir doc. Sénat, nº 966/8), M. Hotyat renvoie à la discussion sur son amendement nº 118 à l'article 59bis .

L'amendement nº 88 du gouvernement est adopté à l'unanimité des 10 membres présents.

Article 65ter

M. Delcroix retire son amendement nº 47 (voir doc. Sénat, nº 1-966/5).

Le gouvernement introduit l'amendement nº 89, qui vise à :

« Insérer un article 65ter (nouveau), rédigé comme suit :

« Art. 65ter. ­ L'article 133nonies, § 4, du Code des droits de succession est abrogé. »

Justification

Voir la justification à l'amendement proposant l'insertion d'un article 45bis (nouveau).

Un commissaire fait remarquer que cet amendement introduit pour les droits de succession le principe selon lequel « le pénal tient le civil en état ».

Le président demande si les régions ont marqué leur accord sur cette disposition.

Le ministre explique que dans le domaine de la procédure leur accord n'est pas requis.

L'amendement nº 89 du gouvernement est adopté à l'unanimité des 10 membres présents.

Articles 66, 66bis et 66ter

Les amendements nºs 48 à 50 de M. Delcroix sont retirés.

Article 67bis

L'amendement nº 123 du gouvernement est libellé comme suit :

« Un article 1424 , rédigé comme suit, est inséré dans le même Code :

« Art. 1424 . ­ Le pourvoi en cassation est introduit par requête contenant, à peine de nullité, un exposé sommaire des moyens et l'indication des lois violées. La requête peut-être signée et déposée, pour le demandeur, par un avocat. »

Justification

L'amendement tend à mettre le Code des droits de succession en concordance avec le Code des impôts sur les revenus 1992. La disposition nouvelle prévoit notamment la faculté que la procédure devant la Cour de cassation puisse être initiée sans intervention directe d'un avocat près cette Cour.

M. Hotyat retire son amendement nº 121 en renvoyant à la discussion sur son amendement nº 118 à l'article 59bis .

L'amendement nº 123 du gouvernement est adopté à l'unanimité des 10 membres présents.

Article 67ter

Le gouvernement introduit un amendement nº 90 suivant :

« Insérer un article 67ter (nouveau), rédigé comme suit :

« Art. 67ter. ­ L'article 67nonies, § 4, du Code des droits de timbre est abrogé. »

Justification

Voir la justification à l'amendement proposant l'insertion d'un article 45bis (nouveau).

L'amendement nº 90 du gouvernement est également adopté à l'unanimité des 10 membres présents.

Articles 68, 68bis et 68ter

Les amendements nºs 51 à 53 (voir doc. nº 966/5, pp. 27 et 28) de M. Delcroix sont retirés.

Article 71bis

L'amendement nº 91 du gouvernement a la même portée que ses amendements nºs 33, 35 et 88 :

« Un article 79bis (nouveau), rédigé comme suit, est inséré dans le même Code.

« Art. 79bis. ­ Le pourvoi en cassation est introduit par requête contenant, à peine de nullité, un exposé sommaire des moyens et l'indication des lois violées. La requête peut être signée et déposée, pour le demandeur, par un avocat. »

Justification

L'amendement tend à mettre le Code des droits de timbre en concordance avec le Code des impôts sur les revenus 1992. La disposition nouvelle prévoit notamment la faculté que la procédure devant la Cour de cassation puisse être initiée dans interruption directe d'un avocat près cette Cour.

L'amendement nº 91 du gouvernement est adopté à l'unanimité des 10 membres présents.

Article 73

M. Delcroix retire son amendement nº 54, étant donné qu'il est toujours dans la même logique que l'amendement nº 38 à l'article 45, amendement déjà retiré.

Article 73bis

À cet article, M. Delcroix retire également son amendement nº 55.

Article 73ter

L'amendement nº 56 de M. Delcroix est retiré.

Article 75bis

L'amendement nº 92 du gouvernement tend à introduire le principe selon lequel « le pénal tient le civil en état » dans le Code des taxes assimilées au timbre. Il est libellé comme suit :

« Insérer un article 75bis (nouveau), rédigé comme suit :

« Art. 75bis. ­ L'article 207nonies, § 4, du même Code est abrogé. »

Justification

Voir la justification à l'amendement proposant l'insertion d'un article 45bis (nouveau).

Pour les mêmes raisons que pour son amendement nº 116 à l'article 45bis , son amendement nº 117 à l'article 48bis et son amendement nº 119 à l'article 60bis , M. Hotyat retire son amendement nº 122 à l'article 75bis .

L'amendement nº 92 du gouvernement est adopté à l'unanimité des 10 membres présents.

Article 76bis

L'amendement nº 93 du gouvernement constitue l'équivalent des amendements nºs 33, 85, 88 et 91 et ce pour le Code des taxes assimilées au timbre.

« Un article 210bis (nouveau), rédigé comme suit, est inséré dans le même Code :

« Art. 210bis. ­ Le pourvoi en cassation est introduit par requête contenant, à peine de nullité, un exposé sommaire des moyens et l'indication des lois violées. La requête peut être signée et déposée, pour le demandeur, par un avocat. »

Justification

L'amendement tend à mettre le Code des taxes assimilées au timbre en concordance avec le Code des impôts sur les revenus 1992. La disposition nouvelle prévoit notamment la faculté que la procédure devant la Cour de cassation puisse être initiée sans interruption directe d'un avocat près cette Cour.

L'amendement nº 93 du gouvernement est adopté à l'unanimité des 10 membres présents.

Articles 77 à 79

Le gouvernement introduit les amendements nºs 94 à 96 visant :

« Supprimer le chapitre II, section 7, du projet. »

Justification

Un avant-projet de loi modifiant la procédure en matière de douane et d'accises est actuellement soumis à l'examen de la section de législation du Conseil d'État.

Il est dès lors proposé de ne pas procéder à ce stade à la modification initialement envisagée.

Le ministre ajoute qu'en principe, le Conseil d'État dispose d'un mois pour se prononcer. Le problème n'est pas le principe de l'introduction d'un recours administratif préalable en matière de douane et d'accises, mais que le texte tel qu'il est rédigé ne couvre qu'une partie des litiges. C'est l'objet d'un avant-projet de loi actuellement soumis pour avis au Conseil d'État. Pour éviter qu'il y ait des entrées en vigueur différentes, le Conseil d'État a jugé qu'il serait préférable de régler le tout dans un seul projet de loi et pas aussi dans le projet de loi nº 1-967. Il n'empêche que le projet de loi nº 1-967 s'appliquera aussi en matière de droits de douanes et d'accises.

L'amendement nº 94 du gouvernement est adopté à l'unanimité des 10 membres présents.

Le gouvernement retire son amendement nº 95 à l'article 78.

Le ministre justifie ce retrait au motif que les articles 215 et 216 de la loi générale en matière de douanes et d'accises renvoie les recours directement devant la cour d'appel sans passer d'abord par le tribunal de première instance. Or, par le projet nº 1-967/1, compétence est donnée en premier degré d'instance au tribunal de première instance. Il est donc impératif d'abroger lesdits articles 215 et 216 pour éviter qu'il y ait une contradiction entre les deux dispositions par renvoi simultané au tribunal de première instance et à la cour d'appel. Il est dès lors bien nécessaire de maintenir l'abrogation des articles 215 et 216.

L'amendement nº 96 du gouvernement est adopté à l'unanimité des 10 membres présents.

Le ministre fait valoir que l'article 78 du projet abroge les articles 215 et 216 de la loi générale sur les douanes et accises. Or, vérification faite, il conviendrait d'également abroger l'article 213, alinéa 3, de cette loi qui se réfère encore à la possibilité d'introduire un recours auprès de la Cour d'appel.

M. Hatry et consorts déposent alors l'amendement nº 129 suivant :

« Insérer les mots « 213, alinéa 3, » entre les mots « Les articles » et les mots « 215 et 216 ».

Justification

Le présent amendement vise à assurer la cohérence des abrogations prévues.

Cet amendement est adopté à l'unanimité des 8 membres présents.

Articles 81 et 81quater

Le gouvernement introduit les amendements nºs 99 à 102 visant à :

« Remplacer cet article par la disposition suivante :

« Art. 81. ­ L'article 9 de la loi du 24 décembre 1996 relative à l'établissement et au recouvrement des taxes provinciales et commerciales est rétabli dans la rédaction suivante :

« Art. 9. ­ Le redevable peut introduire une réclamation contre une taxe provinciale ou communale respectivement auprès du gouverneur ou du collège des bourgmestre et échevins, qui agissent en tant qu'autorité administrative.

Le Roi détermine la procédure applicable à cette réclamation. »

Justification

Dans le souci de créer un parallélisme entre les réclamations introduites contre les impôts d'État et celles afférentes aux taxes provinciales et communales, l'amendement vise à instituer un recours administratif auprès de l'instance qui a rendu le rôle exécutoire lorsque la réclamation est dirigée contre une imposition provinciale ou communale.

« Insérer un article 81bis (nouveau), libellé comme suit :

« Art. 81bis. ­ L'article 10 de la même loi est rétabli dans la rédaction suivante :

« Art. 10. ­ La décision prise par une des autorités visées à l'article 9 peut faire l'objet d'un recours devant le tribunal de première instance dans le ressort duquel la taxe a été établie.

À défaut de décision, la réclamation est réputée fondée. Les articles 1385decies et 1385undecies du Code judiciaire sont applicables.

Le jugement du tribunal de première instance est susceptible d'opposition ou d'appel.

L'arrêt de la cour d'appel peut faire l'objet d'un pourvoi en cassation. »

Justification

Créer, en matière de recours juridictionnels, un parallélisme entre les règles applicables aux impôts d'État et celles qui concernent les taxes provinciales et communales.

« Insérer un article 81ter (nouveau), libellé comme suit :

« Art. 81ter. ­ L'article 11 de la même loi est rétabli dans la rédaction suivante :

« Art. 11. ­ Les formes, délais ainsi que la procédure applicables aux recours visés à l'article 10 sont réglés comme en matière d'impôts d'État sur le revenu et sont valables pour toutes les parties en cause. »

Justification

Cf. article 81bis.

Le ministre fait valoir que, par ces amendements, le gouvernement a voulu établir le parallélisme entre les réclamations introduites contre les impôts d'État, et donc, une réclamation qui est traitée par le taxateur, et, la situation au niveau des impôts communaux et provinciaux en choisissant, d'un côté, le gouverneur pour les taxes provinciales, et de l'autre, le collège des bourgmestre et échevins agissant en tant qu'autorité administrative parce que chaque fois il s'agit de l'autorité qui enrôle les dites taxes.

L'amendement nº 1 de M. Vandenberghe tend à confier les réclamations sur les taxes communales et provinciales à la députation permanente. Or, la députation permanente exerce un contrôle de tutelle.

D'après le ministre, cet amendement constitue une rupture intellectuelle par rapport à l'idée qu'il appartient au taxateur de gérer son contentieux administratif.

Les amendements suivants (nºs 100 à 102) amènent alors un parallélisme absolu entre les impôts d'État et les taxes communales et provinciales pour ce qui concerne la phase juridictionnelle en assurant deux degrés de juridiction.

L'amendement nº 1 de M. Vandenberghe est libellé comme suit :

« Apporter les modifications suivantes à l'article 81 :

« A. Remplacer le 1º par la disposition suivante :

« 1º L'article 9, annulé par la Cour d'arbitrage dans son arrêt nº 30/98 du 18 mars 1998, est rétabli dans la version suivante :

« Le redevable peut introduire une réclamation auprès de la députation permanente qui agit en tant qu'autorité administrative.

La réclamation est introduite et examinée en appliquant par analogie les dispositions du titre VII, chapitre VII, du Code des impôts sur les revenus 1992. »

« B. Remplacer le 2º par la disposition suivante :

« 2º L'article 14, 6º, annulé par la Cour d'arbitrage dans son arrêt nº 30/98 du 18 mars 1998, sortit à nouveau ses effets. »

Justification

L'arrêt de la Cour d'arbitrage du 18 mars 1998, publié au Moniteur belge, du 1er avril 1998, annule les articles 9, 10, 11, 13 et 14, 5º et (partiellement) 6º, de la loi du 24 décembre 1996 relative à l'établissement et au recouvrement des taxes provinciales et communales. Il en résulte, d'une part, que le recours administratif contre les taxes provinciales et communales doit à nouveau être confié à la députation permanente, ce qui signifie, dans le cas de la Région de Bruxelles-Capitale, que ce recours est confié, en vertu des dispositions de la loi relative aux institutions bruxelloises, à l'organe compétent au sein des institutions bruxelloises. Du fait que l'on n'a plus prévu d'exceptions pour Bruxelles, le gouvernement de la Région de Bruxelles-Capitale devra exercer ses prérogatives, comme il le fait pour les autres missions de cogestion qui, ailleurs, relèvent des députations permanentes, comme cela a été prévu en 1993 au deuxième alinéa du § 3 de l'article 83quinquies de la loi spéciale du 12 janvier 1989 relative aux institutions bruxelloises. Après la décision administrative de la députation permanente ou du gouvernement bruxellois (ou de l'organe institué par celui-ci), l'on pourra s'adresser, en application du droit commun, au tribunal de première instance. L'on tient ainsi compte, dans le cadre de la loi spéciale relative à Bruxelles, de la pierre d'achoppement que constituait pour la Cour d'arbitrage l'exception insérée par la Chambre.

Il en résulte, d'autre part, qu'il faut remplacer les dispositions qui figurent dans les projets de loi précités et qui ne sont plus pertinentes à la suite de l'arrêt de la Cour d'arbitrage. L'objectif est ainsi, non seulement de remplacer, dans l'article 81 du projet de loi relative au contentieux en matière fiscale, les suppressions devenues superflues dans la loi de 1996, en rétablissant la disposition qui désigne la députation permanente comme l'autorité administrative au sens du nouvel article 1385decies du Code judiciaire, mais aussi d'abroger définitivement ­ on l'espère ­ la loi du 23 décembre 1986 relative au recouvrement et au contentieux en matière de taxes provinciales et locales. L'article 609, 5º, rétabli, du Code judiciaire, figurera lui aussi parmi les dispositions « à supprimer », mais ce sera dans le projet de loi relative à l'organisation judiciaire en matière fiscale.

