1-1051/4

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Sénat de Belgique

SESSION DE 1998-1999

10 DÉCEMBRE 1998


Projet de loi modifiant l'arrêté royal nº 499 du 31 décembre 1986 portant réglementation de la sécurité sociale de certains jeunes défavorisés


Procédure d'évocation


RAPPORT

FAIT AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES SOCIALES PAR MME CANTILLON


La commission a discuté le projet de loi qui vous est soumis, après l'avoir évoqué le 5 octobre, au cours de ses réunions des 14 octobre, 12 et 24 novembre et 10 décembre 1998.

Le 19 novembre a eu lieu une audition de représentants des entreprises de formation par le travail.

I. EXPOSÉ INTRODUCTIF DE LA MINISTRE DES AFFAIRES SOCIALES

La ministre explique qu'à l'occasion d'interpellations à la Chambre des représentants, il est apparu que l'ONSS, dans certaines entreprises d'économie sociale qui rentrent dans le cadre de l'arrêté royal nº 499 du 31 décembre 1986 portant réglementation de la sécurité sociale de certains jeunes défavorisés, imposait des régularisations sur le montant complémentaire que certains jeunes défavorisés touchaient dans le cadre de leur mise au travail dans ce type d'entreprises.

Il a été demandé en son temps à l'ONSS de ne pas développer un zèle démesuré par rapport à ces travailleurs appartenant à des classes défavorisées. Mais divers cas ont été rapportés à des parlementaires, d'où le dépôt de la proposition de loi nº 1561/1 à la Chambre des représentants par des députés appartenant à divers groupes politiques.

La ministre souligne encore que la commission des Affaires sociales de la Chambre, lors d'un examen complémentaire de la proposition de loi, a adopté un amendement qui prévoit que deux conditions doivent être remplies pour que les indemnités accordées aux jeunes défavorisés soient exonérées de cotisations de sécurité sociale. Ces conditions sont les suivantes : l'indemnité ne peut excéder le montant alloué par les services de la formation professionnelle en vue de couvrir les frais inhérents à la formation et l'indemnité doit être exonérée en tant que telle, par l'ONSS, du paiement des cotisations sociales.

II. DISCUSSION GÉNÉRALE

La membre observe qu'un certain nombre d'interrogations subsistent à propos de l'amendement adopté en dernier ressort par la commission de la Chambre. Il s'agit en l'occurrence de jeunes qui sont en rupture de scolarité et pour la plupart d'entre eux la formation dans une entreprise de formation par le travail (EFT) constitue la seule possibilité d'être réinsérés sur le plan social et professionnel.

Le projet tel qu'il a été adopté à la Chambre, a pour conséquence qu'un jeune, dès qu'il bénéficie d'une indemnité supérieure à 40 francs par heure, doit payer des cotisations de sécurité sociale. Or, on sait très bien que ces jeunes ont besoin de ce stimulant financier pour pouvoir se réinsérer.

Dans le prolongement de ces considérations, Mme Delcourt et consorts déposent l'amendement nº 1 (doc. Sénat 1-1051/2, 1998-1999), qui vise à en revenir à l'objectif initial de la proposition de loi déposée à la Chambre des représentants :

Art. 2

« Remplacer cet article comme suit :

« Art. 2. ­ Un article 3bis, rédigé comme suit, est inséré dans l'arrêté royal nº 499 du 31 décembre 1986 portant réglementation de la sécurité sociale de certains jeunes défavorisés :

« Art. 3bis. ­ Sont soustraits à l'application de la loi du 27 juin 1969 révisant l'arrêté-loi du 28 décembre 1944 concernant la sécurité sociale des travailleurs, en ce qui concerne les régimes de sécurité sociale visés à l'article 3 du présent arrêté, les travailleurs visés par le présent arrêté qui perçoivent une indemnité, lorsque cette indemnité :

­ dans le cas où elle constitue le seul revenu du travailleur, n'atteint pas mensuellement un montant au moins équivalent au tiers du revenu minimum mensuel moyen garanti, fixé par la CCT nº 43 conclue au sein du Conseil national du travail et rendue obligatoire par l'arrêté royal du 29 juillet 1988, en vigueur le dernier mois de l'année précédant le calcul des cotisations;

­ dans le cas où elle s'ajoute à des revenus de remplacement, n'excède pas le montant alloué par les services de la formation professionnelle aux demandeurs d'emploi en formation, en vue de couvrir les frais inhérents à la formation et exonéré en tant que telle, par l'ONSS, du paiement des cotisations sociales. »

Justification

Le projet de loi dans sa rédaction actuelle dispose que l'indemnité perçue par les jeunes en formation en entreprises de formation par le travail (EFT) n'est pas soumise aux cotisations sociales personnelles prévues dans le cadre de l'application de la loi du 27 juin 1969, en ce qui concerne le régime de l'assurance obligatoire contre la maladie et l'invalidité, si elle n'excède pas le montant de l'indemnité de formation allouée par les services communautaires ou régionaux de formation professionnelle (le FOREm, L'ORBEm ou le VDAB) aux jeunes qui suivent une formation en leur sein.

Il existe cependant une différence fondamentale entre les jeunes en formation en EFT et les demandeurs d'emploi en formation au sein du FOREm, de l'ORBEm ou du VDAB. Dans la plupart des cas, en effet, l'indemnité de formation des jeunes en EFT constitue leur seul revenu, tandis qu'à l'indemnité de formation perçue par les chômeurs en formation au sein du FOREm, de l'ORBEm ou du VDAB, vient s'ajouter une allocation de chômage. Ce n'est que dans quelques cas, peu nombreux, que l'indemnité allouée aux jeunes en formation en EFT se cumule avec des revenus de remplacement, tels une allocation de chômage, le minimum de moyens d'existence ou l'aide sociale.

L'objectif de cet amendement est de tenir compte de ces différences de situations.

Dans le cas où l'indemnité de formation constitue le seul revenu du jeune en formation en EFT, il conviendrait d'en revenir à la philosophie initiale de l'arrêté royal nº 499 et de prévoir que la perception des cotisations sociales personnelles, limitée aux régimes de l'assurance obligatoire contre la maladie et l'invalidité et des allocations familiales en vertu de l'article 3 de l'arrêté royal nº 499, ne se justifie que lorsqu'elle a un effet utile pour le jeune concerné, c'est-à-dire lorsque les cotisations versées lui ouvrent le droit à une couverture sociale en assurance maladie-invalidité. Le montant mensuel de l'indemnité limitée à ce seuil s'élève, en pratique, à 14 448 francs, ce qui correspond à 1/3 du revenu minimum mensuel moyen garanti.

Dans le cas où l'indemnité de formation se cumule avec des revenus de remplacement, il conviendrait de ne prévoir l'exonération des cotisations sociales personnelles dans les deux régimes précités que lorsque cette indemnité n'excède pas le montant de l'indemnité de formation octroyée par le FOREm, l'ORBEm ou le VDAB aux demandeurs d'emploi en formation.

Un commissaire demande si l'on a la moindre idée du nombre de jeunes dont il s'agit ici. Il est d'ailleurs inquiétant de constater qu'il subsiste, dans notre société, un groupe substantiel de jeunes adultes exclus du système, tant pour ce qui est de la sécurité sociale que du minimum de moyens d'existence.

La ministre de l'Emploi et du Travail répond à la première question que chaque année, environ 2 000 personnes suivent une formation dans les entreprises de formation par le travail. La durée maximale des contrats est de 18 mois. En Flandre, ces initiatives en sont toujours à un stade très expérimental. On y connaît certes les entreprises dites de formation par le travail, mais elles n'ont pas de cadre légal.

Sur la base des données connues de l'ONSS, environ 250 de ces 2 000 jeunes relèvent de l'arrêté royal nº 499. La plupart d'entre elles sont donc des personnes qui reçoivent une allocation de chômage ou le minimum de moyens d'existence. Comme on l'a déjà dit, ces travailleurs perçoivent, outre le revenu de remplacement, une indemnité de 40 francs l'heure, sur laquelle aucune cotisation sociale n'est retenue. Il s'agit toutefois ici de chiffres minimaux, puisqu'un certain nombre de centres n'ont pas fait de déclaration à l'ONSS.

En ce qui concerne la deuxième remarque de l'intervante précédente, elle souligne que seuls ceux qui ont terminé la troisième année d'humanités peuvent prétendre à une allocation d'attente. En dépit de l'obligation de fréquenter l'école jusqu'à dix-huit ans, il reste un groupe substantiel de jeunes qui n'atteignent pas ce niveau d'enseignement.

