1-107/4

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Sénat de Belgique

SESSION DE 1997-1998

6 MAI 1998


Proposition de loi relative à la répression de la corruption


AMENDEMENTS


Nº 2 DU GOUVERNEMENT

Art. 2 à 7

Remplacer ces articles par des articles 2 à 9, libellés comme suit :

« Art. 2. ­ L'intitulé du livre II, titre IV, du Code pénal est remplacé par l'intitulé suivant :

« Des crimes et délits contre l'ordre public, commis par des personnes qui exercent une fonction publique ou par des ministres des cultes dans l'exercice de leur ministère. »

Art. 3. ­ Le chapitre III du livre II, titre IV, du même Code, qui contient les articles 240 à 245, est remplacé par les dispositions suivantes :

« Chapitre III. Du détournement, de la concussion et de la prise d'intérêt commis par des personnes qui exercent une fonction publique.

Art. 240. ­ Sera punie de la réclusion de cinq ans à dix ans et d'une amende de 500 francs à 100 000 francs toute personne exerçant une fonction publique qui aura détourné des deniers publics ou privés, des effets en tenant lieu, des pièces, titres, actes, effets mobiliers qui étaient entre ses mains soit en vertu, soit à raison de sa fonction.

Art. 241. ­ Sera punie de la réclusion de cinq ans à dix ans et d'une amende de 500 francs à 100 000 francs toute personne exerçant une fonction publique, qui aura méchamment ou frauduleusement détruit ou supprimé des actes ou titres, dont elle était dépositaire en cette qualité, qui lui avaient été communiqués ou auxquels elle avait eu accès à raison de sa fonction.

Art. 242. ­ Lorsqu'on aura soustrait ou détruit des pièces ou des actes de la procédure, soit d'autres papiers, registres, supports informatiques ou magnétiques, actes ou effets contenus dans les archives, greffes ou dépôts publics, ou remis à un dépositaire public en cette qualité, le dépositaire coupable de négligence sera puni d'un emprisonnement d'un mois à six mois et d'une amende de 100 francs à 10 000 francs ou d'une de ces peines.

Art. 243. ­ Toute personne exerçant une fonction publique, qui se sera rendue coupable de concussion, en ordonnant de percevoir, en exigeant ou recevant ce qu'elle savait n'être pas dû ou excéder ce qui était dû pour droits, taxes, contributions, deniers, revenus ou intérêts, pour salaires ou traitements, sera punie d'un emprisonnement de six mois à cinq ans et d'une amende de 100 francs à 50 000 francs ou d'une de ces peines, et pourra être condamnée, en outre, à l'interdiction du droit de remplir des fonctions, emplois ou offices publics, conformément à l'article 33.

La peine sera la réclusion de cinq ans à dix ans et une amende de 500 francs à 100 000 francs, si la concussion a été commise à l'aide de violences ou de menaces.

Art. 244. ­ Toute personne exerçant une fonction publique, qui, soit directement, soit par interposition de personnes ou par actes simulés, aura pris ou reçu quelque intérêt que ce soit dans les actes, adjudications, entreprises ou régies dont elle avait, au temps de l'acte, en tout ou en partie, l'administration ou la surveillance, ou qui, ayant mission d'ordonnancer le paiement ou de faire la liquidation d'une affaire, y aura pris un intérêt quelconque, sera punie d'un emprisonnement d'un an à cinq ans et d'une amende de 100 francs à 50 000 francs ou d'une de ces peines, et pourra, en outre, être condamnée à l'interdiction du droit de remplir des fonctions, emplois ou offices publics, conformément à l'article 33.

La disposition qui précède ne sera pas applicable à celui qui ne pouvait, en raison des circonstances, favoriser par sa position ses intérêts privés, et qui aura agi ouvertement.

Art. 4. ­ Le chapitre IV du livre II, titre IV, du même Code est remplacé par les dispositions suivantes :

« Chapitre IV. De la corruption de personnes qui exercent une fonction publique

Art. 246. ­ § 1er . Est constitutif de corruption passive le fait pour une personne qui exerce une fonction publique de solliciter ou d'accepter, directement ou par interposition de personnes, une offre, une promesse ou un avantage de toute nature, pour elle-même ou pour un tiers, pour adopter un des comportements visés à l'article 247.

§ 2. Est constitutif de corruption active le fait de proposer, directement ou par interposition de personnes, à une personne exerçant une fonction publique une offre, une promesse ou un avantage de toute nature, pour elle-même ou pour un tiers, afin qu'elle adopte un des comportements visés à l'article 247.

§ 3. Est assimilée à une personne qui exerce une fonction publique au sens du présent article toute personne qui s'est portée candidate à une telle fonction ou qui se présente comme pouvant prochainement exercer une telle fonction.

Art. 247. ­ § 1er . Lorsque la corruption a pour objet l'accomplissement par la personne qui exerce une fonction publique d'un acte de sa fonction, juste mais non sujet à salaire, la peine sera un emprisonnement de six mois à un an et une amende de 100 francs 10 000 francs ou une de ces peines.

Lorsque, dans le cas prévu à l'alinéa précédent, la sollicitation visée à l'article 246, § 1er , est suivie d'une proposition visée à l'article 246, § 2, de même que dans le cas où la proposition visée à l'article 246, § 2, est acceptée, la peine sera un emprisonnement de six mois à deux ans et une amende de 100 francs à 25 000 francs ou une de ces peines.

§ 2. Lorsque la corruption a pour objet l'accomplissement par la personne qui exerce une fonction publique d'un acte injuste à l'occasion de l'exercice de sa fonction ou l'abstention de faire un acte qui rentrait dans l'ordre de ses devoirs, la peine sera un emprisonnement de six mois à deux ans et une amende de 100 francs à 25 000 francs ou une de ces peines.

Lorsque, dans le cas prévu à l'alinéa précédent, la sollicitation visée à l'article 246, § 1er , est suivie d'une proposition visée à l'article 246, § 2, de même que dans le cas où la proposition visée à l'article 246, § 2, est acceptée, la peine sera un emprisonnement de six mois à trois ans et d'une amende de 100 francs à 50 000 francs ou une de ces peines.

Dans le cas où la personne corrompue a accompli l'acte injuste ou s'est abstenue de faire un acte qui rentrait dans l'ordre de ses devoirs, elle sera punie d'un emprisonnement de six mois à cinq ans et d'une amende de 100 francs à 75 000 francs ou d'une de ces peines.

§ 3. Lorsque la corruption a pour objet l'accomplissement par la personne qui exerce une fonction publique d'un crime ou d'un délit à l'occasion de l'exercice de sa fonction, la peine sera un emprisonnement de six mois à trois ans et une amende de 100 francs à 50 000 francs ou une de ces peines.

Lorsque, dans le cas prévu à l'alinéa précédent, la sollicitation visée à l'article 246, § 1er , est suivie d'une proposition visée à l'article 246, § 2, de même que dans le cas où la proposition visée à l'article 246, § 2, est acceptée, la peine sera un emprisonnement de deux ans à cinq ans et une amende de 500 francs à 100 000 francs ou une de ces peines.

§ 4. Lorsque la corruption a pour objet l'usage par la personne qui exerce une fonction publique de l'influence réelle ou supposée dont elle dispose du fait de sa fonction, afin d'obtenir un acte d'une autorité ou d'une administration publiques ou l'abstention d'un tel acte, la peine sera un emprisonnement de six mois à un an et une amende de 100 francs à 10 000 francs ou une de ces peines.

Lorsque, dans le cas prévu à l'alinéa précédent, la sollicitation visée à l'article 246, § 1er , est suivie d'une proposition visée à l'article 246, § 2, de même que dans le cas où la proposition visée à l'article 246, § 2, est acceptée, la peine sera un emprisonnement de six mois à deux ans et une amende de 100 francs à 25 000 francs ou une de ces peines.

Si la personne corrompue a effectivement usé de l'influence dont elle disposait du fait de sa fonction, elle sera punie d'un emprisonnement de six mois à trois ans et d'une amende de 100 francs à 50 000 francs ou une de ces peines.

Art. 248. ­ Lorsque les faits prévus aux articles 246 et 247, § 1er à 3, visent un fonctionnaire de police, une personne revêtue de la qualité d'officier de police judiciaire ou un membre du ministère public, le maximum de la peine est porté au double du maximum de la peine prévue par l'article 247 pour les faits.

Art. 249. ­ § 1er . Lorsque la corruption prévue à l'article 246 concerne un arbitre et a pour objet un acte relevant de sa fonction juridictionnelle, la peine sera un emprisonnement de un an à trois ans et une amende de 100 francs à 50 000 francs ou une de ces peines.

Lorsque, dans le cas prévu à l'alinéa précédent, la sollicitation visée à l'article 246, § 1er , est suivie d'une proposition visée à l'article 246, § 2, de même que dans le cas où la proposition visée à l'article 246, § 2, est acceptée, la peine sera un emprisonnement de deux ans à cinq ans et une amende de 500 francs à 100 000 francs ou une de ces peines.