De plus, on harmonisera la procédure de réclamation contre les impôts communaux et provinciaux avec les nouvelles règles en matière de réclamation qui seront insérées dans le CIR 1992, étant entendu que la députation permanente assume le rôle de directeur des contributions. Cela est tout à fait conforme à l'objectif des projets visant à harmoniser autant que possible le traitement des différends portant sur l'application d'une loi fiscale.

L'auteur signale que son amendement fait suite à l'arrêt de la Cour d'arbitrage du 18 mars 1998. Il vise à maintenir la réglementation existante. L'intervenant ne voit pas pourquoi il faudrait passer de la députation permanente au collège des bourgmestre et échevins. Il considère que cette dernière instance est trop proche de ses administrés pour se prononcer sur des réclamations relatives aux taxes communales.

En faveur de l'amendement nº 1, un autre membre fait remarquer au ministre que, même avec un préalable administratif obligatoire pendant six mois, tel que prévu par le gouvernement, le réclamant ne retourne pas devant l'agent taxateur mais devant le directeur des contributions. Il ne s'agit donc pas de la même personne même si, toutes les deux, font partie de la même administration. Par conséquent, un recours administratif devant la députation permanente en matière de taxes communales, n'est pas tellement différent de ce que le gouvernement veut introduire pour les impôts fédéraux.

La question reste cependant ouverte en ce qui concerne les taxes communales levées sur le territoire de la Région de Bruxelles-Capitale à défaut d'appartenance territoriale des 19 communes bruxelloises à une province.

L'auteur estime que, dans ces cas, la réclamation administrative doit être introduite auprès de l'organe compétent des institutions bruxelloises.

Le ministre rappelle que le collège juridictionnel de la Région de Bruxelles-Capitale est une juridiction, les contribuables bruxellois disposeraient dans ce cas de trois degrés juridictionnels.

Le préopinant déclare qu'il lui est toutefois impossible d'accepter que dans la Région de Bruxelles-Capitale, le collège des bourgmestre et échevins se prononce sur des recours administratifs, puisqu'aucune représentation garantie des Flamands n'est prévue en son sein.

Il rappelle qu'à la suite des accords dits de la Saint-Michel, les compétences ont été redistribuées en faveur des provinces, y compris celles du Brabant flamand et du Brabant wallon. À cette occasion, certaines compétences ont été transférées par analogie au gouvernement bruxellois. L'accessoire suit donc le principal. Mutatis mutandis , il faut chercher en l'espèce la même solution que dans la loi spéciale du 12 janvier 1989 relative aux institutions Bruxelloises.

Pour un commissaire, le parallélisme n'est pas indispensable. Dans son arrêt, la Cour d'arbitrage a modifié la loi provinciale pour revenir à la situation antérieure, à savoir qu'on ait des députations permanentes statuant comme instance juridictionnelle avec leur pendant bruxellois qui est le collège juridictionnel. Depuis la réforme de 1993, ce collège a fait preuve de son bon fonctionnement et a d'ailleurs évité aux tribunaux de se trouver noyés sous une multitude de recours puisque finalement l'essentiel du contentieux s'est traitée au niveau du collège juridictionnel et que peu de litiges sont portés devant les cours et tribunaux.

Le commissaire ne trouve d'ailleurs pas non plus, dans l'arrêt de la Cour d'arbitrage, de raisons fondamentales de changer cette situation. Il se demande s'il ne serait finalement pas plus simple d'en rester à la situation telle qu'elle est reglée aujourd'hui puisqu'elle n'est pas contestée par la Cour d'arbitrage.

L'auteur de l'amendement nº 1 lit dans l'arrêt de la Cour d'arbitrage du 18 mars 1998 que la « différence de structure ne peut justifier que, dans les Régions flamande et wallonne, les redevables soient privés des garanties juridictionnelles dont bénéficient les redevables dans la Région de Bruxelles-Capitale ». À ses yeux, c'est là un raisonnement fondamental. À Bruxelles, le conrtribuable dipose d'une garantie juridictionnelle qui n'existe pas en Flandre et en Wallonie. Il faut donc prévoir une garantie juridictionnelle en Flandre et en Wallonie.

Il propose alors de maintenir que : « Dans la Région de Bruxelles-Capitale, la réclamation est introduite auprès du collège juridictionnel. » Cette disposition n'a été annulée par la Cour d'arbitrage que parce que la garantie juridictionnelle n'existe pas en Flandre et en Wallonie. Si l'on instaure également un collège juridictionnel dans ces deux régions, l'objection de la Cour d'arbitrage devient sans objet.

Théoriquement, deux solutions sont donc possibles. Il faut ou bien généraliser le système du collège juridictionnel tel qu'il existe dans la Région de Bruxelles-Capitale, et donc l'introduire dans les Régions flamande et wallonne, ou bien maintenir le système de la députation permanente et charger l'organe qui exerce, dans la Région de Bruxelles-Capitale, les « compétences de députation » de se prononcer administrativement sur les réclamations relatives aux impôts locaux.

Un membre constate que le problème vient de la Cour d'arbitrage et de la non-discrimination exigée entre la Région de Bruxelles-Capitale, d'une part, et les Régions flamande et wallonne, d'autre part.

Le commissaire estime que la première objection vis-à-vis de l'amendement nº 99 du gouvernement est qu'en attribuant le pouvoir de statuer sur une réclamation au collège des bourgmestre et échevins, on donne un pouvoir à une autorité administrative très proche des citoyens. Toutefois, le ministre répond que c'est auprès du pouvoir taxateur que les réclamations doivent être introduites. Pour le membre, cela est plus difficile dans les communes parce que l'administration est plus petite que dans l'administration fiscale fédérale où il existe une hiérarchie, ou que dans les provinces où il y a à la fois une députation permanente et un gouverneur. Par conséquent, pour les provinces l'on peut trouver une solution interne pour autant que ce soit le gouverneur, étant donné qu'il y en a partout, tandis que les députations permanentes ne couvrent pas territorialement la Région de Bruxelles-Capitale.

Bien que l'on puisse dire que le collège des bourgmestre et échevins soit trop proche de la taxation communale, il ne faut pas perdre de vue qu'il y a toujours après le tribunal de première instance.

D'après le ministre, la position du gouvernement est simple. Elle revient à dire d'abord que toutes les communes, pour les taxes communales, et toutes les provinces, pour les taxes provinciales, sont soumises aux mêmes règles que pour les impôts d'État.

De plus, il n'est plus envisageable de confier à nouveau aux députations permanentes, des prérogatives juridictionnelles. Cela ne correspond pas à la vocation de la députation permanente qui n'est d'ailleurs pas armée pour ce faire. Dans une série de matières, l'on a voulu recentrer la députation permanente sur son rôle premier, elle est notamment un organe politique et de tutelle et non une instance juridictionnelle. Enfin, l'on instaure, et c'est là que le parallélisme trouve son expression, la même procédure pour tous les impôts. En ce qui concerne les impôts communaux, le collège des bourgemestre et échevins sera saisi des recours administratifs et statuera sur les réclamations introduites par le contribuable et puis sera, le cas échéant, amené à soutenir, ultérieurement, devant les tribunaux, la position qu'il aura prise en accueillant ou pas le recours du contribuable. Le ministre estime qu'il n'existe donc pas de système parfait. Toutefois, le gouvernement établit sur ce plan un système à trois degrés. Premier degré : recours administratif auprès du taxateur qui est responsabilisé, puisqu'il sait bien que s'il écarte du droit, il sera rappelé à l'ordre par le juge fiscal et puis par la cour d'appel, jouant à plein leur rôle d'instance juridicitionnelle. Ce système est logique et permet vraiment de traiter toutes les communes, les 19 communes bruxelloises et les autres, de la même façon. C'est la réponse à l'arrêt de la Cour d'arbitrage.

Le ministre est bien conscient du fait que certains craignent que le collège des bourgmestre et échevins soit peu enclin à traiter un recours administratif. Sur ce plan, sa responsabilité est toutefois réelle puisque le rapport annuel de la commune devra faire état des cotisations qui auront été dégrevées pour cause de non-décision, la non-décision équivalant pour les taxes communales à un accueil.

L'auteur de l'amendement nº 1 rappelle que la décision de la commune est exécutoire même s'il s'agit ici d'un recours administratif. Les décisions dudit collège n'offrent pas de garanties sur le plan judiciaire. Il y a contradiction entre les arguments du ministre. Il dit qu'il ne faut pas faire d'amalgame entre la tâche juridictionnelle de la députation permanente et sa fonction administrative. Alors, le même argument est valable pour le collège des bourgmestre et échevins.

Un autre membre souligne que le système qui sera applicable pour les impôts d'État implique aussi que le recours soit introduit d'abord auprès de l'agent taxateur qui procèdera à l'instruction de la réclamation. Il faudra énormément de courage au directeur des contributions pour contredire la proposition de décision de son agent. Pour les taxes communales, dans l'immense majorité des cas, la position du collège des bourgmestre et échevins sera celle du receveur communal.

Le commissaire croit qu'à ce stade, la formule préconisée par le gouvernement avec ses amendements nºs 99 à 102, est la transposition tout à fait précise du régime envisagé pour les impôts fédéraux. Cela revient à dire que l'instance qui est amenée à se prononcer administrativement, doit rendre sa décision dans un délai de six mois. Après cela, un double degré juridictionnel est ouvert au contribuable. Par conséquent, ce système, même dans le cas des taxes communales et provinciales, constitue un progrès par rapport à la situation actuelle.

Le ministre rappelle que, suivant les informations dont il dispose, la députation permanente de la province de Brabant wallon, n'a pas encore pris la moindre décision sur les réclamations introduites auprès d'elle pour des taxes communales. De plus, l'amendement nº 101 prévoit que la procédure applicable aux recours contre des impositions levées par les communes et les provinces est reglée, comme en matière d'impôts d'État sur le revenu, de telle sorte que le contribuable pourra demander la fixation de l'incontestablement dû ou la surséance au paiement (article 410, CIR 92).

Le fait que la décision du collège des bourgmestre et échevins est exécutoire de par l'enrôlement même, en cas de contestation est ainsi corrigé par les amendements du gouvernement.

Un commissaire se demande comment les communes de petite taille vont s'organiser en instance de recours administratif. Il craint que des situations ingérables pourraient naître. Il s'agit tout de même d'une nouvelle mission qui est imposée aux collèges des bourgmestre et échevins. Quelle est l'opinion de l'Union des villes et des communes en la matière ?

Le ministre déclare qu'elle est tout à fait favorable au système préconisé. Les villes et les communes sont en effet responsabilisées par ce système.

Le préopinant, de par son expérience personnelle comme échevin, reste sceptique sur la manière dont certaines villes et communes vont s'organiser en la matière. Entre les principes et la réalité, il y a souvent une marge. Il n'y a pas d'instruction administrative aujourd'hui. Le risque est grand qu'on laisse simplement passer les neuf mois et que les tribunaux soient noyés.

Un autre membre estime que la situation actuelle n'est pas bonne non plus.

Le préopinant fait remarquer que pour la Région de Bruxelles-Capitale, le collège juridictionnel fonctionne bien. Il évite que des milliers de litiges aboutissent devant les tribunaux. L'avantage du collège juridictionnel est qu'il écrème. La procédure devant ce collège est contradictoire. Le commissaire ne voit pas procéder les collèges des bourgmestre et échevins dans les communes de la même manière. Le membre annonce d'ailleurs qu'il soulignera par son vote le bon travail effectué depuis quelques années par le collège juridictionnel.

Un commissaire fait observer que la procédure au niveau des impôts d'État, et notamment le recours devant le directeur des contributions n'est pas si bien organisé non plus. Le directeur n'est pas obligé d'entendre le réclamant.

Un autre commissaire renvoie la législation flamande pour les permis de bâtir, les permis d'exploitation, etc. C'est le collège des bourgmestre et échevins qui donne le permis. Le recours se fait devant la députation permanente.

Le ministre réplique qu'il s'agit là d'un contrôle de tutelle. Le système proposé par l'amendement nº 99 n'implique pas un contrôle de tutelle.

Le préopinant reconnaît qu'il ne s'agit pas en matière fiscale d'un contrôle de tutelle. Il n'empêche que le recours se fait devant l'instance qui lève les taxes.

Un commissaire fait observer que la façon dont le Sénat a « dû » voter une espèce de « diktat » de l'Union des villes et communes, qui est devenu la loi du 24 décembre 1996, a donné lieu à énormément de mécontentement parce que, pratiquement, l'enrôlement en matière de taxes communales, alors que l'on ne les traite pas aussi correctement juridiquement que les impôts fédéraux, est souvent sujet de réclamations, plaintes, etc.

De plus, la loi du 24 décembre 1996 a méconnu les droits de la défense.

Le ministre explique que la logique est de créer ici un paralléllisme absolu entre les impôts communaux et provinciaux, d'une part, et les impôts d'État, d'autre part, en instituant un recours administratif auprès de l'instance qui a rendu le rôle exécutoire avant de déclencher la procédure judiciaire. Il s'agit donc d'un alignement au point de vue de la procédure.

Le préopinant fait remarquer qu'étant donné que le ministère des Finances compte 28 000 agents, cela implique que le recours administratif ne s'adresse pas automatiquement à la même personne que celle qui a établi l'impôt. Par contre, au niveau communal, il n'y a au mieux que quelques dizaines de personnes dans « l'administration fiscale ». Comment peut-on justifier l'organisation d'un recours administratif dans de petites administrations, a priori peu favorables à la mise en cause de leur autorité hiérarchique ?

Le ministre fait valoir qu'il est difficile d'organiser un recours administratif à un degré supérieur. Sinon, il ne serait plus question d'un recours administratif de la même nature que celui prévu pour les impôts fédéraux. Un recours administratif à un niveau supérieur serait un acte de tutelle administrative et non plus un acte de recours administratif.

Le ministre ajoute que l'amendement correspond à la volonté plus générale du ministre de l'Intérieur de supprimer le rôle de la députation permanente comme instance juridictionnelle. L'idée développée ici est de confier l'instruction de la réclamation au service de la recette communale qui a provoqué l'enrôlement de l'impôt, mais c'est au collège des bourgemestre et échevins de décider, puisque c'est lui qui a rendu exécutoire le rôle de la taxe contestée par le contribuable.