Au début de cette année, des données précises ont été rassemblées sur ce point dans le cadre de la réforme du plan d'accompagnement des chômeurs, lequel sera précisément, dès janvier 1999, axé sur ces groupes par le biais d'un accord de coopération avec les régions. Il en est ressorti qu'il y a chaque année 6 500 élèves en Wallonie, près de 3 000 à Bruxelles et 6 000 en Flandre qui atteignent l'âge de dix-huit ans avec, en poche, un certificat d'études primaires seulement.

Ces personnes ont droit au minimum de moyens d'existence si elles n'ont pas d'autres moyens de subsistance, ce qui n'est pas le cas de celles qui sont à charge de leurs parents ou de leur partenaire. Certaines d'entre elles reçoivent une formation dans le cadre des projets d'insertion.

La ministre des Affaires sociales fait observer que l'arrêté royal nº 499 dispose que dans de telles entreprises de formation par le travail, les jeunes sont soumis au régime d'assurance contre la maladie et l'invalidité et à celui des prestations familiales, avec dispense des cotisations patronales. L'assujettissement à ces deux régimes entraîne l'application de deux régimes résiduaires, ceux des accidents du travail et des maladies professionnelles.

Lors de la mise en place de ce système, le législateur est parti notamment du principe que l'assujettissement de ces personnes à certains secteurs de la sécurité sociale constitue également une forme d'intégration sociale.

Le texte adopté par la Chambre des représentants vise à dispenser, jusqu'à une certaine limite salariale, les jeunes de ces centres des cotisations sociales à l'assurance contre la maladie et l'invalidité. Étant donné que le travailleur ne cotise pas lui-même aux prestations familiales, rien ne changeait de facto pour lui à cet égard.

L'employeur, pour sa part, ne serait redevable de cotisations que pour les accidents du travail et les maladies professionnelles, ce qui représente un pourcentage minime de la rémunération.

Eu égard à l'esprit de la loi, à savoir que le jeune doit garder le contact avec le régime de la sécurité sociale et ne doit pas être entièrement tributaire de droits dérivés ou résiduaires, on doit se demander si une cotisation aussi minime de l'employeur n'est pas justifiée.

La variante de la cotisation prévue dans le cadre de la loi relative aux accidents du travail consisterait, pour l'employeur, à conclure une assurance privée. Disons d'emblée qu'il serait déjà difficile de vérifier si cette obligation est respectée. En outre, une assurance privée n'est certainement pas moins coûteuse que la cotisation au Fonds des accidents du travail, elle est moins bien encadrée en ce qui concerne le contrôle des conditions de travail et offre une couverture limitée.

Compte tenu de ces considérations ­ l'intérêt de maintenir le jeune en contact avec la sécurité sociale et les avantages d'une affiliation au fonds par rapport à une assurance privée ­, une cotisation pour ce secteur semble quand même souhaitable.

Une commissaire répond que l'arrêté royal nº 499 date de 1986. Depuis lors, beaucoup de changements se sont produits en matière d'exclusion sociale. La situation est devenue beaucoup plus grave et les pouvoirs publics ont déjà mis au point une série de nouvelles techniques visant à mettre ces personnes en contact avec le marché du travail. Le principal instrument qu'ils utilisent à cet effet consiste en différentes formes de réduction ou de dispense de cotisations sociales. Dans certains cas, par exemple les ALE, il s'agit bel et bien d'une dispense totale de l'obligation de cotiser, y compris pour les accidents du travail. L'amendement en discussion n'est donc pas si singulier.

Elle est d'accord avec la ministre des Affaires sociales pour dire que ces personnes doivent, à un moment donné, être rattachées à la sécurité sociale. Le seuil prévu dans son amendement est une indemnité de 14 448 francs par trimestre, ou un tiers du revenu mensuel moyen garanti. Cela reste un seuil très bas. Il ne faut pas soumettre ce groupe, dont la position est particulièrement faible sur le marché du travail, à des conditions qui ne sont pas imposées dans d'autres programmes pour l'emploi.

Les complications administratives qu'occasionne l'application de la législation relative à la sécurité sociale constituent ici un élément non négligeable. Il s'agit en l'espèce de très petites entreprises qui doivent travailler avec un minimum d'encadrement.

Une autre intervenante se félicite de ce que dans le cadre de la politique de l'emploi, les cotisations patronales de sécurité sociale aient été graduellement réduites depuis dix ans pour les catégories de revenus inférieurs, au point même que l'on semble évoluer vers un seuil général de cotisation. Il semblerait que cette évolution ait tendance à s'étendre également aux cotisations des travailleurs. En conséquence, les arguments avancés ici ne lui paraissent pas non plus vraiment convaincants.

La ministre des Affaires sociales note qu'il faut faire une distinction entre le non-assujetissement à la sécurité sociale et l'exonération de l'obligation de cotiser. Dans le second cas, l'employeur et/ou le travailleur ne paie(nt) pas de cotisations, mais le travailleur jouit de tous les droits de la sécurité sociale. Dans le premier cas, l'intéressé reste totalement en dehors de la sécurité sociale.

La préopinante pense que les deux choses se recoupent. Il y a un groupe sans cesse croissant de travailleurs qui ne sont pas tenus de cotiser, mais qui bénéficient néanmoins de droits de sécurité sociale. D'un autre côté, il y a le groupe que vise la proposition en discussion : il paie certes des cotisations sociales, mais elles sont insuffisamment élevées pour générer des droits dans certains secteurs.

La ministre des Affaires sociales répond que ces personnes ne s'ouvrent effectivement pas de droits dans certains secteurs de la sécurité sociale, mais que, dans la logique de l'arrêté royal nº 499, elles sont bel et bien soumises, par exemple, au régime des allocations familiales et des accidents du travail. Un assujettissement partiel à la sécurité sociale n'est pas anormal; c'est par exemple aussi le cas des fonctionnaires. La comparaison avec les agences locales pour l'emploi n'est d'ailleurs pas tout à fait pertinente, parce que ceux qu'elles emploient gardent le statut de chômeur et sont donc intégrés dans le système.

Encore une fois, il s'agit ici d'un groupe relativement restreint et si l'on maintient une obligation limitée de cotiser, c'est avant tout non pas pour des raisons financières, mais pour garantir à ces jeunes du même coup un accès à la sécurité sociale, ce qui est très important du point de vue de l'intégration sociale. L'objectif est de leur accorder une protection « en tant que travailleurs », même si cette protection est plutôt limitée.

Une commissaire estime qu'il ne faut pas perdre de vue l'idée qui sous-tend les entreprises de formation par le travail. Elles s'adressent à un groupe limité de jeunes qui ne ressortissent actuellement à aucun circuit de travail ou de chômage. Le lourd défi auquel elles doivent faire face consiste à éviter à ces jeunes d'émarger au CPAS jusqu'à un âge avancé et, au contraire, à les rendre à même d'occuper, après leur formation, une place sur le marché régulier du travail.

Ce que l'on demande en l'espèce, c'est ni plus ni moins une exonération de cotisations sociales pour ces jeunes, tant de la part de l'employeur que du travailleur.

L'intervenant suivant peut assurément comprendre les arguments invoqués par la ministre des Affaires sociales. Il estime d'autre part que l'on doit également tenter de comprendre comment les gens perçoivent ce problème sur le terrain. Les travailleurs de ces organismes qui reçoivent moins d'un tiers du salaire minimum garanti cotisent bel et bien à l'AMI, mais ne peuvent en retirer aucun droit. Pour les prestations familiales, il y a toujours une couverture, directement en tant qu'ayant droit à une allocation de remplacement ou indirectement sur la base de droits dérivés lorsqu'ils sont à charge d'une autre personne. Pour le secteur des accidents du travail, tous ces organismes ont une police d'assurance privée.

Compte tenu de ce qui précède, on peut comprendre que les gens de terrain s'interrogent sur la réglementation adoptée par la Chambre des représentants, qui limite l'exonération à une indemnité de 40 francs maximum par heure, un montant loin au-dessous de la limite d'un tiers du salaire minimum, et encore il s'agit uniquement du minimum dans le régime de l'assurance maladie-invalidité.

III. AUDITION DES REPRÉSENTANTS DES ENTREPRISES DE FORMATION PAR LE TRAVAIL

La présidente souhaite la bienvenue à MM. Pierre Moreau et Walthère Davister ainsi qu'à Mme Helga D'Hanis.