§ 2. Lorsque la corruption prévue à l'article 246 concerne un juge assesseur ou un juré et a pour objet un acte relevant de sa fonction juridictionnelle, la peine sera un emprisonnement de deux ans à cinq ans et une amende de 500 francs à 100 000 francs ou une de ces peines.

Lorsque, dans le cas prévu à l'alinéa précédent, la sollicitation visée à l'article 246, § 1er , est suivie d'une proposition visée à l'article 246, § 2, de même que dans le cas où la proposition visée à l'article 246, § 2, est acceptée, la peine sera la réclusion de cinq ans à dix ans et une amende de 500 francs à 100 000 francs ou une de ces peines.

§ 3. Lorsque la corruption prévue à l'article 246 concerne un juge et a pour objet un acte relevant de sa fonction juridictionnelle, la peine sera la réclusion de cinq ans à dix ans et une amende de 500 francs à 100 000 francs.

Lorsque, dans le cas prévu à l'alinéa précédent, la sollicitation visée à l'article 246, § 1er , est suivie d'une proposition visée à l'article 246, § 2, de même que dans le cas où la proposition visée à l'article 246, § 2, est acceptée, la peine sera la réclusion de dix ans à quinze ans et une amende de 500 francs à 100 000 francs ou une de ces peines.

Art. 250. ­ § 1er . Lorsque la corruption prévue par les articles 246 à 249 concerne une personne qui exerce une fonction publique dans un État étranger, les peines seront celles prévues par ces dispositions.

§ 2. La qualité de personne exerçant une fonction publique dans un autre État est appréciée conformément au droit de l'État dans lequel la personne exerce cette fonction. S'il s'agit d'un État non membre de l'Union européenne, cette qualité est seulement reconnue, aux fins d'application du § 1er , si la fonction concernée est également considérée comme une fonction publique en droit belge.

Art. 251. ­ § 1er . Lorsque la corruption prévue par les articles 246 à 249 concerne une personne qui exerce une fonction publique dans une organisation de droit international public, les peines seront celles prévues par ces dispositions.

§ 2. La qualité de cette personne est appréciée conformément aux statuts de l'organisation internationale publique de laquelle elle relève.

Art. 252. ­ Les personnes punies en vertu des dispositions du présent chapitre pourront également être condamnées à l'interdiction, conformément à l'article 33.

Art. 5. ­ Dans le même Code, il est inséré au livre II, titre IX, chapitre II, une section 3bis, comprenant les articles 504bis et 504ter, libellés comme suit :

« Section IIIbis : De la corruption privée

« Art. 504bis. ­ § 1er . Est constitutif de corruption privée passive le fait pour une personne autre qu'une personne exerçant une fonction publique, qui a la qualité d'administrateur ou de gérant d'une personne morale, de mandataire ou de préposé d'une personne morale ou physique, de solliciter ou d'accepter, directement ou par interposition de personnes, une offre, une promesse ou un avantage de toute nature, pour elle-même ou pour un tiers, pour poser un acte ou s'en abstenir à l'occasion de l'exercice de son activité professionnelle, à l'insu, selon le cas, du conseil d'administration ou de l'assemblée générale, du mandant ou de l'employeur, et en violation des instructions expresses de celui-ci ou de celle-ci, des règles internes expresses édictées par la personne morale ou physique ou des règles déontologiques de la profession, ou manifestement en contradiction avec l'intérêt légitime de cette personne morale ou physique.

§ 2. Est constitutif de corruption privée active le fait de proposer, directement ou par interposition de personnes, à une personne autre qu'une personne exerçant une fonction publique, qui a la qualité d'administrateur ou de gérant d'une personne morale, de mandataire ou de préposé d'une personne morale ou physique, une offre, une promesse ou un avantage de toute nature, pour elle-même ou pour un tiers, pour poser un acte ou s'en abstenir à l'occasion de l'exercice de son activité professionnelle, à l'insu, selon le cas, du conseil d'administration ou de l'assemblée générale, du mandant ou de l'employeur, et en violation des instructions expresses de celui-ci ou de celle-ci, des règles internes expresses édictées par la personne morale ou physique ou des règles déontologiques de la profession, ou manifestement en contradiction avec l'intérêt légitime de cette personne morale ou physique.

Art. 504ter. § 1. En cas de corruption privée, la peine sera un emprisonnement de six mois à deux ans et une amende de 100 francs à 10 000 francs ou une de ces peines.

§ 2. Dans le cas où la sollicitation visée à l'article 504bis, § 1er , est suivie d'une proposition visée à l'article 504bis, § 2, de même que dans le cas où la proposition visée à l'article 504bis, § 2, est acceptée, la peine sera un emprisonnement de six mois à trois ans et une amende de 100 francs à 50 000 francs ou une de ces peines. »

Art. 6. Il est inséré dans le titre préliminaire du Code de procédure pénale un article 10quater, libellé comme suit :

« Article 10quater

Pourra être poursuivie en Belgique toute personne qui aura commis hors du territoire :

1º une infraction prévue aux articles 246 à 249 du Code pénal;

2º une infraction prévue à l'article 250 du Code pénal, lorsqu'elle concerne une personne qui exerce une fonction publique dans un État membre de l'Union européenne.

La poursuite ne pourra avoir lieu dans ce dernier cas que sur l'avis officiel donné à l'autorité belge par l'autorité de cet État;

3º une infraction prévue à l'article 250 du Code pénal, lorsqu'elle concerne une personne qui exerce une fonction publique dans un État étranger autre que ceux visés au 2º.

La poursuite est subordonnée dans ce dernier cas à la condition que le fait soit puni par la législation du pays où il a été commis, et pour autant que la législation de cet État punisse également la corruption qui concerne une personne qui exerce une fonction publique en Belgique. Elle ne pourra en outre avoir lieu que sur l'avis officiel donné à l'autorité belge par l'autorité de cet État;

4º une infraction prévue à l'article 251 du Code pénal, lorsqu'elle concerne une personne qui exerce une fonction publique au sein d'une des institutions de l'Union européenne;

5º une infraction prévue à l'article 251 du Code pénal, lorsqu'elle concerne une personne qui exerce une fonction publique au sein d'une organisation de droit international public.

La poursuite ne pourra avoir lieu dans ce dernier cas que sur l'avis officiel donné à l'autorité belge par l'autorité compétente de cette organisation. »

Art. 7. L'article 58 du Code des impôts sur les revenus 1992 est complété par un second alinéa, libellé comme suit :

« Cette autorisation ne peut être accordée en ce qui concerne l'obtention ou le maintien de marchés publics ou d'autorisations administratives. »

Art. 8. L'article 19, § 1 er , 1º, d), de la loi du 20 mars 1991 organisant l'agréation d'entrepreneurs de travaux est remplacé par le texte suivant :

« d) Non-respect de l'interdiction de tout acte, convention ou entente de nature à fausser les conditions normales de la concurrence, prévues à l'article 11 de la loi du 24 décembre 1993, relative aux marchés publics et à certains marchés de travaux, de fournitures et de services, y compris les actes de corruption incriminés par les articles 246, 247, 250 et 251 du Code pénal. »

Art. 9. ­ À l'article 1er , f), de l'arrêté royal nº 22 du 24 octobre 1934, portant interdiction à certains condamnés et aux faillis d'exercer certaines fonctions, professions ou activités et conférant aux tribunaux de commerce la faculté de prononcer de telles interdictions, remplacé par la loi du 4 août 1978 et modifié par la loi du 6 avril 1995, sont ajoutés les mots « corruption privée ».

Justification

Le présent amendement s'inscrit dans le cadre de la mise en oeuvre des priorités dans le domaine de la justice fixées par le programme gouvernemental, de même que par le plan d'action contre la criminalité organisée adopté par le gouvernement le 28 juin 1996. Il vise à fournir un cadre juridique entièrement rénové pour assurer l'action la plus efficace contre la corruption.

Il tient compte des obligations imposées par les conventions internationales récemment conclues et signées par la Belgique, en particulier : le premier protocole à la convention sur la protection des intérêts financiers des Communautés européennes, adopté par le Conseil de l'Union européenne le 27 septembre 1996, la convention relative à la lutte contre la corruption impliquant des fonctionnaires de la Communauté européenne ou des États membres de l'Union européenne, adoptée par le Conseil de l'Union européenne le 26 mai 1997 et la convention sur la lutte contre la corruption d'agents publics étrangers dans les transactions commerciales internationales, faite à Paris le 17 décembre 1997, dans le cadre de l'OCDE.

A. CONSIDÉRATIONS GÉNÉRALES

1. Les objectifs poursuivis

L'amendement poursuit en particulier quatre grands objectifs.

Il s'agit tout d'abord de clarifier les concepts de base de la matière et de moderniser la terminologie, en tenant compte de la jurisprudence de la Cour de cassation et des conventions internationales (en particulier de l'Union européenne) élaborées en la matière.