Par ailleurs est maintenu le système prévu par la loi du 24 décembre 1996 étant donné qu'un délai de 9 mois est imparti pour traiter la réclamation et que, contrairement à ce qui a été prévu en matière d'impôts fédéraux, si la réclamation ne fait pas l'objet d'une décision, la non-décision est réputée être une décision d'accueil de la réclamation.

Ce processus de décision est celui proposé par le ministre de l'Intérieur. Les taxes communales sont relativement simples voire simplistes au niveau technique par rapport aux impôts de l'État. N'empêche que souvent, il n'y a pas de structure administrative ad hoc qui traite les réclamations. De l'avis du ministre de l'Intérieur, il convient donc de maintenir un délai qui soit plus long en cas de non-décision et qui a un effet différent de celui du niveau fédéral.

Le commissaire conclut qu'une non-décision équivaut présentement à un accueil du recours introduit contre une taxe communale.

Le ministre confirme cette conclusion en soulignant que tel est déjà le cas actuellement.

Le préopinant persiste à croire que supprimer comme échelon intermédiaire la députation permanente et confier la décision au collège des bourgmestre et échevins, constitue une très mauvaise mesure.

Le ministre explique que la loi spéciale du 12 janvier 1989 relative aux institutions bruxelloises en son article 83quinquies a prévu que les litiges qui étaient confiés antérieurement à la députation permanente de la province du Brabant, sauf dispositions spéciales, pour les 19 communes de Bruxelles le sont maintenant au collège juridictionnel. La Cour d'arbitrage a considéré que ce collège est une instance juridictionnelle, ce qui implique qu'il y avait un degré d'instance de plus selon qu'on se trouvait face à une taxe communale contestée qui était levée par une des 19 communes de la Région bruxelloise ou par une commune située en Région wallonne ou en Région flamande.

Si l'on veut modifier, rien que pour les taxes communales levées à Bruxelles, la loi spéciale du 12 janvier 1989, cela suppose une majorité spéciale. Par conséquent, le mieux était de supprimer, pour toutes les taxes communales, l'intervention de la députation permanente, d'autant plus qu'en principe la députation permanente agit en une autre qualité dans le cadre de l'exercice de la tutelle par rapport à la région. C'est pourquoi il est proposé, par un raisonnement similaire à celui suivi pour les impôts fédéraux, de confier à l'administration qui a levé l'impôt, la tâche d'instruire les réclamations. Pratiquement, il n'y a pas d'autre solution.

Un commissaire se demande si une solution alternative ne consisterait pas à confier aux gouvernements des trois régions les réclamations sur les impôts locaux et provinciaux. Au-delà de la tutelle régionale, les régions géreraient également les réclamations relatives aux taxes communales et provinciales. Elles le font déjà pour des questions d'opportunité, administratives, etc.

Pour le membre, étant donné que ce niveau est un peu éloigné de la décision d'imposer, il constitue une meilleure solution que de laisser l'instance de recours au niveau communal.

L'amendement nº 1 de M. Vandenberghe est rejeté par 6 voix contre 3.

Les amendements nºs 99 à 102 du gouvernement sont adoptés par 6 voix et 3 abstentions.

Article 82bis

Pour la discussion de son amendement nº 109, M. Delcroix renvoie à son amendement nº 103 à l'article 9.

L'amendement nº 109 de M. Delcroix et consorts est adopté par 7 voix et 2 abstentions.

Article 83

M. Delcroix demande l'avis du ministre sur son amendement nº 36 :

« Entre les troisième et quatrième alinéas proposés, insérer un alinéa nouveau, libellé comme suit :

« Cependant, les réclamations pendantes devant l'administration sur lequelles il n'aura pas été statué le 31 décembre 2000 seront censées accueillies à cette date. »

Justification

Le contentieux actuel est important et le délai de 18 mois désormais imparti pour statuer sur les réclamations introduites à partir du 1er juillet 1998 entraînera un retard supplémentaire du contentieux ancien si un délai n'est pas également mis pour statuer sur celui-ci.

Il est proposé de laisser jusqu'au 31 décembre 2000, soit deux ans et demi, aux directeurs régionaux pour liquider l'arriéré.

Le ministre déclare que pour l'administration, il est matériellement impossible de statuer sur les réclamations pendantes avant le 31 décembre 2000.

L'auteur suggère alors de postposer ce délai d'un an. Il voudrait maintenir une certaine pression.

Le ministre se déclare d'accord sur le principe. Toutefois, il est aussi de sa responsabilité de se prononcer sur la faisabilité. L'amendement pose problème pour l'administration dans le cadre du traitement de l'ancien contentieux. Le ministre est prêt à trouver une voie moyenne qui pourrait être de choisir une date à partie de laquelle l'on donne la possibilité aux contribuables de s'adresser à un juge. Il répète que ce qui sera applicable immédiatement pour l'ancien contentieux, c'est le recours juridictionnel au tribunal de première instance. Cela revient à donner « un permis de citer » y compris pour les anciens dossiers.

L'amendement nº 68 de M. Hatry ressemble fortement à l'amendement précédent :

« Compléter l'alinéa 3 par la disposition suivante :

« Cependant, les réclamations pendantes devant l'administration sur lesquelles il n'aura pas été statué le 31 décembre 2000 seront censées accueillies à cette date. »

Justification

Le contentieux actuel est important et le délai de 18 mois désormais imparti pour statuer sur les réclamations introduites à partir du 1er juillet 1998 entraînera un retard supplémentaire du contentieux ancien si un délai n'est pas également mis pour statuer sur celui-ci.

Il est proposé de laisser jusqu'au 31 décembre 2000, soit 2 ans et demi, aux directeurs régionaux pour liquider l'arriéré.

M. Hatry déclare retirer son amendement nº 68 en faveur de l'amendement nº 36.

L'amendement nº 97 du gouvernement porte surtout sur l'entrée en vigueur de la présente loi. Il est libellé comme suit :

« Apporter les modifications suivantes à l'article 83, proposé :

« A) remplacer l'alinéa 1er , par la disposition suivante :

« En ce qu'ils modifient les règles de procédure :

­ les articles 10bis, 19 à 31, 41 à 43, et 47, de la présente loi produisent leurs effets à partir de l'exercice d'imposition 1999;

­ les articles 53 et 55 à 59, de la présente loi s'appliquent aux taxes, intérêts et amendes fiscales lorsque leur cause d'exibilité est intervenue au plus tôt le 1er janvier 1999. »;

« B) dans l'alinéa 2, proposé, remplacer les mots « articles 23 et 31 » par les mots « articles 23 et 32 »;

C) compléter l'article proposé par les alinéas suivants :

« L'article 33 de la présente loi, en ce qu'il abroge les articles 377 à 392 du Code des impôts sur les revenus 1992, sort ses effets le 1er mars 199. Les articles 377 à 392 du Code des impôts sur les revenus 1992, tels qu'ils existaient avant leur abrogation par l'article 33 de la présente loi, demeurent toutefois applicables aux recours introduits avant cette date.

Les articles 462 du Code des impôts sur les revenus 1992, 74, § 4, du Code de la taxe sur la valeur ajoutée, 207septies, § 4, du Code des droits d'enregistrement, d'hypothèque et de greffe, 133nonies, § 4, du Code des droits de succession, 67nonies, § 4, du Code des droits de timbre et 207nonies, § 4 du Code des taxes assimilées au timbre, tels qu'ils existaient avant d'être respectivement abrogés par les articles 45bis, 48bis, 60bis, 65ter, 67ter et 75bis, de la présente loi, restent applicables chaque fois qu'un juge saisi de l'action publique a, en application de l'une de ces dispositions, décidé de sursoir à statuer sur des préventions. »

Justification

Le présent amendement vise :

1º à fixer l'entrée en vigueur de l'article 10bis (nouveau), dont l'insertion a été proposée;

2º à corriger une erreur de numérotation qui s'est glissée à l'alinéa 2;

3º à permettre que les décisions rendues par les directeurs des contributions, contre lesquelles un recours en justice n'a pas encore été introduit à la date du 1er mars 1999, puissent faire l'objet du nouveau recours auprès du tribunal de première instance, qu'organise le projet de loi relative à l'organisation judiciaire en matière fiscale;

4º à insérer la disposition transitoire que nécessite l'abrogation proposée de l'article 462, CIR 92, et des dispositions identiqués contenues dans plusieurs autres codes fiscaux.

L'amendement nº 36 de MM. Delcroix et Weyts est retiré.

L'amendement nº 97 du gouvernement est adopté par 7 voix contre 2.

Article 84

Le gouvernement introduit l'amendement nº 98 suivant :

« Insérer un article 84 (nouveau), qui est rédigé comme suit :

« Art. 84. ­ Le directeur des contributions ou le fonctionnaire délégué par lui statue sur les réclamations en tant qu'autorité administrative. »

Justification

À la suite à l'arrêt nº 67/98 que la Cour d'arbitrage a rendu le 10 juin 1998, le présent amendement vise à consacrer l'interprétation selon laquelle la procédure de réclamation existante constituait, déjà avant l'adoption de la présente loi, un recours administratif devant une autorité administrative.

Le ministre précise qu'il s'agit de tirer les renseignements de l'arrêt R. Walgraffe : la disposition proposée stipule que le directeur statue en tant qu'autorité administrative. Il est clair qu'il ne s'agit donc plus d'un recours juridictionnel.

L'amendement nº 98 du gouvernement est adopté à l'unanimité des 9 membres présents.

Article 85

Le gouvernement dépose un amendement nº 110, qui vise à :

« Ajouter un article 85 (nouveau), libellé comme suit :

« Art. 85. ­ Le Roi est habilité à modifier la législation fiscale fédérale, par arrêté délibéré en Conseil des ministres aux fins de modifier les références que fait cette législation aux dénominations des administrations fiscales, des fonctions et des grades de certains agents du ministère des Finances.

Les arrêtés royaux pris en vertu de l'alinéa 1er feront l'objet d'un projet de loi de confirmation qui sera soumis immédiatement aux Chambres législatives et déposé à la Chambre des représentants. »

Justification

Le présent amendement vise à habiliter le Roi à procéder aux adaptations terminologiques que nécessitent la restructuration des administrations fiscales et la modification de l'intitulé de certains grades, intervenue dans le cadre de la simplification de la carrière de certains agents du ministère des Finances (voir les arrêtés royaux du 6 juillet 1997, publiés au Moniteur belge du 31 juillet 1997, 2e édition).

Le ministre explique que tous les textes légaux actuels se réfèrent encore aux contributions directes, à la TVA, etc. L'amendement habilite le Roi à modifier la législation fiscale fédérale par arrêté délibéré en Conseil des ministres, aux fins de modifier les références que fait cette législation aux dénominations des administrations fiscales, les fonctions et les grades de certains agents du ministère des Finances.

D'après le ministre, l'habilitation demandée est extrêmement limitée. Elle est destinée à mettre en concordance les textes légaux par rapport à la restructuration des administrations fiscales, actuellement en phase de finalisation, les arrêtés royaux devant être publiés pour la fin de cette année.

M. Hatry trouve quand même cette habilitation importante surtout en ce que, bien qu'il existe des procédures syndicales, que l'accord de la Fonction publique est nécessaire, etc., elle touche aussi aux fonctions et grades de nombreux agents du ministère des Finances.

De plus, le commissaire voudrait savoir ce que le ministre entend par « immédiatement ». Il apprécie modérement les mots « déposé à la Chambre des représentants ».

Le ministre répond qu'il remplacera ces mots par les « Chambres législatives ».

L'amendement nº 110 du gouvernement est adopté à l'unanimité des 9 membres présents.


V. DISCUSSION DES ARTICLES DU PROJET DE LOI RELATIVE À L'ORGANISATION JUDICIAIRE EN MATIÈRE FISCALE (1-967/1)

Articles 1er à 3

Pas d'amendements.

Ces articles sont adoptés à l'unanimité des 9 membres présents.

Article 4

M. Delcroix introduit un amendement nº 10, libellé comme suit :

« À cet article, remplacer l'article 569, premier alinéa, 32º, proposé du Code judiciaire, par la disposition suivante :

« 32º des contestations relatives à l'application d'une loi fiscale ou à l'opportunité d'une sanction administrative fiscale. »

Justification

Voir la justification de l'amendement nº 38 (doc. Sénat, nº 1-966/5).

L'auteur déclare que cet amendement tend à ce que le juge statue également sur la sanction administrative.

Le ministre déclare que, sur le fond, il est entièrement d'accord avec cet amendement. Il pense toutefois que l'amendement est inutile parce que par les mots « des contestations relatives à l'application d'une loi fiscale », on vise la totalité des lois touchant à l'impôt y compris les amendes, les sanctions administratives, les décisions sur recours « gracieux », etc.

D'après le ministre, cette explication devrait permettre de ne pas retenir l'amendement.

Après l'explication du ministre, M. Delcroix retire son amendement.

L'article 4 est adopté à l'unanimité des 9 membres présents.

Article 5

M. Vandenberghe introduit un amendement nº 1, visant à :

« Compléter cet article par la disposition suivante : « À l'article 609 du même Code, le 5º, ce point ayant été abrogé par l'article 14, 5º, de la loi du 24 décembre 1996, lui-même annulé par l'arrêt nº 30/98 du 18 mars 1998 de la Cour d'arbitrage, est abrogé. »

Justification

Voir la justification de l'amendement nº 1 au projet de loi relative au contentieux en matière fiscale (doc. Sénat nº 1-966/2).

L'amendement est rejeté par 6 voix contre 3 et 2 abstentions.

L'article 5 est adopté par 7 voix et 2 abstentions.

Article 5bis

Le gouvernement dépose d'abord un amendement nº 22, libellé comme suit :

« Insérer un article 5bis (nouveau) rédigé comme suit :

« Art. 5bis. ­ L'article 617 du même Code, modifié par la loi du 29 novembre 1979 et par la loi du 11 juillet 1994, est complété par l'alinéa suivant :

« Les jugements rendus par le tribunal de première instance dans des contestations relatives à l'application d'une loi d'impôt sont toujours susceptibles d'appel. Le requérant peut soumettre à la cour d'appel des griefs qui n'ont été ni formulés dans la requête auprès du tribunal de première instance, ni examinés d'office par lui, pour autant qu'ils invoquent une contravention à la loi ou une violation des formes de procédure prescrites à peine de nullité. »

Justification

L'article 617, alinéa 1er , du Code judiciaire dispose que les jugements du tribunal de première instance qui statuent sur une demande dont le montant ne dépasse pas 75 000 francs, sont rendus en dernier ressort.