M. Pierre Moreau représente l'EFT « Le Chantier » de Marchienne-au-Pont. Cette ASBL est en procès depuis deux ans déjà dans une affaire portant sur la question de savoir si les jeunes qui perçoivent une indemnité restreinte dans le cadre de leur formation sont redevables de cotisations à la sécurité sociale au titre de cette indemnité.

M. Walthère Davister représente l'EFT « Le Coudmain » de Seraing, cet organisme compte environ soixante stagiaires et treize cadres qui sont actifs principalement dans le domaine de la rénovation de logements, où ils travaillent en collaboration avec les autorités locales. L'EFT paie, certes, des cotisations sociales, mais celles-ci sont trop faibles pour ouvrir des droits au profit des travailleurs concernés.

Mme Helga D'hanis est directrice de l'ASBL « Werkervaringsbedrijven » à Turnhout, qui comprend des filières de formation-emploi et des entreprises d'économie sociale. Cette ASBL compte 90 emplois dans diverses sortes de formations et 34 emplois dans le secteur de l'économie sociale. Les personnes qui y travaillent ont des statuts divers auxquels sont liés des régimes divers d'allocations et de cotisations de sécurité sociale.

M. Moreau fait remarquer que l'EFT « Le Chantier » qui a été créée en 1984, s'adresse à un groupe de jeunes laissés-pour-compte qui, n'ayant pas terminé leurs études secondaires, ne possèdent aucune qualification et n'ont donc pour ainsi dire aucune chance de décrocher un emploi par les filières normales.

Cette EFT a pour objet de donner une nouvelle chance à ces jeunes sur le marché de l'emploi par le biais de leur intégration sociale. Pour ce faire, elle a recours à une pédagogie de réintégration par le travail. Les jeunes concernés accomplissent des tâches réelles dans des situations d'emploi réelles. Pareil système s'accompagne, notamment pour motiver les jeunes, d'une indemnité modeste oscillant entre 40 et 80 francs de l'heure (soit 6 000 à 12 000 francs par mois).

Cette ASBL a toujours considéré cette indemnité comme une allocation versée dans le cadre de la formation et non pas comme un véritable salaire. L'ONSS a toutefois décidé, en 1994, que, même si l'on considère qu'il est question ici d'une simple indemnité versée dans le cadre d'une formation, cette indemnité est soumise aux paiements des cotisations à la sécurité sociale. L'on a cité l'ASBL en justice pour obtenir le paiement de ces cotisations et, depuis, on assiste à un chassé-croisé dont on ne voit pas la fin.

En raison de ce litige, les autres catégories de personnel de l'ASBL ne peuvent pas invoquer le bénéfice d'une réduction ou d'une exonération de cotisations sociales, alors qu'elles y ont normalement droit. L'ONSS se base en effet sur une disposition prévoyant que pareilles réductions ne peuvent être accordées qu'à la condition que l'employeur soit en règle de cotisation, ce qui, de l'avis de l'institution, n'est manifestement pas le cas. Il s'ensuit que l'ASBL se voit réclamer une somme totale de 1,5 million de francs d'arriérés de cotisations. Si elle doit les payer, elle pourra mettre la clé sous le paillasson.

Au printemps 1998, la Chambre des représentants a pris, à l'issue d'un débat, une initiative législative en vue de régler définitivement cette question en inscrivant dans l'arrêté royal nº 499 une disposition prévoyant que les jeunes ne sont redevables de cotisations que si leurs revenus annuels sont supérieurs au montant minimum ouvrant le droit à la couverture sociale.

Dans le texte adopté par la Chambre, ce régime est à ce point affaibli qu'il n'offre plus guère de solution aux problèmes des organismes concernés. Il espère dès lors que le Sénat rectifiera le tir et qu'il rétablira l'objectif initial des auteurs de la proposition, à savoir celui d'exonérer de cotisations sociales, jusqu'à concurrence d'un montant de 14 448 francs, les indemnités perçues dans le cadre d'une formation.

Si l'indemnité est inférieure à ce montant, les intéressés ne peuvent de toute façon pas prétendre à des allocations sociales. Imposer quand même, dans ces conditions une obligation de cotiser est totalement contraire à l'esprit de l'arrêté royal nº 499 dont l'objectif est de redonner sa chance sur le marché du travail à un groupe de jeunes très difficile à placer, grâce à l'expérience professionnelle.

M. Davister déclare que « le Coudmain » qui l'occupe a décidé de payer les cotisations sociales. Il ne sagit que de montants peu importants ­ en 1997, les cotisations se sont élevées à 57 228 francs belges pour les travailleurs et les employeurs réunis ­ mais elles entraînent une quantité de travail administratif et n'ouvrent à ces jeunes aucun droit à des allocations. Enfin, il y a le problème des arriérés, qui ont mis certaines organisations du secteur dans une situation impossible.

Voilà pourquoi il soutient sans réserve la demande formulée par son collègue de Marchienne-au-Pont. Personne ne conteste que ces jeunes, dont la position est déjà très précaire sur le marché du travail, ne doivent pas être assurés contre certains risques professionnels ou contre la maladie, mais la situation actuelle est tout bonnement absurde. Le groupe très vulnérable, qui n'a souvent aucun statut, cotise au régime de la sécurité sociale mais ne peut en retirer aucun droit.

Il faut par ailleurs essayer de se faire une idée de la situation sur le terrain. On trouve souvent dans une même organisation des personnes ayant les statuts les plus divers (chômeurs, bénéficiaires du minimum de moyen d'existence, ...) ou pas de statut du tout. Tous ces groupes sont soumis à un régime de cotisation différent, avec des seuils et des plafonds propres, une couverture spécifique, etc. Les jeunes eux-mêmes ne comprennent plus rien à ces différences. Cette situation pose une fois de plus la question d'un statut général unique d'intégration sociale.

Un commissaire demande comment les stagiaires sont assurés aujourd'hui contre les accidents du travail, M. Moreau répond que son organisation a contracté une police d'assurance privée qui offre une couverture suffisante. En cas d'incapacité de travail permanente, par exemple, l'intéressé reçoit un revenu égal au revenu mensuel moyen garanti même si l'indemnité qu'il reçoit au cours de son stage est sensiblement moins élevée. Il va de soi que les primes de cette police ne sont pas proportionnelles à cette indemnité.

M. Davister confirme que cela n'a pas beaucoup de sens de conclure une police qui garantirait un revenu de quelque 6 000 francs par mois en cas d'incapacité de travail permanente. C'est pourquoi son organisation négocie aussi des polices avec diverses compagnies d'assurances sur la base d'un salaire hypothétique qui peut varier selon la situation. Il s'ensuit une existence de différentes polices : celles des polices pour les lésions corporelles, des polices privées pour des allocations de remplacement, le Fonds des accidents du travail, etc.

Quoi qu'il en soit, les institutions ne peuvent se permettre de prendre le moindre risque en la matière.

En ce qui concerne le régime d'incapacité de travail, Mme D'hanis renvoie à la situation des stagiaires dans l'enseignement technique (par exemple les infirmières), qui doivent avoir une assurance garantissant des indemnités dont le niveau est au moins égal à celles du régime légal des accidents du travail.

Plus généralement, elle plaide pour que la commission aborde cette question du point de vue le plus large possible. Bien qu'il ressorte d'une enquête sommaire qu'il ne semble pas y avoir en Flandre d'entreprises analogues aux EFT de la partie francophone du pays, on y connaît également de nombreux statuts qui ont chacun leur propre régime de sécurité sociale, avec les problèmes qui vont de pair. Il est plus que nécessaire que la politique tienne compte du secteur dans son ensemble. En dissociant les choses, on crée autant de problèmes qu'il y en a de résolus.

Elle considère en outre qu'on ne peut plus régenter ce secteur sans s'attaquer sérieusement aux pièges à chômage. Il n'est pas possible de convaincre une personne de se mettre à travailler au salaire minimum, encore moins de se soumettre à un statut de formation auquel est liée une indemnité très restreinte, si elle dispose d'un revenu plus élevé, par exemple, en combinant une allocation de chômage en tant que chef de ménage et une indemnité d'ALE.

Mme D'hanis aborde ensuite un certain nombre de statuts concrets :

­ La formation professionnelle de l'ONEM est accessible tant aux chômeurs indemnisés qu'aux autres demandeurs d'emploi, par exemple ceux dont l'allocation est suspendue. Ceux qui reçoivent une allocation sont, du même coup, couverts par la sécurité sociale. L'indemnité de formation de 40 francs l'heure n'est pas soumise aux cotisations ONSS, mais bien aux impôts, si bien que, dans certains cas, il reste encore aux intéressés environ 28,8 francs net.