Le deuxième objectif est de combler les lacunes qui existent actuellement dans le droit belge en ce qui concerne les incriminations. L'amendement vise en particulier à incriminer la corruption consistant dans une sollicitation par une personne exerçant une fonction publique (ce qui correspond, dans la logique actuelle du code, à la tentative de corruption passive), le trafic d'influence, la corruption du candidat à une fonction publique, la corruption de fonctionnaires internationaux, celle de fonctionnaires étrangers et enfin la corruption privée.

Le troisième objectif est de combler les lacunes en matière de sanction, essentiellement en généralisant la possibilité de l'interdiction prévue à l'article 33 du Code pénal, et d'adapter les sanctions aux tendances pénologiques actuelles.

Le dernier objectif consiste à élargir la compétence extra-territoriale du juge belge en ce qui concerne la corruption impliquant des fonctionnaires internationaux ou d'un État étranger, de même qu'en ce qui concerne la corruption commise à l'étranger à l'égard de personnes exerçant des fonctions publiques en Belgique.

À l'occasion de cette réforme, il a paru également souhaitable, dans un souci de cohérence, de moderniser la terminologie et d'adapter les sanctions en ce qui concerne d'autres infractions contre l'ordre public commises par des fonctionnaires (détournement ­ art. 240 à 242 du Code pénal, concussion ­ art. 243 du Code pénal, prise d'intérêt ­ art. 244 du Code pénal).

2. Lignes de force des réformes proposées

2.1. Concepts et terminologie

On a opté pour une reformulation générale des dispositions sur la corruption. Cette reformulation a pour objectif de rendre le texte plus cohérent sur le plan conceptuel, de même que plus lisible et plus transparent pour le justiciable.

On s'est efforcé de clarifier la structure des dispositions du Code pénal relatives à la corruption. L'article 246 du Code pénal, en projet, contient les définitions séparées des éléments constitutifs de base de la corruption active et passive. L'article 247 établit des distinctions en fonction de l'objet visé par la corruption et module les sanctions applicables en fonction de celui-ci. Les articles 248 et 249 prévoient les sanctions applicables à des catégories particulières de personnes (fonctionnaire de police, personnes revêtues de la qualité d'officier de police judiciaire, membres du ministère public à l'article 248; arbitres, juges assesseurs, jurés, juges à l'article 249). Les articles 250 et 251 concernent l'application des dispositions aux fonctionnaires étrangers et internationaux. Enfin, l'article 252 concerne une sanction particulière (interdiction).

On a ensuite essayé de clarifier les concepts. Dans l'amendement un seul article définit la corruption passive et la corruption active, alors qu'actuellement la corruption passive est contenue à l'article 246 et la corruption active à l'article 252.

Suite aux remarques du Conseil d'État, et en tenant compte des obligations imposées par les conventions internationales et de l'état de droit dans les pays voisins, le gouvernement s'est résolu à abandonner l'idée que l'élément constitutif déterminant de la corruption est l'existence du pacte de corruption, c'est-à-dire de l'accord entre les deux parties pour que la personne exerçant une fonction publique adopte un comportement déterminé en échange d'un avantage déterminé. Dans les présents amendements, et à la différence du droit actuellement en vigueur, constitue désormais un fait de corruption passive le simple acte unilatéral d'un fonctionnaire public qui sollicite d'autrui un avantage pour adopter un comportement déterminé dans le cadre de sa fonction et constitue un fait de corruption active le simple acte unilatéral de la personne privée qui propose un avantage quelconque à un fonctionnaire public pour que celui-ci adopte un comportement déterminé. Dans la logique des dispositions actuelles du code, de tels faits ne pourraient constituer que des tentatives de corruption, avec la conséquence que s'y applique l'article 51 du Code pénal (qui exige que la résolution de commettre l'infraction ait été « manifestée par des actes extérieurs qui forment un commencement d'exécution et qui n'ont été suspendus ou n'ont manqué leur effet que par des circonstances indépendantes de la volonté de l'auteur »), tandis qu'il s'agira désormais d'infractions instantanées, consommées au moment de la sollicitation ou de la proposition, avec les conséquences juridiques qui en découlent. Le gouvernement s'est toutefois efforcé de faire en sorte que ce changement de logique ne se traduise pas par une sur-pénalisation et a veillé à maintenir une gradation des peines qui tienne compte de la gravité objective des faits.

Dans cet esprit, l'existence d'un pacte de corruption, c'est-à-dire la rencontre de volontés, n'est plus l'élement déterminant de l'infraction, mais devient par contre un élément d'aggravation objective du fait.

De la même manière, la nature du comportement visé par la corruption n'a pas d'incidence sur la punissabilité du fait, mais elle est prise en considération pour le taux de la peine applicable.

Par contre, le fait que des choses aient été effectivement données au corrompu ou aient été simplement promises, sans avoir encore été données, n'a pas d'incidence sur l'existence ou la gravité de l'infraction.

La structure et la terminologie des définitions de l'article 246 nouveau proposé s'inspirent largement de celle des dispositions contenues dans les conventions de l'Union européenne. Ainsi, de nouveaux éléments ­ qui étaient déjà englobés dans la définition de l'infraction par la doctrine et la jurisprudence ­ sont mentionnés explicitement. La notion de dons et présents est remplacée par celle d'« avantages de toute nature », qui évite des controverses inutiles sur la nature des choses visées. L'acceptation ou la proposition peut être faite « directement ou par interposition de personnes » (cette précision figurait déjà dans l'incrimination de la prise d'intérêt ­ article 245 du Code pénal). L'offre, la promesse ou l'avantage peuvent être proposés et acceptés par la personne corrompue « pour elle-même ou pour un tiers ».

Pour alléger le texte et éviter des controverses sur le champ d'application des dispositions, on a remplacé l'expression « tout fonctionnaire ou officier public, toute personne chargée d'un service public » par la notion « toute personne qui exerce une fonction publique ». Cette notion couvre toutes les catégories de personnes qui, quel que soit leur statut (fonctionnaires ou agents publics fédéraux, régionaux, communautaires, provinciaux, communaux; mandataires élus; officiers publics; dépositaires d'une manière temporaire ou permanente d'une parcelle de la puissance publique ou de l'autorité publique; personnes même privées, chargées d'une mission de service public), exercent une fonction publique, quelle qu'elle soit. Pour répondre au doute exprimé par le Conseil d'État à ce sujet, il faut insister sur le fait que l'intention du gouvernement, en précédant à cette simplification du texte, n'est pas de modifier le champ d'application des dispositions sur la corruption en ce qui concerne les personnes, tel qu'il peut être dégagé de la jurisprudence et de la doctrine, mais bien d'exclure, par une expression tout à fait générale, toute incertitude sur le fait de savoir si telle catégorie professionnelle susmentionnée serait couverte ou non par la loi.

L'existence de cette double définition à l'article 246 permet de faire l'économie de répétitions qui conduiraient à alourdir le texte et à rendre la compréhension moins immédiate.

2.2. Nouvelles incriminations

Le présent amendement couvre une hypothèse non punissable en vertu du droit actuel : celle de la sollicitation d'un avantage par un fonctionnaire public dans le cadre de l'exercice de ses fonctions (qui serait une tentative de corruption passive dans la logique des dispositions actuelles).

L'article 247, § 4, de l'amendement sanctionne par ailleurs la corruption lorsqu'elle a pour objet l'usage par une personne qui exerce une fonction publique de l'influence réelle ou supposée dont elle dispose du fait de sa fonction, afin d'obtenir un acte d'une autorité ou d'une administration publique ou l'abstention d'un tel acte.

La corruption n'existe actuellement en droit belge que pour autant que le comportement porte sur un acte de la fonction de la personne qui exerce une fonction publique. Or il existe des hypothèses où la corruption ne porte pas sur un acte entrant dans la fonction de la personne corrompue, mais sur l'influence que la personne corrompue est prête à exercer pour pousser à l'accomplissement de cet acte par un tiers.

De telles hypothèses répondent bien à la logique de la corruption et devraient donc être réprimées à ce titre, mais elles ne tombent pas sous le coup des dispositions pénales actuelles en la matière. L'objectif à cet égard est de combler cette lacune.

L'amendement vise à incriminer la corruption de fonctionnaires étrangers, en insérant un article 250 nouveau dans le code pénal. Cette disposition assimile les fonctionnaires étrangers aux fonctionnaires belges en ce qui concerne les infractions de corruption prévues par les articles 246 et 247.

Le droit belge ne sanctionne que la corruption de fonctionnaires publics belges. La raison traditionnelle en est qu'une des fonctions du droit pénal est de protéger l'État et l'ordre public belge, et non pas les États étrangers. Cette justification n'a plus de raison d'être aujourd'hui et il est nécessaire de pouvoir sanctionner la corruption d'autorités publiques étrangères : au-delà de la protection de l'ordre public belge, il faut envisager la protection de l'ordre public de l'Union européenne dans son ensemble, mais également des autres États étrangers, en particulier dans le cadre des transactions commerciales internationales.