L'article 557 du Code judiciaire précise que le montant de la demande s'entend du « montant réclamé dans l'acte introductif d'instance ».

L'application de cette règle pose bien sûr problème en matière d'impôts sur les revenus, dans la mesure où ni le montant enrôlé ni le montant de l'impôt avant imputation ne constitue un indicateur valable de l'importance réelle du litige fiscal.

Il est dès lors proposé de prévoir une dérogation à l'article 617 du Code judiciaire, en ce qui concerne les contestations visées à l'article 569, alinéa 1er , 32º, du Code précité.

L'article 617, alinéa 2, du Code judiciaire prévoit déjà une telle dérogation pour les jugements rendus par le tribunal du travail.

Compte tenu de la suppression de la limitation originairement prévue des griefs pouvant être invoqués par le contribuable devant le tribunal de première instance (voir à ce propos l'amendement du gouvernement relatif à l'article 8 du projet), il est par ailleurs proposé de prévoir cette limitation au niveau du recours en appel.

Le ministre déclare retirer en partie cet amendement. Il explique qu'il était inspiré de la volonté de rompre avec le passé puisque l'idée initiale était qu'on ne pouvait faire valoir ses griefs qu'une seule fois. Le ministre a fait examiner les raisons pour lesquelles on avait introduit cette règle en matière fiscale. À l'origine (avant 1893), le contentieux des impôts directs avait essentiellement un caractère politique, puisqu'il était lié au droit de vote et au droit d'être élu (vote censitaire). Les contribuables du XIXe siècle protestaient contre une insuffisance d'imposition qui les excluait du droit de vote et du droit d'éligibilité et non pour cause de surtaxe.

Par conséquent, à l'époque, ce contentieux était lié au contentieux politique comme les litiges en matière électorale. C'est la raison pour laquelle il fallait une décision rapide. L'origine de l'interdiction de faire valoir des griefs nouveaux se trouve là.

Toutefois, une limitation du droit d'invoquer des griefs nouveaux est surannée, de plus, l'on s'est rendu compte que le mot « grief » dans une procédure judiciaire est un mot mal adapté puisqu'il relève davantage du contentieux administratif. Au niveau judiciaire, par contre, on fait valoir des moyens, des arguments, mais pas des griefs. De plus, le droit commun (le Code judiciaire) permet déjà une analyse très souple de la manière dont on peut faire valoir pour la première fois des arguments en degré d'appel.

Par conséquent, si l'on applique le droit commun, c'est-à-dire le Code judiciaire, la seule chose importante est l'identification de l'objet du litige.

L'article 807 du Code judiciaire permet ensuite que l'on étende la demande, qu'on la modifie quant à son objet et que l'on fasse valoir des arguments différents.

En conclusion, le ministre propose que l'on se tienne au droit commun et notamment à l'article 807 du Code judiciaire sans limiter au niveau de l'appel le droit d'invoquer de nouveaux griefs.

Un commissaire demande si, dans la pratique, cela implique que ce que le ministre voulait réaliser par l'insertion de cet article 5bis , est déjà possible.

Le ministre répond par l'affirmative. Le préopinant suppose que l'amendement nº 22 devient donc superfétatoire.

Le ministre indique toutefois que tel n'est pas le cas pour la première phrase de la disposition proposée. Il faut évidemment que l'on permette qu'il y ait appel dans tous les cas et pas seulement lorsque le litige dépasse en montant 75 000 francs.

À cet effet, le gouvernement dépose un sous-amendement nº 33 à son amendement principal nº 22 :

« À l'article 617, nouvel alinéa, proposé du Code judiciaire, supprimer la deuxième phrase. »

M. Hatry avait également déposé un sous-amendement à l'amendement nº 22 du gouvernement, portant le numéro 29. Il est libellé comme suit :

« Dans l'alinéa proposé, supprimer les mots « pour autant qu'ils invoquent une contravention à la loi ou une violation des formes de procédure prescrites à peine de nullité. »

Justification

L'économie générale de la réforme est de permettre au contribuable de faire valoir des griefs nouveaux aussi bien devant le directeur des contributions que devant les juridictions de l'ordre judiciaire. L'esprit de la réforme est de faire en sorte que le débat devant ces juridictions soit total et puisse porter sur tous les éléments de la taxation. Dans ces conditions, il n'y a pas lieu de limiter la nature des griefs qui peuvent être invoqués devant les tribunaux.

M. Hatry explique que le gouvernement, dans son sous-amendement nº 33, propose de supprimer l'entièreté de la deuxième phrase, et va donc encore plus loin, et, tenant compte de l'explication du ministre, il retire son amendement nº 29.

L'amendement nº 22 du gouvernement, ainsi que le sous-amendement nº 33 du gouvernement à l'amendement nº 22, sont adoptés à l'unanimité des 9 membres présents.

Un article 5bis est donc inséré dans le projet.

Article 6

À cet article, le gouvernement dépose l'amendement nº 23, libellé comme suit :

« Dans le texte français de l'article 632, proposé, remplacer les mots « le litige » par les mots « la contestation. »

Justification

Le présent amendement vise à harmoniser la terminologie utilisée dans le projet.

Le ministre précise que cet amendement est de pure forme.

M. Coene dépose l'amendement nº 4, qui est rédigé comme suit :

« À cet article, remplacer les mots « de la cour d'appel » par les mots « du tribunal de première instance de l'arrondissement judiciaire. »

Justification

L'organisation des futures chambres fiscales au sein des sections civiles des tribunaux de première instance compétents au niveau de la cour d'appel serait très préjudiciable aux habitants de certaines provinces (notamment les provinces de Limbourg, Namur, Flandre occidentale et Luxembourg). Chaque fois que son dossier fiscal sera examiné, même en première instance, le justiciable devra effectuer des déplacements proportionnellement beaucoup trop longs.

Il serait dès lors opportun de limiter la compétence territoriale et d'organiser les chambres fiscales dans les tribunaux de première instance au niveau des arrondissements judiciaires, et non au niveau des cours d'appel.

L'auteur fait remarquer que son amendement vise à résoudre un problème organisationnel. Il estime qu'une certaine décentralisation pourrait également être utile à une meilleure répartition du travail. Voilà ce qui justifie son amendement.

Le ministre ne partage pas cette crainte; la logique de la réforme de l'organisation judiciaire en matière fiscale suppose que les nouveaux magistrats soient nommés à la dimension du ressort de la cour d'appel, mais ne siègent pas seulement au siège de la cour d'appel.

Ainsi, il est parfaitement possible que, tout en posant le principe de la compétence exclusive du juge qui siège au siège de la cour d'appel, l'on puisse organiser les séances par section et que les juges siègent de façon itinérante là où les besoins sont les plus importants.

Le ministre estime qu'un tel besoin existe certainement pour le ressort de la cour d'appel d'Anvers, pour laquelle il y aura sans doute très vite une section fiscale à Hasselt. En ce qui concerne le ressort de la cour d'appel du Hainaut, il pourrait y avoir une section à Charleroi. Pour la province de Luxembourg, l'éloignement de Liège va sans doute amener la création d'une section à Arlon ou à Neufchâteau.

Le ministre invite à tenter d'abord l'expérience, que l'on constate les besoins et, vraisemblablement, l'on arrivera alors à une organisation par section. Ceci permettrait un fonctionnement souple et efficace puisque c'est le même juge qui se déplace plutôt que le contribuable. Ce système permettrait également d'éviter de nommer des juges dans chaque arrondissement judiciaire avec un risque inhérent de déspécialisation pour les petits arrondissements. D'un autre côté, il n'est pas bon non plus d'avoir un seul juge, parce que si celui-ci a établi une jurisprudence (d'airain), il n'y a plus moyen de la changer, tandis qu'en ayant une centralisation par ressort de cour d'appel et des sections, l'on résout les deux problèmes en même temps.

À la suite de l'explication du ministre, qu'il estime satisfaisante, M. Coene retire son amendement nº 4.

L'amendement nº 23 du gouvernement est adopté à l'unanimité des 9 membres présents.

L'article 6, tel que modifié, est adopté à l'unanimité des 9 membres présents.

Article 7

L'amendement nº 24 du gouvernement propose de supprimer cet article.

Justification

Lors de leur audition par la commission des Finances, les représentants du Barreau de Bruxelles ont montré que la modification que l'article 7 du projet proposait d'apporter à l'article 728 du Code judiciaire, était en fait sans objet.

Conformément aux règles de droit, confirmées par la doctrine et la Cour de cassation, tout fonctionnaire dûment habilité par l'autorité compétente à représenter l'État est en réalité organe de l'État. C'est l'État qui s'exprime par son intermédiaire.

Il s'indique dès lors de supprimer l'article 7 du projet.

Le ministre explique qu'il s'agit d'une application classique de la théorie de l'organe. L'on n'est pas ici devant la désignation d'un mandataire. Il rappelle que la disposition prévue à l'article 7 du projet stipulait que le ministre des Finances peut se faire représenter par le fonctionnaire qu'il désigne. Or, l'État ne se fait pas représenter par ses fonctionnaires. Il n'est pas le mandant de ses fonctionnaires. En réalité, c'est l'État qui est à la barre par la voix de ses fonctionnaires et le ministre peut désigner, de façon interne, le fonctionnaire qui est chargé de le représenter. Il n'a pas besoin d'une habilitation légale pour ce faire. Le gouvernement estime en conséquence que l'article 7 du projet est sans utilité.

Un membre estime que le texte de l'article 7 tel que prévu par le projet était extrêmement limité puisqu'il se bornait aux contestations visées à l'article 569, alinéa 1er , 32º. Par l'amendement nº 24, le gouvernement tombe dans l'autre extrême puisque, maintenant, l'État peut être présent partout par ses fonctionnaires et par le représentants du contribuable.

M. Hatry dépose l'amendement nº 14 suivant :

« Compléter l'article 728, § 2bis, proposé du Code judiciaire par un second alinéa, libellé comme suit :

« À la demande expresse du contribuable ou de son avocat, formée par voie de conclusions, le juge peut entendre en ses explications écrites ou verbales à l'audience l'expert comptable ou le réviseur d'entreprise choisi par le contribuable. L'assistance de l'expert comptable ou du réviseur d'entreprise est soumise à l'appréciation du juge qui apprécie l'opportunité de procéder à semblable consultation qui ne peut porter que sur des éléments de fait ou sur des questions relatives à l'application du droit comptable. »

Justification

Le présent amendement vise à garantir l'égalité des parties au cours de la procédure juridictionnelle devant les tribunaux de première instance. Comme l'a indiqué la jurisprudence de Strasbourg, « l'élément fondamental du droit à un procès équitable est l'exigence que chacune des parties, c'est-à-dire tant le demandeur que le défendeur, dispose de possibilités suffisantes, équivalentes et adéquates de prendre position sur les points de droit et de fait, et que l'une des parties ne soit pas défavorisée par rapport à l'autre ».

Principe de base de la justice, ce principe de l'égalité des armes n'est, en l'occurrence, pas respecté. Devant la commission des Finances de la Chambre (doc. nº 1341/17, 97/98, p. 118), le ministre des Finances a indiqué que « l'État pourra se faire représenter soit par un avocat, comme le prévoit le droit commun, soit par un fonctionnaire (juriste) de l'administration fiscale, choisi en fonction de critères d'efficacité. Tout naturellement, l'administration désignera le fonctionnaire qui apparaît comme le mieux à même de défendre les intérêts du Trésor. Dans la plupart des cas, il s'agira donc du fonctionnaire qui aura établi la taxation dans le dossier considéré ». À moins qu'il ne désire comparaître en personne, le contribuable n'aura, quant à lui, pas d'autre alternative que de recourir aux services d'un avocat.

Sans vouloir faire obstacle aux dispositions de l'article 440 du Code judiciaire, (l'amendement prévoit d'ailleurs que l'avocat doit lui-même décider si l'assistance d'un expert-comptable est opportune ou non !), il convient d'être attentif au fait que le juge fiscal sera généralement appelé à trancher le litige en présence du fonctionnaire qui a traité le dossier et dont les connaissances pointues en technique fiscale et comptable ne sont plus à démontrer.

Dès lors, même si le respect des règles formelles est un élément essentiel de la procédure devant les tribunaux, il ne peut être contesté que la juste défense des intérêts du contribuable passe également par un argumentaire précis, technique et correct qui, dans la grande majorité des cas, reposera nécessairement sur des connaissances pointues en matière comptable.

Cette assistance du contribuable par son expert-comptable ou son réviseur d'entreprise est manifestement d'importance. Mais c'est au juge chargé du règlement du litige qu'il appartiendra d'apprécier si le litige porte à suffisance sur des éléments de fait et sur des questions relatives au droit comptable pour permettre l'assistance souhaitée.

Qu'elle intervienne au cours de la procédure écrite ou lors de la comparution devant les chambres fiscales des tribunaux de première instance, cette assistance s'avérera précieuse au contribuable, sachant que son expert-comptable est, dans les faits, le gestionnaire habituel du dossier (objet du litige), qui en assure la défense au cours de la phase administrative. Elle le sera d'autant plus lorsque les tribunaux de première instance constitueront le premier niveau de pleine jurisprudence devant lequel il sera possible d'introduire l'ensemble des griefs nouveaux, même non invoqués antérieurement dans la réclamation, et de mener un débat contradictoire (voir amendement distinct sur ce dernier point).

L'auteur estime que malgré le retrait par le gouvernement du texte de l'article 7 du projet initial, cet amendement reste valable et pourrait devenir un nouvel article 7.