­ L'arrêté royal nº 495 instaurant un système associant le travail et la formation pour les jeunes de 18 à 25 ans. Les jeunes soumis à une convention emploi-formation, qui bénéficient dans la pratique d'un revenu de 20 000 à 25 000 francs par mois, paient sur ce montant des cotisations salariales, mais les cotisations patronales sont fortement réduites.

­ Pour les contrats d'apprentissage industriel, le salaire horaire varie selon l'âge et le secteur, mais il est estimé dans la pratique à environ 260 francs. Tant l'employeur que le travailleur paient des cotisations sur ce montant.

­ Dans les contrats d'apprentissage de formation classes moyennes reconnus, les rémunérations des jeunes de moins de 18 ans varient entre 9 300 et 15 500 francs et après 18 ans, entre 12 400 et 15 500 francs. Les travailleurs ne paient pas de cotisations sur ces montants et la cotisation patronale est limitée à 2 à 4 % selon le secteur.

­ Peut-être la situation des projets-tremplins en Flandre est-elle encore la plus comparable à celle des EFT dans la partie francophone du pays. Les projets-tremplins sont accessibles aux jeunes en âge de scolarité obligatoire qui ne sont pas encore mûrs pour le travail. La durée maximale de travail du jeune est ici de quarante semaines à raison de 20 heures par semaine. Il reçoit en contrepartie une indemnité de 9 284 francs, sur laquelle doit être payée une cotisation patronale de 5,57 %. Les travailleurs qui ressortissent à l'ONSS-APL ne paient pas de cotisations patronales et les employeurs privés versent une cotisation de 20 à 25 %. Ces derniers reçoivent certes une subvention plus élevée (16 000 francs au lieu de 14 000 francs par mois) qui est accordée par le Fonds social européen par l'intermédiaire du département de l'Enseignement du ministère de la Communauté flamande.

Dans ce secteur aussi, la plus grande confusion a longtemps régné sur la question de savoir si des cotisations de sécurité sociale doivent être payées et les employeurs concernés ont soudainement été confrontés à des arriérés considérables. Ceux-ci sont maintenant apurés, mais des problèmes subsisent. Certains centres ont relevé l'indemnité des apprentis, de sorte que ceux-ci gardent encore, après les cotisations ONSS, un montant net de 9 284 francs. D'autres ne l'ont pas fait, si bien que ces jeunes reçoivent une indemnité nette moins élevée.

Une membre ne comprend pas pourquoi ceux qui suivent la formation des classes moyennes, par exemple, ne doivent pas payer de cotisations patronales, alors que dans les projets-tremplins, il le faut. Il s'agit ici de deux formes de travail et formation en alternance, pour des groupes comparables du point de vue de l'âge et dont les indemnités se situent dans le même ordre de grandeur.

La ministère des Affaires sociales répond que le législateur n'a jamais donné de définition de la notion d'« apprenti » et que l'ONSS interprète largement cette notion. C'est pourquoi elle estime que l'article 1er , § 1er , deuxième alinéa, 1º, a, de la loi du 27 juin 1969 est applicable par exemple aux EFT et aux projets-tremplins. En ce qui concerne les formations des classes moyennes, l'arrêté royal du 28 novembre 1998 dispose que des cotisations patronales ne sont dues que pour les vacances annuelles, les accidents du travail et les maladies professionnelles ainsi que le congé-éducation payé. Pour ce qui est des projets-tremplis, il n'y a pas de restriction légale analogue. Toutefois, un arrêté royal prévoyant une telle restriction est actuellement en préparation.

M. Moreau souligne que les entreprises de formation par le travail ne viennent pas revendiquer des privilèges. Elles aimeraient simplement qu'un groupe de personnes travaillant dans ce cadre soient traitées de la même manière que les demandeurs d'emploi occupés dans le cadre d'un projet du FOREM, de l'ORBEM ou du VDAB. Ceux-ci ont droit à une allocation de chômage de grosso modo 11 000 à 32 000 francs et reçoivent en sus une indemnité de formation de 6 000 francs. Ni eux-mêmes, ni leurs employeurs ne doivent payer de cotisations sociales sur ces montants.

Au sein des EFT travaillent un groupe de stagiaires ­ parfois, ils sont minoritaires, parfois majoritaires ­ qui n'ont absolument aucun revenu de remplacement. Il s'agit de personnes dont l'âge varie entre 18 et 25 ans, qui ont tout à fait raté à l'école et ont encore souvent un compte à régler avec ce milieu. Pour motiver ce groupe à reprendre une formation, il faut pouvoir leur offrir quelque chose. De ce point de vue, un montant de 6 000 francs par mois constitue un minimum absolu, et la plupart de ces stagiaires reçoivent dès lors une indemnité légèrement plus élevée, mais qui ne représente toujours pas un tiers du revenu mensuel moyen garanti. C'est précisément ce groupe que la proposition de la Chambre des représentants exclut, et le choc est rude.

Mme D'hanis souligne que le problème de la motivation de ces personnes pour les amener à suivre une formation se pose de manière de plus en plus aiguë dans le secteur de la formation professionnelle, où l'on a droit à l'indemnité de formation précitée de 40 francs l'heure.

Elle demande en outre pourquoi les stagiaires qui travaillent dans les EFT et qui n'ont pas droit aux allocations de chômage ne peuvent pas prétendre au minimum de moyens d'existence.

Un membre fait observer que pour les personnes qui ne sont plus soumises à l'obligation scolaire et qui n'ont pas droit aux allocations de chômage, il existe également d'autres voies que celle du minimum de moyens d'existence. Elles peuvent, dans le cadre de l'article 60 de la loi sur les CPAS du 8 juillet 1976, être employées par le CPAS dans le cadre d'un projet d'intégration sociale. Cela leur garantit un revenu de base qui peut être complété, le cas échéant, par une indemnité de formation de 40 francs l'heure. Dans la région de Gand, c'est une pratique assez courante. Le fait que ce ne soit pas le cas dans la partie francophone

du pays doit-il donner à conclure que les CPAS font ce qu'ils veulent dans ce domaine ?

M. Davister répond que les personnes employées sur la base de l'article 60 de la loi sur les CPAS le sont sur la base d'un contrat de travail à part entière avec tous les avantages qui y sont liés en matière de protection sociale. Le CPAS sert d'employeur et « prête » le travailleur à l'institution concernée. Toutefois, de tels contrats ne sont possibles que si les CPAS sont disposés à appliquer l'article 60 et à débloquer les moyens à cet effet. Ils n'ont aucune obligation en la matière. Par ailleurs, il faut conclure entre le CPAS et l'EFT une convention portant sur les conditions auxquelles l'intéressé doit être employé. Les EFT sont également subventionnés par d'autres instances. Pour l'institution où il travaille, c'est le Fonds social européen, qui prévoit précisément comme condition de subventionnement que les centres n'engagent pas de « stagiaires » sur la base d'un contrat de travail.

Malgré ces difficultés, on constate que le nombre de personnes qui travaillent dans le cadre de l'article 60 ne fait qu'augmenter. Toutefois, cet article ne saurait offrir une solution pour l'ensemble du groupe concerné. En effet, par cette technique, on va, d'une part, donner à quelqu'un le statut de travailleur, avec tous les droits, mais aussi les devoirs qui y sont liés, mais, d'autre part, on va le mettre en formation. Ceci est réalisable pour certains stagiaires, mais d'autres ne sont pas prêts, et aboutissent de ce fait dans les formations.

Un membre aimerait savoir combien de stagiaires l'EFT « Le Chantier » emploie annuellement. Combien d'entre eux terminent la formation et dans quelle mesure ce groupe aboutit-il effectivement sur le marché régulier du travail ? Des stagiaires de plus de 25 ans peuvent-ils également être accueillis ? Il y a manifestement des différences dans les indemnités qui sont payées aux stagiaires. Selon quels critères sont-elles fixées ?

M. Moreau répond que « Le Chantier » occupe en moyenne 100 à 110 personnes. Compte tenu du fait que les formations durent de 6 à 18 mois, on peut affirmer que quelques 200 personnes sont formées par an. De ce groupe, un tiers abandonne avant la fin de la formation. Sur les deux tiers qui terminent la formation, on peut considérer qu'un tiers s'intégrera sur le marché du travail. En ce qui concerne les résultats, les services sont par ailleurs contrôlés très strictement par le Fonds social européen. Par intégration, le Fonds social européen n'entend pas seulement le fait de trouver un emploi, mais également la poursuite de la formation sous une autre forme, par exemple par l'intermédiaire des cours du FOREM. En effet, on ne saurait perdre de vue que certains jeunes qui arrivent au centre, sont souvent totalement destructurés. C'est une illusion d'espérer qu'ils deviennent des travailleurs à part entière en 18 mois. L'EFT pourra dès lors participer à l'intégration sociale, mais devra laisser la formation professionnelle proprement dite et l'intégration professionnelle à d'autres instances.

