1-383/3

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Sénat de Belgique

SESSION DE 1997-1998

1er JUILLET 1998


Proposition de loi modifiant les articles 488bis , b) , c) et d), du Code civil et l'article 623 du Code judiciaire


RAPPORT

FAIT AU NOM DE LA COMMISSION DE LA JUSTICE PAR M. BOURGEOIS


La commission de la Justice a examiné la proposition de loi qui fait l'objet du présent rapport au cours de sa réunion du 1er juillet 1998.

I. EXPOSÉ INTRODUCTIF DE L'AUTEUR DE LA PROPOSITION DE LOI

La proposition de loi en discussion vise à régler la situation qui se présente quand un malade mental pourvu d'un administrateur provisoire s'établit en dehors du canton du juge de paix qui a ordonné la mesure. À l'heure actuelle, la jurisprudence et la doctrine sont indécises sur le point de savoir dans quelle mesure ce juge de paix peut continuer à suivre le dossier ou peut le transmettre au juge de paix du canton où la personne protégée s'est établie de manière durable. La réglementation légale en vigueur a en tout cas mené à une impasse. D'une part, le juge de paix ne peut pas suivre le dossier du malade mental qu'il a envoyé dans un établissement psychiatrique d'un autre canton en raison du principe de territorialité (cf. les articles 10, 186 et 622 du Code judiciaire) et, d'autre part, il ne peut pas transmettre le dossier au juge de paix du canton où réside l'intéressé.

Pour sortir de cette impasse, la proposition dispose que le juge de paix qui a nommé l'administrateur reste compétent (article 2). Il pourra toutefois, lorsque l'intéressé s'établit dans un autre canton (1) de manière durable, décider d'office ou sur requête de transmettre le dossier au juge de paix du canton de la nouvelle résidence principale de l'intéressé (article 4).

Dans le prolongement de ce qui précède, elle prévoit en outre la possibilité, pour le juge de paix, de rendre visite à l'intéressé en dehors de son canton (article 5).

La proposition de loi fait donc preuve de bon sens. Ou bien le juge de paix qui a désigné l'administrateur provisoire reste compétent et il peut exercer le contrôle du dossier en dehors de son canton, ou bien il transmet le dossier au juge de paix du canton dans lequel la personne protégée s'est établie de manière durable.

II. DISCUSSION GÉNÉRALE

Un commissaire appuie pleinement cette proposition, parce que son article 5, notamment, résoudra de nombreux problèmes.

Il craint toutefois que l'article 4 ne soulève des difficultés, du fait qu'il utilise le terme « résidence principale », et non le terme « domicile ».

En outre, cette résidence principale doit avoir été établie « de manière durable dans un autre canton judiciaire ». Il va de soi que l'on vise par là l'établissement psychiatrique dans lequel séjourne la personne protégée. Mais quand ce séjour est-il durable ?

L'auteur de la proposition précise qu'il y a à cet égard séjour durable lorsque le juge de paix estime nécessaire le maintien du malade mental dans un établissement psychiatrique au terme de la période d'observation de quarante jours maximum (cf. les articles 11 et 13 de la loi du 26 juin 1990 relative à la protection de la personne des malades mentaux).

À la question de savoir quels sont les recours contre l'ordonnance du juge de paix transmettant le dossier au juge de paix du canton de la nouvelle résidence principale, l'intervenant répond que le droit commun est applicable.

Le juge de paix du canton auquel le dossier est transmis ne peut pas, dans l'intérêt du malade mental, se déclarer incompétent.

Le préopinant se demande si l'article 488bis, d) , du Code civil proposé ne va pas provoquer un afflux de dossiers dans les cantons où sont situés des établissements psychiatriques.

L'auteur de la proposition de loi souligne que les juges de paix de ces cantons sont beaucoup mieux placés pour suivre ces dossiers que le juge de paix qui envoie un malade mental dans un établissement psychiatrique situé dans un autre canton.