En ce qui concerne les relations avec les États membres de l'Union européenne, une telle assimilation est une obligation découlant de l'article 1er du protocole et de la convention susmentionnés, qui prévoient que « l'expression « fonctionnaire » désigne tout fonctionnaire, y compris tout fonctionnaire national d'un autre État membre ».

Ceci vaut également pour les autres États non membres de l'Union européenne. Suite à l'observation faite par le Conseil d'État à cet égard, la distinction faite dans le projet initial entre les États membres de l'Union européenne et les autres États étrangers a été supprimée, pour éviter que la disposition puisse être interprétée comme étant discriminatoire dans ses effets, dans la mesure où deux faits identiques commis en Belgique seraient l'un punissable et l'autre non en raison de l'identité de l'État dont relève le fonctionnaire concerné par la corruption et de l'état du droit interne de ce pays. La suppression de cette distinction se justifie en outre par la nécessité de se conformer à l'obligation imposée par l'article 1er de la convention OCDE en la matière, qui vise la corruption active d'« agents publics étrangers », sans établir de distinction en fonction du pays étranger dont relèvent ceux-ci.

Le projet vise également à incriminer la corruption de fonctionnaires internationaux, relevant d'organisations de droit international public, en insérant un article 251 nouveau dans le code pénal. Cette disposition assimile les fonctionnaires internationaux aux fonctionnaires belges en ce qui concerne les infractions de corruption prévues par les articles 246 et 247.

Cette assimilation se justifie de la même manière que pour les fonctionnaires étrangers. En ce qui concerne la corruption de fonctionnaires internationaux, la question est d'autant plus cruciale que les organisations internationales n'ont pas elles-mêmes le pouvoir de sanctionner pénalement leurs fonctionnaires.

En ce qui concerne les relations avec les États membres de l'Union européenne, une telle assimilation est une obligation découlant de l'article 1er du protocole et de la convention susmentionnés, qui prévoient que « l'expression 'fonctionnaire ' désigne tout fonctionnaire, tant communautaire que national ».

Enfin, l'amendement vise à sanctionner la corruption privée, en insérant des articles 504bis et 504ter dans le Code pénal pour sanctionner la corruption dans le secteur privé, dans le cas où un employé, un préposé, un administrateur, un gérant ou un mandataire accepte d'adopter, contre rémunération, un comportement déterminé à l'insu de son employeur ou de son conseil d'administration ou de son assemblée générale, et en violation des instructions expresses de celui-ci ou de celle-ci, des règles internes expresses de l'entreprise ou des règles déontologiques de la profession, ou manifestement de façon contraire à l'intérêt légitime de la personne morale ou physique concernée.

La corruption du personnel d'une entité privée, personne morale ou non, n'est pas actuellement punissable en tant que telle en droit belge. Il est pourtant clair que le client d'une entreprise peut chercher à corrompre un préposé de celle-ci pour obtenir d'elle des avantages. Il faut noter par ailleurs que la corruption au sein d'une entité privée peut constituer un moyen d'infiltration de l'activité économique licite pour une organisation criminelle, et éventuellement une première étape en vue de la corruption d'autorités publiques par cette entreprise, en vue de l'attribution de subsides publics ou de marchés publics.

La difficulté est de déterminer ce qui est un paiement illicite constitutif de corruption, l'octroi d'avantages économiques entre clients et fournisseurs étant un élément de base de l'activité économique au sein d'un marché concurrentiel. C'est la raison pour laquelle la disposition en projet prévoit, outre l'existence d'un acte unilatéral de corruption (sollicitation pour la corruption passive ou proposition pour la corruption active), deux conditions cumulatives. Tout d'abord, il faut que le préposé ait agi à l'insu de son employeur. Cette condition n'est cependant pas suffisante, parce que ce qui est en jeu, dans ce cas, c'est d'abord la relation contractuelle entre l'employé et son employeur : il s'agit d'un fait qui pourrait donner lieu à licenciement pour faute grave, mais il est possible également que l'employeur ratifie ultérieurement le choix fait à son insu par son employé. Le projet prévoit donc une condition supplémentaire pour que le fait soit punissable pénalement : l'acte fait à l'insu de l'employeur a également été fait en violation des instructions, des règles internes ou des règles déontologiques de la profession, ou manifestement de façon contraire à l'intérêt légitime de la personne morale ou physique concernée.

L'objectif de cette disposition n'est donc certainement pas de mettre en péril le bon fonctionnement des entreprises privées, mais au contraire de donner une arme pénale spécifique pour lutter contre des agissements malhonnêtes qui risquent de porter atteinte à l'équilibre de ces entreprises et par là à déstabiliser l'ordre public économique.

2.3. Les sanctions

Le premier objectif en matière de sanction, contenu dans la déclaration gouvernementale elle-même, c'est de généraliser la possibilité pour le juge de prononcer l'interdiction des droits. Dans le système actuel, il existe un seul cas où la personne condamnée pour fait de corruption ne peut faire l'objet de l'interdiction des droits prévue à l'article 33 du Code pénal, c'est le cas où la corruption porte sur un acte juste mais non sujet à salaire. Cette situation, qui a déjà été confirmée par la Cour de cassation (Cass. 15 février 1965, Pas. I, nº 610-612), constitue une anomalie sans justification. L'article 252 nouveau proposé prévoit une possibilité générale de prononcer l'interdiction pour toutes les infractions de corruption.

Le deuxième objectif poursuivi en ce qui concerne les sanctions, c'est l'adaptation des taux des peines. Dans l'esprit de la note de politique sur la politique pénale et l'exécution des peines, les minima d'emprisonnement prévus ont été portés à six mois : soit le juge estimera que la gravité des faits justifie une peine d'emprisonnement et celle-ci sera supérieure à six mois, soit il prononcera seulement une peine d'amende. Par ailleurs, les maxima des amendes ont été augmentés conformément aux taux prévus prévus par les nouvelles lois pour des infractions de même gravité ­ blanchiment, fraudes : de 10 000 francs (× 200 : soit 2 000 000 francs) pour les faits de moyenne gravité jusqu'à 100 000 francs (× 200 : soit 20 millions) pour les faits les plus graves.

Deux autres sanctions ont été prévues. Il s'agit d'interdictions professionnelles particulières : d'une part l'interdiction de prendre part aux marchés publics (pour la corruption publique), d'autre part l'interdiction d'exercer certaines fonctions, professions ou activités dans le secteur économique (pour la corruption privée).

2.4. Compétence extra-territoriale

Les amendements contiennent enfin une disposition relative à la poursuite des infractions de corruption commises hors du territoire de la Belgique. Compte tenu de l'internationalisation de l'activité économique, des extensions prévues par l'amendement, en particulier en ce qui concerne la corruption des fonctionnaires internationaux et des fonctionnaires étrangers, et des obligations internationales contractées par la Belgique en la matière, il est apparu nécessaire de prévoir des dispositions spécifiques à ce sujet, pour aller au-delà des critères de compétence extra-territoriale classiques déjà prévus par le titre préliminaire du code de procédure pénale.


L'adoption d'un tel texte, sans apporter de modification révolutionnaire à notre système pénal, permettrait de combler des lacunes importantes du droit belge et doterait la Belgique d'une législation cohérente et moderne dans le domaine de la lutte contre la corruption, s'inscrivant dans la ligne des instruments et des travaux au sein des enceintes internationales (Union européenne, Conseil de l'Europe, OCDE, ONU), qui pourrait même servir de modèle législatif pour les discussions à ce sujet au sein de ces enceintes.

B. COMMENTAIRE DES ARTICLES

Article 2

Cet article modifie l'intitulé du titre IV du livre II du Code pénal en utilisant les termes « personnes qui excercent une fonction publique ».

Article 3

Cet article remplace le chapitre III du titre IV par un chapitre III nouveau, qui contient les articles 240 à 244 du Code pénal. Ces articles ont subi pour l'essentiel des modifications terminologiques dont les raisons sont explicitées dans la partie générale de cette justification. Dans tous les cas, la notion de personne exerçant une fonction publique a été introduite, de même que la notion de « fonction » remplace systématiquement celle de « charge ».

On indiquera ci-dessous les autres modifications apportées à ces dispositions.

L'article 240 nouveau reprend le contenu de l'article 240 ancien. La peine d'amende est augmentée par rapport à celle prévue par l'article 244 actuel. L'atténuation de peine en cas de détournement inférieur au cautionnement est supprimée.

L'article 241 nouveau reprend le contenu de l'article 241 ancien. La peine d'amende est augmentée. Une troisième hypothèse est ajoutée à celles déjà prévues (dépositaire, personne à qui les pièces ont été communiquées à raison de sa fonction) : c'est celle dans laquelle la personne a eu accès aux pièces à raison de ses fonctions. Cette dernière hypothèse vise le cas où la personne qui exerce une fonction publique a usé des possibilités découlant de sa fonction pour avoir accès à des pièces qui ne lui étaient pas destinées et à propos desquelles il n'avait pas de responsabilité particulière. La suggestion du Conseil d'État, consistant à mentionner explicitement les supports informatique ou magnétique n'a pas été suivie. En effet, la destruction d'actes ou titres doit être punissable quel que soit le support au moyen duquel il sont conservés.

