1-203

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Sénat de Belgique

Belgische Senaat

Annales parlementaires

Parlementaire handelingen

SÉANCES DU JEUDI 2 JUILLET 1998

VERGADERINGEN VAN DONDERDAG 2 JULI 1998

(Vervolg-Suite)

DEMANDE D'EXPLICATIONS DE M. MAHOUX AU MINISTRE DE LA JUSTICE SUR « LES DOSSIERS DE RESSORTISSANTS RWANDAIS FAISANT L'OBJET D'UNE ENQUÊTE EN BELGIQUE »

VRAAG OM UITLEG VAN DE HEER MAHOUX AAN DE MINISTER VAN JUSTITIE OVER « DE DOSSIERS VAN RWANDESE ONDERDANEN TEGEN WIE IN BELGË EEN ONDERZOEK IS INGESTELD »

M. le président. ­ L'ordre du jour appelle la demande d'explications de M. Mahoux.

La parole est à M. Mahoux.

M. Mahoux (PS). ­ Monsieur le président, je voudrais à nouveau interroger le ministre de la Justice ­ je me suis déjà adressé en ce sens à son prédécesseur ­ sur l'évolution des dossiers judiciaires de ressortissants rwandais vivant en Belgique et que l'on qualifie parfois de présumés génocidaires.

Vous n'êtes pas sans savoir, monsieur le ministre, que dans le cadre de l'enquête de la commission Rwanda, nous avions été fortement surpris par le retard apporté par le parquet, et ce pour des raisons objectives ou subjectives, dans le traitement de dossiers dont l'instruction paraissait, selon nos informations, terminée.

En s'adressant au département de la Justice, la commission d'enquête visait plus directement le procureur général et, peut-être au-delà de celui-ci, le procureur du Roi de Bruxelles. Les informations dont nous disposions à ce moment montraient que le suivi des dossiers n'avait apparemment guère évolué au niveau du parquet de Bruxelles.

Les réponses que nous avons à chaque fois obtenues étaient lapidaires. Le ministre de la Justice affirmait qu'il ne disposait pas d'informations supplémentaires permettant de considérer que les choses avaient progressé plus rapidement.

Dès lors, monsieur le ministre, je vous réitère la question qui fut posée à plusieurs reprises durant les travaux de la commission d'enquête parlementaire sur le Rwanda et que j'ai moi-même posée deux fois à votre prédécesseur.

J'aimerais connaître les informations dont vous disposez, en ce qui concerne le suivi du traitement judiciaire des dossiers de génocidaires rwandais présumés vivant en Belgique et dont l'instruction paraît être terminée depuis près d'un an aujourd'hui. Les dossiers concernés vous sont bien connus, puisqu'ils figurent dans le rapport de la commission d'enquête sur le Rwanda.

Dans le respect du secret de l'instruction, je pense que le Parlement est en droit, notamment au vu des conclusions de la commission d'enquête parlementaire, d'obtenir des informations sur le suivi judiciaire que le parquet de Bruxelles réserve à ces dossiers.

Dois-je encore vous rappeler que lors de mon séjour au Rwanda, j'ai pu constater que l'on s'interroge là-bas sur les problèmes de justice en Belgique ? Ces interrogations émanent de citoyens : des hommes, des femmes, y compris des rescapés.

Je le répète, il est primordial d'obtenir des réponses claires à cette question pour le bien des relations belgo-rwandaises, mais surtout pour rompre avec ce que l'on a qualifié de culture d'impunité. Les réponses doivent nous montrer que les dossiers avancent. Si, de manière répétitive, nous devions constater que rien ne progresse dans les dossiers en Belgique, je serais amené à poser à nouveau cette question dans quelques semaines.

M. le président. ­ La parole est à M. Van Parys, ministre.

M. Van Parys, ministre de la Justice. ­ Monsieur le président, l'intérêt que porte M. Mahoux aux dossiers judiciaires belges relatifs au génocide rwandais m'est bien connu.

Je me suis informé des demandes que vous avez formulées, monsieur Mahoux, ainsi que des réponses communiquées par mon prédécesseur. Permettez-moi quand même d'estimer que la réponse fournie par M. De Clerck le 22 janvier dernier est loin d'être lapidaire.

J'ai eu, le 17 juin dernier, un entretien avec le procureur général près la cour d'appel de Bruxelles, M. Van Oudenhove qui est, comme vous le savez, responsable de tous les dossiers judiciaires belges relatifs au génocide rwandais.

Me basant sur les propos tenus par le procureur général lors de cet entretien et sur des rapports qu'il avait adressés à mon prédécesseur, je suis en mesure de vous apporter une réponse concrète.

Tout d'abord, depuis février 1995, pas moins de 28 dossiers ont été ouverts à charge de plusieurs dizaines de personnes. Il s'agit de dossiers très complexes et vastes, et qui le sont par l'énorme multiplicité des faits, mais aussi par les multiples problèmes juridiques qui se posent. Le fait que ces événements se soient produits à une distance de près de 7 000 km d'ici, ne facilite pas non plus les choses. Par ailleurs, l'afflux journalier de lettres, de plaintes et de dénonciations qui, à leur tour, mènent à des contreplaintes et dénonciations, rend les choses encore plus complexes.