Le volume de travail des juges de paix qui ont un établissement psychiatrique dans leur canton augmentera incontestablement. Par contre, ils sont mieux préparés à s'occuper de ces dossiers parce qu'ils visitent régulièrement l'établissement et sont ainsi familiarisés avec la matière. Leur contrôle des dossiers sera donc plus effectif.

En outre, il n'y a pas d'automatisme. Si le juge de paix qui a désigné l'administrateur provisoire s'estime le mieux placé pour suivre le dossier lorsque la personne protégée a établi sa résidence principale de manière durable dans un autre canton, il n'est pas obligé de transmettre le dossier au juge de paix du canton de la nouvelle résidence principale.

Le critère qui doit guider le juge de paix est la question de savoir s'il est en mesure de suivre lui-même le dossier. Si, par exemple, la personne protégée s'est établie de manière durable dans le canton d'Harelbeke, le juge de paix du canton de Courtrai peut décider de garder le dossier et de ne pas le transmettre à son collègue d'Harelbeke. Mais si la personne protégée est admise dans un établissement psychiatrique de Lovenjoel, il peut décider de transmettre le dossier au juge de paix territorialement compétent pour cet établissement.

Un autre commissaire en déduit que le critère de décision sera la possibilité matérielle, pour le juge de paix, de suivre effectivement le dossier, et non l'intérêt de la personne protégée.

L'auteur de la proposition de loi souligne que l'intérêt de la personne protégée réside précisément dans le contrôle effectif de son dossier par le juge de paix et qu'il n'y a donc aucune contradiction entre les deux éléments.

Le préopinant estime que cette précision est importante. On peut imaginer des situations où une personne intéressée au sens de l'article 488bis , d) , alinéa premier, a peut-être intérêt à ce qu'un juge de paix ne s'occupe plus du dossier de la personne protégée et lui demande donc de le transmettre au juge de paix du canton de la nouvelle résidence principale de celle-ci. Si le juge de paix concerné ne répond pas favorablement à cette demande, il devra indiquer dans son ordonnance les raisons de son refus. L'auteur de la demande de transmission pourra interjeter appel, par exemple parce qu'il estime que le juge de paix ne rend jamais visite à la personne protégée ou ne suit pas attentivement le dossier.

L'intervenant suivant déclare que la proposition de loi définit clairement la responsabilité du juge de paix. Étant donné que ce dernier peut rendre visite en dehors de son canton à la personne protégée pourvue d'un administrateur provisoire, il devra examiner si, dans l'intérêt de la personne protégée, il peut contrôler la gestion des biens de celle-ci. Si l'intéressé séjourne dans un canton plus éloigné, le juge de paix motivera plus difficilement ou d'une manière moins consciente son ordonnance visant à ne pas transmettre le dossier. Mais il en ira différemment si les biens de la personne protégée sont tous situés dans son canton.

On ne peut donc pas préciser dans la loi, sous forme de disposition générale, dans quels cas le juge de paix doit transmettre le dossier au juge de paix du canton de la nouvelle résidence principale et dans quels cas il peut au contraire continuer à suivre le dossier.

L'auteur de la proposition de loi souligne que c'est précisément pour cette raison qu'il laisse au juge de paix la possibilité de peser lui-même le pour et le contre. La réglementation proposée garantit donc la souplesse nécessaire.

Le ministre conclut la discussion générale en déclarant qu'il souscrit entièrement à la proposition de loi en discussion et aux commentaires qui précèdent.

III. DISCUSSION DES ARTICLES

1. Articles 1 er , 2 et 3

Ces articles ne donnent lieu à aucune observation particulière et sont adoptés chacun à l'unanimité des 8 membres présents.

2. Article 4

En vue de préserver l'uniformité du texte français de l'article 488bis , d) , les mots « la requête » sont remplacés, à titre de correction de texte, par les mots « la demande ».

Comme il l'avait annoncé dans son exposé introductif, M. Vandenberghe dépose l'amendement nº 1, libellé comme suit (doc. Sénat, nº 1-383/2) :

« Dans la deuxième phrase proposée dans l'article 488bis, d), remplacer les mots « arrondissement judiciaire » par les mots « canton judiciaire. »

Justification

Rectification d'une erreur matérielle.