L'EFT où il travaille accueille également des personnes qui ont plus de 25 ans, mais ce groupe est limité et cet accueil ne peut se faire qu'en respectant des conditions supplémentaires.

Les jeunes commencent à travailler à 40 francs l'heure, c'est-à-dire le montant de l'indemnité de formation. À mesure qu'ils progressent, ce montant est majoré pour arriver à 80 francs l'heure à la fin de la formation. Les formations sont de type modulaire et lors du passage à un nouveau module, l'indemnité est chaque fois adaptée. Dès lors, cette indemnité est un élément de sanction ou de récompense dans le système pédagogique mis en oeuvre.

Un membre peut comprendre le plaidoyer de Mme D'hanis pour que l'on élargisse cette matière et que l'on ouvre le débat à des situations autres, mais comparables. Toutefois, elle souhaite également mettre l'accent sur le caractère spécifique du groupe qui est ici concerné. L'arrêté royal nº 499 vise à remettre en contact avec le marché du travail un groupe d'environ 1 700 jeunes qui ont tout raté et qui n'ont plus aucune perspective. De ce point de vue, la comparaison, par exemple avec les formations des classes moyennes, n'est pas du tout pertinente. Ces élèves ont la volonté d'exercer une profession et ont déjà fait un choix clair et très ciblé dans ce sens. Leur formation n'est pas la conséquence d'un échec dans les études, mais elle fait partie de celles-ci.

Mme D'hanis fait observer que c'est peut-être le cas pour les formations des classes moyennes, mais que les projets-ponts, par exemple, s'adressent bel et bien au même groupe. Le projet de loi à l'examen vise à offrir une solution à un certain groupe et personne ne peut y être opposé. Toutefois, il faut se rendre compte que les problèmes au niveau des réglementations dans le domaine de la sécurité sociale dans ce secteur ne sont absolument pas résolus. On ne pourra les résoudre que si l'on envisage les choses dans leur globalité.

En ce qui concerne les jeunes dans les EFT, elle estime que bon nombre de problèmes seraient résolus si l'on accordait à ces jeunes, outre l'indemnité de formation, un revenu de remplacement. Celui qui n'a pas d'autres revenus, peut normalement aussi prétendre au minimum de moyens d'existence. Or, ceci est tout autre chose que d'employer des personnes sur la base de l'article 60, qui relève en effet de l'aide sociale et qui est donc facultatif.

Une autre intervenante pense avoir compris, au cours de la réunion précédente, qu'il s'agit en l'espèce d'un groupe d'environ 250 personnes. La caractéristique de ce groupe est en effet que pour l'une ou l'autre raison, il ne peut pas s'adresser aux CPAS et ce phénomène semble être plus prononcé dans la partie francophone du pays qu'en Flandre. À quoi est-ce dû ?

La ministre de l'Emploi et du Travail note que ces 250 personnes sont uniquement des personnes connues de l'ONSS. Outre celles-ci, il y a des personnes, comme dans « Le Chantier », qui ne sont pas déclarées et qui ne sont donc pas non plus connues. Le chiffre de 1 700 cité précédemment lui semble plus proche de la réalité.

M. Moreau déclare que, chaque fois qu'il est possible d'accorder à ces jeunes un statut minimum par le biais du minimum de moyens d'existence, on le fait. Malheureusement, il est impossible de le faire pour la plupart des personnes qui travaillent dans « Le Chantier », parce qu'elles sont encore à charge de leurs parents ou de leur partenaire, dont le revenu dépasse le seuil de référence pour ce qui est de l'octroi du minimum de moyens d'existence. Cela ne dit hélas rien de la situation réelle dans laquelle les intéressés se trouvent.

Mme D'hanis note que telle est la situation de bien des cohabitants qui ne peuvent faire valoir aucun droit, simplement parce qu'ils sont cohabitants. Cela soulève la question de savoir s'il est souhaitable d'accorder des droits individuels et indique une nouvelle fois que le débat dépasse le cadre du dossier à l'examen.

Un membre dit partager entièrement ce dernier point de vue. La commission a d'ailleurs demandé au gouvernement, il y a environ un an, de réunir les informations nécessaires pour permettre d'organiser un débat quant au fond au sujet de l'octroi de droits individuels. Il ne serait toutefois pas raisonnable de faire dépendre l'issue du dossier à l'examen d'un débat aussi vaste. Le groupe en question est un groupe fort spécifique et fort difficile, qui est passé au travers de toutes les mailles du filet et pour lequel il y a eu lieu, pour diverses raisons, de trouver une solution urgente.

Une autre intervenante déclare que, même lorsque ces personnes habitent encore chez elles, elles peuvent réclamer une allocation égale au minimum de moyens d'existence des cohabitants, si elles sont prêtes à s'intégrer dans un projet de mise au travail. Ce régime repose, non pas sur des conventions de travail, mais sur un contrat conclu entre le CPAS et l'ASBL ou l'entreprise dans laquelle l'intéressé est occupé.

Le ministre de l'Emploi et du Travail note que l'on peut effectivement prévoir des régimes de ce type dans le cadre de l'aide sociale mais qu'en l'espèce, l'on ne peut rien imposer aux CPAS.

En ce qui concerne la politique gouvernementale concernant la multiplicité des statuts, elle fait observer qu'une évaluation des centres de travail en alternance a montré qu'une minorité seulement des jeunes qui ont été mis au travail à temps partiel par ce biais, disposent d'un contrat au sens de la loi, à savoir un contrat s'inscrivant dans le cadre de l'apprentissage industriel, d'un contrat conclu en application de l'arrêté royal nº 495 ou d'un contrat s'inscrivant dans le cadre de la formation des classes moyennes.

La majorité des personnes mises au travail ne disposent d'aucun contrat en général ni d'aucun contrat sui generis . Cette situation a été tolérée par l'autorité fédérale, mais elle a soulevé pas mal de discussions, notamment au sein du Conseil national du travail.

Sur la base de ces constatations, l'on a élaboré récemment une réglementation supplétive pour ce qui est des contrats d'apprentissage industriels relevant du champ de compétence du Conseil national du travail au niveau interprofessionnel. Ce régime est applicable dans les secteurs qui n'étaient pas encore ouverts à ce type de formation jusqu'à présent. De fait, 16 seulement des secteurs dans lesquels des contrats d'apprentissage industriels peuvent être conclus ont mis au point une réglementation à cet égard et seulement une dizaine de ces secteurs appliquent effectivement le régime en question.

En outre, dans ce nouveau régime supplétif, on prend deux nouvelles mesures concernant l'indemnité :

­ elle est plafonnée aux montants qui s'appliquent aussi à la formation des classes moyennes, ce qui tend à rapprocher les deux régimes;

­ un nouveau statut est créé pour les jeunes qui n'ont pas terminé la troisième année d'enseignement professionnel, avec une indemnité qui est inférieure à celle des autres apprentis industriels.

Les nouvelles mesures seront évaluées dans les prochains mois. Si elles fonctionnent correctement, on se montrera plus strict à l'égard des contrats sui generis, que l'on doit bien utiliser pour l'instant à défaut de cadre légal suffisant.

Le large débat que l'on doit avoir n'enlève rien au fait qu'il faut trouver à court terme une solution à la problématique concrète qui se pose, qui est liée à un délai d'évocation et sur laquelle des procédures sont en cours. Un sondage superficiel auprès des centres concernés montre qu'en pratique, la réglementation des régions offre en pratique insuffisamment de garanties pour ce qui est de l'assurance contre les accidents du travail. Les contrats types à utiliser par les organisations mentionnent bien la compagnie d'assurance et le numéro de la police, mais il n'est pas imposé de normes quant à la qualité de la couverture. L'enquête a montré que celle-ci était généralement suffisante mais que dans un certain nombre de cas, on pourrait à tout le moins s'interroger à cet égard.

La ministre aimerait dès lors proposer que, comme c'est notamment le cas pour les ALE, les employeurs soient tenus en vertu de la loi de contracter une police d'assurance offrant au moins les mêmes garanties que la loi du 16 mars 1971. Pour empêcher que cette disposition ne reste lettre morte, l'inspection sociale et l'inspection du travail devraient être habilitées à contrôler cette obligation.

