(Fr.): Question posée en français - (N.): Question posée en néerlandais
Le 17 juillet 1997, la Cour européenne de justice a rendu son arrêt dans l'affaire « Aro Lease ».
Dans cet arrêt, l'interprétation donnée par l'État belge (l'administration de la TVA) de ce qui, dans le cadre d'un cross-border leasing, doit être considéré comme un établissement fixe au sens de l'article 9, paragraphes 1er -2, de la Sixième directive TVA, est rejetée (pour une étude détaillée de l'arrêt, voir Debroe L., « Cross-border leasing van autos's in België : aspecten van BTW Vrij verkeer van diensten : analyse van en commentaar op het ARO Lease-Arrest van het Hof van justitie », AFT 1997, 382-397).
Selon la Cour européenne de justice, l'administration belge de la TVA a attaché trop peu d'importance à la subsidiarité du critère de l'établissement fixe en vue de déterminer le pays compétent en matière de prélèvement de la TVA. Le pays du siège de la société de leasing propriétaire de services constitue le critère déterminant (et non le pays où le véhicule est utilisé). Ce n'est que lorsque les éléments constitutifs de la prestation de services ne peuvent être rattachés au pays du siège qu'il s'impose, selon la Cour européenne de justice, de recourir au critère alternatif de la notion d'établissement fixe.
Dans le cas du leasing de véhicules automobiles, ces éléments constitutifs peuvent être les suivants : la négociation du contrat de leasing, la rédaction, la signature et le suivi des conventions.
À titre d'éléments ne permettant pas de conclure qu'il existe un établissement fixe entraînant la possibilité pour l'administration de la TVA d'un pays (en l'occurrence la Belgique) de prélever la taxe, la Cour européenne de justice cite le fait que les automobiles ont été fournies par un distributeur belge, le fait que des courtiers belges indépendants prospectent la clientèle potentielle et la mettent en contact avec la société étrangère de leasing, etc.
Si notre information est exacte, l'administration belge de la TVA n'a en rien modifié son point de vue officiel, qui déroge aux principes mis en avant par la Cour européenne de justice, ce qui crée un climat d'insécurité juridique.
Toutes ces constatations m'incitent à vous poser les questions suivantes :
L'honorable ministre peut-il me faire savoir si l'administration de la TVA a modifié son attitude : se rallie-t-elle aux principes mis en avant par la Cour européenne de justice ? Comment explique-t-il que l'administration ne se montre guère incline à modifier rapidement son point de vue ?
L'administration de la TVA a-t-elle déjà fait savoir qu'elle avait modifié son point de vue dans le cadre des procédures en matière de TVA en cours devant les tribunaux civils ?
Quelle est l'évaluation de l'impact budgétaire de cet arrêt de la Cour européenne de justice ?
L'honorable ministre est-il par ailleurs en mesure de confirmer que la législation belge, qui prévoit que les véhicules de leasing doivent être inscrits à une adresse en Belgique au nom de leur propriétaire juridique, est conforme aux critères précités et au principe de la libre circulation des services ? Comment le traitement distinct des prestataires de services belges et étrangers se justifie-t-il ?
Plusieurs communiqués de presse et articles parus dans la presse spécialisée font état de la possibilité d'invoquer la responsabilité de l'État belge à propos du point de vue erroné adopté par l'administration. L'honorable ministre est-il au courant d'éventuelles actions en réparation intentée contre l'État belge ?
Toute cette querelle n'est-elle pas imputable au taux élevé de TVA appliqué en Belgique et aux possibilités restreintes de déduction de la TVA dans notre pays ? Ne s'impose-t-il dès lors pas de modifier d'urgence ces régimes ?
Réponse : En conséquence de l'arrêt de la Cour de justice des Communautés européennes du 17 juillet 1997 pour l'affaire C-190/95 (Aro Lease BV/Inspecteur van de belastingdienst grote ondernemingen te Amsterdam), la position de l'administration de la TVA, de l'Enregistrement et des Domaines qui impliquait que la présence d'une flotte de véhicules dans un autre État membre traduisait l'existence d'un établissement stable pour la détermination de la localisation de la prestation de services, ne pouvait être maintenue plus longtemps.
Il s'ensuit que les opérations de location transfrontalière de voitures particulières et plus généralement de moyens de transport, faites dans les conditions de l'arrêt précité n'étaient pas passibles de la TVA en Belgique. Il convient dès lors d'appliquer l'arrêt rendu à toutes les locations concernées.
Ma réponse à la question parlementaire nº 249 du 23 janvier 1996 de M. le représentant Fournaux (bulletin des Questions et Réponses , Chambre, 1995-1996, nº 26, 18 mars 1996, pp. 3023-3024) dans laquelle on se réfère à la théorie de la flotte pour la détermination du lieu de la prestation de services relative à la location de moyens de transport n'est, dans cette mesure, évidemment plus valable.
L'administration centrale de la TVA, de l'Enregistrement et des Domaines a immédiatement informé ses services extérieurs des conséquences de cet arrêt par courrier électronique. En outre, l'arrêt a été immédiatement exécuté si bien que normalement il ne reste plus d'affaire pendante devant le tribunal en ce qui concerne le cross-border leasing de voitures.
La perte budgétaire, reprise dans le budget des Voies et Moyens pour l'année 1998 (doc. parl. 1250/1-97/98) est estimée à 2 016 millions de francs. Pour les années 1999 et suivantes, ce montant sera bien sûr ajusté en tenant compte des pertes réelles survenues dans le courant de l'année 1998.
La problématique en matière d'immatriculation des véhicules relève de la compétence de mon collègue des Communications et de l'Infrastructure.
Depuis l'arrêt aucune action en dommages et intérêts n'a été intentée.
En ce qui concerne la dernière question de l'honorable membre, il est à remarquer qu'aussi longtemps qu'aucune harmonisation globale des législations de tous les États membres en matière de TVA n'est réalisée, un déplacement d'activité pour un régime fiscal plus favorable dans un autre État membre est toujours possible.