Questions et Réponses

Sénat de Belgique

SESSION DE 1995-1996


Bulletin 1-9

30 JANVIER 1996

Questions posées par les Sénateurs et réponses données par les Ministres

(Fr.): Question posée en français - (N.): Question posée en néerlandais


Vice-Premier ministre et ministre de l'Économie et des Télécommunications (Économie)

Question nº 17 de M. Delcroix du 23 octobre 1995 (N.) :
Surestimation éventuelle de l'évolution des prix à la consommation sur la base de l'indice des prix à la consommation. ­ Conséquences budgétaires.

Sur l'ordre de la Commission des Finances du Sénat américain, cinq économistes renommés, sous la direction de Michael Boskin de l'Université de Stanford, ont calculé dans leur rapport « Toward a More Accurate Measure of the Cost of Living » quelle pouvait être l'éventuelle disparité entre l'augmentation réelle du coût de la vie et l'augmentation du CPI (Consumer Price Index, Indice des prix à la consommation) calculé par le « Bureau of Labour Statistics ». Le rapport rédigé à la suite de l'enquête conclut à une surestimation de 0,7 à 2 p.c. (cf. The Economist du 30 septembre 1995, p. 67-68).

Le calcul de l'indice des prix à la consommation revêt une certaine importance, puisque c'est ce CPI qui intervient dans les formules automatiques applicables en matière d'adaptation des salaires et de dépenses publiques. Les recettes publiques sont influencées, en outre, par l'indexation de dépenses déductibles fiscalement.

Le « Congressional Budget Office » estime que, si l'on adaptait les formules d'indexation à l'augmentation réelle du coût de la vie, l'on pourrait, pour l'an 2005, alléger le déficit public américain de 140 milliards de dollars.

La Commission d'experts attribue la surestimation précitée à 5 facteurs :

1. L'effet de remplacement (0,2 à 0,4 p.c. par an) : la hausse des prix incite les consommateurs à passer à des produits meilleur marché, attitude dont il n'est pas tenu compte dans le calcul de l'indice.

2. Distorsion au niveau de la distribution (0,1 à 0,3 p.c.) : l'existence de magasins « discount » bon marché n'est pas suffisamment prise en compte dans le sondage.

3. Changements de la qualité (0,2 à 0,6 p.c.) : l'indice traduit insuffisamment l'amélioration de la qualité des biens et des services.

4. Nouveaux produits (0,2 à 0,7 p.c.) : comme le panier des produits et des services n'est adapté que tous les dix ans, les nouveaux produits et services n'y apparaissent pas.

5. Formule : l'indice est calculé en fonction d'un nombre excessif d'articles vendu à des prix temporairement peu élevés.

Le gouverneur de la Banque centrale américaine, Alan Greenspan, a déjà déclaré publiquement qu'il souscrivait à l'adaptation du CPI sur les conseils de la commission d'experts.

Il ressort d'une étude de la Kredietbank (cf. Bulletin hebdomadaire de la KB, 17 mars 1995, 50e année, nº 10 À la recherche de l'indice idéal), que des surestimations de ce genre ont également lieu dans notre pays. Les enquêteurs arrivent à la conclusion suivante :

« La formule facilement interprétable de l'indice de Laspeyres emporte la préférence de la plupart des instituts statistiques et des organismes officiels. Cette approche attache toutefois une importance excessive à la possibilité de comparer des années successives avec une année de base fixe et entraîne une perte de qualité dans l'estimation de l'évolution récente des prix et des volumes. En ce qui concerne les indices de prix, il vaudrait mieux abandonner le principe d'un panier fixe de produits au profit d'une adaptation annuelle du panier en fonction de la modification des habitudes de consommation des ménages, à savoir un « indice-chaîne annuel ». Cela mettrait un terme à la déformation actuelle de l'indice à la suite d'améliorations qualitatives et du lancement de produits nouveaux. Les études disponibles révèlent en effet que les indices officiels de prix surestiment le rythme d'inflation de 1 p.c. environ par an. »

J'aimerais que l'honorable ministre me dise :

1. S'il peut se rallier à la conclusion que l'indice des prix à la consommation tel qu'il est fixé par le ministère des Affaires économiques, peut donner lieu à une surestimation de la hausse réelle annuelle du coût de la vie;

2. S'il envisage de commander une étude dans laquelle :

a) L'on recommanderait une révision de l'indice actuel pour qu'il traduise mieux l'augmentation réelle du coût de la vie;

b) L'on estimerait l'incidence budgétaire éventuelle qu'aurait sur les recettes publiques et sur les dépenses publiques primaires, l'application généralisée de ce nouvel indice corrigé (adaptation des allocations sociales, salaires,...).


Réponse : 1. Je tiens d'abord à signaler à l'honorable membre que l'indice belge n'est pas un indice du coût de la vie mais bien un indice des prix à la consommation, censé ne mesurer que la pure évolution des prix.

Le calcul de l'indice belge et en particulier la méthodologie qui y préside sont placés sous la responsabilité d'une commission spéciale, la commission de l'Indice, qui regroupe en son sein des personnalités scientifiques et, paritairement, des représentants du patronat et des syndicats.

L'indice actuel a été adopté à l'unanimité par la commission de l'Indice, et le calcul mensuel de l'indice est soumis à l'approbation de la commission de l'Indice, avant d'être publié.

2. Je peux signaler à l'honorable membre que des discussions sont menées au sein de l'Office statistique des Communautés européennes pour assurer, dès janvier 1997, la calcul d'indices harmonisés au niveau européen.

Des fonctionnaires belges participent activement à ces discussions et ne manquent pas d'en faire rapport à la commission de l'Indice.

D'autre part, une actualisation de l'indice des prix est effectivement en cours. Ainsi :

­ L'Institut national de statistique effectue actuellement une enquête sur les budgets des ménages,

­ Le service de l'Indice effectue des relevés de prix supplémentaires pour les nouveaux produits susceptibles d'entrer en considération pour le nouvel indice, et ceci depuis le 1er janvier 1995,

­ La commission de l'Indice se réunit régulièrement pour débattre des principes méthodologiques.

3. Quant à l'impact budgétaire du nouvel indice, il me paraît prématuré d'avancer des estimations au stade actuel des travaux.