Elle estime qu'une telle réglementation doit pouvoir être acceptable pour les gens du terrain, pour lesquels il est effectivement difficile de comprendre que ces jeunes doivent payer des cotisations de sécurité sociale sur une indemnité de 6 000 à 14 448 francs par mois sans en tirer aucun droit.

La ministre des Affaires sociales rappelle la philosophie qui sous-tend l'arrêté royal nº 499 du 31 décembre 1986 : il s''agit d'aider les jeunes non qualifiés et qui se retrouvent exclus de tout circuit social à se réintégrer socialement de manière à pouvoir s'adapter au marché du travail, et ce notamment en reprenant contact avec la sécurité sociale. Elle peut comprendre les préoccupations exprimées par les gens du secteur. Leurs propositions auraient toutefois pour conséquence de placer complètement ces jeunes en dehors de la sécurité sociale. Mais dans ce cas, il faut être conséquent et retirer aussi cette catégorie de l'arrêté royal nº 499.

Elle souligne avoir déjà défendu en 1997 le point de vue selon lequel ces jeunes ne devaient pas payer de cotisations pour les secteurs d'où ils ne peuvent de toute manière tirer aucun droit. Une enquête réalisée par l'administration à ce sujet a montré que c'était le cas pour l'assurance maladie-invalidité dans la mesure où l'indemnité est inférieure à quatre fois le revenu minimum mensuel garanti sur une base annuelle. Les jeunes pourraient par conséquent être soustraits à ce secteur.

En ce qui concerne le secteur des allocations familiales, la situation est cependant tout autre. Les travailleurs ne versent aucune cotisation et les employeurs sont exonérés de leur obligation de cotiser par l'arrêté royal nº 499. Si le coût de la couverture sociale de ce secteur est donc nul, il n'en demeure pas moins que ce même secteur présente d'importants avantages. D'une part, il n'est pas exclu que certains de ces travailleurs aient des enfants et d'autres part ce système entraîne l'application de trois autres régimes, à savoir celui des accidents de travail, celui des maladies professionnelles et celui du congé-éducation payé.

On peut aussi affirmer à cet égard que l'application de la loi relative aux accidents du travail offre toujours certains avantages par rapport à une police d'assurance privée, ne fût-ce qu'en raison du fait que dans ce régime, si l'assureur reste en défaut de paiement, le Fonds des accidents du travail supplée à ses obligations.

La ministre des Affaires sociales répète que si l'on veut lever la préoccupation qui sous-tend l'amendement à l'examen, il faudrait le faire en dehors du cadre de l'arrêté royal nº 499 dont l'article 2, 1º, dispose d'ailleurs que les avantages de cet arrêté ne peuvent être octroyés qu'à des centres ou associations qui ont « exclusivement » pour but de donner une formation aux jeunes visés au 2º. La plupart des EFT, manifestement de même que les centres qui sont représentés ici, ne remplissent pas cette condition étant donné qu'ils ont étendu leur terrain d'action et accueillent aussi des personnes qui sont bénéficiaires d'allocations de chômage. La modification proposée ne s'appliquerait dès lors pas aux EFT, à moins que l'on supprime le mot « exclusivement ».

Les stagiaires bénéficiant d'allocations de chômage qui font partie de ces centres sont d'ailleurs entièrement assujettis à la sécurité sociale.

Un membre ne partage pas ce point de vue. L'application du régime des allocations familiales n'ouvre aucun droit aux jeunes qui habitent encore chez leurs parents et qui constituent la majorité des stagaires. Pour les stagiaires qui ont des enfants, il existe dans ce secteur suffisamment de techniques permettant d'octroyer à un autre ayant droit le bénéfice de ces droits. Au niveau du congé-éducation payé, il est impensable que ces jeunes puissent jouir de droits étant donné qu'ils n'ont aucun contrat de travail.

Cette matière doit être réglée dans le cadre de l'arrêté royal nº 499 pour la bonne et simple raison que pour ce groupe, il n'existe aucune autre base juridique. Il s'agit ici en effet d'un groupe qui ne peut plus bénéficier d'aucun autre régime.

Il est exact que dans les EFT, il y a également des travailleurs qui combinent indemnité et allocations de chômage. Quoi de plus logique dès lors que ces personnes soient assujetties à la sécurité sociale puisqu'elles en ont les moyens et qu'elles peuvent aussi en retirer des droits.

M. Davister souhaite approfondir la remarque de la ministre selon laquelle les EFT ont élargi leur terrain d'action. Il convient en effet de se demander à cet égard comment on définit la notion de « jeune défavorisé ». Dans l'institution où il travaille, un tiers des stagiaires n'ont absolument aucun statut social et un tiers bénéfice d'allocations de chômage inférieures à 14 000 francs par mois. Dix-sept travailleurs, dont huit isolés, vivent du minimum de moyens d'existence. À un travailleur près, un réfugié politique, personne n'a de diplôme et deux stagiaires sont analphabètes.

Peut-on affirmer sur cette base que les EFT, qui étaient axées sur les personnes défavorisées, ont « élargi » leur champ d'action ? C'est effectivement possible à partir du moment où l'on va définir la notion de « personne défavorisée » en n'utilisant que des critères financiers et juridiques et non pas en se fondant sur l'arrière-plan culturel ou familial de ces personnes ou encore sur les chances qu'elles ont sur le marché du travail.

Pour ce dernier critère aussi, il faut oser regarder la réalité en face. Son collègue a déjà souligné que les stagiaires ont, à l'issue de leur formation, deux possibilités : soit une formation professionnelle au FOREM, soit le marché du travail. Dans les deux cas, ils entrent en concurrence avec des groupes entiers d'autres candidats vis-à-vis desquels leur position reste, en dépit de leur formation à l'EFT, très défavorable.

Si les EFT ont « élargi » leur terrain, c'est tout simplement parce que le groupe-cible s'est élargi lui aussi. Les personnes qui travaillent dans ce secteur ont pu constater une énorme dégradation au sein de ces groupes au cours de la dernière décennie. Dans bien des cas, les candidats doivent, avant de pouvoir commencer la formation propement dite, recevoir une aide dans presque tous les domaines de la vie.

Un membre partage pleinement ce point de vue et estime qu'en cela consiste précisément la mission des EFT. Il s'agit en l'espèce d'un groupe de personnes qui ne sont pas uniquement confrontées à des problèmes d'ordre juridique ou financier. Elles ont perdu le contact avec la société dans plusieurs domaines, ce qui les met dans l'impossibilité de trouver par leurs propres moyens une place sur le marché régulier du travail.

Sans levier pour les sortir de cette situation et les préparer à faire leur entrée sur le marché du travail en agissant sur les différentes facettes de leur personnalité, ces personnes sont presque certainement perdues pour la société. C'est la raison pour laquelle les services de formation professionnelle ne peuvent pas les aider. C'est précisément cette fonction de soudure que des institutions comme les EFT doivent assurer et c'est à raison qu'elles ne sélectionnent pas leurs stagiaires exclusivement sur la base de critères juridiques ou financiers.

Mme D'hanis ne voit évidemment pas d'objection à ce que l'on apporte dès à présent une solution aux problèmes des EFT, mais elle demande à la commission de ne pas croire que cela suffira à tout régler. Elle confirme que le groupe-cible devient de plus en plus difficile à gérer, ce qui évidemment pèse sur le personnel qui doit travailler avec ces personnes. De plus, ce même personnel est contraint de travailler dans un chaos juridique où les statuts et les règlements sont bouleversés presque tous les mois. C'est là une situation qui ne peut pas durer indéfiniment et à laquelle on ne pourra mettre fin qu'en prenant une série de mesures politiques globales. Outre ce dossier, on pourrait citer d'autres statuts qui posent des problèmes identiques.

Une autre intervenante estime que la situation des EFT où l'on prélève même des cotisations sociales sur une indemnité particulièrement minime est un exemple typique de pièges à l'emploi créés par la législation. Il y a là un débat général qu'il faudra quoi qu'il en soit mener. La situation en question doit cependant être réglée le plus vite possible, pour la simple raison qu'elle est à la fois illogique et injuste. Le seul élément qui manque encore à la discussion est la question de savoir dans quelle mesure des problèmes similaires se posent dans un autre statut, par exemple celui des projets-ponts. Si l'on peut procéder à des comparaisons, il n'est pas forcément nécessaire de modifier ces statuts parallèlement à la décision prise dans le présent dossier, mais il paraît tout de même souhaitable d'avoir une idée de cette question avant de procéder au vote.