Cet amendement ainsi que l'article corrigé et amendé sont adoptés à l'unanimité des 8 membres présents.

3. Article 5

Cet article ne donne lieu à aucune observation particulière et est adopté à l'unanimité des 8 membres présents.

IV. VOTE SUR L'ENSEMBLE

L'ensemble de la proposition de loi ainsi amendée et corrigée a été adopté à l'unanimité des 8 membres présents.


Confiance a été faite au rapporteur pour la rédaction du présent rapport.

Le rapporteur,
André BOURGEOIS.
Le président,
Roger LALLEMAND.

V. COMPARAISON DES TEXTES

Texte de la proposition de loi Texte adopté par la commission
de la Justice
Proposition de loi modifiant les articles 488bis , b) , c) et d), du Code civil et l'article 623 du Code judiciaire Proposition de loi modifiant les articles 488bis , b) , c) et d), du Code civil et l'article 623 du Code judiciaire
Article premier Article premier
La présente loi règle une matière visée à l'article 77 de la Constitution. La présente loi règle une matière visée à l'article 77 de la Constitution.
Art. 2 Art. 2
À l'article 488bis , b), § 1er , du Code civil, entre le premier et le deuxième alinéa, il est inséré un alinéa nouveau rédigé comme suit : À l'article 488bis , b), § 1er , du Code civil, entre le premier et le deuxième alinéa, il est inséré un alinéa nouveau, rédigé comme suit :
« Sous réserve de l'article 488bis, d), deuxième phrase, le juge de paix qui a nommé l'administrateur provisoire reste compétent pour l'application de toutes les dispositions du présent chapitre. » « Sous réserve de l'article 488bis, d), deuxième phrase, le juge de paix qui a nommé l'administrateur provisoire reste compétent pour l'application de toutes les dispositions du présent chapitre. »
Art. 3 Art. 3
À l'article 488bis , c) , premier alinéa, du même code, les mots « et dans le cas visé par l'article 488bis, d), deuxième phrase, » sont insérés entre les mots « chaque année » et les mots « et à la fin de son mandat ». À l'article 488bis , c) , premier alinéa, du même code, les mots « et dans le cas visé par l'article 488bis, d), deuxième phrase, » sont insérés entre les mots « chaque année » et les mots « et à la fin de son mandat ».
Art. 4 Art. 4
À l'article 488bis, d) , du même code, la phrase ci-après est insérée à la suite de la première phrase : À l'article 488bis, d) , du même code, la phrase ci-après est insérée à la suite de la première phrase :
« À la requête des mêmes personnes ou d'office, le juge de paix peut, lorsque la personne protégée quitte le canton pour installer sa résidence principale de manière durable dans un autre arrondissement judiciaire, décider par ordonnance motivée de transmettre le dossier au juge de paix du canton de la nouvelle résidence principale. Ce dernier juge devient compétent. » « À la demande des mêmes personnes ou d'office, le juge de paix peut, lorsque la personne protégée quitte le canton pour installer sa résidence principale de manière durable dans un autre canton judiciaire, décider par ordonnance motivée de transmettre le dossier au juge de paix du canton de la nouvelle résidence principale. Ce dernier juge devient compétent. »
Art. 5 Art. 5
L'article 623 du Code judiciaire est complété par un deuxième alinéa, rédigé comme suit : L'article 623 du Code judiciaire est complété par un deuxième alinéa, rédigé comme suit :
« Le juge de paix peut rendre visite en dehors de son canton à la personne protégée pourvue d'un administrateur provisoire conformément aux articles 488bis, a) à k), du Code civil. » « Le juge de paix peut rendre visite en dehors de son canton à la personne protégée pourvue d'un administrateur provisoire conformément aux articles 488bis, a) à k), du Code civil. »

(1) L'article 4 prévoit erronément qu'il s'agit d'un autre arrondissement judiciaire. L'auteur de la proposition de loi a donc déposé un amendement visant à rectifier cette erreur (cf. infra ).