Un membre déclare n'avoir aucune objection de principe à l'instauration d'un droit de se faire assister par un spécialiste. Il estime toutefois qu'en pratique, l'amendement nº 14 est superflu. Tout d'abord, les juges seront spécialisés dans les questions fiscales et maîtriseront donc mieux la matière. Ensuite, chaque partie se fait déjà assister par un expert et il est impossible que cet expert vienne contredire son propre rapport écrit, joint au dossier, s'il doit comparaître à l'audience devant le juge pour se défendre verbalement. De plus, en cas de doute sérieux, le juge ne manquera pas de désigner d'office un autre expert, neutre, qui contrôlera les pièces des experts des parties. Pour toutes ces raisons, l'amendement nº 14 paraît superflu.

Un autre commissaire considère pour sa part que si cet amendement est superflu, il ne peut par conséquent pas faire de mal. L'intervenant estime qu'un des principaux problèmes provoqué par la législation fiscale belge, et qui est la cause d'un certain manque de civisme fiscal, tient au sentiment qu'a le citoyen de ne pas être traité sur pied d'égalité avec l'administration tout au long de la procédure. Il est dès lors essentiel de prévoir vis-à-vis du contribuable des structures et des procédures lui donnant le sentiment d'avoir les mêmes droits de la défense que l'administration. Si donc le ministre des Finances peut se faire représenter devant le tribunal par un expert, fut-il fonctionnaire, l'intervenant ne voit pas pourquoi on refuserait ce même droit au contribuable. Les amendements nºs 14 et 15 de M. Hatry proposent à cet égard une excellente solution. C'est en fin de compte le juge qui apprécie l'opportunité d'entendre l'expert. La formulation des amendements est suffisamment prudente pour éviter les abus.

Un autre membre ne peut se rallier entièrement au raisonnement qui vient d'être tenu. Si l'on affirme que le contribuable doit être traité sur pied d'égalité avec l'administration fiscale pour ce qui est du droit de se faire représenter par un expert, il faut savoir que le fonctionnaire en question doit être considéré non pas comme un expert, mais bien comme un organe de l'État. Au tribunal, le fonctionnaire fait face au contribuable. Le fonctionnaire peut, à l'instar du contribuable, prendre la parole en personne, mais il peut aussi, à l'instar du contribuable, se faire représenter par un avocat.

Le préopinant reconnaît que l'intervenant précédent a raison sur le plan juridique formel. L'important ici est toutefois la perception qu'en a le citoyen. Et celle-ci se heurte au principe qui veut que le fonctionnaire agit au nom du ministre. Le citoyen a, à tout le moins, l'impression de ne pas être traité sur un pied d'égalité. Les amendements nºs 14 et 15 permettent de remédier à ce problème sans remettre en question le fondement du système.

Un autre membre estime aussi, ayant entendu les arguments du préopinant ainsi que ceux des conseils fiscaux lors des auditions, qu'il serait indiqué du point de vue psychologique qu'une disposition de ce genre soit insérée dans le Code de procédure fiscale. Effectivement, le contribuable a un peu trop le sentiment qu'il a affaire à un Goliath. Tenant compte de toutes les précautions prévues à l'amendement, personne ne peut vraiment objecter quant à la procédure, quant aux droits acquis, quant au monopole de la plaidoirie, etc.

Le ministre déclare qu'à en croire ses fonctionnaires, le David des contribuables est le Goliath pour l'administration surtout face à des avocats réputés.

Le ministre explique que sa position est la suivante. D'abord, il croit évidemment que pour toute règle de procédure, son objet est d'établir l'égalité entre les parties. Il faut assurer l'égalité des armes, la procédure est la béquille du faible face au fort.

Deuxièmement, bien que l'amendement nº 14 fasse preuve de beaucoup de précautions, beaucoup de prudence et de beaucoup de restrictions, il n'en reste pas moins que l'on touche ici à un problème qui dépasse de très loin l'égalité entre l'État et le contribuable, et, atteint, dans le monde judiciaire, le principe du monopole de plaidoirie des avocats.

Troisièmement, l'amendement risque d'allumer une guerre entre les diverses professions de conseil fiscal. De plus, le ministre estime que l'on ne peut pas admettre que le réviseur d'entreprise intervienne comme conseil de l'entreprise puisque le rôle même du réviseur d'entreprise et l'indépendance dont il doit témoigner, l'exclut du rôle de défenseur d'une cause particulière. D'après le ministre, défendre une cause revient à plaider une cause, à s'engager, et donc à ne pas être un expert objectif. De plus, à l'intérieur de ces professions, le réviseur d'entreprise ne pouvant pas représenter le contribuable, l'amendement nº 14 ne vise que l'expert comptable. Cela implique que l'on va favoriser les experts comptables au détriment des conseils fiscaux et des comptables agréés.

Quatrièmement, dans la pratique, par exemple dans un procès concernant des vices de construction d'un immeuble, un expert judiciaire peut-être désigné, et puis, chacune des parties a son propre conseil technique. L'affaire vient devant le tribunal et les parties demandent que l'on entende soit l'expert soit les conseils techniques des parties. Le juge les entend à titre d'information. Et le ministre d'ajouter qu'il est favorable à ce que l'on encourage ce système en matière fiscale.

Le juge, à titre de renseignements, peut autoriser chaque partie d'être, non pas assistée, mais accompagnée de son conseil fiscal, de son expert comptable, etc. et qu'ils puissent s'exprimer. D'après le ministre, ce système serait d'ailleurs intéressant dans l'intérêt du contribuable. Lorsque l'expert comptable sera interrogé par le juge sur la manière dont il a tenu la comptabilité de son client, sur la manière dont il a rédigé les différentes déclarations, il va se sentir obligé de donner un certain nombre d'éléments qu'il n'aurait pas nécessairement expliqué à son client.

Le ministre conclut que, par conséquent, ce débat est plus théorique que pratique. Dans la pratique, lorsqu'il n'y aura pas d'avocat parce que le contribuable fait l'économie des frais d'avocats, l'on va aboutir à ce que le contribuable vienne accompagné de son (expert-)comptable, et, à un certain moment, il demandera au juge si celui-ci peut donner des explications ou répliquer. Le ministre pense qu'un rejet par le juge d'une telle demande sera tout à fait exceptionnel.

Le ministre craint qu'en touchant au monopole de plaidoirie des avocats, l'on provoque des conflits importants entre avocats et titulaires d'une profession comptable, d'une part, et entre les professions comptables, d'autre part.

M. Hatry estime être en mesure de rencontrer toutes les objections que vient de relever le ministre. D'abord, pour le commissaire, il n'y a pas lieu d'exclure les réviseurs d'entreprise. Il souligne que d'après son amendement nº 14, la consultation « ne peut porter que sur des éléments de fait (or, c'est le rôle du réviseur d'enregistrer des faits) ou sur des questions relatives à l'application du droit comptable », ce qui correspond précisément au rôle du réviseur d'entreprise. Ce serait donc une erreur d'exclure les réviseurs d'entreprise. La limitation prévue in fine de l'amendement nº 14 a précisément pour but de permettre aux réviseurs d'entreprise d'être entendus.

En ce qui concerne les querelles que l'amendement pourrait provoquer entre les professionnels de la comptabilité, il est inexact que l'amendement exclut les conseillers fiscaux et les fiscalistes agréés. Les conseillers fiscaux font partie du groupe des experts comptables et, d'autre part, les fiscalistes agréés font partie des comptables professionnels. Les deux catégories de fiscalistes sont insérées dans l'Institut des experts-comptables, d'une part, et dans l'Institut professionnel des comptables, d'autre part.

Il est exact toutefois que l'énumération des professions à l'amendement nº 14 est incomplète. Il convient d'ajouter « le comptable professionnel ».

D'un autre côté, l'amendement nº 14 ne porte pas atteinte au monopole de la plaidoirie puisque c'est « à la demande expresse du contribuable ou de son avocat » que le juge peut entendre les spécialistes concernés. Par conséquent, l'avocat lui-même peut évaluer s'il a besoin de la présence de l'expert comptable, du comptable professionnel ou du réviseur d'entreprise. De plus, le juge a l'occasion d'entendre des experts, il peut toutefois juger que ce n'est pas utile, ni nécessaire, ni opportun, etc.

En outre, l'auteur de l'amendement trouve que dans un état où le citoyen a de plus en plus peur de l'intervention publique, l'amendement constitue un moyen de lui faire comprendre qu'après tout l'on légifère aussi en sa faveur dans une matière qui est importante pour tout le monde.

Le ministre estime que l'expression nuancée que le préopinant vient d'utiliser correspond à la pratique existante. Le texte de l'amendement est d'ailleurs plus restrictif que dans la pratique puisqu'il prévoit les mots « formée par voie de conclusions ». Or, actuellement le juge peut entendre n'importe quelle personne à titre de renseignement et sur simple demande verbale.

D'un autre côté, les mots « l'assistance de » posent un gros problème. La notion d'assistance s'écarte de l'audition à titre de renseignement. Le ministre reste d'avis que le réviseur d'entreprise n'assiste pas l'entreprise. La loi lui confie une mission de contrôle dans l'intérêt général et au nom de l'assemblée générale des actionnaires.

Par conséquent, le mot « assistance » glisse vers des moyens de défense qui n'ont plus rien à voir avec l'égalité des armes entre les citoyens et l'État. Cette notion risque de modifier une des données essentielles de notre système judiciaire et à savoir, ou bien l'on plaide soi-même, ou bien par l'intermédiaire d'un avocat.

Suite à cet échange de vues, M. Hatry dépose un sous-amendement nº 34 à son amendement nº 14. Il est libellé comme suit :

« Dans le texte de l'article 728, § 2bis, second alinéa, proposé, apporter les modifications suivantes :

A) Entre les mots « l'expert comptable » et les mots « ou le réviseur d'entreprise », insérer les mots « le comptable professionnel »;

B) Remplacer les mots « L'assistance de » par les mots « Le recours à. »

Justification

A) Afin de ne pas créer de discrimination « par oubli » entre les diverses professions comptables auxquelles un contribuable peut faire appel, il s'indique de rajouter la catégorie des comptables professionnels.

B) En remplaçant le mot « assistance » par un mot plus neutre, le sous-amendement entend renforcer l'idée que la suggestion émise par l'amendement n'a nullement pour but de porter atteinte au monopole de plaidoirie de l'avocat qui reste le seul à pouvoir « assister » judiciairement le contribuable.

L'auteur pense que par ce sous-amendement, la dernière objection du ministre tombe.

Un membre considère que ces amendements sont un bel exemple de l'inflation réglementaire qui est universellement condamnée. Il répète que la pratique permet déjà de faire ce que visent ces amendements.

M. Hatry dépose également un amendement subsidiaire nº 15 à son amendement nº 14.

« Compléter l'article 728, § 2bis, proposé du Code judiciaire par un second alinéa, libellé comme suit :

« Dans ce cas, à la demande expresse du contribuable ou de son avocat, formée par voie de conclusions, le juge peut entendre en ses explications écrites ou verbales à l'audience l'expert comptable ou le réviseur d'entreprise choisi par le contribuable. L'assistance de ce conseil technique est soumise à l'appréciation du juge qui vérifiera, en l'espèce, si le ministre des Finances se fait représenter par un fonctionnaire et si l'assistance porte, en tout ou en partie sur les éléments de fait ou sur des questions relatives à l'application du droit comptable. »

Justification

Idem que pour l'amendement principal, si ce n'est que le conseil technique du contribuable ne peut intervenir que dans les seuls cas où le ministre des Finances est représenté en justice par un fonctionnaire de son département.

L'auteur fait valoir que cet amendement constitue une restriction supplémentaire par rapport à l'amendement principal. Si l'État ne juge pas opportun d'être représenté par un fonctionnaire, le contribuable aussi se contentera de son seul avocat.

Au vu de l'amendement nº 14 de M. Hatry, M. Coene retire son amendement nº 5 (voir doc. Sénat, nº 1-967/4).

M. Hatry dépose un deuxième sous-amendement (nº 35) à son amendement pricipal nº 14 :

« Le texte de l'amendement nº 14 est complété par un second alinéa, libellé comme suit :

« L'expert comptable, le comptable professionnel ou le réviseur d'entreprise visé à l'alinéa précédent s'entend de la personne qui s'occupe habituellement de la comptabilité du contribuable, ou qui a contribué à l'élaboration de la déclaration fiscale litigieuse, ou qui est intervenue aux côtés du contribuable dans la procédure de réclamation administrative. »

Justification

L'amendement nº 14 n'a pas pour but de faire entendre par le tribunal ­ pour autant que celui-ci estime cette audition opportune et conforme aux conditions précisées dans l'amendement ­ un spécialiste de la comptabilité choisi par le contribuable aux seule(s) fins du litige judiciaire. En réalité, ce qui intéressera généralement le tribunal, c'est d'entendre la ou les personnes qui ont participé activement aux écritures comptables ou à l'élaboration de la déclaration fiscale litigieuse et qui, seules, sont susceptibles d'expliquer au tribunal le pourquoi de ces opérations ou écritures.

Le recours à l'expert ne doit donc pas s'apparenter à une consultation d'un « jurisconsulte comptable » spécialement appelé par le contribuable pour les besoins de la cause judiciaire. Il s'agit d'autoriser à s'expliquer ceux qui sont réellement impliqués dans le processus de taxation pour y avoir participé à un moment quelconque précédant l'intentement de l'action judiciaire.

C'est ce que tend à expliciter et préciser le présent sous-amendement en interprétant restrictivement la notion de « conseil technique » du contribuable.

L'auteur souligne que cet amendement vise à lever les dernières réserves que le ministre avait formulées vis-à-vis de son amendement nº 14.

Le ministre reconnaît que l'amendement nº 35 répond maintenant à toutes les objections qu'il avait formulées. La seule question qui reste ouverte est de savoir si les conditions précises de cette disposition ne sont pas finalement plus restrictives par rapport aux pouvoirs que le Code judiciaire reconnaît aujourd'hui au juge d'entendre, à titre de renseignement, qui il veut.

L'auteur ajoute que son amendement évite au moins l'élargissement de la procédure à des tiers. Si le juge souhaite entendre encore un quelconque expert, rien dans l'amendement ne l'empêche de le faire.

Le ministre confirme que le sous-amendement nº 35 de M. Hatry à son amendement nº 14 rend acceptable cet amendement pour le gouvernement. Il s'agit de la possibilité pour le juge d'entendre à titre de renseignement l'expert comptable, le comptable professionnel ou le réviseur d'entreprise, dans le cadre de la procédure judiciaire mais non pas à titre de plaideur ou en qualité d'avocat.