L'article 242 nouveau reprend le contenu de l'article 242 ancien. La peine d'emprisonnement est élevée à deux ans et la peine d'amende est augmentée. Les termes « procédures criminelles » dans la version française, sont remplacés par les termes de « actes de la procédure ». Les supports informatiques et magnétiques sont également couverts.

L'article 243 nouveau reprend le contenu de l'article 243 ancien. L'amende est augmentée. L'article 244 nouveau reprend le contenu de l'article 245 ancien. L'amende est augmentée. L'article 244 ancien disparaît, son contenu étant absorbé dans les dispositions existantes.

Article 4

L'intitulé du chapitre IV est modifié conformément aux modifications terminologiques indiquées dans la partie générale.

Article 246. L'article 246 contient la définition de la corruption passive (§ 1) et de la corruption active (§ 2). Conformément à ce qui a été dit dans la partie générale à propos de la logique retenue, ce qui est défini ici, c'est l'acte unilatéral de corruption en tant que tel. En ce qui concerne l'objet de la corruption, les différents objets sont énumérés à l'article 247, qui contient également des sanctions modulées en fonction de leur gravité respective.

L'article 246, § 3, assimile à une personne qui exerce une fonction publique toute personne qui s'est portée candidate à cette fonction ou qui se présente comme pouvant prochainement exercer cette fonction. L'objectif visé est de pouvoir sanctionner, dès l'origine, la corruption, même si elle est accomplie entre personnes privées en prévision de l'accession d'une des parties à une fonction publique, en vue de l'accomplissement ultérieur d'un acte à l'occasion de l'exercice futur de cette fonction. Le but d'une telle assimilation est double : d'une part, elle permet de punir des personnes qui ne sont pas encore titulaires d'une fonction publique, sans devoir attendre qu'elles le deviennent suite à la corruption, mais d'une d'autre part, elle vise également à sanctionner des personnes qui ne deviennent pas ultérieurement titulaires d'une fonction publique.

C'est la raison pour laquelle le gouvernement n'a pas repris l'ajout proposé par le Conseil d'État, lequel empêcherait précisément d'atteindre ces deux finalités : il faudrait attendre que la personne soit devenue titulaire de la fonction publique pour qu'elle soit punissable et des poursuites exercées immédiatement après la constatation des faits ­ par exemple dans le cadre d'une campagne électorale ­ seraient impossibles; par ailleurs, la corruption concernant une personne qui ne deviendrait pas titulaire d'une fonction publique resterait impunie.

Article 247 . L'article 247 contient quatre paragraphes, qui identifient quatre objets possibles de la corruption : celle-ci peut viser l'accomplissement d'un acte juste (c'est-à-dire d'un acte que la personne qui exerce la fonction publique aurait accompli de toute manière, conformément aux règles s'imposant à elle), l'accomplissement d'un acte injuste ou l'abstention d'un acte rentrant dans l'ordre des devoirs, l'accomplissement d'un crime ou d'un délit ou l'usage d'une influence pour l'obtention ou l'abstention d'un acte.

Conformément à la logique générale adoptée par le texte des amendements et expliquée dans la partie générale, on a distingué dans chaque cas, pour ce qui concerne la peine applicable, l'hypothèse de l'acte unilatéral de corruption et celle du pacte de corruption. Les peines prévues par cet article s'appliquent tant à la corruption passive qu'à la corruption active.

L'article 247, § 1, sanctionne la corruption pour l'accomplissement d'un acte de la fonction, qui est juste mais non sujet à salaire. C'est l'hypothèse visée à l'article 246, alinéa 1, actuel. Les peines sont augmentées [dans le cas d'un acte de corruption : un maximum de deux ans au lieu de six mois pour l'emprisonnement; un maximum de 25 000 francs (soit 5 000 000 francs) au lieu de 500 francs pour l'amende (soit 100 000 francs)].

L'article 247, § 2, sanctionne la corruption pour l'accomplissement d'un acte injuste à l'occasion de l'exercice de la fonction ou l'abstention d'un acte entrant dans l'ordre des devoirs. C'est l'hypothèse visée à l'article 246, alinéa 2, actuel. Les peines sont augmentées (trois ans au lieu d'un an et 500 000 francs au lieu de 1 000 francs, dans le cas d'un pacte de corruption).

L'article 247, § 2, alinéa 3, sanctionne la corruption pour l'accomplissement d'un acte injuste à l'occasion de l'exercice de la fonction ou l'abstention d'un acte entrant dans l'ordre des devoirs, lorsqu'elle est suivie d'effet. C'est l'hypothèse visée à l'article 247 actuel. Les peines sont augmentées (cinq ans au lieu de trois et 75 000 francs au lieu de 3 000 francs).

L'article 247, § 3, sanctionne la corruption pour la réalisation d'un crime ou d'un délit. C'est l'hypothèse visée à l'article 248 actuel. L'amende est augmentée (de 5 000 à 100 000 francs, dans le cas d'un pacte de corruption).

L'article 247, § 4, sanctionne la corruption qui a pour objet l'usage d'une influence pour obtenir un acte d'une autorité ou administration publique ou l'abstention d'un tel acte. Il s'agit d'une nouvelle incrimination en droit belge. Par la notion « influence réelle ou supposée », on indique qu'il n'est pas exigé que la fonction publique exercée soit objectivement de nature à influencer effectivement l'autorité qui doit prendre l'acte. Il suffit que la personne qui fait la proposition pense que la personne à laquelle elle s'adresse dispose bien de l'influence nécessaire ou que cette dernière se présente comme disposant d'une telle influence. Suite à l'observation du Conseil d'État, on a remplacé l'expression « actes administratifs ou judiciaires » par celle d'« actes d'une autorité ou administration publique ». Cette dernière expression, reprise de l'article 433-1, 2º, du Code pénal français, a un champ d'application plus large et vise notamment aussi des actes non normatifs relevant de l'activité du pouvoir législatif, des actes non judiciaires relevant de l'activité d'autorités judiciaires ou de personnes travaillant pour la justice, de même que des actes relevant du Conseil d'État et de la Cour d'arbitrage. La peine est la même que celle prévue pour la corruption qui a pour objet l'accomplissement d'un acte juste.

L'article 247, § 4, alinéa 3, sanctionne la corruption pour l'usage de l'influence lorsqu'elle est suivie d'effet, c'est-à-dire lorsque l'influence est effectivement exercée par la personne corrompue. Cette circonstance aggravante est parallèle à celle qui est prévue en cas de corruption pour commettre un acte injuste. Le fait que la personne corrompue fasse effectivement ce sur quoi portait le pacte de corruption justifie une sanction plus sévère. Pour que la corruption ayant pour objet l'usage d'une influence soit considérée comme étant suivie d'effet, il n'est pas requis que l'influence ait effectivement eu pour résultat l'obtention ou l'abstention de l'acte souhaitées. Dans la mesure où cette circonstance est indépendante de la volonté des deux parties au pacte de corruption, mais relève d'une tierce personne qui, par hypothèse est étrangère à l'infraction, cet élément ne peut être retenu comme élément constitutif. Ce qui est requis, c'est que l'influence ait été effectivement exercée, c'est-à-dire que la personne corrompue ait effectivement agi à la suite du pacte de corruption, indépendamment de la nature et des effets réels de son action sur l'acte de l'autorité ou de l'administration publique. La peine est la même que celle prévue pour la corruption qui a pour objet l'accomplissement d'un acte injuste.

Contrairement au texte initial du gouvernement, les présents amendements ne contiennent pas de disposition incriminant la tentative de corruption. Cette suppression est justifiée par le changement de logique qui a été adopté suite à l'avis du Conseil d'État. Dans la mesure où on considère que l'acte unilatéral de solliciter (du point de vue de la personne exerçant une fonction publique) ou de proposer (du point de vue du corrupteur) est constitutif de corruption et non plus seulement de tentative de corruption, qui consisterait dans un acte extérieur qui formerait un commencement d'exécution d'une sollicitation ou d'une proposition. C'est d'ailleurs de cette manière que le rapport explicatif du protocole à la convention sur la protection des intérêts financiers des Communautés européennes, adopté par le Conseil de l'Union européenne le 27 septembre 1996 justifie l'absence d'obligation d'incrimination de la tentative.