Une membre est d'accord pour que les différents statuts existants aujourd'hui fassent l'objet d'un débat général. On ne doit toutefois pas oublier qu'à chacun de ces statuts correspond également une définition différente du groupe auquel il se rapporte. Par exemple, l'arrêté royal nº 499 ne vise pas le même groupe que l'article 60 de la loi sur les CPAS ou la réglementation relative aux ALE. On ne peut pas subordonner l'examen de ce dossier à un débat sur tous ces statuts. Toutefois, on peut vérifier s'il existe d'autres régimes en matière de formation des jeunes de 18 à 25 ans environ qui touchent pour cette formation une indemnité inférieure à 14 448 francs et sur laquelle sont prélevées des cotisations de sécurité sociale qui en contrepartie ne donnent pas naissance à des droits.

IV. DISCUSSION DES AMENDEMENTS

Le gouvernement dépose les amendements 2, 3, 4 et 5 (doc. Senat nº 1-1051/3, 1998-1999) :

Art. 2

« Remplacer cet article par la disposition suivante :

« Art. 2. ­ À l'article 2, 1º, de l'arrêté royal nº 499 du 31 décembre 1986 portant réglementation de la sécurité sociale de certains jeunes défavorisés, le mot « exclusivement » est supprimé. »

Art. 3

« Remplacer cet article par la disposition suivante :

« Art. 3. ­ À l'article 4 du même arrêté, les mots « jeunes concernés » sont remplacés par les mots « jeunes visés à l'article 3. »

Art. 4 (nouveau)

« Ajouter un article 4 (nouveau), rédigé comme suit :

« Art. 4. ­ Un article 4bis, rédigé comme suit, est inséré dans le même arrêté :

« Sont soustraits à l'application de la loi du 27 juin 1969 précitée :

­ les travailleurs visés par le présent arrêté, dont les revenus mensuels n'atteignent pas au moins un montant équivalent au tiers du revenu minimum mensuel moyen garanti, fixé par la convention collective de travail nº 43 conclue au sein du Conseil national du travail et rendue obligatoire par l'arrêté royal du 29 juillet 1988, en vigueur le dernier mois de l'année civile précédant celle du calcul des cotisations;

­ ainsi que leurs employeurs.

Les travailleurs visés à l'alinéa 1er sont assurés contre les accidents du travail. Leur employeur conclut, auprès d'une société d'assurances à primes fixes agréée ou auprès d'une caisse commune d'assurances agréée, une police qui garantit à ces travailleurs les mêmes avantages que ceux qui sont mis à charge de l'assureur par la loi du 10 avril 1971 sur les accidents du travail.

En cas d'incapacité temporaire de travail résultant d'un accident survenu dans le cadre de l'objet visé à l'article 2, 1º, la société d'assurances paie par jour d'incapacité, samedi et dimanche exceptés, un montant correspondant à celui auquel le travailleur pouvait prétendre le jour qui précède l'accident.

En cas d'incapacité permanente de travail ou de décès, la société d'assurance paie au travailleur un montant calculé sur une rémunération annuelle de base égale à 13,85 fois le montant du revenu minimum mensuel moyen garanti aux travailleurs âgés de 21 ans qui n'ont pas d'ancienneté dans l'entreprise qui les occupe, fixé par la convention collective de travail précitée.

Les inspecteurs sociaux du ministère de l'Emploi et du Travail et de l'Office national de sécurité sociale sont habilités à effectuer le contrôle des dispositions du présent article. »

Art. 5 (nouveau)

« Ajouter un article 5 (nouveau) rédigé comme suit :

« Art. 5. ­ La présente loi produit ses effets au 1er janvier 1987, à l'exception de l'article 4bis, alinéas 2 à 4 de l'arrêté royal nº 499 précité, inséré par l'article 4 de la présente loi, qui entre en vigueur le premier jour du deuxième mois qui suit celui au cours duquel cette loi aura été publiée au Moniteur belge. »

Justification

L'arrêté royal nº 499 portant réglementation de la sécurité sociale de certains jeunes défavorisés prévoit un système de perception des cotisations sociales assoupli pour les ASBL occupant de jeunes défavorisés, c'est-à-dire des jeunes qui se trouvent en dehors du circuit du travail, qui ne bénéficient pas d'allocations de sécurité sociale, qui sont exclus des circuits normaux d'insertion professionnelle, et qui ont été reconnus comme tels par l'autorité compétente.

En application de l'article 3 de l'arrêté royal, les employeurs et travailleurs concernés ne tombent sous l'application de la loi du 27 juin 1969 révisant l'arrêté-loi du 28 décembre 1944 concernant la sécurité sociale des travailleurs salariés, qu'en ce qui concerne les régimes :

­ de l'assurance obligatoire contre la maladie et l'invalidité;

­ des allocations familiales.

En application de l'article 4 du même arrêté royal, les employeurs concernés bénéficient même d'une exonération des cotisations sociales patronales pour ces deux secteurs.

Légalement, les employeurs ne sont donc redevables que des cotisations sociales personnelles pour les secteurs de l'assurance maladie-invalidité et des allocations familiales.

En pratique, sur la base d'un principe « d'attractivité » appliqué par l'ONSS, ces employeurs sont également redevables des cotisations sociales patronales pour les secteurs suivants :

­ accidents du travail,

­ maladies professionnelles,

­ congé-éducation payé,

bien que ces régimes, à l'exception du régime congé-éducation payé, fassent partie du régime général de la sécurité sociale.

Cet assujettissement, aussi partiel et minime soit-il, pose de nombreux problèmes administratifs aux ASBL concernées (assujettissement à l'ONSS, déclaration trimestrielle, fiche salariale mensuelle complète, fiche fiscale, ...) en ce qui concerne les jeunes défavorisés qui ne perçoivent pas une indemnité soumise à l'ONSS suffisante pour pouvoir bénéficier de la couverture en assurance maladie-invalidité.

Le projet de loi tel qu'adopté par la Chambre veut manifestement répondre à la demande du secteur concerné, mais il suscite néanmoins des réactions sur deux points :

­ pour les travailleurs qui perçoivent une indemnité identique à celle allouée par les services de la formation professionnelle, le texte prévoit en réalité le maintien d'un assujettissement au régime des allocations familiales et par conséquent le maintien des contraintes administratives;

­ pour les travailleurs qui perçoivent une indemnité supérieure à celle précitée mais inférieure au tiers du revenu minimum mensuel moyen garanti, il y a paiement de cotisations sans ouverture réelle de droits, ce qui est mal perçu par les ASBL et les travailleurs concernés, ceux-ci étant défavorisés et en dehors de la sécurité sociale.

C'est pourquoi nous déposons cet amendement afin de mieux tenir compte de la réalité vécue par ces ASBL et les jeunes défavorisés qu'elles occupent.

Parallèlement, nous voulous examiner à bref délai la possibilité de répondre structurellement à cette problématique de l'insertion socio-professionnelle des jeunes défavorisés par le biais d'un régime adapté d'apprentissage. Une telle harmonisation de statuts sera examinée en collaboration avec le Conseil national du travail.

Art. 2

Vu que certaines ASBL s'adressent également à des jeunes peu qualifiés et rencontrant des difficultés sociales mais bénéficiaires d'allocations de chômage ou d'attente, l'exclusivité sur le public-cible doit être levée.

Art. 4

L'amendement proposé soustrait totalement certains jeunes défavorisés à l'application de la loi du 27 juin 1969 précitée.

De ce fait, les associations qui occupent ces jeunes ne cotiseront plus pour eux au secteur des accidents du travail. Il est donc impératif de prévoir pour ces jeunes une couverture légale convenable en matière d'accidents du travail.

La ministre de l'Emploi et du Travail fait observer que cet amendement se base principalement sur les échanges de vue qui ont eu lieu en commission, en particulier sur l'audition d'une série de personnes du secteur.

Dans le texte qui a été transmis par la Chambre des représentants, la dispense de cotisations à l'assurance maladie-invalidité pour ce groupe de jeunes est limitée au montant de l'indemnité qui est accordée par les services de formation professionnelle aux demandeurs d'emploi en formation.