Puisque le gouvernement accepte son amendement nº 14 tel que sous-amendé par les amendements nºs 34 et 35, M. Hatry retire son amendement nº 15, amendement subsidiaire à son amendement nº 14.

Les sous-amendements nºs 34 et 35, ainsi que l'amendement principal nº 14, sont adoptés à l'unanimité des 9 membres présents.

L'amendement nº 24 du gouvernement est adopté à l'unanimité des 9 membres présents.

L'article 7, ainsi modifié, est adopté à l'unanimité des 9 membres présents.

Article 8

Le président fait remarquer que bon nombre d'amendements à cet article ont été retirés.

M. Coene dépose un amendement nº 6 qui est rédigé comme suit :

« Remplacer cet article par le texte suivant :

« Art. 8. ­ Au livre IV de la quatrième partie du même Code, il est inséré un chapitre XXIV contenant l'article 1385decies, et rédigé comme suit :

« Chapitre XXIV. ­ Des litiges concernant l'application d'une loi d'impôt.

Art. 1385decies. ­ Contre l'administration fiscale, et dans les contestations visées à l'article 569, alinéa 1er , 32º, la demande est introduite par requête contradictoire.

Le titre Vbis du livre II de la quatrième partie est d'application, à l'exception des articles 1034ter, 3º, et 1034quater.

Une copie de la décision contestée doit être jointe à chaque exemplaire de la requête ou de la citation, à peine de nullité. »

Justification

En matière d'impôts sur les revenus, le contribuable ne peut introduire une demande devant le tribunal qu'une fois les procédures administratives épuisées. La demande ne sera en effet admissible que si le demandeur a introduit le recours administratif organisé par ou en vertu de la loi et qu'il a été statué sur ce recours. En ce qui concerne les impôts sur les revenus, cela signifie que le contribuable doit avoir introduit une réclamation et que le directeur régional ou que l'agent qu'il a délégué a statué sur cette réclamation. Le directeur régional dispose en tout état de cause d'un délai de vingt-quatre mois au moins pour prendre une décision.

En ce qui concerne la TVA également, une action ne pourra être introduite qu'après épuisement de toute la procédure administrative. Quant à savoir si cette disposition pourra se concilier avec les règles spécifiques régissant la TVA, c'est une autre histoire. En matière de TVA, l'assujetti ne dispose en effet pas formellement de voies de recours, dès lors qu'il n'est pas possible d'introduire de réclamation. Après signification de la contrainte, l'assujetti doit saisir le tribunal.

Étant donné que l'objectif est de permettre des contrôles communs, on peut se demander si le tribunal attendra la décision du directeur régional des contributions directes pour statuer sur le litige portant sur la TVA. Le but était pourtant de ne pas alimenter l'arriéré judiciaire.

Le présent amendement tend à permettre au contribuable d'opter soit pour la procédure judiciaire soit pour le recours administratif.

Les contestations opposant le contribuable à l'administration qui résultent, par exemple, de l'introduction d'une déclaration erronée ou d'une erreur de calcul commise par l'administration peuvent en effet être facilement réglées par le biais de la procédure administrative.

On peut par ailleurs généralement s'attendre à ce que l'administration campe sur ses positions lorsqu'elle impose une cotisation spéciale au contribuable à la suite d'un contrôle approfondi le concernant. Aussi est-il préférable, dans ce cas, que ce dernier s'adresse immédiatement au tribunal.

Pourquoi ne pas laisser dès lors le contribuable choisir dès le départ entre les deux procédures, ce qui lui fera, en définitive, gagner beaucoup de temps ?

L'auteur renvoie à la discussion qui a eu lieu sur ce point au cours de la discussion générale. Les arguments du ministre concernant le passage obligé par l'administration, par le biais de la réclamation, ne l'ont toujours pas convaincu. Selon le membre, il est clair qu'en cas de litige portant sur des éléments de fait tels que des erreurs dans les chiffres ou des omissions, le contribuable ne s'adressera pas automatiquement au tribunal mais saisira plutôt l'administration concernée pour qu'elle fasse le nécessaire pour rectifier la déclaration ou la cotisation. Par contre, le membre ne perçoit pas clairement l'avantage du passage obligé par l'administration en cas de litige quant au fond concernant l'interprétation de la législation. De plus, ce système est désavantageux pour le contribuable, en ce sens qu'il le force à attendre six mois avant de pouvoir ester en justice, chose qu'il devra pourtant faire en tout cas. Il perd donc six mois.

Le commissaire ne voit dès lors pas très bien quels sont les avantages de ce système, hormis le fait qu'à défaut de procédure administrative, l'administration n'aura pas connaissance des réclamations du contribuable concerné et ne saura donc pas quels problèmes se posent dans le dossier. Il est pourtant facile d'y remédier en prévoyant que lorsque le contribuable engage une action en justice sans passer par l'administration fiscale conernée celle-ci doit recevoir copie des pièces du dossier. En ne suivant pas cette proposition l'on risque de retomber dans la situation où le contentieux prend des proportions énormes. Si l'on maintient le passage obligé par l'administration, tous les contribuables qui auront le moindre doute sur la manière dont la législation fiscale aura été appliquée à sa déclaration, introduira automatiquement une réclamation auprès de l'administration, dans le seul but de préserver leur droit de saisir ultérieurement le tribunal de première instance.

L'intervenant insiste une nouvelle fois pour que le ministre accepte de réexaminer ce point. La procédure prévue à l'article 8 du projet risque en effet de soulever davantage de problèmes qu'elle ne permettra d'en résoudre et ne servira en définitive à rien sinon à informer l'administration de l'existence d'un problème dans un dossier précis. De plus, l'amendement nº 6 permet de décharger l'administration des réclamations dans lesquelles la décision sur le fond appartient en définitive au tribunal. Les frais importants, qu'occasionne une procédure en justice pour le contribuable, constituent un frein permettant d'éviter que le nombre de recours formés devant ces tribunaux ne devienne excessif.

En ce qui concerne l'amendement nº 6 de M. Coene, le ministre entend répondre sur le plan du principe et sur le plan de la réalité. Sur le plan du principe, le ministre rappelle que la plupart des pays occidentaux connaissent un préalable administratif obligatoire parce que, dans la relation entre le contribuable et l'administration, il est bon que le dialogue ne s'arrête pas au moment de l'enrôlement. Dans la plupart des pays, ce point est réglé en deux stades successifs : d'abord, le « précontentieux », et puis le « contentieux administratif » qui permet d'introduire un recours auprès de l'administration. Le ministre souligne que, suite à l'arrêt R. Walgraffe, le recours auprès de l'administration ne peut plus être considéré comme un recours juridictionnel. Ce dialogue obligatoire avec l'administration n'est pas aussi inutile qu'il y paraît, puisque les statistiques montrent qu'il y a environ 180 000 réclamations par an et qu'il n'y a que 2 000 procédures judiciaires qui sont engagées. De là, l'on peut conclure que l'immense majorité des litiges est réglée au stade administratif. L'administration joue donc bien son rôle de filtre et à ce stade, le contribuable peut désigner comme mandataire un expert comptable, un comptable ou un réviseur d'entreprises.

La seule critique relative au contentieux au stade administratif est sa durée, qui était totalement entre les mains de l'administration. Cela permet à l'administration d'user du temps pour contraindre un accord. Dans l'esprit du ministre, cet élément de pression rompt l'équilibre. La nouvelle logique est celle du « permis de citer ». Le contribuable est obligé d'introduire un recours administratif qui constitue une espèce de conciliation obligatoire que l'on retrouve aussi dans d'autres matières judiciaires. Puis, à l'expiration du premier terme, le contribuable est seul maître de la décision. Pour le ministre, ce système n'aboutit pas à une perte de temps. Par contre, permettre au contribuable d'intenter tout de suite une procédure juridictionnelle, c'est se priver d'un premier temps de discussion où les parties échangent leurs arguments et moyens de preuve et qui font avancer les solutions.

Où M. Coene a raison, c'est sur des questions de droit, où il est évident que l'on va aboutir à la phase judiciaire. Le ministre se demande toutefois si c'est vraiment une perte de temps que de consacrer six mois à affiner ses arguments dans un dialogue préalable. De ce point de vue, les six mois constituent un délai raisonnable. Le ministre estime donc que la philosophie du système que propose le gouvernement, bien que différente de celle que propose M. Coene, rencontre les objections importantes qui ont été formulées par la commission. Il devrait permettre de solutionner la majorité des litiges au stade administratif.

L'auteur revient sur les statistiques selon lesquelles le nombre de réclamations introduites chaque année s'élève à 180 000 alors que seulement 2 000 dossiers aboutissent devant un juge. L'intervenant estime que ces chiffres donnent une bonne indication de la surcharge de travail qu'entraînera le passage obligé par l'administration. Il se demande quelle est la part de ces 180 000 réclamations qui sont introduites, seulement par mesure de précaution, et qui entraînent une charge de travail considérable pour l'administration, empèchant celle-ci de consacrer le temps qu'il faudrait au contrôle effectif des dossiers. Le ministre ne pourrait-il pas faire calculer le pourcentage de réclamations purement factuelles, le pourcentage de réclamations portant sur une question de fond, qui semblent n'être introduites que pour la forme et qui restent sans suite et, enfin le pourcentage de dossiers qui débouchent effectivement sur une saisine du tribunal ? L'intervenant doute que le filtrage grâce auquel seulement quelque 2 000 dossiers sont soumis aux tribunaux soit l'oeuvre de l'administration.

Le président fait valoir que cette discusion de principe a aussi eu lieu à la Chambre. Entretemps, le gouvernement a déposé l'amendement nº 25 (voir doc. nº 1-967/7, 1998-1999, pp. 3 et 4), ce qui explique pourquoi toute une série d'auteurs d'amendemnts ont retiré le leur.

M. Coene retire d'ailleurs son amendement nº 7 (voir doc. Sénat nº 1-967/4, 1998-1999, p. 3) pour le même motif).

Subsiste encore l'amendement nº 20 de M. Hatry libellé comme suit :

« Le texte de l'article 1385undecies, alinéa 3, proposé, est remplacé par ce qui suit :

« Par dérogation à l'alinéa 1er , la demande dont le juge est saisi peut être modifiée ou étendue à toute imposition nouvelle ultérieure basée sur les mêmes éléments contestés que ceux qui ont fait l'objet de la demande initiale.

Cette modification ou extension de la demande est formée par voie de conclusions nouvelles déposées aux greffes et communiquées aux autres parties, ainsi qu'il est dit aux articles 742 à 746. »

Justification

Cet amendement est subsidiaire à l'amendement principal qui vise à supprimer l'alinéa 3 de l'articles 1385undecies.

Dès le moment où l'ensemble de la procédure en matière fiscale est soumis aux tribunaux de l'ordre judiciaire, il va de soi que ce sont les règles du Code judiciaire qui doivent s'appliquer dans la manière de mener les débats (sections 2 et 3 du Titre II du Chapitre II du Code judiciaire).

En ce qui concerne l'amendement nº 20, le ministre indique que le gouvernement veut en revenir au droit commun (articles 1042 et 807 du Code judiciaire).

L'article 807 du Code judiciaire stipule que « La demande dont le juge est saisi peut être étendue ou modifiée, si les conclusions nouvelles, contradictoirement prises, sont fondées sur un fait ou un acte invoqué dans la citation, même si leur qualification juridique est différentes ».

La jurisprudence qui s'est développée et qui aboutit à une application extrêmement large et souple de cet article, de l'avis du ministre répond clairement à l'essentiel de l'amendement nº 20 puisque celui-ci prévoit que la demande puisse « être modifiée ou étendue à toute imposition nouvelle ultérieure basée sur les mêmes éléments contestés que ceux qui ont fait l'objet de la demande initiale ». Or, selon le ministre, la partie de phrase « basée sur les mêmes éléments contestés que ceux qui font l'objet de la demande (initiale) » est exactement la traduction de l'article 807 du code judiciaire puisque le fait générateur de l'action est le même fait dont un certain nombre d'éléments sont déduits. Quant à la question de savoir si l'on peut modifier ou étendre »à toute imposition nouvelle ultérieure », le ministre déclare que cela pose une autre question que la jurisprudence devra régler. L'article 807 du Code judiciaire n'exclut pas que l'on procède de cette façon. Le ministre se demande toutefois si le déroulement normal de la procédure va permettre que l'on s'écarte du principe de l'annalité de l'impôt. Par contre, pour les impôts indirects, et par exemple, en matière de TVA, l'on pourrait très bien arriver, en appliquant l'article 807, à soumettre la même question de principe, même relative à plusieurs opérations successives.

C'est certainement un problème en matière d'impôts directs. Il reste cette difficulté qu'alors on ne termine jamais le procès. Bien entendu, gagner le procès sur le point de principe pour une année, permet d'en tirer les conséquences pour les années ultérieures.

M. Hatry dépose un sous-amendement nº 30 à l'amendement nº 25 du gouvernement. Il est libellé comme suit :

« Compléter l'article 1385undecies proposé par un nouvel alinéa, rédigé comme suit :

« Le requérant peut soumettre au tribunal des griefs qui n'ont pas été formulés dans le cadre du recours administratif. »

Justification

L'article 5bis (nouveau) résultant de l'amendement nº 22 du gouvernement mentionne expressément la possibilité pour le requérant d'introduire pour la première fois devant la cour d'appel des griefs nouveaux dont le tribunal de première instance n'aurait pas été saisi.

Il s'indique dès lors de faire en sorte que cette possibilité d'invoquer des griefs nouveaux soit expressément consacré devant le tribunal de première instance, ce que ne fait pas expressément le texte de l'article 8 en projet.

Le ministre répète qu'il n'y a plus de limitation pour l'invocation de griefs nouveaux. Le principe général de droit permet que, devant son juge, le demandeur puisse utiliser des griefs qu'il n'a pas invoqués au stade de la réclamation. Le texte proposé par l'amendement nº 25 ne déroge pas au droit commun et permet que les griefs qui n'ont pas été invoqués au stade du le contentieux administratif le soient devant le tribunal de première instance.