Contrairement à l'avis du Conseil d'État, le gouvernement estime que l'instigation à commettre un fait de corruption, qui doit être sanctionnée en vertu des instruments de l'Union européenne relatifs à la corruption, est adéquatement couverte par les règles du droit belge en matière de participation (article 66 du Code pénal). Le sens des termes contenus dans une convention internationale doit en principe être interprété à la lumière du droit de chaque État membre. Quand la convention demande d'incriminer la complicité et l'instigation, elle renvoie à la portée de ces notions dans le droit interne de chaque État membre. En ce qui concerne la Belgique, la notion d'instigation est inconnue, comme le fait justement remarquer le Conseil d'État, et celle qui correspond à celle que la convention a en vue est celle de la provocation à commettre une infraction (article 66 du Code pénal). Le rapport explicatif du protocole susmentionné précise d'ailleurs ce point, en disant que les concepts en question doivent être interprétés conformément à la définition qui en est donnée dans le droit pénal de chaque État membre.

Article 248. L'article 248 prévoit une circonstance aggravante pour la corruption visant certaines catégories de personnes exerçant des fonctions spécifiques dans le domaine de la recherche et de la poursuite des infractions : les fonctionnaires de police, les personnes revêtues de la qualité d'officier de police judiciaire et les membres du ministère public. La corruption de telles personnes porte atteinte de façon plus directe et plus grace à l'ordre public que d'autres formes de corruption, dans la mesure où ces personnes se voient assigner par la loi des missions essentielles dans le cadre du maintien de l'État de droit et de l'exercice de la justice et que la loi leur a en conséquence donné des pouvoirs importants à l'égard des droits fondamentaux des personnes et a donné à leurs constatations une autorité particulière dans le cadre de la procédure judiciaire. Il s'impose dès lors que la corruption de ces catégories professionnelles fasse l'objet de sanctions supérieures, à la fois pour protéger les personnes visées contre les corrupteurs potentiels et pour les dissuader elles-mêmes de toute pratique et de toute tolérance qui irait à l'encontre de leur mission. Le maximum des peines prévues à l'article 247 est dès lors doublé à leur égard.

Cette disposition vise à protéger particulièrement les actes qui relèvent spécifiquement de la fonction des personnes visées et ne s'applique pas au trafic d'influence, pour lequel celles-ci sont sanctionnées comme toute autre personne exerçant une fonction publique. La disposition a été limitée en ce sens, suite à l'observation du Conseil d'État sur la relation entre l'article 248 et l'article 249.

Article 249. L'article 249 concerne la corruption visant les personnes ayant une mission juridictionnelle : arbitre, juré, juge assesseur, juge. Une distinction existe déjà pour cette catégorie de personnes dans le Code pénal actuel. La justification en est que, vu l'importance de leur fonction et les effets des décisions qu'elles prennent sur les droits et libertés fondamentaux des personnes, tout acte de corruption à leur égard et d'une gravité nettement plus grande que la corruption visant d'autres catégories professionnelles. On a maintenu les peines privatives de liberté existantes, on a augmenté le maximum des amendes. On a toutefois modifié sur un point la gradation établie par le code : les juges assesseurs étaient punis de peines moins sévères que les jurés, pour le motif que les décisions prises par les jurés concernent par définition des affaires plus graves (puisqu'il s'agit de crimes relevant de la Cour d'assises). On a cependant estimé ici qu'il fallait également tenir compte du degré d'intégration de la personne dans la fonction juridictionnelle. Un juré est un juge d'occasion, qui n'a aucune connaissance préalable du système de justice pénale. Aussi, même s'il est normal de prévenir la corruption qui le viserait par une peine sévère (une peine criminelle), il n'est pas logique de prévoir une peine plus légère des juges assesseurs, dans la mesure où ceux-ci, même s'ils ne sont pas des juges professionnels, sont néanmoins plus intégrés dans la fonction juridictionnelle que les jurés.

En ce qui concerne cet article, on a également ajouté une précision par rapport aux articles actuels sur le même objet : cette disposition ne s'applique aux catégories professionnelles visées que si la corruption a pour objet un acte relevant de leur fonction juridictionnelle. Ceci signifie que si la corruption vise un juge à propos d'un acte purement administratif à l'occasion de l'exercice de sa fonction, ou l'exercice par le juge de son influence à l'égard d'une autre instance judiciaire ou administrative, dans ces hypothèses, le juge serait punissable sur la base des dispositions de l'article 247 et non de l'article 249.

Article 250. L'article 250 rend punissable la corruption lorsqu'elle vise des fonctionnaires étrangers. l'article procède par assimilation : les peines sont par conséquent celles prévues par les articles 247 et suivants pour les mêmes faits.

La qualité de personne qui exerce une fonction publique s'apprécie d'après le droit de l'État concerné. Toutefois, lorsque cet État est extérieur à l'Union européenne, l'article 250, § 2, prévoit que cette qualité doit en outre être appréciée au regard du droit belge. Cette condition supplémentaire a pour objet de tenir compte des différences éventuellement très importantes qui peuvent exister entre des systèmes juridiques très éloignés sur l'appréciation de ce qu'est l'exercice d'une fonction publique et d'éviter que ne soit punissable en Belgique une personne qui ne pourrait en aucune manière être considérée comme exerçant une fonction publique, mais qui est pourtant considérée comme telle par le droit de l'État dont elle relève (par sa nationalité ou sa résidence).

Il faut préciser que cet article concerne la punissabilité d'un fait qui est en principe commis en Belgique (en vertu du principe de territorialité du droit pénal). La question de savoir comment peut être poursuivi le même fait lorsqu'il est commis hors du territoire belge est réglée par l'article 6 des amendements, qui concerne la compétence extraterritoriale du juge belge.

Article 251. L'article 251 rend punissable la corruption qui vise des personnes qui exercent une fonction publique au sein d'une organisation internationale publique dont la Belgique est membre. L'article procède par assimilation : les peines sont par conséquent celles prévues par les articles 247 et suivants pour les mêmes faits.

Article 252. L'article 252 prévoit que l'interdiction prévue à l'article 33 du Code pénal peut être prononcée dans tous les cas, alors qu'en vertu du droit actuel, celle-ci n'est pas possible dans le cas de l'article 246, alinéa 1er , actuel du code.

Article 253. L'article 253 actuel est supprimé. Il ne paraît plus justifié d'attribuer les biens confisqués au CPAS du lieu de l'infraction, mais il semble préférable que toute confiscation se fasse au bénéfice du Trésoir public. En outre, vu la modification de l'article 42 du Code pénal par la loi du 17 juillet 1990, qui a étendu les possibilités de confiscation, la disposition de l'article 253 ne paraît plus avoir d'utilité.

Article 5

L'article 5 du texte insère une section 3bis dans le chapitre II (des fraudes) du titre II (des crimes et délits contre les propriétés) du livre II du Code pénal, relatif à la corruption privée.

L'article 504bis définit la corruption privée active et passive. Celle-ci peut viser toute personne qui a une fonction professionnelle particulière à l'égard d'une personne physique ou morale. C'est la raison pour laquelle le texte vise expressément l'administrateur, le gérant, le mandataire et le préposé (cette dernière notion couvre celle d'employé, tout en étant plus large). Elle vise non seulement des personnes liées par un contrat d'emploi, mais elle s'étend également à des personnes ayant un statut d'indépendant et qui sont mandatées pour effectuer une mission particulière. Elle peut exister dans le cadre d'entreprises ayant la forme de personnes morales ou constituées de personnes physiques, de sociétés commerciales ou d'associations sans but lucratif.

L'article 504ter prévoit la peine. Celle-ci est la même que pour le pacte de corruption pour commettre un acte juste. Dans le cas du pacte, la peine est la même que pour le pacte de corruption pour accomplir un acte injuste.

Article 6

Les dispositions du texte initial sur ce point ont été revues suite à l'avis du Conseil d'État, non pas tellement pour en modifier la portée, mais pour en garantir la cohérence et la lisibilité. Dans cette perspective, on a opté, en attendant la refonte globale de ce chapitre du titre préliminaire, pour l'insertion d'une disposition spécifique relative à la corruption (un article 10quater ), qui couvre toutes les hypothèses envisageables.

En ce qui concerne les fonctionnaires belges et les fonctionnaires européens, le texte prévoit une compétence extra-territoriale inconditionnée pour les faits commis hors de Belgique à leur égard.

Quant aux fonctionnaires européens, ces dispositions répondent à une obligation imposée par l'article 6 du protocole susmentionné et par l'article 7 de la convention susmentionnée (cas où l'auteur de l'infraction est un fonctionnaire communautaire au service d'une institution des Communautés européennes ou d'un organisme constitué dans le cadre des traités instituant les Communautés européennes et ayant son siège en Belgique). Cette compétence découle de l'obligation pour les États membres de veiller à la poursuite effective des faits qui portent atteinte à l'Union européenne, en l'absence de compétence pénale propre de l'Union européenne.

Le texte prévoit en outre une compétence extra-territoriale pour les faits commis hors de Belgique à l'égard de fonctionnaires internationaux. Cette compétence est subordonnée à l'avis officiel donné à l'autorité belge par l'autorité compétente de l'organisation internationale concernée.