Pour ce qui est des jeunes qui reçoivent une indemnité supérieure à ce montant, mais qui est inférieure à un tiers du revenu minimum mensuel moyen garanti, il subsiste une obligation de cotiser pour certains secteurs. Même si l'on dispensait ce groupe du paiement de cotisations à l'assurance maladie-invalidité qui constitue la grande majorité des personnes employées dans les EFT les centres concernés resteraient confrontés à un tas de formalités administratives. En effet, les jeunes en formation restent soumis à la réglementation des allocations familiales, qui ne leur rapporte toutefois pas non plus d'avantages directs. En effet, ils ne peuvent bénéficier dans ce secteur que de droit dérivés. Cotiser dans ce secteur ne leur rapporte donc rien de concret.

Par ailleurs, il y a l'aspect psychologique. Il est difficile d'expliquer à ces jeunes, qui ratent tout et pour lesquels il est loin d'être évident de commencer une formation, qu'ils doivent payer, sur l'indemnité minime qui leur est accordée, une cotisation mais qui ne leur ouvre aucun droit.

Sur la base de ces deux considérations, il est proposé, dans les amendements, de ne plus faire relever de la loi du 27 juin 1969, les jeunes qui travaillent dans une entreprise de formation par le travail si leur revenu mensuel n'est pas au moins égal à un tiers du revenu minimum mensuel moyen garanti.

Il s'ensuit toutefois que les travailleurs concernés ne sont plus couverts en cas d'accidents du travail. Le problème est résolu dans le nouvel article 4bis , alinéas 2 à 4. Ces dispositions sont inspirées de la réglementation applicable aux agences locales pour l'emploi.

Comme on l'a entendu clairement au cours de l'audition, il existe en la matière des conflits juridiques graves qui peuvent mettre les centres concernés dans de graves difficultés. C'est pourquoi il est souhaitable de conserver la date d'entrée en vigueur qui a été fixée par la Chambre au 1er janvier 1987. C'est à cette date également que l'arrêté royal nº 499 est entré en vigueur.

Toutefois, les règles prévues dans ces amendements n'apportent aucune réponse à un souci qui a été exprimé à juste titre par une représentante d'une institution au cours d'une audition, à savoir qu'il existe encore d'autres statuts, par exemple les projets-ponts, qui posent problème. Dès lors, le but est de parvenir à très court terme à des règles plus structurées et harmonisées par la voie générale de l'apprentissage. Pareille réglementation devrait amener à supprimer tout simplement l'arrêté royal nº 499.

Il y a quelques jours, la ministre des Affaires sociales a demandé au Conseil national du travail de faire connaître son point de vue à ce propos. Pareille harmonisation demandera du temps, notamment en raison de la nécessité de recueillir des avis, mais elle devrait pouvoir être réalisée avant la fin de la présente législature.

Une membre déclare approuver pleinement l'amendement proposé, qui allège en effet la lourde charge administrative des institutions qui doivent déjà travailler dans des conditions très difficiles. Pour les jeunes, cela constituera certes aussi une incitation à participer à pareil projet.

Le texte respecte par ailleurs parfaitement l'esprit de la proposition de loi initiale qui a été adoptée par la Chambre des représentants.

En outre, l'intervenante ne peut que se réjouir de l'intention du gouvernement d'uniformiser davantage les règles en matière de cotisations pour les différents statuts de formation. Rien que la disparité dans ce domaine donne déjà lieu à un surcroît de travail ainsi qu'à des difficultés administratives qui peuvent être évitées.

Une autre intervenante se rallie à ce qui vient d'être dit. Elle estime cependant que les discussions sur ce sujet ont montré une fois de plus la nécessité d'une réflexion approfondie sur notre système de protection sociale dans le cadre de l'évolution économique actuelle. Quoi qu'il en soit, il faudra en arriver à une réduction générale des cotisations sociales, non seulement pour les apprentis, mais également pour l'ensemble des travailleurs des catégories salariales inférieures.

Les régimes des allocations familiales et de l'assurance soins de santé sont pour ainsi dire universellement applicables, mais sont encore toujours financés par des cotisations issues des revenus du travail. La discussion a montré à quelles situations absurdes cela peut mener. Des jeunes qui, au cours de leur formation, reçoivent une indemnité symbolique doivent payer des cotisations qui ne leur ouvrent aucuns droits. Pourtant, ils peuvent faire valoir ces droits de manière indirecte, par d'autres voies. Tout cela amène l'intervenante à se demander s'il ne faudrait pas élargir la base de financement de ces régimes en les incluant dans le budget général de l'État.

V. VOTES

Article 2

L'amendement nº 1 est retiré par ses auteurs.

L'amendement nº 2 est adopté à l'unanimité des 9 membres présents.

Article 3

L'amendement nº 3 est adopté à l'unanimité des 10 membres présents.

Article 4 (nouveau)

L'amendement nº 4 est adopté à l'unanimité des 11 membres présents.

Article 5 (nouveau)

L'amendement nº 5 est adopté à l'unanimité des 11 membres présents.

L'ensemble du projet de loi ainsi amendé a été adopté par un vote identique.

Confiance a été faite à la rapporteuse pour la rédaction du présent rapport.

La rapporteuse, La présidente,
Bea CANTILLON. Lydia MAXIMUS.

Texte transmis par
la Chambre des représentants
Texte adopté
par la commission
Article 1er Article 1er
La présente loi règle une matière visée à l'article 78 de la Constitution. La présente loi règle une matière visée à l'article 78 de la Constitution.
Art. 2 Art. 2
Un article 3bis , rédigé comme suit, est inséré dans l'arrêté royal nº 499 du 31 décembre 1986 portant réglementation de la sécurité sociale de certains jeunes défavorisés : À l'article 2, 1º, de l'arrêté royal nº 499 du 31 décembre 1986 portant réglementation de la sécurité sociale de certains jeunes défavorisés, le mot « exclusivement » est supprimé.
« Art. 3bis . ­ Sont soustraits à l'application de la loi du 27 juin 1969, en ce qui concerne le régime de l'assurance obligatoire contre la maladie et l'invalidité, les travailleurs visés par le présent arrêté qui perçoivent une indemnité.
Cette indemnité ne peut excéder le montant :
­ alloué par les services de la formation professionnelle aux demandeurs d'emploi en formation, en vue de couvrir les frais inhérents à la formation;
­ et exonéré en tant que tel, par l'ONSS, du paiement des cotisations sociales. »
Art. 3 Art. 3
L'article 2 produit ses effets au 1er janvier 1987. À l'article 4 du même arrêté, les mots « jeunes concernés » sont remplacés par les mots « jeunes visés à l'article 3 ».
Art. 4 (nouveau)
Un article 4 bis , rédigé comme suit, est inséré dans le même arrêté :
« Art. 4 bis. ­ Sont soustraits à l'application de la loi du 27 juin 1969 précitée :
­ les travailleurs visés par le présent arrêté, dont les revenus mensuels n'atteignent pas au moins un montant équivalent au tiers du revenu minimum mensuel moyen garanti, fixé par la convention collective de travail nº 43 conclue au Conseil national du travail et rendue obligatoire par l'arrêté royal du 29 juillet 1988, en vigueur le dernier mois de l'année civile précédant celle du calcul des cotisations;
­ ainsi que leurs employeurs.
Les travailleurs visés à l'alinéa 1er sont assurés contre les accidents du travail. Leur employeur conclut, auprès d'une société d'assurances à primes fixes agréée ou auprès d'une caisse commune d'assurances agréée, une police qui garantit à ces travailleurs les mêmes avantages que ceux qui sont mis à charge de l'assureur par la loi du 10 avril 1971 sur les accidents du travail.
En cas d'incapacité temporaire de travail résultant d'un accident survenu dans le cadre de l'objet visé à l'article 2, 1º, la société d'assurances paie par jour d'incapacité, samedi et dimanche exceptés, un montant correspondant à celui auquel le travailleur pouvait prétendre le jour qui précède l'accident.
En cas d'incapacité permanente de travail ou de décès, la société d'assurances paie au travailleur un montant calculé sur une rémunération annuelle de base égale à 13,85 fois le montant du revenu minimum mensuel moyen garanti aux travailleurs âgés de 21 ans qui n'ont pas d'ancienneté dans l'entreprise qui les occupe, fixé par la convention collective de travail précitée.
Les inspecteurs sociaux du Ministère de l'Emploi et du Travail et de l'Office national de sécurité sociale sont habilités à effectuer le contrôle des dispositions du présent article. »
Art. 5 (nouveau)
La présente loi produit ses effets au 1er janvier 1987, à l'exception de l'article 4 bis , alinéa 2 à 4 de l'arrêté royal nº 499 précité, inséré par l'article 4 de la présente loi, qui entre en vigueur le premier jour du deuxième mois qui suit celui au cours duquel cette loi aura été publiée au Moniteur belge .