Le ministre déclare qu'il n'est pas aussi pessimiste que l'auteur de l'amendement nº 6. Dans sa réponse, le ministre a utilisé deux termes qui ont une portée réelle en droit. Il s'agit, d'une part, du préalable de conciliation, et, d'autre part, du permis de citer sur lequel repose la procédure telle qu'il l'a proposée. Le préalable de conciliation, et donc le contentieux administratif, constitue une obligation pour le contribuable et l'administration de se parler. Même dans certains cas où le contribuable est une grande entreprise, il est parfois nécessaire de se parler et d'échanger les éléments de fait qui les séparent et même des éléments de droit. D'après le ministre, par ce préalable de conciliation, on peut arriver à limiter vraiment et même dans des dossiers importants, la phase contentieuse judiciaire à ce qui est le coeur du problème.

L'autre notion est celle du permis de citer. Le ministre est persuadé que, dans la pratique, même dans des litiges avec de grandes entreprises, le contribuable va préférér poursuivre la période de négociation au-delà des six mois parce qu'il a l'impression que l'on avance vraiment.

Un commissaire estime que, même si le régime proposé par le gouvernement tient compte de l'intérêt des deux parties, il appelle cependant quelques observations. Lorsque le ministre affirme qu'il faut trouver de nouvelles techniques administratives pour résoudre les problèmes et les intégrer dans une procédure, l'on peut se demander si l'administration fiscale est mentalement prête à passer d'un modèle plutôt conflictuel à un modèle de négociation.

Le contribuable pourra ester en justice au bout de six mois. L'administration, qui reçoit actuellement quelque 180 000 réclamations par an, devra donc prendre attitude dans les six mois sur environ 90 000 réclamations. Elle devra donc réussir à faire en six mois ce qu'elle n'a jamais réussi à faire par le passé, puisque 180 000 litiges sont pendants.

Le membre ne voit pas comment l'on pourra résoudre ce problème sans que les tribunaux de première instance ne soient saisis de dizaines de milliers de litiges au bout de 6, 9 ou 12 mois. Un afflux aussi massif risque de bouleverser toute l'organisation de ces tribunaux, dès lors que cela reviendrait ni plus ni moins à déplacer les problèmes de l'administration fiscale vers les tribunaux.

À propos de l'affirmation du ministre que le contribuable pourra avancer des éléments nouveaux devant le tribunal de première instance, l'intervenant formule deux réflexions. Si tel est effectivement le but poursuivi, il serait plus simple de faire référence à l'article correspendant du Code judiciaire plutôt que d'opter pour une disposition distincte prévoyant la même chose. La jurisprudence actuelle est telle que l'on ne peut invoquer, devant le juge, que des éléments nouveaux dont l'existence est liée à la demande. L'administration fiscale ne risque-t-elle pas, en cas de procédure devant un tribunal, d'abandonner les éléments contenus dans la réclamation pour invoquer des éléments nouveaux en vue de procéder à une imposition sur la base des signes et d'indices ? Cela risquerait d'engendrer un chantage permanent dans des milliers de dossiers. Comment le ministre compte-t-il parer à ce danger qui menacerait la réalisation de l'objectif du projet qui est de remplacer le modèle conflictuel par celui de la négociation, pour ce qui est de la recherche d'une solution.

En ce qui concerne la question de savoir si l'administration est capable d'intégrer une nouvelle logique, qui n'est plus une logique conflictuelle mais une logique de droit et de respect des droits, le ministre explique que la clé du système proposé est la responsabilisation des fonctionnaires. En raccourcissant les délais, ils seront responsabilisés davantage. Une des difficultés actuelles en matière de procédure fiscale est que trop souvent le fonctionnaire taxateur ne se trouve plus dans le même service au moment où la réclamation est analysée par le service du contentieux administratif.

En raccourcissant les délais et en rendant responsables les administrations de la suite de leurs dossiers au contentieux, le taxateur devient responsable de ce contentieux et des conséquences judiciaires qui en résultent. De cette façon, la mentalité dans l'administration fiscale sera profondément modifiée. Le taxateur va intégrer dans sa démarche les éléments de fait et de droit et sera beaucoup plus prudent.

De plus, le ministre est convaincu que, comme l'organisation des administrations fiscales est très déconcentrée, il sera possible de procéder à des comparaisons de résultats. Le ministre pense que, dans une logique d'évaluation, capitale dans le processus de responsabilisation, il faudra appliquer le « benchmarking », en comparant par exemple le pourcentage de litiges réglés dans les six mois, le taux de réussite dans la phase judiciaire, etc. Le ministre croit qu'à travers ces comparaisons, il sera possible de modifier les mentalités au niveau des services de taxation.

Cette logique de « benchmarking », en tenant compte du fait que les contraintes ne sont pas les mêmes pour chaque service de taxation, va permettre que toute la chaîne de taxation jusqu'à la phase judiciaire, soit responsabilisée par la mise en comparaison des résultats respectifs de chaque centre de contrôle. Or, il est impossible actuellement de faire des comparaisons lorsqu'il se passe un délai de plusieurs années entre le moment de la taxation et le moment où la taxation devient définitive.

Quant à la question de savoir comment l'administration fiscale va traiter la phase contentieuse administrative, les comparaisons vont jouer aussi un rôle important. Il serait inacceptable que l'administration, dès qu'elle trouve qu'un dossier est trop compliqué, laisse passer les six mois sans bouger. Un système sera mis en place par lequel il sera demandé l'administration de traiter les réclamations au fur et à mesure des entrées. Il ne faut pas oublier que le délai devient mobile. Ce ne sera plus le 30 avril de l'année qui suit. Il y aura maintenant des introductions de réclamations réparties sur toute l'année.

Par conséquent, il s'agira d'une véritable gestion de flux. Le but n'est pas de punir les fonctionnaires. Toutefois, le service qui sera systématiquement en retard et qui aura un taux de décisions directoriales endéans les 6 mois qui est nettement plus faible que les autres, devra se justifier. Ce système devrait amener une amélioration dans la qualité des prestations des administrations fiscales.

De plus, le rôle des juges spécialisés sera important. Le ministère de la Justice a pris les mesures nécessaires pour procéder à la nomination de 28 juges de première intance spécialisés, regroupés au siège des cinq cours d'appel pour fin mars 1999. Des calculs ont été faits qui indiquent que, même si l'on double le nombre de dossiers contentieux par rapport à la situation actuelle, en supposant que chaque juge traite environ 200 dossiers par an, il ne devrait y avoir aucun arriéré en matière fiscale. Pour le ministre, ce nombre de 200 paraît parfaitement gérable. Par comparaison, un juge civil traite entre 250 et 300 dossiers par an. Les greffes seront eux aussi adaptés.

Enfin, le ministre déclare qu'il ne veut pas priver l'administration, dans le cadre de l'égalité devant le juge (art. 807 du Code judiciaire), de faire valoir des arguments et des moyens qui n'ont pas été utilisés dans la phase administrative parce que, dans la phase judiciaire, chacune des parties découvre de nouveaux arguments. Le ministre pense que le risque de voir l'administration se réserver une série d'arguments pour les sortir en cas de procédure judiciaire, est assez limité parce que, selon lui, ce sera tout à fait exceptionnel, dans la mesure où le principe de base de tous les actes administratifs posés par les administrations, y compris par l'administration fiscale, est la motiviation. Par conséquent, l'article 346, alinéa 1er , CIR 92, prévoit que l'administration doit indiquer « les motifs qui lui paraissent justifier la rectification ». Le juge pourra apprécier et donc réfuter un argument qui était connu du taxateur et qui était un élément majeur dans la décision et n'a pas été notifié. Dans tel cas, il y aurait matière à nullité et à annulation de la taxation. Cette obligation de motivation peut donc répondre à la crainte exprimée à l'égard de l'attitude de l'administration devant les tribunaux de première instance. C'est également une sauvegarde pour les taxations d'office.

Le ministre signale qu'a l'amendement nº 25 du gouvernement, dans le texte néerlandais de l'article 1385undies , deuxième alinéa, proposé, il convient de remplacer le mot « betekening » par le mot « kennisgeving ».

l'amendement nº 6 de M. Coene est rejeté par 7 voix contre 2.

Les amendements nºs 20 et 30 de M. Hatry sont rejetés par 7 voix contre 2.

L'amendement nº 25 du gouvernement, moyennant la correction de texte dans le texte néerlandais, est adopté par 7 voix contre 2.

L'article 8, ainsi modifié, est adopté par 8 voix et 1 abstention.

Articles 9 et 10

Le président fait valoir que les amendements nºs 26 et 27 du gouvernement (voir doc. Sénat, nº 1-967/7, 1998-1999, p. 4) visent à retirer ces articles, l'adaptation du cadre organique de la justice faisant déjà l'objet de la loi du 20 juillet 1998.

Le ministre confirme que les vacances ouvertes par cette loi correspondent aux chiffres repris dans les articles 9 et 10 du projet de loi relatif à l'organisation judiciaire en matière fiscale.

Les amendements nºs 26 et 27 du gouvernement sont adoptés par 7 voix et 2 abstentions. Par conséquent, les articles 9 et 10 tombent.

Article 11

Cet article ne donne pas lieu à discussion.

L'article 11 est adopté à l'unanimité des 9 membres présents.

Article 12

L'amendement nº 28 du gouvernement vise à :

« Remplacer l'article 12 proposé par la disposition suivante :

« Art. 12. ­ Les procédures pendantes devant les cours, les tribunaux et les autres instances, y compris les voies de recours qui peuvent être introduites contre leurs décisions, seront poursuivies et clôturées conformément aux règles en vigueur avant le 1er mars 1999.

Par dérogation à l'article 1385undecies du Code judiciaire, inséré par l'article 8 de la présente loi, la possibilité d'introduire une action au plus tôt six mois ou neuf mois après la date de réception du recours administratif au cas où ce recours n'a pas fait l'objet d'une décision, n'est pas applicable lorsque ce recours porte sur une imposition afférente à l'exercice d'imposition 1998 ou à un exercice d'imposition antérieur, en ce qui concerne les impôts sur les revenus et les taxes assimilées aux impôts sur les revenus.

Lorsque le délai de recours visé à l'article 379 du Code des impôts sur les revenus 1992, tel qu'il existait avant d'être abrogé par l'article 33 de la loi du ... relative au contentieux en matière fiscale, n'est pas expiré à la date du 1er mars 1999, le recours visé à l'article 1385decies du Code judiciaire peut être introduit dans un délai de trois mois à partir de la notification de la décision relative au recours administratif. »

Justification

Afin de ne pas provoquer un engorgement des tribunaux de première instance, il est proposé de limiter la possibilité d'introduire un recours en justice à défaut de décision administrative rendue dans les six mois (ou neuf mois, selon le cas), aux seuls recours portant sur des contestations (en matière d'impôts sur les revenus et de taxes assimilées aux impôts sur les revenus) afférentes à un exercice postérieur à l'exercice d'imposition 1998.

Il est par ailleurs prévu que le nouveau délai d'introduction d'un recours auprès du tribunal de première instance (3 mois) s'appliquera pour autant que ne soit pas expiré l'ancien délai de recours devant la cour d'appel (40 jours).

Le ministre explique que l'amendement entre dans le cadre de la philosophie du « permis de citer » après 6 mois, étendu à 9 mois en ce qui concerne les taxations d'office puisque, dans ce cas de figure, il y a effectivement une série d'éléments neufs qui sont mis sur la table par le contribuable et il faut donner un peu plus de temps à l'administration pour les examiner.

Un premier sous-amendement à l'amendement nº 28 du gouvernement est l'amendement nº 32 de MM. Delcroix et Weyts. Il est libellé comme suit :

« À l'article 12, alinéa 2, proposé, ajouter une phrase rédigée comme suit :

« La présente disposition n'est pas applicable aux réclamations qui sont toujours pendantes à l'administration et qui n'auront fait l'objet d'aucune décision au 31 mars 2001. »

Justification

La disposition transitoire prévue au deuxième alinéa ne peut servir de prétexte pour abandonner à son sort la kyrielle de procédures pendantes au moment de l'entrée en vigueur de la loi. Cet amendement vise donc à permettre au contribuable d'entamer une procédure judiciaire au plus tard le 31 mars 2001, au cas où à cette date le fisc n'aurait toujours pas pris de décision sur sa réclamation, qui, soit dit en passant, aura alors été en souffrance pendant plus de trois années.

Un deuxième sous-amendement à l'amendement nº 28 du gouvernement est l'amendement nº 31 de M. Hatry :

« Entre le deuxième et le troisième alinéa de l'article 12 proposé, insérer un nouvel alinéa, libellé comme suit :

« Toutefois, pour les recours portant sur une imposition afférente à l'exercice d'imposition 1998 ou à un exercice d'imposition antérieur sur lesquels il n'aurait pas été statué le 31 décembre 2000, le contribuable pourra introduire, à partir de cette date, l'action judiciaire visée par l'article 1385undecies du Code judiciaire. »

Justification

Même justification que pour l'amendement nº 68 au projet de loi 966 relatif au contentieux en matière fiscale.

L'auteur souligne que la seule différence entre son sous-amendement et le sous-amendement nº 32 est une différence de 3 mois dans le délai accordé à l'administration pour statuer sur les recours pendants.

Le ministre répète que, sur le plan des principes, ces sous-amendements sont acceptables puisqu'ils réduisent la différence de traitement entre le contentieux ancien et le contentieux nouveau.

Le ministre pense toutefois que le contentieux administratif actuel est un contentieux dont la résorption ne sera pas aisée. N'empêche que l'on pourrait donner un signal à l'administration qui peut alors programmer la réduction du contentieux sur la période suffisante avec, comme seule sanction à l'expiration de celle-ci, la possibilité pour le contribuable de s'adresser au tribunal de première instance.

Le ministre préfère la date du 31 mars 2001 à celle du 31 décembre 2000 parce qu'entretemps, les tribunaux tourneront « à plein régime ». Le ministre ne voudrait pas qu'au début, les tribunaux soient débordés par un afflux d'actions.

Étant donné que le ministre accepte le sous-amendement nº 32, M. Hatry retire son sous-amendement nº 31 en faveur du nº 32, qui a pratiquement la même portée.