De surcroît, s'agissant de dossiers qui sont de nature à être soumis à une Cour d'assises, il importe qu'ils fassent l'objet d'une enquête approfondie et rigoureuse.

De ces 28 dossiers ouverts, 17 sont des dossiers d'information dont beaucoup ont été ouverts à la suite de plaintes.

Les 11 autres dossiers sont des dossiers à l'instruction dont sept ont été communiqués au parquet. Trois sont toujours à l'instruction. Le onzième dossier concernant la Radio Télévision Mille Collines, a été transmis au Tribunal pénal international pour le Rwanda à la suite d'une demande de dessaisissement.

Les trois dossiers toujours à l'instruction sont les suivants : le dossier relatif à l'assassinat des dix paras belges, le 7 avril 1994; le dossier concernant l'assassinat de trois coopérants belges, également le 7 avril 1994; ainsi que le dossier concernant des détournements à mettre éventuellement en rapport avec le dossier relatif à l'assassinat des trois coopérants. Il y a quelques mois, des commissions rogatoires adressées au Tribunal pénal international pour le Rwanda ont été exécutées. L'instruction se poursuit donc.

Enfin, en ce qui concerne les sept dossiers communiqués au parquet, des commissions rogatoires ont été adressées au Tribunal pénal international pour le Rwanda dans cinq de ces dossiers. Elles ont été exécutées. Un sixième dossier, tributaire d'un des cinq autres, a été ouvert à la suite d'une plainte. Un septième dossier, peu étoffé selon le procureur général Van Audenhove, est transmis depuis longtemps au parquet.

Le procureur général prépare des demandes de renvoi devant la Cour d'assises dans deux des cinq dossiers communiqués au parquet. Si la Chambre des mises en accusation confirme le renvoi, une procédure d'Assises devrait pouvoir débuter d'ici un an environ.

Dans deux autres de ces dossiers, le Tribunal pénal international pour le Rwanda a jadis manifesté un intérêt. Une réaction définitive se fait cependant toujours attendre. Un contact récent entre mon cabinet et un collaborateur de Mme Arbour, procureur près les tribunaux pénaux internationaux, permet toutefois d'espérer qu'une décision interviendra dans les meilleurs délais. Quant au cinquième dossier, selon le procureur général, il s'avérerait peu étoffé pour le moment.

En conclusion, j'affirme que le parquet de Bruxelles progresse tant bien que mal dans ces dossiers.

Manifestement, vous vous inquiétez, monsieur Mahoux, de l'impact que peuvent avoir ces dossiers sur les relations belgo-rwandaises. Permettez-moi de vous rassurer à cet égard. En effet,le 19 juin dernier, j'ai reçu le ministre rwandais de la Justice, M. Faustin Nteziyayo, à qui j'ai pu montrer un aperçu de l'état des dossiers judiciaires belges relatifs au génocide rwandais. À aucun moment, il n'a formulé de remarques critiques concernant les procédures judiciaires en cours en Belgique où la culture d'impunité qui, selon vous, régnerait dans notre pays. J'ai réellement eu l'impression qu'il était confiant quant à la manière dont le parquet général traite les dossiers.

En conclusion, à l'instar de M. De Clerck, je continuerai à suivre de près l'évolution des dossiers judiciaires belges relatifs au génocide rwandais.

M. le président. ­ La parole est à M. Mahoux.

M. Mahoux (PS). ­ Monsieur le président, je voudrais rassurer le ministre : je n'ai pas parlé de culture d'impunité en Belgique. J'ai simplement souligné que la culture d'impunité, dans des drames de cet ordre-là, est évidemment inacceptable. La sensibilité particulière des interlocuteurs, hommes et femmes, citoyens du Rwanda, victimes des événements, est telle que tout ce qui pourrait apparaître comme étant une culture d'impunité leur est intolérable.

Je voudrais préciser également, monsieur le ministre, que je ne faisais pas grief à votre prédécesseur d'avoir donné une réponse non « extensive ». Cependant, au moment de cette réponse, j'ai bien dû constater que les dossiers ne progressaient guère. M. De Clerck faisait état des difficultés survenant dans l'instruction de dossiers de cette nature et faisait largement référence aux contacts qu'il avait eus avec le tribunal pénal international d'Arusha. Mais, de toute évidence, les dossiers n'avançaient pas.

Vous faites maintenant état, monsieur le ministre, de deux dossiers qui pourraient être renvoyés dans le cadre d'une procédure qui doit être respectée, notamment via la chambre des mises en accusation et éventuellement la Cour d'assises. Nous attendrons le suivi de ces deux affaires.

Je continuerai toutefois à m'intéresser à l'ensemble des dossiers, et ce en raison des interrogations qui sont survenues au cours du travail de la commission d'enquête.

Je souhaite bien entendu que celles-ci soient levées et que les réponses apportées soient positives dans le cadre de l'État de droit dans lequel nous vivons.

M. le président. ­ L'incident est clos.

Het incident is gesloten.