Le texte prévoit une compétence extra-territoriale pour les faits commis hors de Belgique à l'égard de fonctionnaires des autres États membres de l'Union européenne. Cette compétence est subordonnée à l'avis officiel donné à l'autorité belge par l'autorité de l'État concerné.

Cette compétence découle de la solidarité qui doit exister entre les États membres de l'Union européenne pour la répression d'actes qui touchent aux intérêts propres d'un des membres. Pour éviter tout conflit positif de juridiction, cette compétence est subordonnée à la demande de l'État membre concerné.

Enfin, le texte prévoit une compétence extra-territoriale pour les faits concernant des fonctionnaires d'autres États étrangers. Cette disposition vise à rencontrer l'obligation imposée par l'article 4.2. de la convention OCDE susmentionnée. La mise en oeuvre de cette compétence est cependant liée à une triple condition : double incrimination (punissabilité dans le pays dont relève le fonctionnaire), réciprocité (punissabilité des agents publics étrangers dans le pays dont relève le fonctionnaire) et avis officiel du pays dont relève le fonctionnaire. Dans le projet initial du gouvernement, ces deux premières conditions affectaient la punissabilité même du fait, mais, suite à l'avis du Conseil d'État et aux considérations susmentionnées, il a été décidé de les limiter à de simples conditions à l'exercice des poursuites pour des faits commis hors du territoire.

Article 7

Cet article modifie l'article 58 du Code des impôts sur les revenus, afin de restreindre les possibilités de déductibilité fiscale des commissions secrètes. Cette modifiation s'inscrit dans le cadre des engagements pris par la Belgique sur le plan international, en particulier à l'OCDE. Suite à une recommandation du Conseil de l'OCDE du 27 mai 1994 relative à la corruption dans le cadre des transactions commerciales internationales et plus particulièrement de l'obtention et du maintien de marchés publics et à la recommandation du comité des affaires fiscales de l'OCDE, le Conseil de l'OCDE a adopté, le 11 avril 1996, une nouvelle recommandation qui vise tout particulièrement le rôle de la fiscalité dans la lutte contre la corruption de fonctionnaires publics. Les États membres qui acceptent la déductibilité des pots-de-vin sont invités à réexaminer ce traitement, en vue de refuser cette déductibilité.

Compte tenu du caractère nécessairement secret des commissions qui sont allouées, il y avait lieu de modifier le prescrit légal de l'article 58 du Code des impôts sur les revenus en présumant de manière irréfragable que l'octroi d'une commission dans le cadre d'un marché public ou d'une autorisation administrative sert à corrompre des agents publics.

Article 8

Cet article modifie l'article 19, § 1er , 1º, littera d), de la loi du 20 mars 1991 organisant l'agréation d'entrepreneurs de travaux, afin de permettre au ministre compétent d'ordonner le déclassement, la suspension ou le tretait d'un entrepreneur qui se serait rendu coupable de corruption (au sens des articles 246 et suivants proposés) dans le cadre de l'obtention d'un marché public.

Article 9

Cet article modifie l'arrêté royal nº 22 du 24 octobre 1934, portant interdiction à certains condamnés et aux faillis d'exercer certaines fonctions, professions ou activités et conférant aux tribunaux de commerce la faculté de prononcer de telles interdictions, afin de permettre qu'une interdiction soit également prononcée à l'égard d'une personne condamnée pour corruption privée sur la base des articles 504bis et 504ter en projet. Cette modification est dans la logique même de cet arrêté royal, qui permet déjà de prononcer une telle interdiction lorsqu'une personne a été condamnée pour corruption publique et constitue la conséquence logique de la création de la nouvelle incrimination de corruption privée.


Telles sont les considérations qu'appelle le présent amendement.

Le ministre de la Justice,

Stefaan DE CLERCK.

Nº 3 DE M. RAES

(sous-amendement à l'amendement nº 2 du Gouvernement)

Art. 3

À l'alinéa premier de l'article 243 proposé, remplacer les mots « et pourra être condamné » par les mots « et sera condamné ».

Justification

L'on ne peut absolument plus faire confiance à une personne qui, dans l'exercice d'une fonction publique, s'est rendue coupable de corruption, active ou passive. Un fonctionnaire corrompu ne peut plus remplir de fonction, d'emploi ou d'office public, étant donné que la confiance constitue le fondement de l'exercice d'une fonction publique. Dès lors, l'interdiction du droit de remplir des fonctions, emplois ou offices publics doit être systématiquement prononcée en cas de corruption et non constituer une peine pouvant être prononcée à titre complémentaire.

Nº 4 DE M. RAES

(sous-amendement à l'amendement nº 2 du Gouvernement)

Art. 3

À l'alinéa premier de l'article 244 proposé, remplacer les mots « et pourra, en outre, être condamnée » par les mots « et sera, en outre, condamnée ».

Justification

Voir l'amendement nº 3.

Nº 5 DE M. RAES

(sous-amendement à l'amendement nº 2 du Gouvernement)

Art. 4

À l'article 252 proposé, remplacer les mots « pourront également être » par les mots « seront également ».

Justification

Voir l'amendement nº 3.

Roeland RAES.

Nº 6 DE M. BOUTMANS

Art. 4bis (nouveau)

Insérer, au chapitre II de la proposition de loi, un article 4bis (nouveau), libellé comme suit :

« Art. 4bis. ­ Les dispositions du présent chapitre sont également applicables, selon le cas, aux membres de la Commission des Communautés européennes et aux fonctionnaires ou aux autres membres du personnel des institutions de l'Union européenne, aux membres de la Cour des comptes et aux juges de la Cour de justice et du tribunal de première instance des Communautés européennes, aux officiers et aux fonctionnaires qui sont au service d'une puissance étrangère reconnue par la Belgique ou des institutions internationales ou supranationales auxquelles la Belgique a adhéré, ainsi qu'aux juges ou aux procureurs des tribunaux ou des cours de justice internationaux reconnus par la Belgique. »

Justification

Le chapitre auquel l'article proposé se réfère est, bien entendu, le chapitre en question du Code pénal, et non le chapitre de la proposition de loi. On voit ainsi clairement que nous associons à l'incrimination les institutions européennes et internationales, tant pour la corruption active que pour la corruption passive.

La corruption de fonctionnaires étrangers et supranationaux doit être sanctionnée tout autant que celle des fonctionnaires belges. Il s'agit d'une exécution partielle de la convention européenne du 26 mai 1997 relative à la lutte contre la corruption impliquant des fonctionnaires des Communautés européennes ou des États membres de l'Union européenne. Il n'y a toutefois aucune raison de limiter la disposition aux États membres de l'Union européenne. La Cour européenne des droits de l'homme, la Cour de justice du Benelux, par exemple, sont tout autant des instances susceptibles d'être impliquées dans des manoeuvres ou des tentatives de corruption.

En ce qui concerne le principe de territorialité, on suivra la règle ordinaire : l'infraction est punissable en Belgique dès qu'au moins un de ses éléments a été réalisé en Belgique. Étant donné que bon nombre d'institutions européennes et internationales ont leur siège dans notre pays, c'est souvent chez nous que l'acte indésirable sera commis.

En outre, l'incrimination est nécessaire pour que l'on puisse demander ou accorder l'extradition.

Le fait que l'article renvoie à l'article 33 du Code pénal ne doit pas constituer un obstacle : en effet, même si cette disposition aura rarement un effet réel quelconque pour les étrangers, les fonctionnaires en question peuvent également être Belges. En outre, de plus en plus d'emplois publics sont accessibles aux citoyens de l'Union européenne.

Eddy BOUTMANS.

Nº 7 DE MME JEANMOYE

(Sous-amendement à l'amendement nº 2 du Gouvernement)

Art. 3

Apporter à cet article les modifications suivantes :

A) Remplacer la phrase liminaire par ce qui suit :

« L'intitulé du chapitre III, du livre II, titre IV, et les articles 240 à 243 du même Code sont remplacés par les dispositions suivantes : »

B) Supprimer les articles 244 et 245 proposés.

Justification

Correction légistique.

Nº 8 DE MME JEANMOYE

(Sous-amendement à l'amendement nº 2 du Gouvernement)

Art. 3bis (nouveau)

Insérer un article 3bis (nouveau), libellé comme suit :

« Art. 3bis. ­ L'article 244 du même Code est abrogé. »

Justification

Correction légistique (voir amendement nº 7).

Nº 9 DE MME JEANMOYE

(Sous-amendement à l'amendement nº 2 du Gouvernement)

Art. 3ter (nouveau)

Insérer un article 3ter (nouveau), libellé comme suit :

« Art. 3ter. ­ L'article 245 du même Code est remplacé par ce qui suit :

Art. 245. ­ Toute personne exerçant une fonction publique, qui, soit directement, soit par interposition de personnes ou par actes simulés, aura pris ou reçu quelque intérêt que ce soit dans les actes, adjudications, entreprises ou régies dont elle avait, au temps de l'acte, en tout ou en partie, l'administration ou la surveillance, ou qui, ayant mission d'ordonnancer le paiement ou de faire la liquidation d'une affaire, y aura pris un intérêt quelconque, sera punie d'un emprisonnement d'un an à cinq ans et d'une amende de 100 francs à 50 000 francs ou d'une de ces peines, et pourra, en outre, être condamnée à l'interdiction du droit de remplir des fonctions, emplois ou offices publics, conformément à l'article 33.