En réponse à la question d'un membre, le ministre déclare que, si l'administration statue dans des dossiers pendants après l'entrée en vigueur de la présente loi, le contribuable mécontent pourra saisir directement le tribunal de première instance au lieu de la Cour d'appel.

Le ministre réplique que quand la procédure judiciaire est déjà intentée, les anciennes règles de procédure restent d'application. Par contre, pour toutes les actions introduites après l'entrée en vigueur de la nouvelle loi, ce sont les règles de procédure qu'elle contient qui seront d'application.

Le président fait remarquer que, d'après le service linguistique du Sénat, à l'amendement nº 28 du gouvernement, dans le texte néerlandais, le mot « verhaal » doit être remplacé par le mot « beroep ». (voir aussi art. 8 dans le doc. Chambre 1342/17.)

L'amendement nº 32 de MM. Delcroix et Weyts est adopté à l'unanimité des 9 membres présents.

L'amendement nº 28 du gouvernement est adopté par 7 voix contre 2.

L'article 12, ainsi modifié, est adopté à l'unanimité des 9 membres présents.

VI. VOTES FINALS

L'ensemble du projet de loi relative au contentieux en matière fiscale, ainsi que l'ensemble du projet de loi relative à l'organisation judiciaire en matière fiscale sont adoptés à l'unanimité des 9 membres présents.

Le présent rapport a été approuvé à l'unanimité des 9 membres présents.

Les rapporteurs,
Luc COENE.
Jacques SANTKIN.
Le président,
Paul HATRY.

TEXTE ADOPTÉ PAR LA COMMISSION DES FINANCES ET DES AFFAIRES ÉCONOMIQUES


Voir le doc. 1-966/12 et 1-967/11


ANNEXE 1 ­ BIJLAGE 1


REPRÉSENTATION PERMANENTE DE LA BELGIQUE AUPRÈS DE L'UNION EUROPÉENNE

1040 Bruxelles

rue Belliard 62

Monsieur le Ministre,

Concerne : Obligation d'information ­ V/référence : PG/JB/980423/1.

J'ai l'honneur de vous transmettre en annexe la réponse des services de la Commission à la lettre que je leur ai adressée sur la base de votre demande d'information.

Veuillez agréer, Monsieur le Ministre, l'assurance de ma plus haute considération.

Le Représentant permanent,

F. VAN DAELE.

COMMISSION EUROPÉENNE

Bruxelles, le

Monsieur l'Ambassadeur,

Objet : Votre lettre en date du 6 mai 1998. Réf. : P.11-5411-66.665

Par votre lettre en date du 6 mai 1998, vous demandez l'avis de mes services quant à la compatibilité avec les directives bancaires d'une modification du Code belge des impôts sur les revenus prévue dans un projet de loi en cours de discussion.

La modification (à l'article 327, § 5, du Code des impôts sur les revenus) dont question, exigerait en effet que « la Commission bancaire et financière (ci-après CBF) » autorité compétente au sens des directives bancaires, « informe immédiatement le ministre des Finances lorsqu'elle constate qu'un organisme dont elle assure le contrôle, a mis en place un mécanisme particulier qui a pour but ou pour effet d'encourager la fraude fiscale dans le chef de tiers ». Ce libellé serait repris de l'article 57, § 3, de la loi du 22 mars 1993 relative au statut et au contrôle des établissements de crédit.

La question sur la compatibilité de cette modification avec les directives bancaires s'inscrit dans le cadre du principe du secret professionnel établi par l'article 12 de la première directive bancaire (ci-après PDB) qui prévoit que « toute personne exerçant ou ayant exercé une activité pour les autorités compétentes... sont tenues au secret professionnel. Ce secret implique que les informations confidentielles qu'elles reçoivent à titre professionnel ne peuvent être divilguée à quelque personne ou autorité que ce soit... sans préjudice des cas relevant du droit pénal. »

Afin de déterminer la compatibilité avec l'article 12 de la PDB de l'obligation dans le chef de la CBF d'informer la ministre des Finances de l'existence de mécanismes particuliers, tels que le veut la proposition de modification de l'article 327, § 5, du Code des impôts sur les revenus, il convient donc d'examiner si l'établissement d'un « mécanisme particulier qui a pour but ou pour effet d'encourager la fraude fiscale dans le chef de tiers » au sens de l'article 57, § 3, de la loi du 22 mars 1993 relative au statut et au contrôle des établissements de crédit, est un acte qui relève du droit pénal belge. Mes services ne disposent pas des éléments leur permettant d'effectuer un tel examen.

Dans le cas où l'établissement de tels mécanismes relève du droit pénal, l'obligation dans le chef de la CBF d'informer le ministre des Finances pourrait, le cas échéant, être compatible avec la PDB.

Il convient bien sûr de souligner que rien dans la première ou la seconde directive bancaire n'empêche la CBF dans son rôle d'autorité compétente d'imposer aux établissements sous son contrôle le respect de mesures qu'elle estime appropriées afin d'éviter la fraude fiscale.

Veuillez agréer, monsieur l'ambassadeur, l'assurance de ma plus haute considération.

John F. MOGG

LE VICE-PREMIER MINISTRE DES FINANCES ET DU COMMERCE EXTÉRIEUR

1000 Bruxelles, le 27 avril 1998

Rue de la Loi 12

Monsieur le représentant permanent de la Belgique auprès de l'Union européenne

Rue Belliard, 62

1040 BRUXELLES

Monsieur l'ambassadeur,

Concerne : obligation d'information.

J'ai l'honneur de vous exposer ce qui suit.

Le code des impôts sur les revenus prévoit, en son article 327, § 5, une obligation d'information pour la Commission bancaire et financière. Celle-ci doit m'informer immédiatement « lorsqu'elle constate qu'un organisme dont elle assure le contrôle a contribué à mettre en place un mécanisme qui a pour but ou pour effet d'organiser des infractions à la loi fiscale et qui implique une complicité de l'établissement et du client dans un but de fraude ».

À l'occasion de la discussion du projet de loi réformant la procédure fiscale, la Commission des Finances de la Chambre a approuvé la modification suivante :

« Art. 327, § 5 ­ La Commission bancaire et financière informe immédiatement le ministre des Finances lorsqu'elle constate qu'un organisme dont elle assure le contrôle a mis en place un mécanisme particulier qui a pour but ou pour effet d'encourager la fraude fiscale dans le chef de tiers ».

Le libellé nouveau est repris du libellé de l'article 57, § 3, de la loi du 22 mars 1993 relative au statut et au contrôle des établissements de crédit. Une copie dudit article est jointe en annexe.

En séance plénière, certains députés ont exprimé le désir que la Commission européenne soit consultée sur la conformité du nouveau libellé avec le droit européen.

C'est ce que je vous demande de faire par la présente. Compte tenu du fait que l'examen du projet doit se poursuivre prochainement au Sénat, il me serait agréable que l'avis de la Commission me parvienne dans un délai rapproché.

Veuillez agréer, Monsieur l'ambassadeur, l'assurance de ma haute considération.

Ph. MAYSTADT.

ANNEXE 2


Cette annexe p. 244 à 248 est uniquement disponible sur support papier.


(1) Voir articles 305 et suivants, 315 et suivants, 44 et suivants, CIR/1992.

(2) Voir articles 353 et suivants CIR/1992.

(3) Article 145 de la Constitution.

(4) Sur le principe d'exécution d'office et le privilège du préalable, voir Flamme, M.-A., Droit administratif , 1989, Bruxelles, Bruylant, pp. 13-22.

(5) Projet de loi relatif à l'organisation judiciaire en matière fiscale, Chambre des représentants, session 1997-1998, 1372/17-97/98; Projet de loi relatif au contentieux en matière fiscale (nº 1341/1), Chambre des représentants, Session 1997/1998, nº 1341/18-97/98.

(6) Cass., 5 septembre 1979, Pas ., I, pp. 6-8; Cass., 8 avril 1976, Pas ., 1976, I, p. 879 et également dans ce sens les conclusions de l'avocat général J. Velu, pp. 872-879 qui considère que : « La contestation ne porte pas sur les droits et obligations de caractère civil au sens de l'article 6 de la Convention, puisque les droits et obligations en question revêtent un caractère fiscal, et partant, politique »; Cass., 15 avril 1983, Pas. , I, 1983, pp. 910-911.

(7) Afschrift, T., Rombouts, A., « Le contribuable et les droits de l'homme », in La mise en oeuvre interne de la convention européenne des droits de l'homme , 1994, Bruxelles, éd. Jeune Barreau, pp. 249-282.

(8) Afschrift, T., Rombouts., op. cit. , p. 259.

(9) Afschrift, T., Rombouts, A., op. cit. , pp. 258-268.

(10) Voir Van Compernolle, J., « L'incidence de la Convention européenne des droits de l'homme sur l'administration de la justice. Le droit à un procès équitable. », in La mise en oeuvre interne de la convention européenne des droits de l'homme, 1994, éd. Jeune Barreau, pp. 63-87.

(11) Fettweis, A., Manuel de procédure civile, 1987, Faculté de droit de Liège, p. 33; De Corte, R., « Beslag en rechtsmisbruik », in Het zakenrecht absoluut niet een rustig bezit, XVIII Postuniversitaire cyclus Willy Delva 1991-1992, Kluwer, p. 195.

(12) Projet de loi relatif au contentieux en matière fiscale, projet de loi relatif à l'organisation judiciaire en matière fiscale, Exposé des motifs, Chambre des représentants, Session 1997-1998, 1341/1, 1342/1, p. 2 et Commentaire des articles, p. 6.

(13) Article 8, projet de loi relatif à l'organisation judiciaire en matière fiscale, Chambre des Représentants, Session 1997-1998, 1342/17-97/98, p. 3.

(14) Projet de loi relatif au contentieux en matière fiscale, projet de loi relatif à l'organisation judiciaire en matière fiscale, Exposé des motifs, Chambre des représentants, Session 1997-1998, 1341/1, 1342/1, p. 3.

(15) Avis de la section législation du conseil d'État, Chambre des représentants, Session 1997-1998, 1341/1, 1342/1, p. 66.

(16) Projet de loi, op. cit, Exposé des motifs, Chambre des représentants, Session 1997-1998, 1341/1, 1342/1, p. 2.

(17) CA, 18 mars 1997, Moniteur belge, 8 mai 1997, p. 11278.

(18) Avis de la section législation du Conseil d'État, Chambre des représentants, session 1997-1998, 1341/1, 1342/1, p. 67.

(19) Voir aussi l'amendement de M. Daems.

(20) Voir également en ce sens l'amendement proposé par M. Arens, 1342/5, pp. 1-2.

(21) Article 8, projet de loi relatif à l'organisation judiciaire en matière fiscale, Chambre des représentants, session 1997-1998, 1342/17 ­ 97/98, pp. 3-4; voir également l'amendement de M. Didden et consorts, Chambre des représentants, session 1997-1998, 1342/15, pp. 1-2 et le sous-amendement du gouvernement, p. 3.

(22) Article 374, alinéa 3, CIR/1992 : « Si le réclamant en fait la demande par écrit, il sera entendu et pourra obtenir communication, sans déplacement, des pièces relatives à la contestation dont il n'avait pas connaissance. A cet effet, il sera invité à se présenter dans un délai de trente jours ».

(23) Kohl, A., « Implications... », JT, 1987, p. 641.

(24) Van Compernolle, J., « L'incidence de la convention européenne des droits de l'homme sur l'administration de la justice. Le droit à un procès équitable », in La mise en oeuvre interne de la convention européenne des droits de l'homme, 1994, Bruxelles, éd. Jeune Barreau, pp. 73-77 (surtout p. 74); Comm. Décision du 30 juin 1959, Annuaire, vol. II, p. 355.

(25) Projet de loi, op. cit., Commentaire des articles, Chambre des représentants, session 1997-1998, 1341/1, 1342/1. p. 37.

(26) Avis de la section législation du Conseil d'État, Chambre des représentants, session 1997-1998, 1341/1, 1342/1, pp. 64-65.

(27) Avis de la section législation du Conseil d'État, Chambre des représentants, session 1997-1998, 1341/1, 1342/1, pp. 65-66.

(28) Avis de la section législation du Conseil d'État, Chambre des représentants, session 1997-1998, 1341/1, 1342/1, p. 67.

(29) Avis de la section législation du Conseil d'État, Chambre des représentants, session 1997-1998, 1341/1, 1342/1, p. 67.

(30) Avis de la section législation du Conseil d'État, Chambre des représentants, Session 1997-1998, 1341/1, 1342/1, p. 68.

(31) Projet de loi, op. cit. , Commentaire des articles, Chambre des représentants, Session 1997-1998, 1341/1, 1342/1, p. 38.

(32) Projet de loi, op. cit. , Commentaire des articles, Chambre des représentants, Session 1997-1998, 1341/1, 1342/1, p. 38.

(33) Cette opinion se retrouve également dans l'avis de la section législation du Conseil d'État : « Le principe dispositif, qui veut que le procès soit celui décidé par les parties a pu, et peut encore, dominer la procédure civile sans que le procès soit déséquilibré au profit d'une des parties; mais, appliqué à la matière fiscale, et combiné avec une restriction des pouvoirs du juge, ce principe fonctionne à sens unique pour assurer la protection des intérêts de l'État » , Chambre des représentants, Session 1997-1998, 1341/1, 1342/1, pp. 67-68.

(34) Van Compernolle, J., op. cit. , pp. 81-87; Lambert, P., « La notion de délai raisonnable dans la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme », Rev. trim. dr. h., 1991, pp. 14-17.

(35) Article 4, projet de loi relatif à l'organisation judiciaire en matière fiscale, Chambre des représentants, session 1997-1998, 1342/17, p. 2 insérant un 32º à l'article 569, alinéa 1er du Code Judiciaire.

(36) Amendement de M. Arens, Chambre des représentants, session 1997-1998, 1342/5, pp. 1-2; Amendement de M. Arens, Chambre des représentants, session 1997-1998, 1341/4, p. 3.

(37) Amendement de M. Arens, Chambre des représentants, session 1997-1998, 1341/8, pp. 10-11.

(38) Amendement de M. Olaerts, Chambre des représentants, session 1997-1998, 1341/2, pp. 1-2.

(39) Me Muriel Igalson, avocat au Barreau de Bruxelles, a participé à la rédaction de la présente étude.