La disposition qui précède ne sera pas applicable à celui qui ne pouvait, en raison des circonstances, favoriser par sa position ses intérêts privés, et qui aura agi ouvertement. »

Justification

Correction légistique (voir amendements nºs 7 et 8).

Dominique JEANMOYE.

Nº 10 DE M. ERDMAN

(Sous-amendement à l'amendement nº 2 du Gouvernement)

Art. 4

À l'article 247 proposé, au § 2, alinéas 1er , 2 et 3, au § 3, alinéas 1er et 2, au § 4, alinéas 1er , 2 et 3, et à l'article 249 proposé, au § 1er , alinéas 1er et 2, au § 2, alinéas 1er et 2, et au § 3, alinéa 2, supprimer les mots « ou une de ces peines ».

Justification

Si l'article 244 en vigueur du Code pénal prévoit en outre une amende pour tous les cas de corruption, il ne permet aucunement de prononcer soit la peine de prison, soit l'amende. On ne peut pas davantage arguer que, dans le cadre d'une « approche criminalistique nouvelle », il faut, pour ces faits graves, dont certains sont des crimes, laisser au juge la possibilité de choisir entre ces deux peines.

Nous ne pouvons pas justifier cette possibilité de choix, à moins qu'on n'adopte un système dans lequel le juge aurait effectivement la latitude de choisir, en toute liberté, dans un éventail global de peines, pour tous les faits qualifiés de corruption. Cependant, le Gouvernement ne semble nullement défendre une telle « approche criminalistique nouvelle. »

Si l'on a conservé la possibilité de choix à l'article 247, § 1er , c'est parce qu'il s'agit, en l'espèce, d'actes justes; dans toutes les autres circonstances, il s'agit d'actes injustes. On peut également faire référence à l'article 242 du Code pénal, qui réprime à peu près un acte de négligence, et où la possibilité de choix se justifie.

Nº 11 DE M. ERDMAN

(Sous-amendement à l'amendement nº 2 du Gouvernement)

Art. 4

À l'article 246, § 3, proposé, apporter les corrections suivantes :

A) Remplacer les mots « qui se présente comme pouvant prochainement exercer une telle fonction » par les mots « qui fait croire qu'elle exercera une telle fonction » .

B) Compléter le § 3 par le texte suivant :

« ou qui, en usant de fausses qualités, fait croire qu'elle exerce une telle fonction. »

Justification

A. La terminologie usitée dans l'amendement du Gouvernement soulève diverses questions :

a) selon toute probabilité, on ne vise pas l'usage de faux noms ou de fausses qualifications, ou éventuellement l'emploi de manoeuvres frauduleuses (ce qui est prévu à l'article 496 du Code pénal ­ escroquerie). Ce qui est visé en l'espèce, c'est le fait de communiquer à autrui que l'on exercera la fonction;

b) « comme pouvant » : l'élément aléatoire qui intervient ici est compensé, dans la terminologie nouvelle, par l'emploi du futur « qu'il exercera »;

c) « prochainement » : le terme en tant que tel donne matière à interprétation en fonction du délai qui doit encore s'écouler.

Le texte proposé se rapproche beaucoup plus de texte de l'article 496 du Code pénal qui, dans l'unicité d'intention, peut ou non être retenu comme qualification supplémentaire. Il s'agit bel et bien de faire croire (et donc de faire admettre par autrui) que l'on exercera la fonction (la chose peut être annoncée, elle peut être décrite comme possible, elle peut éventuellement ne pas se faire). Ce qui importe en l'espèce, c'est qu'autrui croie et admette effectivement ce qu'on lui dit et reconnaise dans l'auteur la personne qui exercera la fonction.

B. Le texte proposé punit :

1º la personne qui exerce une fonction publique;

2º la personne qui a posé sa candidature à une telle fonction;

3º la personne qui fait croire qu'elle exercera une telle fonction.

Pourquoi alors ne pas punir la personne qui, par des manoeuvres frauduleuses, fait croire qu'elle exerce effectivement la fonction ?

On pourrait évidemment arguer qu'il s'agit là d'escroquerie, laquelle est visée à l'article 496 du Code pénal. On pourrait cependant tout aussi bien qualifier l'acte en question de corruption, indépendamment de l'unicité d'intention et de durée.

Par ailleurs, on punit également les personnes qui se rendent coupables de corruption active, alors que les victimes d'escroquerie, elles, ne font naturellement pas l'objet de poursuites.

Fred ERDMAN.

Nº 12 DU GOUVERNEMENT

(Sous-amendement du gouvernement à son amendement nº 2)

Art. 3

À l'article 242 proposé, insérer le mot « judiciaire » entre les mots « procédure » et les mots « soit d'autres papiers ».

Nº 13 DU GOUVERNEMENT

(Sous-amendement du gouvernement à son amendement nº 2)

Art. 3

Renuméroter l'article 244 proposé en article 245.

Nº 14 DU GOUVERNEMENT

(Sous-amendement du gouvernement à son amendement nº 2)

Art. 4

Aux §§ 2, alinéa 2, et 3, alinéa 2, de l'article 249 proposé, supprimer les mots « ou une de ces peines ».

Nº 15 DU GOUVERNEMENT

(Sous-amendement du gouvernement à son amendement nº 2)

Art. 4

À l'article 252 proposé, insérer les mots « Sans préjudice de l'application des articles 31 et 32 » avant les mots « Les personnes punies ».

Nº 16 DU GOUVERNEMENT

(Sous-amendement du gouvernement à son amendement nº 2)

Art. 5

Remplacer l'article 504bis proposé par la disposition suivante :

« Art. 504bis. ­ § 1. Est constitutif de corruption privée passive le fait pour une personne qui a la qualité d'administrateur ou de gérant d'une personne morale, mandataire ou préposé d'une personne morale ou physique, de solliciter ou d'accepter, directement ou par interposition de personnes, une offre, une promesse ou un avantage de toute nature, pour elle-même ou pour un tiers, pour poser un acte ou s'en abstenir à l'occasion de l'exercice de son activité, à l'insu et sans l'autorisation, selon le cas, du conseil d'administration ou de l'assemblée générale, du mandant ou de l'employeur.

§ 2. Est constitutif de corruption privée active le fait de proposer, directement ou par interposition de personnes, à une personne qui a la qualité d'administrateur ou de gérant d'une personne morale, mandataire ou préposé d'une personne morale ou physique, une offre, une promesse ou un avantage de toute nature, pour elle-même ou pour un tiers, pour poser un acte ou s'en abstenir à l'occasion de l'exercice de son activité, à l'insu et sans l'autorisation, selon le cas, du conseil d'administration ou de l'assemblée générale, du mandant ou de l'employeur. »

Nº 17 DU GOUVERNEMENT

(Sous-amendement du gouvernement à son amendement nº 2)

Art. 10 (nouveau)

Insérer un article 10 (nouveau), rédigé comme suit :

« Art. 10. ­ L'article 244 du Code pénal est abrogé. »

Nº 18 DU GOUVERNEMENT

(Sous-amendement du gouvernement à son amendement nº 2)

Art. 11 (nouveau)

Insérer un article 11 (nouveau), rédigé comme suit :

« Art. 11. ­ L'intitulé « Disposition particulière » de l'article 245 du même code est supprimé. »

Nº 19 DU GOUVERNEMENT

(Sous-amendement du gouvernement à son sous-amendement nº 16)

Art. 5

Remplacer l'article 504bis proposé par la disposition suivante :

« Art. 504bis. ­ § 1. Est constitutif de corruption privée passive le fait pour une personne qui a la qualité d'administrateur ou de gérant d'une personne morale, de mandataire ou de préposé d'une personne morale ou physique, de solliciter ou d'accepter, directement ou par interposition de personnes, une offre, une promesse ou un avantage de toute nature, pour elle-même ou pour un tiers, pour faire ou s'abstenir de faire un acte de sa fonction ou facilité par sa fonction, à l'insu et sans l'autorisation, selon le cas, du conseil d'administration ou de l'assemblée générale, du mandant ou de l'employeur.

§ 2. Est constitutif de corruption privée active le fait de proposer, directement ou par interposition de personnes, à une personne qui a la qualité d'administrateur ou de gérant d'une personne morale, de mandataire ou de préposé d'une personne morale ou physique, une offre, une promesse ou un avantage de toute nature, pour elle-même ou pour un tiers, pour faire ou s'abstenir de faire un acte de sa fonction ou facilité par sa fonction, à l'insu et sans l'autorisation, selon le cas, du conseil d'administration ou de l'assemblée générale, du mandant ou de l'employeur. »